Language of document : ECLI:EU:T:2010:67

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

4 mars 2010 (*)

« Dumping – Importations de chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Traitement individuel – Échantillonnage – Soutien de la plainte par l’industrie communautaire – Définition du produit concerné – Égalité de traitement – Préjudice – Confiance légitime – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑401/06,

Brosmann Footwear (HK) Ltd, établie à Kowloon (Chine),

Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, établie à Zhongshan (Chine),

Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd, établie à Guangzhou (Chine),

Risen Footwear (HK) Co., Ltd, établie à Kowloon,

représentées par Mes L. Ruessmann et A. Willems, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté de MG. Berrisch, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et T. Scharf, en qualité d’agents,

et par

Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC), établie à Bruxelles, représentée initialement par Mes P. Vlaemminck, G. Zonnekeyn et S. Verhulst, puis par Mes Vlaemminck et A. Hubert, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle du règlement (CE) n° 1472/2006 du Conseil, du 5 octobre 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 275, p. 1), dans la mesure où il concerne les requérantes,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 février 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 1er, paragraphes 1, 2 et 4, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base »), dispose :

« 1. Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.

2. Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur.

[…]

4. Aux fins de l’application du présent règlement, on entend par ‘produit similaire’ un produit identique, c’est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré. »

2        S’agissant des conditions d’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché (ci-après le « SEM »), l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base prévoit :

« b)      Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de […] la République populaire de Chine […], la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête […], que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles [énoncées sous] a) s’appliquent.

c)      La requête présentée au titre [de l’article 2, paragraphe 7, sous] b) doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché […]

         La question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés ci-dessus doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête […] »

3        S’agissant de la détermination de l’existence d’un préjudice, l’article 3, paragraphes 2, 3, 6 et 7, du règlement de base prévoit :

« 2. La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif : a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté ; et b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire.

3. […] En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites […]

6. Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie communautaire au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel que l’on puisse le considérer comme important.

7. Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie communautaire sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent, entre autres, le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques, ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de l’industrie communautaire. »

4        S’agissant des conditions d’ouverture d’une enquête antidumping, l’article 5, paragraphes 2, 3 et 4, du règlement de base prévoit :

« 2. Une plainte au sens du paragraphe 1 doit contenir des éléments de preuve quant à l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations dont il est allégué qu’elles font l’objet d’un dumping et le préjudice allégué […]

3. La Commission examine, dans la mesure du possible, l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans la plainte afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête.

4. Une enquête n’est ouverte conformément au paragraphe 1 que s’il a été déterminé, en se fondant sur un examen du degré de soutien ou d’opposition à la plainte exprimé par les producteurs communautaires du produit similaire, que la plainte a été présentée par l’industrie communautaire ou en son nom. La plainte est réputée avoir été déposée par l’industrie communautaire ou en son nom si elle est soutenue par des producteurs communautaires dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale du produit similaire par la partie de l’industrie communautaire exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. Toutefois, il ne sera pas ouvert d’enquête lorsque les producteurs communautaires soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production totale du produit similaire produit par l’industrie communautaire. »

5        L’article 6, paragraphes 8 et 9, du règlement de base dispose :

« 8. Sauf dans les circonstances prévues à l’article 18, l’exactitude des renseignements fournis par des parties intéressées et sur lesquels les conclusions sont fondées doit être vérifiée dans la mesure du possible.

9. Pour les procédures ouvertes en vertu de l’article 5, paragraphe 9, une enquête est, si possible, terminée dans le délai d’un an. En tout état de cause, ces enquêtes sont, dans tous les cas, terminées dans un délai de quinze mois suivant leur ouverture, conformément aux conclusions adoptées aux termes de l’article 8 en matière d’engagements et à celles adoptées aux termes de l’article 9 en matière d’action définitive. »

6        Aux termes de l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, et de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base :

« 5. […]

En cas d’application de l’article 2, paragraphe 7, [sous] a), un droit individuel peut toutefois être déterminé pour les exportateurs dont il peut être démontré, sur la base de requêtes dûment documentées, que :

a)      dans le cas d’entreprises contrôlées entièrement ou partiellement par des étrangers ou d’entreprises communes, les exportateurs sont libres de rapatrier les capitaux et les bénéfices ;

b)      les prix à l’exportation, les quantités exportées et les modalités de vente sont décidés librement ;

c)      la majorité des actions appartient à des particuliers. Les fonctionnaires d’État figurant dans le conseil d’administration ou occupant des postes clés de gestion sont en minorité ou la société est suffisamment indépendante de l’intervention de l’État ;

d)      les opérations de change sont exécutées au taux du marché, et

e)      l’intervention de l’État n’est pas de nature à permettre le contournement des mesures si les exportateurs bénéficient de taux de droit individuels.

6. Lorsque la Commission a limité son examen conformément à l’article 17, le droit antidumping appliqué à des importations en provenance d’exportateurs ou de producteurs qui se sont fait connaître conformément à l’article 17 mais n’ont pas été inclus dans l’enquête ne doit pas excéder la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les parties constituant l’échantillon […] Des droits individuels doivent être appliqués aux importations en provenance des exportateurs ou des producteurs bénéficiant d’un traitement individuel conformément à l’article 17. »

7        S’agissant de la technique consistant à recourir à l’échantillonnage, l’article 17, paragraphes 1 et 3, du règlement de base dispose :

« 1. Dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de type[s] de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d’après les renseignements disponibles au moment du choix ou au plus grand volume [représentatif] de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible.

[…]

3. Lorsque l’examen est limité conformément au présent article, une marge de dumping individuelle est néanmoins calculée pour chaque exportateur ou producteur n’ayant pas été choisi initialement qui présente les renseignements nécessaires dans les délais prévus par le présent règlement, sauf dans les cas où le nombre d’exportateurs ou de producteurs est si important que des examens individuels compliqueraient indûment la tâche et empêcheraient d’achever l’enquête en temps utile. »

8        Aux termes de l’article 18, paragraphes 3 et 4, du règlement de base :

« 3. Lorsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.

4. Si des éléments de preuve ou des renseignements ne sont pas acceptés, la partie qui les a communiqués doit être informée immédiatement des raisons de leur rejet et doit avoir la possibilité de fournir des explications complémentaires dans le délai fixé. Si ces explications ne sont pas jugées satisfaisantes, les raisons du rejet des éléments de preuve ou des renseignements en question doivent être communiquées et indiquées dans les conclusions rendues publiques. »

9        L’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base dispose :

« 1. Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées. Les demandes d’information doivent être adressées par écrit immédiatement après l’institution des mesures provisoires et l’information doit être donnée par écrit aussitôt que possible.

2. Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires. »

 Antécédents du litige et règlement attaqué

10      Les requérantes, Brosmann Footwear (HK) Ltd, Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd et Risen Footwear (HK) Co., Ltd, sont des sociétés productrices et exportatrices de chaussures établies en Chine.

11      Les importations de chaussures en provenance de Chine relevant de certaines classes de la nomenclature combinée étaient soumises à un régime de contingents quantitatifs qui a expiré le 1er janvier 2005.

12      À la suite d’une plainte déposée le 30 mai 2005 par la Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC), la Commission des Communautés européennes a ouvert une procédure antidumping concernant les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam. L’avis d’ouverture de cette procédure a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 7 juillet 2005 (JO C 166, p. 14, ci-après l’« avis d’ouverture »).

13      Compte tenu du nombre important de parties concernées, il a été envisagé, au point 5.1, sous a), de l’avis d’ouverture, de recourir à la technique d’échantillonnage, conformément à l’article 17 du règlement de base.

14      Les requérantes ont pris contact avec la Commission en lui fournissant, les 25 et 26 juillet 2005, les informations requises par le point 5.1, sous a), i), et sous e), de l’avis d’ouverture afin de faire partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs que cette institution se proposait d’établir selon l’article 17 du règlement de base et afin de se voir octroyer le SEM ou, à défaut, de bénéficier d’un traitement individuel (ci-après le « TI »).

15      Le 23 mars 2006, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 553/2006 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 98, p. 3, ci-après le « règlement provisoire »).

16      Selon le considérant 9 du règlement provisoire, l’enquête relative au dumping et au préjudice a couvert la période comprise entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2005 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances utiles à l’appréciation du préjudice a porté sur la période allant du 1er janvier 2001 au 31 mars 2005 (ci-après la « période considérée »).

17      Compte tenu de la nécessité d’établir une valeur normale pour ce qui concerne les produits des producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens auxquels le SEM pourrait ne pas être accordé, une visite de vérification destinée à établir la valeur normale sur la base de données concernant un pays analogue, en l’occurrence la République fédérative du Brésil, a été effectuée dans les locaux de trois sociétés brésiliennes (considérant 8 du règlement provisoire).

18      S’agissant du produit concerné, il résulte des considérants 10, 11, 40 et 41 du règlement provisoire que celui-ci englobe essentiellement les sandales, les bottes, les chaussures de rue et les chaussures de ville, toutes fabriquées avec un dessus en cuir naturel ou reconstitué. Il résulte, en outre, des considérants 12 à 31 du règlement provisoire que la Commission a exclu de la définition du produit concerné les chaussures de sport à technologie spéciale (Special Technology Athletic Footwear, ci-après les « STAF ») et qu’elle y a inclus les chaussures pour enfants. Selon le considérant 38 du règlement provisoire, toutes les chaussures à dessus en cuir, bien que de types et de styles très différents, présentent les mêmes caractéristiques essentielles, sont destinées aux mêmes usages et bénéficient d’une même perception de la part des consommateurs. Ainsi, tous ces types et styles de chaussures sont, selon le considérant 39 du même règlement, en concurrence directe et, dans une très large mesure, interchangeables.

19      La Commission a donc conclu, au considérant 52 du règlement provisoire, que tous les types de chaussures à dessus en cuir naturel ou reconstitué produits et vendus dans les pays concernés et au Brésil et ceux produits et vendus sur le marché de la Communauté par l’industrie communautaire étaient semblables à ceux exportés des pays concernés vers la Communauté.

20      Dans le cadre de la détermination du dumping, la Commission a eu recours à la technique d’échantillonnage. Selon le considérant 55 du règlement provisoire, parmi les producteurs-exportateurs chinois qui se sont manifestés afin d’être inclus dans l’échantillon, 154 ont exporté vers la Communauté pendant la période d’enquête. Selon ce même considérant, ces sociétés ont été considérées, dans un premier temps, comme ayant coopéré et ont été prises en compte aux fins de la constitution de l’échantillon.

21      Il résulte du considérant 57 du règlement provisoire que la Commission a finalement retenu un échantillon comprenant treize producteurs-exportateurs chinois représentant plus de 20 % du volume des exportations chinoises vers la Communauté. Selon le considérant 59 du même règlement, les critères pris en considération aux fins de la sélection en question étaient, premièrement, l’importance du producteur-exportateur en termes de ventes à l’exportation vers la Communauté et, deuxièmement, l’importance de celui-ci en termes de ventes intérieures. S’agissant de ce dernier critère, la Commission a indiqué, au considérant 60 du règlement provisoire, que les données liées aux ventes intérieures augmentaient la représentativité de l’échantillon en fournissant des informations sur les prix et les coûts afférents à la production et à la vente du produit concerné sur les marchés intérieurs. Selon le considérant 61 du règlement provisoire, les sociétés chinoises retenues dans l’échantillon représentaient 25 % des volumes exportés vers la Communauté et 42 % des ventes effectuées sur le marché intérieur chinois par des producteurs ayant coopéré à l’enquête. Selon ce même considérant, l’exclusion des STAF de la définition du produit concerné n’a pas eu de conséquence marquante sur la représentativité des échantillons.

22      Conformément au considérant 62 du règlement provisoire, les producteurs-exportateurs non retenus dans l’échantillon ont été informés que tout droit antidumping les concernant serait calculé selon les dispositions de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base. S’agissant des demandes présentées par ces producteurs-exportateurs visant le calcul d’une marge de dumping individuelle selon l’article 9, paragraphe 6, et l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission a estimé, au considérant 64 du règlement provisoire, que l’examen individuel de celles-ci compliquerait indûment sa tâche et l’empêcherait d’achever l’enquête en temps utile. Dans ces conditions, la marge de dumping de ces producteurs a été déterminée en établissant la moyenne pondérée des marges de dumping des sociétés constituant l’échantillon (considérants 135 et 143 du règlement provisoire).

23      Une des treize sociétés initialement incluses dans l’échantillon n’a pas répondu au questionnaire antidumping que la Commission lui a adressé (considérant 63 du règlement provisoire).

24      En ce qui concerne la définition de l’industrie communautaire, la Commission a relevé, au considérant 150 du règlement provisoire, que les plaignants représentaient 42 % de la production communautaire totale du produit concerné. Selon les considérants 65 et 151 du règlement provisoire, la Commission a sélectionné un échantillon de dix producteurs communautaires établi sur la base du volume de production et de l’implantation de ceux-ci. Les producteurs inclus dans l’échantillon représenteraient 10 % de la production des plaignants. Ainsi, il a été considéré que les 814 producteurs communautaires au nom desquels avait été déposée la plainte constituaient l’« industrie communautaire » au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base (considérant 152 du règlement provisoire).

25      En ce qui concerne l’identité des producteurs communautaires retenus dans l’échantillon, la Commission a relevé que certains avaient, dans la Communauté, des clients qui s’approvisionnaient aussi en Chine et au Viêt Nam et qui bénéficiaient donc directement des importations en cause. Lesdits producteurs se trouveraient par conséquent dans « une situation délicate », certains de leurs clients étant susceptibles de leur tenir rigueur d’avoir déposé ou appuyé une plainte portant sur des pratiques présumées de dumping préjudiciable. Ces producteurs estimeraient donc qu’ils pourraient être la « cible de représailles » de la part de certains de leurs clients, qui pourraient éventuellement aller jusqu’à mettre fin à leurs relations commerciales. La Commission a donc fait droit à la demande de traitement confidentiel des sociétés retenues dans l’échantillon en ce qui concerne la divulgation de leur nom (considérant 8 du règlement provisoire).

26      S’agissant du niveau que les mesures antidumping provisoires devaient atteindre afin d’éliminer le préjudice, la Commission a précisé, au considérant 284 du règlement provisoire, qu’une marge bénéficiaire de 2 % sur le chiffre d’affaires pouvait être escomptée pour l’industrie communautaire en l’absence de dumping préjudiciable. Cette marge bénéficiaire correspond, selon ce même considérant, au bénéfice le plus élevé réalisé par l’industrie communautaire au cours de la période considérée et, plus précisément, en 2002, lorsque les pays concernés détenaient des parts de marché relativement faibles par rapport à celles enregistrées au cours de la période d’enquête.

27      Par lettres des 7 et 12 avril 2006, la Commission a transmis aux requérantes, en application de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base, respectivement, une copie du règlement provisoire et un document comportant des informations sur les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des droits antidumping provisoires ont été imposés (ci-après le « document d’information intermédiaire »). La Commission a invité les requérantes à lui transmettre leurs commentaires éventuels sur ces documents pour le 8 mai 2006.

28      Par lettres du 8 mai 2006, deux des requérantes, Brosmann Footwear (HK) (ci-après « Brosmann ») et Lung Pao Footwear (Guangzhou) (ci-après « Lung Pao »), ont transmis à la Commission leurs commentaires sur le règlement provisoire et le document d’information intermédiaire.

29      Le 2 juin 2006, une réunion entre Lung Pao et la Commission s’est tenue au siège de cette dernière.

30      Par télécopie du 8 juillet 2006, la Commission a transmis aux requérantes, en application de l’article 20, paragraphes 2 à 4, du règlement de base, un document d’information finale sur les faits et considérations essentiels fondant la proposition d’imposer des droits antidumping définitifs. La Commission a invité les requérantes à lui transmettre leurs commentaires sur le document d’information finale pour le 17 juillet 2006.

31      Par lettre du 28 juillet 2006, la Commission a transmis aux requérantes un document d’information finale additionnel.

32      Par lettres des 17 juillet et 2 août 2006, trois des requérantes, Brosmann, Seasonable Footwear (Zhongshan), Lung Pao ainsi que Novi Footwear (Far East) Pte Ltd, ont transmis à la Commission leurs commentaires sur le document d’information finale et le document d’information finale additionnel. Par lettre du 7 août 2006, l’autre requérante, Risen Footwear (HK) Co. a transmis à la Commission ses commentaires sur le document d’information finale additionnel.

33      Le 5 octobre 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) n° 1472/2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 275, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). En vertu du règlement attaqué, le Conseil a institué un droit antidumping définitif sur les importations de chaussures à dessus en cuir naturel ou reconstitué, à l’exclusion des chaussures de sport, des STAF, des pantoufles et d’autres chaussures d’intérieur et de chaussures avec coquille de protection originaires de Chine et relevant de plusieurs codes de la nomenclature combinée (article 1er du règlement attaqué). Le taux de droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, a été établi, pour les chaussures issues de la production des requérantes, à 16,5 %. Selon l’article 3 du règlement attaqué, celui-ci était applicable pendant une période de deux ans.

34      S’agissant du produit concerné, le Conseil a confirmé les appréciations de la Commission (voir point 18 ci-dessus), selon lesquelles les STAF devraient être exclues de la définition de celui-ci, alors que les chaussures pour enfants devraient y être incluses (considérants 19 et 25 du règlement attaqué). En revanche, le Conseil a rejeté les demandes visant à exclure de la définition du produit concerné six types de chaussures, dont les chaussures faisant appel à des technologies brevetées. À l’égard de cette catégorie de chaussures, le Conseil a relevé qu’une technologie brevetée ne représentait pas, en elle-même, une modification substantielle des caractéristiques qui en font des chaussures destinées à un usage ordinaire. Partant, ces chaussures resteraient en concurrence avec la production communautaire du produit concerné (considérant 37 du règlement attaqué).

35      En ce qui concerne la représentativité de l’échantillon des producteurs chinois, le Conseil a souligné, au considérant 44 du règlement attaqué, que les entreprises en faisant partie représentaient plus de 12 % des exportations vers la Communauté provenant des producteurs ayant coopéré à l’enquête. Dès lors que l’article 17 du règlement de base ne prévoirait pas de seuil concernant le niveau de représentativité, l’échantillon constitué serait représentatif au sens de cette disposition.

36      Le Conseil a également précisé, au considérant 46 du règlement attaqué, que la méthode appliquée avait pour but d’assurer une représentativité aussi grande que possible des échantillons et d’inclure, dans le plus grand volume représentatif d’exportations sur lequel l’enquête pouvait raisonnablement porter, des sociétés effectuant des ventes domestiques représentatives.

37      S’agissant de l’échantillon des producteurs communautaires, le Conseil a rejeté, aux considérants 53 à 59 du règlement attaqué, l’ensemble des griefs mettant en cause sa représentativité et, dès lors, a confirmé les appréciations que la Commission avait effectuées dans le règlement provisoire (voir point 24 ci-dessus).

38      En ce qui concerne les questions liées aux demandes formulées par plusieurs sociétés visant l’octroi du SEM, sur lesquelles la Commission ne s’était pas prononcée, le Conseil y a consacré les considérants 60 à 65 du règlement attaqué.

39      Selon ces considérants, le fait que la Commission n’ait pas répondu individuellement à chaque demande qui lui avait été présentée à cet égard ne constitue pas une violation du règlement de base. Cela serait, au contraire, en conformité avec son article 17. La méthode d’échantillonnage envisagée à cet article s’appliquerait également dans le cas où un nombre élevé de sociétés concernées demanderait à se voir octroyer soit le SEM, soit un TI. En l’espèce, le nombre exceptionnellement élevé de demandes présentées par les sociétés concernées n’aurait pas laissé d’autre alternative à l’administration que d’examiner uniquement celles provenant des sociétés de l’échantillon afin de concilier les impératifs découlant d’une analyse du dossier aussi individualisée que possible avec le respect des délais obligatoires. Cela aurait impliqué l’application à toutes les sociétés non retenues dans l’échantillon de la marge moyenne pondérée calculée pour les entreprises de l’échantillon. Il en résulterait que les griefs formulés durant la procédure administrative, selon lesquels le calcul du dumping ne serait pas représentatif, devraient également être rejetés.

40      Ces considérations seraient aussi valables s’agissant des demandes visant à l’octroi d’un TI.

41      S’agissant de la définition de l’industrie communautaire, le Conseil a souligné, au considérant 157 du règlement attaqué, qu’aucun des plaignants n’avait omis de coopérer à l’enquête. Les questionnaires complets relatifs au préjudice n’auraient été envoyés qu’aux producteurs communautaires retenus dans l’échantillon, ce qui résulterait de la nature même de l’échantillonnage (considérant 158 du règlement attaqué).

42      Quant au niveau que devaient atteindre les mesures antidumping définitives afin d’éliminer le préjudice, le Conseil s’est référé, au considérant 292 du règlement attaqué, à des éléments apportés par l’industrie communautaire après l’institution des droits provisoires, qui démontreraient que la marge bénéficiaire de 2 % fixée par le règlement provisoire (voir point 26 ci-dessus) devait être réexaminée. Sur cette base, le Conseil a porté cette marge bénéficiaire à 6 % du chiffre d’affaires de l’industrie communautaire en précisant que cette dernière avait atteint une telle marge bénéficiaire en ce qui concerne les chaussures qui ne faisaient pas l’objet d’un dumping préjudiciable.

 Procédure et conclusions des parties

43      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 décembre 2006, les requérantes ont introduit le présent recours.

44      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 mars 2007, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Par lettre du 27 août 2007, la Commission a informé le Tribunal qu’elle renonçait à déposer un mémoire en intervention, mais qu’elle prendrait part à l’audience.

45      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2007, la CEC a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

46      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 21 mai 2007 et 30 mai 2008, les requérantes ont demandé que certaines pièces et informations contenues dans leurs mémoires soient exclues du dossier communiqué à la CEC au titre de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Elles ont produit à cette fin une version non confidentielle des pièces concernées.

47      Par ordonnance du 2 août 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis les demandes en intervention formulées par la Commission et la CEC.

48      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 27 août 2007, la CEC a déclaré ne pas avoir d’objection sur la demande de traitement confidentiel formulée par les requérantes.

49      La CEC a déposé son mémoire en intervention le 19 septembre 2007.

50      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

51      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

52      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 11 février 2009.

53      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce qu’il impose des droits antidumping sur les chaussures qu’elles exportent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

54      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

55      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

56      La CEC conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens liés à son intervention.

 En droit

57      Au soutien de leur recours, les requérantes avancent huit moyens, tirés respectivement :

–        de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous b), et de l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base, ainsi que de la violation des principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime,

–        de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), et de l’article 18 du règlement de base ainsi que de la violation des droits de la défense,

–        d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base,

–        d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, et des articles 2 et 3 du règlement de base,

–        d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation de l’article 17 du règlement de base et de l’article 253 CE,

–        d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base et de l’article 253 CE,

–        d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base,

–        d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

58      Dès lors que les deux premiers moyens ont trait aux erreurs que la Commission a prétendument commises, dans la mesure où elle a refusé d’octroyer le SEM ou un TI aux requérantes, sans pour autant examiner leurs demandes de SEM/TI, ils seront examinés conjointement.

 Sur les deux premiers moyens, tirés de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), de l’article 9, paragraphe 5, et de l’article 18 du règlement de base, de la violation des principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime ainsi que de la violation des droits de la défense

 Arguments des parties

59      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes font valoir que, en examinant uniquement les demandes de SEM/TI provenant des sociétés faisant partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs, la Commission et le Conseil ont violé l’article 2, paragraphe 7, et l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base.

60      En effet, il résulterait de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base que, s’agissant des importations en provenance de Chine, les institutions doivent déterminer la valeur normale conformément aux paragraphes 1 à 6 de cette disposition, à condition que les producteurs concernés introduisent des demandes « en bonne et due forme ». De même, il résulterait de l’article 9, paragraphe 5, second alinéa, du règlement de base que, au cas où le SEM ne serait pas accordé, la valeur normale serait à comparer avec les prix pratiqués à l’exportation par l’exportateur concerné (TI), à condition que ce dernier introduise une demande dûment documentée démontrant que les conditions énumérées dans cette disposition sont réunies.

61      Ainsi que le confirmerait leur libellé, l’article 2, paragraphe 7, sous b), et l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base ne sauraient s’appliquer que sur une base individuelle, puisqu’ils impliqueraient la prise en considération des caractéristiques propres à chaque exportateur concerné.

62      Les dispositions relatives à l’échantillonnage auraient trait à un nombre limité d’aspects concernant le calcul des marges de dumping, conformément à l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base, ou le calcul du préjudice et ne concerneraient pas les conditions économiques dans lesquelles opère chaque société, éléments qui ne pourraient faire l’objet d’un échantillonnage. L’article 2, paragraphe 7, sous b), et l’article 9, paragraphe 5, du règlement de base seraient vidés de leur sens si, par le biais du recours à la technique d’échantillonnage, les institutions étaient libérées des obligations qui découlent de ces dispositions, qui seraient d’ailleurs rédigées en des termes impératifs et ne laisseraient aucune marge d’appréciation. Ainsi, la question pertinente ne serait pas celle de savoir si les institutions ont correctement appliqué l’article 17 du règlement de base aux fins du calcul de la marge de dumping, mais si elles sont en droit de recourir à cette disposition pour passer outre les demandes de SEM/TI introduites par des opérateurs non inclus dans l’échantillon et, dès lors, réserver le même traitement aux sociétés dont la demande devait être accueillie et à celles dont la demande ne le devait pas.

63      En cas de recours à l’échantillonnage, les institutions devraient donc appliquer aux sociétés non retenues dans l’échantillon, mais dont la demande de SEM/TI a été accueillie, la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les sociétés de l’échantillon bénéficiant du SEM ou, selon le cas, d’un TI. La jurisprudence du Tribunal devrait être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose au refus automatique du SEM ou d’un TI à des sociétés qui le « méritent ».

64      En outre, la pratique antérieurement suivie par les institutions dans deux autres affaires confirmerait que chaque demande de SEM/TI doit être examinée individuellement. De surcroît, les institutions ne sauraient invoquer des contraintes administratives afin de justifier le non-respect de leur obligation d’examiner chaque demande de SEM/TI, dès lors qu’un petit nombre d’agents supplémentaires aurait suffi pour cet examen.

65      Au surplus, l’approche des institutions équivaudrait à une violation du principe d’égalité de traitement dans la mesure où elle réserve le même traitement aux sociétés qui ont coopéré, ont fourni les éléments requis aux fins de l’échantillonnage, ont introduit des demandes de SEM/TI et « méritaient » de se voir octroyer le SEM ou un TI, d’une part, et à celles qui n’ont pas fourni ces informations ou n’ont pas introduit de telles demandes ou ne « méritaient » pas le SEM ou un TI, d’autre part. Ni l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, qui concerne seulement le calcul d’une marge de dumping et non l’examen des demandes de SEM/TI, ni des contraintes d’ordre administratif ne sauraient justifier objectivement cette inégalité de traitement. En l’occurrence, tous les producteurs non inclus dans l’échantillon, mais « méritant » l’octroi du SEM, auraient dû se voir accorder une marge de dumping égale à celle reconnue pour la société Foshan City Nanhai Golden Step Industrial Co., Ltd (9,7 %), seule société de l’échantillon ayant bénéficié du SEM.

66      L’absence d’examen des demandes de SEM/TI constituerait aussi une violation du principe de protection de la confiance légitime, puisque la pratique antérieure des institutions ainsi que l’invitation adressée aux exportateurs, par le biais de l’avis d’ouverture, à introduire dans un certain délai leurs demandes de SEM/TI auraient créé chez les requérantes une attente légitime que les institutions effectueraient un examen individuel des demandes afin d’accorder aux opérateurs la marge de dumping qui s’imposait selon les considérations exposées au point 63 ci-dessus. Interpréter l’avis d’ouverture d’une manière différente aboutirait à accepter que la Commission ait pu demander à tous les exportateurs de consacrer leurs ressources à la fourniture de renseignements appuyant leurs demandes de SEM/TI avant la constitution de l’échantillon, et ce sans pour autant avoir l’intention de les examiner. En outre, le texte de l’avis d’ouverture serait identique à celui d’avis publiés dans le cadre de deux autres procédures où la Commission avait également examiné les demandes de SEM/TI présentées par des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon.

67      Dans le cadre du deuxième moyen, tout d’abord, les requérantes invoquent l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, selon lequel la question de savoir si le producteur remplit les critères requis aux fins de se voir attribuer le SEM doit être tranchée dans les trois mois suivant l’ouverture de l’enquête. Il s’agirait d’un délai procédural contraignant que la Commission devrait respecter. Or, en omettant d’adopter une décision à cet égard dans ce délai, la Commission aurait violé la disposition mentionnée ci-dessus.

68      Ensuite, les requérantes invoquent une violation de l’article 18, paragraphes 3 et 4, du règlement de base, selon lequel les institutions ne devraient pas ignorer des informations fournies par les parties concernées même si celles-ci ne sont pas les meilleures à tous égards et devraient avertir les parties dont les renseignements sont rejetés tout en leur donnant la possibilité de fournir des explications supplémentaires. Ces dispositions, qui trouveraient application lorsque la Commission est appelée à se prononcer sur des demandes de SEM/TI, impliqueraient que cette institution était tenue d’informer de manière motivée les requérantes à cet égard. Toutefois, la Commission n’aurait répondu aux remarques des requérantes que dans le document d’information finale en faisant allusion au nombre exceptionnellement élevé de demandes de SEM/TI formulées. Or, étant donné que la Commission avait connaissance du nombre de demandes de SEM/TI dès avant la fin du mois de juillet 2005, rien ne l’aurait empêché d’informer les requérantes immédiatement après l’expiration du délai des trois mois prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ou, au plus tard, dans le règlement provisoire, du fait que leurs demandes ne seraient pas examinées. Partant, les institutions auraient rejeté les informations fournies par les requérantes sans justification et, dès lors, violé l’article 18, paragraphes 3 et 4, du règlement de base.

69      En outre, s’il était vrai que l’avis d’ouverture informait les opérateurs souhaitant obtenir une marge de dumping individuelle conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base qu’il n’était pas certain que leur demande serait acceptée, il n’en demeurerait pas moins que cet avis ne précisait pas que la Commission se réservait le droit de ne pas répondre aux demandes de SEM/TI, contrairement à la pratique antérieure.

70      La Commission aurait aussi violé les droits de la défense des requérantes en ce qu’elle n’a pas indiqué dans la document d’information intermédiaire que leurs demandes de SEM/TI ne seraient pas examinées alors que les exportateurs faisant partie de l’échantillon auraient reçu une communication relative à leurs demandes respectives. Or, les requérantes n’auraient reçu une réponse que par le biais du document d’information finale.

71      Le Conseil, soutenu par la Commission et la CEC, conteste les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

72      Premièrement, il convient de relever que, selon le libellé de l’article 17, paragraphes 1 et 3, du règlement de base, le recours à l’échantillonnage, en tant que technique permettant de faire face au nombre important de plaignants, d’exportateurs, d’importateurs, de types de produits ou de transactions, constitue une limitation de l’enquête. Cette appréciation est confirmée par l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base, selon lequel les producteurs ne faisant pas partie de l’échantillon ne sont pas inclus dans l’enquête.

73      Le règlement de base prévoit néanmoins que, lorsque cette limitation est opérée, les institutions doivent satisfaire à deux obligations. Tout d’abord, l’échantillon constitué doit être représentatif au sens de l’article 17, paragraphes 1 et 2, du règlement de base. Ensuite, l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base prévoit que la marge de dumping établie pour les producteurs ne faisant pas partie de l’échantillon ne doit pas excéder la marge moyenne pondérée de dumping établie pour les parties constituant l’échantillon.

74      Deuxièmement, cette dernière disposition, lue en combinaison avec l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, auquel elle renvoie, donne la possibilité à chaque producteur ne faisant pas partie de l’échantillon de demander le calcul d’une marge de dumping individuelle, à condition qu’il présente tous les renseignements nécessaires dans les délais prévus à cet effet et que cette opération ne complique pas indûment la tâche de la Commission ni n’empêche l’achèvement de l’enquête en temps utile.

75      Troisièmement, l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base prévoit que la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6 de la même disposition s’il est établi, sur la base de requêtes présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête, que les conditions énoncées dans ce paragraphe, sous c), sont réunies.

76      Ainsi, comme le fait valoir le Conseil, les producteurs qui ne font pas partie de l’échantillon ne peuvent demander le calcul d’une marge de dumping individuelle, qui présuppose l’acceptation d’une demande de SEM/TI lorsqu’il s’agit des pays concernés par l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, que sur la base de l’article 17, paragraphe 3, de ce règlement. Toutefois, cette dernière disposition donne à la Commission le pouvoir d’apprécier si, eu égard au nombre de demandes de SEM/TI, leur examen compliquerait indûment sa tâche et empêcherait l’achèvement de l’enquête en temps utile.

77      Il résulte des considérations qui précèdent, tout d’abord, que, en cas de recours à la technique d’échantillonnage, le règlement de base n’octroie pas aux opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon un droit inconditionnel à bénéficier du calcul d’une marge de dumping individuelle. L’acceptation d’une telle demande dépend en effet de la décision de la Commission relative à l’application de l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base.

78      Ensuite, l’octroi du SEM ou d’un TI ne servant, conformément à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base, qu’à déterminer la méthode de calcul de la valeur normale en vue d’un calcul des marges de dumping individuelles, la Commission n’est pas tenue d’examiner les demandes de SEM/TI provenant des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon, lorsqu’elle a conclu, dans le cadre de l’application de l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, que le calcul de telles marges compliquerait indûment sa tâche et l’empêcherait d’achever l’enquête en temps utile.

79      Enfin, en l’espèce, il n’est pas contesté que le calcul des marges de dumping individuelles pour l’ensemble des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon et ayant formulé des demandes en ce sens aurait indûment compliqué la tâche des institutions et empêché l’achèvement de l’enquête en temps utile.

80      Partant, l’argumentation des requérantes, selon laquelle l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base obligeait la Commission à examiner les demandes de SEM/TI provenant des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon, y compris lorsqu’une marge de dumping individuelle ne leur serait pas appliquée, doit être rejetée. À cet égard, il convient d’ajouter que la jurisprudence invoquée par les requérantes, selon laquelle la Commission décide de l’octroi du SEM ou d’un TI sur la base d’un examen de chaque demande qui lui est présentée, n’implique pas que cette institution se doit d’examiner chaque demande même lorsqu’elle n’envisage pas de calculer des marges de dumping individuelles conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base.

81      Il en va de même de l’argument des requérantes tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement entre les sociétés faisant partie de l’échantillon et celles n’en faisant pas partie (voir point 65 ci-dessus). En effet, ces deux catégories de sociétés se trouvent dans des situations différentes, dès lors que, pour les premières, la Commission doit nécessairement calculer une marge de dumping individuelle, ce qui présuppose l’examen et l’acceptation d’une demande de SEM/TI, alors qu’elle n’est pas obligée d’établir une marge individuelle pour les secondes. Partant, le respect du principe d’égalité de traitement, qui interdit, d’une part, de traiter différemment des situations similaires et, d’autre part, de traiter de la même manière des situations différentes, sauf si des raisons objectives justifient un tel traitement, n’exige pas que ces deux catégories de sociétés soient traitées de manière identique.

82      S’agissant de l’argument tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement entre les sociétés ne faisant pas partie de l’échantillon, il ne saurait, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, en l’espèce, être considéré que ce principe imposait à la Commission de se prononcer sur l’ensemble des demandes de SEM/TI qui lui ont été soumises, en sorte que les producteurs ou exportateurs ne faisant pas partie de l’échantillon, mais auxquels le SEM ou un TI serait accordé, puissent se voir appliquer la marge moyenne de dumping des sociétés de l’échantillon auxquelles le SEM ou un TI aurait été accordé.

83      En effet, ainsi qu’il a été relevé aux points 76 à 80 ci-dessus, dans l’hypothèse où le nombre de demandes de SEM/TI serait si important que leur examen empêcherait les institutions d’achever l’enquête en temps utile, les institutions ne seraient, conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, pas tenues de se prononcer sur l’ensemble de ces demandes, et ce même à la seule fin de distinguer, parmi les sociétés ne figurant pas dans l’échantillon, entre celles qui pourraient ou non bénéficier du SEM ou d’un TI, dans le but de leur appliquer la marge moyenne de dumping des sociétés de l’échantillon auxquelles le SEM ou un TI aurait été accordé, sans pour autant calculer une marge de dumping individuelle.

84      En l’espèce, 141 demandes de SEM/TI provenant de producteurs-exportateurs chinois ont été présentées à la Commission, en sorte que, même à considérer qu’il aurait été possible de les examiner uniquement sur une base documentaire sans qu’il ait été nécessaire de vérifier ces données au moyen de visites de vérification sur place auprès des producteurs ou exportateurs concernés, c’est à juste titre que la Commission a considéré que le nombre de demandes était manifestement trop élevé pour permettre leur examen sans compromettre l’achèvement de l’enquête en temps utile.

85      Partant, il y a lieu de considérer que, compte tenu du nombre particulièrement élevé de demandes de SEM/TI qui lui ont été présentées en l’espèce, la Commission n’a pas excédé la marge d’appréciation qui lui est accordée par l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base en ne se prononçant pas sur l’ensemble des demandes de SEM/TI qui lui ont été soumises par des sociétés ne faisant pas partie de l’échantillon, la différence de traitement invoquée par les requérantes étant au demeurant inhérente à la technique d’échantillonnage prévue à l’article 17 du règlement de base.

86      Ainsi, si la Commission était en droit d’agir de la manière décrite par les requérantes au point 63 ci-dessus, ni le règlement de base ni le principe d’égalité de traitement ne l’obligeaient à procéder de la sorte.

87      Les mêmes considérations sont valables s’agissant de l’examen des demandes de TI provenant des sociétés ne faisant pas partie de l’échantillon.

88      S’agissant de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il est de jurisprudence constante que ce principe s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution communautaire a fait naître des espérances fondées. En outre, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 147).

89      Or, il résulte du point 5.1, sous a), i), quatrième tiret, de l’avis d’ouverture, et notamment de la note en bas de page n° 1 insérée sous ce point, que la Commission a informé les opérateurs concernés de la possibilité de recourir à la technique d’échantillonnage conformément à l’article 17 du règlement de base et que, dans une telle hypothèse, le calcul des marges individuelles pouvait être demandé, pour les sociétés non incluses dans l’échantillon, au titre de l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base. Cette information a été réitérée au point 5.1, sous b), de l’avis d’ouverture. Ainsi, le fait d’avoir invité les opérateurs concernés à introduire une demande de SEM/TI n’équivaut pas à une assurance précise inconditionnelle et concordante que celle-ci serait examinée.

90      Dans ce cadre, il doit aussi être admis que l’absence de réaction de la part de la Commission pendant un laps de temps important ne saurait être constitutive d’une assurance faisant naître une confiance légitime chez les requérantes. En effet, cette absence de réaction n’affecte pas le sens des termes clairs employés dans l’avis d’ouverture.

91      En ce qui concerne le grief tiré de la rupture avec une pratique que les institutions auraient suivie dans le cadre d’enquêtes antérieures, il y a lieu de rappeler que la Commission n’a pas excédé la marge d’appréciation qui lui est accordée par l’article 17, paragraphe 3, du règlement de base, en estimant que l’examen de l’ensemble des demandes de SEM/TI provenant des producteurs-exportateurs chinois ne faisant pas partie de l’échantillon l’aurait empêchée d’achever l’enquête dans les délais prévus par le règlement de base (voir point 84 ci-dessus). Or, il est de jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d’une marge d’appréciation pour le choix des moyens nécessaires à la réalisation de leur politique, les opérateurs économiques ne sont pas fondés à placer leur confiance légitime dans le maintien du moyen initialement choisi, lequel peut être modifié par ces institutions dans le cadre de l’exercice de leur compétence (arrêts de la Cour du 7 mai 1987, Nippon Seiko/Conseil, 258/84, Rec. p. 1923, point 34, et du 10 mars 1992, Canon/Conseil, C‑171/87, Rec. p. I‑1237, point 41).

92      La Commission n’ayant pas, eu égard à ce qui précède, commis d’erreur en s’abstenant d’examiner les demandes de SEM/TI des requérantes, ces dernières ne sont pas fondées à invoquer le dépassement du délai de trois mois établi par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base (voir points 3 et 67 ci-dessus) dès lors que ce délai concerne les cas dans lesquels la Commission est tenue d’examiner lesdites demandes.

93      S’agissant de l’argument tiré de la violation de l’article 18, paragraphes 3 et 4, du règlement de base, force est de constater, à l’instar du Conseil, que cette disposition n’oblige pas les institutions à examiner les demandes de SEM/TI des sociétés ne faisant pas partie de l’échantillon. Ainsi, puisque, selon les considérations qui précèdent, la Commission était en droit de ne pas examiner et, dès lors, de ne pas se prononcer sur les demandes de SEM/TI des producteurs ne faisant pas partie de l’échantillon, l’article 18 du règlement de base ne saurait être interprété de la manière suggérée par les requérantes.

94      Enfin, s’agissant de la prétendue violation des droits de la défense des requérantes, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en vertu du principe du respect des droits de la défense, les entreprises concernées par une procédure d’enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son appréciation sur l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (arrêts de la Cour du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec. p. I‑3187, point 17, et du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, Rec. p. I‑8147, point 99 ; arrêts du Tribunal du 19 novembre 1998, Champion Stationery e.a./Conseil, T‑147/97, Rec. p. II‑4137, point 55, et du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, Rec. p. II‑4897, point 132).

95      En l’espèce, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il résulte des considérants 62, 64, 135 et 143 du règlement provisoire, la Commission a exposé que tout droit antidumping concernant les producteurs ne faisant pas partie de l’échantillon a été calculé selon les dispositions de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base et que la marge de dumping de ces producteurs a été déterminée en calculant la moyenne pondérée des marges de dumping des sociétés constituant l’échantillon.

96      La Commission a donc exposé dans le règlement provisoire sa position quant à la méthode de calcul de la marge de dumping des opérateurs ne faisant pas partie de l’échantillon, consistant en l’application de la marge moyenne de dumping des sociétés constituant l’échantillon. Cette méthode impliquait que les demandes de SEM/TI provenant de ces opérateurs ne seraient pas examinées, un tel examen ne présentant pas d’utilité dans le cadre de la procédure en question.

97      Il en résulte que les requérantes avaient dès le stade de la communication du règlement provisoire et du document d’information intermédiaire la possibilité de faire valoir leur point de vue sur la méthode employée par la Commission pour calculer leur marge de dumping, si bien que leurs droits de la défense n’ont pas été violés.

98      Il en résulte que les deux premiers moyens doivent être rejetés.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base à défaut de preuve par la Commission du soutien de la plainte par l’industrie communautaire

 Arguments des parties

99      Les requérantes font valoir que les institutions communautaires ont commis une erreur concernant la définition de l’industrie communautaire soutenant la plainte ayant donné lieu à la procédure antidumping en question. L’administration communautaire aurait dans le passé adopté la thèse selon laquelle seuls les producteurs communautaires qui coopèrent dans la procédure en participant à l’exercice d’échantillonnage ou en fournissant des informations utiles pouvaient être considérés comme ayant soutenu la plainte.

100    En l’espèce, il n’y aurait eu que dix demandes de participation à l’échantillon des producteurs communautaires, présentées par les opérateurs finalement retenus dans l’échantillon. Partant, parmi les 814 sociétés plaignantes, seulement dix auraient fourni des informations significatives et pourraient, dès lors, être qualifiées de sociétés ayant coopéré à l’enquête. Par conséquent, ce ne serait que ces sociétés qui devraient être prises en compte aux fins de la définition de l’industrie communautaire. Or, ces sociétés ne représenteraient que 4,2 % de la production communautaire et, donc, le seuil de 25 % requis par l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base n’aurait pas été atteint.

101    Les informations fournies par le Conseil dans le mémoire en défense sur la méthode d’examen du degré de soutien de la plainte par l’industrie communautaire n’auraient pas été communiquées aux requérantes durant la procédure administrative. Le fait que le règlement attaqué n’expose pas la manière dont les institutions ont mesuré le degré de soutien de la plainte par l’industrie communautaire constituerait un défaut de motivation. L’absence de cette information constituerait également une violation des droits de la défense des requérantes. En outre, en récoltant les données relatives au soutien de la plainte par l’industrie communautaire avant d’initier l’enquête par la publication de l’avis d’ouverture, la Commission aurait violé l’article 6, paragraphe 1, et l’article 17 du règlement de base. En tout état de cause, à supposer même que l’enquête ait pu valablement commencer avant la publication de l’avis d’ouverture, cela signifierait que le règlement attaqué a été adopté après l’expiration du délai de quinze mois prévu à l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base pour l’achèvement de l’enquête. Enfin, les requérantes font observer que, en examinant si la plainte était soutenue par l’industrie communautaire avant d’initier l’enquête, la Commission n’a pas dûment vérifié si les producteurs communautaires la soutenant représentaient 25 % de la production totale du produit similaire de l’industrie communautaire conformément à l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base. En effet, le soutien d’une plainte au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base présupposerait que celui qui effectue la déclaration de soutien ait conscience des obligations qu’entraîne sa participation à l’échantillon des producteurs communautaires, telles que la réponse à un questionnaire concernant le préjudice et l’acceptation de se soumettre à une visite de vérification sur place. Or, une simple déclaration effectuée avant le commencement de l’enquête ne saurait démontrer un soutien au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base.

102    Le Conseil, soutenu par la Commission et la CEC, conteste les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

103    Ainsi qu’il ressort de l’article 5, paragraphes 1 et 4, du règlement de base, une enquête antidumping est ouverte valablement, sauf application du paragraphe 6 du même article, si une plainte est déposée par ou au nom de l’industrie communautaire. Une plainte est réputée avoir été déposée par ou au nom de l’industrie communautaire lorsqu’elle est soutenue par des producteurs communautaires représentant, s’agissant du produit similaire, plus de 50 % de la production totale du produit similaire générée par la partie de l’industrie communautaire exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. En outre, les producteurs soutenant expressément la plainte doivent aussi représenter au moins 25 % de la production totale du produit similaire fabriqué par l’industrie communautaire.

104    S’agissant de la notion de « soutien », il y a lieu de relever que, selon l’article 5, paragraphe 2, du règlement de base, une plainte doit contenir des éléments de preuve relatifs à l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. Une plainte doit contenir à cet égard un certain nombre de renseignements qui peuvent être raisonnablement à la disposition du plaignant.

105    Soutenir une plainte déposée par ou au nom de l’industrie communautaire implique donc pour le ou les plaignant(s) et les personnes au nom desquelles celle-ci a été déposée, premièrement, la fourniture des éléments que la Commission demande en vue de vérifier que les conditions requises pour l’imposition d’un droit antidumping sont réunies et, deuxièmement, l’acceptation de se soumettre à tout contrôle que la Commission pourrait effectuer afin d’examiner si les éléments fournis correspondent à la réalité. En effet, eu égard à l’absence de tout moyen d’enquête coercitif, les réponses des parties au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base, ainsi que la vérification postérieure à laquelle la Commission peut procéder sur place, prévue à l’article 16 du même règlement, sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping (arrêt du Tribunal du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, Rec. p. II‑2243, point 65).

106    Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission ne prend pas en compte, pour vérifier que le soutien de la plainte satisfait aux seuils de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base, un producteur qui n’est pas disposé à offrir des éléments au soutien d’une plainte déposée par lui ou en son nom ou à permettre la vérification du bien-fondé d’une telle plainte. Ainsi, lorsqu’un producteur communautaire déclare ne pas accepter la vérification des données qu’il fournit au soutien d’une plainte déposée par lui ou en son nom, il doit, premièrement, être considéré comme un producteur refusant de coopérer au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base et, deuxièmement, être exclu du groupe des producteurs exprimant leur soutien à la plainte au sens de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base.

107    Cette approche est conforme à l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base, selon lequel, sauf en l’absence de coopération, l’exactitude des renseignements fournis par des parties intéressées et sur lesquels les conclusions sont fondées doit être vérifiée dans la mesure du possible.

108    C’est ainsi que, comme le Conseil l’indique au considérant 156 du règlement attaqué, les producteurs communautaires à l’origine d’une plainte qui n’ont pas coopéré au cours de l’enquête sont à exclure de la définition de l’industrie communautaire. En cas de recours à l’échantillonnage, la Commission procède donc, dans la plupart des cas, ainsi que le Conseil l’indique dans le mémoire en défense, à l’envoi d’un questionnaire à chaque producteur connu en sollicitant des données relatives à sa production et à ses ventes et en lui demandant s’il est disposé à remplir le questionnaire concernant le préjudice ainsi qu’à permettre une vérification sur place dans le cas où il serait retenu dans l’échantillon. Seuls les producteurs répondant par l’affirmative à ces deux dernières questions sont à considérer comme coopérant à l’enquête et sont, dès lors, susceptibles d’être inclus dans l’échantillon. En revanche, un producteur qui se déclare ne pas être prêt à participer à l’échantillon ne peut être considéré comme coopérant à l’enquête, dès lors qu’il n’est, par définition, pas disposé à remplir un questionnaire relatif au préjudice ni à permettre la vérification de ses réponses. En effet, ces mesures ne concernent que des sociétés faisant partie de l’échantillon.

109    Le Conseil fait valoir que, en l’espèce, compte tenu du nombre exceptionnellement élevé de producteurs communautaires, la Commission a appliqué une procédure différente, mais également valable. Ainsi, au lieu d’adresser des questionnaires d’échantillonnage à chaque producteur communautaire, la Commission a, premièrement, utilisé les données relatives à la production communautaire figurant dans la plainte et, deuxièmement, collecté les éléments concernant le soutien de la plainte auprès de chacun des 814 producteurs représentés par la CEC.

110    De surcroît, lors de l’audience, le Conseil et la Commission ont indiqué que le document annexé au mémoire en défense intitulé « Informations sur la plainte antidumping concernant les importations de […] originaires de […] » n’était pas celui effectivement envoyé aux producteurs communautaires et que le Conseil avait produit ce document par erreur. La Commission a produit un autre document qui aurait été envoyé aux producteurs communautaires afin de vérifier leur soutien à la plainte. Contrairement au document produit en annexe du mémoire en défense, l’intitulé de ce document (Ouverture probable d’une enquête antidumping concernant les importations de chaussures à dessus en cuir en provenance de la République populaire de Chine et du Viet Nâm) fait spécifiquement référence à l’enquête en cause, en sorte qu’il peut être conclu que c’est effectivement ce document qui a été envoyé par la Commission aux producteurs communautaires. Par le biais de ce document, la Commission a demandé à chaque producteur communautaire qui en était destinataire d’indiquer, notamment, s’il soutenait la plainte, s’il s’y opposait ou encore s’il ne prenait pas position, s’il produisait et vendait sur le marché communautaire le produit concerné et dans quelles quantités, s’il était lié à des producteurs ou à des exportateurs chinois ou vietnamiens du produit concerné et s’il avait vendu le produit concerné importé des pays tiers ciblés.

111    Dans le préambule de ce document, il était indiqué que tout élément chiffré serait traité comme confidentiel et pourrait faire l’objet d’une vérification de la part de la Commission. Dans ces conditions, chaque producteur communautaire qui en était destinataire était conscient de ce que toutes les informations communiquées à la Commission, y compris celles éventuellement soumises dans le cadre du questionnaire concernant le préjudice, seraient également susceptibles d’être vérifiées par elle. En outre, dans ce même document, il était indiqué que la base juridique sur laquelle ces informations étaient demandées était l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base. Selon la liste des annexes figurant en dernière page du document en question, les articles 4 et 5 du règlement de base y étaient annexés. À cet égard, le renvoi à l’article 5 du règlement de base et l’inclusion de celui-ci dans les annexes du document en question informaient les producteurs communautaires de ce que la plainte devait contenir une série d’éléments de preuve quant à l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux et, notamment, des renseignements sur les prix.

112    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la déclaration des producteurs communautaires, selon laquelle ils soutenaient la plainte, suffisait à établir l’existence d’un soutien de la plainte au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base.

113    En ce qui concerne le grief tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 17 du règlement de base aux motifs que la Commission a tenu compte d’éléments relatifs à la production communautaire, à la qualité pour agir des plaignants et au préjudice fournis avant l’ouverture de l’enquête, force est de constater qu’il ne saurait être accueilli.

114    En effet, premièrement, il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 2, du règlement de base prévoit que la plainte, qui par définition est déposée avant l’ouverture de l’enquête, doit contenir une série d’éléments de preuve quant à l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux. En outre, l’article 5, paragraphe 3, du règlement de base prévoit que la Commission examine, dans la mesure du possible, l’exactitude et l’adéquation des éléments de preuve fournis dans la plainte afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête. Or, ainsi que le Conseil le fait valoir, rien n’empêche la Commission de tenir compte, dans le cadre de l’enquête, d’éléments qui sont par nature récoltés avant l’ouverture de celle-ci.

115    Deuxièmement, il y a lieu de relever que la Commission doit vérifier la qualité pour agir des plaignants préalablement à l’ouverture de l’enquête.

116    Enfin, s’agissant du grief tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base au motif que le règlement attaqué aurait été adopté après l’expiration du délai de quinze mois prévu par cette disposition, il convient de rappeler que l’ouverture de l’enquête constitue, selon cette disposition, le point de départ du délai de quinze mois prévu pour l’imposition des droits définitifs.

117    Il y a cependant lieu de préciser que, ainsi qu’il résulte des points 114 à 116 ci-dessus, si le délai de quinze mois prévu par le règlement de base pour l’imposition de droits définitifs est à calculer à partir du moment où la Commission procède à l’ouverture de l’enquête, une telle ouverture n’intervient qu’après que la Commission a vérifié que les conditions en sont remplies tant en ce qui concerne le contenu de la plainte qu’en ce qui concerne la qualité pour agir du ou des plaignants.

118    Les griefs des requérantes à cet égard doivent donc être rejetés, le règlement attaqué ayant été adopté dans le délai de quinze mois prévu par le règlement de base.

119    Quant aux griefs tirés de la violation des droits de la défense des requérantes, il convient d’observer que, dans une note en date du 6 juillet 2005, figurant au dossier, la Commission a exposé que la production communautaire avait été évaluée à environ 425 millions de paires de chaussures en 2004 et à environ 92 millions de paires de chaussures au premier trimestre de 2005. Il ressort par ailleurs de cette note que la production des sociétés au nom desquelles la plainte a été déposée s’élevait à environ 190 millions de paires de chaussures en 2004 et à environ 44 millions de paires de chaussures au premier trimestre de 2005, si bien que ces sociétés représentaient plus de 44 % de l’industrie communautaire en 2004 et plus de 47 % de cette industrie au premier trimestre de 2005. En outre, 36 autres producteurs auraient également soutenu la plainte, ce qui augmenterait encore la représentativité à un taux de plus de 45 % en 2004 et de plus de 48 % au premier trimestre de 2005. Ces chiffres émaneraient de la plainte, des producteurs communautaires et des associations regroupant ceux-ci. Enfin, la note en question expose qu’aucune opposition à la plainte n’a été exprimée et contient, en annexe, des données chiffrées concernant la production totale de six États membres (non désignés) en 2004 et au premier trimestre de 2005.

120    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, la Commission a exposé le fondement de son appréciation relative à la qualité pour agir des sociétés au nom desquelles la plainte avait été déposée. Partant, les institutions ont respecté les droits de la défense des requérantes.

121    Par identité de motifs, il y a lieu de relever que les institutions ont satisfait à leur devoir de motiver leurs actes à suffisance de droit.

122    Il en résulte que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, et des articles 2 et 3 du règlement de base

 Arguments des parties

123    Les requérantes reprochent aux institutions, tout d’abord, d’avoir procédé à une définition trop large du produit concerné en y incluant des produits substantiellement différents quant à leurs caractéristiques, à leur apparence, à la perception qu’en aurait le consommateur, à leur style, à leur usage et aux canaux de distribution.

124    Ensuite, les requérantes font observer que, en incluant dans l’enquête les chaussures faisant appel à des technologies brevetées (voir point 34 ci-dessus), les institutions ont procédé, de ce point de vue aussi, à une définition trop large du produit concerné, circonstance qui les aurait conduites à des conclusions erronées. En effet, les caractéristiques physiques et techniques de ces chaussures seraient différentes de celles des autres chaussures en ce qu’elles incluraient un « système breveté d’absorption des chocs », une semelle moyenne « faisant tampon », et un « dispositif super-flex breveté ». De surcroît, ces chaussures différeraient en ce qui concerne le processus de leur production en ce qu’elles nécessiteraient des chaînes de production séparées et des machines spécifiques. En outre, s’agissant de l’usage final desdites chaussures, les requérantes estiment que celles-ci sont destinées à un « marché de niche » faisant partie du secteur des chaussures de santé et ayant comme public ciblé des femmes ayant des problèmes de santé. Ces chaussures seraient donc vendues dans des magasins spécialisés. Enfin, les requérantes rappellent que ce type de chaussures n’est pas produit dans la Communauté.

125    La « classification incorrecte » retenue par les institutions aurait donné lieu à des comparaisons entre des chaussures fabriquées à partir de cuirs de qualités tout à fait différentes. Or, ces comparaisons seraient dénuées de sens.

126    À cet égard, des exemples et des informations sur le contexte figureraient dans trois documents soumis par la Footwear Association of Importers and Retail chains (Association des importateurs et des chaînes de détaillants de la chaussure) durant la procédure administrative.

127    Partant, les institutions auraient violé l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base, selon lequel l’expression « produit similaire » signifierait un produit semblable à tous égards au produit considéré. Une telle violation remettrait en cause la validité des conclusions de l’ensemble de l’enquête.

128    Le Conseil, soutenu par la Commission et la CEC, conteste les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

129    Il y a lieu de relever que, dans le cadre du présent moyen, les requérantes formulent deux griefs. Le premier concerne la définition du produit concerné, telle qu’elle a été effectuée aux considérants 38 et 39 du règlement provisoire (voir point 18 ci-dessus) et confirmée au considérant 39 du règlement attaqué. Le second vise l’inclusion dans l’enquête des chaussures faisant appel à des technologies brevetées.

130    En ce qui concerne le premier grief, les requérantes formulent l’allégation générale selon laquelle le produit concerné, tel qu’il est défini dans le règlement provisoire et dans le règlement attaqué, inclurait des produits substantiellement différents quant à leurs caractéristiques, à leur apparence, à la perception qu’en aurait le consommateur, à leur style, à leur usage et aux canaux de distribution. À titre d’illustration, les requérantes font référence aux chaussures de ville, d’une part, et aux chaussures de randonnée, d’autre part, qui différeraient substantiellement quant à leurs caractéristiques et à leur utilisation et, dès lors, quant à la perception qu’en auraient les consommateurs.

131    À cet égard, il y a lieu de relever que la définition du produit concerné dans le cadre d’une enquête antidumping a pour objet d’aider à l’élaboration de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l’objet de l’imposition des droits antidumping. Aux fins de cette opération, les institutions peuvent tenir compte de plusieurs facteurs, tels que les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu’en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production, la qualité, etc.

132    Ainsi, une allégation selon laquelle un produit déterminé est à exclure de la définition du produit concerné doit reposer sur des arguments tendant à démontrer soit que les institutions ont effectué une appréciation erronée au regard des facteurs qu’elles ont jugé pertinents, soit que l’application d’autres facteurs plus pertinents aurait imposé l’exclusion de ce produit de la définition du produit concerné.

133    En l’espèce, les institutions se sont fondées sur les caractéristiques essentielles des produits, leur usage principal et la perception qu’en ont les consommateurs. Les requérantes se limitent à énoncer de manière générale que le produit concerné inclut des types de chaussures différents en mentionnant, comme exemple, les chaussures de ville et les chaussures de randonnée. Or, ainsi qu’il a été relevé au point précédent, ces allégations ne peuvent s’avérer opérantes que si elles portent sur un ou plusieurs types de produits spécifiques qui devraient être exclus de la définition du produit concerné. Il en résulte que l’argumentation des requérantes ne peut que viser, tout au plus, l’exclusion des chaussures de randonnée de la définition du produit concerné. Néanmoins, ce qui importe, en l’occurrence, est que les chaussures à dessus en cuir ayant fait l’objet de la présente procédure ont les mêmes caractéristiques physiques essentielles et le même usage et qu’il existe une concurrence entre les chaussures de différentes catégories, en particulier celles de catégories voisines. Partant, les institutions n’ont pas commis d’erreur d’appréciation en incluant les chaussures de randonnée dans la définition du produit concerné.

134    Quant aux arguments formulés dans le cadre des observations soumises par la Footwear Association of Importers and Retail chains durant la procédure administrative, qui offriraient des « renseignements de contexte » s’agissant du présent moyen (voir point 126 ci-dessus), il y a lieu de relever que, les allégations générales sur la définition du produit concerné mises à part, ceux-ci concernent les critères utilisés afin de regrouper sous des numéros de contrôle de produit les divers types de chaussures relevant de la définition du produit concerné. Partant, cette argumentation ne concerne pas la question de savoir si certains types de chaussures à dessus en cuir doivent faire partie du produit concerné, mais celle des critères selon lesquels la catégorisation des produits relevant du produit concerné aurait dû se faire. Ces arguments sont, par conséquent, inopérants dans le cadre de l’analyse du présent moyen. Par identité de motifs, les arguments présentés dans la réplique, qui visent à contester l’appréciation des institutions relative à la catégorisation des types de chaussures relevant du produit concerné (voir point 125 ci-dessus), doivent également être rejetés comme inopérants.

135    S’agissant des arguments tirés de l’existence de chaînes de production séparées pour la fabrication des chaussures faisant appel à des technologies brevetées, de l’absence de production communautaire de ce type de chaussures et de l’existence d’un brevet, il convient de constater qu’ils ne sont pas déterminants. En effet, le processus de fabrication n’influence pas, en soi, la perception du consommateur ni, dès lors, l’interchangeabilité entre plusieurs types de chaussures si les caractéristiques physiques et la destination des produits ne diffèrent pas. Il en est de même de l’absence de production communautaire de chaussures faisant appel à des technologies brevetées, puisque la question déterminante est celle de savoir si ce type de chaussures est, en raison de ses caractéristiques physiques, de sa destination et, partant, de la perception qu’en a le consommateur, en concurrence avec les chaussures issues de la production communautaire. Dans ce contexte, force est de constater que le fait pour un type de chaussures de bénéficier de la protection d’un brevet ne constitue pas un indice quant à sa position concurrentielle à l’égard des produits d’origine communautaire.

136    En ce qui concerne le second grief concernant l’inclusion des chaussures faisant appel à des technologies brevetées dans la définition du produit concerné, il y a lieu de relever que les arguments selon lesquels ces chaussures sont destinées à des personnes ayant des problèmes orthopédiques et sont vendues exclusivement dans des magasins spécialisés pourraient être de nature à remettre en cause l’appréciation des institutions quant à l’inclusion de ce type de chaussures dans la définition du produit concerné. En effet, s’il était démontré que l’utilisation de ce type de chaussures faisait partie d’un traitement médical destiné aux personnes ayant des problèmes orthopédiques et que ces produits n’étaient distribués que dans des magasins spécialisés, force serait de constater qu’ils n’auraient pas les mêmes caractéristiques physiques ni la même destination que les chaussures qui ne sont pas pourvues de telles qualités. La perception du consommateur serait donc nécessairement différente à cet égard.

137    Néanmoins, force est de constater que les requérantes n’ont présenté aucun élément de preuve susceptible d’étayer leur description relative aux caractéristiques et à l’utilisation de ce type de chaussures. En effet, ni la lettre de Brosmann du 8 mai 2006 (voir point 28 ci-dessus) ni les observations soumises par télécopie du 29 novembre 2005 par Wortmann KG Internationale Schuhproduktionen, détenteur des brevets en question, ne contiennent des éléments de preuve au soutien des allégations qui y sont faites. Il importe d’ajouter à cette constatation que, ainsi qu’il résulte du point 3.2.1.3 de la lettre du 8 mai 2006 et du point 3.4 de la télécopie du 29 novembre 2005, en faisant référence à des magasins spécialisés, les requérantes semblent viser les magasins autres que les magasins de discount et que les grandes surfaces. Or, cette approche n’exclut pas que, dans les magasins spécialisés, en ce sens qu’ils vendent uniquement des chaussures, il soit aussi vendu des chaussures faisant appel à des technologies brevetées. Cette appréciation renforce la thèse du Conseil selon laquelle, malgré les qualités des chaussures en question, il est tout à fait probable que le choix des consommateurs dépende des préférences personnelles plutôt que des circonstances ayant trait à des considérations d’ordre médical.

138    Il en résulte que le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 17 du règlement de base et de l’article 253 CE

 Arguments des parties

139    Les requérantes contestent la représentativité de l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois en tirant argument de deux circonstances. Premièrement, cet échantillon serait essentiellement constitué d’opérateurs fabriquant principalement des STAF, lesquelles avaient pourtant été exclues de la définition du produit concerné (voir points 18 et 34 ci-dessus). Deuxièmement, les requérantes font état de plusieurs « faiblesses » en ce qui concerne les critères appliqués aux fins de la constitution de l’échantillon en question et prennent comme exemple le fait que plusieurs sociétés ayant coopéré et ne faisant pas partie de l’échantillon enregistreraient des niveaux de production, d’exportation et de vente bien plus importants que celles en faisant partie.

140    S’il était vrai que, au considérant 43 du règlement attaqué, le Conseil a indiqué que l’exclusion des STAF n’avait pas eu de « conséquence marquante » sur la représentativité de l’échantillon, il n’en demeurerait pas moins que les institutions n’auraient pas motivé cette appréciation, bien que ces produits représentent un pourcentage substantiel des importations initialement ciblées. Cette remarque serait d’autant plus pertinente étant donné que, selon les considérants 180 et 181 du règlement attaqué, l’exclusion des STAF aurait eu des répercussions importantes sur la marge de dumping. De manière générale, un échantillon constitué des seuls producteurs d’un produit exclu du champ de l’enquête devrait, par définition, être considéré comme étant non représentatif.

141    Selon les requérantes, le fait que les gouvernements des pays exportateurs aient été impliqués dans le choix d’une partie des sociétés retenues dans l’échantillon, ainsi que l’indiquerait l’avant-dernière phrase du considérant 61 du règlement attaqué, n’est pas directement pertinent pour juger de la représentativité de l’échantillon, d’autant plus que la définition du produit concerné a été modifiée après la consultation de ces gouvernements. Il résulterait des explications fournies dans le mémoire en défense que la sélection aux fins de la constitution de l’échantillon était fondée sur les critères de la nationalité chinoise des propriétaires des entreprises ainsi que de l’appartenance à la China Chamber of Commerce for Import and Export of Light Industrial Products and Arts-Crafts (Chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de produits industriels légers et de produits d’artisanat, ci-après la « CCCLA »). Partant, l’échantillon n’aurait pas été constitué de manière à garantir sa représentativité.

142    En outre, l’échantillon n’inclurait qu’une seule entreprise ayant obtenu le SEM et aucune société bénéficiant d’un TI, ce qui constituerait encore un indice de l’absence de représentativité dudit échantillon.

143    Au considérant 44 du règlement attaqué, le Conseil aurait indiqué que les exportateurs de l’échantillon représentaient 12 % des exportations chinoises après l’exclusion des STAF de la définition du produit concerné, circonstance qui priverait l’échantillon de sa représentativité. Dans ce contexte, étant donné que Brosmann représenterait à elle seule 10 % des importations dans la Communauté, l’affirmation selon laquelle l’échantillon incluait le plus grand volume d’exportations représentatif possible serait erronée. De plus, le Conseil ne présenterait aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle les producteurs de l’échantillon représentaient 14 % de l’ensemble des exportations chinoises, y compris celles des producteurs n’ayant pas coopéré.

144    Cela attesterait un défaut de motivation du règlement attaqué et une erreur manifeste d’appréciation résultant de la violation de l’article 17 du règlement de base.

145    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

146    Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base, le recours à l’échantillonnage consiste en la limitation de l’enquête à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs ou au plus grand volume représentatif de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter, compte tenu du temps disponible.

147    Cette disposition accorde à la Commission le pouvoir de choisir, parmi les sociétés s’étant portées volontaires pour participer à l’échantillon et ayant fourni les renseignements nécessaires à cet effet, celles qui y seront incluses. Eu égard au pouvoir d’appréciation que l’article 17, paragraphe 1, du règlement de base accorde ainsi à la Commission, le contrôle exercé par le juge communautaire sur le choix opéré à cet égard porte sur la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ou de l’absence de détournement de pouvoir.

148    En l’occurrence, il résulte du considérant 60 du règlement provisoire et des considérants 44 et 46 du règlement attaqué que, dans leur choix relatif à la constitution de l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois, les institutions ont été guidées par l’intention de garantir tant la représentativité de l’échantillon que l’inclusion, dans le plus grand volume représentatif d’exportations sur lequel l’enquête pouvait raisonnablement porter, compte tenu du temps disponible, d’un certain nombre de sociétés effectuant des ventes représentatives sur le marché intérieur chinois.

149    Il y a donc lieu d’examiner si, compte tenu des circonstances dénoncées par les requérantes, les choix des institutions révèlent une erreur manifeste d’appréciation eu égard à ces deux objectifs.

150    En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les sociétés faisant partie de l’échantillon sont des producteurs de STAF, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas soumis d’éléments susceptibles d’étayer cette allégation. Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.

151    Il convient également de rejeter le grief tiré d’un défaut de motivation, dès lors que les institutions ont exposé l’incidence de l’exclusion des STAF de la définition du produit concerné.

152    En ce qui concerne le pourcentage des exportations incluses dans l’échantillon, il y a lieu de relever que les requérantes et le Conseil s’accordent sur le fait que les ventes des treize sociétés initialement choisies pour participer à l’échantillon représentaient 25 % des exportations et 42 % des ventes intérieures de tous les producteurs chinois du produit concerné ayant coopéré. Les parties s’accordent également sur le fait que, à la suite de l’exclusion des données d’un producteur chinois qui n’avait pas répondu au questionnaire de la Commission et de cinq autres sociétés qui n’avaient pas coopéré, la représentativité de l’échantillon a été abaissée à 16,5 % des exportations de tous les producteurs chinois ayant coopéré, pourcentage qui a été ramené à 12,5 % après l’exclusion des STAF de la définition du produit concerné.

153    S’agissant du grief tiré d’un défaut de motivation, le Conseil a exposé, au considérant 44 du règlement attaqué, en quoi ce pourcentage suffisait à garantir la représentativité de l’échantillon. Partant, le Conseil a motivé à suffisance de droit son appréciation sur le caractère représentatif de l’échantillon.

154    Quant aux griefs tirés d’une erreur manifeste d’appréciation, premièrement, force est de constater que, au moment de la constitution de l’échantillon, il n’était pas possible de prévoir le nombre d’opérateurs qui refuseraient de coopérer par la suite, d’autant plus que ces opérateurs avaient déclaré le contraire dans les documents soumis à la Commission jusqu’alors. Il en est de même des sociétés s’étant vu octroyer le SEM ou un TI, puisque l’examen des demandes de SEM/TI est effectué après la constitution de l’échantillon.

155    Deuxièmement, à supposer qu’il était possible d’inclure dans l’échantillon d’autres sociétés après avoir constaté qu’un certain nombre de participants n’avait pas l’intention de coopérer, il n’en demeure pas moins que le fait que les opérateurs restant dans l’échantillon représentaient 12,5 % des exportations chinoises dans la Communauté suffit pour établir la représentativité de l’échantillon.

156    Dans ces conditions, il convient de constater que la Commission n’avait pas l’obligation d’inclure dans celui-ci d’autres sociétés et n’a, dès lors, pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en s’abstenant de le faire. Le cinquième moyen doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que de l’article 253 CE

 Arguments des parties

157    Les requérantes reprochent aux institutions communautaires de s’être fondées sur des données « dépourvues de représentativité et peu fiables » afin d’évaluer le préjudice subi par l’industrie communautaire. Plus particulièrement, les requérantes font observer que, l’échantillon des producteurs communautaires ne comprenant que dix sociétés, il ne représente que 0,1 % des producteurs et 4,2 % de la production communautaires. En outre, les producteurs retenus n’auraient pas présenté d’informations permettant d’évaluer la représentativité de l’échantillon et n’auraient pas été invités à le faire. Cette approche, qui serait arbitraire par nature, constituerait une violation de l’article 17 du règlement de base. La collecte des informations macroéconomiques concernant le préjudice avant l’ouverture de la procédure impliquerait que ces données n’auraient pas été correctement vérifiées, qu’une version non confidentielle de celles-ci n’aurait pas été mise à la disposition des parties intéressées et que la Commission aurait traité les producteurs communautaires de manière discriminatoire par rapport aux producteurs chinois qui n’auraient pas eu la possibilité de présenter leurs demandes de SEM/TI avant l’ouverture de la procédure afin que la Commission dispose de plus de temps pour leur examen.

158    Étant donné l’absence de divulgation du nom des sociétés faisant partie de l’échantillon des producteurs communautaires, les requérantes n’auraient obtenu aucune information relative à leurs activités et n’auraient pas pu effectuer une vérification indépendante de la représentativité de l’échantillon. Il s’ensuivrait que leurs droits de la défense auraient été violés, et ce de manière contraire à la jurisprudence à cet égard.

159    S’agissant de la fiabilité des données auxquelles les institutions ont eu recours, les requérantes soulignent que, durant la procédure administrative, elles ont fourni à la Commission un ensemble d’informations provenant de sources publiques et démontrant que certains des plus grands producteurs italiens, faisant probablement partie de l’échantillon des producteurs communautaires ou des plaignants (ce que le Conseil ne démentirait pas), avaient présenté à cette institution des renseignements faux ou déformés. Les données incorrectes concerneraient l’emploi, les investissements, le chiffre d’affaires, les ventes et le lieu d’établissement, dès lors que certaines sociétés auraient délocalisé leurs unités de production vers des pays tiers. Ces informations justifieraient un contrôle plus attentif de la part de la Commission. Étant donné que, selon les requérantes, deux sociétés italiennes ayant présenté des renseignements faux ou déformés représentaient environ 10,4 % des ventes et 7,5 % de la production communautaire, l’impact des circonstances dénoncées ci-dessus sur l’évaluation du préjudice serait significatif au point d’affecter profondément les résultats de l’enquête, que ces sociétés aient participé à l’échantillon ou non. En effet, selon le considérant 175 du règlement provisoire, les indicateurs macroéconomiques auraient été évalués au niveau de l’ensemble de l’industrie communautaire alors que les indicateurs microéconomiques l’auraient été au niveau des producteurs de l’échantillon. À supposer donc qu’aucune de ces sociétés n’ait participé à l’échantillon des producteurs communautaires, il n’en demeurerait pas moins que la Commission aurait utilisé des données fournies par celles-ci afin de tirer des conséquences macroéconomiques concernant le préjudice de l’industrie communautaire.

160    Or, les institutions n’auraient pas tenu compte de ces informations dans le cadre du calcul du préjudice subi par l’industrie communautaire, ce qui constituerait une erreur manifeste d’appréciation ayant donné lieu à la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base (voir point 3 ci-dessus). En tout état de cause, l’absence de toute explication à cet égard dans le règlement attaqué constituerait une violation de l’obligation de motivation concernant un point déterminant de l’enquête.

161    Le Conseil, soutenu par la Commission et la CEC, réfute les arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

162    Le présent moyen comporte deux branches. Dans le cadre de la première, les requérantes reprochent aux institutions de ne pas avoir examiné si les opérateurs retenus dans l’échantillon des producteurs communautaires étaient représentatifs de l’industrie communautaire. Dans ce contexte, elles font aussi valoir qu’elles ont été privées de tout élément qui leur aurait permis de vérifier la représentativité de ces opérateurs. Dans le cadre de la seconde branche, les requérantes soutiennent que les institutions se sont fondées sur des données non fiables afin d’évaluer les facteurs macroéconomiques et microéconomiques relatifs au préjudice subi par l’industrie communautaire.

163    En ce qui concerne la première branche, il convient de rappeler que, selon le considérant 65 du règlement provisoire, la Commission a sélectionné un échantillon de dix producteurs communautaires établi sur la base du volume de production et de leur implantation (voir point 24 ci-dessus). Selon ce même considérant, ces critères visaient non seulement à refléter la taille et l’importance des différents producteurs, mais aussi la répartition géographique de l’industrie communautaire. Ainsi, les producteurs de l’échantillon étaient établis, selon le considérant 8 du règlement provisoire, dans cinq États membres différents.

164    À cet égard, il y a lieu de constater que le formulaire de plainte et les questionnaires d’échantillonnage envoyés aux 814 producteurs au nom desquels la plainte avait été déposée (voir point 108 ci-dessus) contenaient des renseignements sur la production et les ventes domestiques de l’industrie communautaire ainsi que sur la production de chaque producteur à l’origine de la plainte en 2003 et en 2004. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission était en mesure d’apprécier la taille et les capacités de production de chaque société à l’origine de la plainte et, bien évidemment, sa localisation. Ainsi, la Commission était en possession des renseignements nécessaires afin de procéder à la constitution de l’échantillon des producteurs communautaires sur la base de ces critères qui, selon elle, étaient les plus pertinents. Les requérantes n’ayant pas contesté la pertinence de ces critères, il y a lieu de conclure que leur argumentation quant à la constitution de l’échantillon doit être rejetée à cet égard.

165    S’agissant de l’argument tiré de la violation des droits de la défense, les requérantes n’ont pas contesté l’allégation du Conseil selon laquelle elles avaient accès aux données relatives à la production de chaque société de l’échantillon ainsi qu’à la version non confidentielle des réponses que ces sociétés avaient fourni au questionnaire relatif au préjudice. Le nom de chaque société faisant partie de l’échantillon constitue un élément dépourvu de pertinence aux fins de l’appréciation de leur représentativité. Néanmoins, cette appréciation n’est valable que si les données fournies par les sociétés concernées correspondent à la réalité. Dans ces conditions, les requérantes auraient dû demander l’accès aux renseignements qui ont permis à la Commission de conclure que les éléments soumis par les opérateurs communautaires faisant partie de l’échantillon étaient corrects. Cet accès aurait pu être accordé sans que le nom des sociétés soit divulgué. Or, il apparaît que les requérantes n’ont pas demandé l’accès à ces éléments, si bien que leur argumentation quant à la violation de leurs droits de la défense ne saurait être accueillie.

166    S’agissant de la seconde branche du présent moyen, il y a lieu de rejeter d’emblée la fin de non-recevoir soulevée par le Conseil au motif que les requérantes feraient un simple renvoi à leurs annexes. En effet, les requérantes ne se sont pas contentées d’effectuer un simple renvoi aux annexes A 33 et A 34 de la requête, mais ont procédé à une présentation sommaire des points principaux de celles-ci en formulant des griefs spécifiques à l’encontre de l’appréciation des institutions. Or, le règlement de procédure n’interdit pas de présenter, à l’appui de ces griefs, des documents plus détaillés soumis à la Commission durant la procédure administrative.

167    Quant au fond des arguments des requérantes, il y a lieu de relever, tout d’abord, que les informations qu’elles ont fournies à la Commission dans les mémorandums des 17 juillet et 2 août 2006 concernent, en substance, des informations recueillies dans la presse sur des fautes qu’auraient commises des producteurs communautaires de chaussures, telles que des fraudes commises au niveau national afin de pouvoir profiter de subsides, ou des infractions au code du travail.

168    À cet égard, il convient de souligner que le fait qu’une entreprise a commis des fraudes au niveau national n’implique pas nécessairement qu’elle ne coopère pas à une enquête antidumping de la Commission et qu’elle fournisse des informations incorrectes dans ce cadre. Il convient de constater que, à supposer même que les entreprises mentionnées par les requérantes aient commis des fraudes au niveau national, cela ne permet pas en soi de conclure que les données qu’elles ont fournies dans le cadre d’une enquête antidumping ne sont pas fiables si lesdites données n’ont aucun lien avec lesdites fraudes. S’agissant des informations fournies par les requérantes au cours de la procédure administrative, concernant le traitement dégradant des ouvriers et le recrutement d’enfants, il convient de relever d’emblée qu’il semble exclu que ces faits puissent avoir un rapport avec les données que les sociétés concernées ont éventuellement fournies dans le cadre de l’enquête en cause.

169    Les requérantes font également valoir que le producteur italien La Nuova Adelchi a fourni des données inexactes concernant son chiffre d’affaires et ses ventes. À cet égard, elles ont invoqué, dans les mémorandums des 17 juillet et 2 août 2006, le fait que l’administrateur unique de la société La Nuova Adelchi avait été condamné en première instance par les autorités italiennes pour avoir tenu des comptes irréguliers. À l’appui de cette allégation, elles se sont fondées, dans les mémorandums des 17 juillet et 2 août 2006, sur l’arrêt de la Cour du 3 mai 2005, Berlusconi e.a. (C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, Rec. p. I‑3565). Toutefois, il résulte du point 29 de cet arrêt que les faits en cause concernent les années 1992 et 1993, et donc une période antérieure de plusieurs années à la période d’enquête. D’éventuelles irrégularités concernant les comptes de 1992 et de 1993 ne sauraient remettre en cause la fiabilité des données fournies dans le cadre de la présente enquête.

170    S’agissant des autres faits que les requérantes reprochent à certains producteurs de chaussures communautaires, il convient de relever ce qui suit. Selon les considérants 175 à 185 du règlement provisoire, la Commission a examiné l’existence du préjudice subi par l’industrie communautaire au niveau macroéconomique sur la base des données concernant la production, les ventes, les parts de marché, l’emploi, la croissance, l’importance de la marge de dumping et le rétablissement à la suite de pratiques de dumping antérieures. Ces données concernaient l’ensemble de l’industrie communautaire (voir point 24 ci-dessus). À la suite de cet examen, la Commission a conclu à l’existence d’une baisse de la production, des parts de marché, de l’emploi et, dès lors, de la croissance pour un période allant de 2001 à la fin de la période d’enquête. S’agissant des indicateurs microéconomiques relatifs aux producteurs de l’échantillon, la Commission a conclu, aux considérants 186 à 196 du règlement provisoire, que les volumes de production et de ventes, les prix de vente, les flux de liquidités, la rentabilité, le rendement des investissements, l’aptitude à mobiliser des capitaux aux fins d’investissements et l’emploi avaient connu un recul significatif de 2001 à la fin de la période d’enquête.

171    En ce qui concerne les conclusions définitives s’agissant des indicateurs de préjudice macroéconomiques, le Conseil a confirmé, aux considérants 186 à 198 du règlement attaqué, les conclusions de la Commission concernant la baisse de la production, des ventes, des parts de marché, de l’emploi, de la productivité, de la croissance et du rétablissement à la suite de pratiques de dumping. S’agissant des indicateurs microéconomiques, le Conseil a également confirmé, aux considérants 199 à 206 du règlement attaqué, les appréciations de la Commission quant au recul des prix de vente, des flux de liquidités, de la rentabilité et du rendement des investissements ainsi que de l’aptitude à mobiliser des capitaux aux fins d’investissements.

172    C’est sur la base de ces considérations que le Conseil a relevé, au considérant 214 du règlement attaqué, que le préjudice s’était principalement traduit, au niveau macroéconomique, par une diminution du volume des ventes et une perte de parts de marché, circonstances qui avaient influé sur le niveau de la production et de l’emploi. Quant au niveau microéconomique, le Conseil a constaté, au considérant 200 du règlement attaqué, que les sociétés de l’échantillon avaient réalisé des bénéfices minimes au cours de la période d’enquête et ne pouvaient baisser davantage leurs prix sans enregistrer des pertes.

173    Dans ces conditions, les allégations des requérantes concernant les données faussées prétendument fournies par deux sociétés italiennes ne peuvent être considérées comme pertinentes que si lesdites données sont susceptibles de remettre en cause les facteurs pris en compte par le Conseil afin d’établir l’existence d’un préjudice.

174    À cet égard, premièrement, les requérantes font état des licenciements fictifs mis en œuvre par deux sociétés italiennes afin de réembaucher le personnel licencié en profitant des aides d’État pour le recrutement de chômeurs. Les requérantes estiment que le nombre des licenciements fictifs en question s’élève à 3 100. À supposer que l’ensemble de ces licenciements ne permette pas de démontrer une situation difficile des sociétés en question, mais une intention d’encaisser des aides d’État de manière frauduleuse, force est de constater que le Conseil a fait état, au considérant 192 du règlement attaqué, d’une perte de plus de 27 000 emplois depuis 2001. Ainsi, même en admettant que 3 100 de ces licenciements avaient été fictifs, la conclusion du Conseil quant à une baisse importante du niveau de l’emploi au niveau macroéconomique reste valable. Il convient également de relever que, au niveau microéconomique, le Conseil n’a pas fondé sa conclusion relative au préjudice sur des données concernant l’emploi.

175    Deuxièmement, les requérantes se réfèrent à la délocalisation de la production communautaire vers des pays tiers accompagnée de mesures frauduleuses ayant pour but d’indiquer l’origine italienne des produits. Or, à supposer même que les institutions aient été victimes de cette pratique en ce sens qu’elles auraient inclus dans les chiffres relatifs à la production de l’industrie communautaire des quantités produites à l’étranger, cela signifierait en fait que la baisse de la production communautaire est encore plus importante que celle présentée dans le règlement provisoire et dans le règlement attaqué. Les circonstances dénoncées par les requérantes, à les supposer établies, ne sont donc pas de nature à remettre en cause l’appréciation du Conseil quant au préjudice résultant du niveau de production communautaire.

176    Troisièmement, les requérantes invoquent des fraudes prétendument commises par l’une des deux entreprises italiennes, consistant dans la perception d’aides d’État aux fins de l’achat de nouvelles machines qui auraient néanmoins été installées en Albanie notamment. Or, même à admettre que cette allégation soit établie, cette circonstance ne pourrait qu’avoir une incidence négative quant au niveau réel des investissements à l’intérieur du marché communautaire, confirmant ainsi les conclusions du Conseil à cet égard.

177    Les allégations des requérantes ne sont donc pas de nature à remettre en cause les appréciations du Conseil au niveau macroéconomique.

178    Du point de vue microéconomique, il y a lieu de relever, en tout état de cause, que même si les deux sociétés italiennes en question ont participé à l’échantillon et qu’elles ont inclus parmi leurs ventes sur le marché communautaire des ventes de chaussures qu’elles ont fabriquées dans des pays tiers, ce qui pourrait affecter le calcul du prix moyen par paire de 18,2 euros mentionné au considérant 199 du règlement attaqué, il n’en reste pas moins que, pour les raisons exposées au considérant 200 du règlement attaqué, le critère du prix de vente moyen n’est pas un facteur déterminant en soi.

179    En effet, ainsi qu’il est indiqué au considérant 200 du règlement attaqué, les chaussures sont produites sur commande et les nouvelles commandes ne sont normalement acceptées que si le prix correspondant permet au moins d’atteindre le point d’équilibre. Partant, à supposer que le prix de vente moyen de l’industrie communautaire n’ait pas été établi avec la plus grande précision et que, en réalité, il se situe à un niveau supérieur, cela ne suffirait pas pour remettre en cause les conclusions relatives aux flux de liquidités, à la rentabilité, au rendement des investissements, à l’aptitude à mobiliser des capitaux et aux investissements, démontrant toutes une détérioration importante de la situation de l’industrie communautaire.

180    Quant au grief tiré d’un défaut de motivation, il y a lieu de relever qu’il n’est pas exigé que la motivation des règlements spécifie les différents éléments de fait et de droit, parfois très nombreux et complexes, qui en font l’objet, dès lors que ces règlements entrent dans le cadre systématique de l’ensemble des mesures dont ils font partie. À cet égard, il suffit que le raisonnement des institutions dans les règlements apparaisse d’une façon claire et non équivoque (arrêt du Tribunal du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, Rec. p. II‑3939, points 357 et 358).

181    Il convient en outre de souligner que les institutions ne sont pas tenues de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elles par les intéressés, mais qu’il suffit d’exposer les faits et considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, non publié au Recueil, point 30).

182    Or, il résulte de ce qui précède que le Conseil a exposé de manière claire, dans le cadre du règlement attaqué, les raisons pour lesquelles il considérait que l’industrie communautaire avait subi un préjudice important, au niveau microéconomique comme au niveau macroéconomique, du fait des importations en provenance de Chine. Il en résulte que le règlement attaqué est motivé à suffisance de droit à cet égard.

183    Il s’ensuit que le sixième moyen doit être rejeté.

 Sur le septième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base

 Arguments des parties

184    Selon les requérantes, il y a lieu de rechercher s’il existe un lien de causalité direct entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice que l’industrie communautaire a subi en 2004. Tel ne serait pas le cas, eu égard à l’existence d’autres facteurs préjudiciables tels que, en substance, les mauvais résultats à l’exportation de l’industrie communautaire, l’augmentation des importations en provenance des pays tiers autres que la Chine ou le Viêt Nam et la suppression du régime de contingents quantitatifs à partir du 1er janvier 2005 (voir point 11 ci-dessus).

185    En l’occurrence, la situation économique médiocre de l’industrie communautaire serait due à une détérioration de ses résultats à l’exportation, circonstance qui confirmerait le manque de compétitivité de la production communautaire. Il s’agirait de la raison pour laquelle les producteurs communautaires ne peuvent augmenter leurs prix de manière significative ou accroître la rentabilité du secteur à un niveau supérieur à celui de 2004, année pertinente pour la détermination du niveau des droits antidumping permettant d’éliminer le préjudice. Cela expliquerait aussi le déclin des ventes des producteurs communautaires sur le marché communautaire ainsi que la délocalisation de la production vers des pays tiers. En outre, ainsi qu’il ressortirait des enquêtes antidumping antérieures, le niveau de rentabilité atteint par l’industrie communautaire en 2004 et durant la période d’enquête ne serait pas nettement inférieur à celui des quinze dernières années.

186    Il s’ensuivrait que le préjudice subi par l’industrie communautaire est essentiellement dû aux prix non compétitifs des produits communautaires concernés. Partant, même si la thèse selon laquelle les résultats à l’exportation de l’industrie communautaire n’ont pas causé de préjudice important pouvait s’avérer exacte dans une certaine mesure, elle ne prendrait pas en compte le fait que le préjudice important occasionné ne résulte pas des importations faisant l’objet du dumping en cause.

187    L’analyse contenue dans le règlement attaqué, qui tend à remettre en cause cette conclusion, serait fondée sur des appréciations manifestement erronées figurant au considérant 229 de celui-ci. En effet, premièrement, l’appréciation selon laquelle aucun des pays tiers énumérés au considérant 227 du règlement attaqué n’aurait sensiblement accru sa part de marché durant la période considérée méconnaîtrait le fait que deux pays détenant des parts de marché non négligeables les auraient doublées et deux autres les auraient augmentées respectivement de 50 % et de 30 %. Deuxièmement, la part de marché de l’ensemble des pays énumérés au considérant 227 du règlement attaqué serait comparable à celle des pays ciblés par les mesures antidumping en question et, si cette part ne correspond pas exactement à celle de la Chine, elle serait supérieure à celle du Viêt Nam. Troisièmement, trois pays tiers auraient baissé leurs prix d’au moins 22 % et un quatrième les aurait baissés de près de 20 %. Quatrièmement, la baisse des prix des produits en provenance de Chine s’expliquerait par l’expiration du régime de contingents quantitatifs imposé aux importations de chaussures en provenance de ce pays, circonstance qui aurait entraîné une augmentation des quantités de chaussures à bas prix importées et, donc, une évolution dans la répartition des produits.

188    Les circonstances énumérées aux considérants 227 et suivants du règlement attaqué conduiraient plutôt à la conclusion que les importations en provenance des pays tiers (autres que la Chine et le Viêt Nam) ont contribué substantiellement au préjudice subi par l’industrie communautaire. En outre, les institutions communautaires auraient artificiellement minimisé l’impact que la levée du contingent a pu avoir sur l’industrie communautaire, notamment en ce qui concerne la baisse du prix unitaire moyen, l’augmentation des importations et le changement dans la répartition des produits. Les requérantes soulignent à cet égard que la période d’enquête n’a compris qu’une période de trois mois sans contingents (du 1er janvier jusqu’au 31 mars 2005). Or, il s’agirait d’une période trop courte pour tirer les conclusions d’un changement aussi significatif nécessitant une période importante afin de permettre la stabilisation du marché. Les institutions auraient donc conclu à tort que la suppression du régime de contingents n’avait eu aucun effet de distorsion majeur ou qu’elle avait seulement exacerbé les effets des importations faisant l’objet d’un dumping.

189    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste le bien-fondé des arguments des requérantes.

 Appréciation du Tribunal

190    Il y a lieu de relever que, lors de la détermination du préjudice, le Conseil et la Commission ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’ils entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs, et notamment celui qui aurait sa cause dans le comportement propre des producteurs communautaires (arrêt de la Cour du 11 juin 1992, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑3813, point 16).

191    En l’espèce, le Conseil a établi l’existence d’un lien de causalité en examinant, d’une part, les effets des importations faisant l’objet d’un dumping et, d’autre part, les effets d’autres facteurs, tels que les résultats à l’exportation de l’industrie communautaire, les importations en provenance d’autres pays tiers, les fluctuations des cours de change, la suppression du régime de contingents, l’absence de modernisation chez les producteurs à l’origine de la plainte et la délocalisation de la production par l’industrie communautaire.

192    En ce qui concerne l’argument des requérantes tiré des mauvais résultats à l’exportation de l’industrie communautaire, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil au considérant 224 du règlement attaqué, que cette circonstance n’affecte pas les indicateurs tels que le volume des ventes, les parts de marché et la dépression des prix ayant servi de base pour l’établissement du préjudice. En effet, ces indicateurs ont été établis au niveau des ventes dans la Communauté. En outre, selon les considérants 187 et 189 du règlement attaqué, la baisse des parts de marché de l’industrie communautaire dans le marché domestique a donné lieu à une baisse analogue de la production. Il en résulte que c’est à juste titre que le Conseil a constaté, au considérant 224 du règlement attaqué, que l’essentiel de la production communautaire était destiné au marché communautaire et que, dès lors, les résultats à l’exportation n’étaient pas susceptibles d’avoir causé un préjudice important à l’industrie communautaire.

193    S’agissant des arguments relatifs aux importations en provenance d’autres pays tiers, il y a lieu de constater que l’ensemble des pays auxquels il est fait référence au considérant 227 du règlement attaqué s’est partagé une part de marché de 33,8 % durant la période d’enquête contre 24,4 % en 2001. Dans ce cadre, il convient aussi de constater que deux pays, Macao et le Brésil, ont doublé leurs parts de marché durant la période considérée (de janvier 2001 à avril 2005) en les augmentant de 1,2 % à respectivement 2,4 % et à 2,5 %, alors que l’Inde a augmenté sa part de marché de 3,6 % en 2001 à 5,7 % durant la période d’enquête.

194    De surcroît, selon le second tableau du considérant 227 du règlement attaqué, les prix des produits importés de ces mêmes pays, à l’exception de la Roumanie, ont connu une baisse de 10 % (Inde) à 25 % (Brésil), variant entre 8,7 euros (Indonésie avec une part de marché de 2 %) et 14,9 euros (Roumanie avec une part de marché de 6,9 %).

195    En outre, il convient de rappeler que, selon les considérants 162, 168 et 170 du règlement attaqué, la part de marché des importations en provenance de Chine et du Viet Nâm a augmenté de 9,3 % en 2001 à 23,2 % durant la période d’enquête. De plus, selon les considérants 170 et 199 du règlement attaqué, les chaussures en provenance de Chine et du Viet Nâm ont été importées, durant la période d’enquête, à un prix moyen de 8,5 euros par paire contre un prix moyen de 18,2 euros par paire pour les chaussures produites dans la Communauté et un prix moyen pondéré de 12,21 euros par paire pour les importations en provenance des pays tiers. Le calcul de ce dernier prix est fondé sur les prix moyens mentionnés au second tableau du considérant 227 du règlement attaqué, pondérés selon les parts de marché auxquelles il est fait référence au premier tableau du même considérant.

196    Il résulte de ces données que, même si les pays tiers détiennent collectivement une part importante du marché communautaire, la part de marché globale de la Chine et du Viet Nâm correspond à environ 72 % de la part de marché des pays tiers énumérés au considérant 227 du règlement attaqué. Dans ce contexte, il y a lieu d’ajouter que le prix moyen à l’importation des chaussures en provenance des pays ciblés est de 30,4 % inférieur au prix moyen auquel sont importées les chaussures en provenance des autres pays tiers. Dans ces circonstances, les effets résultant des importations en provenance d’autres pays tiers ne sont pas de nature à remettre en cause le lien de causalité existant entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie communautaire.

197    Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que certains pays tiers ont significativement augmenté leurs parts de marché durant la période considérée, dès lors que les données figurant aux points 193 à 196 ci-dessus tiennent dûment compte de cette évolution.

198    Quant à l’impact que pourrait avoir eu la levée des contingents (voir point 188 ci-dessus), il y a lieu de relever que l’institution de droits antidumping ne constitue pas la sanction d’un comportement antérieur, mais une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping. Ainsi, il est nécessaire de mener l’enquête sur la base d’informations aussi actuelles que possible afin de pouvoir fixer des droits antidumping qui sont propres à protéger l’industrie communautaire contre les pratiques de dumping (arrêt Industrie des poudres sphériques/Conseil, précité, points 91 et 92, et arrêt du Tribunal du 14 novembre 2006, Nanjing Metalink/Conseil, T‑138/02, Rec. p. II‑4347, point 60).

199    Ainsi, lorsque les institutions constatent que les importations d’un produit assujetti jusqu’alors à des restrictions quantitatives augmentent après l’expiration desdites restrictions, elles peuvent tenir compte de cet accroissement aux fins de leur appréciation du préjudice subi par l’industrie communautaire.

200    Enfin, ainsi qu’il résulte des considérants 162, 168 à 170, 187 à 206 et 216 à 240 du règlement attaqué, les institutions ont pris en compte plusieurs facteurs, concernant le préjudice et le lien de causalité, relatifs non seulement au dernier trimestre de la période d’enquête, mais aussi à la période considérée.

201    Il s’ensuit que le septième moyen doit être rejeté.

 Sur le huitième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base

 Arguments des parties

202    Les requérantes font valoir que l’appréciation du Conseil relative au niveau que devaient atteindre les mesures antidumping définitives afin d’éliminer le préjudice (voir point 42 ci-dessus) est manifestement erronée. Cette appréciation se fonderait sur des données concernant une partie du produit concerné qui ne ferait pas l’objet de « dumping gravement préjudiciable » (au lieu d’utiliser de meilleures données, portant sur les années 2001 à 2003, pendant lesquelles il n’y aurait pas eu de dumping) et consisterait à procéder à une subdivision du produit similaire en suivant un « raisonnement circulaire ». L’identification des chaussures qui ne font pas l’objet d’un « dumping gravement préjudiciable » impliquerait que l’on établisse à partir de quel moment il existe un « dumping gravement préjudiciable », ce qui nécessiterait également une comparaison de la marge bénéficiaire des producteurs communautaires avec la marge bénéficiaire qui aurait été atteinte en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping. Cette approche serait particulièrement inadaptée, dès lors que les mesures antidumping s’appliquent à l’ensemble des importations.

203    En outre, le Conseil aurait expliqué dans le mémoire en défense que la marge bénéficiaire de 6 % concernerait des produits ne faisant pas l’objet de l’enquête en question, circonstance qui, par définition, impliquerait que ce pourcentage ne pourrait constituer une indication valable pour le calcul de la marge bénéficiaire que les producteurs communautaires auraient réalisée en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping. En effet, l’industrie communautaire n’aurait pas réalisé de marge bénéficiaire supérieure à 2 % durant la période couverte par l’enquête ou dans un passé récent.

204    Il s’ensuivrait que la fixation à 6 % de la marge bénéficiaire que l’industrie communautaire aurait pu escompter en l’absence de dumping préjudiciable résulterait d’une erreur manifeste d’appréciation constituant une violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base.

205    Le Conseil réfute les arguments des requérantes en indiquant que la notion de « chaussures ne faisant pas l’objet d’un dumping gravement préjudiciable » ne correspond pas à une sous-catégorie du produit concerné, mais à des chaussures ne relevant pas de la définition du produit concerné. Partant, les institutions n’auraient pas suivi de « raisonnement circulaire » et n’auraient pas privilégié des données non fiables au détriment de données meilleures portant sur le produit concerné.

206    À titre subsidiaire, le Conseil fait valoir que, même dans l’hypothèse où le présent moyen était accueilli, cela ne pourrait avoir pour conséquence que l’annulation du règlement attaqué en ce que le Conseil y a retenu une marge de préjudice supérieure de 4 % par rapport à la marge qu’il aurait dû établir.

 Appréciation du Tribunal

207    Il convient tout d’abord de relever que, dans la réplique, les requérantes ont accepté l’explication offerte par le Conseil, selon laquelle la notion de « chaussures ne faisant pas l’objet d’un dumping gravement préjudiciable » ne correspondait pas à une sous-catégorie du produit concerné, mais à des chaussures ne relevant pas de la définition du produit concerné.

208    Il convient ensuite de rejeter l’argumentation des requérantes selon laquelle la marge bénéficiaire que l’industrie communautaire a réalisée pour des chaussures non visées par l’enquête (et ne faisant pas l’objet d’un dumping préjudiciable) ne peut être considérée comme une indication valable de la marge bénéficiaire que les producteurs communautaires auraient réalisée sur la vente du produit concerné en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping. En effet, rien n’oblige les institutions à se fonder uniquement sur des données relatives au produit concerné afin d’évaluer la marge bénéficiaire qu’aurait réalisée l’industrie communautaire en l’absence de dumping préjudiciable. Au contraire, il leur est loisible de se fonder sur des produits voisins, semblables au sens large au produit concerné. Même si ces produits ne font pas partie de la définition du produit concerné, la marge bénéficiaire que l’industrie communautaire a réalisée pour ces produits peut être considérée comme une indication valable de la marge bénéficiaire que les producteurs communautaires auraient réalisée sur la vente du produit concerné en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping. En l’espèce, le Conseil n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur la marge bénéficiaire que l’industrie communautaire a réalisée pour d’autres chaussures que celles visées par l’enquête, car ces autres chaussures sont suffisamment proches du produit concerné.

209    Enfin, il y a lieu de rappeler que l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base prévoit expressément la possibilité de tenir compte d’une éventuelle dépression des prix pratiqués par l’industrie communautaire afin d’établir, dans ce cas, le niveau de sous-cotation des prix de référence.

210    Il en résulte que le huitième moyen doit, lui aussi, être rejeté, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

211    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

212    Conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission et la CEC supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Brosmann Footwear (HK) Ltd, Seasonable Footwear (Zhongshan) Ltd, Lung Pao Footwear (Guangzhou) Ltd et Risen Footwear (HK) Co., Ltd supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne et la Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC) supporteront leurs propres dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mars 2010.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige et règlement attaqué

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les deux premiers moyens, tirés de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), de l’article 9, paragraphe 5, et de l’article 18 du règlement de base, de la violation des principes d’égalité de traitement et de protection de la confiance légitime ainsi que de la violation des droits de la défense

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base à défaut de preuve par la Commission du soutien de la plainte par l’industrie communautaire

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, et des articles 2 et 3 du règlement de base

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 17 du règlement de base et de l’article 253 CE

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que de l’article 253 CE

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le septième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le huitième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.