Language of document : ECLI:EU:C:2016:325

Affaire C‑547/14

Philip Morris Brands SARL e.a.

contre

Secretary of State for Health

[demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court)]

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Directive 2014/40/UE – Articles 7, 18 et 24, paragraphes 2 et 3 – Articles 8, paragraphe 3, 9, paragraphe 3, 10, paragraphe 1, sous a), c), et g), 13 et 14 – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Validité – Base juridique – Article 114 TFUE – Principe de proportionnalité – Principe de subsidiarité – Droits fondamentaux de l’Union – Liberté d’expression – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 11 »

Sommaire – Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 4 mai 2016

1.        Questions préjudicielles – Compétence de la Cour – Limites – Compétence du juge national – Nécessité d’une question préjudicielle et pertinence des questions soulevées – Appréciation par le juge national

(Art. 267 TFUE)

2.        Questions préjudicielles – Compétence de la Cour – Limites – Demande d’interprétation d’un acte de l’Union de portée générale n’ayant pas fait l’objet de mesures d’application en droit national – Recevabilité du recours devant le juge national – Inclusion

(Art. 267 TFUE)

3.        Questions préjudicielles – Recevabilité – Demande ne fournissant aucune précision sur le contexte factuel et réglementaire et n’exposant pas les raisons justifiant le renvoi à la Cour – Irrecevabilité

[Art. 267 TFUE ; statut de la Cour de justice, art. 23 ; règlement de procédure de la Cour, art. 94, c)]

4.        Rapprochement des législations – Article 114 TFUE – Champ d’application – Interdiction de mise sur le marché de certains produits – Inclusion

(Art. 114 TFUE)

5.        Droit de l’Union européenne – Interprétation – Méthodes – Interprétation du droit dérivé conforme au traité FUE

6.        Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Libre circulation des produits du tabac – Faculté pour les États membres d’adopter des règles relatives aux aspects du conditionnement n’ayant pas été harmonisés – Compatibilité avec l’article 114 TFUE

(Art. 114 TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, art. 24, § 1 et 2)

7.        Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Libre circulation des produits du tabac – Faculté pour un État membre d’interdire certains produits afin de protéger la santé publique – Compatibilité avec l’article 114 TFUE

(Art. 114, § 4 à 10, TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, art. 7 et 24, § 1 et 3)

8.        Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Étiquetage et conditionnement – Obligation d’adaptation en fonction des particularités linguistiques et réglementaires de l’État membre de commercialisation – Compatibilité avec l’article 114 TFUE

(Art. 114 TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, titre II, chapitre II)

9.        Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Mesures pouvant être prises pour réglementer les ingrédients – Interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant – Compatibilité avec l’article 114 TFUE

(Art. 114 TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, 15e considérant et art. 7)

10.      Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Vente à distance transfrontalière – Faculté pour les États membres de l’interdire – Application de règles communes aux États membres ayant autorisé cette modalité de commercialisation – Compatibilité avec l’article 114 TFUE

(Art. 114 TFUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, art. 18)

11.      Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Étiquetage et conditionnement – Interdiction d’y apposer des informations de promotion – Raison d’être

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, 27e considérant et art. 1er et 13, § 1)

12.      Droits fondamentaux – Liberté d’expression – Consécration aux articles 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et 10 de la convention européenne des droits de l’homme – Sens et portée identiques

(Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 11 et 52, § 3)

13.      Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Étiquetage et conditionnement – Interdiction d’y apposer des informations de promotion – Restriction du droit à la liberté d’expression et d’information – Violation du principe de proportionnalité – Absence

(Art. 5, § 4, TUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 11 ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, art. 13, § 1)

14.      Droit de l’Union européenne – Principes – Proportionnalité – Portée – Pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union – Contrôle juridictionnel – Limites

(Art. 5, § 4, TUE)

15.      Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Mesures pouvant être prises pour réglementer les ingrédients – Interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant – Violation du principe de proportionnalité – Absence

(Art. 5, § 4, TUE ; art. 9 TFUE, 114, § 3, TFUE et 168, § 1, TFUE ; charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 35 ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, art. 7)

16.      Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Étiquetage et conditionnement – Exigences relatives aux avertissements sanitaires et à la forme des unités de conditionnement – Violation du principe de proportionnalité – Absence

[Art. 5, § 4, TUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, 25e et 28e considérants et art. 8, § 3, 9, § 3, 10, § 1, g), et 14]

17.      Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Étiquetage et conditionnement – Exigences relatives à la taille des avertissements sanitaires – Violation du principe de proportionnalité – Absence

[Art. 5, § 4, TUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, art. 10, § 1, a) et c)]

18.      Droit de l’Union européenne – Principes – Principe de subsidiarité – Contrôle juridictionnel – Portée

(Art. 5, § 3, TUE ; protocole no 2 annexé aux traités UE et FUE, art. 5)

19.      Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40 – Mesures pouvant être prises pour réglementer les ingrédients – Interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant – Violation du principe de subsidiarité – Absence

(Art. 5, § 3, TUE ; directive du Parlement européen et du Conseil 2014/40, art. 1er et 7)

20.      Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Appréciation de l’obligation de motivation en fonction des circonstances de l’espèce

(Art. 296 TFUE)

1.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 31, 32)

2.        Il ne saurait être valablement soutenu qu’un recours devant le juge national tendant à un contrôle de la légalité de l’intention et/ou de l’obligation d’un État membre de transposer une directive, dans le cadre duquel a été formulée une demande de décision préjudicielle portant sur la validité de cette directive, constitue un moyen de contourner le système de voies de recours instauré par le traité FUE. En effet, la possibilité, pour les particuliers, de faire valoir devant les juridictions nationales l’invalidité d’un acte de l’Union de portée générale n’est pas subordonnée à la condition que ledit acte ait effectivement déjà fait l’objet de mesures d’application adoptées en vertu du droit national. Il suffit à cet égard que la juridiction nationale soit saisie d’un litige réel dans lequel se pose, à titre incident, la question de la validité d’un tel acte.

(cf. points 34, 35)

3.        Il découle de l’esprit de coopération qui doit présider au fonctionnement du renvoi préjudiciel qu’il est indispensable que la juridiction nationale expose, dans sa décision de renvoi, les raisons précises pour lesquelles elle considère qu’une réponse à ses questions concernant l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union est nécessaire à la solution du litige. Il est, dès lors, important que la juridiction nationale indique en particulier les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur la validité de certaines dispositions du droit de l’Union et expose les motifs d’invalidité qui, par voie de conséquence, lui paraissent pouvoir être retenus. Une telle exigence ressort également de l’article 94, sous c), du règlement de procédure de la Cour. En outre, les informations fournies dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais également à procurer aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres intéressés la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour.

Il en découle, d’une part, que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour examine la validité d’un acte de l’Union ou de certaines dispositions de celui-ci au regard des motifs d’invalidité repris dans la décision de renvoi. D’autre part, l’absence de toute mention des raisons précises qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur la validité de cet acte ou de ces dispositions entraîne l’irrecevabilité des questions relatives à la validité de ceux-ci.

(cf. points 47-50)

4.        Lorsqu’il existe des obstacles aux échanges ou qu’il est vraisemblable que de tels obstacles vont apparaître dans le futur, en raison du fait que les États membres ont pris, ou sont en train de prendre, à l’égard d’un produit ou d’une catégorie de produits des mesures divergentes de nature à assurer un niveau de protection différent et à empêcher de ce fait la libre circulation du ou des produits dans l’Union, l’article 114 TFUE habilite le législateur de l’Union à intervenir en arrêtant les mesures appropriées dans le respect, d’une part, du paragraphe 3 de cet article et, d’autre part, des principes juridiques mentionnés dans le traité FUE ou dégagés par la jurisprudence, notamment du principe de proportionnalité.

À cet égard, par l’expression « mesures relatives au rapprochement » figurant à l’article 114 TFUE, les auteurs du traité ont voulu conférer au législateur de l’Union, en fonction du contexte général et des circonstances spécifiques de la matière à harmoniser, une marge d’appréciation quant à la technique de rapprochement la plus appropriée afin d’aboutir au résultat souhaité, notamment dans des domaines qui se caractérisent par des particularités techniques complexes. En fonction des circonstances, ces mesures peuvent consister à obliger l’ensemble des États membres à autoriser la commercialisation du ou des produits concernés, à assortir une telle obligation d’autorisation de certaines conditions, voire à interdire, provisoirement ou définitivement, la commercialisation d’un ou de certains produits.

(cf. points 62-64)

5.        Voir le texte de la décision.

(cf. point 70)

6.        L’article 24, paragraphe 2, de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, doit être interprété en ce sens que les États membres peuvent maintenir ou instaurer de nouvelles exigences en ce qui concerne les aspects du conditionnement des produits du tabac qui ne sont pas harmonisés par cette directive.

À cet égard, il est certes vrai que, en autorisant les États membres à maintenir ou à instaurer de nouvelles exigences portant sur les aspects du conditionnement qui n’ont pas été harmonisés par la directive 2014/40, l’article 24, paragraphe 2, de celle-ci ne garantit pas que les produits dont le conditionnement est conforme aux exigences de cette directive puissent circuler librement sur le marché intérieur. Toutefois, cette circonstance est la conséquence inéluctable de la technique d’harmonisation choisie par le législateur de l’Union. Celui-ci dispose d’une marge d’appréciation, notamment en ce qui concerne la possibilité de ne procéder à une harmonisation que par étapes et de n’exiger qu’une suppression progressive des mesures unilatérales par les États membres. Or, une mesure d’harmonisation partielle en matière d’étiquetage et de conditionnement des produits du tabac, telle que celle réalisée par la directive 2014/40, ne favorise pas moins le fonctionnement du marché intérieur, puisqu’elle élimine, sinon tous les obstacles aux échanges, à tout le moins un certain nombre d’entre eux. Dans ces conditions, les paragraphes 1 et 2 de l’article 24 de cette directive participent à la réalisation de l’objectif d’amélioration des conditions de fonctionnement du marché intérieur et sont donc conformes à l’article 114 TFUE.

(cf. points 79-82, 84, disp. 1)

7.        Il est certes vrai que, en permettant aux États membres d’interdire une certaine catégorie de produits du tabac ou de produits connexes, alors même que ceux-ci sont conformes aux exigences posées par la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, l’article 24, paragraphe 3, de cette dernière est susceptible d’entraver la libre circulation des produits. Toutefois, cette disposition porte sur un aspect qui n’a pas fait l’objet des mesures d’harmonisation arrêtées par la directive 2014/40 et qui ne doit pas, dès lors, être soumis aux règles relatives à l’introduction de dispositions nationales dérogeant à une mesure d’harmonisation, prévues à l’article 114, paragraphes 4 à 10, TFUE.

Par ailleurs, il ne saurait être valablement soutenu qu’il existe une incohérence entre l’article 24, paragraphe 3, de la directive 2014/40 et l’article 7 de celle-ci, en raison du fait que, d’une part, l’interdiction des arômes caractérisants prévue à cette dernière disposition aurait pour objectif d’éliminer les disparités entre les réglementations des États membres, alors que, d’autre part, cet article 24, paragraphe 3, faciliterait l’apparition de telles disparités. En effet, sans se contredire aucunement, ces deux dispositions sont complémentaires. À cet égard, en interdisant les produits du tabac contenant un arôme caractérisant, cet article 7 vise à éliminer les disparités existant à cet égard entre les réglementations des États membres, afin, notamment, d’assurer la libre circulation des produits du tabac en général. En vertu de l’article 24, paragraphe 1, de ladite directive, ces produits, dès lors qu’ils sont conformes, notamment, audit article 7, bénéficient de la libre circulation sur le marché intérieur aussi longtemps que la catégorie de produits du tabac dont ils relèvent n’est pas, ainsi qu’il résulte de l’article 24, paragraphe 3, de la même directive, interdite, en tant que telle, dans l’État membre de leur commercialisation.

(cf. points 87, 90, 93, 94)

8.        La validité des dispositions du titre II, chapitre II, de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, ne saurait être mise en cause au motif que celles-ci ne contribueraient pas à l’élimination des obstacles à la libre circulation des produits, puisque certaines de ces dispositions imposeraient, en tout état de cause, aux fabricants de produire des emballages différents pour chaque État membre.

En effet, s’il est vrai que certaines desdites dispositions exigent que certains éléments de l’étiquetage et du conditionnement des produits du tabac soient adaptés en fonction, notamment, de la (des) langue(s) officielle(s) ou de la réglementation fiscale de l’État membre de commercialisation, il n’en demeure pas moins que cette directive harmonise d’autres éléments de l’étiquetage et du conditionnement de ces produits, tels que la forme des unités de conditionnement, le nombre minimal de cigarettes par unité de conditionnement, la taille et le caractère combiné des avertissements sanitaires. Ces mesures concourent donc à l’élimination des obstacles aux échanges, puisqu’elles permettent aux entreprises concernées de réduire leurs coûts en réalisant des économies d’échelle.

(cf. points 102, 103)

9.        L’interdiction de la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant, qu’il s’agisse du menthol ou d’un autre arôme, contenue à l’article 7 de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, a pu valablement être adoptée sur le fondement de l’article 114 TFUE.

En effet, d’une part, il ressort du considérant 15 de la directive 2014/40 qu’il existait, lorsque la même directive a été adoptée, des divergences importantes entre les réglementations des États membres, certains d’entre eux ayant établi différentes listes d’arômes autorisés ou interdits, alors que d’autres n’ont pas adopté de réglementation particulière sur ce point. De même, il paraît vraisemblable que, en l’absence de mesures prises au niveau de l’Union, des régimes disparates applicables aux produits du tabac contenant un arôme caractérisant, y compris le menthol, auraient été mis en œuvre au niveau national. D’autre part, puisque le marché des produits du tabac est un marché dans lequel les échanges entre les États membres représentent une part relativement importante, les règles nationales relatives aux conditions auxquelles doivent répondre ces produits, notamment celles qui concernent leur composition, sont dès lors par nature susceptibles, en l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union, de constituer des obstacles à la libre circulation des marchandises. Partant, l’élimination des divergences entre les réglementations nationales en ce qui concerne la composition des produits du tabac ou la prévention de l’évolution hétérogène de celles-ci, y compris par l’interdiction, à l’échelle de l’Union, de certains additifs, vise à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits concernés.

(cf. points 117, 118, 123, 125)

10.      L’article 18 de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, qui prévoit, d’une part, que les États membres peuvent interdire la vente à distance transfrontalière de produits du tabac aux consommateurs et qui impose, d’autre part, une série de règles communes aux États membres, qui autorisent cette modalité de commercialisation, a pu valablement être adopté sur le fondement de l’article 114 TFUE.

En effet, cette disposition vise à empêcher le contournement des règles de conformité établies par la directive 2014/40, tout en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes. Or, un acte de l’Union adopté sur le fondement de l’article 114 TFUE peut incorporer des dispositions visant à éviter le contournement des prescriptions ayant pour objet l’amélioration des conditions de fonctionnement du marché intérieur. En outre, l’article 114 TFUE confère au législateur de l’Union une marge d’appréciation, notamment en ce qui concerne la possibilité de procéder à une harmonisation par étapes et de n’exiger qu’une suppression progressive des mesures unilatérales prises par les États membres. Partant, dans le respect de cette marge d’appréciation, le législateur a pu valablement procéder à l’harmonisation de certains aspects de la vente transfrontalière des produits du tabac, tout en en laissant d’autres à l’appréciation des États membres.

(cf. points 128, 130, 131, 134, 135)

11.      L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, doit être interprété en ce sens qu’il interdit l’apposition, sur l’étiquetage des unités de conditionnement, sur l’emballage extérieur ainsi que sur les produits du tabac proprement dits, des informations faisant l’objet de cette disposition, même si celles-ci sont matériellement exactes.

En effet, ainsi que l’énonce le considérant 27 de la directive 2014/40, certains termes ou expressions, tels que « à faible teneur en goudron », « léger », « ultra léger », « naturel », « bio », « sans additifs », « non aromatisé » ou « slim », ainsi que d’autres éléments ou dispositifs pourraient induire en erreur les consommateurs, notamment les jeunes, en suggérant une nocivité moindre ou des effets bénéfiques. Cette interprétation est conforme à l’objectif poursuivi par ladite directive, consistant, conformément à son article 1er, à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes, en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes. Un tel niveau élevé de protection exige que les consommateurs de produits du tabac, qui constituent une catégorie de consommateurs particulièrement vulnérable en raison des effets de dépendance engendrés par la nicotine, ne soient pas davantage incités à consommer ces produits au moyen d’informations, même matériellement exactes, qu’ils peuvent interpréter comme amoindrissant les risques liés à leurs habitudes ou comme conférant auxdits produits certains effets bénéfiques.

(cf. points 142-145, disp. 2)

12.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 147)

13.      L’interdiction de faire figurer sur l’étiquetage des unités de conditionnement, sur l’emballage extérieur ainsi que sur le produit du tabac lui-même des éléments et des dispositifs visés à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, ne méconnaît ni l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ni le principe de proportionnalité.

En effet, cette interdiction constitue, certes, une ingérence dans la liberté d’expression et d’information de l’entrepreneur, telle que garantie par ledit article 11. Toutefois, le contenu essentiel de cette liberté n’est pas affecté par l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2014/40 dans la mesure où cette disposition, loin de prohiber la communication de toute information sur le produit, se borne, dans un domaine bien délimité, à encadrer l’étiquetage de ces produits en n’interdisant que l’apposition de certains éléments et dispositifs. En outre, l’ingérence relevée répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union, à savoir la protection de la santé. En effet, dans la mesure où il est constant que la consommation du tabac et l’exposition à la fumée du tabac sont des causes de décès, de maladie et d’incapacité, l’interdiction édictée audit article 13, paragraphe 1, contribue à la réalisation dudit objectif en ce qu’elle vise à empêcher la promotion des produits du tabac et l’incitation à les consommer.

En outre, l’interdiction prévue à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2014/40 est, d’une part, de nature à protéger les consommateurs contre les risques liés au tabagisme et, d’autre part, ne dépasse pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi. En effet, en premier lieu, la protection des consommateurs ne serait pas suffisamment assurée par des avertissements sanitaires obligatoires mentionnant les risques liés au tabagisme, dès lors que la prise de conscience de ces risques peut, au contraire, être amoindrie par les mentions pouvant laisser penser que le produit concerné est moins nocif ou qu’il est bénéfique à certains égards. En second lieu, d’autres mesures moins contraignantes, telles que la réglementation de l’utilisation des éléments et des dispositifs visés à l’article 13 de cette directive, ne seraient pas aussi efficaces pour assurer la protection de la santé des consommateurs, puisque les éléments et les dispositifs visés à cet article 13 sont, par nature, susceptibles d’encourager le tabagisme. En effet, il ne saurait être admis que ces éléments et ces dispositifs puissent être apposés dans un but d’information claire et précise des consommateurs, dans la mesure où ils sont davantage destinés à exploiter la vulnérabilité des consommateurs de produits du tabac, qui, en raison de leur dépendance à la nicotine, sont particulièrement réceptifs à tout élément suggérant un quelconque effet bénéfique lié au tabagisme, pour justifier ou amoindrir les risques liés à leurs habitudes.

(cf. points 148, 151, 152, 158-160, 162)

14.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 165, 166, 185)

15.      L’interdiction de la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant, tel que le menthol, contenue à l’article 7 de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, ne méconnaît pas le principe de proportionnalité.

En effet, cette interdiction est apte à faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes et est également appropriée pour assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes. Or, certains arômes sont particulièrement attrayants pour ces derniers et facilitent l’initiation à la consommation de tabac. À cet égard, une allégation selon laquelle les jeunes n’éprouveraient pas d’attrait pour le menthol et selon laquelle l’utilisation de ce dernier ne faciliterait pas cette initiation ne saurait être admise, dès lors que l’aptitude de ladite interdiction à atteindre l’objectif de protection de la santé ne saurait être remise en cause uniquement en ce qui concerne un arôme donné. En outre, la directive 2014/40 vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé pour l’ensemble des consommateurs, de sorte que son aptitude à atteindre cet objectif ne saurait être appréciée au regard uniquement d’une seule catégorie de consommateurs.

De surcroît, force est de constater que le législateur de l’Union a veillé à ce que les conséquences économiques et sociales négatives de l’interdiction de la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant soient atténuées. En effet, le législateur de l’Union a procédé à une mise en balance entre, d’une part, les conséquences économiques de ladite interdiction et, d’autre part, l’impératif consistant à assurer, conformément à l’article 35, deuxième phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi qu’aux articles 9 TFUE, 114, paragraphe 3, TFUE et 168, paragraphe 1, TFUE, un niveau élevé de protection de la santé humaine en ce qui concerne un produit caractérisé par ses propriétés cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. L’impact de l’interdiction prévue à l’article 7 de la directive 2014/40 n’apparaît donc pas manifestement disproportionné.

(cf. points 172-174, 176, 187, 190)

16.      Il ne saurait être admis que les exigences prévues aux articles 8, paragraphe 3, 9, paragraphe 3, 10, paragraphe 1, sous g), et 14 de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, sont manifestement inappropriées ou vont manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à améliorer les conditions de fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes, en prenant pour base un niveau élevé de protection pour la santé humaine, particulièrement pour les jeunes.

En effet, d’une part, ces dispositions, qui comportent diverses règles concernant l’étiquetage et le conditionnement des produits du tabac, qui font partie du titre II, chapitre II, de ladite directive, concourent à l’amélioration des conditions de fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac, en éliminant les divergences en la matière entre les réglementations des États membres. D’autre part, lesdites exigences contribuent à la réalisation de l’objectif consistant à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine. En effet, les formes innovantes, inédites ou originales sont susceptibles de contribuer à maintenir ou à augmenter l’attractivité du produit et à inciter à sa consommation. De même, certaines formes de conditionnement peuvent entraver la visibilité des avertissements sanitaires et, par conséquent, réduire leur efficacité, ainsi qu’il résulte des considérants 25 et 28 de la directive 2014/40. À cet égard, une exigence moins contraignante selon laquelle les avertissements sanitaires doivent être pleinement visibles et ne pas être altérés par la forme du paquet ne viserait pas à éliminer les divergences entre les réglementations des États membres en matière d’étiquetage et de conditionnement des produits du tabac et ne serait donc pas apte à réaliser l’objectif consistant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur.

En outre, s’il est vrai que lesdites exigences sont, par leur nature, susceptibles d’accroître, dans une certaine mesure, la similarité entre les produits du tabac, il n’en demeure pas moins qu’elles ne concernent que certains aspects de l’étiquetage et du conditionnement de ces produits, de sorte qu’elles laissent subsister des possibilités suffisantes de différenciation de ces produits.

(cf. points 192, 193, 195, 197-200)

17.      Il n’apparaît pas que, en adoptant l’article 10, paragraphe 1, sous a) et c), de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, le législateur de l’Union ait manifestement dépassé les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre l’objectif consistant à améliorer les conditions de fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes, en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes.

L’article 10, paragraphe 1, sous a) et c), de la directive 2014/40, qui fait l’objet de la troisième question, sous c), prévoit, essentiellement, que chaque unité de conditionnement ou emballage extérieur doit porter des avertissements sanitaires combinés constitués de l’un des messages figurant à l’annexe I de cette directive et d’une photographie en couleurs correspondante figurant à l’annexe II de celle-ci, lesquels doivent recouvrir 65 % de la surface extérieure avant et arrière de chaque unité de conditionnement. À cet égard, cette part de 65 % n’apparaît pas manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif visé, dans la mesure où les avertissements sanitaires de plus grande taille comportant des images ont plus de chances d’être remarqués, de mieux faire connaître les risques pour la santé, d’avoir un impact émotionnel plus fort et d’inciter davantage les consommateurs de tabac à réduire ou à abandonner leur consommation. De tels avertissements ont également plus de chances de conserver leur efficacité dans le temps et sont particulièrement efficaces pour faire connaître les effets pour la santé à des personnes peu instruites, aux enfants et aux jeunes.

En outre, s’agissant de la taille de l’espace réservé aux avertissements sanitaires combinés, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, sous a) et c), de la directive 2014/40, il ne saurait être reproché au législateur de l’Union d’avoir agi de façon arbitraire en retenant une part de 65 % pour l’espace réservé auxdits avertissements, dès lors que ce choix repose sur des critères découlant des recommandations de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac et est exercé dans le respect de la large marge d’appréciation dont ce législateur dispose. Pour ce qui est du caractère nécessaire de cette mesure et de ses effets sur la capacité des fabricants de communiquer aux consommateurs les informations relatives au produit concerné, force est de constater que, d’une part, la part réservée à ces avertissements laisse subsister un espace suffisant pour ce type d’informations sur les unités de conditionnement et que, d’autre part, les restrictions ainsi imposées doivent être mises en balance avec l’impératif consistant à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine dans un domaine caractérisé par la toxicité du produit concerné et les effets de celui-ci en matière de dépendance.

(cf. points 202, 204-206, 208-211)

18.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 215, 218)

19.      L’interdiction de la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant, tel que le menthol, contenue à l’article 7 de la directive 2014/40, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, ne méconnaît pas le principe de subsidiarité.

En effet, à supposer même que le second volet du double objectif poursuivi par la directive 2014/40, à savoir assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, puisse être mieux atteint au niveau des États membres, il n’en demeure pas moins que la poursuite dudit objectif à un tel niveau serait susceptible de consolider, sinon d’engendrer, des situations dans lesquelles certains États membres autoriseraient la mise sur le marché de produits du tabac contenant certains arômes caractérisants, alors que d’autres l’interdiraient, allant ainsi à l’exact opposé de l’objectif premier de la même directive, à savoir l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes. Il résulte de l’interdépendance des deux objectifs visés par la directive 2014/40 que le législateur de l’Union pouvait légitiment estimer que son action devait comporter l’instauration d’un régime de mise sur le marché de l’Union des produits du tabac contenant un arôme caractérisant et que, en raison de cette interdépendance, ce double objectif pouvait être mieux réalisé au niveau de l’Union.

(cf. points 220-222)

20.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 225)