Language of document : ECLI:EU:C:2024:543

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

21 juin 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques) du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) – Renvoi préjudiciel émanant d’une formation de jugement n’ayant pas la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire C‑810/23,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Najwyższy (Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych) [Cour suprême (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques), Pologne], par décision du 16 novembre 2022, parvenue à la Cour le 28 décembre 2023, dans la procédure

Prokurator Generalny

en présence de :

Kancelaria B. sp. z o.o. sp. k.,

R.G.,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. F. Biltgen, président de chambre, Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de la deuxième chambre, faisant fonction de juge de la septième chambre, et M. N. Wahl, juge,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), ainsi que de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66, et rectificatifs JO 2009, L 207, p. 14, JO 2010, L 199, p. 40, JO 2011, L 234, p. 46, JO 2015, L 36, p. 15).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours extraordinaire (skarga nadzwyczajna) introduit par le Prokurator Generalny (Procureur général, Pologne) contre une décision définitive du Sąd Rejonowy w Toruniu (tribunal d’arrondissement de Toruń, Pologne), par laquelle ce dernier a enjoint à R.G. de payer à Kancelaria B. sp. z o.o. sp. k. (ci-après « Kancelaria ») une somme d’argent au titre d’un billet à ordre garantissant un crédit à la consommation.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 93/13

3        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit :

« La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur. »

4        L’article 3, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

5        Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

6        L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 énonce :

« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »

 La directive 2008/48

7        L’article 17, paragraphe 1, de la directive 2008/48, intitulé « Cession des droits », dispose :

« Lorsque les droits du prêteur au titre d’un contrat de crédit ou le contrat lui-même sont cédés à un tiers, le consommateur peut faire valoir à l’égard du cessionnaire tout moyen de défense qu’il pouvait invoquer à l’égard du prêteur initial, y compris le droit à une compensation, si celle-ci est autorisée dans l’État membre concerné. »

 Le droit polonais

 La loi sur le droit cambiaire

8        Aux termes de l’article 103 de l’ustawa – Prawo wekslowe (loi sur le droit cambiaire), du 28 avril 1936 (Dz. U. no 37, position 282), dans sa version consolidée (Dz. U. de 2022, position 282) :

« Sont applicables au billet à ordre, en tant qu’elles ne sont pas incompatibles avec la nature de ce titre, les dispositions relatives à la lettre de change et concernant :

l’endossement (articles 11 à 20) ;

[...]

Sont aussi applicables au billet à ordre les dispositions concernant [...] la lettre de change en blanc (article 10).

[...] »

9        L’article 10 de cette loi énonce :

« Si la lettre de change, incomplète à l’émission, a été complétée contrairement aux accords intervenus, l’inobservation de ces accords ne peut pas être opposée au porteur, à moins qu’il n’ait acquis le billet à ordre de mauvaise foi ou que, en l’acquérant, il n’ait commis une faute lourde. »

10      L’article 11 de ladite loi dispose :

« Une lettre de change, même non expressément tirée à ordre, est transmissible par la voie de l’endossement.

Lorsque le tireur a inséré dans la lettre de change les mots “non à ordre” ou une expression équivalente, le titre n’est transmissible que dans la forme et avec les effets d’une cession ordinaire.

[...] »

11      L’article 17 de cette même loi prévoit :

« Les personnes attraites en justice en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur des exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre de change, n’ait agi sciemment au détriment du débiteur. »

 La loi relative au crédit à la consommation

12      Dans sa version en vigueur à la date à laquelle a été rendue la décision faisant l’objet du recours extraordinaire pendant au principal, l’ustawa o kredycie konsumenckim (loi relative au crédit à la consommation), du 12 mai 2011(Dz. U. no 126, position 715), dans sa version consolidée (Dz. U. de 2014, position 1497), prévoyait, à son article 41, paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Le billet à ordre ou chèque du consommateur remis au prêteur aux fins de l’exécution ou de la garantie d’une prestation découlant d’un contrat de crédit à la consommation comporte la formule “non à ordre” ou toute autre formule équivalente.

2.      Si le prêteur accepte un billet à ordre ou un chèque ne comportant pas la formule “non à ordre” et qu’il transmet ce billet ou ce chèque à une autre personne, il est tenu de réparer le préjudice qu’a subi le consommateur en payant le billet à ordre ou le chèque. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Le 11 septembre 2015, le Sąd Rejonowy w Toruniu (tribunal d’arrondissement de Toruń) a émis une injonction en vertu de laquelle R.G. est tenu de payer à Kancelaria un montant de 50 000 zlotys polonais (PLN), assorti des intérêts légaux, au titre d’un billet à ordre en blanc émis par R.G. et transmis par endossement à Kancelaria (ci-après l’« injonction litigieuse »). Cette injonction est devenue définitive.

14      Le Prokurator Generalny (Procureur général) a formé un recours extraordinaire contre l’injonction litigieuse, faisant valoir, en substance, que, lors de l’émission de celle-ci, le Sąd Rejonowy w Toruniu (tribunal d’arrondissement de Toruń) s’était illégalement abstenu d’examiner le caractère éventuellement abusif de certaines dispositions du contrat de prêt au titre duquel avait été émis le billet à ordre en cause au principal.

15      Appelée à statuer sur ce recours extraordinaire, l’instance de renvoi, à savoir le Sąd Najwyższy (Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych) [Cour suprême (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques), Pologne], relève que, en vertu des dispositions du droit national applicable à l’époque où a été émise l’injonction litigieuse, les personnes attraites en justice en vertu d’un billet à ordre ne pouvaient pas opposer au porteur des exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que ce porteur ait agi sciemment au détriment du débiteur en acquérant ce billet à ordre. De même, si le billet à ordre, incomplet à l’émission, avait été complété contrairement aux accords intervenus entre les parties, cette circonstance ne pouvait pas être opposée au porteur, à moins qu’il n’ait acquis ce billet à ordre de mauvaise foi ou en commettant une faute lourde. Enfin, bien qu’il ressorte de ces dispositions nationales qu’un billet à ordre remis à un professionnel aux fins de la garantie d’une créance résultant d’un contrat conclu avec un consommateur doit contenir la mention « non à ordre », lesdites dispositions prévoyaient également que, si le professionnel accepte un billet à ordre qui ne contient pas une telle mention et qu’il transmet celui-ci à une autre personne, il est tenu d’indemniser le tireur pour le préjudice qu’a subi celui-ci du fait d’avoir dû honorer ce billet à ordre.

16      C’est dans ces conditions que le Sąd Najwyższy (Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych) [Cour suprême (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

« 1)      Les dispositions de la [directive 93/13/CEE], notamment l’article 1er, paragraphe 1, l’article 3, paragraphe 1, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de celle-ci, ainsi que les dispositions de la [directive 2008/48], notamment l’article 17, paragraphe 1, de celle-ci, doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à l’application de dispositions de droit national autorisant la transmission d’un billet à ordre émis par un consommateur, en ne laissant à ce dernier, en cas de transmission, que la possibilité de former une action en dommages et intérêts contre le professionnel concerné ?

2)      Les dispositions visées dans la première question doivent-elles être interprétées en ce sens que le juge est tenu d’examiner d’office si les dispositions d’un contrat de crédit à la consommation garanti par un billet à ordre ne contiennent pas de clauses contractuelles abusives lorsque le requérant est endossataire du billet à ordre et fonde ses prétentions uniquement sur la relation cambiaire ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

17      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

18      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

19      Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour apprécier si un organisme de renvoi possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, et donc pour apprécier si la demande de décision préjudicielle est recevable, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que, entre autres, l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par l’organisme en cause, des règles de droit ainsi que son indépendance [arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge), C‑718/21, ci-après l’« arrêt Krajowa Rada Sądownictwa », EU:C:2023:1015, point 40 et jurisprudence citée].

20      En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle émane d’une formation de jugement de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques du Sąd Najwyższy (Cour suprême) (ci-après la « chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ») composée de deux juges de cette chambre et d’un juré.

21      La Cour a, certes, relevé que le Sąd Najwyższy (Cour suprême) en tant que tel répond aux exigences rappelées au point 19 de la présente ordonnance, tout en précisant, à cet égard, que, pour autant qu’une demande de décision préjudicielle émane d’une juridiction nationale, il doit être présumé que celle-ci remplit ces exigences indépendamment de sa composition concrète (arrêt Krajowa Rada Sądownictwa, point 41 et jurisprudence citée).

22      Toutefois, la Cour a également précisé qu’une telle présomption peut être renversée lorsqu’une décision judiciaire définitive rendue par une juridiction d’un État membre ou une juridiction internationale conduirait à considérer que le juge constituant la juridiction de renvoi n’a pas la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu à l’aune de l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») (arrêt Krajowa Rada Sądownictwa, point 44 et jurisprudence citée).

23      À ce sujet, il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt Krajowa Rada Sądownictwa, la Cour a jugé, ainsi qu’il ressort du point 58 de celui-ci, que, à la lumière de sa propre jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu à l’aune de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, divers constats et appréciations effectués, d’une part, par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt du 8 novembre 2021, Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne (CE:ECHR:2021:1108JUD004986819), et, d’autre part, par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne) dans un arrêt du 21 septembre 2021, conduisaient à considérer que la formation de jugement de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques qui a introduit la demande de décision préjudicielle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Krajowa Rada Sądownictwa n’avait pas la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de ces dispositions du droit de l’Union [ordonnances du 9 avril 2024, T. (Programmes audiovisuels pour enfants), C‑22/22, EU:C:2024:313, point 19, et du 15 mai 2024, Rzecznik Finansowy, C‑390/23, EU:C:2024:419, point 24].

24      Au point 77 de l’arrêt Krajowa Rada Sądownictwa, la Cour a, plus précisément, jugé, à cet égard, que, appréhendés conjointement, l’ensemble des éléments tant systémiques que circonstanciels, mentionnés aux points 47 à 57 de cet arrêt, d’une part, et aux points 62 à 76 dudit arrêt, d’autre part, qui ont caractérisé la nomination, au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, des trois juges constituant l’instance de renvoi dans l’affaire au principal concernée, avaient pour conséquence que cette instance ne revêtait pas une telle qualité. La Cour a souligné que la conjonction de l’ensemble de ces éléments était, en effet, de nature à engendrer des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de ces juges et de la formation de jugement dans laquelle ils siègent à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier, d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif nationaux, et à leur neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent. Elle a encore précisé que lesdits éléments étaient ainsi susceptibles de conduire à une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité desdits juges et de cette instance, propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer à ces justiciables dans une société démocratique et un État de droit [ordonnances du 9 avril 2024, T. (Programmes audiovisuels pour enfants), C‑22/22, EU:C:2024:313, point 20, et du 15 mai 2024, Rzecznik Finansowy, C‑390/23, EU:C:2024:419, point 25].

25      Au point 78 de l’arrêt Krajowa Rada Sądownictwa, la Cour a, dès lors, conclu que, dans ces conditions, la présomption rappelée au point 21 de la présente ordonnance devait être tenue pour renversée et qu’il y avait lieu, en conséquence, de constater que la formation de jugement de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques qui l’a saisie de la demande de décision préjudicielle dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ne constituait pas une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, de sorte que cette demande devait être déclarée irrecevable [ordonnances du 9 avril 2024, T. (Programmes audiovisuels pour enfants), C‑22/22, EU:C:2024:313, point 21, et du 15 mai 2024, Rzecznik Finansowy, C‑390/23, EU:C:2024:419, point 26].

26      Or, force est de constater que les considérations émises par la Cour aux points 47 à 57, 62 à 70 et 73 à 76 de l’arrêt Krajowa Rada Sądownictwa, à propos des éléments ayant caractérisé la nomination, au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, des trois juges composant l’instance de renvoi qui l’avait saisie d’une demande de décision préjudicielle dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt valent, de manière identique, pour les deux juges membres de l’instance de renvoi dans la présente affaire.

27      En effet, d’une part, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’un des deux juges membres de l’instance de renvoi dans la présente affaire est l’un des trois juges qui composaient l’instance de renvoi qui avait saisi la Cour dans l’affaire ayant conduit audit arrêt.

28      D’autre part, il ressort de ce dossier que le second juge membre de l’instance de renvoi dans la présente affaire a été nommé au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques dans des circonstances identiques à celles dans lesquelles avaient été nommés au sein de cette chambre les trois juges qui composaient l’instance de renvoi qui avait saisi la Cour dans l’affaire ayant donné lieu au même arrêt. Or, il résulte des motifs de l’arrêt Krajowa Rada Sądownictwa, que les considérations émises dans celui-ci par la Cour au soutien du renversement de la présomption dont il est fait état au point 21 de la présente ordonnance valent indifféremment pour l’ensemble des juges de ladite chambre ayant été nommés au sein de celle-ci dans les circonstances analysées dans cet arrêt [ordonnance du 29 mai 2024, Prokurator Generalny (Recours extraordinaire polonais II), C‑43/22, EU:C:2024:459, point 27]. En outre, il convient de relever que ce second juge est l’un de ceux ayant siégé dans l’une des deux formations de jugement de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques en cause dans les affaires ayant conduit la Cour européenne des droits de l’homme à conclure, dans l’arrêt du 8 novembre 2021, Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne(CE:ECHR:2021:1108JUD004986819), à l’existence d’une violation du droit à un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi garanti à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

29      Par ailleurs, le fait que l’instance de renvoi dans la présente affaire soit composée, outre des deux juges mentionnés aux points 27 et 28 de la présente ordonnance, d’un juré qui n’a pas été nommé au sein de la même chambre dans de telles circonstances est sans incidence aux fins de l’appréciation de la qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, de cette instance de renvoi. En effet, la présence, au sein de ladite instance de renvoi, d’un seul juge nommé dans les mêmes circonstances que celles analysées dans l’arrêt Krajowa Rada Sądownictwa, suffit à priver la même instance de renvoi de sa qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu à l’aune de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte [voir, en ce sens, ordonnance du 29 mai 2024, Prokurator Generalny (Recours extraordinaire polonais II), C‑43/22, EU:C:2024:459, point 28 et jurisprudence citée].

30      Dans ces conditions, la présomption rappelée au point 21 de la présente ordonnance doit, en l’occurrence, être tenue pour renversée et il y a lieu, en conséquence, de constater que la formation de jugement de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ayant saisi la Cour de la présente demande de décision préjudicielle ne constitue pas une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, de sorte que cette demande doit être déclarée manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

31      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) ordonne :

La demande de décision préjudicielle introduite par le Sąd Najwyższy (Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych) [Cour suprême (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques), Pologne], par décision du 16 novembre 2022, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.