Language of document : ECLI:EU:T:2012:532





DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

10 octobre 2012 (*)

« Dumping – Importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de Chine – Soutien de la plainte par l’industrie communautaire – Définition du produit concerné – Préjudice – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Coûts des principaux intrants reflétant en grande partie les valeurs du marché – Article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement (CE) n° 384/96 [devenu article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement (CE) n° 1225/2009] »

Dans l’affaire T‑172/09,

Gem-Year Industrial Co. Ltd, établie à Zhejiang (Chine),

Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang) Co. Ltd, établie à Zhejiang,

représentées initialement par Mes K. Adamantopoulos et Y. Melin, puis par Mes Melin, V. Akritidis et F. Crespo, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté de Mes G. Berrisch et G. Wolf, avocats, puis par MM. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de Me Berrisch,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et C. Clyne, en qualité d’agents,

et par

European Industrial Fasteners Institute AISBL (EIFI), établie à Bruxelles (Belgique), représentée initialement par Mes J. Bourgeois, Y. van Gerven et E. Wäktare, puis par Me Bourgeois, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 91/2009 du Conseil, du 26 janvier 2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO L 29, p. 1),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 décembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Les requérantes, Gem-Year Industrial Co. Ltd et sa filiale Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang) Co., Ltd., sont des sociétés chinoises productrices et exportatrices du produit concerné vers l’Union européenne. Ce produit est constitué « par certains éléments de fixation en fer ou en acier, autres qu’en acier inoxydable, à savoir les vis à bois (autres que tire-fonds), les vis autotaraudeuses, les autres vis et boulons avec tête (même avec leurs écrous ou rondelles, mais à l’exclusion des vis décolletées dans la masse, d’une épaisseur de tige n’excédant pas 6 mm, et à l’exclusion des vis et boulons pour la fixation d’éléments de voies ferrées) et les rondelles, originaires de […] Chine ».

2        À la suite d’une plainte déposée le 26 septembre 2007 par l’European Industrial Fasterners Institute AISBL (EIFI), la Commission des Communautés européennes a publié, le 9 novembre 2007, un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO C 267, p. 31). L’enquête a couvert la période comprise entre le 1er octobre 2006 et le 30 septembre 2007. L’examen des tendances utiles aux fins de l’évaluation du préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2003 et la fin de la période d’enquête.

3        Compte tenu du nombre important de parties concernées, il a été envisagé, au point 5.1, sous a), de l’avis d’ouverture, de recourir à la technique d’échantillonnage, conformément au règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base ») [remplacé par le règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22)], et en particulier conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 17, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009). En outre, au point 5.1, sous b), de l’avis d’ouverture, la Commission a précisé que, afin d’obtenir les informations qu’elle jugeait nécessaires à son enquête, elle enverrait des questionnaires aux producteurs-exportateurs en Chine inclus dans l’échantillon, à toute association de producteurs-exportateurs, aux importateurs inclus dans l’échantillon et à toute association d’importateurs cités dans la plainte ainsi qu’aux autorités du pays exportateur concerné.

4        Gem-Year Industrial Co. a fourni à la Commission, le 26 novembre 2007, les informations requises par les points 5.1, sous a), i), de l’avis d’ouverture, afin de faire partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs que cette institution se proposait d’établir. Elle a également demandé à se voir octroyer le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « statut de SEM ») ou de bénéficier d’un traitement individuel.

5        Gem-Year Industrial Co. n’a pas été retenue dans l’échantillon des producteurs-exportateurs établi par la Commission. Elle n’a pas demandé qu’une marge individuelle soit calculée en application de l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 17, paragraphe 3, du règlement n° 1225/2009).

6        Le 4 août 2008, la Commission a adressé aux requérantes un document d’information relatif à la non-institution de mesures antidumping provisoires. Les requérantes n’ont pas soumis de commentaires relatifs à ce document.

7        Le 3 novembre 2008, la Commission a adressé aux requérantes le document d’information exposant les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle avait l’intention de proposer au Conseil de l’Union européenne l’institution d’un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de Chine.

8        Le 26 janvier 2009, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 91/2009, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine (JO L 29, p. 1, ci-après le règlement attaqué).

9        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement attaqué a institué un droit antidumping définitif de 77,5 % sur les importations du produit concerné, à l’égard des sociétés ayant coopéré, mais non incluses dans l’échantillon, au nombre desquelles figurait Gem-Year Industrial Co.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 avril 2009, les requérantes ont introduit le présent recours.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 juillet 2009, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 14 septembre 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Par lettre du 9 octobre 2009, la Commission a informé le Tribunal qu’elle renonçait à déposer un mémoire en intervention, mais qu’elle prendrait part à l’audience.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 août 2009, l’EIFI a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par ordonnance du 23 octobre 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention de l’EIFI. L’EIFI a présenté son mémoire en intervention le 11 décembre 2009.

13      Les requérantes ont demandé le 29 septembre 2009 que certains éléments confidentiels contenus dans deux annexes de la requête soient exclus de la communication à l’EIFI et ont produit une version non confidentielle de ladite requête. La communication à l’EIFI a été limitée à cette version non confidentielle, l’EIFI n’a pas soulevé d’objection à ce sujet.

14      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

15      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité le Conseil et les requérantes à répondre à certaines questions écrites. Les parties ont déféré à cette demande.

16      Les parties principales au litige ainsi que les parties intervenantes ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 16 décembre 2011.

17      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

18      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

19      L’EIFI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux exposés par l’EIFI du fait de son intervention.

  En droit

 Sur l’étendue du chef de conclusions en annulation

20      Sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal, le Conseil expose que le recours devrait être déclaré irrecevable en ce que les requérantes demandent l’annulation du règlement attaqué dans sa globalité et non dans la seule mesure où il les concerne.

21      L’article 230, quatrième alinéa, CE subordonne la recevabilité d’un recours en annulation formé par une personne physique ou morale à la condition que l’acte attaqué, même s’il a été pris sous l’apparence d’un règlement, la concerne directement et individuellement.

22      Selon une jurisprudence constante, les règlements instituant un droit antidumping, bien qu’ils aient, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, sont de nature à concerner directement et individuellement, entre autres, celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (voir arrêt de la Cour du 15 février 2001, Nachi Europe, C‑239/99, Rec. p. I‑1197, point 21, et la jurisprudence citée).

23      Lorsqu’un règlement instituant un droit antidumping impose des droits différents à une série de sociétés, une société n’est individuellement concernée que par les dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non par celles qui imposent des droits antidumping à d’autres sociétés, de telle sorte que le recours de cette société n’est recevable que dans la mesure où il tend à l’annulation du règlement dans celles de ses dispositions qui la concernent exclusivement (arrêt Nachi Europe, point 22 supra, point 22).

24      En l’espèce, il convient d’observer que, si les requérantes concluent à l’annulation du règlement attaqué dans son intégralité, il ressort de leurs écritures qu’elles se bornent en réalité à contester la légalité du droit antidumping qui leur a été imposé, ce qu’elles ont, par ailleurs, confirmé dans leur réponse à la question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

25      Ainsi, l’éventuelle illégalité de ce droit n’affecterait la légalité du règlement attaqué que dans la mesure où il impose un droit antidumping aux requérantes. Elle n’affecterait pas, en revanche, la légalité des autres éléments du règlement attaqué, à savoir, notamment, les droits antidumping imposés aux autres sociétés destinataires.

26      Dans ces circonstances, il y a lieu d’interpréter le présent recours en annulation en ce sens qu’il ne vise que l’annulation partielle du règlement attaqué, dans la mesure où il impose un droit antidumping définitif aux requérantes. 

 Sur le fond

27      Aux fins de contester la légalité du règlement attaqué, les requérantes avancent sept moyens.

28      Dans le cadre de leur premier moyen, les requérantes se réfèrent à une violation de l’article 5, paragraphes 1 et 4, du règlement de base (devenu article 5, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 1225/2009), en ce que la procédure aurait été ouverte sur la base d’une plainte de l’EIFI, alors que ce dernier représenterait moins de 25 % de la production communautaire totale du produit similaire.

29      S’agissant du deuxième moyen, les requérantes critiquent la détermination du produit concerné, en ce qu’elle inclurait, en réalité, plusieurs produits alors qu’il ressort de la lecture combinée de différentes dispositions du règlement de base que le produit concerné ne peut pas couvrir plus d’un seul produit.

30      En ce qui concerne le troisième moyen, il est tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du préjudice prétendument subi par l’industrie communautaire.

31      Dans le cadre de leurs quatrième et cinquième moyens, les requérantes estiment que les institutions ont violé l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement n° 1225/2009] en refusant le statut de SEM sur la base d’une interprétation erronée de la condition figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa du règlement n° 1225/2009] et imposant que les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché.

32      Par leur sixième moyen, les requérantes estiment que les institutions ont manqué à leur obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce à l’occasion de l’examen de la valeur du principal entrant sur le marché chinois.

33      Enfin, le septième moyen est tiré d’une violation du règlement (CE) n° 2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288, p. 1).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 5, paragraphes 1 et 4, du règlement de base

34      Les requérantes reprochent au Conseil d’avoir estimé que l’EIFI représentait plus de 25 % de la production communautaire, en se fondant sur les données Prodcom (production communautaire) d’Eurostat (Office statistique de l’Union européennes) (ci-après les « données Prodcom ») susceptibles de ne concerner que 90 % de la production communautaire, sans prendre en compte une marge d’erreur de 10 %. L’application d’une telle marge d’erreur impliquerait que l’EIFI peut ne représenter que 24,58 % de la production totale du produit similaire dans l’Union européenne. Dans la mesure où il résulte de la lecture combinée de l’article 5, paragraphes 1 et 4, du règlement de base qu’une enquête ne peut être ouverte lorsque les producteurs communautaires soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production communautaire, cette erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation de la représentativité d’EIFI entacherait la légalité du règlement attaqué.

35      Dans leur réplique, elles font également valoir que les données relatives aux producteurs représentant moins de 1 % de la production communautaire n’ont pas été incluses, ni celles des entreprises employant moins de 20 personnes. Dans la mesure où il serait admis que la production communautaire est fortement fractionnée, l’ouverture d’une enquête dans de telles conditions revêtirait un caractère manifestement erroné.

36      Le Conseil, soutenu par l’EIFI, conclut au rejet du présent moyen.

37      L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base (devenu article 5, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1225/2009) dispose que, « sous réserve du paragraphe 6, une enquête visant à déterminer l’existence, le degré et l’effet de tout dumping allégué est ouverte sur plainte présentée par écrit par toute personne physique ou morale ou toute association n’ayant pas la personnalité juridique, agissant au nom de l’industrie communautaire ».

38      Aux termes de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« Une enquête n’est ouverte conformément au paragraphe 1 que s’il a été déterminé, en se fondant sur un examen du degré de soutien ou d’opposition à la plainte exprimée par les producteurs communautaires du produit similaire, que la plainte a été présentée par l’industrie communautaire ou en son nom. La plainte est réputée avoir été déposée par l’industrie communautaire ou en son nom si elle est soutenue par des producteurs communautaires dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale du produit similaire par la partie de l’industrie communautaire exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. Toutefois, il ne sera pas ouvert d’enquête lorsque les producteurs communautaires soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production totale [communautaire]. »

39      L’article 5, paragraphe 6, du règlement de base (devenu article 5, paragraphe 6, du règlement n° 1225/2009) se réfère à la possibilité pour les autorités, « dans des circonstances spéciales », d’ouvrir une enquête sans être saisies d’une plainte.

40      En l’espèce, il est constant que l’enquête a été ouverte sur la base de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base et non de l’article 5, paragraphe 6, de ce même règlement. Partant, il convient de vérifier si les institutions ont pu valablement conclure que la condition tenant à un niveau de soutien suffisant de la plainte par l’industrie communautaire était remplie.

41      À cet égard, en premier lieu, il convient, de souligner que le chiffre de 27 % figurant au considérant 114 du règlement attaqué, sur la base duquel les requérantes appuient leur argumentation, se réfère aux « entreprises qui ont soutenu la plainte et ont pleinement coopéré à l’enquête ».

42      Toutefois, s’agissant de l’examen de la représentativité de l’industrie communautaire au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base, seule importe la part de l’industrie communautaire qui a soutenu la plainte, au moment du dépôt de celle-ci, quel qu’ait été le comportement ultérieur de ces entreprises. Cela découle nécessairement de la circonstance selon laquelle l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base ne contient aucune obligation pour la Commission de mettre fin à une procédure antidumping en cours lorsque le niveau de soutien de la plainte est passé en deçà d’un seuil minimal de 25 % de la production communautaire (arrêt du Tribunal du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, Rec. p. II‑383, point 139).

43      Or, il ressort de l’annexe B.1 à laquelle le Conseil renvoie au point 17 de son mémoire en défense, annexe constituée par une note au dossier en date du 8 novembre 2007 accessible aux requérantes au cours de la procédure administrative, que, si le plaignant, l’EIFI, représentait, selon la Commission, 26,7 % de la production communautaire en 2006 et 29,6 % pendant le premier semestre de 2007, 53 autres producteurs ont soutenu sa plainte. Ainsi, la représentativité de l’industrie communautaire soutenant la plainte s’établissait à 37 % de la production communautaire en 2006 et à près de 41 % en 2007.

44      Partant, et en dépit de la rédaction maladroite du considérant 114 du règlement attaqué, en ce que celui-ci désigne les « entreprises qui ont soutenu la plainte et ont pleinement coopéré à l’enquête » comme constituant l’industrie communautaire au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base, il y a lieu de conclure que la part de l’industrie communautaire soutenant la plainte était à la date de dépôt de celle-ci largement supérieure à 27 % de la production communautaire et donc au seuil des 25 % mentionné à l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base.

45      En deuxième lieu, et en toute hypothèse, dans l’éventualité même où la représentativité de l’industrie communautaire devrait être établie sur la seule base de l’EIFI, la condition figurant à l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base apparaîtrait remplie.

46      Ainsi qu’il est souligné aux considérants 112 et 113 du règlement attaqué, les institutions ont estimé qu’elles n’avaient pas d’informations suffisantes en leur possession pour définir précisément le volume total de la production communautaire. Elles ont donc établi celui-ci sur la base des données Prodcom recueillies en application de la méthode définie dans le règlement (CEE) n° 3924/91 du Conseil, du 19 décembre 1991, relatif à la création d’une enquête communautaire sur la production industrielle (JO L 374, p. 1), tel que modifié.

47      Certes, il ressort de la lecture dudit règlement que la méthode en question comprend une marge d’approximation, en ce qu’il est requis par son article 3, paragraphe 2, que les données concernent au moins 90 % de la production. De même, l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement souligne qu’ « il est tenu compte de toutes les entreprises occupant au moins vingt personnes » et que « ce seuil est révisé en fonction de l’exigence de représentativité mentionnée au paragraphe 2 ». Enfin, l’article 3, paragraphe 4, du même règlement souligne que, « lorsque la production des entreprises d’une classe […] d’un État membre représente moins de 1 % du total communautaire, les informations relatives aux rubriques correspondant à cette classe peuvent ne pas être relevées ».

48      Il est également exact qu’il est constant entre les parties que la production communautaire est fragmentée, le considérant 112 soulignant l’existence d’un nombre élevé de producteurs, plus de 300 « pour la plupart des petites et moyennes entreprises ».

49      Ainsi, la représentativité de l’EIFI a pu potentiellement être calculée sur la base d’une production communautaire minorée, ce qui conduirait logiquement à augmenter artificiellement son taux de représentativité.

50      Toutefois, premièrement, il convient, de souligner que les institutions ont pu à bon droit se fonder sur des données statistiques, dès lors qu’il ne leur était pas possible de déterminer le volume exact de la production communautaire du produit similaire.

51      Deuxièmement, il y a lieu de constater que la potentielle minoration de la production communautaire liée à la prise en compte des données Prodcom n’a pas eu d’incidences sur le caractère suffisamment représentatif de l’EIFI.

52      D’une part, en ce qui concerne l’éventualité que les données Prodcom n’aient pas pris en compte les données en provenance des États dont la production est inférieure à 1 % du total communautaire, le Conseil fait valoir, sans être contredit par les requérantes sur ce point, que la production en provenance de ces États a été prise en compte dans le cas d’espèce.

53      D’autre part, la circonstance selon laquelle les données Prodcom représentent « au moins » 90 % de la production totale de l’industrie communautaire, implique que la part de l’EIFI dans l’industrie communautaire est susceptible d’avoir été comprise entre 24,58 % et 26,7 % en 2006. Pour 2007, les requérantes ne donnent pas d’évaluation, le Conseil se référant à 29,6 % du total de la production communautaire. Partant, même en prenant en compte l’évaluation privilégiée par les requérantes, il demeure que la représentativité de l’EIFI est sensiblement équivalente au seuil de 25 % mentionné à l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base.

54      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, portant sur la détermination du produit concerné

55      En substance, les requérantes font valoir que la définition du « produit concerné » présente aux considérants 40 à 43 du règlement attaqué concerne, en réalité, plusieurs produits, alors qu’il ressort de la lecture combinée de l’article 1er, paragraphe 4, de l’article 2, paragraphes 8 et 10, de l’article 3, paragraphe 4, de l’article 9, paragraphe 5, de l’article 11, paragraphe 4 et de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base (devenus article 1er, paragraphe 4, article 2, paragraphes 8 et 10, article 3, paragraphe 4, article 9, paragraphe 5, article 11, paragraphe 4 et article 13, paragraphe 1, du règlement n° 1225/2009) que le produit concerné ne peut pas couvrir plus d’un seul produit. Elles estiment que deux marchandises ne peuvent être considérées comme constituant un seul produit qu’à la condition qu’elles soient identiques.

56      Les produits à l’égard desquels des droits antidumping ont été institués pourraient être divisés en huit catégories : « 1) boulons de haute qualité, 2) boulons de faible qualité, 3) rondelles de haute qualité, 4) rondelles de faible qualité, 5) écrous de haute qualité, 6) écrous de faible qualité, 7) vis de haute qualité et 8) vis de faible qualité ». Les requérantes estiment que les boulons, rondelles, écrous et vis sont manifestement différents au regard de leurs caractéristiques physiques, de leur utilisation, de leurs différentes fonctions de base et des besoins auxquels ils répondent. Cette diversité serait d’autant plus manifeste qu’ont été pris en compte à la fois des éléments de fixation standard et des éléments de fixation spéciaux.

57      Le Conseil, soutenu par l’EIFI, conclut au rejet du présent moyen.

58      Alors que l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base définit le produit similaire comme « un produit identique, c’est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré », le règlement de base ne précise pas comment doit être défini le produit ou la gamme de produits pouvant faire l’objet d’une enquête de dumping, ni n’exige de procéder à une taxinomie fine (arrêt du Tribunal du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, Rec. p. II‑1383, point 61).

59      Selon une jurisprudence constante, la définition du produit concerné dans le cadre d’une enquête antidumping a pour objet d’aider à l’élaboration de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l’objet de l’imposition des droits antidumping. Aux fins de cette opération, les institutions peuvent tenir compte de plusieurs facteurs, tels que, notamment, les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu’en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production et la qualité (arrêts du Tribunal du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, non encore publié au Recueil, point 138, et du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T‑369/08, non encore publié au Recueil, point 82).

60      Il en découle nécessairement que des produits qui ne sont pas identiques peuvent être regroupés dans la même définition du produit concerné et faire l’objet, ensemble, d’une enquête antidumping. Sur cette base, il convient donc d’emblée de rejeter l’argument des requérantes tiré de ce que le produit concerné ne peut concerner qu’un produit ou que des produits identiques.

61      Il y a donc lieu de vérifier si les requérantes sont à même de démontrer soit que les institutions ont effectué une appréciation erronée au regard des facteurs qu’elles ont jugé pertinents, soit que l’application d’autres facteurs plus pertinents aurait imposé l’exclusion de ce produit de la définition du produit concerné.

62      Dans ce cadre de contrôle, il convient de prendre en compte la circonstance selon laquelle, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner et que, partant, le contrôle du juge de l’Union sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 17 décembre 2008, HEG et Graphite India/Conseil, T‑462/04, Rec. p. II‑3685, point 68, et la jurisprudence citée). À cet égard, dès lors qu’il a déjà été jugé que la détermination du produit similaire relevait de l’exercice du large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions et faisait donc l’objet d’un contrôle restreint (arrêt Shanghai Bicycle/Conseil, point 58 supra, point 63), la même approche doit être suivie en ce qui concerne le contrôle du bien-fondé de la détermination du produit concerné.

63      Les griefs présentés par les requérantes peuvent être divisés en deux catégories selon que, d’une part, elles contestent le principe même de la détermination d’une catégorie unique constituée par les « éléments de fixation » et, d’autre part, elles font valoir que les différences de qualité existant entre lesdits produits s’opposent à leur inclusion dans une même catégorie.

–       Sur le bien-fondé de la détermination d’un produit concerné constitué par les éléments de fixation

64      En substance, les requérantes exposent que les différences séparant les boulons, rondelles, écrous et vis ne permettent pas de les ranger dans une catégorie unique constituée par les « éléments de fixation ».

65      Un tel grief doit être rejeté, le Conseil ayant pu valablement unir ces produits au sein d’une même catégorie au motif qu’ils avaient la même fonction d’assemblage mécanique de deux ou de plusieurs pièces, étaient utilisés par le même public et devaient répondre « aux mêmes caractéristiques physiques et techniques parmi lesquelles figur[ai]ent la résistance, les tolérances, la finition et le revêtement » (considérant 42 du règlement attaqué). En effet, au vu de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, des facteurs tels que la destination des produits et le public concerné apparaissent particulièrement pertinents. Il n’apparaît, en outre, pas manifestement erroné de considérer que l’application de ces facteurs aux produits en question permet de conclure qu’ils relèvent de la même catégorie de produits, constituée par les « éléments de fixation ».

66      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation des requérantes tirée de ce que lesdits produits ne seraient pas interchangeables, en ce sens que l’on « ne peut pas utiliser une rondelle comme un écrou, ni un écrou comme une vis » et que leurs caractéristiques physiques seraient manifestement différentes.

67      En effet, il peut être retenu que les produits en question sont à même d’être utilisés alternativement aux fins d’assembler mécaniquement deux ou plusieurs pièces. En outre, suivre l’argumentation des requérantes reviendrait à considérer que seuls les produits qui sont strictement identiques sont à même d’être inclus dans la même définition du produit concerné. Or, pour les raisons exposées au point 60 ci-dessus, une telle approche présenterait un caractère erroné.

–        Sur le bien-fondé de l’inclusion dans la même catégorie d’éléments de fixation de qualité différente

68      En substance, les requérantes invoquent, dans ce cadre, deux griefs. D’une part, leur argumentation pourrait être comprise comme critiquant l’analyse, sous une même catégorie, de produits de qualité différente. D’autre part, et de manière plus explicite, elles soutiennent que les institutions ont commis une erreur manifeste d’appréciation en incluant dans la définition du produit concerné à la fois des éléments de fixation standard et des éléments di fication spéciaux.

69      En ce qui concerne le premier grief, il reprend, en substance, certains arguments évoqués au cours de la procédure administrative et résumés au considérant 45 du règlement attaqué, tirés de ce qu’il conviendrait de distinguer entre les éléments de fixation destinés au marché des utilisateurs non professionnels et ceux destinés au marché des utilisateurs professionnels au motif que les premiers seraient de moindre qualité que les seconds.

70      Il suffit, à cet égard, de souligner que tant les éléments de fixation destinés aux utilisateurs non professionnels que ceux visant plutôt le public des professionnels peuvent être qualifiés de standard, en ce qu’ils sont « décrits en détail dans des normes industrielles » et que de tels normes « garantissent que les produits fabriqués par différents fournisseurs dans différents pays sont, pour l’essentiel, interchangeables pour les utilisateurs » (considérant 50 du règlement attaqué). Partant, les institutions ont pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, ne pas distinguer en leur sein entre ceux destinés aux utilisateurs professionnels et ceux destinés aux non professionnels, dans la mesure où ceux-ci apparaissaient soumis aux mêmes normes et étaient interchangeables entre eux (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Shanghai Bicycle/Conseil, point 58 supra, points 68 à 71).

71      Il convient, dès lors, de rejeter ce premier grief.

72      Dans le cadre de leur second grief, les requérantes reprochent aux institutions d’avoir inclus dans la même définition du produit concerné non seulement des éléments de fixation standard, mais également des éléments de fixation spéciaux.

73      Le règlement attaqué définit les éléments de fixation spéciaux comme étant « fabriqués selon les plans et/ou les exigences d’un utilisateur donné » et souligne qu’« [i]l est aussi généralement admis que les éléments de fixation spéciaux sont souvent utilisés dans des applications plus exigeantes, par exemple dans l’industrie automobile, l’industrie chimique et d’autres industries, et que leurs coûts de production ainsi que leurs prix de vente sont, en moyenne, nettement plus élevés que ceux des éléments de fixation standard » (considérant 50 du règlement attaqué).

74      Il est, certes, exact qu’il ressort de cette définition des éléments de fixation spéciaux que la demande pour ceux-ci peut être clairement distinguée de la demande pour des éléments de fixation standard. En effet, au-delà de leur fonction commune, à savoir assembler mécaniquement deux ou plusieurs pièces, les éléments de fixation spéciaux diffèrent, à plusieurs égards, des éléments de fixation standard. Ils ne sont pas fabriqués selon des normes internationales, sont produits à la demande du client pour des applications industrielles et engendrent, par conséquent, un coût qui n’est pas comparable à celui des produits standard.

75      Toutefois, en premier lieu, il convient, de relever que, du côté de l’offre, une possibilité de substitution entre les éléments de fixation standard et spéciaux peut être établie, en ce qu’il est possible de passer de la production d’éléments de fixation standard à la production d’éléments de fixation spéciaux. Il ressort, à cet égard, de la lecture des considérants 131, 137, 138, 146, 149 et 176 du règlement attaqué que l’un des effets de l’importation d’éléments de fixation standard en provenance de Chine a été une migration de l’industrie communautaire vers la production d’éléments de fixation spéciaux. Ce point n’est, par ailleurs, pas contesté par les requérantes.

76      Dès lors, le caractère complet de l’analyse des effets des importations chinoises sur l’industrie communautaire impliquait nécessairement que soient pris en compte non seulement les éléments de fixation standard, mais également les éléments de fixation spéciaux.

77      En second lieu, il se déduit des considérants 51, 54 et 103 du règlement attaqué que, si les exportations dans l’Union sont principalement constituées d’éléments de fixation standard, elles comprennent également des éléments de fixation spéciaux.

78      Dans ces conditions, il apparaît que les éléments de fixation spéciaux devaient être examinés dans le cadre de l’enquête antidumping, non seulement dans le cadre de l’évaluation du préjudice subi par l’industrie communautaire, mais également aux fins de vérifier l’existence d’un dumping portant sur ce type d’importations.

79      Ainsi, et dans la mesure où, en application de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus, la définition du produit concerné dans le cadre d’une enquête antidumping a pour objet d’aider à l’élaboration de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l’objet de l’imposition des droits antidumping, il convient de conclure que les institutions ont valablement inclus les éléments de fixation spéciaux dans la définition du produit concerné, dès lors qu’elles ont veillé à prendre en compte les différences intrinsèques de coût entre les éléments de fixation standard et spéciaux. À cet égard, il y a lieu d’observer qu’il ressort des considérants 102, 103 et 125 du règlement attaqué que les institutions n’ont pas effectué une comparaison basée sur les prix moyens des éléments de fixation, mais par type d’éléments.

80      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le présent grief et, partant, le moyen dans son ensemble doivent être rejetés.

  Sur le troisième moyen, portant sur le préjudice prétendument subi par l’industrie communautaire

81      Les requérantes estiment que le règlement attaqué est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il conclut que l’industrie communautaire a subi un préjudice. Le présent moyen est, en substance, composé de trois branches, tirées premièrement, de la violation de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 5, du règlement n° 1225/2009) en raison de la prise en compte d’un seul facteur pertinent, deuxièmement, d’une contradiction dans les motifs du règlement attaqué et, troisièmement, du caractère non fiable et digne de foi des éléments pris en compte par le Conseil aux fins d’établir le préjudice de l’industrie communautaire.

82      Le Conseil, soutenu par l’EIFI, conclut au rejet de ce moyen.

–       Sur la première branche, tirée de la prise en compte d’un seul facteur pertinent

83      Les requérantes considèrent qu’il découle des termes utilisés dans le règlement attaqué que les institutions se sont exclusivement fondées sur le seul facteur tiré de la baisse de la part de marché de l’industrie communautaire pour conclure à l’existence d’un préjudice important subi par celle-ci, alors qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, ainsi que d’une jurisprudence constante, que l’examen du préjudice doit porter sur un ensemble de facteurs.

84       Le Conseil estime que le règlement de base et la jurisprudence n’impliquent pas que l’existence d’un préjudice ne puisse être établie sur la base d’un seul facteur. En outre, les requérantes dénatureraient le règlement attaqué en soutenant que les institutions se sont fondées sur le seul indicateur des parts de marché.

85      Force est de constater qu’il ressort de la lecture des considérants 153 à 161 du règlement attaqué que l’évolution de la part de marché de l’industrie communautaire n’est pas le seul facteur pertinent sur lequel les institutions se sont fondées pour établir l’existence d’un préjudice.

86      D’une part, il convient de lire le considérant 154 du règlement attaqué, certes rédigé de manière maladroite, en ce qu’il y est mentionné que, « alors que la consommation communautaire a augmenté de 29 %, le volume des ventes communautaires n’a diminué que de 1 % », en liaison avec le considérant 155 de ce même règlement, où il est souligné que, « [e]n conséquence, la production n’a pas progressé au même rythme que la consommation communautaire ». Il en découle que les institutions ont également pris en compte comme facteur révélateur de l’existence d’un préjudice grave subi par l’industrie communautaire la circonstance selon laquelle, en raison des importations du produit concerné, celle-ci n’avait pas été en mesure de bénéficier d’un contexte favorable d’augmentation de la demande communautaire.

87      D’autre part, il est également souligné, au considérant 155, que « l’utilisation des capacité est resté très faible, à environ 50 %, au cours de la période considérée » et que « cette situation a aussi eu un impact négatif sur la rentabilité, car elle a empêché l’industrie de tirer pleinement parti des économies d’échelles ». Cette référence doit également être comprise comme signifiant que le maintien d’un niveau faible d’utilisation des capacités de l’industrie communautaire dans une situation de croissance de la demande est révélatrice d’un préjudice. Ce point est de nouveau relevé au considérant 157 où il est souligné, à propos de l’industrie communautaire que « sa rentabilité, son flux de liquidités et le rendement de ses investissements n’ont pas reflété la progression continue de la demande communautaire du produit concerné ».

88      Il convient donc de conclure que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les institutions ne se sont pas fondées sur la seule baisse de part de marché de l’industrie communautaire. Partant, et sans qu’il y ait lieu d’examiner si les institutions auraient éventuellement été en droit d’établir l’existence d’un préjudice de l’industrie communautaire sur la base d’un seul facteur, il convient de rejeter la présente branche du moyen comme manquant en fait.

–        Sur la deuxième branche, tirée de l’existence d’une contradiction dans les motifs du règlement attaqué

89      Selon les requérantes, les considérants portant sur l’évaluation du préjudice subi par l’industrie communautaire sont contradictoires. Alors qu’au considérant 223 du règlement attaqué il est mentionné qu’une marge bénéficiaire de 5 % pourrait être escomptée en l’absence de dumping préjudiciable, il est souligné au considérant 140 dudit règlement que l’industrie communautaire a obtenu un bénéfice de 4,4 % pendant la période d’enquête. En se référant à la jurisprudence du Tribunal, les requérantes estiment qu’une telle contradiction justifie l’annulation du règlement attaqué. En réponse au Conseil, les requérantes contestent qu’une rentabilité inférieure de l’industrie communautaire à ce qu’elle aurait éventuellement pu être puisse être prise en compte au titre d’indicateur de préjudice, en ce qu’elle ne constitue pas une tendance négative.

90      Le Conseil, soutenu par l’EIFI, réfute l’existence d’une contradiction de motifs au sein du règlement attaqué.

91      En premier lieu, il convient d’emblée de rejeter l’argument des requérantes présenté dans la réplique et tiré de ce que la rentabilité de l’industrie communautaire au cours de la période examinée empêcherait qu’il soit conclu à l’existence d’un préjudice. En effet, les institutions étaient en droit de prendre en compte le fait que le dumping a impliqué un niveau inférieur de rentabilité pour l’industrie communautaire à celui qu’elle aurait pu escompter en son absence, au vu du caractère en très forte expansion du marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, Canon e.a./Conseil, 277/85 et 300/85, Rec. p. 5731, point 58).

92      En second lieu, l’argumentation des requérantes pourrait être comprise comme signifiant que la faible différence entre la marge bénéficiaire qu’a connue l’industrie communautaire et celle qu’elle aurait pu escompter en l’absence de dumping aurait dû conduire les institutions communautaires à conclure à une absence de préjudice important.

93      Premièrement, il convient de souligner que la marge bénéficiaire escomptée de 5 % ne saurait être comparée à la seule marge bénéficiaire réelle de l’industrie communautaire lors de la période d’enquête, soit 4,4 %, mais plutôt à sa marge bénéficiaire réelle durant la période examinée, dont l’objectif est de permettre un examen des tendances utiles aux fins de l’évaluation du préjudice sur une période plus longue que celle de l’enquête. Il en ressort que, à l’exception de l’année 2004 où la marge bénéficiaire était de 4,7 %, celle-ci a toujours été inférieure à 4,4 % : 2,1 % en 2003, 3,4 % en 2005 et 2,9 % en 2006. En outre, les requérantes ne remettent pas en cause l’affirmation du Conseil selon laquelle la période d’enquête a été caractérisée par une croissance exceptionnelle.

94      Deuxièmement et par voie de conséquence, dans la mesure où les requérantes ne contestent pas la matérialité des chiffres indiqués dans le règlement attaqué et qu’il en ressort une différence entre la marge bénéficiaire réelle et celle qu’aurait pu escompter l’industrie communautaire en l’absence de dumping, il convient de conclure qu’il n’y a pas de contradiction dans les motifs du règlement attaqué. Par ailleurs, il apparaît que les institutions n’ont commis aucune erreur manifeste d’appréciation en déduisant de cette différence de niveau de rentabilité la présence d’un préjudice important subi par l’industrie communautaire.

95      La deuxième branche du moyen doit donc être rejetée.

–       Sur la troisième branche, tirée du caractère non fiable et digne de foi des éléments pris en compte par le Conseil

96      Les requérantes font grief aux institutions d’avoir fondé leur évaluation du préjudice prétendument subi par l’industrie communautaire sur de simples spéculations, alors que, en application de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1225/2009), elles auraient été tenues de prendre en compte des éléments de preuve positifs. L’interprétation de cette disposition à la lumière des décisions des groupes spéciaux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) impliquerait que de tels éléments de preuves dussent être intrinsèquement fiables et dignes de foi. Sont contestées les appréciations présentes aux considérants 156 et 157 du règlement attaqué tirées, respectivement, de la fin d’un cycle conjoncturel favorable à l’industrie communautaire et de la circonstance selon laquelle le dumping pourrait peser lourdement sur la capacité de l’industrie communautaire à maintenir la production de pièces de grande qualité. Elles font également valoir, d’une part, que des considérations sur une évolution future ne sont pas pertinentes aux fins d’apprécier l’existence d’un préjudice important de l’industrie communautaire durant la période considérée et, d’autre part, que le pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions ne saurait aller jusqu’à l’établissement d’une présomption quant à l’existence d’un préjudice important.

97      Le Conseil estime que l’allégation des requérantes quant au caractère spéculatif de son analyse est dépourvue de fondement en ce qu’il est en droit de tirer des éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête des conclusions concernant une évolution future imminente. Il fait également valoir, en substance, que cette allégation est, en toute hypothèse, inopérante, dès lors qu’il est possible de conclure sur la base d’autres considérants du règlement attaqué que l’industrie communautaire a subi un préjudice important.

98      En application de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, « [l]a détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif : a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté ; et b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire ».

99      Au considérant 156 du règlement attaqué, le Conseil a observé que les facteurs ayant permis à l’industrie communautaire de limiter les effets des importations en dumping sur sa rentabilité s’expliquaient par la présence d’un cycle conjoncturel favorable et ne se retrouveraient plus une fois celui-ci terminé. Au considérant 157 de ce même règlement, il est, notamment, souligné que la circonstance selon laquelle le flux de liquidités et le rendement des investissements de l’industrie communautaire ne reflète pas la progression continue de la demande communautaire pour le produit concerné peut peser lourdement sur sa capacité à maintenir la production de pièces de grande qualité.

100    Il n’y a cependant pas lieu de vérifier si les institutions, en prenant en considération de tels éléments, ont violé l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, dès lors que leur conclusion quant à l’existence d’un préjudice important subi par l’industrie communautaire est suffisamment justifiée par d’autres motifs du règlement attaqué.

101    À cet égard, il convient de souligner que les deux éléments critiqués ne constituent pas l’aspect principal du raisonnement des institutions portant sur le préjudice. En substance, celui-ci est tiré du constat selon lequel le dumping a empêché l’industrie communautaire de bénéficier de la croissance du marché consécutive à l’augmentation de la consommation communautaire, en l’obligeant à s’écarter de la production d’éléments de fixation standard à plus grande échelle pour se concentrer sur la production d’éléments de fixation spéciaux. Le Conseil se fonde, à cet égard, sur plusieurs éléments de preuve positifs au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, tels que l’évolution au cours de la période considérée du volume de production de l’industrie communautaire (considérant 129), des capacités de production (considérant 130), des ventes (considérant 137), de la rentabilité (considérant 141 à 143).

102    Dans la mesure où les requérantes ne contestent pas la matérialité des autres éléments de preuve pris en compte pour arriver à ce constat et que celui-ci n’apparaît pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, il y a lieu de conclure que les institutions ont, sur cette base, valablement pu conclure que l’industrie communautaire avait subi un préjudice important.

103    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la troisième branche du moyen comme étant inopérante et, partant, le présent moyen dans sa totalité.

 Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés d’une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base

104     Par ces deux moyens qu’il y a lieu d’analyser ensemble, les requérantes critiquent l’interprétation de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base par les institutions, interprétation qui les a conduites à refuser, au considérant 63 du règlement attaqué, le statut de SEM à l’ensemble des sociétés en ayant fait la demande, au motif que le coût du principal intrant ne reflétait pas en grande partie les prix internationaux.

105    Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec. p. I‑4983, point 41, et la jurisprudence citée).

106    Par ailleurs, dès lors que les interprétations littérale et historique d’un règlement, et en particulier de l’une de ses dispositions, ne permettent pas d’en apprécier la portée exacte, il y a lieu d’interpréter la réglementation en cause en se fondant tant sur sa finalité que sur son économie générale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, point 168, et arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 148).

107    Enfin, il y a également lieu de rappeler que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec. p. I‑2549, point 21).

108    Selon l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de […] Chine, […] la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au point c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles du point a) s’appliquent. »

109    L’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement n° 1225/2009] précise que « [l]a requête présentée au titre [de l’article 2, paragraphe 7, sous b)] doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si : […] les décisions des entreprises concernant les prix[,] les coûts [et l]es intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’oeuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché ».

110    Au considérant 63 du règlement attaqué, le Conseil a souligné ce qui suit :

« Le statut de [SEM] a été refusé […] au motif que les coûts du principal intrant, le fil machine en acier, ne reflétaient pas en grande partie les valeurs du marché, comme l’exige l’article 2, paragraphe 7, point c), du règlement de base. Il a été établi que les prix du fil machine en acier ou, dans certains cas, du fil tréfilé facturés sur le marché chinois étaient sensiblement inférieurs à ceux qui étaient facturés sur d’autres marchés, notamment en Europe, en Inde, en Amérique du Nord et au Japon […] Étant donné que la Chine est obligée d’importer la plus grande partie de son minerai de fer aux prix du marché international, il est clair qu’elle ne bénéficie d’aucun avantage comparatif naturel qui expliquerait les prix anormalement bas du fil machine en acier sur le marché intérieur chinois. En même temps, diverses études […], font apparaître des interventions significatives de l’État dans ce secteur […] »

111    En outre, il est mentionné au considérant 66 du règlement attaqué ce qui suit :

« […] l’article 2, paragraphe 7, point c), du règlement de base exige, entre autres, que les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché. Le fil machine en acier, principal intrant pour la fabrication d’éléments de fixation, représente environ 50 % du coût de fabrication. Sur la base de données obtenues et vérifiées au cours de l’enquête et d’informations provenant de sources commerciales indépendantes, telles que le Steel Bulletin Board, il est indiscutable que les prix du fil machine en acier sur le marché intérieur chinois sont sensiblement inférieurs aux prix pratiqués sur d’autres marchés. Vu que la […] Chine ne bénéficie d’aucun avantage comparatif naturel en ce qui concerne le minerai de fer, qu’elle importe aux prix du marché international, il est considéré que rien ne justifie les prix anormalement bas du fil machine en acier, qui ne reflètent pas en grande partie les valeurs du marché. Cette conclusion s’applique aussi bien au secteur dans son ensemble qu’individuellement à toutes les sociétés de l’échantillon qui ont fait l’objet de l’enquête. Par conséquent, il est considéré que le premier critère de l’article 2, paragraphe 7, point c), n’est pas respecté. »

112    Enfin, au considérant 67 du règlement attaqué, le Conseil a précisé ce qui suit :

« Concernant l’interprétation du concept de ‘valeur du marché’, il convient d’entendre par là un prix de marché non faussé. À cet égard, comme indiqué plus haut, plusieurs sources et études signalent des interventions de l’État dans le secteur de l’acier en Chine. Par ailleurs, comme précisé ci-dessus, certains des plus grands producteurs chinois de fil machine en acier ont bénéficié de différents types de subventions en 2006 et en 2007, ainsi qu’il ressort de leurs états financiers vérifiés. Il convient également de garder à l’esprit qu’il appartient aux producteurs-exportateurs d’apporter la preuve qu’ils opèrent dans les conditions d’une économie de marché et que les coûts de leurs principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché. Cette preuve n’a pas été apportée en l’espèce. »

113    Dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérantes critiquent l’interprétation des institutions selon laquelle il conviendrait de prendre en compte un « marché non faussé » aux fins de vérifier si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché. 

114    Selon les requérantes, le critère tenant à ce que « les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché » implique qu’il convient de prendre en compte les valeurs du marché sur lequel la société achète ses intrants, c’est-à-dire, en l’espèce, le prix du fil machine en acier sur le marché chinois. Les institutions, en estimant, au considérant 63 du règlement attaqué, que l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base visait un « marché non faussé » et en prenant en compte la valeur du fil machine en acier sur le marché international, auraient suivi une interprétation erronée de cette disposition.

115    Le Conseil, soutenu par l’EIFI, conclut au rejet de ce moyen.

116    Aux fins de vérifier si les institutions ont suivi une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base en estimant que l’expression « les valeurs du marché » devait être comprise comme se référant à un marché non faussé et, partant, ont commis une erreur de droit, il convient de prendre en compte l’économie générale et l’objectif poursuivi par l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base.

117    L’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base [devenu article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement n° 1225/2009] établit une règle générale applicable aux pays ne disposant pas d’une économie de marché, s’agissant de la détermination de la valeur normale du produit concerné. À titre de dérogation, l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base prévoit la possibilité en ce qui concerne, notamment, les importations en provenance de Chine de permettre à un ou plusieurs producteurs de démontrer que les conditions d’une économie de marché prévalent en ce qui les concernent et, ainsi, d’éviter l’application du paragraphe 7, sous a), dudit article. L’objet des critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), de cet article est de permettre de déterminer si la possibilité ouverte par le paragraphe 7, sous b), du même article trouve à s’appliquer.

118    Ainsi la méthode de détermination de la valeur normale d’un produit, visée à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, est une exception à la méthode spécifique prévue à cette fin à l’article 2, paragraphe 7, sous a), dudit règlement, cette dernière étant en principe applicable dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Il est de jurisprudence constante que toute dérogation ou exception à une règle générale doit être interprétée strictement (voir arrêt du Tribunal du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, T‑299/05, Rec. p. II‑565, point 82, et la jurisprudence citée).

119    Or, force est de constater que le critère tenant à ce que les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base perdrait une grande partie de son utilité si pouvaient être prises en compte des valeurs dont le niveau a été artificiellement baissé du fait d’une intervention étatique.

120    Dès lors, dans la mesure où est en cause l’interprétation de l’un des facteurs destinés à vérifier si les conditions de marché prévalent à l’égard d’un producteur, l’expression « les valeurs du marché », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, ne saurait être comprise que comme se référant à un marché dans lequel la détermination des prix n’est pas faussée par des interventions étatiques du type de celles mise en exergue par le Conseil, notamment, au considérant 63 du règlement attaqué.

121    Il convient donc de conclure que les institutions n’ont pas commis l’erreur de droit alléguée par les requérantes et que, partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

122    Dans le cadre de leur cinquième moyen, les requérantes reprochent aux institutions d’avoir suivi une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, sous b), et c), du règlement de base, en refusant le statut de SEM aux producteurs-exportateurs qui en ont fait la demande, au motif que leurs fournisseurs n’opéraient pas eux-mêmes dans des conditions d’économie de marché, alors même que le marché du fil machine en acier et celui des éléments de fixation étaient différents.

123    À l’appui de leur argumentation, elles observent que le règlement (CE) n° 905/98 du Conseil, du 27 avril 1998, portant modification du règlement de base (JO L 128, p. 18), ayant conduit à l’introduction de l’article 2, paragraphe 7, sous b), et c), dans le règlement de base, a été adopté en raison des réformes opérées en Chine. Elles soutiennent également qu’il y a lieu d’interpréter ces dispositions à la lumière des obligations de la Communauté au titre de l’OMC, c’est-à-dire à la lumière de l’article 2 de l’accord sur la mise en oeuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO L 336, p. 103, ci-après le « code antidumping de 1994 ») et du paragraphe 15 du protocole d’accession de la République populaire de Chine à l’OMC (ci-après le « protocole »). Il en découlerait que le statut de SEM ne peut être refusé que si les conditions d’une économie de marché n’existent pas dans la branche de production faisant l’objet de l’enquête. Partant, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ne saurait être interprété d’une manière aboutissant au rejet du statut de SEM à l’égard d’une société chinoise, au motif que ses fournisseurs de matières premières n’opéraient pas eux-mêmes dans des conditions d’économie de marché.

124    Le Conseil, soutenu par l’EIFI, conclut au rejet du cinquième moyen.

125    Dans la mesure où l’un des critères énoncés par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base consiste en ce que « les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché », il découle nécessairement d’une interprétation littérale du règlement de base que la référence au « marché » dans le cadre spécifique de ce critère ne peut se comprendre que par référence au marché des intrants et non au marché du produit concerné. En outre, pour les raisons mentionnées aux points 117 à 120 ci-dessus, « les valeurs du marché », figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, ne sauraient être comprises que comme se référant à un marché dans lequel la détermination des prix n’est pas faussée par des interventions étatiques.

126    Partant, les institutions n’ont commis aucune erreur de droit en prenant en compte la circonstance selon laquelle le prix du principal intrant, le fil machine en acier, ne reflétait pas les valeurs du marché.

127    Cette conclusion, loin d’être infirmée par l’argumentation des requérantes portant sur l’intention du Conseil, telle qu’exprimée dans le règlement n° 905/98, s’en trouve être renforcée.

128    Le préambule de ce règlement souligne, dans son cinquième considérant, l’importance qu’il y a à réexaminer la pratique antidumping menée à l’égard de la Chine, notamment, en précisant que la valeur normale d’un produit pourra être déterminée conformément aux règles applicables aux pays connaissant une économie de marché, dans les cas où il aura pu être démontré que les conditions du marché prévalaient pour un ou plusieurs des producteurs faisant l’objet de l’enquête portant sur la fabrication et la vente du produit en question. Il est également souligné dans le sixième considérant de ce même règlement que « l’examen de la prévalence des conditions de marché se fera sur la base de requêtes dûment documentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et souhaitant bénéficier de la possibilité de voir la valeur normale [du produit en cause] déterminée en fonction des règles applicables aux pays [connaissant une] économie de marché ».

129    Ainsi, ressort de ce préambule le choix du législateur d’offrir la possibilité aux producteurs chinois de démontrer que les conditions de marché prévalent à leur endroit et que, partant, ils sont dans une situation analogue à celles applicables aux pays connaissant une économie de marché, ce qui justifie que la valeur normale du produit soit fixée de la même manière qu’à l’égard de ceux-ci.

130    Il est, dès lors, tout à fait conforme à l’intention du législateur que les institutions vérifient la manière dont les prix des principaux intrants sont fixés sur le marché national. En effet, un producteur chinois dont la valeur des principaux intrants est artificiellement baissée en raison d’une intervention étatique n’est pas dans une situation analogue à celle d’un producteur opérant dans un pays connaissant une économie de marché.

131    En ce qui concerne l’argumentation fondée sur la nécessité d’interpréter l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base à la lumière de l’article 15 du protocole, il est, certes, exact qu’en application d’une jurisprudence constante les textes communautaires doivent être interprétés, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international, en particulier lorsque de tels textes visent précisément à mettre en oeuvre un accord international conclu par la Communauté (voir arrêt de la Cour du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79, point 57 et la jurisprudence citée) .

132    Toutefois, pour les raisons mentionnées au point 125 ci-dessus, le critère figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, consistant en ce que « les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché », apparaît dépourvu de toute ambiguïté. Il n’est, dès lors, pas possible de l’interpréter à la lumière de l’article 15 du protocole. En tout état de cause, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne résulte nullement de l’article 15 dudit protocole que les institutions seraient empêchées de tenir compte de la circonstance que les fournisseurs de matières premières d’une société chinoise n’opèrent pas eux-mêmes dans des conditions d’économie de marché.

133    Il convient donc également de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation par les institutions de leur obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce

134    Les requérantes estiment que la conclusion selon laquelle les prix des matières premières en Chine seraient faussés en raison d’un subventionnement est fondée sur des informations insuffisantes et, partant, viole l’obligation des institutions, dans les domaines où elles disposent d’un large pouvoir d’appréciation, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Cette différence de prix pourrait s’expliquer par le fait que les producteurs indiens ne sont pas performants et que, dans l’Union, les industries sont soumises à des exigences environnementales et sociales beaucoup plus lourdes que celles pesant sur leurs homologues chinois. En outre, les institutions auraient fondé leur constatation selon laquelle des subventions seraient à l’origine des prix chinois supposément plus bas sur des études préparées par, ou à la demande, des groupes et des associations ayant des intérêts opposés à ceux de l’industrie de l’acier chinoise.

135    Les requérantes se réfèrent également à la circonstance selon laquelle, dans le règlement (CE) n° 112/2009 de la Commission, du 6 février 2009, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de fil machine provenant de la République populaire de Chine et de la République de Moldavie (JO L 38, p. 3), la Commission a conclu qu’un producteur-exportateur satisfaisait au premier critère de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

136    Enfin, dans leur réplique, elles relèvent que la décision relative au statut de SEM a été prise hors du délai de trois mois établi à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base. En substance, elles font valoir que le fait que les institutions connaissaient les véritables marges de dumping de chaque société peut les avoir influencées dans leur décision de refuser aux sociétés le statut de SEM en se fondant sur la situation existante dans l’industrie située en amont.

137    Le Conseil, soutenu par l’EIFI, conclut au rejet du présent moyen.

138    En ce qui concerne, en premier lieu, la critique portant sur la circonstance selon laquelle la décision relative au statut de SEM a été prise hors du délai de trois mois, il convient de souligner qu’elle a été soulevée pour la première fois au stade de la réplique.

139    Il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen, ou un argument, qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable.

140    Or, force est de constater que cette critique, quoique formellement présentée dans le cadre du présent moyen, constitue en réalité un moyen autonome. En outre, il ne saurait être considéré qu’elle se fonde sur des éléments qui se sont révélés au cours de la procédure.

141    La critique portant sur la circonstance selon laquelle la décision relative au statut de SEM a été prise hors du délai de trois mois doit, dès lors, être rejetée comme étant irrecevable.

142    En ce qui concerne, en deuxième lieu, le prétendu manquement des institutions à l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, il ressort, certes, d’une jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale, et que, parmi ces garanties, figurent notamment l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt HEG et Graphite India/Conseil, point 62 supra, point 68, et la jurisprudence citée).

143    Toutefois, il convient également de prendre en considération la circonstance selon laquelle la charge de la preuve incombe au producteur-exportateur qui souhaite bénéficier du statut de SEM. En effet, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base prévoit que la requête « doit […] contenir des preuves suffisantes ». Partant, il n’incombe pas aux institutions de prouver que le producteur-exportateur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il leur appartient, en revanche, d’apprécier si les éléments fournis par le producteur-exportateur sont suffisants pour démontrer que les conditions posées par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont remplies et au juge de vérifier si cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste (voir arrêt Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, point 118 supra, point 83, et la jurisprudence citée). C’est dans ce cadre qu’il convient de vérifier si les institutions ont manqué à leur obligation au titre de la jurisprudence citée au point 142 ci-dessus.

144    Or, force est de constater que les requérantes ne se réfèrent pas, dans leur argumentation, à des éléments de preuve précis qui auraient été communiqués aux institutions et dû conduire celles-ci à conclure que les conditions de l’article 2, paragraphe 7, sous c), étaient remplies.

145    Dans ces conditions, à défaut de s’être vu refuser le statut de SEM sur la base d’éléments de preuve qu’elles auraient avancés au cours de la procédure, voire d’être en mesure de démontrer quels éléments de preuve ont été présentés par les producteurs-exportateurs au cours de la procédure, les requérantes ne sauraient valablement invoquer un manquement de la part des institutions à leur obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

146    Pour la même raison, il convient également de rejeter les critiques des requérantes tirées d’un prétendu manque d’objectivité des éléments de preuve retenus par les institutions aux fins de retenir l’existence de subventions à l’industrie chinoise et de l’absence d’examen d’autres facteurs susceptibles d’expliquer les différences de prix, tels que les exigences plus lourdes en matière de droit du travail ou environnementales.

147    Par ailleurs, il convient de relever que, au vu des justifications figurant, notamment, aux considérants 63, 66 et 67 du règlement attaqué, les institutions pouvaient conclure, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la condition de l’octroi du statut de SEM figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, tirée de ce que les « coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché », n’était pas remplie en l’espèce. À cet égard, il convient de rappeler que les institutions ont relevé que le prix du fil machine en acier était inférieur aux prix facturés sur d’autres marchés, alors même que sa composante principale (le minerai de fer) était en grande partie importée en Chine et donc au prix du marché international. Elles ont également mis en exergue l’existence d’interventions significatives de la Chine en faveur des producteurs de fil machine en acier susceptibles d’expliquer ce caractère anormalement bas.

148    En ce qui concerne, en troisième lieu, la critique portant sur l’opposition entre l’approche privilégiée dans le présent règlement et celle qui aurait été favorisée par la Commission dans son règlement n° 112/2009, il suffit de souligner qu’elle repose sur une prémisse erronée. Les requérantes soutiennent, en substance, qu’il résulterait de celui-ci que la Commission aurait admis qu’un producteur-exportateur chinois de fil machine en acier réponde aux conditions figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. Toutefois, la lecture des considérants 24 à 31 dudit règlement démontre que la Commission n’a pas analysé le respect de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, mais s’est exclusivement fondée sur la circonstance selon laquelle le producteur-exportateur en question n’était pas en mesure de prouver qu’il remplissait d’autres critères nécessaires à l’obtention du statut de SEM pour rejeter sa demande.

149    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le présent moyen.

  Sur le septième moyen, tiré de la violation du règlement n° 2026/97

150    Les requérantes estiment que les institutions ont violé les dispositions du règlement n° 2026/97 lu à la lumière des règles de l’OMC. En substance, elles soutiennent que, en leur refusant le statut de SEM dans le cadre d’une procédure antidumping, les institutions auraient, d’une part, constaté l’attribution de subventions, sans avoir à suivre la procédure prévue par le règlement n° 2026/97, et d’autre part, compensé leur effet par une mesure illégale, à savoir le rejet du statut de SEM.

151    Le Conseil réfute le bien-fondé de ce moyen.

152    Ainsi qu’il a été souligné aux points 117 à 120 ci-dessus, les institutions ont suivi une juste interprétation de la condition tenant à ce que les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché, figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base, en concluant que cette condition se référait à un marché dans lequel la détermination des prix n’était pas faussée par des interventions étatiques. Dans ce cadre, elles ont relevé que plusieurs sources et études signalaient des interventions de l’État dans le secteur de l’acier en Chine et que certains des plus grands producteurs chinois de fil machine en acier avaient bénéficié de différents types de subventions (considérant 67).

153    Toutefois, il convient de préciser que la présente procédure antidumping portait sur le produit concerné tel que défini aux considérants 40 à 47 du règlement attaqué et non sur le principal intrant des sociétés ayant demandé le statut de SEM. Ce n’est que dans le cadre de l’examen des demandes de statut de SEM que les institutions ont évoqué l’existence de subventions susceptibles d’expliquer le niveau anormalement bas des prix de ce principal intrant en Chine. Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les institutions n’étaient aucunement obligées d’ouvrir et de mener à bien une procédure prévue par le règlement n° 2026/97 pour des produits autres que le produit concerné et se situant sur le marché en amont.

154    En toute hypothèse, suivre l’argumentation des requérantes reviendrait à considérer que les institutions, dans des circonstances analogues à celles de l’espèce, ne peuvent refuser l’octroi du statut de SEM qu’après avoir ouvert une procédure antisubventions en application du règlement n° 2026/97. Or, une telle interprétation priverait d’effet, en grande partie, la condition figurant à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base.

155    Il convient, partant, de rejeter le présent moyen et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

156     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil et l’EIFI, conformément aux conclusions de ces derniers.

157    La Commission supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Gem-Year Industrial Co. Ltd et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang) Co. Ltd supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne et par l’European Industrial Fasteners Institute AISBL.




3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 octobre 2012.

Signatures


** Langue de procédure : l’anglais.