Language of document : ECLI:EU:T:2010:542

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

16 décembre 2010 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2008 – Décision portant attribution des points au titre de l’exercice de promotion – Mention relative aux points accumulés au titre des exercices de promotion antérieurs – Dénaturation des faits – Charge des dépens – Pourvoi en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé »

Dans l’affaire T‑48/10 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 30 novembre 2009, Meister/OHMI (F‑17/09, non encore publiée au Recueil), et tendant à l’annulation de cette ordonnance,

Herbert Meister, ancien fonctionnaire de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), demeurant à Muchamiel (Espagne), représenté par Me H.-J. Zimmermann, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. I. de Medrano Caballero et Mme G. Faedo, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et E. Winter, avocats,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé, lors du délibéré, de MM. M. Jaeger (rapporteur), président, J. Azizi et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le requérant, M. Herbert Meister, demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 30 novembre 2009, Meister/OHMI (F‑17/09, non encore publiée au Recueil, ci-après l’« ordonnance attaquée »), par laquelle celui-ci a rejeté comme manifestement irrecevable un recours ayant pour objet, d’une part, la contestation de la mention relative au capital de points de promotion accumulés par le requérant figurant dans la décision de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) portant attribution des points au titre de l’exercice de promotion 2008 et, d’autre part, une demande de dommages et intérêts.

 Faits à l’origine du litige

2        Les faits à l’origine du litige sont exposés dans l’ordonnance attaquée de la manière suivante :

« 6      Le requérant, né en 1946, est entré au service de l’OHMI le 1er novembre 1995 et a été nommé fonctionnaire de grade A 5 le 1er janvier 1997. Il a été promu, avec effet au 1er janvier 2000, au grade A 4 (grade renommé A*12 à compter du 1er mai 2004 puis AD 12 à compter du 1er mai 2006).

7      L’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’‘AIPN’) a attribué au requérant 2,5 points de promotion au titre de l’exercice de promotion 2006 et 2 points au titre de l’exercice de promotion 2007.

8      Par deux requêtes déposées au greffe du Tribunal les 18 décembre 2006 et 20 mars 2008, enregistrées sous les références F‑138/06 et F‑37/08, le requérant a sollicité […] l’annulation de ses rapports d’évaluation établis au titre des périodes allant du 1er avril 2001 au 31 décembre 2002, du 1er janvier 2003 au 30 septembre 2004 et du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2005 et […] l’annulation des décisions portant attribution des points de promotion au titre des exercices de promotion 2006 et 2007.

9      Par note datée du 6 mai 2008, le département des ressources humaines de l’OHMI a informé le requérant que le comité de direction avait proposé que lui soit accordé 1,5 point de promotion au titre de l’exercice de promotion 2008 (ci-après la ‘note du 6 mai 2008’). La note indiquait également à l’intéressé que, eu égard à cette proposition et compte tenu du ‘capital de points [de promotion]’ qu’il avait accumulés lors des exercices de promotion précédents (17,5), le total de ses points de promotion, qui s’élevait désormais à 19 points, était supérieur au seuil de promotion fixé à 18 points. La note du 6 mai 2008 précisait en conséquence à l’intéressé que le comité de direction le proposerait à l’AIPN en vue d’une promotion au grade AD 13.

10      Par note datée du 21 mai 2008, le requérant a introduit un recours [interne] contre la proposition du comité de direction auprès du comité paritaire d’évaluation et de promotion. Il y contestait la mention selon laquelle le ‘capital de points [de promotion]’ qu’il avait accumulés au titre des exercices de promotion antérieurs à l’exercice 2008 s’élèverait à 17,5, expliquant que l’administration, pour procéder à ce calcul, se serait fondée sur des rapports d’évaluation illégaux et tardifs. Le requérant ajoutait que cette question faisait déjà l’objet de recours devant le Tribunal, dans le cadre des affaires F‑138/06 et F‑37/08.

11      Par note datée du 2 juin 2008, le comité paritaire d’évaluation et de promotion a estimé que le recours introduit par le requérant n’était pas recevable, puisque celui-ci mettait en cause non pas la proposition du comité de direction relative à l’octroi de points de promotion au titre de l’exercice de promotion 2008, mais des décisions portant attribution de points de promotion au titre d’exercices de promotion antérieurs. […]

12      Par note datée du 3 juin 2008, […] l’OHMI a porté à la connaissance du requérant que l’AIPN […] avait définitivement arrêté à 1,5 le nombre de points de promotion devant lui être attribués au titre de l’exercice de promotion 2008 (ci-après la ‘décision portant attribution des points de promotion au titre de l’exercice 2008’). Par ailleurs, après avoir rappelé que le ‘capital de points [de promotion]’ accumulés par l’intéressé au titre des exercices de promotion antérieurs à l’exercice 2008 s’élevait à 17,5, la décision informait le requérant de sa promotion au grade AD 13.

13      Par note datée du 20 août 2008 et parvenue à l’OHMI le 25 août suivant, le requérant a formé une réclamation à l’encontre de la mention, figurant dans la décision portant attribution des points de promotion au titre de l’exercice 2008, relative à son ‘capital de points [de promotion]’ accumulés au titre des exercices de promotion antérieurs à l’exercice 2008.

14      Le défaut de réponse à cette réclamation a fait naître, au terme d’un délai de quatre mois à compter de l’introduction de celle-ci, soit le 25 décembre 2008, une décision implicite de rejet. »

 Procédure en première instance et ordonnance attaquée

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 25 février 2009, le requérant a introduit un recours, enregistré sous la référence F‑17/09, par lequel il concluait, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        annuler la décision incidente de rejet du président de l’OHMI du 20 décembre 2008 ;

–        condamner l’OHMI à lui verser un montant à titre de dommages et intérêts, dont la quantification était laissée à l’appréciation du juge ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

4        L’OHMI a conclu au rejet du recours dans son intégralité et à la condamnation du requérant aux dépens du litige.

5        Par arrêt du 18 mai 2009, Meister/OHMI (F‑138/06 et F‑37/08, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt du 18 mai 2009 »), le Tribunal de la fonction publique a annulé, d’une part, le rapport d’évolution de carrière du requérant établi pour la période allant du 1er avril 2001 au 31 décembre 2002 ainsi que son rapport d’évaluation établi pour la période allant du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2005 et, d’autre part, la décision attribuant au requérant des points au titre de l’exercice de promotion 2006, tout en rejetant les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision portant attribution de ses points au titre de l’exercice de promotion 2007 (point 17 de l’ordonnance attaquée).

6        Le 17 juillet 2009, le requérant, après avoir formé devant le Tribunal un pourvoi contre l’arrêt du 18 mai 2009, lequel a été enregistré sous la référence T‑284/09 P, a conclu à la suspension de la procédure dans l’affaire F‑17/09, au motif que la décision que le Tribunal était amené à rendre dans le cadre dudit pourvoi aurait une incidence directe sur la question encore ouverte des dépens dans l’affaire F‑17/09 (points 20 à 22 de l’ordonnance attaquée).

7        Au point 27 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a requalifié l’objet du litige en se fondant sur la jurisprudence constante selon laquelle une demande tendant à l’annulation d’une décision de rejet d’une réclamation a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel ladite réclamation a été présentée.

8        Ensuite, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, dans sa réclamation du 20 août 2008, le requérant n’avait pas contesté la décision portant attribution des points au titre de l’exercice de promotion 2008, mais seulement la mention, figurant dans cette décision, selon laquelle le nombre exact de points accumulés au titre des exercices de promotion antérieurs s’élevait à 17,5 points (point 29 de l’ordonnance attaquée).

9        Selon le juge de première instance, une telle mention ne saurait être considérée comme un acte attaquable. En effet, en indiquant le capital des points de promotion du requérant, l’autorité investie du pouvoir de nomination se serait bornée à rappeler à celui-ci le total des points qu’il avait accumulés au titre des exercices de promotion antérieurs à l’exercice de promotion 2008. Un tel rappel, qui avait seulement pour objet de déterminer si le requérant avait atteint le seuil de promotion, n’aurait produit aucun effet juridique obligatoire de nature à affecter directement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique (point 30 de l’ordonnance attaquée).

10      Le Tribunal de la fonction publique en a conclu que les conclusions en annulation devaient être rejetées comme manifestement irrecevables (point 31 de l’ordonnance attaquée).

11      Le Tribunal de la fonction publique a ajouté que, si le requérant devait être regardé comme sollicitant l’annulation des décisions portant attribution des points au titre des exercices de promotion antérieurs à l’exercice de promotion 2008, ses conclusions se heurteraient, en tout état de cause, à une irrecevabilité pour litispendance, l’intéressé ayant lui-même indiqué avoir soulevé la même contestation dans les recours enregistrés sous les références F‑138/06 et F‑37/08 et jugés recevables en première instance (point 32 de l’ordonnance attaquée).

12      S’agissant des conclusions en indemnité, le Tribunal de la fonction publique a rejeté celles par lesquelles le requérant demande la condamnation de l’OHMI à lui verser, à titre de dommages et intérêts, un montant dont la quantification est laissée à l’appréciation du juge, le requérant s’étant borné à alléguer, en termes très vagues et généraux, l’existence d’un préjudice sans préciser son montant, les éléments de fait permettant d’apprécier sa nature et son étendue ainsi que les circonstances qui auraient rendu difficile de chiffrer ledit préjudice (points 33 à 35 de l’ordonnance attaquée).

13      À titre surabondant, le Tribunal de la fonction publique a jugé que, pour autant que les conclusions en indemnité du requérant puissent être interprétées comme tendant à obtenir une réparation du préjudice résultant du rappel, figurant dans la note du 6 mai 2008, de son capital de points de promotion, lesdites conclusions devraient être rejetées comme manifestement irrecevables, le préjudice allégué résultant d’un acte ne faisant pas grief au requérant, alors que la procédure administrative n’avait pas débuté par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes visant à obtenir un dédommagement (point 36 de l’ordonnance attaquée).

14      Le Tribunal de la fonction publique a donc conclu que le recours devait être rejeté comme manifestement irrecevable, sans qu’il soit besoin de faire droit à la demande du requérant tendant à ce que la procédure soit suspendue (point 37 de l’ordonnance attaquée).

15      Enfin, le Tribunal de la fonction publique a condamné le requérant à supporter l’ensemble des dépens, en rappelant que l’OHMI avait conclu en ce sens et en jugeant que les circonstances de l’espèce ne justifiaient pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, de son règlement de procédure, en vertu desquelles il peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre (points 38 et 39 de l’ordonnance attaquée).

 Sur le pourvoi

 Procédure et conclusions des parties

16      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 2 février 2010, le requérant a formé le présent pourvoi.

17      L’OHMI a présenté son mémoire en réponse le 26 avril 2010.

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’ordonnance attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

19      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner le requérant aux dépens.

20      En cours d’instance, le Tribunal a, par ordonnance du 21 juin 2010, Meister/OHMI (T‑284/09 P, non publiée au Recueil), rejeté en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement non fondé le pourvoi que le requérant avait dirigé contre l’arrêt du 18 mai 2009 (voir points 5 et 6 ci-dessus).

 En droit

21      Aux termes de l’article 145 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, le Tribunal peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, le rejeter totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

22      À l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée, le requérant soulève quatre moyens. Le premier est tiré d’une erreur commise par le Tribunal de la fonction publique en ce que celui-ci a omis de prendre en considération sa demande de suspension de la procédure. Le deuxième est tiré d’une erreur commise par le Tribunal de la fonction publique en ce que celui-ci a rejeté le recours en première instance par voie d’ordonnance sans procédure orale. Le troisième est tiré d’une dénaturation des faits ainsi que d’une analyse incomplète et erronée du cas d’espèce. Le quatrième est tiré d’une erreur commise par le Tribunal de la fonction publique dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant aux dépens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur commise par l’abstention de prendre en considération la demande de suspension de la procédure

23      Le requérant fait observer qu’il a présenté, immédiatement après l’introduction d’un pourvoi contre la décision rendue dans l’affaire F‑37/08, une demande visant à ce que la procédure dans l’affaire F‑17/09 soit suspendue. Il fait valoir qu’une décision sur ce pourvoi était incontestablement pertinente pour le traitement ultérieur à réserver à l’affaire F‑17/09. Selon lui, dans l’hypothèse où cette décision lui aurait été favorable, il aurait existé un préjudice dont le Tribunal de la fonction publique aurait dû tenir compte dans le cadre de son appréciation quant au fond de l’affaire F‑17/09 et aux dépens dans ladite affaire. Or, le juge de première instance aurait omis, à tort, de se pencher sur cet aspect procédural.

24      À cet égard, il suffit de relever que le requérant ne prétend pas que le Tribunal de la fonction publique a méconnu l’une des hypothèses de suspension énumérées à l’article 71 de son règlement de procédure, étant précisé que, en tout état de cause, cette disposition n’impose pas au Tribunal de suspendre la procédure pendante, mais se limite à prévoir qu’il « peut » suspendre ladite procédure lorsque les conditions dudit article sont réunies.

25      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur commise par le rejet du recours par voie d’ordonnance sans procédure orale

–       Arguments des parties

26      Le requérant soutient, en substance, que l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique – qui permet à celui-ci de statuer par voie d’ordonnance motivée sans poursuivre la procédure, lorsqu’il est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou de certaines de ses conclusions ou lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit – contrevient aux principes de l’État de droit et est contraire aux garanties, telles que la publicité et l’oralité de la procédure, conférées par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Le juge ne pourrait se passer d’audience que si le titulaire du droit fondamental y a expressément renoncé au préalable, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.

27      Le requérant précise que, en l’espèce, il ne pouvait être renoncé à la tenue d’une audience. Selon lui, une décision rendue « par surprise » sans audition de l’intéressé constitue de toute évidence une violation du droit à un procès équitable protégé par l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le Tribunal de la fonction publique aurait dû savoir que la présente affaire présentait un lien direct avec les affaires antérieures mentionnées au point 23 ci-dessus, qui relevaient de la même chambre et du même juge rapporteur. Toutes ces procédures auraient fait l’objet d’une décision quant au fond. Dans ces conditions, un rejet pour « irrecevabilité manifeste » constituerait une décision « prise par surprise », qui aurait nécessité que l’intéressé soit entendu.

28      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

–       Appréciation du Tribunal

29      Il convient de rappeler que la Cour a jugé que l’application en elle-même d’une procédure qui permet de statuer par ordonnance sans audience ne porte pas atteinte au droit à une procédure juridictionnelle régulière et effective, dès lors que le juge de l’Union ne peut faire usage de cette faculté que lorsqu’il est manifestement incompétent pour connaître du recours en cause ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit. La Cour n’en a pas moins ajouté que, si le juge de l’Union a considéré à tort que les conditions d’application de cette procédure étaient réunies, il appartient alors à la partie concernée de contester cette appréciation (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 3 juin 2005, Killinger/Allemagne e.a., C‑396/03 P, Rec. p. I‑4967, point 9).

30      Or, en l’espèce, le requérant n’a pas critiqué l’application même de l’article 76 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique en contestant, notamment, le caractère manifeste de l’irrecevabilité retenue dans l’ordonnance attaquée.

31      Il convient d’ajouter que le requérant ne saurait utilement se prévaloir d’une violation, par le Tribunal de la fonction publique, de l’interdiction de prendre une décision sans audience, du seul fait que la procédure litigieuse, clôturée par ordonnance d’irrecevabilité, présentait une certaine connexité factuelle et juridique avec des recours précédents qui, relevant de la même chambre et du même juge rapporteur, avaient été déclarés recevables. En effet, une telle connexité ne pouvait empêcher, en elle-même, le juge de première instance de tenir compte des particularités de l’espèce pour déclarer manifestement irrecevable le recours introduit dans l’affaire F‑17/09.

32      Par conséquent, le deuxième moyen doit également être écarté comme manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une dénaturation des faits ainsi que d’une analyse incomplète et erronée du cas d’espèce

–       Arguments des parties

33      Le requérant soutient que le Tribunal de la fonction publique a rejeté ses conclusions en annulation, parce qu’il a mal compris et dénaturé les faits de l’affaire, en méconnaissant tant ses précédentes réclamations que le lien direct existant entre l’objet du présent litige et celui des affaires F‑138/06 et F‑37/08. Il fait observer que, en vertu du système d’évaluation applicable aux agents de l’OHMI, chaque exercice de promotion se composait de deux parties. Un nombre de points aurait été attribué pour les années précédentes. Il formerait un capital auquel serait ajouté un nombre de points attribué pour l’exercice de promotion en cours, ce qui donnerait un solde global. En principe, ce solde global servirait de base à la décision de promotion. L’année suivante, le solde reporté au titre de l’exercice de promotion précédent serait ajouté aux points attribués au titre de l’exercice de promotion en cours, etc.

34      Selon le requérant, le défaut affectant un seul paramètre suffit à affecter le solde global de l’exercice de promotion concerné dans son ensemble, de sorte que, si aucune correction n’est opérée avant l’exercice de promotion suivant, alors le solde global de ce nouvel exercice de promotion devient lui aussi automatiquement « défectueux », car le capital reporté est erroné. Il s’agirait là d’une véritable « réaction en chaîne ». Tous les exercices de promotion seraient ainsi interdépendants, en raison du report du solde global en tant que nouveau capital, et un défaut non immédiatement corrigé entacherait d’illégalité toutes les procédures de promotion suivantes. Ainsi, le défaut qui, à l’issue du premier exercice de promotion « défectueux », se perpétuerait dans les procédures de promotion suivantes se rapporterait logiquement, chaque fois, au paramètre du capital, sa persistance constituant en soi, automatiquement, un motif de contestation pour l’intéressé.

35      S’agissant du cas d’espèce, le requérant fait valoir que, à la suite de la période d’évaluation partiellement illégale allant de 1999 à 2005, trois procédures de promotion identiques dans leur contenu se sont succédé, à savoir celles pour 2006, 2007 et 2008, seul le chiffre correspondant à l’année ayant changé à chaque fois. Ainsi, la procédure pour 2008 aurait été matériellement identique en tous points aux précédentes, avec la seule particularité que le capital calculé de façon erroné a atteint, une fois combiné aux points de l’exercice, le seuil de promotion en sa faveur. Or, le requérant soutient que, si les évaluations avaient été correctes depuis 1999, une telle possibilité de promotion se serait présentée bien plus tôt.

36      Le requérant ajoute que, par arrêt du 18 mai 2009, le Tribunal de la fonction publique a annulé plusieurs décisions de l’OHMI et ainsi jugé que le capital de points de promotion reporté ne pouvait pas avoir d’existence matérielle. Les évaluations concernées devraient dans un premier temps être reprises entièrement dès le début. Cela signifierait que toutes les évaluations postérieures seraient automatiquement « défectueuses » et devraient être recommencées.

37      S’agissant de l’ordonnance attaquée, le requérant reproche au juge de première instance de ne pas avoir tenu compte des particularités que présente la succession de rapports d’évaluation dans le cas où le rapport qui sert de base à ceux-ci est erroné (réaction en chaîne), ce qui l’oblige à introduire un recours formel. Selon lui, s’il n’avait pas attaqué l’évaluation relative à l’exercice de promotion 2008, l’OHMI aurait considéré qu’il avait accepté le capital reporté au titre de cet exercice de promotion et en aurait tiré argument pour considérer le vice des évaluations antérieures comme rétroactivement « couvert ».

38      Le requérant fait également valoir que le Tribunal de la fonction publique ne précise pas qu’il contestait le solde global de 2008 au motif qu’un paramètre de ce solde était « défectueux ». Selon lui, le juge de première instance a également omis, à tort, d’indiquer qu’il fondait ses prétentions sur le lien matériel qui existe avec des évaluations antérieures entachées de vice. Ainsi, le juge de première instance aurait méconnu le lien systémique qui existe avec les affaires antérieures encore pendantes et aurait traité artificiellement l’exercice de promotion 2008 comme un « processus totalement isolé ».

39      Par ailleurs, le requérant prétend que, au cœur de l’ordonnance attaquée, en particulier aux points 29 à 32, le Tribunal de la fonction publique a perdu de vue le fait que, s’il a contesté le nombre de points qui lui a été attribué au titre de l’exercice de promotion 2008, c’est parce qu’il mettait en cause le solde global en faisant valoir que son caractère erroné résulte du défaut affectant l’un des deux paramètres le composant, à savoir le report d’un capital de points de promotion erroné. Il s’agirait, dans le cas d’une décision administrative telle que celle qui serait ici en cause, d’une seule et même situation de fait, même si celle-ci se décomposerait en plusieurs éléments. Le juge de première instance aurait artificiellement scindé les éléments de la situation globale, notamment lors de la comparaison avec les situations identiques précédentes des affaires F‑138/06 et F‑37/08.

40      Le requérant reproche enfin au Tribunal de la fonction publique d’avoir oublié que le report du solde « défectueux » de l’année précédente constitue automatiquement un acte faisant grief. Selon lui, le fait que l’erreur trouve son origine dans les exercices de promotion allant de 1999 à 2005 et qu’elle s’est répercutée automatiquement en ce qui concerne les périodes suivantes implique logiquement que, s’il avait bénéficié d’évaluations de base correctes, il aurait eu une chance d’être promu plus vite. En concentrant artificiellement son examen sur un unique aspect, le Tribunal de la fonction publique aurait, de surcroît, violé les « principes de la logique ».

41      L’OHMI soutient que le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable, les constatations établies par le Tribunal de la fonction publique n’étant pas manifestement inexactes et les preuves qui lui ont été présentées n’ayant pas été dénaturées.

–       Appréciation du Tribunal

42      Il résulte de l’article 257 TFUE, de l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour et de l’article 138, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du Tribunal du 12 mars 2008, Rossi Ferreras/Commission, T‑107/07 P, non encore publié au Recueil, point 27 ; voir, par analogie, ordonnance de la Cour du 17 septembre 1996, San Marco/Commission, C‑19/95 P, Rec. p. I‑4435, point 37). Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui ne comporte aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt ou l’ordonnance en question (voir, par analogie, ordonnances de la Cour du 1er février 2001, Area Cova e.a./Conseil, C‑300/99 P et C‑388/99 P, Rec. p. I‑983, point 37, et du 29 novembre 2007, Weber/Commission, C‑107/07 P, non publiée au Recueil, point 24).

43      Il convient d’ajouter que des allégations trop générales et imprécises pour pouvoir faire l’objet d’une appréciation juridique doivent être considérées comme manifestement irrecevables (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C‑51/92 P, Rec. p. I‑4235, point 113, et ordonnance de la Cour du 12 décembre 2006, Autosalone Ispra/Commission, C‑129/06 P, non publiée au Recueil, points 31 et 32).

44      En l’espèce, s’agissant des conclusions en annulation, il y a lieu de rappeler que, dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal de la fonction publique a constaté que le requérant n’avait pas contesté, dans sa réclamation du 20 août 2008, la décision intégrale portant attribution des points de promotion au titre de l’exercice de promotion 2008, mais seulement la mention, figurant dans cette décision, selon laquelle le nombre exact de points de promotion accumulés au titre des exercices de promotion antérieurs à l’exercice de promotion 2008 s’élevait à 17,5 points, cette mention constituant un simple rappel du nombre total des points de promotion que le requérant avait accumulé au titre des exercices de promotion antérieurs. Le Tribunal de la fonction publique a indiqué qu’un tel rappel, qui avait seulement pour objet de déterminer si le requérant avait atteint le seuil de promotion, n’a produit aucun effet juridique obligatoire de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci. Il en a conclu que les conclusions en annulation, qui n’étaient pas dirigées contre un acte faisant grief, devaient être rejetées comme manifestement irrecevables.

45      Or, force est de constater que, dans ses écritures, le requérant n’a pas identifié les faits qui auraient été dénaturés par le Tribunal de la fonction publique, n’a pas précisé ceux que ledit Tribunal aurait omis d’examiner et n’a pas expliqué, de manière précise, les raisons pour lesquelles il estime que le juge de première instance a commis une erreur de droit en considérant que la mention litigieuse ne pouvait pas être qualifiée d’acte faisant grief.

46      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent moyen du pourvoi comme manifestement irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre la décision du Tribunal de la fonction publique rejetant les conclusions en annulation. En effet, ce moyen ne contient pas un exposé d’arguments juridiques cohérents critiquant spécifiquement l’appréciation faite par le Tribunal de la fonction publique et ne répond donc pas aux exigences d’un pourvoi posées par le statut de la Cour et par le règlement de procédure.

47      À titre surabondant, il convient de relever que, depuis que l’arrêt du 18 mai 2009 a acquis l’autorité de la chose jugée, la question du nombre exact des points de promotion auxquels le requérant avait réellement droit au titre des exercices de promotion antérieurs à celui de 2008 est définitivement tranchée. En effet, par cet arrêt, le Tribunal de la fonction publique a annulé le rapport d’évolution de carrière du requérant établi pour la période allant du 1er avril 2001 au 31 décembre 2002, son rapport d’évaluation établi pour la période allant du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2005 et la décision attribuant au requérant des points au titre de l’exercice de promotion 2006, tout en rejetant les conclusions du requérant tendant à l’annulation de la décision portant attribution de ses points au titre de l’exercice de promotion 2007. Il s’ensuit que, en vertu de l’arrêt du 18 mai 2009, l’OHMI doit prendre les mesures que comporte l’exécution dudit arrêt, aux fins de parvenir à une éventuelle reconstitution rétroactive de la carrière du requérant (voir ordonnance Meister/OHMI, point 20 supra, point 46, et la jurisprudence citée). À cet effet, l’OHMI doit établir de nouveaux rapports d’évaluation de carrière pour les périodes allant du 1er avril 2001 au 31 décembre 2002 ainsi que du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2005 et recalculer, d’une part, les points de promotion à attribuer sur la base de ces rapports d’évaluation de carrière et, d’autre part, les points de promotion à attribuer au titre de l’exercice de promotion 2006. Ainsi, les griefs soulevés par le requérant au regard de tous les exercices d’évaluation et de promotion antérieurs à ceux de 2008 ont été définitivement réglés par cet arrêt. Par conséquent, il ne saurait être utilement statué sur ces mêmes griefs dans le cadre du présent litige, de sorte que le requérant ne dispose d’aucun intérêt à les soulever.

48      S’agissant des conclusions en indemnité, le requérant reproche au Tribunal de la fonction publique de les avoir rejetées en méconnaissant, d’une part, que le report d’un solde erroné de points de promotion attribués au titre des années précédentes est constitutif de préjudice et, d’autre part, que l’OHMI lui avait causé un préjudice tant matériel (honoraires d’avocat) que moral (pression psychologique) en l’obligeant d’agir en justice.

49      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal de la fonction publique a exposé, dans l’ordonnance attaquée, qu’une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit présenter les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice, alors qu’une demande tendant à obtenir une indemnité quelconque manque de la précision nécessaire et doit, par conséquent, être considérée comme irrecevable. Le Tribunal de la fonction publique a ensuite constaté que le requérant se bornait à alléguer, en termes très vagues et généraux, l’existence d’un préjudice sans en chiffrer le montant, sans indiquer, avec suffisamment de précision, les éléments de fait permettant d’en apprécier la nature et l’étendue et sans invoquer de circonstances rendant difficile de chiffrer le préjudice allégué. Le Tribunal de la fonction publique a donc rejeté les conclusions en indemnité comme irrecevables.

50      Or, force est de constater que, dans le cadre du présent moyen du pourvoi, le requérant s’est limité à reprocher au Tribunal de la fonction publique, en substance, de ne pas avoir reconnu l’existence d’un préjudice. En revanche, aucun des arguments soulevés par le requérant ne permet d’identifier l’erreur de droit dont serait entachée la conclusion du juge de première instance selon laquelle les conclusions en indemnité sont irrecevables, le requérant n’ayant ni chiffré le préjudice allégué ni indiqué les éléments permettant de le chiffrer. Ce moyen ne répond donc pas davantage aux exigences d’un pourvoi posées par le statut de la Cour et par le règlement de procédure. Il doit, dès lors, être rejeté comme manifestement irrecevable également dans la mesure où il est dirigé contre la décision du Tribunal de la fonction publique de rejeter les conclusions en indemnité.

51      À titre surabondant, il convient de rappeler, d’une part, que l’éventuelle réparation du solde prétendument erroné des points de promotion attribués au requérant au titre des exercices de promotion antérieurs à l’exercice de promotion 2008 doit être effectuée par l’OHMI en exécution de l’arrêt du 18 mai 2009 et, d’autre part, que le requérant n’était nullement obligé d’introduire un nouveau recours devant le Tribunal de la fonction publique, afin de remettre en question le nombre de ces points de promotion, et ce en vue d’atteindre une promotion au grade AD 13 avant le 1er avril 2008.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur commise par le Tribunal de la fonction publique dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation quant aux dépens

52      Le requérant conteste la partie de l’ordonnance attaquée concernant les dépens. Selon lui, le juge de première instance a ignoré que la règle d’imputation des dépens en droit de la fonction publique était disproportionnée et discriminatoire au détriment des fonctionnaires.

53      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de l’annexe I du statut de la Cour, un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens. En outre, dans l’hypothèse où tous les autres moyens d’un pourvoi ont été rejetés, les conclusions concernant la prétendue illégalité de la décision du Tribunal de la fonction publique sur les dépens doivent être rejetées comme irrecevables en application de cette disposition (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 juillet 2001, Commission et France/TF1, C‑302/99 P et C‑308/99 P, Rec. p. I‑5603, point 31, et du 26 mai 2005, Tralli/BCE, C‑301/02 P, Rec. p. I‑4071, point 88).

54      En l’espèce, dans la mesure où tous les autres moyens du pourvoi formé par le requérant ont été rejetés, le dernier moyen, dirigé contre la décision du Tribunal de la fonction publique relative à la charge des dépens, doit, par conséquent, être déclaré manifestement irrecevable.

55      Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté en partie comme manifestement irrecevable et en partie comme manifestement dépourvu de tout fondement.

 Sur les dépens

56      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

58      Le requérant ayant succombé en ses conclusions et l’OHMI ayant conclu en ce sens, il supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’OHMI dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Herbert Meister supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) dans le cadre de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 16 décembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’allemand.