Language of document : ECLI:EU:T:2010:245

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

18 juin 2010 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Déclaration de nullité – Délai de recours – Erreur excusable – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑51/10,

Bell & Ross BV, établie à Zoetermeer (Pays-Bas), représentée par Me S. Guerlain, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI),

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Klockgrossisten i Norden AB, établie à Upplands Väsby (Suède),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 27 octobre 2009 (affaire R 1267/2008-3), relative à une procédure de nullité entre Klockgrossisten i Norden AB et Bell & Ross BV,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par décision du 27 octobre 2009 (ci-après la « décision attaquée »), relative à une procédure de nullité entre Klockgrossisten i Norden AB et Bell & Ross BV, la troisième chambre de recours de l’OHMI a confirmé la décision du 25 juin 2008 de la division d’annulation, déclarant nul le modèle contesté, relatif à la représentation d’une montre. La décision attaquée a été notifiée à la requérante, Bell & Ross, le 13 novembre 2009.

2        Par requête parvenue par télécopie au greffe du Tribunal le 22 janvier 2010, la requérante a introduit le présent recours.

3        Le 1er février 2010, la requérante a déposé, au greffe du Tribunal, une lettre destinée à accompagner l’original signé de la requête adressée par télécopieur ainsi que sept copies présentées comme étant certifiées conformes.

4        Le greffe du Tribunal, ayant constaté que seules sept copies de la requête, non certifiées conformes, avaient été annexées à la lettre de la requérante, a sollicité de cette dernière l’envoi de l’original signé de la requête.

5        Par lettre du 5 février 2010, la requérante a produit l’original signé de la requête, qu’elle avait conservé dans son dossier.

6        La requête a été enregistrée le 5 février 2010, c’est-à-dire après l’expiration du délai de dix jours, qui a couru à compter de la transmission de celle-ci par télécopieur, conformément à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal. En application de cette disposition, le greffe du Tribunal a considéré le recours comme ayant été formé à cette date.

7        Par lettre du 12 février 2010, la requérante a invoqué une erreur excusable pour justifier le dépôt de l’original signé de la requête après l’expiration du délai de dix jours susmentionné. Elle fait valoir, aux fins d’établir ce caractère excusable, l’impossibilité de distinguer l’original, signé en noir, de la requête, des copies de celle‑ci.

 Conclusions de la requérante

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

 En droit

9        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

10      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

11      Aux termes de l’article 65, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), le recours contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de ladite décision. Conformément à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

12      Selon une jurisprudence constante, ce délai de recours est d’ordre public, ayant été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge de l’Union européenne de vérifier, d’office, s’il a été respecté (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T‑121/96 et T‑151/96, Rec. p. II‑1355, points 38 et 39).

13      En l’espèce, comme indiqué au point 1 ci-dessus, la décision attaquée a été notifiée à la requérante le 13 novembre 2009.

14      Il résulte des règles de calcul des délais de procédure prévues à l’article 101, paragraphe 1, sous a) et b), et à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure que le délai de recours a expiré le 23 janvier 2010. Ce jour étant un samedi, le délai de recours doit être considéré comme ayant expiré le lundi 25 janvier 2010, conformément à l’article 101, paragraphe 2, du règlement de procédure.

15      La requête est parvenue par télécopie au greffe du Tribunal le 22 janvier 2010, soit avant l’expiration du délai de recours.

16      Toutefois, conformément à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure, la date à laquelle une copie de l’original signé d’un acte de procédure parvient au greffe du Tribunal par télécopieur n’est prise en considération, aux fins du respect des délais de procédure, que si l’original signé de l’acte est déposé à ce greffe au plus tard dix jours après la réception de la télécopie.

17      Or, en l’espèce, le 1er février 2010, la requérante a déposé au greffe du Tribunal sept copies, non certifiées conformes, de la requête. L’original signé de la requête est parvenu au greffe du Tribunal le 5 février 2010, soit après l’expiration du délai de dix jours prévu à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure. Dès lors, conformément à cette disposition, seule la date de dépôt de l’original signé de la requête, à savoir le 5 février 2010, doit être prise en considération aux fins du respect du délai de recours. Partant, il y a lieu de conclure que la requête a été déposée hors délai [ordonnance du Tribunal du 28 avril 2008, PubliCare Marketing Communications/OHMI (Publicare), T‑358/07, non publiée au Recueil, point 13].

18      Dans sa lettre du 12 février 2010, la requérante a fait valoir l’existence d’une erreur excusable pour qu’il soit dérogé au délai en cause.

19      À cet égard, il convient de rappeler que, en ce qui concerne les délais de recours, la notion d’erreur excusable doit être interprétée de façon stricte et ne peut viser que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement qui, à lui seul ou dans une mesure déterminante, est de nature à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’un opérateur normalement averti (voir arrêt du Tribunal du 29 mai 1991, Bayer/Commission, T‑12/90, Rec. p. II‑219, point 29, et ordonnance du Tribunal du 11 décembre 2006, MMT/Commission, T‑392/05, non publiée au Recueil, point 36, et la jurisprudence citée).

20      En l’espèce, la requérante allègue que, ayant fait appel à un prestataire pour effectuer les copies demandées, elle ne peut s’expliquer le défaut de production de l’original signé de la requête que par une confusion, opérée lors de la préparation du dossier déposé au greffe du Tribunal, entre les copies et l’original signé de la requête, restitué par le prestataire.

21      De plus, elle indique avoir pour habitude de signer avec de l’encre de couleur noire, en l’absence d’une règle imposant l’utilisation d’une encre d’une couleur différente.

22      Il s’ensuivrait que, compte tenu de la qualité des copies effectuées, il a été extrêmement difficile de distinguer l’original signé d’une copie, la signature originale ayant la même couleur que sa copie.

23      La requérante fait également valoir que le fait, pour le greffe du Tribunal, d’avoir dû essayer de faire baver l’encre de la signature, en y passant un chiffon humide, pour reconnaître l’original signé de la requête, constituait une diligence qui ne peut pas être systématiquement exigée de la part d’un requérant.

24      La requérante ajoute enfin que le point 57, sous o), des instructions pratiques du Tribunal aux parties (JO 2007, L 232, p. 7), qui permet la régularisation, dans un délai raisonnable, des requêtes qui ne sont pas conformes à certaines règles de forme, autorise la production des copies certifiées conformes manquantes de la requête, de sorte que ce point serait susceptible d’amoindrir la vigilance des requérants quant à la nécessité de distinguer l’original signé de la requête des copies de celle-ci.

25      La requérante ne démontre cependant pas, au regard de ce qui précède, l’existence de circonstances exceptionnelles, ni ne rapporte la preuve de la diligence requise d’un opérateur normalement averti, au sens de la jurisprudence rappelée au point 19 ci-dessus.

26      En effet, elle admet elle-même avoir été à l’origine d’une confusion lors de la préparation du dossier destiné à être transmis au greffe du Tribunal.

27      De plus, il n’apparaît pas que la difficulté à distinguer l’original signé de la requête des copies de celle-ci ne puisse être surmontée par le recours à toute méthode permettant de traiter à part l’original signé de la requête, de façon à éviter que le dépôt de celui-ci au greffe du Tribunal n’intervienne après l’expiration du délai de dix jours prévu à l’article 43, paragraphe 6, du règlement de procédure.

28      Par ailleurs, il y a lieu de constater que, d’une part, l’absence de dépôt, dans ce délai, de l’original signé de la requête au greffe du Tribunal ne figure pas au nombre des cas de régularisation des requêtes prévus aux points 55 à 59 des instructions pratiques du Tribunal aux parties et, d’autre part, le point 57, sous o), desdites instructions permet, dans l’intérêt des requérants, de différer l’appréciation, par le Tribunal, des conditions de recevabilité de la requête prévues à l’article 43, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de procédure, lesquelles impliquent de distinguer l’original signé de la requête des copies de celle-ci. Il s’ensuit que la faculté de régularisation permise au point 57, sous o), susvisé, ne saurait avoir pour conséquence d’amoindrir la vigilance des requérants quant à la nécessité de distinguer l’original signé de la requête des copies de celle-ci.

29      En tout état de cause, il appartenait au requérant de distinguer l’original signé de la requête des copies de celle-ci.

30      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours est tardif et qu’il doit être rejeté comme manifestement irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à l’OHMI.

31      La présente ordonnance étant adoptée avant la signification de la requête à l’OHMI et avant que celui-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bell & Ross BV supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 18 juin 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. W. H. Meij


* Langue de procédure : le français.