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CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 12 mars 2020 (1)

Affaire C606/18 P

Nexans France et

Nexans

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Marché des câbles électriques – Répartition à une échelle quasi mondiale des marchés et des clients dans le secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et sous-marins – Pouvoirs d’inspection de la Commission européenne en matière d’ententes – Pouvoir de copier des données sans examen préalable et de les examiner ensuite dans les locaux de la Commission – Fixation de l’amende – Exercice de la compétence de pleine juridiction aux fins du contrôle de l’amende par le Tribunal de l’Union européenne »






Table des matières


I. Introduction

II. Le cadre juridique

III. Les antécédents du litige

A. Les faits et la procédure administrative

B. La procédure en première instance

IV. La procédure devant la Cour

V. Appréciation

A. Sur les griefs relatifs aux pouvoirs d’inspection de la Commission en matière d’ententes (premier à troisième moyens)

1. Sur le déroulement de l’inspection dans la présente affaire

2. Sur la réalisation de copies sans examen préalable en vertu des pouvoirs d’inspection de la Commission (premier moyen)

a) Sur la recevabilité et la pertinence du premier moyen

b) Sur le bienfondé du premier moyen

3. Sur la limitation géographique des pouvoirs d’inspection de la Commission (deuxième et troisième moyens)

a) Sur l’interprétation de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003 (deuxième moyen)

b) Sur la prétendue limitation géographique de l’inspection par la décision d’inspection ellemême (troisième moyen)

B. Sur les griefs relatifs à l’amende (quatrième et cinquième moyens)

1. Sur l’exercice de la compétence de pleine juridiction aux fins du contrôle de l’amende par le Tribunal (quatrième moyen)

2. Sur l’appréciation de la configuration européenne de l’entente aux fins de l’amende (cinquième moyen)

C. Résumé

VI. Les dépens

VII. Conclusion


I.      Introduction

1.        La Commission européenne peut-elle, dans le cadre d’une inspection en matière d’ententes au titre de l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 (2), réaliser des copies de données dans les locaux d’une entreprise sans vérifier au préalable si ces données sont pertinentes pour l’objet et le but de l’inspection en cause, et peut-elle ensuite emporter ces copies afin d’y rechercher ultérieurement, dans ses locaux à Bruxelles (Belgique), des informations pertinentes par rapport à cet objet et à ce but ? Telle est, en substance, la question juridique que la Cour est appelée à examiner dans le cadre de la présente procédure de pourvoi (3).

2.        Elle se pose dans le contexte d’une procédure relative à une entente dans le secteur des câbles électriques, dans le cadre de laquelle la Commission a, par décision du 2 avril 2014, sanctionné les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension et à très haute tension, dont Nexans France SAS et Nexans SA, les requérantes au présent pourvoi (ci‑après, collectivement, « Nexans »), pour avoir participé à une entente de portée quasi mondiale (ci‑après la « décision litigieuse ») (4).

3.        En première instance, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté le recours de Nexans contre la décision litigieuse par arrêt du 12 juillet 2018 (5) (ci‑après l’« arrêt attaqué »). Nexans reproche au Tribunal, à cet égard, non seulement une erreur de droit dans son interprétation des pouvoirs d’inspection de la Commission, mais aussi un exercice erroné et insuffisant de sa propre compétence de pleine juridiction aux fins du contrôle de l’amende fixée par la Commission.

4.        L’arrêt que la Cour est appelée à rendre dans la présente procédure de pourvoi sera, pour la pratique administrative future de la Commission en ce qui concerne les inspections en matière d’ententes, d’une importance qui ne saurait être sous-estimée.

II.    Le cadre juridique

5.        Le cadre juridique de cette affaire est déterminé par l’article 101 TFUE et le règlement no 1/2003.

6.        L’article 20 du règlement no 1/2003, intitulé « Pouvoirs de la Commission en matière d’inspection », prévoit, à ses paragraphes 1, 2 et 4 :

« 1.      Pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d’entreprises.

2.      Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoirs suivants :

a)      accéder à tous les locaux, terrains et moyens de transport des entreprises et associations d’entreprises ;

b)      contrôler les livres ainsi que tout autre document professionnel, quel qu’en soit le support ;

c)      prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents ;

d)      apposer des scellés sur tous les locaux commerciaux et livres ou documents pendant la durée de l’inspection et dans la mesure où cela est nécessaire aux fins de celle‑ci ;

e)      demander à tout représentant ou membre du personnel de l’entreprise ou de l’association d’entreprises des explications sur des faits ou documents en rapport avec l’objet et le but de l’inspection et enregistrer ses réponses.

4.      Les entreprises et associations d’entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l’objet et le but de l’inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues aux articles 23 et 24, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l’autorité de concurrence de l’État membre sur le territoire duquel l’inspection doit être effectuée. »

7.        L’article 21 du règlement no 1/2003, qui porte le titre « Inspection d’autres locaux », dispose à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1.      S’il existe un soupçon raisonnable que des livres ou autres documents professionnels liés au domaine faisant l’objet de l’inspection qui pourraient être pertinents pour prouver une violation grave de l’article 81 ou 82 du traité sont conservés dans d’autres locaux, terrains et moyens de transport, y compris au domicile des chefs d’entreprises, des dirigeants et des autres membres du personnel des entreprises et associations d’entreprises concernées, la Commission peut ordonner par voie de décision qu’il soit procédé à une inspection dans ces autres locaux, terrains et moyens de transport.

4.      Les agents et les autres personnes les accompagnant mandatés par la Commission pour procéder à une inspection ordonnée conformément au paragraphe 1 disposent des pouvoirs définis à l’article 20, paragraphe 2, points a), b) et c). […] »

III. Les antécédents du litige

A.      Les faits et la procédure administrative

8.        Au mois d’octobre 2008, l’entreprise ABB a dénoncé auprès de la Commission des pratiques anticoncurrentielles sur le marché des câbles électriques souterrains et sous-marins (6).

9.        Par la suite, la Commission a, par décision C(2009) 92/1 du 9 janvier 2009, ordonné à Nexans et à toutes les entreprises contrôlées par elle, de se soumettre à une inspection, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement no 1/2003 (ci‑après la « décision d’inspection ») (7). Du 28 au 30 janvier 2009, ainsi que le 3 février 2009, la Commission a ensuite procédé à l’inspection dans les locaux de Nexans France (8). Lors de cette inspection, elle a copié certaines données qu’elle n’a analysées qu’ultérieurement à Bruxelles (9).

10.      Par son arrêt du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (10), le Tribunal a partiellement annulé la décision d’inspection adressée à Nexans, pour autant qu’elle concernait des câbles électriques autres que les câbles électriques sous-marins et souterrains de haute tension et le matériel associé à ces autres câbles ; le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus. Nexans a été déboutée du pourvoi qu’elle a introduit contre cet arrêt (11). Les questions soulevées dans la présente affaire, qui concernent la légalité de la méthode suivie par la Commission au cours de l’inspection, n’ont pas été abordées dans ces arrêts (12).

11.      Le 2 avril 2014, la Commission a adopté la décision litigieuse. Selon cette décision, les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques sous-marins et souterrains ont participé, au cours de périodes différentes comprises entre le mois de février 1999 et la fin du mois de janvier 2009, à une entente dans le secteur des câbles électriques à (très) haute tension souterrains et/ou sous-marins qui revêtait deux configurations : d’une part, la « configuration A/R de l’entente », qui regroupait les entreprises européennes, japonaises et sud-coréennes et avait pour objectif de partager des territoires et des clientèles entre ces producteurs et, d’autre part, la « configuration européenne de l’entente », qui impliquait le partage de territoires et de clients par les producteurs européens sur le « territoire national » de ceux‑ci (13).

12.      Aux fins du calcul du montant de base des amendes, la Commission a retenu un taux de 15 % de la valeur des ventes pertinentes, eu égard à la gravité de l’infraction constituée par le partage du marché. De plus, elle a appliqué une majoration de 2 % du coefficient de gravité pour l’ensemble des destinataires en raison de la part de marché cumulée ainsi que de la portée géographique quasi mondiale de l’entente, qui couvrait notamment l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen (EEE). Enfin, elle a considéré que le comportement des entreprises européennes avait été encore plus préjudiciable que celui des autres entreprises, en ce que, outre leur participation à la « configuration A/R de l’entente », les premières avaient partagé entre elles des projets dans le cadre de la « configuration européenne de l’entente ». Pour cette raison, elle a encore majoré de 2 % la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération au titre de la gravité de l’infraction pour les entreprises européennes (14).

B.      La procédure en première instance

13.      Le 17 juin 2014, Nexans a introduit, en première instance, un recours en annulation contre la décision litigieuse devant le Tribunal. Par l’arrêt attaqué, rendu le 12 juillet 2018, le Tribunal a rejeté le recours, en condamnant Nexans aux dépens.

IV.    La procédure devant la Cour

14.      Par requête du 24 septembre 2018, Nexans a formé un pourvoi contre l’arrêt attaqué.

15.      Nexans conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        renvoyer l’affaire au Tribunal afin qu’il se prononce sur le recours en annulation de la décision litigieuse pour autant qu’elle concerne Nexans ;

–        réduire les amendes infligées à Nexans à concurrence d’un montant correspondant à un coefficient de gravité réduit et

–        condamner la Commission aux dépens exposés dans le cadre de la procédure de pourvoi et de la procédure devant le Tribunal.

16.      Pour sa part, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le pourvoi dans son intégralité comme étant en partie irrecevable et, en tout état de cause, inopérant et/ou totalement dénué de fondement et

–        condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux de première instance.

17.      Devant la Cour, le pourvoi a fait l’objet d’une procédure écrite et d’une audience qui s’est tenue le 16 octobre 2019.

V.      Appréciation

18.      À l’appui de son pourvoi, Nexans invoque cinq moyens au total, parmi lesquels les trois premiers concernent les pouvoirs d’inspection de la Commission en matière d’ententes (voir, ci‑après, sous A). En outre, les deux derniers moyens portent sur la fixation de l’amende (voir, ci‑dessous, sous B).

A.      Sur les griefs relatifs aux pouvoirs d’inspection de la Commission en matière d’ententes (premier à troisième moyens)

19.      À notre connaissance, le présent pourvoi soulève pour la première fois la question de savoir si le règlement no 1/2003 confère à la Commission, dans le cadre d’une inspection en matière d’ententes, le pouvoir non seulement de consulter et d’analyser les originaux de données sur place, dans les locaux de l’entreprise concernée, mais aussi d’en faire des copies et de rechercher ultérieurement dans celles‑ci, dans ses locaux à Bruxelles, des documents pertinents pour l’objet et le but de l’inspection en cause, lesquels seront ensuite versés au dossier.

20.      Telle est la méthode que la Commission a suivie en l’espèce et qui a été validée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. Par ses premier à troisième moyens, Nexans reproche au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit à cet égard.

21.      D’une part, Nexans critique le fait que la Commission a copié des données sans avoir vérifié au préalable si elles étaient pertinentes pour l’objet et le but de l’inspection (premier moyen). D’autre part, Nexans considère que, en l’absence de base juridique, la Commission n’était pas autorisée à poursuivre l’inspection à Bruxelles, en dehors des locaux de l’entreprise (deuxième moyen). De plus, selon Nexans, cela n’était pas couvert par la décision d’inspection elle‑même (troisième moyen).

22.      Avant d’analyser ces moyens, il est utile d’exposer brièvement comment l’inspection de la Commission et l’examen ultérieur des données copiées au cours de cette inspection se sont déroulés concrètement en l’espèce.

1.      Sur le déroulement de l’inspection dans la présente affaire 

23.      Selon les constatations de fait du Tribunal aux points 42 à 47 de l’arrêt attaqué (15), qui ne sont pas contestées par Nexans dans le cadre du présent pourvoi, l’inspection effectuée par la Commission du mercredi 28 au vendredi 30 janvier et le mardi 3 février 2009 dans les locaux de Nexans France et l’examen ultérieur, dans les locaux de la Commission à Bruxelles, des données copiées dans le cadre de cette inspection se sont déroulés comme suit.

24.      Après leur arrivée chez Nexans, les inspecteurs ont exprimé le souhait d’examiner les documents ainsi que les ordinateurs de certains employés, à savoir MM. R, B et J. Toutefois, M. J était en voyage à ce moment-là. À l’aide de la technologie de l’investigation numérique légale, la Commission a ensuite pris des copies-images des disques durs des ordinateurs de MM. R, B et D dans la salle de réunion mise à sa disposition afin de pouvoir, après indexation, effectuer une recherche par mots-clés. L’indexation devait être achevée le deuxième jour. À la fin du premier jour de l’inspection, la Commission a mis sous scellés le bureau de M. J et la salle de réunion. Le deuxième jour de l’inspection, elle a poursuivi la recherche des informations sur les copies-images. À la fin de la journée, la salle de réunion mise à la disposition de la Commission a à nouveau été placée sous scellés.

25.      L’accès à l’ordinateur de M. J n’a été possible qu’après le retour de congé de ce dernier le troisième jour de l’inspection, à savoir le vendredi 30 janvier 2009. Dans un premier temps, aucune image du contenu dudit ordinateur n’a été réalisée. La mise en œuvre de la technologie de l’investigation numérique légale a cependant permis de consulter les fichiers, documents et courriers électroniques qui avaient été supprimés du disque dur de cet ordinateur et de constater que ces documents étaient pertinents pour l’enquête. Les inspecteurs ont décidé de faire également une copie-image de ce disque dur, mais, à ce moment de l’enquête, ils ne disposaient plus du temps suffisant pour réaliser une telle copie. Des données choisies ont donc été copiées sur des supports informatiques d’enregistrement de données, lesquels ont ensuite été placés dans des enveloppes, scellés et emportés à Bruxelles. L’ordinateur de M. J ainsi qu’un support informatique d’enregistrement de données trouvé dans son bureau ont été laissés dans une armoire scellée chez Nexans France. Le contenu des disques durs des ordinateurs de la Commission utilisés aux fins des recherches a, ensuite, été effacé et ces disques ne contenaient plus, après cette opération, aucun des fichiers pris au cours de l’inspection.

26.      Les représentants de la Commission sont ensuite retournés dans les locaux de Nexans France le mardi 3 février 2009 ; ils ont ouvert l’armoire sous scellés et effectué des copies-images du disque dur de l’ordinateur de M. J, puis ils les ont emportées à Bruxelles dans des enveloppes scellées.

27.      Par la suite, la Commission a, le 2 mars 2009, ouvert les enveloppes scellées dans ses bureaux à Bruxelles en présence des avocats de Nexans. La Commission a examiné les supports informatiques d’enregistrement de données qu’elles contenaient pendant huit jours ouvrables, jusqu’au 11 mars 2009 inclus. La pièce dans laquelle l’examen se déroulait était descellée tous les jours avant le début de l’examen et scellée à nouveau à la fin de celui‑ci ; les avocats de Nexans étaient présents à tout moment pendant ces opérations. Les documents enregistrés sur les supports informatiques d’enregistrement de données ont été examinés et les inspecteurs ont imprimé sur papier ceux qu’ils ont estimé pertinents pour l’enquête. Une seconde copie papier et une liste de ces documents ont été remises aux avocats de Nexans. À la fin de ces opérations, le contenu des disques durs des ordinateurs sur lesquels les inspecteurs de la Commission avaient travaillé a été effacé.

28.      Dans le cadre du présent pourvoi, les requérantes reconnaissent que la Commission n’a pas versé au dossier de données ou de documents sans examen préalable. Elles n’invoquent pas non plus la violation de leurs droits de la défense et ne contestent pas le fait que, lors de l’examen des données copiées chez Nexans dans les locaux de la Commission à Bruxelles, les mêmes garanties procédurales (en ce qui concerne, par exemple, la mise sous scellés de tous les objets examinés et la présence des avocats) que celles qui se seraient appliquées lors d’un examen dans leurs propres locaux ont été assurées. Les requérantes considèrent cependant que la méthode suivie par la Commission ne relevait pas des pouvoirs que le règlement no 1/2003 confère à cette institution. La Commission aurait donc commis un excès de pouvoir et le fait qu’il n’y a pas eu de violation des droits de la défense en l’espèce n’y changerait rien.

2.      Sur la réalisation de copies sans examen préalable en vertu des pouvoirs d’inspection de la Commission (premier moyen)

29.      En substance, les trois premiers moyens de Nexans tournent tous autour de la question de savoir si la Commission peut, dans le cadre d’une inspection, faire des copies de disques durs sans les avoir préalablement examinés et sans avoir extrait uniquement les données pertinentes pour l’enquête, et si elle peut ensuite emporter ces copies dans ses propres locaux à Bruxelles et les examiner là‑bas. Par son premier moyen, Nexans conteste d’abord spécifiquement le pouvoir de la Commission de réaliser des copies de données dont la pertinence pour l’enquête en cause n’a pas été vérifiée au préalable.

30.      Dans ce contexte, il paraît justifié d’analyser séparément les opérations de copie de données sans examen préalable, d’une part, et d’examen ultérieur, dans les locaux de la Commission, des copies ainsi réalisées, d’autre part, bien que ces opérations soient, indubitablement, étroitement liées. En effet, il est tout à fait concevable que la Commission copie des données sans les avoir préalablement examinées, afin de les examiner ensuite sur place. C’est d’ailleurs en partie de cette façon qu’elle a procédé en l’espèce (16). Une telle manière d’agir permet notamment de libérer des postes de travail et des ressources au cours d’une inspection.

31.      Avant d’analyser le bien‑fondé du premier moyen, il convient cependant d’examiner d’abord trois objections de la Commission en ce qui concerne la recevabilité et la pertinence de celui‑ci.

a)      Sur la recevabilité et la pertinence du premier moyen 

32.      La Commission met tout d’abord en doute la recevabilité du premier moyen au motif qu’il viserait à obtenir un simple réexamen du recours introduit devant le Tribunal.

33.      Toutefois, cette objection ne saurait convaincre dans la mesure où, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi (17).

34.      En l’espèce, le premier moyen, qui soulève la question de savoir si la Commission peut réaliser des copies de disques durs qu’elle n’a pas préalablement examinés, concerne l’étendue des pouvoirs de cette institution au titre de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 et, partant, un point de droit. Les requérantes sont donc tenues de réitérer l’argumentation qu’elles avaient présentée à ce sujet en première instance et de se fonder sur les arguments déjà avancés dans ce cadre pour amener la Cour à répondre à cette question d’interprétation.

35.      La Commission fait valoir ensuite que les requérantes ont invoqué pour la première fois dans le présent pourvoi le grief tiré de la violation de la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients.

36.      Ce grief ne peut pas non plus être retenu.

37.      Certes, d’après les dispositions combinées de l’article 127, paragraphe 1, et de l’article 190 du règlement de procédure de la Cour, il est interdit d’invoquer des moyens nouveaux dans le cadre d’un pourvoi. Toutefois, cela vise simplement à éviter une extension de l’objet du litige par rapport aux moyens débattus en première instance (18). Par conséquent, un argument est recevable s’il ne constitue que l’ampliation d’une argumentation déjà développée dans la requête devant le Tribunal (19).

38.      En l’espèce, l’argument selon lequel la copie de documents sans examen préalable peut s’accompagner d’une atteinte à la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients, compte tenu du fait que des documents protégés par ce privilège pourraient également être copiés à cette occasion, est si étroitement lié au premier moyen qu’il ne constitue pas un moyen nouveau distinct. Cette argumentation complète plutôt la critique du procédé consistant à copier des données sans les examiner au préalable, en indiquant les conséquences qui peuvent s’y rattacher.

39.      Enfin, la Commission est d’avis que le premier moyen est inopérant, étant donné que les requérantes ne contestent pas les constatations du Tribunal figurant aux points 52 à 59 de l’arrêt attaqué. Selon ces constatations, la copie de données n’est qu’une étape technique intermédiaire qui est nécessaire aux fins de l’indexation de ces données et, en tout état de cause, la Commission n’a pas versé de documents au dossier d’instruction sans avoir vérifié au préalable leur pertinence au regard de l’objet de l’inspection. La Commission estime par conséquent que, même s’il était constaté que la réalisation préalable de copies était illégale, il n’en résulterait pas que les éléments de preuve en question ne pourraient pas être exploités.

40.      Cette objection doit également être rejetée.

41.      D’une part, la question de savoir si un pourvoi est intégralement ou partiellement inopérant touche, en effet, au bien‑fondé de ce pourvoi et ne peut donc pas être discutée séparément du bien-fondé des différents griefs soulevés par le pourvoi (20).

42.      D’autre part, la constatation du fait que la Commission n’était pas autorisée à copier des données sans les avoir examinées au préalable pourrait fort bien avoir une incidence sur la validité de l’arrêt attaqué ainsi que sur celle de la décision litigieuse. En effet, même si, au terme du processus, la Commission a versé au dossier uniquement des documents vérifiés, il n’en demeure pas moins que c’est seulement grâce à la copie intégrale des disques durs que les copies ont pu être emportées à Bruxelles et que les éléments de preuve pertinents ont pu y être découverts. Si la copie initiale ne relevait pas des pouvoirs de la Commission, cela soulèverait donc nécessairement la question de savoir si les éléments de preuve sur lesquels repose la décision litigieuse pouvaient être exploités.

43.      Le premier moyen du pourvoi est donc recevable et pourrait, s’il s’avérait bien fondé, parfaitement aboutir, le cas échéant, à l’annulation de l’arrêt attaqué et de la décision litigieuse.

b)      Sur le bienfondé du premier moyen

44.      Le principal grief invoqué par Nexans dans le cadre de son premier moyen est fondé sur le fait que le libellé et l’économie de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 prévoiraient une chronologie à respecter impérativement pour ce qui est des opérations effectuées pendant une inspection. Selon cette chronologie, il faudrait d’abord, dans un premier temps, vérifier la pertinence, pour l’enquête en question, de l’ensemble des données et des documents consultés dans les locaux d’une entreprise, avant de pouvoir, dans un second temps, prendre copie des seuls documents et données qui ont été jugés pertinents et qui doivent dès lors être versés au dossier.

45.      Aux points 52 à 59 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté cet argument en jugeant, en substance, qu’il ne ressortait pas de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003 que le pouvoir de la Commission de prendre copie des livres et des documents professionnels d’une entreprise inspectée se limitait aux livres et documents professionnels qu’elle avait déjà contrôlés. Selon le Tribunal, la réalisation de copies sans examen préalable relève au contraire des pouvoirs prévus à l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003 dès lors que la prise de ces copies vise à permettre le bon déroulement de l’enquête et, notamment, l’indexation de données grâce à l’emploi de la technologie de l’investigation numérique et que, en fin de compte, aucun document n’est versé au dossier d’instruction sans que sa pertinence au regard de l’objet de l’inspection en cause ait été vérifiée au préalable.

46.      Aucune erreur de droit ne peut être décelée dans ce raisonnement.

47.      Ainsi, il convient de constater, tout d’abord, que l’argument de Nexans fondé sur le libellé de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003 est certes pertinent pour ce qui est de la version de ce règlement dans la langue de procédure du présent pourvoi, à savoir l’anglais, ainsi que pour certaines autres versions linguistiques, mais qu’il ne résiste pas, en définitive, à un examen global de l’ensemble des versions linguistiques du règlement no 1/2003.

48.      En effet, Nexans fait valoir qu’il découle de l’emploi des termes « ces livres ou documents » dans les versions linguistiques concernées de l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1/2003 que le pouvoir de réaliser des copies qui y est prévu se rapporte uniquement aux livres ou documents professionnels mentionnés au point b) de ce même paragraphe et déjà examinés conformément à cette disposition.

49.      La Commission rétorque à cela que l’emploi des termes « ces livres ou documents » dans les versions linguistiques concernées de l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1/2003 s’explique au contraire par l’intention de faire référence aux « livres ainsi que tout autre document professionnel » mentionnés au point b) de ce même paragraphe.

50.      À y regarder de plus près, il s’avère cependant qu’aussi bien la première que la seconde argumentation trouvent uniquement appui dans certaines et non dans toutes les versions linguistiques de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003, tandis que le tableau général qui se dégage de l’examen global de ces versions linguistiques est, au contraire, peu concluant pour ce qui est des renvois figurant dans cette disposition. En effet, d’une part, si la plupart des versions linguistiques de l’article 20, paragraphe 2, sous c), établissent, en employant le terme « ces » ou des termes similaires, un lien avec le point b) précédent (21), cela est loin d’être le cas de toutes les versions de cette disposition (22) et, d’autre part, les termes « document professionnel » utilisés au point b) sont tout simplement répétés dans certaines versions linguistiques du point c) (23).

51.      Il semble que l’interprétation en vertu de laquelle l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1/2003 permet uniquement de copier des documents examinés au préalable conformément au point b) de ce même paragraphe ne soit expressément corroborée que par le libellé de la version portugaise de l’article 20, paragraphe 2, sous c), qui parle de « documents contrôlés » (24). Étant donné que toutes les autres versions linguistiques ne sont pas claires sur ce point, il n’est cependant pas possible de tirer du libellé de la seule version portugaise des conclusions quant à la volonté de l’auteur de cette disposition (25).

52.      Dans ces conditions, il y a lieu, au contraire, de considérer que le libellé de l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), ne permet tout simplement pas, à lui seul, de savoir si le pouvoir de réaliser des copies qui est prévu au point c) se rapporte ou non uniquement aux documents déjà examinés conformément au point b). Il convient dès lors, pour déterminer quelle était à cet égard la volonté de l’auteur de cette disposition, de s’attacher à l’économie et au contexte de la réglementation dont elle fait partie, ainsi qu’aux objectifs que ladite réglementation poursuit (26).

53.      À ce propos, il convient de relever d’abord, d’une part, que la Commission dispose des pouvoirs d’inspection prévus par le règlement no 1/2003 dans le but de lui permettre d’accomplir sa mission consistant à protéger le marché commun des distorsions de concurrence et à sanctionner d’éventuelles infractions aux règles de concurrence dans ce marché (27).

54.      D’autre part, il importe de rappeler que si, en matière d’ententes, la procédure contentieuse n’est engagée que par la communication des griefs, la Cour a néanmoins expressément précisé que les droits de la défense des entreprises concernées devaient déjà être respectés au cours de la procédure d’enquête préalable. En effet, comme le Tribunal l’a également exposé à juste titre au point 80 de l’arrêt attaqué, il importe d’éviter que les droits de la défense puissent être irrémédiablement compromis dans le cadre de procédures d’enquête préalable. Il en est notamment ainsi dans le cas des inspections qui peuvent avoir un caractère déterminant pour la conservation des preuves du caractère illégal de comportements d’entreprises (28). Les pouvoirs dont la Commission dispose dans le cadre des inspections sont dès lors bien délimités (29).

55.      De même, les décisions d’inspection sont soumises à des exigences de motivation strictes. Certes, la Commission n’est pas tenue de présenter déjà à ce stade un avis juridique complet et définitif sur les faits qui sont reprochés aux entreprises concernées (30) et elle a aussi le droit de rechercher des éléments d’information qui ne sont pas encore connus ou pleinement identifiés (31). Toutefois, elle doit indiquer, dans ses décisions d’inspection, l’objet et le but de l’inspection en cause, afin que les entreprises concernées soient mises en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de défense (32). La Commission doit donc indiquer, avec autant de précision que possible, ce qui est recherché et les éléments sur lesquels doit porter l’inspection et elle ne peut en aucun cas effectuer des inspections à tout hasard, en l’absence de soupçons concrets – ce que l’on appelle des « fishing expeditions » (33).

56.      Par voie de conséquence, la Commission peut uniquement rechercher, dans le cadre d’une inspection, des documents qui sont pertinents pour l’objet et le but indiqués dans la décision d’inspection et ne peut verser au dossier et utiliser ultérieurement, à titre de preuves, que de tels documents. En effet, c’est le seul moyen de garantir qu’aucune preuve obtenue en violation des droits de la défense des entreprises concernées ne soit utilisée dans la procédure ultérieure en matière d’ententes (34). C’est également la raison pour laquelle des éléments qui ont été recueillis incidemment par la Commission dans le cadre d’une inspection et qui concernent un objet autre que celui de cette inspection peuvent uniquement être utilisés pour étayer un soupçon initial et ouvrir une nouvelle enquête ayant un objet différent (35).

57.      Compte tenu de ce qui précède, il est certes évident que la Commission ne peut en aucun cas verser des documents au dossier et, partant, les utiliser à titre de preuves par la suite si elle n’a pas vérifié au préalable leur pertinence au regard de l’objet de l’inspection en cause. En effet, dans le cas contraire, l’ensemble des garanties procédurales dont bénéficient les entreprises concernées seraient vidées de leur substance et la porte serait grande ouverte à l’utilisation de preuves obtenues illégalement.

58.      Il ressort donc indubitablement de l’économie de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 qu’il existe un ordre logique des étapes procédurales à suivre dans le cadre d’une inspection, en ce sens que ce n’est, dans tous les cas, que lorsque la pertinence des données et des documents pour l’objet de l’enquête concernée a été vérifiée qu’ils peuvent être versés au dossier de la Commission. Contrairement à ce que soutient Nexans, il ne ressort en revanche pas de l’article 20, paragraphe 2, qu’il existerait un ordre chronologique obligatoire voulant que les données devraient toujours être examinées avant de pouvoir être copiées. Il en est en particulier ainsi lorsque les copies ne sont réalisées, dans un premier temps, qu’à de simples fins d’examen.

59.      Dans un tel cas, il paraît disproportionné de restreindre les pouvoirs de la Commission en la privant de la possibilité de copier des données sans les avoir examinées au préalable, dès lors qu’il est garanti qu’il ne s’agit là que d’une étape technique intermédiaire dans le cadre de l’examen de ces données et que, en fin de compte, aucun document n’est versé au dossier sans examen préalable. Les requérantes ne contestent pas que tel a été le cas en l’espèce (36).

60.      Certes, une inspection s’accompagne d’une ingérence dans la sphère privée de l’entreprise et l’exigence d’une protection contre des interventions arbitraires ou disproportionnées de la puissance publique dans la sphère d’activité privée d’une personne, qu’elle soit physique ou morale, constitue un principe général du droit de l’Union (37), désormais codifié à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

61.      Cela n’implique cependant pas que les pouvoirs de la Commission dans le cadre de l’article 20 du règlement no 1/2003 doivent per se être interprétés de manière restrictive, comme le soutient Nexans. Ces pouvoirs doivent plutôt être interprétés et utilisés de manière à assurer le strict respect des droits des entreprises concernées. En effet, les restrictions auxquelles l’exercice des pouvoirs de la Commission est soumis dans ce cadre ne sont pas une fin en soi, mais visent à garantir le respect de ces droits (38).

62.      Or, les droits de la défense et la protection de droits tels que la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients, opposée par Nexans, ou le droit à la protection de la vie privée invoqué dans l’affaire parallèle Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission (39) sont garantis lorsque, comme dans la présente affaire, la Commission copie certes des données sans examen préalable, mais vérifie ensuite, dans le strict respect des droits de la défense applicables des entreprises concernées, c’est‑à‑dire, en particulier, exclusivement en présence de leurs avocats, si ces données sont pertinentes pour l’objet de l’inspection, avant de verser au dossier les documents jugés pertinents à cet égard et d’effacer les autres données copiées.

63.      En effet, même si des données privées ou des données protégées par la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients figuraient également sur les disques durs professionnels et étaient copiées dans un premier temps, les documents susceptibles de servir de preuve sont, dans le cadre de cette méthode, séparés des autres données lors du tri qui a lieu après la copie et ces dernières sont effacées, comme cela a également été fait dans la présente affaire (40). Par conséquent, une telle copie à des fins de tri ne constitue pas une ingérence plus importante que le tri lui‑même.

64.      En outre, contrairement aux allégations sous‑jacentes des requérantes, la Commission, comme elle l’affirme dans le cadre du présent pourvoi, sans être contredite par les requérantes, n’a d’ailleurs en aucune façon « aspiré », arbitrairement, indistinctement et au hasard, toutes les données se trouvant sur tous les supports de données et disques de Nexans, littéralement comme si elle avait utilisé un aspirateur de données géant. La Commission n’a au contraire copié que des données qui avaient été préalablement considérées comme potentiellement pertinentes pour l’objet de l’enquête, parce qu’elles se trouvaient sur des ordinateurs ou des supports de données appartenant à des personnes qui avaient joué un rôle déterminant dans le cadre de l’infraction présumée que l’inspection visait à mettre au jour (41).

65.      Par ailleurs, comme la Commission le souligne également à juste titre, l’indexation de données au moyen de la technologie de l’investigation numérique et la visualisation ultérieure des données ainsi indexées peuvent prendre un temps considérable. Cela est d’autant plus vrai dans la mesure où les entreprises stockent aujourd’hui des quantités importantes de données sous format électronique. Par conséquent, il paraît tout à fait raisonnable de copier des données afin de pouvoir libérer immédiatement les appareils ou les supports sur lesquels ces données étaient initialement stockées et de ne pas bloquer ces derniers pendant toute la durée de l’inspection.

66.      Dans ces conditions, une interdiction générale de copier des données sans les examiner au préalable constituerait un obstacle disproportionné et, partant, injustifié à l’exercice des pouvoirs d’inspection de la Commission, qui irait au‑delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits des entreprises concernées. Une telle interdiction restreindrait dès lors indûment l’effet utile des inspections comme instrument nécessaire pour permettre à la Commission d’exercer ses fonctions de gardienne du traité en matière de concurrence (42).

67.      En conclusion, la Commission est donc autorisée, en vertu de l’article 20, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1/2003, à réaliser des copies de données à titre d’étape intermédiaire en vue de l’analyse des données concernées, dès lors que cela apparaît approprié aux fins de l’inspection en cause, qu’aucune donnée n’est finalement versée au dossier sans que sa pertinence pour l’objet de l’inspection en question ait été vérifiée au préalable et que toutes les autres données sont effacées après ce tri. Si le respect de ces conditions est garanti, il ne semble pas nécessaire d’exiger de la Commission qu’elle démontre que la copie des données était non seulement appropriée mais aussi indispensable, car il aurait été impossible d’effectuer l’inspection sans la copie préalable des données.

68.      Eu égard aux développements qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

3.      Sur la limitation géographique des pouvoirs d’inspection de la Commission (deuxième et troisième moyens)

69.      Les considérations qui précèdent ne permettent cependant pas encore de répondre à la question de savoir si la Commission doit ensuite examiner les données copiées dans les locaux de l’entreprise ou si elle peut examiner ces données dans ses propres locaux à Bruxelles.

70.      Par leurs deuxième et troisième moyens, les requérantes s’opposent à une inspection dans les locaux de la Commission, en s’appuyant notamment sur le libellé de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003, sur des incohérences systématiques en cas d’interprétation large et sur le libellé de la décision d’inspection elle‑même.

a)      Sur l’interprétation de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003 (deuxième moyen)

71.      Aux points 60 à 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argumentation de Nexans selon laquelle la Commission ne dispose pas du pouvoir d’examiner ultérieurement, dans ses locaux à Bruxelles, les données copiées dans le cadre d’une inspection effectuée auprès d’une entreprise, en jugeant, en substance, qu’il ne ressortait pas de l’article 20, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1/2003 que le contrôle des livres et documents professionnels d’une entreprise devait s’effectuer exclusivement dans les locaux de celle‑ci. Selon le Tribunal, cette disposition oblige uniquement la Commission à respecter, lors du contrôle des documents dans ses locaux, les mêmes garanties à l’égard des entreprises inspectées que celles qui s’imposent à elle lors d’un contrôle sur place, ce qui a été le cas en l’espèce.

72.      Ce raisonnement n’est pas non plus entaché d’une erreur de droit.

73.      Tout d’abord, contrairement à ce que soutient Nexans, il ne ressort pas du libellé de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, aux termes duquel la Commission « peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises », que l’ensemble de l’inspection doit nécessairement avoir lieu dans les locaux de l’entreprise.

74.      Il est vrai que, en utilisant les termes « auprès des entreprises », le libellé de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 établit un lien avec les locaux des entreprises inspectées. Toutefois, cela est tout à fait logique, puisqu’une inspection débute nécessairement dans les locaux d’une entreprise. En revanche, cette formulation n’exclut pas que des données copiées dans les locaux d’une entreprise soient ensuite examinées dans les locaux de la Commission afin de déterminer si elles sont pertinentes par rapport à l’objet de l’inspection en cause.

75.      Il en va de même de l’économie générale de l’article 20, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Il ressort certes de ladite économie que le législateur a voulu prévoir, par cette disposition, les pouvoirs nécessaires (accès aux locaux, contrôle des documents, réalisation de copies, apposition de scellés sur les locaux et les documents ainsi que interrogation des représentants de l’entreprise) pour que la Commission puisse procéder à des inspections dans les locaux des entreprises concernées. Toutefois, cela n’exclut pas non plus la poursuite, dans les locaux de la Commission, d’une inspection qui a débuté dans les locaux d’une entreprise.

76.      En effet, il n’apparaît pas qu’une inspection ainsi poursuivie dans les locaux de la Commission constituerait, par rapport à une inspection effectuée dans les locaux mêmes des entreprises, une ingérence supplémentaire dans les droits des entreprises concernées, qui serait d’une gravité telle que le pouvoir y afférent devrait être explicitement prévu et ne pourrait pas être implicitement déduit des pouvoirs prévus à l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003, lorsque ceux‑ci sont interprétés à la lumière de la nécessité de préserver les droits des entreprises concernées.

77.      Cela est d’autant plus vrai que les pouvoirs prévus par le règlement no 1/2003 visent, comme déjà indiqué, à permettre à la Commission de lutter efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles (43). Compte tenu, précisément, du volume des données électroniques qui sont produites et stockées par les entreprises, lequel a encore considérablement augmenté depuis l’entrée en vigueur du règlement no 1/2003, il semble donc parfaitement justifié de permettre à la Commission de procéder à l’examen, chronophage, de telles données dans ses propres locaux, afin d’éviter d’immobiliser indûment le personnel de la Commission dans les locaux des entreprises inspectées, ce qui pourrait d’ailleurs entraîner des coûts élevés.

78.      Dans ces conditions, il ne s’impose certes pas de limiter le pouvoir de la Commission d’examiner des données dans ses propres locaux aux cas où il est impossible, pour des raisons techniques par exemple, d’examiner les données concernées sur place. Toutefois, la méthode de la Commission consistant à examiner des données dans ses propres locaux et non dans ceux de l’entreprise concernée doit apparaître appropriée et justifiée au regard des circonstances de l’espèce, par exemple parce que, même si le contrôle sur place effectué par la Commission a déjà duré un certain temps, un très grand nombre de données doivent encore être examinées.

79.      Dans la présente affaire, la justification résulte également du fait que les données en cause n’ont été disponibles que vers la fin de l’inspection auprès de l’entreprise (44). De même, un examen dans les locaux de la Commission paraît d’autant plus justifié lorsque – comme en l’espèce – l’entreprise est déjà représentée par des avocats établis à Bruxelles qui peuvent aisément suivre l’examen des données.

80.      Par contraste, les requérantes n’avancent aucun élément susceptible de démontrer que, dans le cas présent, il n’était pas approprié de poursuivre l’inspection dans les locaux de la Commission et que cela s’expliquait uniquement par des raisons de « convenance » de la Commission.

81.      Tout comme dans le cas de la copie de données déjà évoqué ci‑dessus (45), il est cependant également essentiel, en ce qui concerne l’examen de ces données dans les locaux de la Commission, que cette manière d’agir ne s’accompagne pas d’une violation des droits de la défense des entreprises concernées.

82.      À cet égard, il convient, comme le Tribunal l’a constaté à juste titre au point 60 de l’arrêt attaqué, de respecter, lors du contrôle des données dans les locaux de la Commission, les mêmes garanties procédurales, en faveur des entreprises concernées, que si l’examen avait été effectué dans leurs propres locaux. En effet, ainsi que cela a été exposé ci‑dessus, il est essentiel, dans le cadre d’une inspection, que seuls des documents dont il est établi qu’ils sont pertinents pour l’objet et le but indiqués dans la décision d’inspection soient intégrés dans le dossier, car c’est le seul moyen de garantir qu’aucune preuve obtenue en violation des droits des entreprises concernées ne soit utilisée dans la procédure ultérieure (46). À cette fin, il est indispensable que les avocats de ces entreprises soient présents à tout moment lorsque la Commission visualise l’ensemble des données et documents et qu’ils puissent vérifier quels documents sont considérés comme pertinents par la Commission.

83.      En conséquence, le fait que la Commission emporte à Bruxelles des données copiées auprès d’une entreprise et les examine dans ses propres locaux ne doit en aucun cas conduire à ce que ces données soient soustraites au contrôle de l’entreprise concernée et consultées par la Commission à sa guise. Il doit au contraire être garanti que la Commission transporte les données sous scellés et ne les consulte ensuite qu’en présence des avocats de l’entreprise, ce qui a été le cas en l’occurrence (47). Comme la Commission l’a souligné à juste titre lors de l’audience, un tel transport de données sous scellés assure, par ailleurs, la continuité entre l’inspection qui a débuté dans les locaux de l’entreprise et celle qui s’est poursuivie dans les locaux de la Commission.

84.      En outre, il ne serait pas non plus compatible avec la nécessité de sauvegarder les droits de la défense des entreprises inspectées que la mise en œuvre de l’inspection dans les locaux de la Commission à Bruxelles entraîne des charges ou des coûts disproportionnés pour ces entreprises. En effet, il est vrai que les entreprises ont un devoir de coopération dans le cadre des inspections de la Commission. Toutefois, ce devoir doit se limiter à des demandes de coopération raisonnables de la part de la Commission et ne peut pas se traduire par une charge excessive pour les entreprises (48).

85.      Dans ce contexte, Nexans fait valoir que si la Commission pouvait, conformément à l’article 20, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement no 1/2003, examiner dans ses locaux à Bruxelles des données copiées auprès d’une entreprise, le droit de la Commission d’interroger le personnel de l’entreprise inspectée, conformément au point e) de ce même paragraphe, devrait également s’appliquer dans les locaux de la Commission. Or, cela semble incompatible, selon les requérantes, avec la réglementation exhaustive des pouvoirs d’enquête de la Commission.

86.      Au vu de l’article 14, paragraphe 1, sous c), du règlement no 17 (49), disposition à laquelle a succédé l’article 20, paragraphe 2, sous e), du règlement no 1/2003, force est de constater que la formulation qui s’y trouvait encore, selon laquelle des explications orales pouvaient être demandées « sur place », a désormais disparu à l’article 20, paragraphe 2, sous e), du règlement no 1/2003. Dans ces conditions, il ne paraît pas exclu, per se, d’interroger à Bruxelles des membres du personnel des entreprises sur la base de cette disposition. Toutefois, cela suppose que la charge qui en découle pour l’entreprise ne soit pas disproportionnée.

87.      De même, la nécessité pour les avocats des entreprises concernées d’être présents à Bruxelles pendant la durée de l’inspection dans les locaux de la Commission et, en particulier, les coûts y afférents ne doivent pas constituer pour ces entreprises une charge disproportionnée par rapport à une inspection dans leurs propres locaux.

88.      En l’espèce, Nexans n’avance cependant aucun élément démontrant que l’inspection dans les locaux de la Commission aurait fait peser une charge disproportionnée sur cette entreprise, et il ne semble pas non plus y avoir d’autres éléments en ce sens.

89.      Enfin, une interprétation de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003 selon laquelle la Commission peut poursuivre une inspection dans ses propres locaux n’est pas non plus contraire à d’autres dispositions dudit règlement, contrairement à ce que soutient Nexans.

90.      Selon Nexans, l’article 21, paragraphe 4, du règlement no 1/2003, qui renvoie, pour ce qui est de l’« inspection d’autres locaux », aux pouvoirs prévus à l’article 20, paragraphe 2, sous a) à c), du règlement no 1/2003, serait vidé de son sens si l’on devait déduire de l’article 20 lui‑même que la Commission est autorisée à inspecter des documents en dehors des locaux de l’entreprise.

91.      Comme la Commission le relève à juste titre, l’article 21 du règlement no 1/2003 concerne cependant une situation tout à fait différente de celle d’une inspection au titre de l’article 20 de ce règlement. En effet, l’article 21 habilite la Commission à effectuer des inspections et à recueillir des preuves dans des locaux autres que les locaux professionnels de l’entreprise, tels que le domicile ou les moyens de transport des membres du personnel de l’entreprise, et renvoie à cet égard aux pouvoirs prévus à l’article 20, paragraphe 2, sous a) à c). Une interprétation de l’article 20, paragraphe 2, sous b), selon laquelle l’examen de données copiées dans les locaux d’une entreprise conformément au point c) de ce même paragraphe peut être poursuivi en dehors de ces locaux, n’a donc aucune incidence sur le champ d’application de l’article 21 du règlement no 1/2003.

92.      Partant, la Commission est autorisée, en vertu de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003, à examiner ultérieurement, dans ses propres locaux, des données copiées lors d’une inspection dans les locaux d’une entreprise, dès lors que cela apparaît approprié aux fins de l’inspection en cause et que les entreprises inspectées bénéficient des mêmes droits de la défense que si l’inspection avait été effectuée dans leurs propres locaux. Si le respect de ces conditions est garanti, il ne semble pas nécessaire d’exiger en outre de la Commission qu’elle démontre qu’il aurait été totalement impossible de mener à bien l’inspection dans les locaux de l’entreprise.

93.      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient également de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

b)      Sur la prétendue limitation géographique de l’inspection par la décision d’inspection ellemême (troisième moyen)

94.      Par leur troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant leur argument selon lequel une limitation du pouvoir d’inspection de la Commission aux locaux de Nexans découle également du libellé de la décision d’inspection elle-même. En effet, celle‑ci dispose que « [l]’inspection peut avoir lieu en tous lieux contrôlés par l’entreprise, et en particulier aux bureaux situés à l’adresse suivante : […] » (50).

95.      Au point 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté cet argument au motif que, s’il ressortait de la décision d’inspection que l’inspection pouvait se dérouler aux endroits indiqués, il n’en ressortait pas pour autant qu’elle devait se dérouler exclusivement en ces lieux. Selon le Tribunal, la décision d’inspection n’excluait donc pas la possibilité pour la Commission de poursuivre l’inspection à Bruxelles.

96.      Contrairement à ce que prétend Nexans, aucune erreur de droit ne peut être décelée dans cette constatation.

97.      Comme la Commission le rappelle à juste titre, en se référant à l’arrêt du Tribunal dans l’affaire Minoan Lines/Commission, cité par Nexans elle‑même, une telle indication a, en effet, pour seul but d’habiliter la Commission à accéder aux locaux de l’entité juridique mentionnée et, précisément, uniquement aux locaux de cette entité. Cela implique que la Commission ne peut pas, sur la base d’une telle décision, accéder aux locaux d’une entité juridique autre que celle qui est mentionnée et effectuer des vérifications dans ces locaux (51).

98.      Par conséquent, la décision d’inspection ne s’oppose pas à ce que la Commission examine ultérieurement, dans ses propres locaux, des données qui ont été copiées dans les locaux de l’entreprise mentionnée dans cette décision, dès lors qu’il y est également garanti que les données ne soient à aucun moment soustraites au contrôle de cette entreprise, ce qui était le cas en l’espèce (52).

99.      En outre, l’affirmation des requérantes selon laquelle la décision d’inspection aurait dû être adoptée sur la base de l’article 21 et non de l’article 20 du règlement no 1/2003 pour couvrir aussi une inspection dans les locaux de la Commission est également inexacte. En effet, comme déjà expliqué précédemment (53), l’article 21 concerne des inspections effectuées dans des locaux autres que les locaux professionnels de l’entreprise, tels que le domicile ou les moyens de transport des membres du personnel de l’entreprise et, partant, une situation tout à fait différente de celle dans laquelle une inspection débutée dans les locaux professionnels d’une entreprise au titre de l’article 20 est poursuivie dans les locaux de la Commission.

100. Par conséquent, il convient aussi de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

B.      Sur les griefs relatifs à l’amende (quatrième et cinquième moyens)

101. Par leurs quatrième et cinquième moyens, les requérantes contestent les constatations du Tribunal pour ce qui est du calcul de l’amende. Le quatrième moyen concerne la compétence de pleine juridiction du Tribunal pour contrôler l’amende fixée par la Commission, tandis que le cinquième moyen porte sur une prétendue erreur d’appréciation du Tribunal.

1.      Sur l’exercice de la compétence de pleine juridiction aux fins du contrôle de l’amende par le Tribunal (quatrième moyen)

102. Dans le cadre de leur quatrième moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir méconnu l’étendue de sa compétence de pleine juridiction pour contrôler la fixation de l’amende par la Commission en vertu des dispositions combinées de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement no 1/2003.

103. Il convient tout d’abord de rappeler, à ce propos, que le Tribunal est seul compétent pour contrôler la façon dont la Commission a apprécié dans chaque cas particulier la gravité des comportements illicites. Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité d’un comportement déterminé à la lumière de l’article 101 TFUE et de l’article 23 du règlement no 1/2003, et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués au soutien de la demande de suppression de l’amende ou de réduction du montant de celle‑ci (54).

104. En l’espèce, les requérantes estiment que le montant de base de l’amende, fixé à 15 % de la valeur des ventes pertinentes, aurait dû être réduit, car l’infraction n’a eu, selon elles, aucun impact ou seulement un impact limité sur le marché pertinent. Or, le Tribunal se serait borné, au point 156 de l’arrêt attaqué, à renvoyer au paragraphe 22 des lignes directrices de 2006 pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (55) (ci‑après les « lignes directrices de 2006 ») où l’impact d’une infraction sur le marché n’est pas mentionné à titre de facteur déterminant pour le montant de l’amende. Le Tribunal aurait donc commis une erreur de droit en ce qu’il n’aurait ni examiné l’argument des requérantes ni exercé sa compétence de pleine juridiction pour contrôler la décision de la Commission.

105. Le bien-fondé de cette argumentation dépend du point de savoir si l’on se fonde sur la version du point 156 de l’arrêt attaqué dans la langue de procédure, à savoir l’anglais, ou bien sur la version de ce point dans la langue de travail du Tribunal, à savoir le français, ainsi que dans toutes les autres versions linguistiques de l’arrêt attaqué.

106. Le point de départ est que la compétence de pleine juridiction, reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003 conformément à l’article 261 TFUE, habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (56).

107. Même si l’exercice de cette compétence de pleine juridiction n’équivaut pas à un contrôle d’office (57), le juge de l’Union doit en outre, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE et afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux en ce qui concerne l’amende, examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (58).

108. Si l’on se fonde sur la version française ainsi que sur toutes les autres versions linguistiques de l’arrêt attaqué, à l’exception de la version anglaise, le raisonnement du Tribunal au point 156 de l’arrêt attaqué est conforme aux exigences de cette jurisprudence, contrairement à ce que soutiennent les requérantes.

109. Ainsi, il est certes vrai que, au point 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, en se référant au point 22 des lignes directrices de 2006, l’argument selon lequel la Commission aurait dû prendre en compte la prétendue absence d’impact de l’infraction sur le marché et a constaté à cet égard que ces lignes directrices n’imposaient pas à la Commission de tenir compte de l’impact concret sur le marché, ou de son absence, comme un facteur aggravant ou atténuant.

110. Toutefois, le Tribunal a poursuivi, dans la version française ainsi que dans toutes les autres versions linguistiques de l’arrêt attaqué, à l’exception de la version anglaise, en ajoutant qu’il suffit que, comme en l’occurrence,  le niveau de la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération fixé par la Commission soit justifié par d’autres éléments susceptibles d’influer sur la détermination de la gravité en vertu de cette dernière disposition, tels que la nature même de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées et l’étendue géographique de l’infraction.

111. Il ressort de ces constatations que le Tribunal n’a pas rejeté l’argument de la prétendue absence d’impact sur le marché en se bornant à renvoyer, d’une manière générale, aux lignes directrices de 2006, comme le prétend Nexans. Au contraire, l’incise « comme en l’occurrence » montre que, de l’avis du Tribunal et selon son analyse dans le cas d’espèce, le niveau de la proportion de la valeur des ventes pris en considération par la Commission pour fixer le montant de base de l’amende était justifié, indépendamment de l’absence éventuelle d’impact sur le marché, par d’autres circonstances mentionnées dans les lignes directrices de 2006, telles que la nature de l’infraction. Le français étant la langue de travail du Tribunal, il y a lieu de considérer que le Tribunal a sciemment inséré l’incise « comme en l’occurrence » qui figure dans la version française et que celle-ci traduit l’appréciation de la présente affaire par le Tribunal.

112. Il ne saurait donc être reproché au Tribunal de ne pas avoir suffisamment examiné l’argumentation présentée par Nexans en première instance et de ne pas avoir suffisamment exercé sa compétence de pleine juridiction aux fins du contrôle de la décision par laquelle la Commission a infligé l’amende. Du fait de l’absence de l’incise « comme en l’occurrence » dans la version anglaise du point 156 de l’arrêt attaqué, cet arrêt est cependant entaché, dans la langue de procédure, d’une erreur de droit qui doit, en principe, conduire à son annulation. En effet, en l’absence de cette incise, il n’est pas possible de constater que le Tribunal a suffisamment exercé sa compétence de pleine juridiction aux fins du contrôle de l’amende. Par conséquent, l’affaire devrait être renvoyée devant le Tribunal pour réexamen. Toutefois, étant donné que l’absence de l’incise en question dans la seule version anglaise de l’arrêt attaqué est manifestement imputable à une erreur de traduction, le Tribunal pourrait encore supprimer cette erreur de droit avant la décision de la Cour en procédant à une rectification conformément à l’article 164 de son règlement de procédure. Cette solution est, dans tous les cas, préférable à l’annulation de l’arrêt attaqué et au renvoi de l’affaire au Tribunal, car cette dernière hypothèse ne ferait que prolonger inutilement la procédure et entraînerait des coûts supplémentaires, sans rien changer au final, car le Tribunal se bornerait en définitive, après le renvoi, à rejeter le recours pour les mêmes motifs – correctement traduits cette fois-ci. Pour ne pas porter atteinte à la protection juridictionnelle de Nexans, la rectification de la version anglaise de l’arrêt attaqué devrait cependant faire courir un nouveau délai pour former un pourvoi contre la partie rectifiée de cet arrêt. Une autre possibilité consisterait à ce que la Cour accorde aux parties à la présente procédure un délai pour adapter leurs conclusions (59).

113. Si le Tribunal rectifiait l’arrêt attaqué dans la langue de procédure en temps utile et si la Cour pouvait se fonder dès lors sur l’exercice effectif, par le Tribunal, de sa compétence de pleine juridiction, l’appréciation de celui-ci au fond, pour ce qui est de la gravité de l’infraction, apparaîtrait d’ailleurs d’autant plus justifiée que, selon la jurisprudence de la Cour, un taux de 15 % peut être justifié, dans le cas d’un accord de répartition des marchés, au regard de la seule gravité de l’infraction, dès lors qu’il s’agit de l’une des restrictions de concurrence les plus graves au sens du point 23 des lignes directrices de 2006 et du taux le plus faible de l’échelle des sanctions prévue pour de telles infractions en vertu de ces lignes directrices (60). En conséquence, la Cour a précisé, mais seulement après le prononcé de l’arrêt attaqué, dans son arrêt du 26 septembre 2018 dans l’affaire Philips et Philips France/Commission, que le grief tiré de ce que le Tribunal n’a pas analysé un argument relatif à la gravité de l’infraction est inopérant si le coefficient de gravité retenu par la Commission peut être justifié par la nature même de l’infraction (61).

114. Enfin, le raisonnement qui précède n’est pas non plus remis en cause par l’arrêt de la Cour dans l’affaire Infineon Technologies/Commission, auquel les requérantes se réfèrent avec insistance (62).

115. Il est vrai que, dans cet arrêt, la Cour a considéré que le Tribunal ne pouvait, sans méconnaître l’étendue de sa compétence de pleine juridiction, omettre de répondre à l’argument soulevé par Infineon, selon lequel la Commission avait violé le principe de proportionnalité en fixant le montant de l’amende sans prendre en compte le nombre limité de contacts anticoncurrentiels auxquels Infineon aurait participé (63).

116. À la différence de la présente affaire et de l’affaire Philips (64) citée au point 113 des présentes conclusions, l’affaire Infineon présente cependant la particularité qu’il s’agissait dans ce cas de prendre en considération l’étendue de la participation individuelle d’Infineon à l’infraction en cause, notamment du point de vue de la prise en compte de l’existence de circonstances atténuantes pouvant justifier une réduction du montant de l’amende (65). Comme la Cour l’a expressément précisé, les constatations de l’arrêt Philips et Philips France/Commission qui sont reproduites au point 113 des présentes conclusions ne sont donc pas remises en cause par l’arrêt Infineon Technologies/Commission (66).

117. En conséquence, il résulte des développements qui précèdent que – sous réserve d’une rectification en temps utile, par le Tribunal, de la version anglaise de l’arrêt attaqué – le quatrième moyen doit également être rejeté.

2.      Sur l’appréciation de la configuration européenne de l’entente aux fins de l’amende (cinquième moyen)

118. Enfin, le cinquième moyen de Nexans concerne l’appréciation de la « configuration européenne de l’entente » aux fins de la fixation de l’amende. Comme déjà indiqué, la Commission a appliqué une majoration de 2 % du montant de base de l’amende à l’égard des entreprises européennes parce qu’elle a considéré qu’il y avait eu, outre un partage du marché entre les entreprises européennes, japonaises et sud-coréennes (« configuration A/R de l’entente »), un partage supplémentaire entre les entreprises européennes (67).

119. Dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, Nexans a fait valoir que la configuration européenne de l’entente n’avait pas entraîné de préjudice supplémentaire susceptible de justifier cette majoration. Cet argument a été écarté par le Tribunal.

120. Dans le cadre du présent pourvoi, Nexans conteste désormais la constatation du Tribunal à cet égard, qui figure au point 182 de l’arrêt attaqué. Aux termes de celui‑ci, il ne fait aucun doute, contrairement à ce que soutient Nexans, que le partage des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension au sein de la « configuration européenne de l’entente » a renforcé l’atteinte à la concurrence causée dans l’EEE par la « configuration A/R » de ladite entente.

121. Selon Nexans, cette conclusion est entachée à la fois d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation. En effet, la Commission et le Tribunal auraient tous deux reconnu que Nexans avait produit des preuves établissant que l’infraction n’avait pas d’incidence sur l’ensemble des ventes européennes. Dans ces conditions, il ne suffirait pas, pour justifier la majoration de l’amende, qu’il n’existe aucun doute quant au renforcement de l’atteinte à la concurrence du fait de la configuration européenne de l’entente. En confirmant la légalité de cette majoration, le Tribunal aurait donc commis une erreur d’appréciation.

122. Cet argument n’emporte pas la conviction. De plus, il repose en partie sur une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué.

123. Tout d’abord, le Tribunal n’a nullement considéré que les requérantes avaient démontré que l’infraction n’avait pas eu d’impact sur l’ensemble des ventes européennes. Au contraire, le Tribunal a constaté, au point 181 de l’arrêt attaqué, que la « configuration européenne de l’entente » avait impliqué un engagement supplémentaire qui allait au-delà des règles d’attribution existantes dans la « configuration A/R de l’entente ».

124. Eu égard à cela, le Tribunal a conclu, au point 182 de l’arrêt attaqué, comme déjà indiqué, qu’il ne faisait aucun doute que l’atteinte à la concurrence causée par la « configuration A/R de l’entente » avait encore été renforcée par cette « configuration européenne de l’entente ». Dans le cadre du pourvoi, Nexans ne conteste pas ces constatations du Tribunal, et rien n’indique, par ailleurs, que ces constatations reposent sur une dénaturation d’éléments de preuve produits par Nexans en première instance.

125. Dans ces conditions, il n’apparaît pas, d’une part, en quoi la constatation du Tribunal au point 182 de l’arrêt attaqué ne serait pas suffisamment motivée.

126. D’autre part, le Tribunal a également estimé à juste titre, sur le fond, que le partage des projets entre les entreprises européennes constituait une atteinte supplémentaire par rapport au partage des marchés entre les entreprises européennes, japonaises et sud-coréennes. En effet, le lien étroit entre les deux configurations ne change rien au fait que la « configuration européenne de l’entente » était un engagement distinct qui n’était pas inhérent à la « configuration A/R de l’entente ». Ce partage intraeuropéen aurait dû être qualifié de restriction de la concurrence indépendamment même du partage des marchés entre les entreprises européennes, japonaises et sud-coréennes. La constatation du Tribunal selon laquelle cette infraction « accrue » pouvait légitimement être sanctionnée par une amende majorée ne recèle donc pas d’erreur d’appréciation.

127. Par conséquent, le cinquième moyen doit également être rejeté.

C.      Résumé

128. Étant donné qu’aucun des moyens invoqués par Nexans ne saurait prospérer, il convient de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

VI.    Les dépens

129. Conformément à l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, la Cour statue sur les dépens lorsqu’elle rejette le pourvoi.

130. Il résulte des dispositions combinées de l’article 138, paragraphes 1 et 2, et de l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens ; si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens. La Commission ayant conclu en ce sens et les requérantes ayant succombé en leurs moyens, elles doivent être condamnées aux dépens. Ayant introduit le pourvoi ensemble, elles devront supporter ces dépens solidairement. Toutefois, il serait inopportun de condamner les requérantes aux dépens exposés dans le cadre du quatrième moyen de pourvoi, car ce moyen doit être attribué à une erreur de traduction de la Cour de justice de l’Union européenne. À cet égard, toutes les parties doivent d’abord supporter leurs propres dépens. Il leur sera ensuite loisible d’examiner si elles réclament des dommages et intérêts à la Cour de justice de l’Union européenne à cet égard.

VII. Conclusion

131. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Nexans France SAS et Nexans SA sont condamnées solidairement aux dépens à l’exception de ceux afférents au quatrième moyen. Chaque partie supporte ses propres dépens afférents à ce moyen.


1      Langue originale : l’allemand.


2      Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1).


3      La même question se pose dans l’affaire parallèle C‑601/18 P, Prysmian et Prysmian Cavi e Sistemi/Commission.


4      Voir décision de la Commission du 2 avril 2014 relative à une procédure d’application de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (affaire AT.39610 – Câbles électriques), notifiée sous le numéro C(2014) 2139 final et publiée sous forme de résumé au JO 2014, C 319, p. 10.


5      Arrêt Nexans France et Nexans/Commission (T‑449/14, EU:T:2018:456).


6      Voir point 3 de l’arrêt attaqué et considérant 47 de la décision litigieuse.


7      Voir point 2 de l’arrêt du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596).


8      Voir point 4 de l’arrêt attaqué et considérant 48 de la décision litigieuse.


9      Pour plus de détails, voir points 23 à 27 des présentes conclusions.


10      T‑135/09, EU:T:2012:596.


11      Arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030).


12      Voir arrêt du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596, points 115 à 134), où les demandes d’annulation des actes concernés de la Commission sont déclarées irrecevables ; ces constatations n’ont pas été attaquées dans le cadre du pourvoi contre cet arrêt.


13      Voir points 11 et 12 de l’arrêt attaqué et article 1er ainsi que considérants 10 à 13 et 66 à 74 de la décision litigieuse.


14      Voir point 18 de l’arrêt attaqué et considérants 997 à 1010 de la décision litigieuse.


15      Voir également points 6 à 14 de l’arrêt du Tribunal du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596).


16      Voir point 24 des présentes conclusions.


17      Voir, notamment, arrêt du 12 janvier 2017, Timab Industries et CFPR/Commission (C‑411/15 P, EU:C:2017:11, points 154 et 155 ainsi que jurisprudence citée).


18      Voir arrêt du 20 mai 2010, Gogos/Commission (C‑583/08 P, EU:C:2010:287, points 23 et 24 ainsi que jurisprudence citée), et nos conclusions dans cette affaire (C‑583/08 P, EU:C:2010:118, point 33 et jurisprudence citée).


19      Voir arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, points 113 et 114 ainsi que jurisprudence citée).


20      Voir arrêts du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil (C‑76/01 P, EU:C:2003:511, point 52), et du 29 septembre 2011, Arkema/Commission (C‑520/09 P, EU:C:2011:619, point 31) ; voir, dans le même sens, arrêt du 14 octobre 2014, Buono e.a./Commission (C‑12/13 P et C‑13/13 P, EU:C:2014:2284, point 64) ; voir également nos conclusions dans l’affaire Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2018:628, point 28).


21      Il s’agit des versions linguistiques suivantes : les versions anglaise [« (c) to take or obtain in any form copies of or extracts from such books or records ; »], française [« c) prendre ou obtenir sous quelque forme que ce soit copie ou extrait de ces livres ou documents ; »], allemande [« c) Kopien oder Auszüge gleich welcher Art aus diesen Büchern und Unterlagen anzufertigen oder zu erlangen ; »], italienne [« c) fare o ottenere sotto qualsiasi forma copie o estratti dei suddetti libri o documenti ; »], espagnole [« c) hacer u obtener copias o extractos en cualquier formato de dichos libros o de la documentación ; »], roumaine [« (c) să ia sau să obțină, sub orice formă, copii sau extrase din aceste registre și documente ; »], bulgare [« в) да вземат или получават под всякаква форма копия или извлечения от тези книги или документи ; »], tchèque [« c) kopírovat nebo získávat v jakékoli formě kopie nebo výpisy z těchto knih nebo záznamů ; »], danoise [« c) at tage eller få kopi eller udskrift under enhver form af sådanne bøger eller forretningspapirer »], estonienne [« c) teha või saada mis tahes kujul koopiaid või väljavõtteid sellistest raamatupidamis- ja muudest dokumentidest ; »], grecque [« γ) να λαμβάνουν ή να αποκτούν υπό οποιαδήποτε μορφή αντίγραφο ή απόσπασμα των εν λόγω βιβλίων και εγγράφων »], croate [« (c) uzeti ili zahtijevati u bilo kojem obliku primjerke ili izvatke iz navedenih poslovnih knjiga ili poslovne dokumentacije ; »], lettonne [« c) jebkādā veidā ņemt vai iegūt šo grāmatvedības dokumentu vai citu dokumentu izvilkumu kopijas ; »], lituanienne [« c) paimti ar gauti tokių knygų ar dokumentų kopijas ar išrašus bet kokia forma ; »], hongroise [« c) bármilyen formában elkészítsék vagy megszerezzék az ilyen könyvek vagy feljegyzések másolatát vagy kivonatát ; »], néerlandaise [« c) het maken of verkrijgen van afschriften of uittreksels, in welke vorm ook, van die boeken en bescheiden ; »], polonaise [« c) pobrania lub uzyskiwania w każdej formie kopii lub wyciągów z tych ksiąg lub rejestrów ; »], et suédoise [« c) göra eller erhålla alla former av kopior av eller utdrag ur sådana räkenskaper och affärshandlingar, »].


22      Il s’agit des versions linguistiques suivantes : les versions maltaise [« (ċ) li jieħu jew jikseb f’kwalunkwe forma : kopji ta’ jew estratti min dawn il-kotba jew rekords : »], slovaque [« c) vyhotoviť alebo získať akékoľvek kópie formulárov alebo výťahov z obchodných kníh a záznamov ; »], slovène [« (c) odvzamejo in pridobijo, ne glede na obliko, kopije ali izvlečke iz poslovnih knjig ali dokumentacije ; »], et finnoise [« c) ottaa tai saada missä tahansa muodossa jäljennöksiä ja otteita kirjanpidosta tai asiakirjoista ; »].


23      Il s’agit des versions linguistiques suivantes : les versions danoise [« c) at tage eller få kopi eller udskrift under enhver form af sådanne bøger eller forretningspapirer »], croate [« (c) uzeti ili zahtijevati u bilo kojem obliku primjerke ili izvatke iz navedenih poslovnih knjiga ili poslovne dokumentacije ; »], suédoise [« c) göra eller erhålla alla former av kopior av eller utdrag ur sådana räkenskaper och affärshandlingar, »], slovaque [« c) vyhotoviť alebo získať akékoľvek kópie formulárov alebo výťahov z obchodných kníh a záznamov ; »], et slovène [« (c) odvzamejo in pridobijo, ne glede na obliko, kopije ali izvlečke iz poslovnih knjig ali dokumentacije ; »].


24      « c) Tirar ou obter sob qualquer forma cópias ou extractos dos documentos controlados ; ».


25      Voir arrêts du 12 novembre 1969, Stauder (29/69, EU:C:1969:57, point 3) ; du 3 octobre 2013, Confédération paysanne (C‑298/12, EU:C:2013:630, point 22), et du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 122).


26      Voir arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C‑618/10, EU:C:2012:349, point 61) ; du 14 janvier 2016, Vodafone (C‑395/14, EU:C:2016:9, point 40), et du 25 janvier 2018, Commission/République tchèque (C‑314/16, EU:C:2018:42, point 47).


27      Voir arrêts du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 25) ; du 22 octobre 2002, Roquette Frères (C‑94/00, EU:C:2002:603, point 42), et du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 33).


28      Voir arrêts du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 15) ; du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 63), et du 14 novembre 2012, Nexans France et Nexans/Commission (T‑135/09, EU:T:2012:596, point 41).


29      Voir arrêts du 22 octobre 2002, Roquette Frères (C‑94/00, EU:C:2002:603, point 44), et du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission (C‑583/13 P, EU:C:2015:404, point 31).


30      Voir, pour plus de détails à ce propos, arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, points 35 à 37 et jurisprudence citée), ainsi que nos conclusions dans l’affaire Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:223, points 48 et 49 et jurisprudence citée).


31      Voir, à ce sujet, arrêts du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 27), et du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission (85/87, EU:C:1989:379, point 38), ainsi que ordonnance du 17 novembre 2005, Minoan Lines/Commission (C‑121/04 P, non publiée, EU:C:2005:695, point 36).


32      Voir arrêts du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 29) ; du 22 octobre 2002, Roquette Frères (C‑94/00, EU:C:2002:603, point 47) ; du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 34), et du 30 janvier 2020, České dráhy/Commission (C‑538/18 P et C‑539/18 P, non publié, EU:C:2020:53, points 40 à 43), ainsi que nos conclusions dans l’affaire Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:223, points 44 et 52 et jurisprudence citée).


33      Voir, à ce sujet, nos conclusions dans l’affaire Nexans et Nexans France/Commission (C‑37/13 P, EU:C:2014:223, points 43 et 52).


34      Voir, en ce sens, arrêts du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission (85/87, EU:C:1989:379, points 17 et 18) ; du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 300) ; du 22 octobre 2002, Roquette Frères (C‑94/00, EU:C:2002:603, point 48) ; du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission (C‑583/13 P, EU:C:2015:404, points 58 et 60), et du 30 janvier 2020, České dráhy/Commission (C‑538/18 P et C‑539/18 P, non publié, EU:C:2020:53, point 99).


35      Voir, en ce sens, arrêts du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission (85/87, EU:C:1989:379, point 19) ; du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 301 à 305), et du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission (C‑583/13 P, EU:C:2015:404, point 59).


36      Voir point 28 des présentes conclusions.


37      Voir arrêts du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 19), et du 22 octobre 2002, Roquette Frères (C‑94/00, EU:C:2002:603, point 27), ainsi que ordonnance du 17 novembre 2005, Minoan Lines/Commission (C‑121/04 P, non publiée, EU:C:2005:695, point 30).


38      Voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 28) ; du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission (85/87, EU:C:1989:379, point 19), et du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission (C‑583/13 P, EU:C:2015:404, points 28 et suiv. et 59) ; voir également arrêt du Tribunal du 6 septembre 2013, Deutsche Bahn e.a./Commission (T‑289/11, T‑290/11 et T‑521/11, EU:T:2013:404, points 79 à 84).


39      Affaire C‑601/18 P, voir ci-dessus note 3 des présentes conclusions.


40      Voir, sur le déroulement de l’inspection dans la présente affaire, points 23 à 28 des présentes conclusions.


41      Voir points 24 à 26 des présentes conclusions.


42      Voir, en ce sens, arrêts du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission (85/87, EU:C:1989:379, point 19), et du 18 juin 2015, Deutsche Bahn e.a./Commission (C‑583/13 P, EU:C:2015:404, point 59), ainsi que ordonnance du 17 novembre 2005, Minoan Lines/Commission (C‑121/04 P, non publiée, EU:C:2005:695, point 36).


43      Voir à ce sujet point 53 des présentes conclusions et jurisprudence citée.


44      Voir points 23 à 26 des présentes conclusions.


45      Voir notamment, à ce sujet, points 57 à 63 des présentes conclusions.


46      Voir points 54 à 57 des présentes conclusions et jurisprudence citée.


47      Voir points 23 à 28 des présentes conclusions ainsi que points 63 et 81 de l’arrêt attaqué.


48      Voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission (46/87 et 227/88, EU:C:1989:337, point 19), et du 22 octobre 2002, Roquette Frères (C‑94/00, EU:C:2002:603, points 27, 50, 52 et 76 à 80) ; voir également, en ce qui concerne les demandes de renseignements adressées aux entreprises, conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Italmobiliare/Commission (C‑268/14 P, EU:C:2015:697, points 96 et suiv.).


49      Règlement du Conseil du 6 février 1962 : Premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204).


50      Voir point 66 de l’arrêt attaqué.


51      Arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission (T‑66/99, EU:T:2003:337, point 83), confirmé par ordonnance du 17 novembre 2005, Minoan Lines/Commission (C‑121/04 P, non publiée, EU:C:2005:695).


52      Voir points 28, 59, 62, 82 et 83 des présentes conclusions.


53      Voir point 91 des présentes conclusions.


54      Arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 128) ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 244), et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 192).


55      JO 2006, C 210, p. 2.


56      Arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 692) ; du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63), et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 193).


57      Arrêts du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64) ; du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 213), et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 194).


58      Arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 200) ; du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission (C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 82), et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 195).


59      Voir, pour un examen détaillé d’une situation très similaire, nos conclusions dans l’affaire Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2019:881, points 22 et suiv. ainsi que jurisprudence citée) ; dans cette affaire, l’arrêt du Tribunal dans la version linguistique erronée a été rectifié, voir ordonnance du 17 septembre 2019, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑328/17, non publiée, EU:T:2019:662).


60      Voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission (C-439/11 P, EU:C:2013:513, point 124), et Team Relocations e.a./Commission (C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 125) ; du 26 janvier 2017, Aloys F. Dornbracht/Commission (C‑604/13 P, EU:C:2017:45, point 75), et du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission (C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 103).


61      Arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission (C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 105).


62      Arrêt du 26 septembre 2018 (C‑99/17 P, EU:C:2018:773).


63      Arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 206 et 207).


64      Voir, expressément, arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission (C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 104).


65      Voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 201 et 203).


66      Voir arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission (C‑99/17 P, EU:C:2018:773, points 210 et 211).


67      Voir points 11 et 12 des présentes conclusions.