Language of document : ECLI:EU:T:2014:1076

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 décembre 2014 (*) (1)

« Dumping – Importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de Chine – Réexamen – Article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1225/2009 – Droits de la défense – Erreur de fait – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑643/11,

Crown Equipment (Suzhou) Co. Ltd, établie à Suzhou (Chine),

Crown Gabelstapler GmbH & Co. KG, établie à Roding (Allemagne),

représentées par Mes K. Neuhaus, H.-J. Freund et B. Ecker, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté initialement de Mes G. Berrisch et A. Polcyn, puis de Mes Polcyn et D. Geradin, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland, M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 1008/2011 du Conseil, du 10 octobre 2011, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine, tel qu’étendu aux importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles expédiés de Thaïlande, déclarés ou non originaires de Thaïlande, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1225/2009 (JO L 268, p. 1), dans la mesure où ce règlement affecte les requérantes,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka et M. V. Kreuschitz (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 février 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La première requérante, Crown Equipment (Suzhou) Co. Ltd, est une société de droit chinois qui produit des transpalettes à main et leurs parties essentielles. La seconde requérante, Crown Gabelstapler GmbH & Co. KG, est une société de droit allemand apparentée à la première requérante qui importe dans l’Union européenne les transpalettes à main et leurs parties essentielles produites par la première requérante.

2        Le 18 juillet 2005, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) n° 1174/2005, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine (JO L 189, p. 1). Les mesures en question ont pris la forme d’un droit ad valorem, compris entre 7,6 et 46,7 %.

3        Le 17 juillet 2008, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 684/2008, précisant le champ d’application des mesures antidumping instituées par le règlement n° 1174/2005 relatif aux importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine (JO L 192, p. 1). Dans ce règlement, le Conseil a clarifié la définition donnée aux produits concernés dans l’enquête initiale.

4        Le 11 juin 2009, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 499/2009, étendant le droit antidumping définitif institué par le règlement n° 1174/2005 sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine aux importations des mêmes produits expédiés de Thaïlande, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays (JO L 151, p. 1).

5        Le 21 avril 2010, à la suite de la publication d’un avis d’expiration prochaine de certaines mesures antidumping (JO C 70, p. 29) dans lequel la Commission européenne avait fait savoir que les mesures antidumping définitives en vigueur en application du règlement n° 1174/2005 expiraient le 22 juillet 2010, la Commission a reçu de la part de deux producteurs de l’Union une demande d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration de ces mesures en application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base »).

6        Le 20 juillet 2010, la Commission a ouvert un réexamen au titre de l’expiration des mesures en vigueur en application de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Aux fins de ce réexamen, la Commission a étudié la probabilité de la continuation ou de la réapparition du dumping et du préjudice sur la base de la période comprise entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2010, c’est-à-dire la « période d’enquête de réexamen » (ci-après la « PER »). Elle a également analysé les tendances utiles à l’évaluation de la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du préjudice durant la période allant du 1er janvier 2007 à la fin de la PER (ci-après dénommée « période considérée »).

7        Le 30 juillet 2010, les requérantes ont formulé leurs observations sur la pertinence du choix du pays analogue proposé.

8        Le 3 août 2010, la première requérante a exprimé le souhait de coopérer à la procédure en tant que producteur-exportateur intéressé. Elle a notamment fourni certaines informations et demandé à être incluse dans un échantillonnage potentiel de producteurs-exportateurs chinois des transpalettes à main et de leurs parties essentielles.

9        Le 27 août 2010, les requérantes ont répondu à la demande de renseignements complémentaires de la Commission concernant certains pays analogues.

10      Le 23 septembre 2010, les requérantes ont fait savoir à la Commission que, bien qu’elles veuillent coopérer à la procédure, elles ne seraient pas capables de répondre aux questionnaires dans le délai imparti.

11      Le 1er juillet 2011, la Commission a communiqué aux requérantes les conclusions finales et générales qui reprennent les considérations et faits essentiels sur la base desquels elle avait l’intention de proposer l’extension des mesures instituées par le règlement n° 1174/2005.

12      Le 25 juillet 2011, le représentant des requérantes a présenté des observations sur lesdites conclusions finales et générales de la Commission. Il y contestait notamment l’existence d’un préjudice, le lien de causalité entre les importations et le préjudice et, dès lors, la probabilité d’une réapparition ou d’une continuation du préjudice.

13      Le 10 octobre 2011, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 1008/2011 du Conseil, du 10 octobre 2011, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles originaires de la République populaire de Chine, tel qu’étendu aux importations de transpalettes à main et de leurs parties essentielles expédiés de Thaïlande, déclarés ou non originaires de Thaïlande, à la suite d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures, conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement [de base] (JO L 268, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). Ce règlement a prorogé l’application du droit antidumping institué par le règlement n° 1174/2005 pour cinq années supplémentaires. Les requérantes se sont ainsi vu imposer un droit ad valorem sur leurs importations de 46,7 % pour cinq années supplémentaires.

14      Dans ce règlement, le Conseil a constaté que les importations en dumping avaient continué durant la PER et qu’elles étaient susceptibles de continuer si les mesures antidumping étaient levées (voir considérants 15 à 34 du règlement attaqué). En outre, il a constaté que l’industrie de l’Union avait continué de subir un préjudice durant la PER (voir considérants 38 à 61 du règlement attaqué) et qu’il existait un lien de cause à effet entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie de l’Union durant la PER (voir considérants 62 à 64 du règlement attaqué). Sur la base de ces constatations, le Conseil a conclu que le préjudice causé à l’industrie de l’Union était susceptible de continuer si les mesures antidumping étaient levées (voir considérants 65 à 68 du règlement attaqué).

15      S’agissant, en particulier, de l’évaluation d’une continuation ou d’une réapparition d’un préjudice, le Conseil a constaté que, malgré l’institution des mesures antidumping en 2005, la situation économique et financière de l’industrie de l’Union était restée très fragile, en raison de la forte présence des biens chinois vendus à bas prix sur le marché de l’Union (voir considérant 58 du règlement attaqué). En outre, il a constaté que, entre le début et la fin de la période considérée, la production comme le taux d’utilisation des capacités de l’industrie de l’Union avaient baissé de 35 %, la part de marché détenue par l’industrie de l’Union avait reculé de 16 %, les stocks avaient augmenté de 56 %, le volume des ventes avait diminué de 50 %, le niveau d’emploi avait diminué de 17 %, la productivité avait diminué de 22 %, les investissements avaient chuté de 91 %, les bénéfices avaient baissé de 66 % et les flux de liquidité avaient diminué de 27 % (voir considérants 43 à 50 et 53 à 56 du règlement attaqué). Le Conseil a également constaté que, entre le début et la fin de la période considérée, l’industrie de l’Union avait réduit ses coûts de main-d’œuvre de 29 % malgré la très forte baisse du volume de production et que ses prix n’avaient augmenté que de 4 % (voir considérants 51 et 52 du règlement attaqué).

16      Par ailleurs, le Conseil a noté que, entre le début et la fin de la période considérée, la consommation de l’Union avait baissé de 40 % (voir considérant 40 du règlement attaqué). Toutefois, il a observé que, malgré la baisse sensible de la demande sur le marché de l’Union, la part de marché des importations chinoises avait augmenté au cours de la période considérée (passant de 78 % en 2007 à 83 % durant la PER) étant donné que les importations chinoises n’ont pas reculé au même rythme que la consommation dans l’Union (voir considérant 41 du règlement attaqué). Le Conseil a considéré que, de la sorte, les importations chinoises avaient pu gagner d’autres parts de marché et que les importations faisant l’objet d’un dumping sous-cotaient les prix de l’industrie de l’Union dans une fourchette comprise entre 43 et 78 % (voir considérant 62 du règlement attaqué). Par conséquent, et compte tenu de la probable continuation du dumping, le Conseil a conclu que le préjudice causé à l’industrie de l’Union était susceptible de continuer en cas de levée du droit antidumping (voir considérant 68 du règlement attaqué).

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2011, les requérantes ont introduit le présent recours.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 février 2012, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

19      Par ordonnance du 27 mars 2012, le président de la première chambre (ancienne formation) a admis l’intervention de la Commission.

20      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a donc été attribuée.

21      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal (quatrième chambre) a invité les parties à répondre à certaines questions. Les parties ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

22      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il les concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

23      Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité

24      Les requérantes estiment qu’elles ont qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, car le règlement attaqué serait un acte réglementaire qui les concerne directement et ne comporterait pas de mesures d’exécution. La Commission et le Conseil contestent cette appréciation. Toutefois, toutes les parties en cause dans la présente affaire ont estimé que les requérantes étaient directement et individuellement concernées par le règlement attaqué et, partant, recevables à former le présent recours en annulation à l’encontre dudit règlement.

25      À cet égard, le Tribunal rappelle que les conditions de recevabilité d’un recours fixées par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE relèvent des fins de non-recevoir d’ordre public (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, Rec, EU:C:1993:111, point 23, et du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, EU:T:2010:368, point 30 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que ces fins de non-recevoir peuvent être examinées d’office par le juge (voir, en ce sens, CIRFS e.a./Commission, précité, EU:C:1993:111, point 23).

26      En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique et morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas dudit article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire, ou qui la concerne directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

27      S’agissant de la condition de l’affectation directe des requérantes, il convient de rappeler que cette condition requiert que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation incriminée sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec, EU:C:1998:193, point 43, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville Vesuviane et Ente per le Ville Vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec, EU:C:2009:529, point 45, et ordonnance du 9 juillet 2013, Regione Puglia/Commission, C‑586/11 P, EU:C:2013:459, point 31).

28      En l’espèce, le règlement attaqué produit directement des effets sur la situation juridique des requérantes dès lors qu’il détermine le droit antidumping que les requérantes, en leur qualité de producteur-exportateur et importateur, devront payer. En outre, les États membres n’ont aucune marge d’appréciation s’agissant du taux de droit antidumping et de l’imposition de ce droit (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, Rec, EU:T:1997:134, point 41).

29      S’agissant de l’affectation individuelle des requérantes, il convient de rappeler que, s’il est vrai que les règlements instituant des droits antidumping ont, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n’est pas exclu pour autant que certaines dispositions de ces règlements puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (arrêts du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, Rec, EU:C:1984:68, point 11 ; du 20 juin 2000, Euromin/Conseil, T‑597/97, Rec, EU:T:2000:157, point 43, et du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, T‑598/97, Rec, EU:T:2002:52, point 43).

30      Il résulte de cette jurisprudence que les actes portant institution de droits antidumping peuvent, sans perdre leur caractère réglementaire, concerner, dans certaines circonstances, individuellement certains opérateurs économiques qui ont, dès lors, qualité pour introduire un recours en annulation de ces actes (arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec, EU:C:1991:214, point 14).

31      Ainsi, il a été jugé que les règlements instituant un droit antidumping concernent directement et individuellement, notamment, celles des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles ont été identifiées dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (arrêts Allied Corporation e.a./Commission, point 29 supra, EU:C:1984:68, point 12 ; du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C‑305/86 et C‑160/87, Rec, EU:C:1990:295, point 19, et du 15 février 2001, Nachi Europe, C‑239/99, Rec, EU:C:2001:101, point 21).

32      En l’espèce, il est constant que, au considérant 16 du règlement attaqué, la première requérante a été mentionnée en sa qualité de producteur-exportateur des produits concernés provenant de Chine. En outre, il n’est pas contesté que la mention d’un « producteur-exportateur » aux considérants 19, 37, 60 et 61 du règlement attaqué fait référence à la première requérante. Enfin, la première requérante a été concernée par les enquêtes préparatoires dès lors qu’elle est intervenue auprès de la Commission à la suite de la publication de l’avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations de transpalettes à main et de leurs pièces essentielles originaires de la République populaire de Chine (JO 2010, C 196, p. 15). Par ailleurs, la Commission a invité la première requérante à lui soumettre des commentaires sur les conclusions finales et générales qu’elle avait élaborées. À la suite de cette invitation, la première requérante a soumis ses commentaires à la Commission.

33      S’agissant de la seconde requérante, il a déjà été jugé que, lorsqu’une des requérantes est recevable et qu’il s’agit d’un seul et même recours, il n’y avait pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres requérantes (voir, en ce sens, arrêts CIRFS e.a./Commission, point 25 supra, EU:C:1993:111, point 31 ; du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, Rec, EU:T:2007:203, point 50, et du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑175/05, EU:T:2009:369, point 46).

34      Il y a dès lors lieu de déclarer le recours des requérantes recevable sans qu’il soit besoin d’examiner si le règlement attaqué est un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

2.     Sur le fond

35      Dans la présente affaire, les requérantes avancent trois moyens. Dans un premier moyen, les requérantes estiment que leur droit à un procès équitable, leurs droits de la défense et leur droit à être entendues ont été violés. Dans un deuxième moyen, elles estiment que le Conseil a commis des erreurs factuelles dans les considérants 58 et 60 du règlement attaqué. Enfin, dans un troisième moyen, les requérantes estiment que les considérations selon lesquelles qu’il existerait un préjudice ainsi qu’un lien de causalité entre les importations faisant prétendument l’objet d’un dumping et la probabilité d’une continuation du préjudice si les mesures antidumping étaient abrogées, reposent sur plusieurs erreurs manifestes d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits procéduraux des requérantes

36      Les requérantes estiment, en substance, que leur droit à un procès équitable, leurs droits de la défense et leur droit à être entendues ont été violés au motif que le Conseil aurait ignoré arbitrairement leur évaluation du préjudice pour la période comprise entre 2007 et 2009 qu’elles ont soumise dans leur lettre du 25 juillet 2011. Cette méconnaissance serait démontrée par le fait que, au considérant 60 du règlement attaqué, il est indiqué, à tort selon les requérantes, qu’elles ont examiné l’évolution du préjudice pour la période comprise entre 2009 et la PER. D’après les requérantes, leur droit de faire connaître leur point de vue ne saurait se limiter à un simple droit d’avoir l’opportunité de formuler des observations, mais imposait au Conseil de tenir intégralement compte des thèses qu’elles avaient avancées dans leur lettre du 25 juillet 2011. Par conséquent, l’omission, par le Conseil, d’examiner ladite lettre violerait non seulement leur droit à un procès équitable, mais également l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement de base.

37      Le Conseil conteste avoir violé les droits procéduraux des requérantes ou l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement de base.

38      En ce que les requérantes allèguent une violation de leurs droits de la défense et de leur droit d’être entendues, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union, dont le droit d’être entendu fait partie intégrante (voir, en ce sens, arrêts du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C‑48/90 et C‑66/90, Rec, EU:C:1992:63, point 44 ; du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C‑135/92, Rec, EU:C:1994:267, point 39 ; du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C‑32/95 P, Rec, EU:C:1996:402, point 21 ; du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, Rec, EU:C:2012:744, point 82, et du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, EU:C:2013:518, point 98), qui s’applique à toute personne (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, Rec, EU:C:2008:746, point 36).

39      Ce droit fondamental au respect des droits de la défense au cours d’une procédure précédant l’adoption d’un acte faisant grief est, par ailleurs, expressément consacré par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, a la même valeur juridique que les traités. En effet, en particulier, l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux indique que le droit de toute personne de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions de l’Union comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement soit prise à son encontre.

40      En outre, dans le contexte des procédures d’enquêtes antidumping, il a été jugé que le respect des droits de la défense et d’être entendu dans lesdites procédures revêtait une importance capitale (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, Rec, EU:C:2012:78, point 77 et jurisprudence citée).

41      Le respect de ces droits suppose que les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (arrêts du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec, EU:C:1991:276, point 17, et du 11 juillet 2013, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil, T‑459/07, EU:T:2013:369, point 110).

42      En l’espèce, les requérantes ne démontrent cependant pas qu’elles n’ont pas été mises en mesure de faire connaître utilement leurs points de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par les institutions de l’Union à l’appui de leur conclusion visant à maintenir des droits antidumping. Elles n’avancent d’ailleurs aucun élément qu’elles n’auraient pas pu faire valoir et qu’elles n’auraient pas eu l’occasion de soumettre aux institutions de l’Union.

43      Les requérantes font grief aux institutions de l’Union de ne pas avoir pris en compte leurs observations. Toutefois, cette prétendue absence de prise en compte de leurs observations ne constitue pas une violation de leurs droits de la défense ou de leur droit d’être entendues. En effet, si le respect desdits droits exige des institutions de l’Union de permettre aux requérantes de faire connaître utilement leur point de vue, il ne peut imposer auxdites institutions d’adhérer à celui-ci. Le caractère utile de la soumission du point de vue des requérantes requiert seulement que ce point de vue ait pu être soumis en temps voulu pour que les institutions de l’Union puissent en prendre connaissance et, avec toute l’attention requise, en apprécier la pertinence pour le contenu de l’acte en voie d’adoption (voir, en ce sens, arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, Rec, EU:C:2009:598, points 97, 98 et 102, et Sopropé, point 38 supra, EU:C:2008:746, points 49 et 50).

44      Partant, c’est à tort que les requérantes allèguent une violation de leurs droits de la défense ou de leur droit d’être entendues.

45      En ce que les requérantes allèguent une violation de leur droit à un procès équitable, il convient de rappeler que, si la Commission ou le Conseil ne sauraient être qualifiés de « tribunal » au sens de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (voir, en ce sens, arrêts du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, EU:C:1980:248, point 81, et du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec, EU:C:1983:158, point 7), il n’en reste pas moins que la Commission et le Conseil sont tenus de respecter les droits fondamentaux de l’Union au cours de la procédure administrative, parmi lesquels figure le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux. En particulier, c’est ce dernier article de ladite charte, et non son article 47, qui régit la procédure administrative devant la Commission et le Conseil en matière de défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, Rec, EU:C:2013:513, point 154 et jurisprudence citée).

46      Il y a dès lors lieu de comprendre le grief des requérantes comme alléguant une violation du droit à une bonne administration en raison de l’absence de prise en compte adéquate de leurs observations formulées dans leur lettre du 25 juillet 2011. Ledit droit suppose un devoir de diligence qui impose à l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14 ; du 6 novembre 2008, Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, Rec, EU:C:2008:613, point 56, et du 16 septembre 2013, ATC e.a./Commission, T‑333/10, Rec, EU:T:2013:451, point 84).

47      En l’espèce, le Conseil a indiqué au considérant 60 du règlement attaqué ce qui suit :

« Dans ses observations relatives à la communication des conclusions, un producteur-exportateur chinois a déclaré que certains indicateurs – concernant notamment la production, le volume des ventes, la rentabilité, l’utilisation des capacités et l’emploi – ne faisaient apparaître en réalité aucune évolution négative dans le cas de l’industrie de l’Union. Toutefois, l’entreprise n’avait examiné que l’évolution intervenue entre 2009 et la PER, alors qu’il convient d’évaluer l’évolution globale de l’industrie de l’Union durant la période considérée (c’est-à-dire entre 2007 et la PER) pour déterminer le préjudice subi. Comme l’indiquent les considérants 43 à 49 ci-dessus, l’ensemble des indicateurs de préjudice mentionnés par l’exportateur chinois ont accusé une évolution négative durant la période considérée. »

48      À la lecture de la lettre des requérantes du 25 juillet 2011, il est exact que c’est uniquement durant la période entre 2009 et la PER que les requérantes alléguaient que la production, la rentabilité, l’utilisation des capacités et l’emploi de l’industrie de l’Union ne faisaient apparaître aucune évolution négative, mais, au contraire, faisaient apparaître une évolution positive.

49      Or, la deuxième phrase du considérant 60 du règlement attaqué [« Toutefois, l’entreprise n’avait examiné que l’évolution intervenue entre 2009 et la PER, alors qu’il convient d’évaluer l’évolution globale de l’industrie de l’Union durant la période considérée (c’est-à-dire entre 2007 et la PER) pour déterminer le préjudice subi »] doit être lue et comprise au regard de la première phrase de ce considérant. Ainsi, même s’il est exact que, dans leur lettre du 25 juillet 2011, les requérantes ont également invoqué la période considérée, l’appréciation selon laquelle certains facteurs n’ont pas connu d’évolution négative n’a trait qu’à l’évolution intervenue entre 2009 et la PER.

50      Partant, c’est à tort que les requérantes allèguent, en substance, une violation du devoir de diligence de la part des institutions eu égard à l’appréciation contenue au considérant 60 du règlement attaqué.

51      Enfin, en ce que les requérantes allèguent, en substance, une violation par les institutions du devoir de diligence et une violation de l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement de base, pour ne pas avoir pris en considération les autres éléments de leurs observations contenues dans la lettre du 25 juillet 2011, il convient de rappeler que, en vertu de cette dernière disposition, les conclusions des institutions de l’Union tiennent compte de tous les éléments de preuve pertinents et dûment documentés présentés en relation avec la question de savoir si la suppression des mesures antidumping serait ou non de nature à favoriser la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice.

52      Pour les motifs repris ci-dessus, les institutions n’ont pas omis de prendre en compte dans le règlement attaqué l’absence d’évolution négative, alléguée par les requérantes dans leur lettre du 25 juillet 2011, de la production, de la rentabilité, de l’utilisation des capacités et de l’emploi de l’industrie de l’Union. En outre, il ressort du considérant 59 du règlement attaqué que les institutions ont pris en considération l’évolution de la rentabilité, de la production, du volume des ventes, du taux d’utilisation des capacités, du niveau de l’emploi et de la productivité dans l’Union entre 2007 et la PER. Ainsi, les institutions ont pris en compte lesdits éléments durant la période considérée. Pour autant que les requérantes estiment que les institutions ont fait une appréciation erronée desdits éléments compte tenu de leurs observations dans leur lettre du 25 juillet 2011, force est de constater que cette contestation a trait au bien-fondé de l’appréciation contenue dans le règlement attaqué, qui fait l’objet du troisième moyen, et, par conséquent, ne relève pas du contrôle de la légalité externe dudit règlement. Il s’ensuit que le grief des requérantes selon lequel les institutions auraient violé leur devoir de diligence et l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement de base au motif qu’elles n’auraient pas dument pris en considération les éléments de leurs observations contenues dans la lettre du 25 juillet 2011 doit être rejeté.

53      Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen des requérantes, tiré d’une violation de leurs droits procéduraux.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de fait

 Introduction

54      Les requérantes estiment que le Conseil a commis des erreurs factuelles dans les considérants 58 et 60 du règlement attaqué. En fondant sur ces constatations factuelles erronées l’existence d’un préjudice ainsi que l’existence d’un lien de causalité entre les importations faisant prétendument l’objet d’un dumping et la probabilité d’une continuation du préjudice dans le cas où les mesures seraient abrogées, le Conseil aurait violé l’article 11, paragraphe 2, ainsi que l’article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du règlement de base. Le Conseil n’aurait pas prouvé dans le règlement attaqué que l’abrogation des droits serait de nature à mener à la continuation du préjudice.

55      À titre liminaire, tout d’abord, il convient de relever que le Conseil a fondé le maintien des mesures antidumping sur le fait que, en tenant compte des tendances utiles à l’évaluation de la probabilité d’une continuation du préjudice durant la période considérée, malgré l’existence des mesures antidumping, l’industrie de l’Union a subi un préjudice important et qu’il y a un lien de cause à effet entre les importations en dumping originaires de la Chine et le préjudice important subi par l’industrie de l’Union durant la PER (voir considérants 61 et 64 du règlement attaqué).

56      Ensuite, il convient de rappeler le contenu des considérants 58 et 60 du règlement attaqué.

57      Au considérant 58 du règlement attaqué, sous le titre 4.15 « Rétablissement à la suite de pratiques de dumping antérieures », le Conseil a indiqué ce qui suit :

« Les indicateurs examinés ci-dessus montrent que malgré l’institution des mesures antidumping en 2005, la situation économique et financière de l’industrie de l’Union est restée très fragile, en raison de la forte présence des biens chinois vendus à bas prix sur le marché de l’Union. Cette situation déjà précaire a donné lieu à l’apparition d’un préjudice manifeste entre 2009 et la PER, lorsqu’une baisse substantielle de la consommation de l’Union a donné toute la mesure des pressions négatives exercées par les importations chinoises en dumping. En fait, durant cette période, l’industrie de l’Union a vu sa production et le volume de ses ventes diminuer à un rythme plus rapide que la consommation de l’Union et a donc subi des pertes supplémentaires sensibles en termes de part de marché. Au cours de cette période, et malgré les mesures instituées, la part de marché des importations chinoises a augmenté davantage encore, et les produits chinois ont continué à être importés à des prix sensiblement inférieurs à ceux de l’industrie de l’Union. Durant la PER, les bénéfices de l’industrie de l’Union ont continué à baisser. Par conséquent, l’industrie de l’Union n’a pas été en mesure de se remettre des effets du dumping et sa situation s’est encore détériorée durant la PER. »

58      Les considérants du règlement attaqué qui précèdent le considérant 58 cité ci-dessus contiennent les informations suivantes sur la consommation, la production, le volume des ventes et les parts de marché de l’industrie de l’Union :

 

2007

2008

2009

PER (1er juillet 2009 au 30 juin 2010)

Consommation totale de l’Union (en unités)

Indice (2007 = 100)

(voir considérant 40 du règlement attaqué)


100


84


49


60

Production (en unités) dans l’Union

Indice (2007 = 100)

(voir considérant 43 du règlement attaqué)


100


84


55


65

Volume des ventes aux clients indépendants dans l’Union (en unités)

Indice (2007 = 100)

(voir considérant 46 du règlement attaqué)



100



79



55



50

Parts de marché de l’industrie de l’Union

Indice (2007 = 100)

(voir considérant 47 du règlement attaqué)


100


95


111


84


59      Au considérant 60 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué :

« Dans ses observations relatives à la communication des conclusions, un producteur-exportateur chinois a déclaré que certains indicateurs – concernant notamment la production, le volume des ventes, la rentabilité, l’utilisation des capacités et l’emploi – ne faisaient apparaître en réalité aucune évolution négative dans le cas de l’industrie de l’Union. Toutefois, l’entreprise n’avait examiné que l’évolution intervenue entre 2009 et la PER, alors qu’il convient d’évaluer l’évolution globale de l’industrie de l’Union durant la période considérée (c’est-à-dire entre 2007 et la PER) pour déterminer le préjudice subi. Comme l’indiquent les considérants 43 à 49 ci-dessus, l’ensemble des indicateurs de préjudice mentionnés par l’exportateur chinois ont accusé une évolution négative durant la période considérée. »

 Sur la première branche du deuxième moyen

60      Dans la première branche du deuxième moyen, les requérantes allèguent que le Conseil a commis une erreur de fait en soutenant, dans la troisième phrase du considérant 58 du règlement attaqué, que l’industrie de l’Union a vu sa production et le volume de ses ventes diminuer à un rythme plus rapide que la consommation de l’Union. En effet, selon les requérantes, cette appréciation du Conseil est contraire aux données reprises dans les considérants 40, 43 et 46 du règlement attaqué.

61      Pour juger de l’exactitude de l’appréciation contenue dans la troisième phrase du considérant 58 du règlement attaqué, selon laquelle, « durant cette période, l’industrie de l’Union a vu sa production et le volume de ses ventes diminuer à un rythme plus rapide que la consommation de l’Union et a donc subi des pertes supplémentaires sensibles en termes de part de marché », il convient d’abord de définir la période à laquelle il est fait référence dans cette phrase.

62      Compte tenu du contexte de cette phrase et, en particulier, de la deuxième phrase dudit considérant, le Tribunal estime que cette période correspond à la période « entre 2009 et la PER », c’est-à-dire la période entre le début de l’année 2009 et le 30 juin 2010, date de la fin de la PER.

63      Ensuite, en prenant en considération la période entre le début de l’année 2009 et la fin de la PER et en prenant comme référence les données de l’année 2007 dont l’indice est égal à 100 points, force est de constater que la consommation totale au sein de l’Union a progressé de 49 à 60 points, que la production a progressé de 55 à 65 points et que le volume des ventes a diminué de 55 à 50 points.

64      Ainsi, par rapport à l’année de référence 2007, le volume des ventes a connu, au cours de la période entre 2009 et la fin de la PER, une diminution de 5 points, passant de 55 à 50 points, qui est une diminution plus importante que celle de la consommation qui, au cours de cette même période, n’a pas diminué, mais a augmenté de 11 points en passant de 49 à 60 points. Il s’ensuit que le Conseil n’a pas commis d’erreur de fait en considérant que, durant la période entre 2009 et la PER, le volume des ventes a diminué à un rythme plus rapide que la consommation de l’Union.

65      En ce qui concerne la production, il convient de constater que, par rapport à l’année 2007, la production a connu au cours de la période entre 2009 et la fin de la PER une augmentation de 10 points en passant de 55 à 65 points, qui est moins importante que celle de la consommation, qui a augmenté de 11 points, en passant de 49 à 60 points. Ainsi, si le Conseil a erronément considéré que la production et la consommation avaient diminué au cours de la période entre 2009 et la fin de la PER, il convient de constater que, au cours de cette période, l’augmentation de la production a été moins importante que celle de la consommation.

66      Les requérantes estiment que le Conseil a également commis une erreur de fait dans le considérant 58 du règlement attaqué en indiquant que l’industrie de l’Union avait perdu des parts de marché supplémentaires entre 2009 et la PER. En effet, selon les requérantes, il ressort des données reprises dans le considérant 47 du règlement attaqué que, en 2009, la part de marché de l’industrie a progressé de 16 points.

67      À cet égard, le Tribunal observe qu’il ressort du tableau repris au point 58 ci-dessus que, entre le début de l’année 2009 et la fin de la PER, les parts de marché de l’industrie de l’Union ont diminué de 111 à 84 points, soit de 27 points.

68      Le fait que le Conseil a indiqué, dans le considérant 58 du règlement attaqué, que les pertes de parts de marché sont « supplémentaires » implique que l’industrie de l’Union avait déjà perdu des parts de marché. En l’espèce, cette appréciation est exacte. En effet, par rapport à l’année 2007 (100 points), l’industrie de l’Union a perdu des parts de marché en 2008 (− 5 points pour arriver à 95 points) et, de manière encore plus importante, durant la PER (− 16 points pour arriver à 84 points). Le fait que, en 2009, l’industrie de l’Union a gagné des parts de marché et a eu des parts de marché plus importantes qu’en 2007 (+ 11 points pour arriver à 111 points) peut, certes, être un indice d’un rétablissement de l’industrie de l’Union. Cependant, ce possible rétablissement n’a pas perduré jusqu’à la fin de la PER. En outre et en tout état de cause, le constat selon lequel, en 2009, l’industrie de l’Union a gagné des parts de marché et a eu des parts de marché plus importantes qu’en 2007 ne remet pas en cause le fait que, par rapport à l’année 2007, l’industrie de l’Union a subi, entre 2009 et la fin de la PER, des pertes de parts de marché supplémentaires sensibles.

69      Par conséquent, il ne peut être considéré que le Conseil a commis une erreur de fait en concluant que, durant la période comprise entre 2009 et la fin de la PER, l’industrie de l’Union a subi des pertes supplémentaires sensibles en termes de parts de marché. Contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, l’erreur identifiée au point 65 ci-dessus ne permet pas de remettre en cause cette conclusion, et ce d’autant que la baisse des ventes de l’industrie de l’Union et la reprise de la production par ladite industrie plus faible que la consommation, entre 2009 et la fin de la PER, peuvent expliquer la perte de parts de marché supplémentaires de l’industrie de l’Union.

70      Au vu de ce qui précède, il convient de reconnaître que le Conseil a commis une erreur en faisant état d’une baisse de la production et de la consommation dans la troisième phrase du considérant 58 du règlement attaqué. Cette erreur est due à une formulation inexacte. Elle n’affecte pas les déductions factuelles faites par le Conseil. Ainsi, les requérantes ne peuvent alléguer l’existence d’erreurs d’appréciation concernant les constats d’un préjudice et d’un lien de causalité au motif que ces constats ont été faits sur la base de faits erronés. Partant, il convient de rejeter la première branche du deuxième moyen.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen

71      Les requérantes considèrent que l’affirmation reprise dans l’avant-dernière phrase du considérant 58 du règlement attaqué sur la rentabilité de l’industrie de l’Union est entachée d’une erreur de fait dès lors qu’elle est contraire aux données reprises dans le considérant 55 du règlement attaqué. Par conséquent, la déduction faite sur cette base dans la dernière phrase du considérant 58 du règlement attaqué serait également erronée. Les requérantes estiment, en substance, que, contrairement à l’appréciation du Conseil, les données reprises dans les considérants 39 à 56 du règlement attaqué indiquent que la situation économique de l’industrie de l’Union s’était améliorée durant la PER.

72      Au vu de ces griefs, il convient de rappeler que, dans les deux dernières phrases du considérant 58 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué :

« Durant la PER, les bénéfices de l’industrie de l’Union ont continué à baisser. Par conséquent, l’industrie de l’Union n’a pas été en mesure de se remettre des effets du dumping et sa situation s’est encore détériorée durant la PER. »

73      Par ailleurs, aux considérants 54 et 55 du règlement attaqué, le Conseil a estimé que, durant la période considérée, la rentabilité de l’industrie de l’Union avait accusé une baisse de 66 % et le rendement des investissements avait affiché un recul de 57 %. Il a fondé ces appréciations sur les données suivantes :

 

2007

2008

2009

PER

Rentabilité nette des ventes de l’Union à des clients indépendants (en % des ventes nettes)

Indice (2007 = 100)


100


68


− 2


34

Rendement des investissements (bénéfice net en % de la valeur comptable nette des investissements)

Indice (2007 = 100)


100


80


− 2


43


74      L’affirmation contenue dans le considérant 58 du règlement attaqué selon laquelle, durant la PER, les bénéfices de l’industrie ont continué à baisser est peu compréhensible dès lors que, pour affirmer qu’une baisse des bénéfices a continué, il importe nécessairement de prendre en considération plusieurs données et que ladite affirmation ne contient aucune précision quant aux données, autres que celles de la PER, qui ont été prises en compte.

75      Le Conseil admet avoir commis une erreur rédactionnelle à cet égard et indique, dans sa défense, que, lorsque les institutions se sont référées à la PER, elles entendaient se référer à la période considérée.

76      Compte tenu du contexte et, en particulier, des données du tableau repris dans le considérant 55 du règlement attaqué qui est reproduit au point 73 ci-dessus, il convient effectivement de comprendre l’avant-dernière phrase du considérant 58 du règlement attaqué comme se référant non à la PER, mais à la période considérée. En effet, au considérant 54 du règlement attaqué, le Conseil avait déjà indiqué que la rentabilité de l’industrie de l’Union avait accusé une baisse sensible de 66 % entre 2007 et la PER. En outre, l’affirmation selon laquelle les bénéfices ont continué à baisser, qui implique qu’ils avaient déjà baissé antérieurement, n’a de sens que pour autant que les données de l’année 2007 soient prises en compte.

77      Les requérantes ne peuvent alléguer une erreur dans l’appréciation du Conseil au motif que les différents facteurs, dont les bénéfices de l’industrie de l’Union, n’ont pas baissé, mais augmenté durant la PER. En effet, ce grief suppose que les données de l’année 2009 soient prises comme référence pour évaluer lesdites évolutions durant la PER. Or, compte tenu du contexte que constituent les considérants 39 à 56 du règlement attaqué, les institutions n’ont pu que se référer à la période concernée, et donc à l’année 2007, pour affirmer que la situation de l’industrie de l’Union s’était « encore » détériorée durant la PER. En effet, par rapport à l’année 2007, les différents indicateurs se sont détériorés en 2008 et également durant la PER.

78      Par conséquent, si le Conseil s’est erronément référé à la PER dans l’avant-dernière phrase du considérant 58 du règlement attaqué, il ressort du contexte qu’il entendait se référer à la période concernée et que, sur la base de cette dernière, les appréciations faites par le Conseil ne sont pas entachées d’erreurs de fait. Les requérantes allèguent dès lors à tort des erreurs d’appréciation quant à l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité au motif qu’ils se fondent sur des faits erronés.

79      Partant, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen

80      Les requérantes estiment que, au considérant 60 du règlement attaqué, le Conseil a commis une erreur de fait lorsqu’il a indiqué que « l’ensemble des indicateurs de préjudice mentionnés par l’exportateur chinois ont accusé une évolution négative durant la période considérée ». En effet, d’après les requérantes, ainsi qu’elles l’avaient exposé dans leur lettre du 25 juillet 2011, les prix de vente de l’industrie de l’Union auraient connu une évolution positive durant la période considérée. En outre, les requérantes estiment que, au considérant 60 du règlement attaqué, le Conseil a erronément affirmé que, dans leur lettre du 25 juillet 2011, elles avaient uniquement formulé des observations sur les indicateurs de préjudice examinés aux considérants 43 à 49 du règlement attaqué.

81      À cet égard, il convient d’observer que, dans les considérants 43 à 49 du règlement attaqué, le Conseil a analysé l’évolution au sein de l’industrie de l’Union, premièrement, de la production, deuxièmement, des capacités de production ainsi que de leur taux d’utilisation, troisièmement, du niveau des stocks, quatrièmement, du volume des ventes, cinquièmement, de la part de marché, sixièmement, de la croissance et, septièmement, de l’emploi. Tous ces indicateurs, à l’exception des capacités de production qui sont restées constantes, ont connu une évolution défavorable et, en ce sens, négative, entre 2007 et la fin de la PER.

82      Ces indicateurs ne constituent pas l’ensemble des indicateurs d’un préjudice pris en considération par le Conseil. Le Conseil a également pris en compte la productivité de la main-d’œuvre, le prix de vente unitaire de l’industrie, les salaires, les investissements, la rentabilité et le rendement des investissements ainsi que les liquidités et la capacité à lever des capitaux de l’industrie de l’Union.

83      Au cours de la procédure administrative, les requérantes ne se sont pas limitées à mentionner aux institutions les indicateurs repris dans les considérants 43 à 49 du règlement attaqué. En effet, dans leur lettre du 25 juillet 2011, les requérantes ont également mentionné les salaires, le rendement des investissements, le flux des liquidités et les prix unitaires sur le marché de l’Union. Or, parmi ces différents facteurs, le prix unitaire a augmenté, comme cela ressort également du considérant 51 du règlement attaqué.

84      Il s’ensuit que c’est à tort que le Conseil a indiqué, dans le considérant 60 du règlement attaqué, que « l’ensemble » des indicateurs de préjudice mentionnés par les requérantes dans leur lettre du 25 juillet 2011 avaient accusé une évolution négative durant la période considérée. En revanche, tous les indicateurs de préjudice repris dans les considérants 43 à 49 du règlement attaqué ont accusé une évolution négative durant la période considérée.

85      Partant, le Conseil a commis une erreur, au considérant 60 du règlement attaqué, en indiquant que l’ensemble des indicateurs de préjudice mentionnés par les requérantes avaient accusé une évolution négative durant la période considérée. En revanche, les indicateurs de préjudice repris dans les considérants 43 à 49 du règlement attaqué ont accusé une évolution négative durant la période considérée.

86      Les requérantes allèguent que ladite erreur a entraîné une violation de leurs droits de la défense, puisque le Conseil a omis d’examiner des arguments substantiels qu’elles avaient avancés.

87      Ce grief doit être rejeté. En effet, le fait que les institutions ont erronément apprécié la portée des arguments soumis par les requérantes dans leur lettre du 25 juillet 2011 n’implique pas que les requérantes n’ont pas pu faire connaître leur point de vue avant l’adoption du règlement attaqué (voir point 43 ci-dessus). Cette appréciation ne préjuge toutefois pas des conséquences de ladite erreur sur le bien-fondé du règlement attaqué.

88      Par ailleurs, les requérantes considèrent que le Conseil a forcément accordé une importance considérable à l’évolution prétendument négative du prix de vente dans sa conclusion relative à l’existence d’un préjudice important subi par l’industrie de l’Union et l’imputation de ce préjudice aux importations chinoises.

89      Cette appréciation des requérantes ne peut être suivie. Dans le passage contesté du considérant 60 du règlement attaqué, le Conseil a uniquement analysé l’évolution des indicateurs de préjudice repris dans les considérants 43 à 49 du règlement attaqué, qui ont effectivement accusé une évolution négative durant la période considérée. Le Conseil a, à tort, indiqué que ces indicateurs constituaient l’« ensemble » des indicateurs de préjudice mentionnés par les requérantes dans leur lettre du 25 juillet 2011. Cependant, cette erreur n’implique nullement que les prix de vente − qui ne constituaient pas un des indicateurs de préjudice repris dans les considérants 43 à 49 du règlement attaqué – aient été considérés par les institutions comme ayant eu une évolution négative ou qu’elles y aient attaché une importance considérable.

90      Enfin, les requérantes contestent l’absence de prise en compte de l’évolution des prix de vente par les institutions étant donné la portée de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base. Ce grief constitue un grief indépendant de l’erreur de fait allégué par les requérantes et constitue d’ailleurs un des griefs repris dans le troisième moyen avancé par les requérantes. Il sera dès lors apprécié dans le cadre de ce moyen (voir points 116 et suivants ci-après).

91      Partant, il convient de considérer que l’erreur commise au considérant 60 du règlement attaqué est une erreur rédactionnelle. Aucune des conséquences directes de cette erreur avancées par les requérantes n’est avérée. Partant, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen.

 Conclusion

92      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le Conseil a commis trois erreurs rédactionnelles dans les considérants 58 et 60 du règlement attaqué. Ces erreurs ne suffisent pas, en soi, à annuler le règlement attaqué dès lors qu’aucune de ces erreurs n’a pour conséquence d’établir un vice de forme ou de fond. Elles ne permettent dès lors pas de justifier une annulation du règlement attaqué. Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen tiré d’erreurs de fait.

 Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

 Introduction

93      Les requérantes estiment, en substance, que le Conseil a violé l’article 11, paragraphe 2, et l’article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du règlement de base en considérant qu’il existerait un préjudice ainsi qu’un lien de causalité entre les importations faisant prétendument l’objet d’un dumping et la probabilité d’une continuation du préjudice si les mesures antidumping étaient abrogées. Les requérantes estiment que ces considérations reposent sur plusieurs erreurs manifestes d’appréciation.

94      Préalablement à l’analyse des différentes erreurs manifestes d’appréciation alléguées par les requérantes, il convient de rappeler que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques qu’elles doivent examiner et que, partant, le contrôle du juge de l’Union sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec, EU:C:1991:186, point 86 ; Shanghai Bicycle/Conseil, point 28 supra, EU:T:1997:134, point 63, et du 23 septembre 2009, Dongguan Nanzha Leco Stationery/Conseil, T‑296/06, EU:T:2009:347, points 40 et 41).

95      Par ailleurs, conformément à l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, pour que le Conseil puisse maintenir une mesure antidumping parvenant à expiration, il lui importe d’établir, lors d’un réexamen, que l’expiration de la mesure antidumping favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice.

96      Ainsi, il importe au Conseil d’établir un lien entre l’expiration de la mesure antidumping, d’une part, et la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice, d’autre part, pour pouvoir proroger des mesures antidumping à la suite d’un réexamen. Cette analyse comporte une dimension prospective dès lors qu’il importe de déterminer sur la base des données du réexamen la probabilité que l’expiration des mesures antidumping favorise la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. Il a, en effet, été jugé que le maintien d’une mesure dépend du résultat d’une appréciation des conséquences de son expiration, donc d’un pronostic fondé sur des hypothèses quant à des développements futurs de la situation du marché concerné (voir arrêt du 8 mai 2012, Dow Chemical/Conseil, T‑158/10, Rec, EU:T:2012:218, point 22 et jurisprudence citée).

97      En outre, il ressort de l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base qu’une simple possibilité de continuation ou de réapparition du dumping et du préjudice ne suffit pas pour justifier le maintien d’une mesure, celui-ci étant subordonné à ce que la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du dumping et du préjudice ait été constatée positivement, sur la base d’une enquête, par les autorités compétentes (voir arrêt Dow Chemical/Conseil, point 96 supra, EU:T:2012:218, point 22 et jurisprudence citée).

98      L’article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de base énonce, de manière non exhaustive, trois manières permettant de constater positivement la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du dumping et du préjudice à la suite d’un réexamen. Premièrement, ce constat peut être fait sur la base de la preuve de la continuation du dumping et du préjudice causé par ce dumping. Deuxièmement, ce constat peut être fait sur la base de la preuve que l’élimination du préjudice est totalement ou partiellement imputable à l’existence de mesures anti-dumping. Troisièmement, ce constat peut être fait sur la base de la preuve que la situation des exportateurs ou les conditions du marché sont telles qu’elles impliquent la probabilité de nouvelles pratiques de dumping préjudiciables.

99      En l’espèce, le Conseil a fondé le maintien des mesures antidumping notamment sur le fait que, en tenant compte des tendances utiles à l’évaluation de la probabilité d’une continuation du préjudice durant la période considérée, malgré l’existence des mesures antidumping, l’industrie de l’Union a subi un préjudice important durant la PER et qu’il existe un lien de cause à effet entre les importations en dumping originaires de la Chine et le préjudice important subi par l’industrie de l’Union durant la PER (voir considérants 61 et 64 du règlement attaqué).

100    L’article 3 du règlement de base encadre la détermination de l’existence d’un préjudice et prévoit, en particulier, certains critères pour une telle détermination. L’article 11, paragraphe 2, du règlement de base ne contient pas de référence expresse à cette disposition en cas de réexamen.

101    Toutefois, lorsque, lors d’un réexamen d’une mesure antidumping venant à expiration, la démonstration de la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du dumping et du préjudice est fondée sur des preuves de la continuation du dumping causant un préjudice pendant la fin de la période instituant un droit de dumping définitif, l’article 3 du règlement de base s’applique. En effet, cette disposition énonce de manière générale les critères pour la détermination de l’existence d’un préjudice. Cette disposition transcrit, dans le contexte de l’imposition de mesures antidumping, un principe plus général qui impose à toute instance, nonobstant son large pouvoir d’appréciation, d’effectuer un examen précis et de fonder son appréciation sur des preuves d’une qualité suffisante (voir, par analogie, arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, Rec, EU:C:2005:87, points 37 à 45).

102    À cet égard, il convient de souligner qu’il a déjà été jugé, dans le contexte du règlement (CEE) n° 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1), que, dans le cadre d’un réexamen, l’analyse afin de déterminer si l’expiration d’une mesure antidumping antérieurement imposée pouvait de nouveau conduire à un préjudice ou à une menace de préjudice devait être effectuée en respectant les dispositions de l’article 4 dudit règlement qui régit le préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 10 février 1998, Commission/NTN et Koyo Seiko, C‑245/95 P, Rec, EU:C:1998:46, point 41).

103    En vertu de l’article 3 du règlement de base, pour déterminer l’existence d’un préjudice, le Conseil doit se fonder sur des éléments de preuve positifs. Il lui appartient de faire un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union (voir article 3, paragraphe 2, du règlement de base).

104    Pour l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union, le règlement de base précise que cet examen comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie. Parmi ces facteurs, il y a notamment le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté intégralement les effets pratiques passés de dumping, l’importance de la marge de dumping effective, la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités, les facteurs qui influent sur les prix dans l’Union, les effets négatifs, effectifs et potentiels sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance et l’aptitude à mobiliser les capitaux ou l’investissement (voir article 3, paragraphe 5, du règlement de base).

105    Sur la base de tous ces éléments, les instances de l’Union doivent démontrer que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice. Cela implique que soit démontré que le volume des importations faisant l’objet d’un dumping et/ou l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires ont un impact important sur l’industrie de l’Union (voir article 3, paragraphe 6, du règlement de base).

106    Enfin, il appartient aux instances de l’Union d’apprécier si d’autres facteurs connus ont contribué directement au préjudice subi par l’industrie de l’Union de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping. Parmi ces autres facteurs figurent la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation (voir article 3, paragraphe 7, du règlement de base).

107    Ainsi, la Cour a jugé que, lors de la détermination du préjudice, le Conseil et la Commission ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’ils entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet de subventions et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs. Il appartient aux institutions de l’Union de vérifier si les effets de ces autres facteurs n’ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d’une part, les importations en cause et, d’autre part, le préjudice subi par l’industrie de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, Rec, EU:C:2009:498, points 87 et 88).

108    Par ailleurs, il a déjà été jugé que, dès lors que l’examen du préjudice doit porter sur un ensemble de facteurs, l’un ou l’autre de ces facteurs ne saurait à lui seul constituer une base de jugement déterminante. L’évolution positive d’un facteur ne fait ainsi pas obstacle à la constatation d’un préjudice, dès lors que cette constatation se fonde sur différents facteurs dont le règlement de base prévoit la prise en considération (voir, en ce sens, arrêts du 30 mars 2000, Miwon/Conseil, T‑51/96, Rec, EU:T:2000:92, point 105, et du 4 octobre 2006, Moser Baer India/Conseil, T‑300/03, Rec, EU:T:2006:289, point 213).

109    C’est au regard de l’ensemble de ces éléments qu’il convient d’apprécier les griefs avancés par les requérantes dans leur troisième moyen.

 Sur la première branche du troisième moyen

–       Sur les erreurs manifestes d’appréciation et les violations de l’article 11, paragraphe 2, et de l’article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du règlement de base

110    Les requérantes allèguent, en substance, que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation au considérant 59 du règlement attaqué en examinant l’évolution des indices de préjudice de manière abstraite, c’est-à-dire sans les mettre en rapport avec l’évolution de la consommation dans l’Union qui a connu une forte baisse. D’après les requérantes, pour la pondération des facteurs requise par le règlement de base, le Conseil aurait à tort considéré que les indicateurs importants ont évolué négativement, car la majorité d’entre eux a mieux évolué que le marché. Le Conseil aurait donc dû analyser et exposer pourquoi le prétendu dumping a causé un préjudice malgré le fait que les indicateurs de préjudice analysés ont mieux évolué que la demande. Cette erreur impliquerait que l’appréciation du risque de continuation du préjudice était également fausse.

111    Au vu de ces griefs, il convient de rappeler que, conformément à l’article 3 du règlement de base et à la jurisprudence, l’examen du préjudice doit se faire en tenant compte de l’ensemble des facteurs de préjudice sans que l’un ou l’autre de ces facteurs ne puisse, à lui seul, être déterminant (voir point 108 ci-dessus). En outre, il convient de rappeler que seule une erreur manifeste d’appréciation lors de l’examen du préjudice est susceptible d’entraîner une annulation du règlement attaqué (voir point 94 ci-dessus).

112    Dans les considérants 59 et suivants du règlement attaqué, le Conseil a énoncé certaines conclusions quant à la situation économique de l’industrie de l’Union. Au considérant 59 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué ce qui suit :

« Entre 2007 et la PER, et malgré l’existence des mesures antidumping, plusieurs indicateurs importants ont accusé une évolution négative : la rentabilité a reculé de 4,9 points, la production et le volume des ventes ont diminué de respectivement 35 % et 50 %, tandis que le taux d’utilisation des capacités a reculé de 35 %, ce qui s’est traduit par une baisse des niveaux d’emploi et de productivité. Même si une partie de ces évolutions négatives peut s’expliquer par la forte diminution de la consommation, qui a chuté de près de 40 % au cours de la période considérée, le nouveau recul des parts de marché de l’industrie de l’Union (en baisse de 4 points entre 2007 et la PER) et l’accroissement constant de la part de marché des importations en provenance de la RPC doivent également être interprétés comme un signe de la pression croissante exercée par les importations chinoises en dumping. Compte tenu de la situation de quasi-monopole dont bénéficient déjà les importations chinoises sur le marché de l’Union, toute hausse supplémentaire de celles-ci, notamment en raison de leur prix sensiblement inférieur, peut entraîner une baisse du niveau d’utilisation des capacités de production de l’industrie de l’Union, qui passerait en dessous du seuil minimal lui permettant d’assurer sa survie. À cet égard, il convient de rappeler que deux producteurs de l’Union ont été obligés de cesser leurs activités dans le secteur des transpalettes à main au cours de la période considérée, comme cela a déjà été mentionné au considérant 47 ci-dessus. »

113    Il ressort de ce considérant que, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, le Conseil n’a pas invoqué implicitement la contraction de la demande. Le Conseil a expressément invoqué la « forte diminution de la consommation, qui a chuté de près de 40 % au cours de la période considérée ».

114    Par ailleurs, il ne peut être considéré que le Conseil n’a pas examiné ni tenu compte de l’évolution de la consommation dans l’Union. En effet, le Conseil a considéré qu’une partie des évolutions négatives de la rentabilité, de la production, du volume des ventes, du taux d’utilisation des capacités et de l’emploi pouvait s’expliquer par la forte diminution de la consommation, mais que cette évolution négative ne pouvait s’expliquer uniquement par la forte baisse de la consommation dès lors que les parts de marché de l’Union ont reculé et que les parts de marché des importations de la Chine ont augmenté.

115    Les requérantes reprochent cependant également au Conseil d’avoir fondé son appréciation sur la prémisse selon laquelle les indicateurs importants de préjudice ont évolué négativement, alors que, selon elles, ces indicateurs ont évolué positivement par rapport à la demande. Elles font grief au Conseil de ne pas avoir exposé pour quelle raison le prétendu dumping aurait causé un préjudice malgré le fait que les indicateurs de préjudice analysés ont mieux évolué que la demande. D’après les requérantes, l’évolution des indicateurs de préjudice contredisent la constatation d’un dumping.

116    Au vu de ces arguments, il convient d’observer que les tableaux repris dans les considérants 39 à 56 du règlement attaqué font état de l’évolution suivante des différents paramètres invoqués dans le considérant 59 du règlement attaqué et faisant l’objet du grief des requérantes :

Indice (2007 = 100)

2007

2008

2009

PER

Consommation totale de l’Union

100

84

49

60

Rentabilité nette des ventes de l’Union à des clients indépendants (en % des ventes nettes)

100

68

− 2

34

Production (en unités)

100

84

55

65

Utilisation des capacités de production

100

84

55

65

Volume des ventes aux clients indépendants dans l’Union (en unités)

100

79

55

50

Emplois liés aux produits concernés (nombre de personnes)

100

84

76

83


117    Sur la base de ces données, il convient d’observer que, pour chacun de ces indicateurs de préjudice, l’évolution a été négative lorsque la situation de l’année 2007 est comparée à celle de la fin de la PER. Par conséquent, c’est à tort que les requérantes font état d’une évolution positive et qu’elles reprochent au Conseil d’avoir fait une appréciation sur la base d’une prémisse erronée.

118    Par ailleurs, en ce que les requérantes reprochent au Conseil de ne pas avoir analysé ou expliqué la raison pour laquelle il a conclu que le prétendu dumping aurait causé un préjudice malgré le fait que les indicateurs de préjudice ont « mieux » évolué, c’est-à-dire de façon moins négative, que la demande, il y a lieu d’observer que ce grief vise davantage le bien-fondé des motifs exposés dans le règlement attaqué que leur caractère suffisant du point de vue formel, de sorte que ledit grief échappe au champ d’application de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, points 66 à 68). En outre, il y a lieu de constater, tout d’abord, que tous les facteurs en question n’ont pas, dans tous les cas, évolué de façon moins négative que la demande. En effet, ainsi qu’il ressort du tableau repris au point 116 ci-dessus, en 2008 et durant la PER, le volume des ventes a diminué de façon plus importante que la demande. De plus, la rentabilité nette des ventes de l’Union à des clients indépendants a évolué durant toute la période de façon plus négative que la demande. Il ne peut donc être considéré que les indicateurs de préjudice et la demande ont toujours suivi la même tendance.

119    Ensuite, il convient d’observer que le Conseil a tenu compte du fait que la demande a chuté de manière importante et même plus importante que celle dont ont chuté certains facteurs de préjudice. En effet, il a indiqué, au considérant 59 du règlement attaqué, que la demande a chuté de près de 40 %, soit plus que les 35 % de baisse de la production et les 35 % de baisse du taux d’utilisation des capacités également mentionnés dans ce considérant. Cependant, s’il a admis qu’une partie des évolutions négatives des facteurs de préjudice en cause pouvait s’expliquer par cette évolution de la demande, il a considéré que d’autres éléments expliquaient également cette évolution des facteurs de préjudice, à savoir le nouveau recul des parts de marché de l’industrie de l’Union et l’accroissement constant des importations en provenance de la Chine.

120    Partant, il ne peut être reproché au Conseil de ne pas avoir analysé et expliqué pour quelle raison il a conclu à l’existence d’un préjudice causé par les importations chinoises en dumping malgré le fait que les indicateurs de préjudice ont, selon les requérantes, évolué de façon moins négative que la demande.

121    En ce que les requérantes estiment que les indicateurs de préjudice contredisent la constatation d’un dumping dommageable, il convient de constater que l’argument des requérantes revient à dire que, parce que la demande a baissé plus rapidement que la production, l’utilisation des capacités, le volume des ventes et l’emploi, il ne pouvait y avoir de dumping. Une telle analyse est cependant erronée, car elle omet de prendre en compte tous les éléments pertinents. Plus particulièrement, le fait que les indicateurs de préjudice en question ont moins baissé que la demande ne permet pas aux institutions de l’Union de ne pas tenir compte de l’évolution des parts de marché de l’industrie de l’Union ainsi que des importations de la Chine et de leur prix. En effet, il a déjà été jugé qu’il ne saurait être contesté que l’évolution de la part de marché de l’industrie de l’Union constitue un facteur d’une importance significative en vue d’apprécier l’existence d’un préjudice important au détriment de ladite industrie (arrêt du 14 mars 2007, Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, T‑107/04, Rec, EU:T:2007:85, point 65).

122    Les requérantes invoquent également à tort à l’appui de leurs arguments le point 88 de l’arrêt Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, point 121 supra (EU:T:2007:85). En effet, dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que la circonstance que la baisse du volume des ventes de l’industrie communautaire reflétait exactement celle de la contraction de la demande mettait en doute l’affirmation du Conseil selon laquelle la baisse des volumes de vente de l’industrie est due à la sous-cotation des prix pratiqués par les producteurs-exportateurs. Le Tribunal a considéré que ladite baisse pouvait trouver une explication raisonnable dans la contraction de la demande communautaire et que cet élément décisif n’avait pas été pris en considération par le Conseil. Or, la présente affaire se distingue de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, point 121 supra (EU:T:2007:85). D’une part, en l’espèce, la baisse du volume des ventes de l’industrie ne reflète pas exactement celle de la contraction de la demande : en 2008 et durant la PER, le volume des ventes a baissé de manière plus importante que la demande et, en 2009, au contraire, la demande a davantage baissé que le volume des ventes. D’autre part, il ne saurait être considéré, en l’espèce, que la baisse des ventes par rapport à la baisse de la demande n’a pas été prise en considération par le Conseil, puisque celui-ci admet que la baisse du volume des ventes s’explique en partie par la baisse de la consommation (voir points 118 et 119 ci-dessus).

123    Les requérantes font également grief au Conseil de ne pas avoir exposé pour quelle raison le fait que deux producteurs de l’Union avaient cessé leurs activités sur le marché de l’Union ne pouvait pas s’expliquer uniquement par la diminution de la demande. Les requérantes contestent de la sorte le bien-fondé de la déduction faite par le Conseil à partir de la cessation d’activités de deux producteurs.

124    À cet égard, il convient de rappeler que, dans les considérants 47 et 59 du règlement attaqué, le Conseil a estimé que le fait que deux producteurs de l’Union de transpalettes à main avaient cessé leurs activités sur le marché de l’Union au cours de la période entre 2007 et la PER s’inscrivait dans le cadre de la pression croissante que les importations chinoises en dumping font peser sur le marché de l’Union, pression que l’industrie de l’Union aurait ressentie d’autant plus qu’elle était confrontée à une forte baisse de la consommation.

125    Dans un contexte où les importations chinoises ont augmenté leur volume et maintenu des prix très bas (voir considérant 64 du règlement attaqué), cette appréciation n’est pas manifestement erronée. En effet, l’importation en dumping rend les producteurs européens moins compétitifs et les producteurs qui sont les moins compétitifs sont d’autant plus affectés par une baisse de la demande. Ainsi, il n’est manifestement pas erroné de considérer que l’augmentation des importations chinoises à un prix très bas a contribué, dans un contexte de baisse de la demande, à la cessation des activités de ces deux producteurs. Même à considérer que ladite cessation ne puisse être imputée à ces facteurs, une telle erreur ne suffirait pas à invalider l’appréciation faite par les institutions. En effet, ladite cessation n’est invoquée que comme un des éléments additionnels dans le considérant 59 du règlement attaqué.

126    Enfin, s’agissant de l’invocation, par les requérantes, de l’absence d’examen de la « récession économique », il y a lieu d’observer que, contrairement à ce qu’allègue le Conseil, ce grief vise l’absence de prise en compte adéquate de la diminution de la demande ainsi que des autres indicateurs de préjudice. Partant, contrairement à ce que soutient le Conseil, il ne s’agit pas d’un moyen ou d’un grief nouveau. La réponse à ce grief est reprise au point 119 ci-dessus.

127    Pour les motifs qui précèdent, c’est à tort que les requérantes allèguent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation ou violé l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base et l’article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du même règlement lors de son analyse de l’évolution de la demande et des autres facteurs de préjudice au considérant 59 du règlement attaqué.

–       Sur les défauts de motivation

128    Les requérantes allèguent des défauts de motivation au motif que, d’une part, le Conseil aurait tu l’incidence de la contraction de la demande dans le passage du règlement attaqué relatif à l’incidence des importations faisant l’objet du dumping et d’autres facteurs et, d’autre part, le Conseil n’aurait pas exposé la raison pour laquelle le fait que deux producteurs de l’Union avaient cessé leurs activités sur le marché de l’Union ne s’expliquait pas uniquement par la diminution de la demande.

129    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’autorité de l’Union, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (arrêts du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, Rec, EU:C:2003:511, point 88, et du 12 octobre 1999, Acme/Conseil, T‑48/96, Rec, EU:T:1999:251, point 141).

130    Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les différents éléments de fait ou de droit pertinents, les exigences de motivation devant être appréciées au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière. En outre, il convient de souligner que les institutions ne sont pas tenues de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elles par les intéressés. Il suffit que l’auteur de l’acte expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie du règlement (voir, en ce sens, arrêts du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, EU:C:2007:6, point 30, et du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, Rec, EU:T:2010:390, points 113 et 114).

131    S’agissant du premier défaut de motivation allégué par les requérantes au point 128 ci-dessus, il convient d’observer que la première phrase du considérant 62 du règlement attaqué, sous le titre 5.1 « Incidence des importations faisant l’objet d’un dumping », se lit comme suit :

« Malgré la baisse de la consommation dans l’Union européenne au cours de la période considérée, le volume des importations en provenance du pays concerné n’a pas reculé au même rythme, de sorte que les importations chinoises ont pu gagner d’autres parts de marché. »

132    Ainsi, le Conseil n’a pas passé sous silence l’incidence de la contraction de la demande dans la section du règlement attaqué relative à l’incidence des importations faisant l’objet du dumping. En outre, le raisonnement du Conseil apparaît de façon suffisamment claire pour permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief des requérantes, tiré d’un défaut de motivation repris au point 128 ci-dessus.

133    S’agissant du second défaut de motivation allégué par les requérantes au point 128 ci-dessus, il y a lieu d’observer que, bien que les requérantes allèguent formellement un défaut de motivation, elles réitèrent un grief quant au bien-fondé d’une appréciation faite par le Conseil (voir points 123 et suivants ci-dessus). En outre et en tout état de cause, compte tenu des considérants 47 et 59 du règlement attaqué, force est de constater que le Conseil a exposé de façon suffisamment claire son raisonnement de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle. Partant, le second grief tiré d’un défaut de motivation au point 128 ci-dessus doit également être rejeté.

134    Enfin, même à considérer que les griefs énoncés aux points 118 et 123 ci-dessus devraient être interprétés comme portant sur un défaut de motivation, il y a lieu de les rejeter en application de la jurisprudence reprise au point 129 ci-dessus. En effet, s’agissant tant de l’existence d’un préjudice malgré l’évolution des indicateurs de préjudice que des déductions faites à partir de la cessation d’activité de deux producteurs, force est de constater que les requérantes ont pu, sur la base des considérants du règlement attaqué, défendre leurs droits et que le Tribunal a pu exercer son contrôle sur lesdits considérants.

–       Conclusion

135    Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du troisième moyen.

 Sur la seconde branche du troisième moyen

–       Introduction

136    Dans la seconde branche du troisième moyen, les requérantes estiment, en substance, que les appréciations contenues dans les considérants 58, 59, 61, 62 et 64 du règlement attaqué sont entachées soit d’erreurs de fait, soit d’erreurs manifestes d’appréciation, soit d’un défaut de motivation en ce qu’il y est conclu que le préjudice subi par l’industrie de l’Union est imputable aux importations faisant prétendument l’objet d’un dumping. L’incidence incontestable de la contraction de la demande aurait été méconnue ou les considérations du Conseil relatives à cette incidence n’auraient pas été motivées.

–       Sur les appréciations contenues dans les considérants 58 et 59 du règlement attaqué

137    S’agissant des considérants 58 et 59 du règlement attaqué, les requérantes réitèrent que le Conseil a commis des erreurs de fait ou d’appréciation et estiment que l’ensemble de son argumentation relative au lien de causalité est entaché d’erreurs de fait et d’erreurs manifestes d’appréciation.

138    Pour les motifs exposés dans l’appréciation du deuxième moyen et de la première branche du troisième moyen, ces griefs doivent être rejetés. Partant, les requérantes ne peuvent fonder leur contestation de l’existence d’un lien de causalité sur ces erreurs.

–       Sur les appréciations contenues dans le considérant 61 du règlement attaqué

139    Dans le règlement attaqué, le Conseil a estimé que les parts de marché, la demande, la rentabilité, la production, le volume des ventes, le taux d’utilisation des capacités et l’emploi avaient évolué comme suit :

Indice (2007 = 100)

2007

2008

2009

PER

Part de marché de l’industrie de l’Union

100

95

111

84

Consommation totale de l’Union (en unités)

100

84

49

60

Rentabilité nette des ventes de l’Union à des clients indépendants (en % des ventes nettes)

100

68

− 2

34

Production (en unités)

100

84

55

65

Utilisation des capacités de production

100

84

55

65

Volume des ventes aux clients indépendants dans l’Union (en unités)

100

79

55

50

Emplois liés aux produits concernés (nombre de personnes)

100

84

76

83


140    Au considérant 61 du règlement attaqué, le Conseil a estimé :

« Toutefois, s’il est vrai que la consommation de l’Union a reculé de 40 % au cours de la période considérée, les exportateurs chinois sont parvenus à gagner d’importantes parts de marché durant la même période, aux dépens de l’industrie de l’Union. En outre, comme l’explique le considérant 58 ci-dessus, il est rappelé que les répercussions des importations en dumping étaient en fait plus préjudiciables en période de faible demande. »

141    Les requérantes estiment, en substance, que l’appréciation du Conseil exprimée dans la seconde phrase du passage du considérant 61 du règlement attaqué cité au point 140 ci-dessus est contradictoire et contraire aux faits, car la part de marché de l’industrie a augmenté de 16 points en 2009 alors que les autres indicateurs importants mentionnés par le Conseil, dans le considérant 58 du règlement attaqué, ont chuté à leurs niveaux les plus faibles. Aucune conclusion sur le lien de causalité ne saurait être tirée à partir des modifications des parts de marché.

142    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour les motifs exposés aux points 66 et suivants ci-dessus, c’est à juste titre que, dans le considérant 58 du règlement attaqué, le Conseil a estimé que, pour la période comprise entre le début de l’année 2009 et la fin de la PER, la part de marché de l’industrie a connu une baisse importante (− 27 points).

143    Par ailleurs, il est exact que, durant l’année 2009, la consommation a connu une baisse très importante (− 51 points par rapport à l’indice 100 qui représente la consommation de l’année 2007) alors que la part de marché de l’industrie de l’Union a augmenté (+ 11 points par rapport à l’indice 100 qui représente la part de marché de l’industrie pour l’année 2007).

144    Toutefois, comme l’indiquent tant les requérantes que le Conseil, les parts de marché peuvent évoluer indépendamment de la consommation : elles peuvent être gagnées ou perdues dans des marchés en recul ou en expansion. En l’espèce, l’augmentation de la part de marché de l’industrie de l’Union en 2009 s’est faite aux dépens de la rentabilité de l’industrie de l’Union, qui était négative en 2009 (− 2 points par rapport à l’année 2007). Durant la PER, cette rentabilité est redevenue positive, mais la part de marché de l’industrie de l’Union a baissé.

145    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, au considérant 7 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué que l’analyse des tendances utiles à l’évaluation de la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du préjudice couvrait la période allant du 1er janvier 2007 à la fin de la PER. Or, si durant cette période la part de marché de l’industrie a connu une augmentation, cette augmentation a été de courte durée. En effet, par rapport l’année 2007, les parts de marché de l’industrie de l’Union ont baissé en 2008 et à nouveau durant la PER. Certes, ces parts de marchés ont augmenté en 2009. Toutefois, une analyse d’ensemble sur la période considérée, telle que visée par la jurisprudence citée au point 108 ci-dessus, révèle que les parts de marché de l’Union ont eu une tendance à baisser durant toute cette période à l’exception de la période entre le début de l’année 2009 et le début de la PER. Le fait que, entre le début de l’année 2009 et la PER, lesdites parts de marché ont augmenté par rapport à 2007 n’affecte pas l’appréciation selon laquelle sur l’ensemble de la période considérée les parts de marché de l’industrie de l’Union ont connu une tendance à la baisse.

146    Partant, c’est à tort que les requérantes allèguent que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation au considérant 61 du règlement attaqué au motif qu’il aurait méconnu les contradictions entre l’évolution des parts de marché et celle des autres indicateurs de préjudice. Elles ne peuvent alléguer une violation de l’article 3, paragraphes 2, 6 et 7, et de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base à cet égard.

–       Sur les appréciations contenues dans le considérant 62 du règlement attaqué

147    Au considérant 62 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué ce qui suit :

« Malgré la baisse de la consommation dans l’Union européenne au cours de la période considérée, le volume des importations en provenance du pays concerné n’a pas reculé au même rythme, de sorte que les importations chinoises ont pu gagner d’autres parts de marché. En l’absence de coopération des producteurs-exportateurs chinois, la sous-cotation des prix a été calculée sur la base des meilleures données disponibles, telles que les données d’Eurostat, les offres des producteurs-exportateurs chinois soumises par les requérants et les factures à l’exportation collectées auprès des autorités douanières des États membres. Il est apparu que les importations en provenance du pays concerné sous-cotaient nettement les prix de l’industrie de l’Union dans une fourchette comprise entre 43 % et 78 %, selon la source d’information utilisée. »

148    Les requérantes allèguent que, lors de l’appréciation des facteurs autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, le Conseil n’a pas pris en considération l’incidence de la diminution de la consommation. Cependant, étant donné la première phrase du considérant 62 reprise au point 147 ci-dessus, cette allégation est non fondée.

149    Les requérantes allèguent également que le Conseil n’a pas motivé son appréciation de l’incidence de la diminution de la consommation et que l’appréciation contenue dans le considérant 62 du règlement attaqué est circulaire et dépourvue de « motivation substantielle » ou de « motivation véritable ».

150    Au vu de ce grief, il convient de constater que les requérantes méconnaissent la portée de l’obligation de motivation.

151    En effet, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (voir, en ce sens, arrêts Commission/Sytraval et Brink’s France, point 118 supra, EU:C:1998:154, point 67 ; du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, Rec, EU:T:1998:92, point 41, et du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec, EU:T:1998:93, point 66). La motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 118 supra, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

152    Or, en l’espèce, il ressort du considérant 62 du règlement attaqué que le Conseil a exposé de façon claire et non équivoque son raisonnement. En effet, il y est indiqué que, si la consommation avait, certes, baissé, les importations de Chine n’ont pas baissé au même rythme et ont en conséquence gagné des parts de marché. La contestation par les requérantes du caractère circulaire de l’argument et de la « motivation substantielle » démontre qu’elles entendent confondre la forme et le fond et constitue la reconnaissance implicite de l’existence d’une motivation formelle. Par conséquent, le grief tiré d’un défaut de motivation doit être rejeté. En outre, pour les motifs repris aux points 112 et suivants ainsi qu’au point 148 ci-dessus, le grief des requérantes tiré d’une absence de prise en considération de l’incidence de la diminution de la consommation doit également être rejeté au fond.

153    Les requérantes contestent encore l’appréciation selon laquelle les parts de marché ne peuvent être gagnées ou perdues « malgré » des modifications de la taille du marché.

154    À cet égard, il est exact que les parts de marché peuvent être gagnées ou perdues tant dans un marché en expansion que dans un marché en recul. Cependant, comme il n’y a pas de corrélation directe entre l’évolution de la demande et l’évolution des parts de marché, une baisse de la demande n’entraînera pas, en l’absence d’autres facteurs, une modification des parts de marché des différents concurrents sur ledit marché. Ce sont notamment les politiques commerciales pratiquées par les concurrents sur le marché en question à la suite de la baisse de la demande qui sont susceptibles de modifier la répartition du marché entre les concurrents. Puisque, en principe, en l’absence d’autres facteurs, une baisse de la demande n’affecte pas la répartition des parts de marché entre concurrents, il n’est pas manifestement erroné de considérer que, lorsque la répartition du marché entre concurrents se trouve modifiée à la suite d’une baisse de la demande, cette répartition s’est faite « malgré » la baisse de la demande. En outre, rien n’indique que la Commission a surestimé l’importance des pressions exercées par les importations chinoises. Comme l’avance le Conseil, le terme « malgré » n’indique pas que ce dernier attribuait à la diminution de la demande une importance supérieure à celle de l’augmentation de la part de marché des importations faisant l’objet d’un dumping ou à celle de la forte sous-cotation qui sont également mentionnées au considérant 62 du règlement attaqué. L’usage de ce terme indique que les institutions ont pris en considération la diminution de la demande.

155    Partant, pour les motifs qui précèdent, il convient de rejeter l’ensemble des griefs avancés par les requérantes se rapportant au considérant 62 du règlement attaqué.

–        Sur les appréciations contenues dans le considérant 64 du règlement attaqué 

156    Au considérant 64 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué :

« Comme le montre le considérant 41 [du règlement attaqué], les importations en provenance du pays concerné ont augmenté en termes de parts de marché durant la période considérée, et ce malgré la baisse sensible de la consommation dans l’Union. Les importations chinoises ont ainsi pu accroître leur part de marché, qui est passée à 83 % de la consommation de l’Union durant la PER. Cette pression accrue en termes de volume, malgré une demande globalement en baisse, s’est conjuguée avec le niveau très bas des prix des importations chinoises à destination de l’Union, ce qui entraîne une sous-cotation sensible des prix de l’industrie de l’Union. Il y a donc lieu de conclure qu’il existe un lien de cause à effet entre les importations en dumping originaires de la RPC et le préjudice important subi par l’industrie de l’Union durant la PER. »

157    Les requérantes contestent l’appréciation selon laquelle les parts de marché des importations chinoises ont augmenté aux dépens des parts de marché de l’industrie de l’Union. D’après les requérantes, il n’y a pas d’augmentation constante des parts de marché des importations chinoises. Il n’y aurait pas de tendance probante permettant d’attribuer à l’évolution des parts de marché un caractère conclusif. Le fait que la part de marché des importations chinoises durant la PER était temporairement plus élevée qu’en 2007 ne serait qu’une coïncidence momentanée.

158    À cet égard, il convient de rappeler que, selon les données des tableaux 2 et 7 repris dans les considérants 41 et 47 du règlement attaqué, les parts de marché de l’industrie chinoise et de l’industrie de l’Union ont évolué comme suit :

 

2007

2008

2009

PER

Parts de marché des importations en provenance de la RPC et de la Thaïlande

78 %

80 %

78 %

83 %

Parts de marché de l’industrie de l’Union

Indice (2007 = 100)

100

95

111

84


159    Il ressort de ces données que les parts de marché des importations en cause n’ont pas augmenté de façon constante. Dans le considérant 64 du règlement attaqué, le Conseil n’a d’ailleurs pas fait état d’une augmentation « constante ». En revanche, il y a fait, à tort, référence au considérant 59 du règlement attaqué. Cette erreur n’affecte cependant pas l’appréciation contenue dans le considérant 64 du règlement attaqué dès lors que, si la période allant du 1er janvier 2007 à la fin de la PER est prise en compte, les parts de marché des importations ont augmenté de façon constante, à l’exception de l’année 2009 où elles sont redescendues au niveau de 2007, pour augmenter jusqu’à 83 % durant la PER. Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que les parts de marché des importations en cause ont augmenté.

160    Par ailleurs, durant la période comprise entre 2007 et la fin de la PER, les parts de marchés de l’industrie de l’Union ont baissé (– 16 points). Cette baisse n’est toutefois pas constante comme il est, à tort, indiqué au considérant 72 du règlement attaqué. En effet, en 2009, la part de marché de ladite industrie a augmenté (+ 11 points par rapport à 2007) pour ensuite, durant la PER, baisser à un niveau inférieur à ceux de 2007 et de 2008. La qualification erronée de la diminution des parts de marché de l’Union de « constante » n’affecte cependant pas l’appréciation du Conseil exprimée au considérant 64 du règlement attaqué repris au point 156 ci-dessus. Elle n’affecte dès lors pas l’appréciation d’un lien de causalité entre les importations en dumping originaires de la Chine et le préjudice important subi par l’industrie de l’Union durant la PER.

161    S’agissant de l’argument des requérantes contestant l’appréciation contenue dans le considérant 64 du règlement attaqué en raison de l’usage du terme « malgré » lors de l’invocation de la baisse de la consommation dans l’Union, il convient de le rejeter pour les motifs repris aux points 154 et suivants ci-dessus, transposables à la présente situation.

162    Les requérantes estiment encore que, dans la troisième phrase du considérant 64 du règlement attaqué (« Cette pression accrue en termes de volume, malgré une demande globalement en baisse, s’est conjuguée avec le niveau très bas des prix des importations chinoises à destination de l’Union, ce qui entraîne une sous-cotation sensible des prix de l’industrie de l’Union »), le Conseil a tenté d’établir une croissance des importations chinoises en termes absolus, ce qui ne serait pas étayé par les faits tels qu’exposés dans le tableau 2 repris dans le considérant 41 du règlement attaqué.

163    Au vu de ce grief, il convient de rappeler que ledit tableau 2 contient notamment les données suivantes :

 

2007

2008

2009

PER

Volume des importations en provenance du pays concerné (unités)

612 222

522 573

300 222

387 907

Indice (2007 = 100)

100

85

49

63


164    Comme l’indiquent les requérantes, le volume des importations a baissé par rapport à 2007 et il y a un certain parallélisme avec la baisse de la demande. En termes absolus, le volume des importations chinoises n’a pas augmenté par rapport à 2007.

165    Toutefois, durant la PER, le volume des importations et la part de marché des importations chinoises ont augmenté alors que le volume des ventes aux clients indépendants dans l’Union a continué à baisser et les parts de marché de l’industrie de l’Union ont également baissé (voir tableaux 6 et 7 du règlement attaqué ainsi que les tableaux repris aux points 139 et 158 ci-dessus).

166    En outre, les termes « cette pression accrue en termes de volume » repris dans le considérant 64 du règlement attaqué ne doivent pas être compris comme se référant à l’évolution du volume des importations chinoises en termes absolus, mais comme se référant à la phrase qui précède, dans laquelle le Conseil indique, à juste titre, que, durant la PER, les importations chinoises ont pu accroître leur part de marché, qui est passée à 83 % de la consommation de l’Union par rapport à 78 % en 2007, 80 % en 2008 et 78 % en 2009. En d’autres termes, durant la PER, l’accroissement de la part de marché a été de pair avec une augmentation du volume des importations chinoises par rapport à l’année 2009, même si cette augmentation reste en-dessous du volume des importations de 2007 et de 2008.

167    Partant, c’est à tort que les requérantes estiment que dans la troisième phrase du considérant 64 du règlement attaqué le Conseil a tenté d’établir une croissance des importations chinoises en termes absolus.

168    Les requérantes estiment également que la conclusion selon laquelle les prix des importations chinoises ont entraîné une sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union ne constitue pas en soi une appréciation de l’effet qu’une telle sous-cotation pourrait avoir sur les prix. De plus, la circonstance selon laquelle les prix de l’industrie de l’Union ont constamment augmenté tout au long de la période considérée démentirait l’affirmation selon laquelle les importations chinoises ont eu un effet sur ces prix. Cela mettrait en doute l’allégation implicite et non motivée du Conseil selon laquelle il y aurait un lien de causalité entre les importations chinoises et le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Dans un contexte d’augmentation des prix de vente de l’industrie de l’Union, la simple allégation quant à l’effet des importations sur les prix de l’industrie de l’Union et quant à la question de savoir pourquoi cet effet a causé un préjudice, constituerait une erreur manifeste d’appréciation ou un défaut de motivation.

169    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union.

170    En outre, il convient de tenir compte des données des tableaux 2 et 10 repris dans les considérants 41 et 51 du règlement attaqué.

 

2007

2008

2009

PER

Prix unitaires sur le marché de l’Union (en EUR/unité)

Indice (2007 = 100)

100

101

103

104

Volume des importations en provenance du pays concerné

100

85

49

63

Prix des importations en provenance du pays concerné

Indice (2007 = 100)

100

96

104

101


171    Il ressort de ces données que les importations faisant l’objet d’un dumping n’ont pas entraîné une diminution des prix des produits similaires sur le marché de l’Union.

172    Le Conseil n’a toutefois pas fondé l’existence d’un préjudice sur cette base. En effet, contrairement à ce qu’allèguent les requérantes, au considérant 64 du règlement attaqué, le Conseil n’a pas indiqué que les importations chinoises avaient eu un effet sur les prix de vente de l’industrie de l’Union (voir point 156 ci-dessus). Dans les considérants 62 et 64 du règlement attaqué, le Conseil a considéré qu’il existait un préjudice en raison de la sous-cotation sensible (dans une fourchette comprise entre 43 et 78 %) par les importations chinoises des prix de l’industrie de l’Union et de l’augmentation des parts de marché des importations chinoises. Les requérantes n’ont pas remis en cause l’existence d’une telle sous-cotation sensible.

173    Par conséquent, le grief des requérantes selon lequel le Conseil a omis d’examiner l’effet des importations sur les prix de produits similaires sur le marché de l’Union pour établir un préjudice conformément à l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement de base est inopérant.

174    Par ailleurs, les requérantes ne peuvent faire grief au Conseil de ne pas avoir apprécié l’effet de ladite sous-cotation sur les prix de l’Union. En effet, comme l’indique à juste titre le Conseil, l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement de base ne requiert pas d’apprécier l’effet d’une sous-cotation sur les prix de l’Union.

175    Les requérantes estiment que le fait que, en 2009, lorsque la pression négative exercée par les importations chinoises se serait prétendument fait ressentir dans toute sa mesure, les prix de vente de l’industrie de l’Union n’ont pas baissé, mais, au contraire, ont augmenté, démentirait l’affirmation du Conseil selon laquelle les importations chinoises ont eu un effet sur les prix de vente de l’industrie de l’Union.

176    À cet égard, il importe d’observer, tout d’abord, que le fait que les prix de l’industrie de l’Union ont légèrement, mais constamment, augmenté au cours de la période considérée ne permet pas de remettre en cause l’existence d’une sous-cotation sensible de ces prix par les importations chinoises. Ensuite, il convient de souligner que, en 2009, les prix des importations chinoises avaient également augmenté (voir le tableau repris au point 170 ci-dessus) et que la rentabilité nette des ventes de l’Union à des clients indépendants était négative (voir le tableau repris au point 139 ci-dessus). Ces deux éléments constituent des obstacles à une réduction des prix de la part de l’industrie de l’Union. Enfin, à la suite d’une question écrite de la part du Tribunal, le Conseil a démontré que l’augmentation des prix de l’industrie de l’Union sur l’ensemble de la période considérée était inférieure à celle de l’inflation. Par conséquent, c’est à tort que les requérantes allèguent que l’augmentation des prix de l’industrie de l’Union démentirait l’affirmation du Conseil selon laquelle les importations chinoises ont eu un effet sur les prix de vente de l’industrie de l’Union.

177    Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il convient de rejeter le grief des requérantes selon lequel le Conseil a commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le considérant 64 du règlement attaqué.

178    Enfin, les requérantes reprochent à tort au Conseil de ne pas avoir motivé l’existence d’un lien de causalité entre les importations chinoises et le préjudice subi par l’industrie de l’Union. En effet, les motifs pour lesquels le Conseil a considéré qu’il existait un tel lien de causalité ressortent de façon claire et non équivoque du considérant 64 du règlement attaqué, et ce d’autant plus que les requérantes ont pu, sur la base de cette motivation, contester le bien-fondé de l’appréciation en alléguant des erreurs manifestes d’appréciation de la part du Conseil.

179    Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter la seconde branche du troisième moyen et, partant, le troisième moyen dans son entièreté.

180    Enfin, dans leur deuxième moyen, les requérantes allèguent, outre des erreurs de fait, également que, dans les considérants 61, 64 et 68 du règlement attaqué, le Conseil a commis une erreur d’appréciation en omettant d’évaluer les informations relatives au préjudice couvrant l’ensemble de la période considérée et en se limitant à constater l’existence d’un préjudice durant la PER. À cet égard, il convient d’observer que, si, certes, dans lesdits considérants le Conseil a mis l’accent sur l’existence d’un préjudice durant la PER, il ne peut lui être reproché d’avoir omis d’évaluer les informations relatives au préjudice pour l’ensemble de la période considérée. En effet, il ressort de l’ensemble des considérants du règlement attaqué précédant le considérant 68, et, en particulier, des considérants 59 à 64, que le Conseil a évalué les informations relatives au préjudice couvrant l’ensemble de la période considérée. Le deuxième moyen doit dès lors également être rejeté dans son intégralité.

–       Conclusion

181     Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter l’ensemble des griefs tirés d’erreurs d’appréciation et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

182    Lors de l’audience, les requérantes ont demandé, dans l’hypothèse où leur recours devait être rejeté, de tenir compte, lors de la condamnation aux dépens, des erreurs que contiennent les motifs du règlement attaqué.

183    En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le paragraphe 3 dudit article prévoit que le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

184    En l’espèce, le Conseil a conclu à la condamnation des requérantes aux dépens, lesquelles ont succombé. Il importe cependant de tenir compte du fait que les considérants 58 et 60 du règlement attaqué comportaient certaines erreurs (voir point 92 ci-dessus). Au vu de ces éléments, les requérantes sont condamnées à payer, outre leurs propres dépens, quatre cinquièmes des dépens exposés par le Conseil.

185    En vertu de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. La Commission supportera dès lors ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Crown Equipment (Suzhou) Co. Ltd et Crown Gabelstapler GmbH & Co. KG supporteront, outre leurs propres dépens, quatre cinquièmes des dépens exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      Le Conseil supportera un cinquième de ses propres dépens.

4)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits procéduraux des requérantes

Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de fait

Introduction

Sur la première branche du deuxième moyen

Sur la deuxième branche du deuxième moyen

Sur la troisième branche du deuxième moyen

Conclusion

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation

Introduction

Sur la première branche du troisième moyen

–  Sur les erreurs manifestes d’appréciation et les violations de l’article 11, paragraphe 2, et de l’article 3, paragraphes 2, 6 et 7, du règlement de base

–  Sur les défauts de motivation

–  Conclusion

Sur la seconde branche du troisième moyen

–  Introduction

–  Sur les appréciations contenues dans les considérants 58 et 59 du règlement attaqué

–  Sur les appréciations contenues dans le considérant 61 du règlement attaqué

–  Sur les appréciations contenues dans le considérant 62 du règlement attaqué

–  Sur les appréciations contenues dans le considérant 64 du règlement attaqué

–  Conclusion

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.