Language of document : ECLI:EU:C:2024:586

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

4 juillet 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non‑admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑295/24 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 avril 2024,

Thomas Henry GmbH, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes D. Mienert, J. Si-Ha Selbmann, O. Spieker et K. Uzman, Rechtsanwälte,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, Mme O. Spineanu‑Matei et M. J.-C. Bonichot (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocate générale, Mme L. Medina, entendue,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Thomas Henry GmbH demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 26 février 2024, Thomas Henry/EUIPO – Shanghai Chengzhi Enterprise Service Center (MATE MATE) (T‑505/23, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2024:141), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 juin 2023 (affaire R 2364/2022‑4), relative à une procédure de nullité entre Shanghai Chengzhi Enterprise Service Center et Thomas Henry.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que son pourvoi doit être admis, car la clarification des questions faisant l’objet du pourvoi revêt une importance significative pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), en jugeant que le signe figuratif « MATE MATE » était descriptif des produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée. À cet égard, la requérante fait notamment valoir que le terme « MATE » figurant dans ce signe présente de multiples facettes et n’est pas uniquement associé à la plante, ce qui met en évidence son caractère distinctif. En outre, la requérante soutient qu’un signe n’est pas descriptif s’il ne peut pas être clairement associé à une langue. Elle ajoute que les conditions relatives à l’association claire à une langue ne sont remplies que si le terme a une signification constante, à savoir, lorsque son sens est clairement défini et qu’il est compris de la même manière par différents locuteurs. Or, selon la requérante, ces conditions ne sont pas satisfaites en l’espèce, car le mot « MATE » n’appartient pas exclusivement à une quelconque langue et peut être interprété de manière variée selon les langues.

8        En outre, la requérante fait valoir que l’hypothèse d’un groupe homogène de produits ou de services nécessite une motivation séparée et complète. Même si, en cas d’existence d’un tel groupe ou d’une telle catégorie, la justification des produits et des services peut être généralisée, cela ne dispenserait pas le Tribunal d’expliquer de manière plus approfondie l’hypothèse d’un groupe ou d’une catégorie homogène des produits ou services.

9        En deuxième lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir apprécié de manière erronée les exigences énoncées à l’article 63 du règlement 2017/1001, en ce qu’il a considéré à tort que Shanghai Chengzhi Entreprise Service avait respecté les exigences relatives à la preuve de la légitimation active. En effet, le certificat d’entreprise présenté par Shanghai Chengzhi Enterprise Service Center à cet égard daterait de décembre 2019, alors que la demande en nullité a été déposée le 13 septembre 2021. Par conséquent, à cette dernière date, Shanghai Chengzhi Enterprise Service Center n’aurait pas rempli les conditions pour ouvrir une procédure de nullité.

10      En troisième lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu son pouvoir d’appréciation en matière d’enregistrements antérieurs de la marque « MATE MATE ». Selon la requérante, le Tribunal était tenu d’indiquer, ou à tout le moins d’examiner, les enregistrements antérieurs présentés dans sa décision, ce qu’il aurait omis de faire. En effet, il se serait contenté de constater que ces enregistrements n’étaient pas pertinents pour le recours relatif à la demande en question.

 Appréciation de la Cour

11      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

12      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

13      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C 382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

14      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 28 mai 2024, Cruelty Free Europe/ECHA, C-79/24 P, EU:C:2024:430, point 19).

15      En l’occurrence, en ce qui concerne, en premier lieu, l’argumentation de la requérante exposée aux points 7, 9 et 10 de la présente ordonnance, tirée d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 63 du règlement 2017/1001 ainsi que d’une prétendue méconnaissance par le Tribunal de son pouvoir d’appréciation, il convient de constater que la requérante se borne à énoncer des erreurs prétendument commises par le Tribunal, sans identifier les points de l’ordonnance attaquée qu’elle met en cause ni exposer les raisons concrètes pour lesquelles ces erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. Dès lors, force est de constater que la requérante n’a pas respecté l’ensemble des exigences énoncées au point 12 de la présente ordonnance.

16      En outre, dans la mesure où l’argumentation de la requérante concernant l’absence de caractère descriptif du signe figuratif « MATE MATE » vise à remettre en cause des appréciations factuelles auxquelles s’est livré le Tribunal, il importe de rappeler qu’une telle argumentation ne saurait démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (voir, en ce sens, ordonnance du 9 janvier 2024, Yayla Türk/EUIPO, C-611/23 P, EU:C:2024:3, point 14 et jurisprudence citée).

17      En second lieu, en ce qui concerne l’argumentation évoquée au point 8 de la présente ordonnance, force est de constater que, par une telle argumentation, la requérante vise, en substance, à reprocher au Tribunal d’avoir manqué à son obligation de motivation, en ce que ce dernier n’a pas expliqué de manière suffisamment approfondie pourquoi il a pris en considération l’hypothèse d’un groupe ou d’une catégorie homogène de produits ou de services.

18      À cet égard, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue une erreur de droit qui peut être invoquée dans le cadre d’un pourvoi, l’admission d’un pourvoi demeure toutefois subordonnée au respect des conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, au sens indiqué au point 12 de la présente ordonnance, que ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, par analogie, ordonnance du 8 mai 2024, Wyrębski/QC e.a., C-689/23 P, EU:C:2024:397, point 25 et jurisprudence citée). Or, la requérante ne fournit pas les raisons pour lesquelles le défaut de motivation de l’ordonnance attaquée qu’elle allègue soulève une telle question.

19      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu d’admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

22      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié à l’autre partie à la procédure et, par conséquent, avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Thomas Henry GmbH supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.