Language of document : ECLI:EU:T:2011:494

Affaire T-461/08

Evropaïki Dynamiki Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE

contre

Banque européenne d'investissement (BEI)

« Marchés publics de services — Procédure d’appel d’offres — Prestation de service d’aide à la maintenance, au support et au développement d’un système informatique — Rejet de l’offre d’un soumissionnaire — Attribution du marché à un autre soumissionnaire — Recours en annulation — Recevabilité — Compétence — Obligation de motivation — Droit à un recours effectif — Transparence — Proportionnalité — Égalité de traitement et non-discrimination — Critères de sélection et d’attribution — Recours en indemnité — Recevabilité — Manque à gagner »

Sommaire de l'arrêt

1.      Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Actes produisant des effets juridiques obligatoires — Actes de la Banque européenne d'investissement

(Art. 225, § 1, CE, 230 CE et 237, b) et c), CE)

2.      Recours en indemnité — Autonomie par rapport au recours en annulation — Limites — Demande en réparation de dommages causés par la Banque européenne d'investissement agissant en tant que pouvoir adjudicateur

(Art. 225, § 1, CE, 235 CE et 288, al. 2, CE)

3.      Recours en annulation — Conditions de recevabilité — Intérêt à agir — Examen d'office par le juge — Application par analogie aux recours contenant accessoirement une demande en indemnité

(Art. 230 CE; règlement de procédure du Tribunal, art. 113)

4.      Recours en annulation — Intérêt à agir — Recours dirigé contre une décision exécutée

(Art. 230 CE et 233 CE)

5.      Marchés publics des Communautés européennes — Procédure d'appel d'offres — Contestation de la légalité du cahier des charges

(Art. 230, al. 4, CE)

6.      Banque européenne d'investissement — Procédures de passation de marchés publics financées par des ressources propres de la Banque — Dispositions applicables

(Art. 28 CE, 43 CE et 49 CE; charte des droits fondamentaux de l'Union européenne; règlement du Conseil nº 1605/2002, art. 88, § 1; directive du Parlement européen et du Conseil 2004/18)

7.      Actes des institutions — Motivation — Obligation — Portée

(Art. 230, al. 5, CE et 253 CE)

8.      Marchés publics des Communautés européennes — Procédure d'appel d'offres — Droit des soumissionnaires à une protection juridictionnelle effective — Portée

(Art. 225, § 1, CE, 242 CE, 243 CE et 253 CE)

9.      Marchés publics des Communautés européennes — Procédure d'appel d'offres — Droit des soumissionnaires à une protection juridictionnelle effective — Droit de recours contre la décision attribuant le marché à un autre soumissionnaire

10.    Banque européenne d'investissement — Procédures de passation de marchés publics financées par des ressources propres de la Banque — Attribution des marchés — Attribution à l'offre économiquement la plus avantageuse — Critères — Choix par le pouvoir adjudicateur — Limites

11.    Recours en annulation — Moyens — Violation des principes d'égalité de traitement et de transparence — Procédure d'appel d'offres

12.    Responsabilité non contractuelle — Conditions — Lien de causalité — Préjudice résultant, pour un soumissionnaire, de la perte d'un marché dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres — Absence de preuve du lien entre ce préjudice et la décision illégale d'attribution dudit marché à un autre soumissionnaire

(Art. 266 TFUE et 340, al. 2, TFUE)

1.      La nécessité d’un contrôle complet de la légalité des actes communautaires exige d’interpréter l’article 225, paragraphe 1, CE et l’article 230 CE en ce sens qu’ils n’excluent pas la compétence du Tribunal pour connaître d’un recours en annulation d’un acte, relevant de la gestion des affaires courantes de la Banque européenne d'investissement par le comité de direction, qui produit des effets juridiques définitifs à l’égard d’un tiers.

Bien que n’étant pas une institution de la Communauté, la Banque n’en constitue pas moins un organisme communautaire institué et revêtu de la personnalité juridique par le traité et c’est à ce titre qu’elle se trouve soumise au contrôle de la Cour de justice, notamment dans les termes prévus à l’article 237, sous b), CE. Les actes formellement adoptés au sein de la Banque par des organes autres que ceux visés à l’article 237, sous b) et c), CE, à savoir des organes autres que le conseil des gouverneurs ou le conseil d’administration, doivent donc être susceptibles de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel s’ils sont définitifs et produisent des effets juridiques à l’égard de tiers.

(cf. points 46, 50, 52)

2.      Si, dans le système des voies de droit instauré par le traité, le recours en indemnité constitue une voie de droit autonome par rapport au recours en annulation, il n’en reste pas moins qu'il y a lieu de tenir compte du « lien direct » ou de la « complémentarité » existant entre le recours en annulation et le recours en indemnité, lorsque ce lien ou cette complémentarité existent, ainsi que du caractère accessoire du second par rapport au premier au stade de l’appréciation de la recevabilité de ces recours, aux fins d’éviter que le sort du recours en indemnité ne soit artificiellement dissocié de celui du recours en annulation, dont il n’est pourtant que l’accessoire ou le complément.

Dans la mesure où des dommages qui auraient été causés par la Banque européenne d'investissement à un requérant trouveraient leur origine dans l'exercice par la Banque d'activités qui participent à l'exécution des missions de l'administration communautaire et qui relèvent de l'intervention de cette administration en tant que pouvoir adjudicateur et que lesdits dommages ne résultent donc pas de l'exercice, par la Banque, de ses activités ou de ses opérations dans le domaine financier, le Tribunal est compétent pour statuer sur une demande en indemnité introduite à l’encontre de la Banque, sur le fondement de l’article 225, paragraphe 1, CE, de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE, lorsqu’une telle demande présente un caractère accessoire par rapport à une demande en annulation d’un acte de la Banque produisant des effets de droit définitifs à l’égard de tiers, elle-même recevable.

(cf. points 55-58)

3.      Les conditions de recevabilité d’un recours, notamment le défaut d’intérêt à agir, relevant des fins de non-recevoir d’ordre public, il appartient au Tribunal de vérifier d’office si les parties requérantes ont un intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée. Cette solution est applicable, par analogie, aux demandes en annulation formulées dans le cadre de recours contenant, accessoirement, une demande en indemnité.

(cf. point 62)

4.      Même dans l’hypothèse où, dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres, une décision d’attribution aurait été pleinement exécutée en faveur d’autres compétiteurs, un soumissionnaire conserve un intérêt à voir annuler cette décision, soit pour obtenir du pouvoir adjudicateur une remise en état adéquate de sa situation, soit pour amener le pouvoir adjudicateur à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées aux procédures d’appel d’offres, au cas où celles-ci seraient reconnues comme étant contraires à certaines exigences juridiques.

Le fait que le contrat portant sur l’exécution d’un marché public a été signé, voire exécuté, avant le prononcé de la décision mettant fin au recours introduit par un soumissionnaire évincé contre la décision d’attribution dudit marché, et que le pouvoir adjudicateur est contractuellement lié à l’attributaire ne fait pas obstacle à l’obligation qui incombe au pouvoir adjudicateur, en vertu de l’article 233 CE, si le recours au principal est accueilli, d’arrêter les mesures nécessaires pour assurer une protection appropriée des intérêts du soumissionnaire évincé.

Lorsque, à la suite du recours d’un soumissionnaire évincé d’un marché public, la décision d’attribution est annulée, mais que le pouvoir adjudicateur n’est plus en mesure de rouvrir la procédure d’appel d’offres portant sur le marché public en cause, les intérêts de ce soumissionnaire peuvent être sauvegardés, par exemple, par une compensation pécuniaire correspondant à la perte de chance de se voir attribuer le marché ou, s’il peut être établi de manière certaine que le soumissionnaire devait se voir attribuer le marché, au manque à gagner. En effet, il peut être attribué une valeur économique à la perte de chance de se voir attribuer un marché public, subie par un soumissionnaire évincé dudit marché par l’effet d’une décision illégale.

(cf. points 64-66)

5.      Un document d’appel à la concurrence, tel qu’un cahier des charges, ne peut être considéré comme un acte qui concerne chaque soumissionnaire de manière individuelle. En effet, à l’instar de l’ensemble des documents d’appel à la concurrence émis par le pouvoir adjudicateur, le cahier des charges s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Il présente donc un caractère général et sa communication individuelle aux soumissionnaires par le pouvoir adjudicateur ne permet pas d’individualiser chacun de ces soumissionnaires par rapport à toute autre personne, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Dès lors, le cahier des charges n'est pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours direct au titre de cette disposition. Par conséquent, la décision de rejet de l'offre d'un soumissionnaire est le premier acte attaquable et, partant, le premier acte autorisant ce soumissionnaire à contester incidemment la légalité de la formule utilisée lors de l’évaluation comparative des offres qui a été retenue par le pouvoir adjudicateur dans le cahier des charges.

(cf. points 73-74)

6.      Une procédure de passation de marchés publics de la Banque européenne d'investissement, financée sur les ressources propres de la Banque, n’est assujettie ni aux dispositions du titre IV de la deuxième partie du règlement nº 1605/2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, tel que modifié, ni, a fortiori, aux dispositions du titre III de la deuxième partie du règlement nº 2342/2002, établissant les modalités d'exécution du règlement financier, tel que modifié. Ces dispositions ne sont applicables qu’au budget général des Communautés européennes et, ainsi qu’il résulte de l’article 88, paragraphe 1, du règlement financier, les marchés publics qui y sont assujettis correspondent aux seuls contrats qui sont financés, en tout ou partie, par ledit budget général.

Il n’en reste pas moins que les procédures de passation de marchés publics de la Banque doivent être conformes aux règles fondamentales du traité et aux principes généraux du droit, ainsi qu’aux objectifs de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, concernant notamment la libre circulation des marchandises (article 28 CE), le droit d’établissement (article 43 CE), la libre prestation de services (article 49 CE), la non-discrimination et l’égalité de traitement, la transparence et la proportionnalité.

En outre, même si les directives concernant la passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ne régissent que des marchés passés par les entités ou les pouvoirs adjudicateurs des États membres et ne sont pas directement applicables aux marchés publics passés par l’administration communautaire, les règles ou principes édictés ou dégagés dans le cadre de ces directives peuvent être invoqués à l’encontre de ladite administration lorsqu’ils n’apparaissent, eux-mêmes, que comme l’expression spécifique de règles fondamentales du traité et de principes généraux du droit qui s’imposent directement à l’administration communautaire. En effet, dans une communauté de droit, l’application uniforme du droit est une exigence fondamentale et tout sujet de droit est soumis au principe du respect de la légalité. Par ailleurs, les règles ou principes édictés ou dégagés dans le cadre de ces directives peuvent être invoqués à l’encontre de l’administration communautaire lorsque, dans l’exercice de son autonomie fonctionnelle et institutionnelle, et dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le traité, celle-ci a adopté un acte qui renvoie expressément, pour régir les marchés publics qu’elle passe pour son propre compte, à certaines règles ou à certains principes énoncés dans les directives et par l’effet duquel lesdites règles et lesdits principes trouvent à s’appliquer, conformément au principe patere legem quam ipse fecisti.

Par ailleurs, il ressort du Guide pour la passation des marchés de services, de fournitures et de travaux par la Banque européenne d'investissement pour son propre compte, que, quoique la directive 2004/18, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, ne s’applique pas en tant que telle à la Banque, elle constitue une référence appropriée pour l’établissement des procédures de la Banque. Le Guide édicte des règles de portée générale qui produisent des effets juridiques à l’égard des tiers, notamment ceux qui décident de soumissionner à un marché public financé, en tout ou partie, par les ressources propres de la Banque, de même qu’il lie juridiquement la Banque lorsque celle-ci décide de passer un marché public pour son propre compte. Par conséquent, lorsque la Banque intervient en faisant appel aux marchés des capitaux et à ses ressources propres, notamment lorsqu’elle passe des marchés publics pour son propre compte, elle est soumise tant aux règles fondamentales du traité, aux principes généraux du droit et aux objectifs de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qu’aux dispositions du Guide, telles qu’interprétées à la lumière des principes que lesdites dispositions visent à mettre en œuvre et, le cas échéant, des dispositions de la directive 2004/18 auxquelles ces dispositions renvoient.

(cf. points 87-90, 92-93)

7.      Lorsque l'administration communautaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation, le respect des garanties conférées par l'ordre juridique communautaire dans les procédures administratives revêt une importance d'autant plus fondamentale. Parmi ces garanties, figure, notamment, l'obligation pour ladite administration de motiver de façon suffisante ses décisions.

Or, il résulte du Guide pour la passation des marchés de services, de fournitures et de travaux par la Banque européenne d'investissement pour son propre compte que, sur demande de la partie concernée, la Banque communique, dans les quinze jours suivant la réception de la demande écrite à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’adjudicataire ou des parties à l’accord-cadre.

Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE. Dans le contexte des procédures d’appel d’offres, le fait que les soumissionnaires intéressés ne reçoivent une décision motivée qu’en réponse à une demande expresse de leur part ne restreint nullement la possibilité dont ils disposent de faire valoir leurs droits devant le Tribunal. En effet, le délai de recours prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE commence à courir seulement au moment de la notification de la décision motivée, à condition que le soumissionnaire ait introduit sa demande d’obtenir une décision motivée dans un délai raisonnable après avoir pris connaissance du rejet de son offre.

Toutefois, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont il dispose dans le cadre des procédures d’appel d’offres, le pouvoir adjudicateur est tenu de fournir une motivation suffisante aux soumissionnaires écartés qui en font la demande, ce qui suppose qu’il veille soigneusement à refléter, dans les motifs qu’il communique, tous les éléments sur lesquels il a fondé sa décision.

À cet égard, une lettre de la Banque envoyée au soumissionnaire écarté et lui communiquant le nom du soumissionnaire retenu, les pondérations relatives des critères d'attribution et la ventilation des points attribués, si elle peut constituer un début d'explication, ne peut toutefois pas être considérée comme étant suffisante au regard de l'exigence selon laquelle la motivation doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'auteur de l'acte. Une telle décision de rejet de l'offre du soumissionnaire est, dans ces conditions, entachée d’une insuffisance de motivation et, partant, viole les dispositions dudit Guide et, plus généralement, l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE.

(cf. points 100, 106-108, 112, 114, 116)

8.      Dans le cadre des procédures d’appel d’offres, il convient de protéger les soumissionnaires contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur, en leur garantissant que les décisions illégales prises par ce dernier puissent faire l’objet de recours efficaces et aussi rapides que possible.

Tout d'abord, une protection juridique complète des soumissionnaires contre l’arbitraire du pouvoir adjudicateur suppose l’obligation d’informer l’ensemble des soumissionnaires de la décision d’attribution du marché avant la conclusion du contrat, afin que ceux-ci disposent d’une réelle possibilité d’intenter un recours ayant pour objet l’annulation de cette décision, lorsque les conditions qui y sont afférentes sont réunies. Ensuite, cette protection juridique complète exige de prévoir la possibilité pour le soumissionnaire écarté d’examiner en temps utile la question de la validité de la décision d’attribution, ce qui suppose qu’un délai raisonnable doit s’écouler entre le moment où la décision d’attribution est communiquée aux soumissionnaires écartés et la signature du contrat, afin notamment de permettre à ces derniers d’introduire une demande en référé, au titre des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, ainsi que de l’article 225, paragraphe 1, CE, visant à ce que le juge des référés ordonne le sursis à l’exécution de la décision de rejet de l'offre des soumissionnaires écartés jusqu’à ce que le juge du fond se prononce sur leur recours principal en annulation de cette décision. En effet, le droit à une protection juridictionnelle complète et effective implique que puisse être assurée la protection provisoire des justiciables, si elle est nécessaire pour garantir la pleine efficacité de la décision à intervenir au principal, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par les juridictions compétentes. Enfin, pour que l’exigence d’une protection juridictionnelle effective soit préservée, il faut que le pouvoir adjudicateur respecte l’obligation de motivation qui lui incombe en fournissant une motivation suffisante à tout soumissionnaire écarté qui en fait la demande, afin que ce dernier puisse user de ce droit dans les meilleures conditions possibles et se voie reconnaître la faculté de décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile pour lui de saisir le juge compétent.

(cf. points 119-122)

9.      Dans le cadre de la passation d'un marché public, le droit d'un soumissionnaire évincé à un recours effectif contre la décision qui attribue le marché à un autre soumissionnaire de même que l'obligation corrélative qui incombe au pouvoir adjudicateur de lui communiquer, sur demande, les motifs de sa décision doivent être regardés comme des formes substantielles, dans la mesure où celles-ci entourent l'élaboration de la décision d'attribution de garanties qui permettent l'exercice d'un contrôle effectif sur l'impartialité de la procédure d'appel d'offres ayant abouti à cette décision. Le non-respect par le pouvoir adjudicateur de ces formes substantielles doit entraîner l'annulation de la décision en cause.

(cf. points 130-131)

10.    La faculté laissée à la Banque européenne d'investissement de choisir librement les critères d’attribution sur la base desquels elle entend attribuer les marchés publics qu’elle passe, pour son propre compte, lui permet de prendre en considération la nature, l’objet et les spécificités propres à chaque marché.

Cependant, il importe de tenir compte des règles applicables au déroulement de la procédure d'appel d'offres énoncées dans le Guide pour la passation des marchés de services, de fournitures et de travaux par la Banque européenne d'investissement pour son propre compte et visant à garantir que la faculté laissée à la Banque dans le choix des critères d’attribution s’exerce dans le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence au stade de l’évaluation des offres en vue de l’attribution du marché. Le but de ces dispositions est, en effet, d'une part, de permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’interpréter les critères d’attribution de la même manière et de disposer, par conséquent, des mêmes chances dans la formulation des termes de leur offre et, d'autre part, de garantir le respect du principe de proportionnalité.

S’il est vrai que les critères pouvant être retenus par le pouvoir adjudicateur lorsque l’attribution se fait à l’offre économiquement la plus avantageuse ne sont pas énumérés de manière limitative dans ledit Guide et que celui-ci laisse au pouvoir adjudicateur la faculté de choisir les critères d’attribution du marché public qui lui semblent les mieux appropriés, ce choix ne peut porter que sur des critères qui visent à identifier l'offre économiquement la plus avantageuse. Partant, sont exclus, en tant que critères d’attribution, des critères qui ne visent pas à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse, mais sont liés essentiellement à l’appréciation de l’aptitude des soumissionnaires à exécuter le marché en question, qui relèvent de la phase de sélection des soumissionnaires et qui ne peuvent pas être pris en compte aux fins de l’évaluation comparative des offres.

Si l’offre d’un soumissionnaire, qui n’a pas été exclu de la procédure d’appel d’offres et répond aux critères de sélection énoncés dans l’avis de marché ou le cahier des charges, n’apparaît pas, du point de vue du pouvoir adjudicateur, comme étant économiquement la plus avantageuse, au regard des critères d’attribution énoncés dans l’avis de marché ou le cahier des charges, elle doit être écartée par le pouvoir adjudicateur, celui-ci n’étant toutefois pas autorisé à altérer l’économie générale du marché en modifiant l’une des conditions essentielles de son attribution. En effet, si le pouvoir adjudicateur était autorisé à modifier à son gré, lors de la procédure d’appel d’offres, les conditions mêmes de l’attribution, telles que les pondérations relatives aux critères d'attribution, en l’absence d’habilitation expresse en ce sens figurant dans les dispositions pertinentes applicables, les termes régissant l’attribution du marché, tels que stipulés initialement, seraient dénaturés. De plus, une telle pratique entraînerait inéluctablement une violation des principes de transparence et d’égalité de traitement des soumissionnaires, puisque l’application uniforme des conditions d’attribution et l’objectivité de la procédure ne seraient plus garanties.

(cf. points 137-138, 141-142, 160)

11.    Lorsque, dans le cadre d'une procédure en annulation d'une décision d'attribution d'un marché public de la Banque européenne d'investissement, le Tribunal ne dispose d'aucun élément lui permettant de conclure ou d'exclure avec certitude que les modifications de l'offre du soumissionnaire retenu et des pondérations relatives des critères techniques et du critère financier, antérieurement à l'adoption de la décision attaquée, ont été de nature à fausser l'évaluation comparative des offres au détriment des soumissionnaires évincés, de telle sorte que le résultat de la procédure d'appel d'offres en aurait été affecté, une telle incertitude doit être mise à la charge de la Banque en tant que pouvoir adjudicateur.

(cf. point 181)

12.    Dès lors que, dans le cadre d'un recours en indemnité, il n'est pas possible de constater l'existence d'un lien de causalité entre l'adoption, par le pouvoir adjudicateur, d'une décision écartant un soumissionnaire d'une procédure d'appel d'offres pour l'attribution d'un marché public, entachée d'illégalité, et le dommage invoqué par la partie requérante résultant de la perte du marché lui-même, celle-ci n'est pas fondée à demander une indemnité en réparation du préjudice résultant de ce qu'elle n'a pas conclu de contrat avec le pouvoir adjudicateur, ni a fortiori exécuté le marché.

Cela est sans préjudice de la compensation qui pourrait être due à la partie requérante, en application de l’article 266 TFUE, au titre d'une remise en l'état adéquate de sa situation, à la suite de l'annulation de la décision attaquée.

(cf. points 212, 214)