Language of document : ECLI:EU:T:2006:22

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

24 janvier 2006 (*)

« Procédure de référé – Demande de sursis à exécution – Concurrence – Paiement d’une amende – Garantie bancaire – Urgence – Absence  »

Dans l'affaire T-46/03 R II,

Leali SpA, établie à Odolo (Italie), représentée par Mes G. Belotti, C. Carmignani, N. Pisani et P. Tomassi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme L. Pignataro-Nolin, MM. A. Whelan et F. Amato, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision de la Commission du 17 décembre 2002 relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (COMP/37.956 – Ronds à béton), en ce qu’elle impose à la requérante solidairement avec Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA, en liquidation, une amende de 6,093 millions d’euros et, à elle seule, une amende de 1,082 million d’euros,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

1        Le 17 décembre 2002, la Commission a adopté la décision relative à une procédure d’application de l’article 65 CA (COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci‑après la « Décision »). Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la Décision, les onze entreprises et l’association d’entreprises qui y sont énumérées, parmi lesquelles figure la requérante, ont enfreint l’article 65, paragraphe l, CA en mettant en œuvre une entente unique sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux, ayant pour objet la fixation des prix et une limitation ou un contrôle concerté de la production et/ou des ventes.

2        L’article 2 de la Décision inflige à la requérante une amende de 6,093 millions d’euros solidairement avec Acciaierie e Ferriere Leali Luigi SpA, en liquidation, et, à elle seule, une amende de 1,082 million d’euros pour l’infraction constatée à l’article 1er de la Décision.

3        L’article 3 de la Décision prévoit que les amendes ainsi fixées sont payables dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la Décision. Dans la lettre de notification de la Décision, du 20 décembre 2002, il était précisé que, si la requérante introduisait un recours devant le Tribunal, la Commission ne procéderait à aucune mesure de recouvrement tant que l’affaire serait pendante devant cette juridiction, pour autant que la créance produise des intérêts à compter de la date d’expiration du délai de paiement et qu’une garantie bancaire acceptable soit constituée au plus tard à cette date.

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 février 2003, la requérante a introduit, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours visant à l’annulation de la Décision et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou à la réduction de l’amende qui lui a été infligée.

5        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 15 mai 2003, la requérante a introduit une demande de sursis à l’exécution de la Décision.

6        Par l’ordonnance du 20 octobre 2003, Leali/Commission (T‑46/03 R, Rec. p. II‑4473, ci-après l’« Ordonnance »), le président du Tribunal, après avoir constaté que la demande de la requérante avait, en réalité, pour objet d’obtenir une dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l’amende infligée par la Décision, a rejeté la demande, au motif que la requérante n’avait manifestement pas établi que sa situation financière était telle qu’il lui serait objectivement impossible de constituer la garantie bancaire ou que la constitution de la garantie bancaire aurait mis en péril son existence.

7        Sur demande de la Commission, le ministère italien compétent a apposé, le 11 janvier 2005, la formule exécutoire sur la Décision, conformément à l’article 256 CE.

8        Le 11 mars 2005, la Commission a notifié à Leali SpA la Décision revêtue de la formule exécutoire ainsi que l’ordre enjoignant à la société débitrice de payer la somme de 8 093 944,60 euros, dans un délai maximal de dix jours, en l’avertissant que, « faute de paiement dans le délai susmentionné, il [serait] procédé à l’exécution forcée, directe et auprès de tiers ».

9        Le 15 mars 2005, Leali a notifié à la Commission un acte d’opposition à l’injonction, à l’exécution et aux actes d’exécution de la Décision devant le Tribunale di Brescia (tribunal de Brescia, Italie).

10      Le 23 mars 2005, Leali a notifié à la Commission un recours visant à obtenir, à titre conservatoire, la suspension de la Décision au titre de l’article 700 du code de procédure civile italien, ainsi qu’un décret (decreto) portant la même date et par lequel le juge d’instruction auprès du Tribunale di Brescia, considérant que les conditions relatives au fumus boni juris et au periculum in mora étaient remplies, a interdit, à titre provisoire et inaudita altera parte, l’exécution forcée annoncée par l’injonction notifiée le 11 mars 2005 et a fixé la date de l’audience de comparution des parties à la suite de laquelle la confirmation ou la révocation du décret serait décidée.

11      Entre-temps, le 30 mars 2005, la Commission a renoncé à l’injonction notifiée le 11 mars 2005, sous réserve cependant de son droit de procéder à l’exécution forcée en vertu du titre notifié le même jour.

12      Par ordonnance du 27 avril 2005, le juge d’instruction auprès du Tribunale di Brescia a révoqué le décret par lequel il avait provisoirement interdit l’exécution forcée de la Décision, en estimant que la condition relative au periculum in mora n’était pas remplie en raison de la renonciation par la Commission à son injonction.

13      Le 25 mai 2005, la Commission a notifié à Leali une nouvelle injonction de payer la somme de 8 201 422,17 euros, dans un délai maximal de dix jours, assortie de l’avertissement selon lequel, « faute de paiement dans le délai susmentionné, il [serait] procédé à l’exécution forcée, directe et auprès de tiers ».

14      Par acte introductif d’instance du 26 mai 2005, Leali a fait opposition devant le Tribunale di Brescia à l’injonction susmentionnée, aux actes d’exécution et à l’exécution de la Décision, en faisant valoir, notamment, la prétendue invalidité de la Décision au motif que, du fait de l’expiration du traité CECA, la Commission ne pouvait plus agir sur ce fondement.

15      Le 6 juin 2005, la Commission a reçu notification du recours formé par Leali en vertu de l’article 700 du code de procédure civile italien ainsi que du décret par lequel le juge d’instruction a interdit, inaudita altera parte et à titre provisoire, l’exécution forcée de la Décision annoncée par l’injonction notifiée le 25 mai 2005 et a fixé la date de l’audience de comparution des parties en vue d’une éventuelle confirmation ou révocation dudit décret.

16      Les parties entendues, le juge d’instruction a, par ordonnance du 23 juillet 2005, révoqué le décret ordonnant le sursis à l’exécution de la Décision et a rejeté le recours formé par Leali devant lui.

17      Par acte notifié le 13 septembre 2005, Leali a introduit une réclamation à l’encontre de cette ordonnance devant le Tribunale di Brescia conformément à l’article 669 terdecies du code de procédure civile italien.

18      Par décision du 6 octobre 2005, le Tribunale di Brescia a rejeté la réclamation introduite par Leali et confirmé l’ordonnance du 23 juillet 2005, en relevant que le juge italien n’avait pas compétence pour surseoir à l’exécution de la Décision.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2005, la requérante a introduit la présente demande de sursis à l’exécution de la Décision.

20      Le 19 octobre 2005, la Commission a procédé à une première saisie entre les mains de tiers. Cette saisie n’a cependant pas abouti, en raison d’une déclaration du tiers visé selon laquelle celui-ci n’avait pas de relations avec la requérante.

21      Le 28 octobre 2005, la Commission a procédé à une deuxième saisie entre les mains de quatre tiers. Lors de l’audience du 23 novembre 2005 devant le juge de l’exécution, deux tiers se sont présentés et ont déclaré ne pas avoir de dettes envers Leali. Deux autres tiers n’ayant pas comparu, le juge a renvoyé l’audience au 25 janvier 2006.

22      Le 9 novembre 2005, la Commission a présenté ses observations écrites sur la présente demande en référé.

23      Le 16 novembre 2005, le juge des référés a invité la requérante à y répondre. Le 25 novembre 2005, la requérante a présenté ses nouvelles observations, auxquelles la Commission a répondu le 7 décembre 2005.

24      Le 16 décembre 2005 et le 19 décembre 2005, la Commission et la requérante ont respectivement produit la copie du procès-verbal concernant une troisième saisie effectuée par la Commission sur les stocks de la requérante à concurrence d’un montant de 8 320 000 euros.

25      Dans la présente demande, la requérante conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        ordonner, en application des article 104 et suivants du règlement de procédure et conformément aux articles 242 CE et 243 CE, le sursis à l’exécution de la Décision jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à l’instance au principal, notamment sous la forme d’une dispense de l’obligation de constituer une garantie comme condition du non-recouvrement immédiat de l’amende ;

–        à titre de mesure d’instruction, ordonner une expertise comptable indépendante pour évaluer la situation financière de la requérante ;

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

26      Dans ses observations, la partie défenderesse conclut à ce qu’il plaise au juge des référés :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la partie requérante aux dépens.

 En droit

27      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

28      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit qu’une demande en référé doit spécifier les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elle conclut. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu’une demande en référé doit être rejetée dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

 Arguments des parties

 Sur l’objet de la demande

29      La Commission soutient que, compte tenu du fait qu’elle a déjà entrepris l’exécution forcée de la Décision en application de l’article 256 CE, la demande de la requérante ne pourrait avoir d’autre objet utile que de surseoir à l’exécution forcée de la Décision et qu’elle devrait donc être requalifiée en ce sens.

30      La requérante estime, au contraire, que, le premier acte de l’exécution forcée étant la saisie ayant eu lieu le 19 octobre 2005, l’exécution forcée n’a commencé qu’après le dépôt de la demande en référé au greffe, en date du 18 octobre 2005. Elle ne conteste pas néanmoins que sa demande vise au sursis à l’exécution forcée de la Décision.

 Sur le fumus boni juris

31      Selon la requérante, la condition relative au fumus boni juris est remplie. Elle fait préalablement observer que la Commission a demandé aux autorités italiennes d’apposer la formule exécutoire en se fondant sur l’article 256 CE, et ce bien que la Décision ait pour base juridique exclusive l’article 65 CA.

32      La requérante fait valoir, à cet égard, que c’est à tort que la Commission a adopté la Décision sur le fondement de l’article 65 CA, alors que le traité CECA avait expiré cinq mois auparavant, soit le 23 juillet 2002. En l’absence de mesures destinées à prolonger les effets du traité CECA, la Décision serait privée de base juridique. Selon la requérante, la définition des rapports juridiques pendants et la répartition des compétences qui ont disparu du fait de l’expiration du traité CECA auraient dû faire l’objet d’une mesure réglementaire expresse adoptée par les États membres, et non d’une communication de la Commission, telle que celle mentionnée dans la Décision.

33      Enfin, la requérante renvoie aux autres moyens soulevés dans le recours au principal.

34      La Commission considère que les moyens soulevés dans le recours au principal et auxquels la requérante renvoie ne sont pas recevables dans le cadre de la procédure en référé. Quant aux autres moyens, elle estime qu’ils ne permettent pas de conclure à l’existence d’un fumus boni juris.

 Sur l’urgence

35      La requérante estime que la condition relative à l’urgence est satisfaite en l’espèce.

36      Elle soutient, en particulier, que, compte tenu de sa situation financière, laquelle serait très gravement compromise, d’une part, il lui est impossible de se procurer une garantie bancaire couvrant le montant de l’amende, ainsi que le requiert la Décision, et, d’autre part, l’exécution immédiate de la Décision risque, avec un degré de probabilité suffisante, d’entraîner sa disparition définitive du marché.

37      Pour prouver l’impossibilité dans laquelle elle se trouve de constituer la garantie bancaire, la requérante se réfère à des lettres des 20 et 21 janvier, du 7 mai et du 17 novembre 2003 ainsi que des 22 et 23 novembre 2005, émanant de banques avec lesquelles elle entretiendrait des relations permanentes, et dont il ressortirait que les banques en cause refusent de lui accorder la garantie bancaire sollicitée.

38      La requérante fait observer, en outre, que l’exécution forcée de la Décision, sous la forme d’une vente forcée des installations et des machines de sa chaîne de production, entraînerait certainement sa disparition définitive du marché. En particulier, elle soutient que sa situation financière, bien qu’elle se soit quelque peu améliorée, n’a pas fondamentalement changé depuis la clôture de la procédure administrative. Or, lors de cette procédure, la requérante avait adressé à la Commission un rapport sur ses liquidités au 31 décembre 2001 qui mettrait en évidence des pertes d’exploitation, au titre de l’année 2001, s’élevant à 8,128 millions d’euros, tandis que les autres rapports financiers soumis à la Commission le 25 novembre 2002 et le 3 décembre 2002 auraient fait apparaître des pertes totales cumulées s’élevant à plus de 22 millions d’euros.

39      La requérante a également produit une analyse de sa situation financière pour la période allant de janvier à mai 2005 (ci-après le « rapport financier janvier-mai 2005 »), laquelle prouverait que, même à l’heure actuelle, sa situation est très grave.

40      La Commission fait observer que la requérante n’a pas prouvé que l’exécution de la Décision lui causerait un préjudice grave et irréparable. À titre subsidiaire, elle soutient que la requérante n’a pas prouvé non plus que la constitution de la garantie bancaire lui serait objectivement impossible ou qu’elle mettrait en péril son existence.

 Sur la balance des intérêts

41      Selon la requérante, la Commission ne peut faire valoir utilement aucun intérêt au rejet de la demande en référé. En effet, le maintien de la requérante sur le marché n’entraînerait de préjudices ni pour ses concurrentes ni pour le bon fonctionnement du marché commun. De surcroît, le taux d’intérêt appliqué aurait pour conséquence que, dans l’attente de l’arrêt au principal, la Commission ne subirait aucun préjudice financier.

42      La Commission estime, quant à elle, qu’il est de son intérêt que l’efficacité des règles communautaires de concurrence soit préservée et que les amendes soient payées, en vue de maintenir leur fonction dissuasive. Cela s’imposerait d’autant plus en l’espèce que la requérante aurait participé à une infraction très grave à l’interdiction des ententes.

 Appréciation du juge des référés

 Sur l’objet de la demande

43      Avant de statuer sur la présente demande en référé, il convient de préciser son objet. En effet, dans cette demande, la requérante conclut à ce que, en application des article 104 et suivants du règlement de procédure et conformément aux articles 242 CE et 243 CE, il soit sursis à l’exécution de la Décision jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à l’instance au principal, notamment sous la forme d’une dispense de l’obligation de constituer une garantie comme condition du non-recouvrement immédiat de l’amende.

44      Or, il y a lieu de constater que, à la suite de l’Ordonnance et en l’absence de la constitution de la garantie, la Commission a entrepris les mesures nécessaires en vue du recouvrement de l’amende. En particulier, le 11 mars 2005, la Commission a notifié à la requérante la Décision, revêtue de la formule exécutoire au sens de l’article 256 CE et accompagnée d’une injonction de paiement.

45      Dans ces conditions, la demande de la requérante ne peut avoir que pour objet d’obtenir un sursis à l’exécution de la Décision, sur la base de l’article 242 CE et de l’article 104, paragraphe 1, du règlement de procédure.

46      Quant à la demande d’obtenir une dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l’amende infligée par la Décision, la partie requérante n’ayant pas formé de pourvoi contre l’Ordonnance, qui est donc désormais devenue définitive, elle ne pourra être fondée que si la partie requérante produit des éléments de preuve qui démontrent l’existence de faits nouveaux de nature à prouver qu’il lui serait objectivement impossible de constituer la garantie bancaire ou que la constitution de la garantie bancaire aurait mis en péril son existence.

 Observations liminaires sur les conditions d’octroi d’une mesure provisoire

47      La requérante demande au juge des référés de commencer par examiner la question de savoir si sa demande remplit la condition du fumus boni juris. Selon la requérante, si le juge des référés devait conclure que cette condition est satisfaite, il serait improbable que la Commission procède à l’exécution de la Décision, et ce même si la condition de l’urgence n’était pas satisfaite.

48      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les conditions prévues à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance SCK et FNK/Commission, précitée, point 30].

49      En outre, dans le cadre de cet examen, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23].

50      En l’espèce, il y a lieu de constater que la présente demande en référé fait suite à une demande similaire déjà rejetée par le juge des référés en raison de l’absence d’urgence. Il y a donc lieu, tout d’abord, de vérifier si, dans cette nouvelle demande, la requérante a produit des éléments de preuve qui démontrent l’existence de faits nouveaux permettant de considérer que la condition de l’urgence est remplie.

 Sur l’urgence

51      Dans l’Ordonnance, le juge des référés a estimé que les explications et les documents produits par la requérante ne démontraient pas à suffisance de droit que la situation financière de la requérante était telle qu’il lui était objectivement impossible de constituer la garantie bancaire requise (Ordonnance, point 38).

52      Dans la présente demande, la requérante soutient que sa situation financière est telle que l’exécution forcée de la Décision entraînerait sa disparition du marché.

53      À l’appui de son allégation, la requérante se réfère à des données économiques et financières déjà invoquées dans sa première demande, ainsi qu’au rapport financier janvier-mai 2005, qui conclut que l’exigibilité totale ou même partielle de l’amende pourrait entraîner la cessation définitive de l’activité de la requérante.

54      Or, d’une part, le rapport financier janvier-mai 2005 ne porte la signature d’aucun expert comptable extérieur à l’entreprise. En outre, il est partiel, car il ne se réfère qu’aux cinq premiers mois de l’exercice 2005, ce qui rend impossible toute comparaison entre ces données et celles figurant dans les bilans pour 2004, en ce qu’elles portent uniquement sur l’année en son entier. Ce document ne saurait par conséquent prouver à suffisance de droit la situation financière réelle de la requérante.

55      D’autre part, en ce qui concerne les données économiques et financières déjà produites dans la première demande, en premier lieu, il y a lieu d’observer que ces données remontent à 2001 et 2002 et ont déjà été examinées dans l’Ordonnance (Ordonnance, points 39 à 41) par le juge des référés qui a jugé, au point 42, que « la requérante se trouv[ait] dans une situation financière en amélioration constante, avec des perspectives d’avenir positives ».

56      En deuxième lieu, les données figurant dans le bilan pour l’année 2004, qui est le dernier bilan de la requérante ayant fait l’objet d’un audit, démontrent que sa situation financière continue à s’améliorer.

57      En effet, il ressort du bilan de la requérante au 31 décembre 2004 que, premièrement, le total de ses actifs circulants s’élève à 162 823 327 euros contre 110 998 647 euros en 2003 ; deuxièmement, le volume de ses créances s’élève à 117 886 208 euros contre 83 388 703 euros en 2003, et, troisièmement, les dettes envers les sociétés qui lui sont affiliées ont sensiblement diminué pour passer de 20 342 905 euros en 2003 à 9 857 293 euros en 2004. De plus, les revenus de ses ventes et prestations sont passés de 213 951 019 euros à 332 900 929 euros, ce qui représente une augmentation substantielle.

58      En outre, il ressort de la note complémentaire au bilan consolidé au 31 décembre 2004 du groupe dont la requérante fait partie que, en 2004, l’entreprise a recruté 19 nouveaux salariés. Par ailleurs, selon le rapport concernant ce même bilan, l’activité de production a été régulière et aucun obstacle d’aucune sorte n’est venu s’opposer à son bon déroulement. De plus, en ce qui concerne les prix de vente, dans la rubrique relative à l’évolution de la demande, il apparaît que la demande de ronds à béton est restée stable et que les prix de vente ont sensiblement augmenté jusqu’à la fin du mois de septembre, en raison de la rareté et de l’augmentation des coûts de la ferraille. Dans la rubrique relative à l’évolution générale du groupe dans la branche de production des aciers spéciaux, il apparaît que l’augmentation de la production a été de 32 % au lieu des 15 % prévus. Finalement, sous la rubrique « Recettes », il est indiqué que « les recettes ont marqué une forte augmentation par rapport à l’exercice précédent qui est principalement due à l’augmentation du prix moyen des ventes des produits constatée jusqu’au mois d’octobre 2004 ».

59      En outre, la société a réalisé un investissement dans un projet de développement d’une valeur de 1 079 444,09 euros. Enfin, il apparaît que, après la clôture de la période de référence, l’entreprise a décidé d’acheter la société Acciaieria Valsugana SpA, moyennant l’acquisition de 100 % de son capital social, et qu’elle prévoit d’investir 8 830 000 euros dans ladite société pour une nouvelle installation de coulée continue.

60      En troisième lieu, l’exécution forcée entreprise par la Commission ne concerne pas ses installations et ses machines, mais elle porte, d’une part, sur les créances dont la requérante est titulaire à l’égard de tiers et, d’autre part, sur ses stocks.

61      Or, force est de constater, ainsi qu’il ressort du bilan de la requérante pour l’année 2004 et sans que la requérante ait démontré à suffisance de droit que la situation ait changé en 2005, que le montant total des créances s’élève à 117 886 208 euros et que la valeur des stocks s’élève à 44 930 917 euros, soit des valeurs bien supérieures au montant de l’amende infligée par la Décision.

62      En quatrième lieu, même à supposer que l’exécution forcée de la Décision soit dirigée contre les installations et les machines de la requérante, dont la valeur s’élevait à 33 440 487 euros en 2004, elle n’a démontré ni que leur vente forcée, à concurrence du montant de l’amende, causerait sa disparition du marché, ni que l’exécution forcée de la Décision devrait se traduire par la saisie d’un élément d’actif irremplaçable et essentiel à la poursuite de l’activité de l’entreprise.

63      Il résulte des considérations qui précèdent que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit qu’elle se trouve dans une situation financière telle que le paiement immédiat de l’amende, soit en espèce, soit à la suite de l’exécution forcée de la Décision, serait susceptible de lui causer un préjudice grave et irréparable.

64      S’agissant de la demande de la requérante visant à obtenir une dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l’amende, dans l’Ordonnance, le juge des référés a conclu que la requérante n’avait pas fourni la preuve qu’il lui était impossible de constituer une garantie bancaire et que la constitution de cette garantie entraînerait sa disparition du marché (Ordonnance, points 53 et 54).

65      Comme il a été indiqué ci-dessus au point 46, il y a donc lieu d’examiner si la requérante, dans la présente demande en référé, a produit des éléments de preuve qui démontrent l’existence de faits nouveaux de nature à établir une telle impossibilité ou un risque de disparition du marché.

66      En premier lieu, la requérante a produit trois lettres des 20 et 21 janvier et du 7 mai 2003, selon lesquelles deux banques refuseraient l’octroi de la garantie bancaire sollicitée.

67      Cependant, comme la Commission le fait valoir à juste titre, il s’agit des lettres déjà produites lors de la première demande en référé et que le juge des référés a considérées comme insuffisantes pour établir l’impossibilité pour la requérante d’obtenir la garantie.

68      En second lieu, la requérante a produit, en annexe à sa demande en référé, une lettre du 17 novembre 2003, par laquelle une banque, qui avait déjà refusé de lui accorder une garantie par lettres du 21 janvier et du 7 mai 2003, refuse de lui accorder toute garantie, indépendamment de la production d’une sûreté spécifique.

69      Il y a lieu de constater que, dans sa lettre du 17 novembre 2003, la banque en cause ne pouvait pas tenir compte de la poursuite de l’amélioration partielle de la situation financière de la requérante. Par ailleurs, la requérante n’a pas démontré qu’elle avait demandé une nouvelle fois l’octroi de la garantie requise à cette banque depuis lors et rien dans le dossier ne démontre que cette banque se serait encore refusée à lui fournir cette garantie.

70      La requérante a produit, en annexe à ses observations, deux lettres, dont l’une, du 22 novembre 2005, par laquelle une autre banque, qui avait déjà refusé de lui accorder une garantie par lettre du 20 janvier 2003, se refuse à octroyer toute garantie, même couverte par un nantissement sur les machines de la requérante, et l’autre, du 23 novembre 2005, par laquelle une troisième banque se refuse à lui accorder toute garantie, à défaut de sûretés.

71      En ce qui concerne la lettre du 23 novembre 2005, la Commission fait observer à juste titre qu’elle envisage le cas de l’absence de constitution de sûretés de la part de la requérante et que, par conséquent, elle ne peut prouver que la même banque n’aurait pas accordé la garantie à la requérante si cette dernière lui avait offert les sûretés adéquates.

72      Force est donc de constater que la requérante n’a fourni qu’une seule lettre, à savoir celle du 22 novembre 2005, de la part d’une banque se refusant à lui accorder toute garantie, même couverte par des sûretés constituées par la requérante. Or, la production d’une lettre unique de refus par une seule banque, vu la situation financière de la requérante ainsi qu’elle résulte des points 57 à 59 ci‑dessus, ne saurait être suffisante pour conclure qu’il est impossible pour la requérante de trouver d’autres banques disposées à lui fournir la garantie sollicitée.

73      En outre, la requérante soutient dans sa demande qu’elle a contacté plusieurs banques et que, compte tenu du caractère délicat de l’affaire, celles-ci se seraient refusées à lui répondre par écrit.

74      Or, rien dans le dossier ne permet au juge des référés de vérifier l’exactitude de ces allégations.

75      Il en résulte que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit qu’il lui était objectivement impossible de constituer une garantie bancaire.

76      Enfin, la requérante confirme elle-même dans sa demande en référé que la constitution de la garantie ne serait pas en mesure de mettre en péril son existence.

77      Il découle de ce qui précède, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une mesure d’instruction ou une mesure d’organisation de la procédure supplémentaire, que la requérante n’est pas parvenue à établir à suffisance de droit que, à défaut d’un sursis à l’exécution forcée de la Décision, elle subirait un préjudice grave et irréparable.

78      La requérante n’ayant pas établi l’urgence nécessaire pour l’octroi du sursis à exécution demandé, il y a lieu de rejeter la présente demande, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions d’octroi des mesures provisoires sont remplies.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 24 janvier 2006.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      B. Vesterdorf


* Langue de procédure : l’italien.