Language of document : ECLI:EU:T:2004:317

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
28 octobre 2004 (1)

« Dumping – Imposition de droits antidumping définitifs – Balances électroniques originaires de Chine – Statut d'entreprise évoluant en économie de marché – Détermination du préjudice – Lien de causalité – Droits de la défense »

Dans l'affaire T-35/01,

Shanghai Teraoka Electronic Co. Ltd, établie à Shanghai (Chine), représentée par Me P. Waer, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. S. Marquardt, en qualité d'agent, assisté initialement de Mes G. Berrisch et P. Nehl, puis de Me Berrisch, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Kreuschitz, Mme S. Meany et M. T. Scharf, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation de l'article 1er du règlement (CE) nº 2605/2000 du Conseil, du 27 novembre 2000, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certaines balances électroniques originaires de Chine, de Corée du Sud et de Taïwan (JO L 301, p. 42),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),



composé de Mme V. Tiili, président, MM. J. Pirrung, P. Mengozzi, A. W. H. Meij et M. Vilaras, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 6 mars 2003,

rend le présent



Arrêt




Cadre réglementaire

1
L’article 1er, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, ci-après le « règlement de base »), prévoit :

« Aux fins de l’application du [...] règlement [de base], on entend par ‘produit similaire’ un produit identique, c’est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré. »

2
L’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, tel que modifié par le règlement (CE) n° 905/98 du Conseil, du 27 avril 1998 (JO L 128, p. 18, rectificatif au JO 2000, L 263, p. 34), prévoit :

« a)
Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché […], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris la Communauté, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans la Communauté pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix. Il est également tenu compte des délais et, le cas échéant, un pays tiers à économie de marché faisant l’objet de la même enquête est retenu.

Les parties à l’enquête sont informées rapidement après l’ouverture de celle-ci du pays tiers à économie de marché envisagé et disposent de dix jours pour présenter leurs commentaires.

b)
Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance [...] de Russie et [...] de Chine, la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au [sous] c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles du [sous] a) s’appliquent.

c)
La requête présentée au titre du [sous] b) doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si :

les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’oeuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché,

les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,

les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes,

les entreprises concernées sont soumises à des lois concernant la faillite et la propriété, qui garantissent aux opérations des entreprises sécurité juridique et stabilité

et

les opérations de change sont exécutées aux taux du marché.

La question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés ci-dessus doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête, après une consultation spécifique du comité consultatif et après que l’industrie communautaire a eu l’occasion de présenter ses observations. La solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête. »

3
L’article 3 du règlement de base prévoit :

« Détermination de l’existence d’un préjudice

1.      Pour les besoins du [...] règlement [de base], le terme ‘préjudice’ s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à une industrie communautaire, d’une menace de préjudice important pour une industrie communautaire ou d’un retard sensible dans la création d’une industrie communautaire et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2.      La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif : a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté ; et b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire.

3.      En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examinera s’il y a eu augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans la Communauté. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

4.      Lorsque les importations d’un produit en provenance de plus d’un pays font simultanément l’objet d’enquêtes antidumping, les effets de ces importations ne peuvent faire l’objet d’une évaluation cumulative que : a) si la marge de dumping établie en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis au sens de l’article 9, paragraphe 3, et si le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable ; et b) si une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les produits importés et le produit communautaire similaire.

5.      L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie communautaire concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement, l’importance de la marge de dumping effective, la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités ; les facteurs qui influent sur les prix dans la Communauté, les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou l’investissement. Cette liste n’est pas exhaustive et un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

6.      Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du [...] règlement [de base]. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie communautaire au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important.

7.      Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie communautaire sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent, entre autres, le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques, ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de l’industrie communautaire.

8.      L’effet des importations faisant l’objet d’un dumping est évalué par rapport à la production communautaire du produit similaire lorsque les données disponibles permettent d’identifier cette production séparément sur la base de critères tels que les procédés de production, les ventes et les bénéfices des producteurs. S’il n’est pas possible d’identifier séparément cette production, les effets des importations faisant l’objet d’un dumping sont évalués par examen de la production du groupe ou de la gamme de produits le plus étroit, comprenant le produit similaire, pour lequel les renseignements nécessaires peuvent être fournis.

9.      La détermination concluant à une menace de préjudice important se fonde sur des faits et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités. Le changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un préjudice doit être clairement prévisible et imminent.

Pour déterminer l’existence d’une menace de préjudice important, il convient d’examiner, entre autres, des facteurs tels que :

a)      un taux d’accroissement notable des importations faisant l’objet d’un dumping sur le marché communautaire dénotant la probabilité d’une augmentation substantielle des importations ;

b)      la capacité suffisante et librement disponible de l’exportateur ou l’augmentation imminente et substantielle de la capacité de l’exportateur dénotant la probabilité d’une augmentation substantielle des exportations faisant l’objet d’un dumping vers la Communauté, compte tenu de l’existence d’autres marchés d’exportation pouvant absorber des exportations additionnelles ;

c)      l’arrivée d’importations à des prix qui pourraient déprimer sensiblement les prix ou empêcher dans une mesure notable des hausses de prix et accroîtraient probablement la demande de nouvelles importations

et

d)      les stocks du produit faisant l’objet de l’enquête.

Aucun de ces facteurs ne constitue nécessairement une base de jugement déterminante, mais la totalité des facteurs considérés doit amener à conclure que d’autres exportations faisant l’objet d’un dumping sont imminentes et qu’un préjudice important se produira si des mesures de défense ne sont pas prises. »

4
Selon l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base :

« Pour les procédures ouvertes en vertu de l’article 5, paragraphe 9, une enquête est, si possible, terminée dans le délai d’un an. En tout état de cause, ces enquêtes sont, dans tous les cas, terminées dans un délai de quinze mois suivant leur ouverture, conformément aux conclusions adoptées aux termes de l’article 8 en matière d’engagements et à celles adoptées aux termes de l’article 9 en matière d’action définitive. »

5
Enfin, l’article 20 du règlement de base prévoit :

« [...]

2.      Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires.

3.      Les demandes d’information finale visées au paragraphe 2 doivent être adressées par écrit à la Commission et reçues, dans les cas où un droit provisoire a été appliqué, un mois au plus tard après la publication de l’imposition de ce droit. Lorsque aucun droit provisoire n’a été imposé, les parties doivent avoir la possibilité de demander à être informées dans les délais fixés par la Commission.

4.      L’information finale doit être donnée par écrit. Elle doit l’être, compte tenu de la nécessité de protéger les informations confidentielles, dès que possible et, normalement, un mois au plus tard avant la décision définitive ou la transmission par la Commission d’une proposition de décision finale conformément à l’article 9. Lorsque la Commission n’est pas en mesure de communiquer certains faits ou considérations à ce moment-là, cela doit être fait dès que possible par la suite. L’information ne fait pas obstacle à toute décision ultérieure qui peut être prise par la Commission ou le Conseil et, lorsque cette décision se fonde sur des faits et considérations différents, ces derniers doivent être communiqués dès que possible.

5.      Les observations faites après que l’information finale a été donnée ne peuvent être prises en considération que si elles sont reçues dans un délai que la Commission fixe dans chaque cas en tenant dûment compte de l’urgence de l’affaire, mais qui ne sera pas inférieur à dix jours. »


Faits à l’origine du litige

6
À la suite du dépôt d’une plainte, le 30 juillet 1999, par des producteurs de balances électroniques de la Communauté européenne réalisant la majorité de la production communautaire totale du produit en cause, la Commission a ouvert, conformément à l’article 5 du règlement de base, par un avis publié le 16 septembre 1999 (JO C 262, p. 8), une procédure antidumping concernant les importations de certaines balances électroniques originaires de Chine, de Corée du Sud et de Taïwan.

7
Deux producteurs communautaires de balances électroniques, Avery Berkel Ltd et Bizerba GmbH, réalisant ensemble 39 % de la production communautaire d’alors, ont participé à l’enquête de la Commission.

8
Parallèlement, huit producteurs-exportateurs des pays concernés, dont la société requérante, quatre importateurs dont l’activité était liée à la production en question ainsi que le producteur de référence du pays analogue, à savoir l’Indonésie, ont répondu aux questionnaires envoyés par la Commission.

9
L’enquête relative au dumping et au préjudice en résultant a porté sur la période comprise entre le 1er septembre 1998 et le 31 août 1999 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances utiles à la détermination dudit préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 1995 et la fin de la période d’enquête (ci-après la « période examinée »).

10
Shanghai Teraoka Electronic Co. Ltd (ci-après la « requérante » ou « Shanghai Teraoka ») est une société de droit chinois, créée en 1992 et dont le capital est exclusivement détenu par des investisseurs étrangers, qui produit et exporte, notamment vers la Communauté, des balances électroniques.

11
Le 11 octobre 1999, la requérante a demandé à la Commission de l’autoriser à bénéficier, dans le cadre de l’enquête, du statut d’entreprise évoluant en économie de marché, conformément à l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base. Par une télécopie en date du 17 décembre 1999, la Commission a informé la requérante que cette dernière ne remplissait pas les conditions requises par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base pour bénéficier de l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché.

12
En réponse au rejet de sa demande, la requérante a soumis ses observations à la Commission par deux lettres, en date du 27 décembre 1999 et du 11 janvier 2000.

13
Les 4 janvier et 3 février 2000, la Commission a confirmé son refus d’accorder le statut d’entreprise évoluant en économie de marché à la requérante.

14
À la suite de la tenue d’une réunion, le 6 avril 2000, entre la Commission et des représentants de l’industrie communautaire en cause, deux producteurs communautaires ont soumis à la Commission, les 10 et 14 avril 2000, leurs observations relatives aux conclusions préliminaires de cette dernière sur l’existence d’un préjudice affectant ladite industrie communautaire.

15
Le 1er août 2000, la requérante a transmis à la Commission des observations relatives à la question du préjudice et à celle du lien de causalité.

16
Par télécopie du 21 septembre 2000, la Commission a informé la requérante des faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait de recommander l’institution d’un droit antidumping définitif de 13,1 % sur les importations de certaines balances électroniques fabriquées par la requérante.

17
Par télécopie du 29 septembre 2000, la requérante a demandé des informations complémentaires concernant l’existence du dumping et la détermination du préjudice supposé en résulter.

18
La Commission a répondu à cette demande par deux lettres, en date, respectivement, du 29 septembre 2000 et du 4 octobre 2000.

19
Par télécopie du 4 octobre 2000, la requérante a demandé un délai supplémentaire pour présenter ses observations. Par télécopie du 5 octobre 2000, la Commission a rejeté cette demande, sur le fondement de l’urgence.

20
Le 10 octobre 2000, la requérante a présenté ses observations sur l’information qu’elle avait reçue.

21
Par télécopie du 11 octobre 2000, la Commission a répondu aux observations de la requérante et a diminué la marge de dumping de 13,1 à 12,8 %.

22
Par télécopie du 23 octobre 2000, la Commission a complété sa réponse aux observations de la requérante.

23
Par le règlement (CE) n° 2605/2000 du Conseil, du 27 novembre 2000, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certaines balances électroniques originaires de Chine, de Corée du Sud et de Taïwan (JO L 301, p. 42, ci-après le « règlement attaqué »), le Conseil a imposé des droits antidumping de 12,8 % sur les produits exportés par la requérante et définis ci-après. Selon l’article 1er du règlement attaqué :

« 1. Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations de balances électroniques d’une portée n’excédant pas 30 kg, destinées au commerce de détail (ci-après dénommées ‘balances électroniques’), avec affichage numérique du poids, du prix unitaire et du prix à payer (équipées ou non d’un dispositif permettant d’imprimer ces indications), relevant du code NC ex 8423 8150 (code TARIC 8423 8150 10) et originaires [...] de Chine, [...] de Corée [du Sud] et de Taïwan.

2.      Le droit calculé sur la base du prix net franco frontière communautaire avant dédouanement s’élève [concernant la requérante] à : [...] 12,8 % [...] »


Procédure et conclusions des parties

24
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 février 2001, la requérante a introduit le présent recours.

25
Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 juin 2001, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la partie défenderesse. Par ordonnance du 11 septembre 2001, le président de la quatrième chambre élargie du Tribunal a admis cette intervention.

26
La Commission ayant renoncé à présenter un mémoire en intervention, la procédure écrite a été close le 28 novembre 2001.

27
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

28
Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à des questions écrites ainsi qu’à produire certains documents. Les parties ont partiellement déféré à ces demandes.

29
Les parties principales au litige ainsi que la partie intervenante ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 6 mars 2003.

30
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’article 1er du règlement attaqué en ce qu’il institue un droit antidumping définitif sur les balances électroniques qu’elle exporte ;

condamner le Conseil aux dépens.

31
Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.


Sur le fond

32
La requérante invoque, en substance, quatre moyens au soutien de son recours. Le premier moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base. Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 et 8, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du préjudice. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base. Enfin, le quatrième moyen est tiré d’une violation des règles de procédure prévues par le règlement de base.

A – Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base

1. Introduction

33
Selon la requérante, les institutions communautaires ont considéré à tort qu’elle ne remplissait pas les conditions posées par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, régissant l’attribution du statut d’entreprise évoluant en économie de marché. Elle affirme avoir apporté la preuve suffisante qu’elle était fondée à bénéficier du statut précité.

34
Le Conseil a justifié le rejet du statut d’entreprise évoluant en économie de marché en indiquant, au considérant 46 du règlement attaqué :

« [La Commission] a constaté que [...] deux sociétés [dont la requérante] vendaient leurs produits en Chine à perte, à des prix plus ou moins identiques, depuis plusieurs années. Par ailleurs, elles n’étaient pas entièrement libres de décider si elles devaient vendre leurs produits sur le marché intérieur, ni dans quelles proportions. La Commission a pour pratique constante de rejeter les demandes de statut d’[entreprise évoluant en] économie de marché lorsque les ventes intérieures font l’objet de restrictions et qu’il n’y a pas de variation des prix entre les clients, dans la mesure où une telle politique de prix identiques peut résulter d’un contrôle des prix imposé au niveau central. En outre, les éléments de preuve disponibles indiquaient que ces prix étaient non rentables depuis plusieurs années, ce qui montre aussi que les producteurs n’opéraient pas dans les conditions d’une économie de marché. »

35
Le Conseil a en conséquence estimé, au considérant 47 du règlement attaqué, que « les conditions fixées par l’article 2, paragraphe 7, [sous] c), du règlement de base n’étaient [pas] satisfaites » par la requérante.

36
La Commission, quant à elle, ainsi que le Tribunal l’a rappelé aux points 11 et 13 ci-dessus, avait rejeté la demande de la requérante visant à obtenir le statut d’entreprise évoluant en économie de marché par télécopie du 17 décembre 1999 et avait confirmé son refus par télécopies des 4 janvier et 3 février 2000. La Commission, après avoir fait état des résultats de l’enquête, avait fondé son analyse sur les trois considérations suivantes. Premièrement, la requérante se serait conformée à la loi chinoise en matière de fixation des prix du 29 décembre 1997 (ci-après la « loi sur les prix »), qui l’aurait obligée à vendre ses produits à perte, à des prix plus ou moins identiques, sur le marché intérieur chinois. Deuxièmement, la requérante n’aurait pas été entièrement libre de décider de vendre ses produits sur le marché intérieur chinois ou sur les marchés étrangers, ni de déterminer dans quelle proportion. Enfin, la requérante aurait communiqué de fausses informations à la Commission ou omis de communiquer des documents pertinents et, de ce fait, entravé l’enquête.

37
Dans le cadre du présent moyen, la requérante conteste, en premier lieu, l’interprétation retenue par la Commission, puis par le Conseil, de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base.

38
En deuxième lieu, elle conteste les constatations de la Commission et du Conseil qui ont amené ces institutions à considérer que les conditions posées par l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base n’étaient pas remplies. En particulier, la requérante conteste les constatations que la Commission a faites dans la partie intitulée « Résultats de l’enquête » de sa télécopie du 17 décembre 1999, concernant l’absence d’obligation faite à la requérante d’inscrire au passif du bilan les provisions pour créances douteuses, le plafonnement de son compte en devises étrangères au niveau du montant du capital de l’entreprise, les ventes à perte systématiques constatées sur le marché intérieur chinois, l’interdiction pesant sur la requérante, en vertu de la loi sur les prix, de pratiquer en Chine des prix différents vis-à-vis de clients similaires, les restrictions apportées à la liberté de vente sur le marché intérieur chinois et le fait que la requérante aurait fourni des informations trompeuses à la Commission lors de l’enquête.

39
Il convient d’écarter d’emblée les arguments de la requérante se rapportant aux deux premiers éléments cités au point précédent. En effet, étant donné que ni le Conseil ni la Commission n’ont fondé leur conclusion sur ces éléments, les arguments y relatifs sont inopérants.

40
En troisième lieu, la requérante fait valoir que les institutions communautaires ont omis de lui soumettre les documents sur la base desquels elles ont ensuite refusé de lui accorder le statut d’entreprise évoluant en économie de marché. Ce grief doit également être écarté, étant donné que les institutions communautaires ont procédé à leur évaluation à cet égard sur le fondement des documents que la requérante elle-même avait transmis à la Commission dans le cadre de sa réponse à la partie D du questionnaire d’enquête, ainsi que sur la base des documents dont la Commission avait pris connaissance lors de la vérification sur place.

41
De plus, il y a lieu de relever que la requérante n’a pas précisé de quelles « nouvelles données » il se serait agi et s’est bornée à faire référence aux informations contenues dans ses propres documents. Elle a ainsi reconnu dans son mémoire en réplique que « [l]’ensemble des factures relatives à toutes les transactions individuelles sur le marché intérieur [chinois avait] été mis à la disposition des enquêteurs pendant leur vérification sur place, de même que toutes autres informations concernant la comptabilité et les coûts de production ». Dès lors, il n’incombait pas aux institutions communautaires, après qu’elles en eurent tiré certaines conclusions, de communiquer à Shanghai Teraoka les documents en question, tous connus de la requérante pour émaner d’elle.

42
Il y a lieu d’ajouter que, dans ce contexte, le nouvel argument présenté en réplique par la requérante, tiré d’une violation de l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base, selon lequel le Conseil aurait produit, au cours de la procédure devant le Tribunal, des données qui ne lui auraient pas été communiquées au cours de la procédure administrative, est dénué de toute pertinence. En effet, un tel argument témoigne d’une confusion entre la procédure concernant l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché et celle relative à l’institution de mesures antidumping définitives. Dans la mesure où l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base, relatif à cette dernière procédure, est sans rapport avec l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché, sa méconnaissance ne saurait, par suite, être utilement invoquée par la requérante à propos de documents visant précisément à permettre l’obtention dudit statut.

2. En ce qui concerne l’économie de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base

a)     Arguments des parties

43
La requérante conteste l’interprétation faite par les institutions communautaires de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve. Elle soutient que le Conseil a méconnu la ratio legis de la modification de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, c’est-à-dire la volonté de tenir compte du changement fondamental de la structure économique de la Chine.

44
En outre, la requérante se prévaut de l’arrêt du Tribunal du 26 septembre 2000, Starway/Conseil (T‑80/97, Rec. p. II‑3099, point 112), duquel il ressortirait que le fait d’exiger d’un exportateur une preuve qui ne lui est pas accessible constitue une violation des principes de sécurité juridique et du respect des droits de la défense.

45
Enfin, la requérante considère que, lorsque les institutions communautaires invoquent l’existence de certains faits, il leur incombe de prouver que de tels faits existent réellement et que la constatation de ces faits a été effectuée de manière correcte. La requérante se prévaut à cet égard de l’arrêt de la Cour du 26 juin 2001, Brunnhofer (C‑381/99, Rec. p. I‑4961, point 52).

46
Le Conseil fait valoir que le raisonnement de la requérante est fondé sur une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base. Il ressortirait notamment du préambule du règlement n° 905/98 que la disposition précitée établit, à l’égard de la Chine et de la Russie, une présomption simple d’absence des conditions caractérisant une économie de marché et qu’il appartient donc au producteur-exportateur concerné et, en l’espèce, à la requérante d’apporter la preuve contraire. Selon le Conseil, l’argumentation développée par la requérante repose sur un renversement de la charge de la preuve. Par ailleurs, les institutions communautaires disposeraient, en la matière, d’un large pouvoir d’appréciation, ainsi qu’il ressortirait, d’une part, de la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, Thai Bicycle/Conseil, T‑118/96, Rec. p. II‑2991, point 32) et, d’autre part, des termes « requêtes dûment documentées » et « preuves suffisantes » contenus dans l’article 2, paragraphe 7, sous b) et c), du règlement de base.

47
Le Conseil fait enfin valoir qu’en principe les cinq conditions énoncées par la disposition précitée présentent un caractère cumulatif. Cependant, il insiste sur le fait que ces conditions ne sont pas toutes de la même importance. La première condition, selon laquelle les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants doivent être arrêtées en fonction des signaux du marché reflétant l’offre et la demande sans intervention significative de l’État, serait, à cet égard, d’une importance capitale. La seule constatation de la défaillance de la requérante à remplir la condition précitée serait donc suffisante à fonder le rejet de sa demande d’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché.

b)     Appréciation du Tribunal

48
À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (arrêts du Tribunal du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T‑162/94, Rec. p. II‑427, point 72 ; du 29 janvier 1998, Sinochem/Conseil, T‑97/95, Rec. p. II‑85, point 51 ; Thai Bicycle/Conseil, point 46 supra, point 32, et du 4 juillet 2002, Arne Mathisen/Conseil, T‑340/99, Rec. p. II‑2905, point 53).

49
Il en résulte que le contrôle du juge communautaire sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits, ou de l’absence de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 7 mai 1987, Toyo/Conseil, 240/84, Rec. p. 1809, point 19 ; arrêt Thai Bicycle/Conseil, point 46 supra, point 33, et arrêt Arne Mathisen/Conseil, point 48 supra, point 54). Il en va de même des situations de fait, d’ordre juridique et politique, qui se manifestent dans le pays concerné et que les institutions communautaires doivent évaluer pour déterminer si un exportateur agit dans les conditions du marché sans intervention significative de l’État et peut, par suite, bénéficier de l’octroi du statut propre aux entreprises évoluant en économie de marché (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Climax Paper/Conseil, T‑155/94, Rec. p. II‑873, point 98).

50
Ensuite, il y a lieu de relever que la méthode de détermination de la valeur normale d’un produit visée à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base est une exception à la méthode spécifique prévue à cette fin à l’article 2, paragraphe 7, sous a), cette dernière étant en principe applicable dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Or, il est de jurisprudence constante que toute dérogation ou exception à une règle générale doit être interprétée strictement (arrêts de la Cour du 12 décembre 1995, Oude Luttikhuis e.a., C‑399/93, Rec. p. I‑4515, point 23 ; du 18 janvier 2001, Commission/Espagne, C‑83/99, Rec. p. I‑445, point 19, et du 12 décembre 2002, Belgique/Commission, C‑5/01, Rec. p. I‑11991, point 56).

51
L’article 2, paragraphe 7, du règlement de base a été modifié en sa rédaction initiale par le règlement n° 905/98, le Conseil ayant considéré que les réformes entreprises en Russie et en Chine avaient fondamentalement modifié l’économie de ces pays et abouti à l’émergence d’entreprises soumises aux conditions d’une économie de marché. Ainsi le cinquième considérant du préambule du règlement nº 905/98 insiste-t-il sur l’importance de réexaminer la pratique antidumping menée à l’égard de ces pays, en précisant que la valeur normale d’un produit pourra être déterminée conformément aux règles applicables aux pays connaissant une économie de marché, dans les cas où il aura pu être démontré que les conditions du marché prévalaient pour un ou plusieurs des producteurs faisant l’objet de l’enquête portant sur la fabrication et la vente du produit en question. Selon le sixième considérant du même règlement, « l’examen de la prévalence des conditions de marché se fera sur la base de requêtes dûment documentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et souhaitant bénéficier de la possibilité de voir la valeur normale [du produit en cause] déterminée en fonction des règles applicables aux pays [connaissant une] économie de marché ».

52
Dès lors, il ressort de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base ainsi que des considérants précités du règlement n° 905/98, premièrement, que les institutions communautaires sont tenues, dans une hypothèse telle que celle de l’espèce, de conduire un examen cas par cas, la Chine ne pouvant pas encore être considérée comme un pays connaissant une économie de marché. La valeur normale d’un produit provenant de Chine ne peut donc être déterminée conformément aux règles applicables aux pays connaissant une économie de marché que « s’il est établi […] que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs ».

53
Deuxièmement, il ressort des dispositions susmentionnées que la charge de la preuve incombe au producteur-exportateur qui souhaite bénéficier du statut reconnu aux entreprises évoluant en économie de marché. En effet, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base prévoit que la requête « doit […] contenir des preuves suffisantes ». Partant, il n’incombe pas aux institutions communautaires de prouver que le producteur-exportateur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, aux institutions communautaires d’apprécier si les éléments fournis par le producteur-exportateur sont suffisants pour démontrer que les conditions posées par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont remplies et au juge communautaire de vérifier si cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste.

54
Pour évaluer le caractère suffisant des preuves fournies par le producteur intéressé, il y a lieu d’appliquer les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base. À cet égard, il résulte aussi bien de l’utilisation du terme « et », entre le quatrième tiret et le cinquième tiret de cette disposition, que de la nature même de ces conditions que celles-ci sont cumulatives. Partant, le producteur concerné doit remplir toutes les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base pour pouvoir bénéficier du statut reconnu aux entreprises évoluant en économie de marché et, s’il ne remplit pas l’une de ces conditions, sa demande doit être rejetée.

55
Dès lors, il convient d’examiner si la requérante a démontré qu’elle satisfaisait à la première condition posée par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, selon laquelle les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants doivent être arrêtées en fonction des signaux du marché reflétant l’offre et la demande, sans intervention significative de l’État.

3. En ce qui concerne la première condition posée par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base

a)     S’agissant de l’application de prix uniformes

Arguments des parties

56
La requérante fait valoir que la constatation selon laquelle elle vendait ses produits en Chine à des prix uniformes est manifestement erronée. Elle soutient que la loi sur les prix ne s’applique pas au marché des balances électroniques. En tout état de cause, la teneur même de la loi sur les prix ne serait pas celle décrite par la Commission. La requérante souligne également que la liste de prix sur laquelle s’est fondé le Conseil ne reflète pas les prix réellement facturés, qui sont renégociés avec les revendeurs. La requérante ajoute que le fait d’appliquer un prix identique aux partenaires se situant au même niveau commercial témoigne de son respect du principe de concurrence loyale, tel qu’appliqué au sein de la Communauté européenne, via la répression des abus de position dominante.

57
La requérante rappelle avoir expliqué que ses prix étaient déterminés par l’offre et la demande et que le marché chinois était hautement compétitif. Par ailleurs, les institutions communautaires auraient retenu une approche très lacunaire et imprécise, en ne prenant notamment en compte que treize factures concernant les ventes sur le marché intérieur chinois, lesquelles se seraient pourtant élevées à 25 701 unités durant la période d’enquête. Or, l’ensemble des factures relatives à toutes les transactions individuelles sur le marché intérieur chinois, démontrant l’existence des négociations sur les prix intervenues entre la requérante et ses clients, aurait été mis à la disposition des enquêteurs de la Commission pendant leur vérification sur place. À cet égard, les institutions communautaires n’auraient pas tenu compte du fait que, lors de ces négociations, aucune référence à l’existence d’un contrôle gouvernemental sur les prix n’avait été faite. En outre, la requérante estime avoir démontré, dans sa réponse au questionnaire relatif à l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché, que la moyenne mensuelle des prix de vente pratiqués sur le marché intérieur chinois révélait une importante variation, ce qui corroborerait son affirmation selon laquelle les prix des transactions individuelles conclues par elle variaient également de façon significative.

58
Le Conseil soutient que la requérante n’a pas prouvé l’existence de réelles négociations sur les prix.

Appréciation du Tribunal

59
Il importe d’examiner si la requérante a apporté suffisamment de preuves pendant l’enquête pour établir qu’elle était libre de fixer ses prix sur le marché intérieur chinois « en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État », comme l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier tiret, du règlement de base l’exige.

60
Il incombait ainsi à la requérante, lors du déroulement de l’enquête, de fournir à la Commission la preuve de la variation des prix résultant des transactions individuelles conclues par elle, par exemple par le biais de factures. À cet égard, la requérante ne saurait reprocher aux institutions communautaires de ne pas avoir pris en compte toutes les factures (soit plus de 25 000) concernant les ventes unitaires réalisées pendant la période d’enquête. En effet, il appartenait à la requérante d’identifier, parmi ces factures, celles dont il serait résulté qu’elle appliquait effectivement des prix différents pour le même modèle vendu à des clients différents. Il convient d’ajouter que, quand la requérante a pris connaissance des conclusions de la Commission selon lesquelles elle vendait à des prix uniformes, elle aurait encore pu, pendant la procédure administrative, fournir à la Commission les factures qu’elle estimait pertinentes.

61
Il y a lieu d’examiner ensuite si la requérante a satisfait à l’exigence concernant l’administration de la preuve, du fait qu’elle a fourni aux enquêteurs de la Commission, lors de la vérification sur place, des fiches de négociation (negotiation sheets) et des contrats (national contracts), afin de démontrer que des négociations sur les prix avaient eu lieu avec les filiales chinoises locales de la SA Carrefour (ci-après « Carrefour »). Or, il convient de relever que ces documents, présentés par la requérante devant le Tribunal, loin d’établir l’existence de rabais accordés à ce client, font apparaître une exacte correspondance entre le prix facturé et le prix figurant sur la liste des prix arrêtée pour le marché intérieur chinois. Ainsi, le prix de base du modèle le plus vendu auprès de Carrefour était identique au prix figurant sur la liste des prix de la requérante pour le marché intérieur chinois. En effet, la comparaison entre les documents produits et la liste des prix du produit concerné pour le marché intérieur chinois permet de constater que le prix du modèle en question (à savoir les balances électroniques SM‑80SXB, appartenant au segment supérieur) ne différait en rien de celui figurant sur ladite liste, c’est-à-dire 6 837,61 yuans ren-min-bi (CNY), étant précisé que, si les factures établies par Carrefour et présentées par la requérante lors de l’enquête font référence à un prix de 8 000 CNY, ce dernier montant comprend les 17 % de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliqués au prix figurant sur la liste. Les fiches de négociation de Carrefour font, quant à elles, référence à un prix de 12 000 CNY, soit le prix figurant sur la liste, plus 17 % de TVA, majoré d’un montant supplémentaire pour le service de 4 000 CNY. La même uniformité ressort du prix pratiqué sur le modèle SM‑80SXP. Enfin, en réponse à une question écrite, le Conseil a transmis au Tribunal une facture émanant de Carrefour, de laquelle il ressort que le prix effectivement facturé correspond à l’addition du prix figurant sur la liste, des 17 % de TVA et d’un montant supplémentaire de 4 000 CNY, ce qui témoigne ainsi de la même logique que celle révélée par l’examen des fiches de négociation. La requérante a d’ailleurs confirmé, lors de l’audience, l’existence de la pratique consistant à verser un montant forfaitaire de 4 000 CNY pour le service.

62
Dès lors, force est de constater que les prix figurant sur les factures, les contrats et les fiches de négociation de Carrefour ne sont pas différents des prix figurant sur la liste des prix. Il apparaît à l’examen des fiches de négociation que le même principe vaut également pour les tarifs pratiqués par la requérante à l’égard de la société Nanjing Supermarket Ltd, un autre de ses clients.

63
Par conséquent, ni les fiches de négociation, ni les contrats, ni les factures produits ne démontrent que la requérante a appliqué, pour un même produit, des prix différents à ses différents clients.

64
Cette constatation n’est pas infirmée par le fait, invoqué par la requérante, que son principal client sur le marché intérieur chinois, à savoir la société Shanghai Teraoka Electronic Scales Co. Ltd, négociait auprès d’elle de meilleurs prix que ceux obtenus par ses autres clients. En effet, comme l’a indiqué à juste titre la Commission dans sa télécopie du 17 décembre 1999, on peut nourrir des doutes concernant l’indépendance de cette entreprise vis-à-vis de la requérante. Au demeurant, il importe de noter que la requérante n’a même pas essayé de contester l’existence des liens en question dans sa correspondance avec la Commission, non plus que dans sa requête ou son mémoire en réplique. Dans sa lettre du 27 décembre 1999, où elle contestait les résultats et conclusions de la Commission transmis par télécopie du 17 décembre 1999, elle n’a pas du tout commenté l’argument selon lequel la société Shanghai Teraoka Electronic Scales Co. Ltd aurait été liée à elle. Il en va de même pour la lettre du 11 janvier 2000, dans laquelle la requérante contestait les réponses apportées à ses observations par la Commission, par lettre du 4 janvier 2000, réponses qui réitéraient le doute de l’institution communautaire concernant les liens unissant la requérante à ladite société. La requérante n’ayant donc pas contesté l’existence de liens entre elle et la société Shanghai Teraoka Electronic Scales Co. Ltd, la Commission a pu à juste titre écarter du champ de son analyse les prix facturés par la requérante à cette entreprise.

65
Il convient encore d’examiner si, malgré le fait que la requérante n’a pas produit de factures pertinentes, elle a néanmoins fourni des preuves significatives dans sa réponse figurant à la partie D, concernant l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché, du questionnaire d’enquête de la Commission. Dans sa réponse, la requérante a transmis à la Commission les informations suivantes concernant ses ventes : les quantités mensuelles du produit concerné vendues sur le marché intérieur chinois et la moyenne mensuelle des prix de vente sur le marché intérieur chinois du produit concerné pendant la période d’enquête, le total des ventes, en volume et par produit, des principaux produits vendus par la requérante sur le marché intérieur chinois pendant la période d’enquête, la liste des prix de vente sur le marché intérieur chinois du produit concerné, les quantités mensuelles des ventes à l’exportation du produit concerné et la moyenne mensuelle des prix de vente à l’exportation pendant la période d’enquête, la liste des prix à l’exportation du produit concerné et la liste des ventes à l’exportation vers la Communauté, arrêtée sur une base mensuelle, pour les trois mois principaux de la période d’enquête, à savoir septembre 1998, janvier 1999 et mars 1999.

66
Sur la base des données figurant dans le tableau annexé à la requête, contenant la moyenne mensuelle des prix de vente du produit concerné sur le marché intérieur chinois pendant la période d’enquête, la requérante a établi un nouveau tableau, présenté dans son mémoire en réplique, mettant en évidence le pourcentage de variation entre le prix moyen le plus bas et le prix moyen le plus élevé par modèle de balance électronique, afin de démontrer qu’elle ne pratiquait pas des prix identiques. Il convient à cet égard de présenter, sur la base des données contenues dans la réponse de la requérante à la partie d du questionnaire d’enquête de la Commission, non contestées par les institutions communautaires, un tableau faisant apparaître la quantité et le pourcentage des ventes sur le marché intérieur chinois pour chaque modèle, ainsi que le pourcentage de variation du prix de vente pendant la période d’enquête. il importe de souligner que, selon le règlement attaqué, le marché des balances électroniques est communément réparti en trois segments distincts : un segment inférieur, un segment intermédiaire et un segment supérieur.

                
Modèle

Quantité vendue sur le marché intérieur chinois

Pourcentage des ventes sur le marché intérieur chinois

Pourcentage de variation des prix de vente sur le marché intérieur chinois

DS-685B

13 693

53,28

2,21

DS-685FB

2 127

8,27

9,72

DS-685FP

26

0,10

15,86

DS-688B

3 455

13,44

11,88

DS-688P

6

0,02

non disponible

DS-688FB

3 471

13,50

9,54

DS-688FP

88

0,34

13,47

DS-650

361

1,40

8,70

DS-681

189

0,74

68,75

SM-80/81B

151

0,59

71,89

SM-80/81P

1 982

7,71

34,55

SM-90H

18

0,07

21,87

RM-30

134

0,52

47,64

67
Dans ce tableau figurent huit modèles (DS-685FP, DS-688P, DS-688FP, DS-650, DS-681, SM-80/81B, SM-90H et RM-30) qui représentent au total 3,78 % des ventes de la requérante sur le marché intérieur chinois. Or, ce sont notamment ces modèles pour lesquels les prix varient le plus. Il convient par conséquent de relever que, étant donné la faible quantité des ventes totales de ces modèles, les variations de prix s’y rapportant ne peuvent pas être considérées comme représentatives d’une tendance qui caractériserait le comportement d’ensemble de la requérante quant à la détermination des prix qu’elle pratique à l’égard de ses différents clients.

68
En ce qui concerne les variations de prix de 71,89 et de 34,55 % constatées dans les ventes de balances électroniques SM-80/81B et SM-80/81P, lesquelles appartiennent au segment supérieur, elles résultent principalement du fait, ainsi que l’a indiqué le Conseil sans être sur ce point contredit par la requérante, que les modèles en question comprennent un certain nombre de sous-modèles. Chaque sous-modèle ayant un prix différent, il en découle, bien qu’un même sous-modèle soit vendu à un prix uniforme, une variation du prix de vente moyen, laquelle est fonction du volume respectif des ventes de chaque sous-modèle pendant une période donnée.

69
Il ressort également de ce tableau que, pour le modèle le plus vendu (à savoir le modèle DS-685B, représentant 53,28 % des ventes sur le marché intérieur chinois), les prix mensuels moyens varient de 2,21 %. Il convient, toutefois, de relever que cette variation, au demeurant très faible, ne corrobore pas en soi l’existence de prix différents vis-à-vis de clients différents. Enfin, la variation des prix d’environ 10 % concernant chacun des trois modèles restant à examiner (c’est-à-dire les modèles DS-685FB, DS-688B et DS-688FB) ne peut pas, à elle seule, être considérée comme significative.

70
En effet, les données fournies par la requérante ne concernent que la moyenne mensuelle des prix de vente, dont l’évolution peut également résulter d’une variation des prix dans le temps, et n’exclut donc pas que des prix uniformes aient pu être appliqués à différents clients pendant une même période. Il y a lieu de relever, par suite, que les données figurant au dossier, et en particulier celles rassemblées dans le tableau présenté au point 66 ci-dessus, ne permettent pas d’établir que des prix différents auraient été effectivement facturés à des clients différents pendant la période d’enquête.

71
Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel elle intervenait dans un contexte de concurrence généralisée, et modulait ses prix et les adaptait en fonction de ceux de ses rivaux, il suffit de relever qu’elle n’a apporté aucun élément susceptible d’étayer ces allégations. En outre, elle n’a pas établi que les conditions dans lesquelles la pratique de prix différenciés aurait pu être regardée comme abusive au regard des règles de concurrence seraient remplies en l’espèce.

72
Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la loi sur les prix n’a pas eu d’incidence sur sa politique tarifaire, il suffit de constater que le Conseil ne s’est pas fondé sur l’éventuelle applicabilité de cette loi, mais sur le fait que la requérante n’avait pas fourni de preuves suffisantes de ce qu’elle déterminait ses prix en fonction des conditions du marché.

73
Par conséquent, la Commission puis le Conseil ont pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la requérante n’avait pas produit pendant l’enquête de preuves suffisantes démontrant qu’elle demandait, pour un même produit, des prix différents à des clients différents.

b)     S’agissant des ventes à perte

Arguments des parties

74
La requérante soutient que la conclusion retenue par la Commission, selon laquelle elle aurait systématiquement vendu à perte sur le marché intérieur chinois, est à la fois prématurée et non pertinente. En effet, d’une part, la Commission n’aurait pas attendu la communication complète des données nécessaires pour se prononcer sur ce point. Il ressortirait, d’autre part, des conclusions du Conseil que de telles pratiques existent couramment chez certains opérateurs agissant dans des conditions d’économie de marché. La requérante se réfère à cet égard aux considérants 30 et 38 du règlement attaqué.

75
En ce qui concerne le bilan total des pertes et profits, la requérante conteste les conclusions des institutions communautaires selon lesquelles elle aurait subi des pertes importantes et systématiques sur le marché intérieur chinois et réalisé des bénéfices élevés sur les marchés d’exportation. La requérante fait observer qu’elle vend une proportion importante de produits autres que les balances électroniques sur le marché national chinois. L’ensemble des données relatives aux ventes effectuées sur le marché intérieur chinois, qui figuraient dans le compte des pertes et profits afférent à la totalité des produits, ne peut dès lors, fait-elle valoir, constituer une indication fiable sur la rentabilité des ventes de balances électroniques sur le marché intérieur chinois. Par ailleurs, le bilan n’indiquerait pas séparément les pertes et profits pour les ventes à l’exportation, d’une part, et les ventes sur le marché national chinois, d’autre part. Dans ces conditions, selon la requérante, il est inexact de prétendre que le compte de résultats indique clairement des bénéfices élevés pour les exportations et des pertes importantes pour les ventes sur le marché intérieur chinois.

76
Selon la requérante, les institutions communautaires n’ont jamais communiqué les calculs étayant cette allégation. La requérante estime que, sur la base des hypothèses qu’elle a pu émettre quant au calcul effectué par les institutions communautaires, les résultats d’une telle opération font apparaître, en ce qui concerne les ventes réalisées sur le marché intérieur chinois, un bénéfice de 1,96 % pour l’année 1997 et une perte, jugée par elle insignifiante, de 0,73 % pour l’année 1998. Selon le même calcul, ses bénéfices à l’exportation se seraient élevés à 8,68 % en 1997 et à 10,50 % en 1998. Selon la requérante, le Conseil a donc commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que ces données indiquaient clairement des pertes importantes concernant les ventes réalisées sur le marché intérieur chinois pendant plusieurs années.

77
En outre, la requérante conteste avoir subi, contrairement à ce qu’affirme le Conseil, d’« énormes pertes » concernant les ventes du modèle DS-685B sur le marché intérieur chinois durant la période d’enquête et fait valoir que le Conseil n’a pas rendu publics les éléments qu’il a pris en considération pour arriver à une telle constatation. La requérante note que sa correspondance avec la Commission révèle à l’inverse que la plupart de ses bénéfices ont été générés par des ventes effectuées sur le marché intérieur chinois, notamment les ventes des modèles SM‑80 et SM‑90.

78
Par ailleurs, la requérante invite le Conseil à présenter les données qu’il a utilisées pour arriver à la conclusion selon laquelle la requérante vendait presque tous ses modèles à perte et à des prix uniformes sur le marché intérieur chinois. Dans la mesure où le Conseil produirait de nouvelles données, la requérante souhaite soulever un nouveau moyen de droit, aux termes duquel ces données n’ont pas été communiquées au sens du règlement de base, ce qui constituerait une violation de l’article 20, paragraphe 4, dudit règlement.

79
Selon le Conseil, il ressort de la réponse de la requérante au questionnaire d’enquête de la Commission ainsi que des documents recueillis lors de la vérification sur place que la requérante faisait des bénéfices élevés à l’occasion de ses exportations alors qu’elle subissait des pertes significatives sur le marché intérieur chinois.

80
En outre, le Conseil est d’avis que le calcul effectué par la requérante n’est pas valable, car cette dernière aurait omis de prendre en compte les subventions qu’elle a reçues ainsi que, pour l’année 1998, les revenus provenant d’autres opérations. Dès lors, selon le calcul du Conseil, les ventes réalisées par la requérante sur le marché intérieur chinois se sont en réalité traduites par un bénéfice, qu’il juge insignifiant, de 0,24 % pour l’année 1997 et par une perte, qu’il considère comme importante, de 2,59 % pour l’année 1998, tandis que les bénéfices à l’exportation se seraient élevés à 6,96 % en 1997 et à 8,67 % en 1998. Le Conseil a produit à cet égard le tableau suivant, reprenant le tableau des profits et pertes présenté par la requérante et y intégrant les subventions que celle-ci a reçues et dont les montants sont indiqués en caractères gras (ce tableau a fait l’objet d’une révision par le Tribunal en vue d’une plus grande exactitude) :

    1998

1997

                            
    Total de la société

Exportation

Marché intérieur

Total de la société

Exportation

Marché intérieur

Ventes

123 463 310,37

76 972 132,82

46 491 177,55

106 828 244,78

64 065 349,63

42 762 895,15

Coût des ventes

97 605 947,54

57 656 631,16

39 949 316,38

84 044 953,44

48 673 547,18

35 371 406,26

Autres dépenses et revenus

18 113 541,34

11 230 395,63

6 883 145,71

16 381 137,64

9 828 682,58

6 552 455,06

+ 2 273 246,55

+ 1 409 412,86

+ 863 833,68

+ 1 844 989,62

+ 1 106 993,77

+ 737 995,84

+ 150 000,00

                    
20 536 787,89

12 639 808,49

7 746 979,39

18 226 127,26

10 935 676,35

7  290 450,90

Profits/pertes

7 743 821,49

8 085 106,03

- 341 284,54

6 402 153,70

5 563 119,87

839 033,83

5 320 574,94

6 675 693,17

– 1 205 118,22

4 557 164,08

4 456 126,10

101 037,99

Profits/pertes % du chiffre d’affaires (ventes)

6,27

10,50

- 0,73

5,99

8,68

1,96

4,31

8,67

– 2,59

4,27

6,96

0,24

Appréciation du Tribunal

81
Il y a lieu de vérifier, en premier lieu, si les droits procéduraux de la requérante ont été violés en ce qui concerne les éléments de fait sur lesquels les institutions communautaires ont fondé leur conclusion quant aux ventes à perte, en deuxième lieu, si les institutions communautaires ont commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les ventes à perte constituaient un élément permettant de conclure que la requérante n’opérait pas dans une économie de marché et, en troisième lieu, si les institutions communautaires ont commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant, sur la base de ces éléments, l’existence de ventes à perte.

82
S’agissant, en premier lieu, du grief de la requérante relatif à la violation de ses droits procéduraux, il suffit de renvoyer au point 40 ci-dessus.

83
En deuxième lieu, il convient de relever que l’argument de la requérante selon lequel certains opérateurs agissant dans des conditions d’économie de marché effectuent également parfois des ventes à perte n’affecte pas en soi le fait qu’une telle pratique puisse être considérée comme un des indices permettant de conclure, notamment en présence d’autres indices tels que des prix uniformes et des restrictions apportées aux ventes, qu’un opérateur économique n’a pas démontré remplir la première condition posée par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base.

84
En troisième lieu, il importe de rappeler que le Conseil a justifié le rejet du statut d’entreprise évoluant en économie de marché au motif que « les éléments de preuve disponibles indiquaient que [l]es prix [de la requérante sur le marché intérieur chinois] étaient non rentables depuis plusieurs années ». Il convient également de souligner qu’il appartenait à la requérante de démontrer qu’elle opérait dans les conditions d’une économie de marché. Or, après avoir été informée par la Commission, par lettre du 17 décembre 1999, que cette dernière considérait que la requérante avait systématiquement subi des pertes sur le marché intérieur chinois, la requérante, loin de produire des éléments de preuve démontrant le contraire, s’est bornée à affirmer, dans ses lettres du 27 décembre 1999 et du 11 janvier 2000, que la Commission ne pouvait conclure en ce sens sans disposer de données qui n’étaient exigibles que dans le cadre de la réponse à la partie C du questionnaire d’enquête concernant, notamment, la rentabilité de l’entreprise. Si la requérante estimait que les conclusions de la Commission étaient inexactes, rien ne l’empêchait de présenter des pièces pertinentes à la Commission, démontrant, le cas échéant, l’existence de bénéfices sur le marché intérieur chinois pour les années en cause. La requérante n’a cependant pas produit de telles preuves.

85
S’agissant, ensuite, des éléments de preuve sur lesquels les institutions communautaires ont fondé leur appréciation, il convient de considérer, tout d’abord, que le fait pour la requérante d’avoir également vendu d’autres produits que des balances électroniques n’implique pas, en l’espèce, que la Commission ait commis une erreur manifeste d’appréciation en ayant recours aux données figurant dans le compte de résultats de la requérante aux fins d’estimer ses pertes et profits quant au seul produit en cause. En effet, il était possible de déterminer, à partir des documents soumis par la requérante lors de l’enquête, le montant des ventes de balances électroniques en valeur monétaire réelle. Il importe de relever à cet égard que, lorsque l’on mesure les ventes en valeur monétaire réelle et non en unités, on constate que les ventes de balances électroniques représentaient environ les trois quarts des ventes de la requérante sur le marché intérieur chinois. En effet, selon le compte de résultats de l’année 1998, le chiffre d’affaires de la requérante sur le marché intérieur chinois était de près de 46,5 millions de CNY (soit le chiffre d’affaires global, diminué du chiffre d’affaires à l’exportation), alors que, d’après le tableau comprenant la moyenne mensuelle des prix de vente et les quantités mensuelles de balances électroniques vendues sur le marché intérieur chinois pendant la période d’enquête, fourni par la requérante et non contesté par le Conseil, le montant des ventes de balances électroniques s’est élevé à 34,1 millions de CNY.

86
Ensuite, il convient de se prononcer sur la validité du calcul de la requérante, selon lequel ses ventes sur le marché intérieur chinois se sont traduites par un bénéfice de 1,96 % durant l’exercice comptable 1997 et, pendant l’exercice 1998, par une perte de 0,73 %. À cet égard, le Conseil relève à juste titre que la requérante a ajouté aux recettes issues de ses ventes lors de la période 1997‑1998 des subventions d’un montant supérieur à 4 millions de CNY.

87
Cette circonstance permet de mettre en doute la valeur du calcul de la requérante. En effet, s’il est vrai que, dans une économie de marché, il existe également des subventions, il s’agit toujours d’un élément étranger au marché et d’une intervention de la puissance publique susceptible d’orienter le comportement des entreprises dans une direction différente de celle résultant des forces du marché. Il y a lieu de souligner que, même si le montant des subventions en cause est peu important par rapport au chiffre d’affaires total de la requérante au cours de ces deux années, il devient important lorsqu’on le compare avec les bénéfices très faibles et occasionnels réalisés sur le marché chinois.

88
Or, lorsqu’on déduit les subventions obtenues par la requérante des profits qu’elle a réalisés, comme le fait le Conseil (voir point 80 ci-dessus), on constate en effet, ce qui apparaît plausible, que les pertes de la requérante sur le marché intérieur chinois s’élevaient à 2,59 % en 1998, alors que, en 1997, sa situation était proche de l’équilibre, avec un bénéfice de 0,24 %. De même, un tel calcul fait apparaître que les pertes de la requérante sur le marché intérieur chinois pour les deux années en question ont pu dépasser 1,1 million de CNY, alors que ses bénéfices à l’exportation se sont élevés à plus de 11,1 millions de CNY.

89
Dans ces circonstances, il convient certes de constater que les termes retenus dans les considérants du règlement attaqué vont au-delà de ce qui résulte des éléments sur lesquels les institutions communautaires se sont appuyées. Il n’en reste pas moins que, sur la base de ces éléments, les institutions communautaires pouvaient conclure, sans commettre d’erreur manifeste, que les ventes de la requérante en Chine n’étaient globalement pas rentables pendant la période pour laquelle des données étaient disponibles.

90
Cela constitue un indice qui, combiné avec les autres éléments en cause, pouvait justifier la conclusion selon laquelle la requérante n’avait pas démontré qu’elle opérait dans les conditions d’une économie de marché.

91
En présence d’un tel indice, il appartenait à la requérante soit de fournir, pendant la procédure administrative, des éléments de nature à infirmer la constatation des institutions communautaires y relative, soit d’apporter des éléments concrets susceptibles de démontrer que, malgré l’absence globale de rentabilité, ses ventes en Chine étaient conformes au comportement d’une entreprise opérant dans des conditions de marché.

92
À cet égard, la requérante affirme simplement que, sur le marché intérieur chinois, la plupart des bénéfices ont été générés par les ventes de balances électroniques du modèle SM-80 et du modèle SM-90. Or, la réalisation de bénéfices du fait de la vente des modèles en question, alors qu’il vient d’être constaté que, pour l’ensemble des autres balances électroniques, la requérante devait faire face à des pertes sur le marché intérieur chinois, permet logiquement de conclure à l’existence de pertes plus élevées pour les autres modèles, notamment pour les modèles les plus vendus comme le modèle DS-685B, représentant le segment inférieur, ce qui infirme le calcul de la requérante, notamment en ce qui concerne l’année 1998. Ces mêmes modèles du segment inférieur sont ceux que la requérante a exportés vers la Communauté européenne.

93
Dans ces circonstances, il convient de considérer que la requérante n’a pas démontré que les institutions communautaires aient commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant qu’elle vendait à perte ses produits en Chine.

c)     S’agissant du ratio entre les ventes sur le marché intérieur chinois et les exportations

Arguments des parties

94
La requérante réfute l’affirmation figurant dans le règlement attaqué selon laquelle elle n’était pas entièrement libre de décider de la proportion entre ses ventes sur le marché intérieur chinois et ses ventes à l’exportation.

95
La requérante conteste l’allégation selon laquelle un ratio d’exportation lui a été imposé, conformément aux dispositions statutaires la régissant et à l’article 15 des dispositions détaillées pour la mise en oeuvre de la loi chinoise sur les sociétés dont le capital est entièrement détenu par des investisseurs étrangers (ci-après les « dispositions détaillées »), par un contrat passé entre elle et l’autorité locale d’investissement. Elle affirme que l’inexistence d’un tel ratio est démontrée, d’une part, par le certificat de la commission économique des affaires étrangères de Jinshan (Chine) du 22 décembre 1999, qu’elle a produit à l’instance (ci-après le « certificat de Jinshan »), et, d’autre part, par le fait qu’elle effectuait la majeure partie de ses ventes sur le marché intérieur chinois. La requérante fait observer que le certificat de Jinshan confirme explicitement qu’aucun ratio concernant ses ventes à l’exportation n’a été défini par les autorités chinoises. Selon la requérante, ledit élément de preuve est le seul pertinent pour établir que le gouvernement chinois ne lui imposait aucun ratio.

96
La requérante conteste les assertions du Conseil relatives à la politique suivie en la matière par le gouvernement chinois. Selon la requérante, l’existence d’entreprises publiques chinoises de fabrication de balances électroniques, qui ont commencé, dès les années 80, à vendre lesdites balances sur le marché intérieur chinois, ne saurait être sérieusement contestée.

97
Le Conseil fait valoir que les institutions communautaires ont constaté, entre 1996 et la période d’enquête, l’existence d’un ratio constant entre les ventes de Shanghai Teraoka à l’exportation et celles réalisées par elle sur le marché intérieur chinois, et que la requérante n’a pas expliqué pourquoi elle avait maintenu, en dépit de ses pertes sur le marché intérieur chinois, un tel pourcentage si aucun ratio concernant les ventes à l’exportation ne lui avait été imposé.

Appréciation du Tribunal

98
Le certificat de Jinshan est libellé comme suit :

« Nous, commission économique des affaires étrangères de Jinshan, sommes l’autorité d’approbation de la constitution en Chine de l’entreprise Shanghai Teraoka Electronic Co. Ltd, entièrement détenue par l’entreprise Teraoka Seiko Co. Ltd, Japon. Compte tenu d’une négociation d’emblée excellente entre M. Kazuharu Teraoka, président du conseil d’administration, et nous, nous n’avons pas fixé de ratio concernant les ventes à l’exportation pour cette société. De plus, nous n’avions pas à signer de contrat, en raison du fait que Shanghai Teraoka Electronic Co. Ltd est une société dont le capital est entièrement détenu par des investisseurs étrangers. »

99
Afin de déterminer si ce document prouve que la requérante était libre de décider, en fonction des conditions du marché, de la proportion de ses produits à vendre, respectivement, sur le marché intérieur chinois et à l’exportation, il convient de rappeler, tout d’abord, le contenu de la législation chinoise régissant la création d’une entreprise telle que la requérante.

100
L’article 15 des dispositions détaillées énonce que la demande portant sur la création d’une entreprise dont le capital est entièrement détenu par des investisseurs étrangers doit contenir, notamment, le ratio de vente sur le marché intérieur chinois et sur le marché international. En vertu de l’article 45 de ces mêmes dispositions, « [l]orsqu’elle vend des produits sur le marché [intérieur] chinois, une entreprise dont le capital est entièrement détenu par des investisseurs étrangers est tenue de se conformer au ratio de vente approuvé » et « [a]u cas où une entreprise dont le capital est entièrement détenu par des investisseurs étrangers projette de vendre davantage de ses produits sur le marché [intérieur] chinois que ne le prévoit le ratio de vente approuvé, l’agrément de l’autorité d’examen et d’approbation est requis ».

101
Quant à l’existence d’un « contrat » conclu au titre de l’article 15 des dispositions détaillées, il y a lieu de noter qu’il s’agit, en réalité, de la « demande portant sur la création d’une entreprise dont le capital est entièrement détenu par des investisseurs étrangers », qui impose de mentionner, notamment, le ratio de vente des produits sur le marché intérieur chinois et à l’exportation. Or, malgré la demande de la Commission tendant à ce que ce document soit produit, force est de constater qu’un tel document ne figure pas parmi les informations que la requérante a transmises à la Commission lors de l’enquête.

102
En revanche, en réponse à une question écrite, la requérante a transmis au Tribunal des documents relatifs à la procédure suivie pour sa création. Il ressort de trois de ces documents, à savoir de l’étude de faisabilité du projet de fabrication et de fonctionnement de capteurs de haute précision et ses applications par investissement unique, présentée le 8 août 1992 par la requérante, de la réponse officielle au projet, arrêtée par le comté de Jinshan le 3 septembre 1992, et de la demande d’agrément du projet d’implantation d’une entreprise dont le capital est détenu par des investisseurs étrangers, enregistrée auprès de la commission du commerce extérieur et de la coopération économique du comté de Jinshan le 4 septembre 1992, que 50 % des produits devaient être vendus à l’étranger. Les autres documents, notamment le dossier de candidature de l’entreprise nouvellement créée ou développée, déposé auprès de la commission du développement et de la planification du comté de Jinshan le 31 août 1992, le rapport relatif à l’étude de faisabilité et aux dispositions statutaires d’une entreprise dont le capital est détenu par des investisseurs étrangers, établi par la commission du commerce extérieur et de la coopération économique du comté de Jinshan le 17 septembre 1992, et la réponse officielle relative à l’étude de faisabilité et aux dispositions statutaires concernant une entreprise dont le capital est détenu par des investisseurs étrangers, arrêtée par le comté de Jinshan le 17 septembre 1992, faisaient seulement état du fait qu’« une partie » de la production serait exportée. Ces documents confirment, d’une part, que la requérante devait bien mentionner le pourcentage de ses ventes destiné à l’exportation lors de l’introduction de sa demande visant à créer une société au capital entièrement détenu par des investisseurs étrangers et, d’autre part, que ce pourcentage a fait l’objet d’une approbation par les autorités du comté de Jinshan dans la réponse officielle du 3 septembre 1992 à la demande portant sur la création de la requérante. Ces documents font apparaître qu’il n’était pas envisagé, lors de la création de la requérante, que celle-ci jouirait d’une liberté complète au regard de la répartition de ses ventes. Ils contredisent donc le contenu du certificat de Jinshan. Dans ces conditions, ce certificat ne suffit pas à démontrer que la requérante était libre de décider, sans être influencée à cet égard par les autorités chinoises, dans quelle proportion ses produits seraient vendus sur le marché intérieur chinois et dans quelle mesure ils seraient exportés.

103
Il y a donc lieu de vérifier si la requérante a fourni par ailleurs, pendant la procédure administrative, des éléments permettant de constater qu’aucun ratio ne lui était imposé quant à la répartition de ses ventes entre le marché intérieur chinois et l’exportation, et que ses décisions économiques étaient arrêtées en fonction des signaux du marché reflétant l’offre et la demande.

104
À cet égard, il convient de reproduire un tableau, établi par la requérante et dont le Conseil n’a pas contesté la teneur, résumant les données que la requérante avait soumises à la Commission dans sa réponse au questionnaire d’enquête relatif au statut d’entreprise évoluant en économie de marché.

                        
    1995

1996

1997

1998

PE *

Ventes en Chine

9 020

26 122

23 241

26 183

25 695

Vente dans la CE

2 070

9 045

4 407

7 597

5 552

Total des ventes dans le monde

12 452

43 859

40 882

44 740

42 687

Pourcentage des ventes en Chine au regard du total des ventes

72,44

59,56

56,85

58,52

60,19

* Période d’enquête.

105
Le tableau ci-dessus montre que, entre 1996 et la fin de la période d’enquête, les ventes sur le marché intérieur chinois ont toujours représenté un pourcentage approximativement compris entre 57 et 60 % de l’ensemble des ventes, faisant ainsi apparaître une faible variation. Au vu de ce pourcentage stable, il convient de considérer qu’il existait un certain ratio entre les ventes de la requérante sur le marché intérieur chinois et ses ventes à l’exportation et que ce ratio était quasiment constant. En ce qui concerne le fait que le pourcentage des ventes sur le marché intérieur chinois était, en 1995, d’environ 72 %, il y a lieu de noter que la requérante a elle-même indiqué, pendant la vérification sur place, qu’elle n’avait commencé à produire des balances électroniques qu’en 1995 et qu’elle n’avait atteint sa pleine capacité de production qu’en 1996. Dès lors, le ratio constaté en 1995, différent de celui des autres années, ne peut être considéré comme représentatif en raison des circonstances particulières à cette année, les ventes totales ne s’étant élevées en 1995 qu’à un tiers environ des ventes totales enregistrées pendant les autres années. Rien ne s’oppose donc à ce que soient prises en considération les seules années postérieures et, par suite, à ce que l’existence d’un ratio constant soit constatée.

106
Le fait que ledit ratio n’a pas été de 50 %, comme il était prévu dans les dispositions et stipulations relatives à la création de la requérante, mais d’environ 60 % ne démontre pas, à lui seul, que cette répartition des ventes ait été le résultat de décisions autonomes de la requérante, arrêtées en fonction des signaux du marché, sans aucune influence des autorités chinoises. Il importe en effet de souligner que les dispositions détaillées prévoyaient la possibilité d’une augmentation de la quote-part des ventes internes d’une entreprise, moyennant approbation de l’autorité compétente.

107
En outre, il y a lieu de relever que, dans le présent contexte, caractérisé par les ventes à perte, ou, en tout état de cause, par les ventes peu profitables réalisées par la requérante sur le marché intérieur chinois, ainsi que par les subventions qui lui ont été accordées, la conclusion selon laquelle ce ratio constant n’est pas le résultat des forces du marché paraît la plus plausible et il aurait appartenu à la requérante de démontrer le contraire.

108
Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal concernant le fait pour Shanghai Teraoka d’avoir vendu constamment 60 % de ses produits sur le marché intérieur chinois alors que ces ventes se faisaient à perte, la requérante a expliqué qu’elle avait une société soeur au Royaume‑Uni, produisant une grande partie des produits destinés au marché européen, et que, de ce fait, elle n’avait pas besoin d’exporter au départ de la Chine sur ce marché. Toutefois, cet argument ne suffit pas à expliquer pourquoi elle a vendu à perte sur le marché intérieur chinois. En effet, comme le fait valoir le Conseil, dans les conditions d’une économie de marché, la requérante essayerait soit d’augmenter ses prix sur le marché intérieur chinois, soit d’arrêter de vendre sur ledit marché, pour se concentrer uniquement sur ses activités d’exportation.

109
Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la requérante n’a pas fourni suffisamment de preuves lui permettant de démontrer qu’elle était libre de décider si elle devait vendre sur le marché intérieur chinois et dans quelles proportions.

d)     Conclusion sur la première condition posée par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base

110
Il convient de relever, premièrement, comme il ressort des points 59 à 73 ci-dessus, que la requérante n’a pas produit pendant l’enquête de preuves suffisantes démontrant qu’elle demandait des prix différents à des clients différents et que ses décisions économiques étaient arrêtées en fonction des signaux du marché reflétant l’offre et la demande.

111
Deuxièmement, il y a lieu de constater, comme il ressort des points 81 à 93 ci-dessus, que la requérante n’a pas réussi à démontrer qu’elle ne vendait pas ses produits à perte en Chine ou qu’il existait des raisons purement commerciales à son comportement.

112
Troisièmement, il convient de relever, comme il ressort des points 98 à 109 ci-dessus, que la requérante n’est pas parvenue à démontrer qu’elle maintenait le ratio constaté entre ses ventes sur le marché intérieur chinois et ses exportations pour des raisons purement commerciales et que ce ratio ne lui était pas imposé par les dispositions des lois chinoises en question. En particulier, elle n’est pas parvenue à fournir le moindre élément plausible expliquant pourquoi elle avait maintenu ce ratio en dépit de ses pertes sur le marché intérieur chinois, alors que ses ventes à l’exportation étaient bénéficiaires.

113
Il découle de ce qui précède que les institutions communautaires n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des faits en concluant, sur la base des éléments fournis par la requérante pendant l’enquête, qu’elle n’avait pas démontré qu’elle remplissait la première condition prévue par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et que, dès lors, elle opérait dans les conditions d’une économie de marché.

114
Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

B – Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 et 8 du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du préjudice

1. Observations préliminaires

115
La requérante fait valoir que les institutions communautaires ont violé l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 et 8, du règlement de base en concluant que l’industrie communautaire avait subi un préjudice important. Ce moyen peut être divisé en six branches. La première est tirée de la violation de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, la deuxième de la prise en considération, pour la détermination du préjudice, d’importations n’ayant pas fait l’objet de dumping, la troisième de la conclusion selon laquelle l’industrie communautaire aurait subi un préjudice important, la quatrième d’une erreur manifeste de la part des institutions communautaires concernant l’évaluation de l’importance de la marge de dumping effective, la cinquième de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base en raison de la prise en compte de chiffres émanant de l’office statistique des Communautés européennes (Eurostat) et la sixième de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 8, du règlement de base, concernant l’évaluation de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping par rapport à la production communautaire d’une partie du produit similaire.

116
Avant de procéder à l’examen de ces différentes branches du deuxième moyen, il y a lieu d’examiner la prétendue violation de l’article 48 du règlement de procédure du Tribunal que la requérante invoque en réplique.

117
La requérante fait valoir que le Conseil a violé le règlement de procédure, en ce qu’il a présenté des faits ou évaluations nouveaux dans son mémoire en défense, qui n’ont jamais été communiqués à la requérante pendant la procédure administrative. Il en irait ainsi, notamment, de la déclaration contenue dans le mémoire en défense, aux termes de laquelle l’« évolution de la répartition des ventes découlait en particulier de l’augmentation récente des ventes des balances électroniques du segment supérieur ». Il convient de constater que la référence à l’article 48 du règlement de procédure n’est pas pertinente, car, dans le cas d’espèce, la requérante reproche au Conseil, en substance, d’avoir complété la motivation du règlement attaqué au stade du mémoire en défense. Il suffit en l’occurrence de relever que le grief de la requérante est fondé sur une prémisse erronée. En effet, comme il ressort du document d’information du 21 septembre 2000, la Commission a communiqué à la requérante l’évolution des volumes de vente pour chaque segment séparément. Dès lors, ce grief doit être rejeté.

118
Quant au fond du deuxième moyen, il convient de rappeler, à titre liminaire et comme le Tribunal l’a rappelé au point 48 ci-dessus, que, pour l’évaluation de questions économiques complexes, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation.

119
Il appartient à la requérante de produire les éléments de preuve qui permettent au Tribunal de constater que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1997, EFMA/Conseil, T‑121/95, Rec. p. II‑2391, point 106 ; du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil, T‑210/95, Rec. p. II‑3291, point 58, et du 19 septembre 2001, Mukand e.a./Conseil, T‑58/99, Rec. p. II‑2521, point 41).

120
Il convient de commencer par l’examen de la sixième branche.

2. Sixième branche : en ce qui concerne la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 8, du règlement de base, afférente à l’évaluation de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping par rapport à la production communautaire d’une partie du produit similaire

a)     Arguments des parties

121
La requérante soutient que le Conseil a violé l’article 3, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base, en évaluant l’effet des importations par rapport à une partie seulement du produit similaire. Selon la requérante, la formulation claire dudit paragraphe 8 ne permet pas l’évaluation des importations par rapport à la production d’une partie du produit similaire, en l’espèce, les balances électroniques du bas de gamme. En outre, la requérante note que le Conseil a rejeté des demandes de détermination du préjudice fondées sur une appréciation portant sur une partie seulement du produit similaire. Elle se réfère à cet égard au règlement (CEE) n° 3482/92 du Conseil, du 30 novembre 1992, instituant un droit antidumping définitif sur les importations dans la Communauté de grands condensateurs électrolytiques en aluminium originaires du Japon et portant perception définitive du droit antidumping provisoire (JO L 353, p. 1), et en particulier à son considérant 12.

122
Le Conseil se serait lui-même contredit, en affirmant le caractère interchangeable des trois segments du produit en cause, pour finalement exclure les indices économiques relatifs aux segments intermédiaire et supérieur du champ de son analyse relative à la détermination du préjudice.

123
Selon la requérante, l’augmentation des ventes de modèles du haut de gamme durant la période d’enquête n’était pas une situation nouvelle pour les institutions communautaires et, dans les enquêtes récemment closes, les institutions communautaires n’ont, fait-elle observer, pas procédé à des évaluations distinctes pour les différents segments du produit similaire. Elle tire à ce sujet argument du règlement (CE) n° 468/2001 du Conseil, du 6 mars 2001, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines balances électroniques originaires du Japon (JO L 67, p. 24), en ses considérants 37 à 48, et du règlement (CE) n° 469/2001 du Conseil, du 6 mars 2001, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines balances électroniques originaires de Singapour (JO L 67, p. 37), en ses considérants 47 à 58.

124
En ce qui concerne la méthode dite « du calcul moyen », la requérante estime que l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base impose aux institutions communautaires l’obligation d’évaluer l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping par rapport à la production communautaire du produit similaire, en l’espèce les balances électroniques, et souligne le but de ladite disposition. Elle demande que l’évaluation de l’évolution des divers indicateurs de préjudice énumérés à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base et l’examen de l’incidence des importations, effectué en prenant en considération une partie seulement du produit en cause, soient déclarés contraires à l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base.

125
Le Conseil se prévaut de la conformité de la méthode d’analyse par segment à l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base. Il indique que le choix d’une telle méthode a été commandé par l’augmentation substantielle du volume d’importation de balances électroniques appartenant au segment supérieur. Cette circonstance expliquerait la différence d’approche des institutions communautaires entre l’enquête ayant conduit à l’adoption du règlement attaqué et celles dont se prévaut la requérante.

b)     Appréciation du Tribunal

126
Il convient de rappeler qu’il ressort du considérant 10 du règlement attaqué que le marché des balances électroniques est communément réparti en trois segments distincts, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 66 ci-dessus : un segment inférieur, un segment intermédiaire et un segment supérieur.

127
Il y a lieu de constater, premièrement, qu’il ne ressort pas de l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base qu’une analyse par segment serait exclue et la méthode du calcul moyen exigée. Il convient de relever, comme le Conseil l’indique à juste titre, que, dans le cadre de la détermination du préjudice à laquelle il est procédé au titre de l’article 3 du règlement de base, les institutions communautaires peuvent procéder à une analyse par segment pour évaluer les différents indicateurs du préjudice, notamment si les résultats obtenus selon une autre méthode se révèlent biaisés pour une raison ou une autre, pour autant que le produit concerné dans son ensemble soit dûment pris en compte.

128
Selon le considérant 11 du règlement attaqué, le produit concerné est composé de trois segments réunis. Le considérant 12 du règlement attaqué précise que les balances électroniques produites dans la Communauté sont analogues à tous égards aux balances produites et exportées de Chine, de Corée du Sud et de Taïwan vers la Communauté, et que, ainsi, ces produits constituent des produits similaires.

129
Par ailleurs, étant donné que le segment inférieur du produit en cause représente 97 % des importations en provenance des pays concernés pendant la période d’enquête (voir considérant 63 du règlement attaqué), il est logique, voire indispensable pour le résultat correct de l’enquête, que cette analyse contienne séparément l’évaluation du segment inférieur dudit produit. Partant, il n’existe aucune contradiction entre la définition du produit concerné et l’évaluation du préjudice.

130
Deuxièmement, en ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel, en évaluant séparément les facteurs pertinents, tels que le prix de vente, la part de marché, etc., concernant le segment inférieur, le Conseil a exclusivement fondé son évaluation sur une partie du produit similaire, il convient de relever, comme cela ressort des considérants du règlement attaqué concernant le préjudice, que le Conseil a toujours pris en considération l’ensemble des balances électroniques, et non les seules balances électroniques du segment inférieur (voir considérant 81 du règlement attaqué). Comme l’examen global repose sur une conception du produit similaire comprenant les trois segments des balances électroniques, et pas seulement le segment inférieur, il y a lieu de considérer que le Conseil n’a pas violé l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base.

131
Par conséquent, il y a lieu de rejeter la sixième branche du deuxième moyen.

3. Première branche : en ce qui concerne la violation de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base

a)     Arguments des parties

132
La requérante fait grief au Conseil de ne pas avoir analysé l’ensemble des facteurs pertinents, notamment le fait que l’industrie communautaire n’avait pas encore surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement, ainsi que l’importance de la marge de dumping effective, aux fins de la détermination du préjudice. Selon la requérante, il appartient au Conseil, conformément à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, de prendre en considération, pour déterminer le préjudice, chacun des facteurs et indices économiques pertinents, énumérés audit article. À cet égard, la requérante renvoie aux décisions de l’organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et se prévaut en particulier du rapport du groupe spécial de l’OMC concernant les droits antidumping frappant les importations de linge de lit en coton en provenance de l’Inde (ci-après le « rapport sur le linge de lit »).

133
La requérante constate que le libellé et le contexte de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, d’une part, et ceux de l’article 3.4. de l’accord sur la mise en oeuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO L 336, p. 103, ci-après le « code antidumping de 1994 »), figurant à l’annexe 1A de l’accord instituant l’OMC (ci-après l’« accord OMC »), approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1), d’autre part, sont quasi identiques et que l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base impose aux institutions communautaires d’évaluer chacun des seize facteurs économiques. Cette prise de position, assure-t-elle, va dans le sens des conclusions du rapport sur le linge de lit. En outre, la requérante estime que, le cas échéant, le défaut de pertinence d’un facteur doit être mis en évidence en faisant état des motifs menant à cette conclusion, et à ce titre clairement énoncé dans l’exposé des motifs. Elle souligne que l’absence, dans ledit exposé, d’informations indiquant que les institutions communautaires ont satisfait aux exigences qui leur sont clairement imposées empêche les juridictions communautaires d’exercer leur fonction de contrôle.

134
La requérante souligne que le considérant 77 du règlement attaqué ne contient pas la mention de l’analyse par le Conseil de tous les facteurs prévus par le règlement de base. En outre, la requérante soutient que les institutions communautaires n’ont pas évalué le « fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement » ni l’« importance de la marge de dumping effective ». Quant au premier point, la requérante souligne que le considérant 59 du règlement attaqué, invoqué en défense par le Conseil, concerne l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base et ne saurait établir que les institutions communautaires ont satisfait à l’obligation issue de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base. Par ailleurs, l’évaluation de l’incidence des importations, mentionnée aux considérants 88 et 94 du règlement attaqué et relative à une partie seulement du produit concerné, violerait l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base. Partant, ces éléments ne peuvent pas, aux yeux de la requérante, constituer des preuves. S’agissant du second point, la requérante estime que, même en l’absence de violation de l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base, les indications en question ne pourraient être considérées comme comportant une évaluation des facteurs économiques auxquels elles se rapportent, la simple référence à des mesures antidumping ne signifiant pas que les institutions communautaires ont procédé à l’analyse en cause, et, en particulier, évalué le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté les effets de pratiques passées de dumping. Quant à l’importance de la marge de dumping effective, la requérante considère que la déclaration contenue au considérant 90 du règlement attaqué ne peut être qualifiée d’évaluation, parce qu’elle se réfère au volume et aux prix des importations concernées, qui constituent per se des indicateurs distincts que les institutions communautaires sont également tenues d’examiner.

135
Le Conseil fait valoir, en premier lieu, que le rapport sur le linge de lit dont se prévaut la requérante n’est pas applicable directement dans l’ordre juridique communautaire. Par ailleurs, il affirme que la requérante donne une interprétation erronée de ce rapport, qui est parfaitement compatible avec la méthode utilisée par les institutions communautaires aux fins de la détermination du préjudice. Selon le Conseil, le présent grief aurait trait à une insuffisance de motivation au sens de l’article 253 CE. Il se prévaut de l’arrêt du Tribunal du 15 décembre 1999, Petrotub et Republica/Conseil (T‑33/98 et T‑34/98, Rec. p. II‑3837 ; annulé sur pourvoi par l’arrêt de la Cour du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79), pour affirmer que la seule obligation incombant aux institutions communautaires est de procéder, dans le règlement instituant des mesures antidumping définitives, à l’analyse des facteurs dont la pertinence a été retenue.

136
En outre, le Conseil soutient, dans un second temps, que les institutions communautaires ont agi en conformité avec l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base. Le Conseil note que l’allégation de la requérante, selon laquelle le règlement attaqué ne contient pas l’analyse de tous les facteurs, est erronée et, ainsi, dénuée de pertinence.

b)     Appréciation du Tribunal

137
Il y a lieu de relever, tout d’abord, que l’argumentation de la requérante se borne à reprocher aux institutions communautaires de ne pas avoir appliqué l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base à la lumière de l’article 3.4 du code antidumping de 1994 et, de ce fait, d’avoir méconnu le principe d’interprétation conforme consacré par la jurisprudence de la Cour.

138
À cet égard, il convient de rappeler que les textes communautaires doivent être interprétés, dans la mesure du possible, à la lumière du droit international, en particulier lorsque de tels textes visent précisément à mettre en oeuvre un accord international conclu par la Communauté (voir, notamment, arrêts de la Cour du 14 juillet 1998, Bettati, C‑341/95, Rec. p. I‑4355, point 20, et du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, point 135 supra, point 57), comme c’est le cas du règlement de base, qui a été adopté pour satisfaire aux obligations internationales découlant du code antidumping de 1994 (arrêt du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, point 135 supra, point 56).

139
En l’espèce, l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base comporte essentiellement les mêmes éléments que l’article 3.4. du code antidumping de 1994. Il prévoit que l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie communautaire concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie. Il contient une liste des différents facteurs pouvant être pris en considération et précise que cette liste n’est pas exhaustive et qu’un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante. Le contenu de cette disposition est quasi identique à celui de l’article 3.4 du code antidumping de 1994, sauf quant au facteur concernant le « fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement », qui ne figure pas à l’article 3.4 du code antidumping de 1994.

140
Par conséquent, il convient de constater que l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, en lui-même, est conforme à l’accord antidumping de 1994. Toutefois, selon la requérante, les institutions communautaires ont méconnu leur obligation d’évaluation de tous les facteurs pertinents, découlant de l’interprétation que donne le rapport sur le linge de lit de l’article 3.4 du code antidumping de 1994, en omettant de prendre en compte deux des facteurs mentionnés par l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, à savoir le fait que l’industrie communautaire concernée n’avait pas encore surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement ainsi que l’importance de la marge de dumping effective.

141
Dès lors, il convient d’examiner si les institutions communautaires ont évalué ou non les deux facteurs en question.

142
Au considérant 77 du règlement attaqué, le Conseil indique :

« Conformément à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie communautaire a comporté une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie. Toutefois, certains ne sont pas exposés en détail ci-[après], car ils n’ont pas été jugés pertinents aux fins de l’évaluation de la situation de l’industrie communautaire pendant la période d’enquête. Enfin, il convient de noter qu’aucun de ces facteurs ne constitue nécessairement une base de jugement déterminante. »

143
En ce qui concerne le facteur portant sur le fait que l’industrie communautaire n’aurait pas encore surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement, il convient de noter que, en l’espèce, il est fait une référence explicite aux mesures antidumping en vigueur dans la partie intitulée « D. Préjudice » du règlement attaqué. Tout d’abord, au considérant 59 du règlement attaqué, le Conseil énonce :

« La structure de l’industrie communautaire s’est profondément modifiée [lors de] la période examinée. Depuis [le mois d’]octobre 1993 (lorsque des mesures antidumping définitives ont été instituées sur les importations de balances électroniques originaires de Singapour et de Corée [du Sud]), l’industrie a poursuivi un programme de restructuration et de concentration […] »

144
Ensuite, au considérant 88 du règlement attaqué, il est constaté que « […] [l]es pertes enregistrées pour [le segment inférieur] ont érodé la rentabilité générale de l’industrie communautaire, l’empêchant de tirer pleinement parti de l’effet euro et des mesures antidumping en vigueur pour les importations en provenance du Japon et de Singapour […] ».

145
Enfin, au considérant 94 du règlement attaqué, il est conclu que « […] les difficultés économiques rencontrées dans le segment inférieur du marché ont empêché l’industrie communautaire d’atteindre le niveau de rentabilité qu’elle aurait pu escompter compte tenu de l’effet euro et des mesures antidumping en vigueur, surtout si l’on tient compte des efforts de restructuration qu’elle a consentis ».

146
Il convient de relever que ces passages démontrent clairement que les institutions communautaires ont tenu compte, dans leur examen de l’incidence des importations faisant l’objet du dumping sur l’industrie communautaire concernée, du fait que l’industrie en question n’avait pas encore surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping.

147
En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les déclarations contenues aux considérants 88 et 94 seraient dénuées de validité et ne pourraient constituer une preuve de ce que les institutions communautaires auraient évalué ce facteur, étant donné que l’évaluation ne porterait que sur une partie du produit concerné, violant ainsi l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base, il suffit de constater qu’il est dénué de pertinence. En effet, comme il est constaté au point 129 ci-dessus, étant donné que les importations des balances électroniques du segment inférieur représentaient 97 % des importations, toutes balances confondues, le segment inférieur pouvait être examiné séparément aux fins de déterminer le préjudice.

148
Quant au facteur concernant l’« importance de la marge de dumping effective », le Conseil l’a traité au considérant 90 du règlement attaqué. Il y constate que, « [p]our ce qui est de l’effet du dumping [‘of the magnitude of the actual margin of dumping’] sur l’industrie communautaire, compte tenu du volume et des prix des importations concernées, cet effet ne peut pas être considéré comme négligeable ».

149
Dès lors, il convient de relever que le Conseil n’a pas omis d’évaluer le facteur concernant l’importance de la marge de dumping effective. Bien que la Commission ne l’ait pas mentionné dans son document d’information du 21 septembre 2000, elle y a, en revanche, fait référence dans ses lettres du 4 et du 23 octobre 2000, en réponse aux observations de la requérante du 29 septembre 2000.

150
Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen.

4. Deuxième branche : en ce qui concerne la prise en considération, dans l’analyse tendant à la détermination du préjudice, d’importations n’ayant pas fait l’objet de dumping

a)     Arguments des parties

151
La requérante fait valoir que les institutions communautaires ont commis une violation manifeste de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5, du règlement de base, en tenant compte, dans l’analyse du préjudice, d’importations ne faisant pas l’objet d’un dumping, à savoir celles de CAS Corp., une des sociétés coréennes ayant fait l’objet de l’enquête et pour laquelle l’absence de pratique de dumping avait été constatée.

152
La requérante interprète la référence faite par l’article 3 du règlement de base aux « importations faisant l’objet d’un dumping » comme excluant la prise en compte d’importations en provenance de producteurs-exportateurs ne pratiquant pas de dumping. Par conséquent, l’évaluation cumulative de ces importations, prévue par l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base, ne pourrait comprendre les importations provenant d’un producteur-exportateur pour lequel une marge de dumping nulle ou de minimis a été attribuée. Dès lors, le fait d’avoir pris en compte les importations provenant de CAS Corp. aurait rendu illégale l’analyse des institutions communautaires et invaliderait l’ensemble de la détermination du préjudice. La requérante se réfère à cet égard au règlement (CE) n° 1644/2001 du Conseil, du 7 août 2001, modifiant le règlement (CE) n° 2398/97 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de linge de lit en coton originaires d’Égypte, de l’Inde et du Pakistan et suspendant son application en ce qui concerne les importations originaires de l’Inde (JO L 219, p. 1), qui a été adopté par le Conseil à la suite du rapport sur le linge de lit.

153
La requérante constate que le Conseil n’a produit aucune justification ni aucun autre élément convaincant à l’appui de sa déclaration, selon laquelle le fait que certaines importations provenant d’un producteur coréen ne faisaient pas l’objet d’un dumping était sans importance par rapport à l’incidence globale des importations coréennes sur l’industrie communautaire.

154
Le Conseil conteste l’interprétation que fait la requérante de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 5, du règlement de base. Le Conseil soutient qu’il faut entendre, par les « importations faisant l’objet d’un dumping », les importations en provenance d’un pays pour lequel une marge de dumping supérieure au niveau de minimis a été établie pour l’ensemble du pays. Selon le Conseil, cette approche reflète une pratique communautaire de longue date et ne contredit pas la formulation dudit article.

155
Le Conseil fait valoir qu’il a adopté l’approche exposée ci-dessus parce que, premièrement, la séparation entre les importations faisant l’objet d’un dumping et celles n’en faisant pas l’objet n’est possible que dans certaines circonstances et selon certaines approches, qui seraient souvent inapplicables. Deuxièmement, il indique que le dumping n’est établi que pour la période d’enquête, mais que l’évolution des indicateurs du préjudice est évaluée sur une période plus longue. Il serait impossible pour les institutions communautaires de déterminer si les importations qui ont fait l’objet d’un dumping durant la période d’enquête ont également fait l’objet d’un dumping durant le reste de la période examinée, et inversement. En outre, le Conseil souligne que l’approche adoptée par lui peut être avantageuse pour les exportateurs, tandis que celle que défend la requérante peut leur être préjudiciable. Enfin, le Conseil soutient qu’il a agi dans les limites de son vaste pouvoir d’appréciation, reconnu par l’arrêt Thai Bicycle/Conseil, point 46 supra. Le Conseil note que, contrairement à ce que prétend la requérante, la conclusion de l’arrêt de la Cour du 7 mai 1987, Nachi Fujikoshi/Conseil (255/84, Rec. p. 1861), est générale et que la Cour y a affirmé qu’il n’était pas nécessaire d’individualiser la part du préjudice subi par l’industrie communautaire qui est imputable aux importations d’un exportateur donné.

156
À titre subsidiaire, le Conseil soutient que, même si les institutions communautaires avaient commis une erreur en établissant le volume des importations ayant fait l’objet d’un dumping au motif qu’elles y ont inclus les importations de CAS Corp., cette erreur n’aurait pas eu d’incidence concrète sur la détermination du préjudice en tant que telle. Enfin, le Conseil note que la marge de dumping pour CAS Corp. devait être connue clairement de la requérante, en raison de la teneur du document d’information qui lui avait été communiqué, et relève que la requérante n’avait émis aucune objection à ce moment-là. Par ailleurs, il soutient que, même si les institutions communautaires n’avaient pas cumulé les importations en provenance de Corée du Sud et celles provenant de Chine, elles seraient arrivées aux mêmes conclusions concernant les importations chinoises.

b)     Appréciation du Tribunal

157
L’article 3, paragraphe 2, du règlement de base énonce les règles générales à suivre pour déterminer l’existence d’un dommage, et les dispositions suivantes de cet article donnent des indications plus spécifiques concernant cette détermination. Les paragraphes 5 et 6 de l’article 3 prescrivent également l’examen des importations faisant l’objet d’un dumping.

158
L’examen de la deuxième branche du deuxième moyen suppose, dans un premier temps, l’interprétation de l’expression « importations faisant l’objet d’un dumping », figurant à l’article 3 du règlement de base.

159
Il convient de relever, tout d’abord, que cette notion recouvre, bien évidemment, la somme de toutes les transactions faisant l’objet d’un dumping. Or, étant donné l’impossibilité d’examiner toutes les transactions individuelles, il convient de tenir compte de toutes les importations, en provenance de n’importe quel producteur-exportateur dont il est constaté qu’il exerce un dumping aux fins de l’analyse du dommage. En revanche, les importations à l’origine desquelles se trouve un producteur-exportateur qui s’est vu reconnaître une marge de dumping nulle ou de minimis ne peuvent pas être considérées comme « faisant l’objet d’un dumping » aux fins de l’analyse du dommage.

160
Ensuite, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base, lorsque les importations d’un produit en provenance de plus d’un pays font simultanément l’objet d’enquêtes antidumping, les effets desdites importations ne peuvent faire l’objet d’une évaluation cumulative que si la marge de dumping établie en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis au sens de l’article 9, paragraphe 3, du règlement de base, si le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable et si une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée compte tenu des conditions de concurrence.

161
Cette disposition doit être interprétée comme ne permettant la prise en compte des importations originaires d’un pays donné que pour autant qu’elles proviennent d’un producteur-exportateur dont il est constaté qu’il exerce un dumping. Par conséquent, les importations en provenance d’un pays pour lequel une marge de dumping supérieure au niveau de minimis a été établie ne peuvent être prises en compte en totalité que dans la mesure où ce dernier ne compte aucun producteur-exportateur pour lequel une marge de dumping nulle ou de minimis a été attribuée.

162
Dès lors, dans le présent contexte, et à la lumière de l’objet et du but de l’article 3 du règlement de base, il y a lieu de considérer que la notion d’« importations faisant l’objet d’un dumping » ne recouvre pas les importations en provenance d’un producteur-exportateur qui ne pratique pas de dumping, nonobstant son appartenance à un pays qui s’est vu attribuer une marge de dumping supérieure au niveau de minimis.

163
Cette interprétation ne contredit en rien la jurisprudence selon laquelle le législateur communautaire, en vue de déterminer l’existence d’un préjudice, choisit le cadre territorial d’un pays donné ou de plusieurs pays, en visant, de manière globalisante, l’ensemble des importations, en provenance de ces pays, qui font l’objet d’un dumping (arrêt du Tribunal du 20 octobre 1999, Swedish Match Philippines/Conseil, T‑171/97, Rec. p. II‑3241, point 65). À cet égard, il a été jugé que l’existence d’un préjudice causé à l’industrie communautaire du fait d’importations effectuées à prix de dumping devait être appréciée globalement, sans qu’il soit besoin, ni d’ailleurs possible, d’individualiser la part de ce préjudice imputable à chacune des sociétés responsables (arrêt Nachi Fujikoshi/Conseil, point 155 supra, point 46 ; arrêt Swedish Match Philippines/Conseil, précité, point 66, et arrêt Arne Mathisen/Conseil, point 48 supra, point 123).

164
Or, il convient de relever que, dans ces affaires, il s’agissait de sociétés qui étaient responsables d’importations effectuées à prix de dumping. En revanche, dans le cas d’espèce, il s’agit d’une société dont les importations n’ont pas fait l’objet d’un dumping, ce qui revient à dire que sont en cause les importations d’une société qui n’est pas responsable du dumping. Par conséquent, la jurisprudence mentionnée au point précédent n’est pas applicable, en tant que telle, dans le cas d’espèce et n’affecte pas l’interprétation de la notion d’« importations faisant l’objet d’un dumping ».

165
En outre, cette interprétation est conforme à celle de l’accord OMC, telle que résultant du rapport sur le linge de lit, rapport dont il importe de souligner que le Conseil a accepté les conclusions. Il est ainsi constaté, au considérant 17 du règlement n° 1644/2001, que, « [s]elon le groupe spécial, les importations attribuables à un producteur-exportateur qui ne pratique pas le dumping ne peuvent être considérées comme relevant de la notion ‘d’importations faisant l’objet d’un dumping’ aux fins de l’analyse du préjudice ». Par la suite, le Conseil a procédé à une nouvelle évaluation des effets des importations faisant l’objet du dumping en excluant des exportateurs ne pratiquant pas le dumping.

166
Il résulte de tout ce qui précède que les institutions communautaires n’auraient pas dû prendre en compte les importations provenant de la société coréenne CAS Corp., même si une marge de dumping supérieure au niveau de minimis avait été établie pour la Corée du Sud, étant donné que cette société ne pratiquait pas de dumping.

167
Dans un second temps, il y a lieu d’examiner les effets d’une telle erreur dans le cas d’espèce. Dès lors, il convient d’en évaluer l’incidence au regard du présent chef de conclusions, concernant le préjudice qui aurait été causé à la requérante du fait de la prise en compte des importations provenant de CAS Corp. parmi les importations ayant fait l’objet d’un dumping (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, T‑163/94 et T‑165/94, Rec. p. II‑1381, points 112 à 115). En effet, il ne suffit pas, pour entraîner l’annulation du règlement attaqué, que le Conseil ait commis une erreur, faut-il encore que cette erreur ait eu une incidence sur la détermination de l’existence du préjudice et donc sur le contenu du règlement lui-même.

168
Le Conseil fait valoir qu’il aurait pu déterminer le préjudice sur la seule base des importations en provenance de Chine. Il a établi à cette fin un tableau, dans son mémoire en duplique, comprenant les principaux indicateurs du préjudice tels qu’évalués dans l’hypothèse où l’on tiendrait uniquement compte des importations provenant de Chine et les a comparés avec ceux l’ayant conduit à adopter les conclusions figurant dans le règlement attaqué. Une erreur de calcul contenue dans ce tableau a été corrigée au cours de l’audience.

Informations modifiées

Données initiales (tous pays concernés)

Nouvelles données (Chine uniquement)

Volume des importations concernées

Augmentation : de 14 853 unités en 1995 à 33 063 unités pendant la période d’enquête

Augmentation : de 3 456 unités en 1995 à 16 827 unités pendant la période d’enquête

Augmentation du volume des importations

123 %

387 %

Part du marché représentée par les importations

Augmentation : de 9,2 % en 1995 à 15,1 % pendant la période d’enquête

Augmentation : de 2,1 % en 1995 à 7,7 % pendant la période d’enquête

Fourchette de sous-cotation des prix par pays

0 à 52 % pour la Chine

60 à 65 % pour Taïwan

30 à 50 % pour la Corée du Sud

0 à 52 %

Importations du segment inférieur (estimation)

Augmentation de 14 407 à 32 071 unités

Augmentation de 3 352 à 16 322 unités

Augmentation du volume (segment inférieur)

123 %

387 %

169
Il ressort de ce tableau, non contesté par la requérante et dont les données, s’agissant du volume et de la part de marché des importations, figurent au dossier, que les importations chinoises vers la Communauté ont augmenté de 387 %, passant de 3 456 unités en 1995 à 16 827 unités pendant la période d’enquête. Or, les importations en provenance de Corée du Sud n’ont augmenté au cours de la même période que de 32 % (5 532 unités en 1995 et 7 301 en 1999) et celles en provenance de Taïwan que de 52 % (5 865 unités en 1995 et 8 935 en 1999). L’augmentation cumulée du volume des importations en provenance de ces trois pays était de 123 % (14 853 unités en 1995 et 33 063 en 1999). Partant, les importations en provenance de Chine ont connu une bien plus forte augmentation, en pourcentage, que celles en provenance des autres pays concernés. Cependant, il y a lieu de rappeler que, à la lumière de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, ce qui importe est de savoir s’il y a eu une augmentation notable des importations en provenance d’un pays tiers donné en quantités absolues, et non pas simplement en pourcentage, ou bien si la part de marché représentée par les importations dans la consommation constatée au sein de la Communauté a augmenté considérablement. À cet égard, il peut être considéré que le fait de passer de 3 456 unités en 1995 à 16 827 unités pendant la période d’enquête représente une augmentation notable en quantités absolues. En ce qui concerne la part de marché représentée par les importations, cette dernière est passée de 2,1 % en 1995 à 7,7 % pendant la période d’enquête. Or, il importe de noter que, pendant la même période, la part de marché détenue par l’industrie communautaire pour l’ensemble des balances électroniques a diminué, passant de 26,1 à 24,9 %, ce qui représente un recul relatif de 4,6 %. Ces chiffres démontrent que les seules importations en provenance de Chine auraient été suffisantes pour établir le préjudice.

170
Par ailleurs, et bien que le préjudice ait pu être constaté sur la base des seules importations en provenance de Chine, il convient d’examiner les effets de l’exclusion des exportations de CAS Corp. sur le volume des importations cumulées en provenance des trois pays concernés. Le Conseil a également établi un tableau à ce sujet dans son mémoire en duplique, en évaluant les importations communautaires, abstraction faite de celles émanant de CAS Corp. En réponse à une question écrite du Tribunal, le Conseil a fourni les données concernant CAS Corp. et a complété ledit tableau à cet égard. Il l’a également corrigé lors de l’audience.

            
Informations modifiées

Données initiales (tous pays concernés)

Nouvelles données (tous pays concernés, à l’exclusion, en en ce qui concerne la Corée du Sud, des exportations de CAS Corp.)

Volume des importations concernées

Augmentation : de 14 853 unités en 1995 à 33 063 unités pendant la période d’enquête

Augmentation : de 11 273 unités en 1995 à 29 248 unités pendant la période d’enquête

Augmentation du volume des importations

123 %

159 %

Part du marché représentée par les importations

Augmentation : de 9,2 % en 1995 à 15,1 % pendant la période d’enquête

Augmentation : de 7,0 % en 1995 à 13,4 % pendant la période d’enquête

Fourchette de sous-cotation des prix par pays

0 à 52 % pour la Chine

60 à 65 % pour Taïwan

30 à 50 % pour la Corée du Sud

0 à 52 % pour la Chine

60 à 65 % pour Taïwan

30 à 32 % pour la Corée du Sud

Importations du segment inférieur (estimation)

Augmentation de 14 407 à 32 071 unités

Augmentation de 10 935 à 28 671 unités

Augmentation du volume (segment inférieur)

123 %

162 %

171
Il ressort de ce tableau, dont les données ne sont pas contestées par la requérante et figurent au dossier en ce qui concerne le volume et la part de marché des importations, que le volume des exportations vers la Communauté de tous les pays concernés, à l’exclusion, pour ce qui est de la Corée du Sud, des exportations de CAS Corp., a augmenté de 159 %, au lieu de 123 % dans l’hypothèse où l’on tiendrait compte de ces dernières, passant de 11 273 unités en 1995 à 29 248 unités pendant la période d’enquête. Il convient de relever également une augmentation notable, en quantités absolues, des exportations faisant l’objet d’un dumping, tandis que les exportations de CAS Corp. sont restées presque constantes. En outre, la part de marché représentée par les importations en provenance des pays concernés vers la Communauté, sans les importations en provenance de CAS Corp., est passée de 7 à 13,4 %, ce qui représente une augmentation considérable. Au surplus, la part de marché représentée par les exportations de CAS Corp. ayant été réduite, l’augmentation de la part de marché relative des autres producteurs a été encore plus importante.

172
Par ailleurs, il n’apparaît pas établi que les conclusions du Conseil relatives à l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits communautaires similaires ainsi que celles portant sur l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire auraient pu être sensiblement modifiées si le Conseil avait exclu du champ de son analyse les importations provenant de l’exportateur n’ayant pas pratiqué le dumping.

173
Par conséquent, il convient de conclure que la prise en considération des importations en provenance des trois pays concernés, abstraction faite des importations en provenance de CAS Corp., aurait été de toute façon suffisante pour permettre au Conseil d’établir la réalité du préjudice. Partant, l’erreur que les institutions communautaires ont commise en prenant également en compte les importations en provenance de CAS Corp. ne peut pas être considérée comme ayant eu une incidence décisive sur la conclusion du Conseil relative à l’existence du préjudice.

174
Dès lors, sa constatation n’est pas suffisante pour mener à l’annulation du règlement attaqué.

5. Troisième branche : en ce qui concerne la conclusion selon laquelle l’industrie communautaire aurait subi un préjudice important

175
L’argumentation de la requérante concernant la troisième branche du deuxième moyen peut être divisée en quatre parties, qui seront examinées séparément.

a)     Différence entre les données préliminaires et définitives

Arguments des parties

176
La requérante fait valoir qu’il y a une contradiction entre les données sur le préjudice qui lui ont été communiquées en annexe de la lettre du 4 octobre 2000 sous la forme d’un tableau préparé en avril 2000 (ci-après le « document d’avril 2000 ») et celles figurant dans le document d’information du 21 septembre 2000 et dans le règlement attaqué. Ces données auraient concerné, notamment, le volume des ventes dans la Communauté, la part de marché, le prix de vente dans la Communauté et l’emploi dans l’industrie communautaire, et, du fait de cette contradiction, elles ne seraient pas fondées sur des éléments de preuve positifs et irréfutables, comme exigé par l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base.

177
La requérante estime qu’elle aurait dû être en mesure de présumer exactes les données communiquées par la Commission à l’industrie communautaire, dans la mesure où les conclusions provisoires font normalement l’objet d’une vérification par la Commission qui, généralement, n’accepte plus de modifications de données après la vérification. Selon la requérante, les données en cause, qui lui ont été communiquées plusieurs mois après l’ouverture de l’enquête, sont cruciales pour déterminer si les institutions communautaires ont correctement établi que l’industrie de la Communauté avait subi un préjudice important.

178
Le Conseil invoque, en premier lieu, l’irrecevabilité de ce grief, parce qu’il serait sans rapport avec la prétendue erreur manifeste d’appréciation. En effet, la requérante tendrait à reprocher de manière détournée aux institutions communautaires de ne pas avoir procédé à son égard à une information finale suffisante, en omettant de répondre à ses questions relatives à l’existence d’une contradiction entre données préliminaires et données définitives. Subsidiairement, le présent grief est, selon le Conseil, non fondé, parce que la seule question pertinente serait celle de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation relative à l’interprétation des données définitives, telles qu’énoncées dans le règlement attaqué.

Appréciation du Tribunal

179
À titre liminaire, s’agissant de la prétendue irrecevabilité de ce grief, il suffit de constater que, contrairement à ce que soutient le Conseil, il est lié à la prétendue erreur manifeste d’appréciation. En effet, à supposer que les institutions communautaires se soient fondées, à tort, sur des données erronées, elles auraient alors interprété les faits d’une façon incorrecte et, partant, pu commettre une erreur manifeste d’appréciation. Dès lors, ce grief est recevable.

180
Quant au fond, la Commission a donné accès à la requérante, dans sa lettre du 4 octobre 2000, à la version non confidentielle du tableau figurant dans un document qu’elle avait préparé en avril 2000 et qui contenait, selon le Conseil, des conclusions préliminaires sur le préjudice. Or, certaines données différaient, dans le document d’avril 2000, de celles contenues dans le document d’information du 21 septembre 2000 et dans le règlement attaqué. Ces données concernaient, notamment, le volume des ventes dans la Communauté, la part de marché, le prix de vente dans la Communauté et l’emploi dans l’industrie communautaire.

181
Il ressort du dossier que les producteurs communautaires n’étaient pas d’accord avec les données relatives à certains indicateurs du préjudice contenues dans le document d’avril 2000. Les institutions communautaires ont alors tenu compte des observations faites par l’industrie communautaire lors de la réunion du 6 avril 2000 et à l’occasion de leur correspondance ultérieure.

182
Il suffit à cet égard de constater que, comme l’indique le Conseil à juste titre, une enquête antidumping est en réalité un processus continu, au cours duquel de nombreuses conclusions sont constamment révisées. Dès lors, il ne peut pas être exclu que les conclusions finales des institutions communautaires diffèrent des conclusions établies à un certain moment de l’enquête. En outre, les données provisoires peuvent, par définition, être modifiées au cours de l’enquête. Par suite, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la contradiction alléguée serait, d’une quelconque manière, l’illustration du manque d’objectivité et de fiabilité des données en cause. Enfin, il importe de souligner que le préjudice doit être établi par rapport au moment de l’adoption d’un éventuel acte instituant des mesures de défense (arrêt de la Cour du 28 novembre 1989, Epicheiriseon Metalleftikon Viomichanikon Kai Naftiliakon e.a./Conseil, C‑121/86, Rec. p. 3919, points 34 et 35).

183
Au vu de cette jurisprudence, il convient de relever que l’argument de la requérante concernant les différences entre les conclusions préliminaires et définitives est dénué de pertinence.

184
Par conséquent, le premier grief ne saurait être accueilli.

b)     Évaluation de certains indicateurs du préjudice

Arguments des parties

185
La requérante fait valoir que les institutions communautaires ont commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que les données relatives aux parts de marché, aux prix de vente du produit similaire et à la rentabilité indiquaient l’existence d’un préjudice important. Ces dernières mettraient en évidence une évolution différente des indicateurs économiques relatifs à la situation des producteurs communautaires participant à la procédure, entre 1995, d’une part, et la période d’enquête, d’autre part.

186
En ce qui concerne la part de marché, la requérante fait valoir que, en raison des contradictions existant dans les données, il n’est pas possible de considérer que les conclusions s’y rapportant étaient fondées sur des éléments exacts.

187
S’agissant des prix de vente, la requérante soutient que l’exclusion du facteur afférent à l’évolution du prix des trois segments du marché des balances électroniques méconnaît la définition du produit concerné, telle qu’énoncée par les considérants 10 et 11 du règlement attaqué, ainsi que le caractère interchangeable des trois segments. La requérante souligne, à cet égard, l’absence d’analyse par segment constatée lors de précédentes procédures antidumping. Elle se réfère ainsi au règlement (CEE) n° 993/93 du Conseil, du 26 avril 1993, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines balances électroniques originaires du Japon (JO L 104, p. 4), en son considérant 73, et au règlement (CEE) n° 1103/93 de la Commission, du 30 avril 1993, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations dans la Communauté de certaines balances électroniques originaires de Singapour et de Corée du Sud (JO L 112, p. 20), en son considérant 36. En tout cas, le Conseil aurait violé l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base en procédant à une analyse par segment, au motif que ledit article n’autoriserait pas d’évaluation séparée pour des segments du produit similaire.

188
De plus, fait-elle observer, dans les règlements récents instituant des droits antidumping définitifs sur les balances électroniques, ce sont les prix de vente moyens pondérés qui ont été retenus, plutôt que les prix de vente moyens déterminés par segment. Elle invoque à ce sujet le règlement n° 468/2001, en son considérant 42, et le règlement n° 469/2001, en son considérant 52.

189
En outre, la requérante conteste la conclusion du Conseil selon laquelle les prix de vente auraient diminué ainsi que l’assertion dudit Conseil selon laquelle les données faisant état d’une augmentation du prix de vente de 17 % seraient erronées. Elle indique que cette dernière affirmation contredit les termes du considérant 83 du règlement attaqué et estime que cette contradiction constitue une preuve du fait que la détermination du préjudice ne serait pas fondée sur des éléments de preuve incontestables.

190
Par ailleurs, en vertu de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, le Conseil aurait dû examiner les prix de vente moyens conjointement avec les facteurs influant sur ces prix, tels que l’évolution à la baisse des coûts de production, d’ailleurs mentionnée au considérant 122 du règlement attaqué. En outre, selon la requérante, la pratique récente des institutions communautaires montre que des facteurs influant sur les prix communautaires sont analysés conjointement avec les prix proprement dits, en vue de déterminer si des modifications afférentes aux coûts de production sont susceptibles d’avoir un impact sur les prix de vente de l’industrie communautaire. Elle se prévaut ainsi, notamment, du règlement (CE) n° 1612/2001 de la Commission, du 3 août 2001, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de ferromolybdène originaire de Chine (JO L 214, p. 3), en ses considérants 80 et 81.

191
S’agissant de la rentabilité, la requérante invoque également l’existence d’une contradiction manifeste, viciant à l’en croire la définition donnée par le Conseil du prix non préjudiciable. Selon elle, étant donné que la marge bénéficiaire obtenue par l’industrie communautaire pendant la période d’enquête était d’environ 10 %, le Conseil aurait dû conclure que la rentabilité globale était suffisante. La marge bénéficiaire de 10 % serait celle que, selon les institutions communautaires, l’industrie communautaire peut escompter obtenir sur les ventes de balances électroniques dans la Communauté européenne en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping. La requérante estime que l’augmentation des bénéfices paraît largement attribuable à la forte réduction des coûts de production.

192
Le Conseil conteste l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’évaluation des indicateurs économiques relatifs aux parts de marché, aux prix de vente et à la rentabilité de l’industrie communautaire.

Appréciation du Tribunal

193
À titre liminaire, en ce qui concerne le fait que la requérante fonde son argumentation sur les différences entre les données préliminaires et définitives, il convient de rappeler que ce grief a été rejeté lors de l’examen du grief précédent.

–     Prix de vente du produit similaire

194
Au considérant 83 du règlement attaqué, le Conseil constate que les prix de vente des balances électroniques sur le marché communautaire ont diminué de 11 % pour le segment supérieur, de 18 % pour le segment moyen et de 17 % pour le segment inférieur. En réponse à une remarque émise par la requérante durant la procédure antidumping, consistant en ce que les prix de vente moyens, toutes balances électroniques confondues, avaient augmenté au cours de la période examinée, le Conseil a constaté au considérant 83 du règlement attaqué, comme la Commission l’avait également fait, en d’autres termes, dans sa lettre du 23 octobre 2000, que « cette hausse apparente [était] entièrement due à l’évolution de la répartition des ventes (c’est-à-dire aux modifications substantielles du volume des ventes dans les différents segments entre 1995 et la période d’enquête) ».

195
En réponse à une question écrite du Tribunal, le Conseil a justifié la différence constatée entre le calcul préliminaire, faisant apparaître, dans le document d’avril 2000, une hausse du prix de vente de 17 % pour toutes les balances électroniques, et le calcul final, mettant cette fois en évidence l’existence de baisses, pour chaque segment séparément considéré. Il ressort de la réponse du Conseil que la Commission a apporté au calcul préliminaire trois modifications qui, conjuguées, expliquent l’obtention de résultats différents concernant l’évolution des prix. Premièrement, le calcul exposé dans le document d’avril 2000 contenait une erreur, car seules les ventes à des parties indépendantes auraient dû y figurer, ce que ne reflétait pas la formule rédactionnelle utilisée dans le tableau. De ce fait, le document d’avril 2000 mentionnait une hausse des prix de vente, alors que, étant donné que le calcul y figurant montrait une progression de 35 % des quantités vendues et un accroissement de 27 % du chiffre d’affaires, le résultat obtenu aurait dû faire état d’une baisse du prix de vente de 6 %, correspondant à un indice de 94, par application de la méthode généralement utilisée pour calculer l’évolution des prix qui consiste à diviser, pour chaque année, la valeur totale des ventes par leur volume total (127/135), l’indice 100 correspondant au début de la période d’enquête (1995). Deuxièmement, la Commission a aussi légèrement revu le calcul concernant l’évolution du volume des ventes. Alors que le calcul présenté par le document d’avril 2000 montrait une progression de 35 % des quantités vendues, cette progression n’était plus que de 29 % selon le calcul final tant de la Commission que du Conseil (voir considérant 79 du règlement attaqué). Cette modification a bien évidemment produit ses conséquences sur le calcul de l’évolution des prix. Étant donné que l’accroissement du chiffre d’affaires, toutes balances électroniques confondues, était de 27 % (voir considérant 80), le rapport entre cet accroissement et celui des quantités totales vendues était de 98 (127/129), soit une baisse du prix global proche de 2 %. Troisièmement, la Commission a calculé l’évolution des prix par catégorie de produits et non globalement, ce qui explique la différence restante concernant l’évolution des prix.

196
Par ailleurs, il ressort également de la réponse du Conseil que, selon un phénomène bien connu des statisticiens, lorsqu’un produit comprend différentes catégories, le calcul d’une évolution globale des prix (fondé sur l’évolution des volumes et des valeurs de vente) est faussé si les prix et les tendances du volume des ventes diffèrent sensiblement d’une catégorie à l’autre. Tel étant le cas en l’espèce, la Commission a calculé l’évolution des prix pour chaque catégorie de produits. Or, comme il a été jugé aux points 127 à 131 ci-dessus, l’examen par catégorie n’est pas contraire à l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base.

197
Dès lors, il n’est pas possible, dans ces circonstances, de reprocher aux institutions communautaires d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en n’adoptant pas pour méthode de calcul celle visant à obtenir un prix de vente moyen pondéré. En tout état de cause, force est de constater qu’aucun élément figurant au dossier ne vient infirmer le calcul selon lequel les prix de vente, toutes catégories confondues, ont baissé d’environ 2 % entre 1995 et la période d’enquête, au lieu d’augmenter de 17 %, comme le calcul préliminaire l’indiquait.

198
Enfin, l’argument de la requérante, selon lequel l’évolution des prix aurait dû être analysée conjointement avec les facteurs affectant ces prix, comme l’évolution, dans la Communauté, des coûts de production et de la productivité pour ce qui est du produit concerné, est dénué de pertinence. Bien que les institutions communautaires aient pu parfois également examiner d’autres facteurs, conjointement avec l’examen des prix, il y a lieu de remarquer que cet examen se fait cas par cas, et que, ainsi, il peut différer selon le cas d’espèce. En toute hypothèse, comme le Conseil l’indique, les facteurs que la requérante invoque ont été pris en compte dans l’évaluation de la rentabilité ainsi que dans les conclusions finales dudit Conseil sur le préjudice. Dès lors, il convient de relever que les institutions communautaires ont bien procédé à un examen « [d]es facteurs qui influent sur les prix dans la Communauté », comme exigé à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base.

–     Rentabilité et effet de l’introduction de l’euro

199
Le Conseil a constaté, au considérant 89 du règlement attaqué, que « la dépression des prix provoquée par les importations faisant l’objet d’un dumping a empêché l’industrie communautaire d’atteindre le niveau général de rentabilité qu’elle aurait pu espérer pendant la période d’enquête ». Or, selon la requérante, cette conclusion serait en contradiction avec le considérant 131 du règlement attaqué, d’où il ressort qu’une marge bénéficiaire de 10 % est jugée nécessaire pour assurer la viabilité de l’industrie communautaire, ainsi qu’avec le considérant 84, dans lequel il est constaté que « [l]es bénéfices sur le chiffre d’affaires toutes balances électroniques confondues ont augmenté, passant d’une valeur positive, mais faible, en 1995, à 10 % pendant la période d’enquête », tandis que, en revanche, « les bénéfices sur les balances du segment inférieur du marché, faibles, mais positifs, en 1995, ont laissé la place à des pertes substantielles (quelque 20 %) pendant la période d’enquête ».

200
Or, le Conseil soutient à bon droit que la marge bénéficiaire constituait simplement, compte tenu de l’ensemble des circonstances, la condition minimale de survie de l’industrie communautaire, qui, dans le cas d’espèce, était insuffisante eu égard à l’effet causé par la perspective de l’introduction de l’euro. La Commission a expliqué, au point 4.4.7 du document d’information du 21 septembre 2000, que le profit normal pour l’industrie communautaire était de 10 %. Pourtant, cette industrie n’a pas pu atteindre ce niveau au cours des années précédant l’effet né de la perspective de l’introduction de l’euro. Pendant la période d’enquête à l’inverse, la rentabilité de l’industrie communautaire était à un niveau suffisant pour assurer sa viabilité à cause dudit effet, qui augmentait les volumes des ventes.

201
Dès lors, il convient de constater, comme il ressort des considérants 85 à 88 du règlement attaqué, que les institutions communautaires ont neutralisé l’incidence de l’effet né de la perspective de l’introduction de l’euro sur la rentabilité, en concluant que la rentabilité ne serait pas suffisante sans l’effet en question. Il y a lieu de rappeler que l’institution d’un droit antidumping est une mesure qui produit ses effets pour l’avenir. Partant, il convient de relever que les institutions communautaires ont pu, étant donné leur large pouvoir d’appréciation, éliminer les effets de l’introduction de l’euro dans leur examen de la rentabilité de l’industrie communautaire, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation.

202
Par conséquent, le deuxième grief ne saurait être accueilli.

c)     Existence d’un préjudice important et évaluation des faits

Arguments des parties

203
La requérante fait valoir que, quant aux facteurs relatifs à la répartition du marché et à l’évolution des prix moyens pour l’ensemble des balances électroniques des trois segments, le Conseil, en ce qu’il a conclu à l’existence d’un préjudice important affectant l’industrie communautaire, n’a pas procédé à une évaluation objective des faits, de laquelle il ressortirait, d’une part, que les parts de marché de l’industrie communautaire auraient augmenté entre 1995 et la période d’enquête et, d’autre part, que les coûts de production auraient connu une baisse concomitante. En outre, le Conseil aurait violé l’article 3, paragraphe 8, du règlement de base, en raison du fait que ses conclusions concernant le préjudice ne devaient pas être fondées sur ces données.

204
Le Conseil note que la requérante se borne à répéter l’argumentation présentée lors de l’exposé de la deuxième branche du deuxième moyen.

Appréciation du Tribunal

205
La requérante invoque ici les mêmes arguments que ceux qui ont déjà été traités et rejetés aux points 127 à 131, 180 à 184 et 198 ci-dessus.

206
Par conséquent, le troisième grief ne saurait être accueilli.

d)     Commencement et apogée de l’effet né de la perspective de l’introduction de l’euro

Arguments des parties

207
La requérante fait valoir que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en évaluant l’incidence de l’effet causé par la perspective de l’introduction de l’euro sur la situation de l’industrie communautaire. Selon la requérante, en raison des importantes contradictions entre les données sur la base desquelles les institutions communautaires ont examiné l’incidence de l’effet de l’introduction de l’euro et les conclusions de ces dernières, le règlement attaqué ne se fonde pas sur des éléments de preuve positifs et irréfutables et ne comporte pas un examen objectif. En outre, quant aux liens allégués entre l’amélioration de la rentabilité et l’introduction de l’euro, la requérante note que l’accroissement en question découle de l’obtention de coûts moins élevés, et non pas de la perspective de l’introduction de l’euro.

208
Le Conseil relève, d’une part, l’absence de pertinence de l’argument invoqué par la requérante, dès lors que celle-ci ne conteste pas l’existence de l’effet de l’introduction de l’euro en tant que tel, mais seulement sa détermination dans le temps. D’autre part, la requérante n’apporterait pas la preuve du caractère erroné de l’estimation établie par les institutions communautaires.

Appréciation du Tribunal

209
Il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas l’existence de l’effet de l’introduction de l’euro en tant que tel, mais la validité des preuves qui sous-tendent l’évaluation du Conseil quant à la détermination du point de commencement et de l’apogée de cet effet.

210
S’agissant du début de l’effet causé par la perspective de l’introduction de l’euro, il aurait eu lieu, pour les institutions communautaires, en 1997, tandis que la requérante fait état de l’année 1998, en se référant au résumé non confidentiel de la réponse de Bizerba au questionnaire d’enquête, en date du 17 novembre 1999. Au point I.1 de ce document, il est indiqué que, « [h]eureusement, l’introduction de l’euro a entraîné un accroissement temporaire de la demande depuis le dernier trimestre de 1998 ». Dans la lettre de Bizerba du 10 avril 2000, il est indiqué que, « [d]u fait de l’introduction de l’euro, le chiffre d’affaires issu des ventes communautaires a commencé à s’accroître légèrement en 1998 et durant la période d’enquête », et que « le marché communautaire total des [balances électroniques était] toutefois prédisposé à un accroissement beaucoup plus important, de plus ou moins 50 %, entre 1997 et la période d’enquête, du fait du remplacement [attendu] des balances [électroniques] dans le cadre de l’introduction de l’euro ». Enfin, il ressort du graphique dont Bizerba a assorti sa lettre du 10 avril 2000 que les ventes de toutes les balances électroniques ont augmenté à partir de 1996. Dès lors, il convient de constater que les données fournies par Bizerba ont un caractère parfois contradictoire et en tout cas incertain.

211
Étant donné que, dans les enquêtes antidumping, les institutions communautaires doivent examiner toutes les données qui leur sont soumises par l’industrie communautaire, il est possible que les données figurant dans le règlement attaqué, reprenant les données de l’information finale, soient différentes des données soumises par une entreprise à un moment donné, notamment lorsque ces données comportent des contradictions ou incohérences, compte tenu du large pouvoir d’appréciation reconnu en la matière aux institutions communautaires. De plus, comme il ressort des constatations de Bizerba en date du 10 avril 2000, l’ensemble du marché communautaire des balances électroniques a fait l’objet d’une forte croissance entre 1997 et la période d’enquête. Ainsi, il convient de relever que le Conseil a pu considérer à bon droit que le début de l’effet de l’introduction de l’euro était déjà perceptible en 1997. De plus, la requérante n’a pas présenté de preuves démontrant que les institutions communautaires se seraient trompées à cet égard.

212
En ce qui concerne l’apogée de l’effet de l’introduction de l’euro, il aurait eu lieu, pour les institutions communautaires, en 1999, tandis que la requérante estime qu’il serait intervenu au cours de l’année 2001, en se référant aux données transmises par l’industrie communautaire.

213
Or, le fait que les conclusions des institutions communautaires ne correspondent pas pleinement à toutes les observations de l’industrie communautaire ne signifie pas que les institutions communautaires aient commis une erreur manifeste d’appréciation. Il ressort du point 7.4 de la lettre de la Commission du 4 octobre 2000 que la Commission avait fondé ses prévisions sur les informations présentées par l’industrie communautaire quant à l’effet de l’introduction de l’euro. Le Conseil rappelle dans son mémoire en défense que c’est sur la base de cette analyse que les institutions communautaires avaient prévu que l’effet causé par la perspective de l’introduction de l’euro culminerait en 1999. De plus, il convient de noter qu’il ressort de la plainte des producteurs communautaires que ces derniers avaient indiqué que la disparition de l’effet de l’introduction de l’euro était attendue lors de la période comprise entre les années 2000 et 2003. Enfin, bien que le règlement attaqué ait fait état de la circonstance selon laquelle l’apogée de l’effet de l’introduction de l’euro avait été atteint en 1999, il indiquait également que l’accroissement temporaire des ventes avait duré jusqu’en 2000. Il y est constaté expressément, au considérant 64, que l’effet de l’introduction de l’euro avait conduit à avancer certaines ventes d’une période (celle comprise entre les années 2001 et 2004) à une autre (celle comprise entre les années 1997 et 2000). Ainsi, selon le règlement attaqué, l’effet de l’introduction de l’euro n’avait pas encore disparu en 1999.

214
Il y a lieu de constater que la requérante n’a pas présenté de preuves qui démontreraient que les prévisions des institutions communautaires auraient été manifestement erronées et non pas fondées sur des éléments de preuve positifs. Il y a lieu de noter également que la requérante n’a pas démontré en quoi les conclusions du Conseil sur le préjudice auraient été affectées si le début de l’effet de l’introduction de l’euro s’était situé à la fin de l’année 1998 et son apogée en 2001. De toute façon, l’introduction de l’euro a produit ses effets durant la période d’enquête.

215
Par conséquent, le quatrième grief ne saurait être accueilli.

216
Dans ces circonstances, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen.

6. Quatrième branche : en ce qui concerne l’erreur manifeste des institutions communautaires quant à l’évaluation de l’importance de la marge de dumping effective

a)     Arguments des parties

217
La requérante fait valoir que les institutions communautaires ont commis une erreur manifeste, en violation de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, concernant l’évaluation de l’importance de la marge de dumping effective. En effet, la marge de sous-cotation des balances électroniques originaires des pays visés par rapport aux balances communautaires serait nettement supérieure à la marge de dumping effective. Dès lors, l’élimination potentielle de la pratique de dumping n’entraînerait aucune modification substantielle de la marge de sous-cotation. La requérante fait donc valoir que la marge de dumping et la marge de sous-cotation doivent être comparées. Elle estime qu’une telle comparaison peut révéler que le préjudice résulte d’autres facteurs que le dumping.

218
Le Conseil conteste l’existence d’une obligation pesant sur les institutions communautaires, qui lui imposerait d’opérer une comparaison entre la marge de sous-cotation et la marge de dumping, deux notions qui seraient difficilement comparables. La marge de dumping devrait toujours être considérée comme pertinente par elle-même pour la détermination du préjudice, si elle est supérieure au niveau de minimis au sens de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base, quelle que soit la marge de sous-cotation effective.

b)     Appréciation du Tribunal

219
Il convient de noter que le règlement de base ne dispose pas que les marges de dumping devraient être comparées aux marges de sous-cotation, et que, dans les cas où la marge de dumping est inférieure à la marge de sous-cotation, une telle comparaison révélerait que le préjudice subi par l’industrie communautaire résulterait non du dumping, mais d’autres facteurs tels que les avantages naturels en termes de coût dont disposaient les exportateurs.

220
Dès lors, il ne peut pas être reproché aux institutions communautaires de n’avoir pas procédé à une telle comparaison. En effet, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, l’examen de sous-cotation du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire intervient dans le cadre de l’examen de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, tandis que, selon l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, l’évaluation des différents facteurs, incluant l’importance de la marge de dumping effective, intervient dans le cadre de l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie communautaire. Le Conseil a exposé son examen de sous-cotation des prix aux considérants 72 à 74 du règlement attaqué et, au considérant 90 du règlement attaqué, il a examiné l’importance de la marge de dumping effective, comme constaté ci-dessus. Ainsi, pour évaluer le préjudice, il a bien tenu compte de l’un des facteurs énumérés à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, sans qu’il ait eu besoin de le comparer, à cet égard, à la marge de sous-cotation.

221
Par conséquent, il convient de rejeter la quatrième branche du deuxième moyen comme non fondée.

7. Cinquième branche : en ce qui concerne la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base relative à la prise en compte des chiffres d’Eurostat

a)     Arguments des parties

222
La requérante fait valoir que la conclusion du Conseil relative à l’existence d’un préjudice important affectant l’industrie communautaire a été prise en violation de l’article 3, paragraphe 3, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, dans la mesure où, aux fins de la détermination du volume des importations, le Conseil s’est référé à des statistiques d’Eurostat incluant des importations de produits distincts du produit concerné.

223
En effet, la classification correspondant au code NC 8423 8150 inclurait des produits n’entrant pas dans le champ d’application de la procédure, le critère de rattachement appliqué visant tout type de balance, ayant une capacité de pesage inférieure à 30 kilos, destinée à un usage commercial. La requérante note que le Conseil reconnaît que le code NC 8423 8150 englobe des balances autres que les balances électroniques.

224
La requérante invoque également les données issues de l’étude de marché réalisée par les producteurs communautaires à l’origine de la plainte, selon laquelle seulement 50 % des importations originaires de Chine classifiées sous le code précité concerneraient les balances électroniques faisant l’objet du règlement attaqué.

225
La requérante réfute la déclaration du Conseil selon laquelle tous les éléments de preuve recueillis indiqueraient que seules des balances électroniques étaient exportées à partir des pays concernés. Premièrement, selon la requérante, au cours de l’enquête, différentes parties ont produit des commencements de preuve indiquant qu’Eurostat n’était pas une source fiable pour la détermination du volume des importations de balances électroniques. Deuxièmement, quant aux importations effectuées sous la rubrique NC 8423 8150, la requérante note que, parce que les exportateurs et importateurs ayant coopéré à l’enquête n’exportaient et n’importaient que des balances électroniques, ils ne pouvaient prouver que des importations d’autres produits avaient également lieu sous ladite rubrique. Troisièmement, selon la requérante, la Commission était au courant de l’existence de fabricants chinois de balances autres que les balances électroniques. Toutefois, étant donné que ces autres balances ne faisaient pas l’objet de l’enquête, il ne pouvait être supposé que lesdits producteurs-exportateurs coopéraient, dans le cadre de celle-ci, avec la Commission. Quatrièmement, la requérante note que le volume des importations en provenance de Chine aurait dû être déterminé en fonction des données vérifiées concernant les trois exportateurs chinois. Cinquièmement, selon la requérante, les données d’Eurostat, figurant en annexe à la plainte, relatives aux prix d’importation moyens, montrent clairement qu’Eurostat n’était pas davantage une source fiable en ce qui concerne la Chine. La requérante note que plusieurs facteurs tendaient à faire apparaître le caractère inapproprié d’un recours à l’utilisation de données d’Eurostat.

226
Enfin, la requérante fait observer que, dans plusieurs procédures antidumping récentes, le Conseil a contesté, en vue de déterminer le préjudice, la pertinence des statistiques d’Eurostat, dans la mesure où le code NC dont relevait le produit concerné englobait des produits non visés par la procédure en cours. Elle se prévaut ainsi, notamment, du règlement (CE) n° 2313/2000 du Conseil, du 17 octobre 2000, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive des droits provisoires sur les importations de certains tubes cathodiques pour récepteurs de télévision en couleurs originaires de l’Inde et de Corée du Sud et clôturant la procédure antidumping concernant les importations en provenance de Lituanie, de Malaisie et de Chine (JO L  267, p. 1), en son considérant 35. Cette approche aurait été confirmée par l’arrêt de la Cour du 27 novembre 1991, Gimelec e.a./Commission (C‑315/90, Rec. p. I‑5589, points 13 et 14).

227
Le Conseil ne conteste pas que le code NC 8423 8150 s’applique également à des balances autres que celles soumises à l’enquête et qu’Eurostat n’opère pas de distinction entre les différents modèles inclus sous ledit code. Cependant, le Conseil note que toutes les preuves obtenues, y compris celles qu’ont fourni les exportateurs et les importateurs ayant coopéré à l’enquête, indiquaient que seules des balances électroniques étaient exportées par les pays concernés. De plus, le Conseil constate que les institutions communautaires n’ont eu d’informations que sur moins de 50 % du total des importations, cela étant dû à la coopération extrêmement faible des exportateurs, en particulier des exportateurs chinois. Or, le fait que seules des informations limitées sur les exportations en provenance de Chine aient été disponibles ne permettrait pas de conclure que le Conseil a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en fondant son évaluation sur les données fournies par Eurostat.

b)     Appréciation du Tribunal

228
La requérante fait valoir que, en déterminant le volume des importations sur la base des statistiques d’Eurostat, alors qu’elles étaient au courant du fait que le code NC 8423 8150 incluait des marchandises autres que les balances électroniques, les institutions communautaires n’ont pas fondé leurs conclusions relatives au volume des importations sur un élément de preuve positif. Dès lors, le Tribunal limite son examen, concernant l’utilisation des données d’Eurostat pour la détermination du volume des importations, à cet aspect spécifique.

229
La requérante invoque l’arrêt Gimelec e.a./Commission, point 226 supra (points 13 et 14), à cet égard. Dans cette affaire, la Cour avait rendu son arrêt en ces termes :

« La Commission était en droit de se fonder sur les données spécifiques résultant de son enquête, même si ces données ne correspondaient pas aux statistiques communautaires, sur lesquelles les requérantes se sont basées. En effet, comme l’a fait valoir la Commission, sans être contredite sur ce point par les requérantes, les statistiques communautaires ne peuvent fournir des éléments de preuve étant donné qu’elles classent les moteurs électriques sous un chapitre tarifaire qui englobe également d’autres produits.

Il en résulte que la Commission a déterminé le volume des importations en cause à partir des données dont elle pouvait raisonnablement disposer. »

230
Il ressort de cette jurisprudence que les institutions communautaires ne commettent pas d’erreur manifeste d’appréciation quand elles se fondent sur les données dont elles peuvent raisonnablement disposer. Il ressort également de la jurisprudence que les institutions communautaires ne sont pas liées par les réponses des parties concernées quand le degré de coopération à l’enquête est faible et, ainsi, que les données transmises par une ou deux entreprises concernées ne peuvent être considérées comme représentatives (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T‑161/94, Rec. p. II‑695, point 65).

231
En l’espèce, les institutions communautaires ont estimé que, malgré le fait que le code NC 8423 8150 pouvait inclure également d’autres produits que les balances électroniques, telles les balances compteuses et les balances vérificatrices, il convenait, pour la présente enquête, d’utiliser les données d’Eurostat pour déterminer le volume des importations en provenance des pays concernés, car, au cours de l’enquête, la Commission n’a reçu aucun élément indiquant que des balances autres que des balances électroniques auraient été importées dans la Communauté en provenance des pays concernés.

232
En réponse à une question écrite du Tribunal, le Conseil a précisé que les institutions communautaires n’avaient pas utilisé les données d’Eurostat en tant que telles. En effet, la Commission a constaté, en ce qui concerne les importations en provenance de Chine pour les années 1995 et 1998, et pour la période d’enquête dans son ensemble, que les volumes indiqués par Eurostat étaient beaucoup trop élevés et que les prix dont Eurostat faisait état étaient beaucoup trop bas. Par exemple, pour l’année 1995, Eurostat indiquait un prix moyen de 7 euros par unité. Dès lors, il était évident que ces prix ne pouvaient pas correspondre à des balances électroniques complètes, mais concernaient des importations de pièces. Par conséquent, la Commission a ajusté les données d’Eurostat. Selon le Conseil, les ajustements de la Commission ont ramené les volumes d’importation à des niveaux unitaires plus vraisemblables, qui paraissaient raisonnables compte tenu des chiffres mentionnés par les exportateurs de Chine ayant coopéré à l’enquête, du degré de coopération de la part du marché chinois et des estimations de l’industrie communautaire ayant déposé la plainte. La Commission a, dès lors, utilisé pour l’enquête les données qui avaient été communiquées à la requérante dans la lettre d’information du 21 septembre 2000. Par ailleurs, selon le Conseil, la requérante était au courant de l’ajustement des données brutes d’Eurostat, sans pourtant le contester. Elle a simplement allégué que la Commission n’avait pas prouvé que les données d’Eurostat n’incluaient pas d’autres produits que des balances électroniques.

233
Dans sa réponse, le Conseil a également communiqué au Tribunal les données d’Eurostat, sur la base desquelles l’ajustement avait été fait. Il convient, en effet, de relever que ces chiffres diffèrent des données d’Eurostat que l’industrie communautaire avait adjointes à sa plainte. Pour justifier cette discordance, le Conseil a expliqué lors de l’audience que, comme les chiffres d’Eurostat sont constamment révisés, les données brutes d’Eurostat utilisées lorsque la Commission se trouvait à un stade final de son enquête ne sont pas identiques aux données qui étaient disponibles au moment où la plainte a été introduite.

234
Il ressort des données d’Eurostat, communiquées par le Conseil, que, pour la période d’enquête, le volume des importations en provenance de Chine était de 47 658 unités. Or, le chiffre utilisé par la Commission, après ajustement, était de 16 827 unités. Dès lors, au lieu d’utiliser le chiffre de 63 894 unités, représentant, selon Eurostat, les exportations des trois pays concernés, la Commission a également retenu un chiffre moindre, de 33 063 unités. De la même façon, en ce qui concerne l’année 1995, les données d’Eurostat évaluaient à 21 289 unités les importations en provenance de Chine, tandis que la Commission a utilisé le chiffre de 3 456 unités, et, alors qu’Eurostat aboutissait à un total de 32 686 unités pour les importations en provenance des trois pays concernés, la Commission a estimé ces dernières à 14 853 unités.

235
Il ressort des considérants 63, 70 et 71 du règlement attaqué que des données provenant d’Eurostat ont été utilisées aux fins de l’évaluation de la consommation communautaire, du volume des importations et, par suite, des parts de marché. D’après les explications du Conseil, il s’agit donc des données ajustées, selon lesquelles le volume total des importations était de 33 063 unités pendant la période d’enquête.

236
Cependant, il ressort du considérant 105 du règlement attaqué que, pendant la période d’enquête, les producteurs-exportateurs ayant coopéré à ladite enquête ont exporté vers la communauté à peu près 15 000 unités, dont 97 % relevaient du segment inférieur du marché.

237
Par conséquent, il convient de relever qu’il y a un écart considérable entre les données des producteurs-exportateurs ayant coopéré à l’enquête et les données ajustées d’Eurostat. Le Conseil invoque, à cet égard, le faible degré de coopération des exportateurs et, notamment, des exportateurs chinois. Lors de l’audience, il a précisé que, selon un rapport de l’association des producteurs de balances chinois, que le Conseil n’a pas proposé de verser au dossier, quinze sociétés se partageaient le marché. Sur ces quinze sociétés, seulement trois ont coopéré à l’enquête. Selon le Conseil, un nombre important de ces sociétés n’avait donc pas coopéré à la procédure d’enquête, et, à la lumière des données d’Eurostat, qui montraient la différence entre les ventes effectivement constatées et celles qui étaient enregistrées, les institutions communautaires avaient de bonnes raisons de penser qu’une grande partie de ces sociétés procédait à des exportations et qu’il n’y avait pas de coopération de leur part.

238
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 18 du règlement de base, en cas de défaut de coopération, les conclusions peuvent être établies « sur la base des données disponibles », qui doivent être vérifiées, si possible, par référence à d’autres sources indépendantes disponibles, telles que les statistiques officielles concernant les importations.

239
Il y a également lieu de rappeler que, dans le cas d’espèce, comme il ressort du considérant 5 du règlement attaqué, à l’exception d’un producteur-exportateur taïwanais, tous les producteurs-exportateurs, parmi lesquels les trois sociétés chinoises, que les producteurs de l’industrie communautaire avaient mentionnés dans leur plainte, ont, en effet, coopéré à l’enquête. Or, le fait que l’industrie communautaire n’avait mentionné que trois sociétés chinoises dans sa plainte ne signifie pas qu’il n’y avait pas sur le marché d’autres producteurs-exportateurs chinois. Par conséquent, les institutions communautaires ne peuvent pas se voir reprocher le fait d’avoir considéré que certains producteurs-exportateurs n’avaient pas coopéré. À cet égard, il y a lieu de noter que, lors de l’audience, la requérante a affirmé que le rapport de l’association des producteurs de balances chinois était annexé aux réponses au questionnaire de la Commission. Or, dans le dossier, un tel rapport fait défaut. Dans la réponse de la requérante au questionnaire concernant l’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché, la requérante a mentionné six producteurs principaux de balances électroniques, parmi lesquels les trois sociétés ayant coopéré.

240
En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le code NC en question s’appliquait également à d’autres produits que les balances électroniques, il convient de rappeler que la Commission a, justement, ajusté les données d’Eurostat, car elle considérait que, sous ce code, d’autres produits (c’est-à-dire, en l’espèce, des pièces de rechange) avaient été importés, et a finalement retenu le chiffre de 33 063 unités. Par la suite, les institutions communautaires n’ont pas reçu d’informations particulières selon lesquelles ce chiffre aurait également recouvert l’importation d’autres produits que les balances électroniques. De plus, la requérante n’a pas présenté le moindre indice en ce sens. Dans ces circonstances, la Commission était en droit de considérer, bien que le code en question s’applique à d’autres produits, que le chiffre de 33 063 unités représentait seulement l’importation de balances électroniques. À cet égard, il y a lieu de rappeler le large pouvoir d’appréciation appartenant aux institutions communautaires ainsi que le fait qu’il appartient à la requérante, comme indiqué au point 119 ci-dessus, de produire les éléments de preuve qui permettent au Tribunal de constater que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation. Or, la requérante n’a pas produit de telles preuves.

241
Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de considérer que les institutions communautaires n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en utilisant les données ajustées d’Eurostat aux fins d’analyse de la consommation dans la Communauté, de détermination du volume total des importations en provenance des pays concernés ainsi que des parts de marché de la Communauté et des importateurs.

242
Par conséquent, la cinquième branche du deuxième moyen ne saurait être accueillie. Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen en totalité.

C – Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base

1. Introduction

243
La requérante soutient que le Conseil a violé l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base en commettant une erreur manifeste d’appréciation lors de la détermination du lien de causalité.

244
Le règlement attaqué traite du lien de causalité aux considérants 98 à 116. Il est conclu, aux considérants 115 et 116 du règlement attaqué, ce qui suit :

« Compte tenu de la simultanéité entre, d’une part, la sous-cotation des prix établie, la part de marché importante conquise par les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés et, d’autre part, le recul correspondant de la part de marché de l’industrie communautaire ainsi que la baisse de ses prix de vente, il est conclu que les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés ont causé le préjudice important subi par l’industrie communautaire.

Il a donc été conclu que les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés ont causé un préjudice important à l’industrie communautaire. Si d’autres facteurs peuvent y avoir contribué, ils ne sont pas de nature à briser le lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie communautaire. »

245
La requérante invoque plusieurs arguments au soutien de son troisième moyen. Ces arguments sont, pour la plupart, les mêmes que ceux examinés en ce qui concerne la détermination du préjudice, dans le cadre du deuxième moyen. Dès lors, le cas échéant, il sera fait référence aux points ci-dessus. L’argumentation de la requérante peut être divisée en quatre branches.

2. Première branche : en ce qui concerne la rentabilité

a)     Arguments des parties

246
La requérante invoque l’augmentation sensible de la rentabilité de l’industrie communautaire entre 1995 et la période d’enquête comme preuve de l’absence d’impact des importations de produits faisant l’objet d’un dumping. L’affirmation du Conseil, faisant état de « conséquences néfastes pour la rentabilité de l’industrie communautaire », énoncée au considérant 102 du règlement attaqué, serait contredite par une donnée figurant au considérant 84 du règlement attaqué, précisant que « [l]es bénéfices sur le chiffre d’affaires toutes balances électroniques confondues ont augmenté, passant d’une valeur positive, mais faible, en 1995, à 10 % pendant la période d’enquête ».

247
Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

b)     Appréciation du Tribunal

248
Il suffit de constater que la requérante omet l’incidence de l’effet de la mise en place de l’euro. Il y a lieu de se reporter aux points 199 à 202 ci-dessus, dans lesquels il est démontré que cet argument, qui est plutôt lié au préjudice qu’au lien de causalité, est dénué de fondement.

3. Deuxième branche : en ce qui concerne l’évolution des prix de vente

a)     Arguments des parties

249
La requérante allègue que la baisse des prix des modèles de balances électroniques des segments supérieur et moyen n’a pas pu être causée par les importations en provenance des pays concernés. Or, selon les conclusions du Conseil lui-même, les importations vers la Communauté des balances appartenant aux segments moyen et supérieur représenteraient un volume négligeable. Le Conseil aurait omis d’examiner et d’expliquer le fait que les prix du segment moyen avaient même diminué davantage que dans le segment inférieur et que, dans le segment supérieur, les prix avaient également baissé dans des proportions presque comparables.

250
Selon la requérante, la baisse des prix serait en réalité imputable au phénomène classique selon lequel le prix des produits électroniques a une tendance naturelle à décroître au fur et à mesure des progrès technologiques. Ainsi, les institutions communautaires auraient omis de procéder à l’examen de l’évolution des coûts de production des segments moyen et supérieur, en évaluant l’incidence des importations sur l’évolution des prix des balances électroniques de ces segments. En outre, selon la requérante, la référence à l’effet d’entraînement est dénuée de pertinence. La requérante soutient que la diminution des prix des balances électroniques des segments moyen et supérieur n’a pas causé une baisse de la rentabilité dans ces segments. Au contraire, fait-elle observer, la rentabilité s’est accrue.

251
Par ailleurs, la requérante indique que les institutions communautaires n’ont pas dûment pris en compte le fait que l’émergence de gros utilisateurs, en entraînant un déplacement du pouvoir d’achat, a eu un effet à la baisse sur les prix. La requérante estime que l’erreur d’appréciation provient du fait que les institutions communautaires ont pris en compte les changements de structure et/ou les fusions de sociétés ne faisant pas partie de l’industrie communautaire. Ce faisant, les institutions communautaires n’auraient pas apporté la preuve que l’accroissement du pouvoir d’achat des chaînes de supermarché n’aurait pas causé le préjudice important mentionné aux considérants 113 et 114 du règlement attaqué.

252
En outre, la requérante fait valoir que, pour établir que la baisse des prix alléguée dans chacune des trois catégories de balances électroniques constitue effectivement un préjudice important pour le produit similaire, il est nécessaire également de démontrer l’incidence de ces baisses de prix sur la rentabilité dans chacune de ces trois catégories. La requérante note que des bénéfices considérables ont été enregistrés par l’industrie communautaire et que, si les prix de vente baissent mais que les bénéfices se situent à des niveaux suffisants, il n’existe pas de préjudice important causé par les importations. Selon la requérante, les profits de nature oligopolistique perçus par les producteurs de la communauté peuvent avoir subi une réduction en raison de l’existence de la concurrence des importations.

253
Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

b)     Appréciation du Tribunal

254
S’agissant de l’argument selon lequel les institutions communautaires n’ont pas tenu compte de l’effet de la hausse de la productivité sur les prix de vente, il suffit de constater que cette question a déjà été traitée au point 198 ci-dessus, dans lequel il est constaté que cet argument est dénué de pertinence. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la baisse des prix des modèles de balances électroniques des segments supérieur et moyen est due aux importantes réductions des coûts de production, elle a également été traitée au point 198 ci-dessus. S’agissant de l’effet d’entraînement, décrit au considérant 88 du règlement attaqué, selon lequel « […] la pression à la baisse exercée sur les prix par les importations faisant l’objet d’un dumping a été ressentie dans les segments moyen et supérieur du marché, car les prix d’une catégorie de produits exercent un effet d’entraînement sur les autres segments », il convient de relever que la requérante n’a pas avancé d’éléments permettant d’infirmer l’analyse du Conseil. De plus, comme il ressort du considérant 114 du règlement attaqué, les institutions communautaires ont examiné l’effet d’une hausse de la productivité sur les prix dans le cadre de l’examen d’autres facteurs. La requérante n’a pas démontré en quoi les institutions communautaires auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en constatant que les gains de productivité n’avaient pas brisé le lien de causalité en question.

255
Par ailleurs, s’agissant du grief concernant l’émergence de gros utilisateurs, il convient de relever que, comme la requérante l’admet elle-même, le Conseil a examiné ce facteur. Selon le considérant 113 du règlement attaqué :

« Dans toute la Communauté, la part de marché représentée par les gros utilisateurs (à savoir les grandes chaînes de supermarché) a fortement augmenté, tandis que le nombre de petits utilisateurs a baissé. Cette évolution a renforcé la puissance d’achat de l’industrie utilisatrice en général et il est probable qu’elle a exercé une certaine pression à la baisse sur les prix moyens. »

256
Au considérant 114 du règlement attaqué, le Conseil constate :

« Comme précisé au considérant 59, la structure de l’industrie communautaire a elle aussi profondément changé [lors de] la période considérée. La diminution du nombre de sociétés et les gains de productivité (voir [...] considérant 90) visaient à s’adapter à cette évolution du marché. Il a été conclu que la concurrence sur le marché intérieur due à l’évolution du secteur du commerce de détail dans la Communauté n’a pas brisé le lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie communautaire. »

257
Dès lors, le Conseil a, en l’espèce, examiné l’émergence de gros utilisateurs. Par ailleurs, en alléguant que l’erreur d’appréciation proviendrait du fait que les institutions communautaires ont pris en compte les changements de structure et/ou les fusions de sociétés ne faisant pas partie de l’industrie communautaire, la requérante fait une interprétation erronée de la notion d’« industrie communautaire ». Selon elle, cette notion ne recouvre que les producteurs communautaires ayant participé à l’enquête. Toutefois, selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base, la notion d’« industrie communautaire » vise l’ensemble des producteurs communautaires de produits similaires ou ceux d’entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure de la production communautaire totale de ces produits.

258
S’agissant du grief de la requérante selon lequel les institutions communautaires devaient démontrer l’incidence des baisses de prix sur la rentabilité dans chacune des trois catégories, il y a lieu de se reporter aux points 127 à 131 ci-dessus. Il suffit de constater que, comme le soutient le Conseil, aucune obligation n’imposait aux institutions communautaires de procéder à une analyse distincte du préjudice et du lien de causalité pour chacun des segments du produit. Or, comme il ressort du considérant 84 du règlement attaqué, les modèles du segment inférieur, représentant 97 % du total des importations, ont eu un effet particulièrement grave du fait que, dans le segment inférieur, l’industrie communautaire a subi des pertes substantielles pendant la période d’enquête.

259
Dans ces circonstances, il n’est pas établi que les institutions communautaires auraient commis une erreur manifeste d’appréciation.

4. Troisième branche : en ce qui concerne le calcul de sous-cotation

a)     Arguments des parties

260
La requérante fait valoir que les institutions communautaires n’ont procédé à un calcul de sous-cotation que pour les modèles de balances électroniques du segment inférieur et que, de ce fait, les considérations des institutions communautaires relatives au lien de causalité sont incompatibles avec la détermination du produit similaire.

261
Le Conseil conteste l’argument de la requérante.

b)     Appréciation du Tribunal

262
Selon le considérant 73 du règlement attaqué :

« La grande majorité des modèles vendus dans la Communauté par les producteurs-exportateurs ayant coopéré étaient des modèles appartenant au segment inférieur du marché (plus de 97 % en volume). Les calculs effectués ne tiennent donc pas compte des quantités réduites de modèles haut de gamme et de gamme moyenne, jugées non représentatives. »

263
La Commission avait expliqué dans le document d’information du 21 septembre 2000 que, « [a]fin de garantir une comparaison loyale, les marges de sous-cotation et les marges établies par rapport aux coûts de production augmentés d’un bénéfice raisonnable ont été calculées en utilisant des modèles de bas de gamme similaires, produits et vendus par l’industrie communautaire ». Étant donné que les modèles du segment inférieur constituaient 97 % de toutes les importations en provenance des pays concernés, il convient de considérer que les institutions communautaires ont pu calculer la sous-cotation seulement pour le segment inférieur, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation. En outre, il y a lieu de constater que toutes les importations en provenance de la requérante relevaient du segment inférieur et que, de ce fait, la sous-cotation pour les autres segments n’aurait pas pu être calculée à son égard.

264
Partant, cet argument est dénué de fondement.

5. Quatrième branche : en ce qui concerne la part de marché

a)     Arguments des parties

265
La requérante remet en cause les données relatives à l’évolution de la part de marché. Selon elle, l’évolution de la part de marché et du volume des importations aurait dû être analysée en termes absolus. Elle fait valoir, d’une part, l’absence d’incidence de l’augmentation du volume des importations en provenance des pays visés sur le volume des ventes de l’industrie communautaire et, d’autre part, la diminution du volume de ces mêmes importations à partir de 1997. La requérante invoque le fait que l’évolution du volume des ventes de l’industrie communautaire était très favorable. De plus, les autres opérateurs, oeuvrant dans la Communauté, apparaîtraient comme les acteurs les plus importants sur le marché communautaire. En outre, la requérante note que les institutions communautaires n’ont pas pris en compte le fait que les produits importés ont été consommés progressivement et que, ainsi, les données relatives à la consommation sont inexactes. La requérante note que, en se fondant sur les données produites par les institutions communautaires, elle a montré que les importations de balances électroniques en provenance des pays concernés ont augmenté de façon moins importante que la consommation et que leur part de marché a fléchi entre 1996 et la période d’enquête. Au contraire, selon la requérante, le volume des ventes de produits provenant de l’industrie communautaire a augmenté et la part de marché de cette industrie est restée inchangée.

266
Selon le Conseil, la part de marché est, par définition, une notion relative qui repose sur une comparaison entre les ventes et la consommation. Selon le Conseil, l’augmentation des ventes de l’industrie communautaire, en termes absolus, était imputable à l’effet de l’introduction de l’euro. Quant à la mention apportée par la requérante, selon laquelle l’augmentation la plus importante des importations en provenance des pays concernés avait eu lieu entre 1995 et 1996, le Conseil souligne qu’elle avait été causée par un effet de stockage et que les importations effectuées en 1996 n’avaient pas été immédiatement consommées lors de leur entrée dans la communauté. Il note que, malgré l’existence de stocks, les importations n’ont pas diminué et qu’il s’agit d’une preuve de la capacité des importations ayant fait l’objet d’un dumping à pénétrer le marché communautaire.

267
De plus, le Conseil conteste l’allégation selon laquelle le préjudice serait en fait causé par d’autres producteurs communautaires qui n’ont pas soutenu la plainte. En effet, fait-il observer, deux des autres producteurs les plus importants ont soutenu la plainte au départ et une grande société apparentée à un producteur de Chine, Mettler Toledo, n’a pu contribuer au préjudice en raison d’une fixation équitable des prix.

b)     Appréciation du Tribunal

268
Au considérant 81 du règlement attaqué, le Conseil fait état des éléments suivants :

« La part du marché de la Communauté détenue par l’industrie communautaire (toutes balances confondues) a régressé de 26,1 % en 1995 à 24,9 % pendant la période d’enquête, soit une baisse de 4,6 %. La part du marché des balances du segment inférieur détenue par l’industrie communautaire est quant à elle passée de 21,8 % en 1995 à 17,1 % pendant la période d’enquête, soit un recul de 22 %. »

269
Selon le considérant 100 du règlement attaqué :

« La consommation sur le marché communautaire a progressé de 35 % sur la période considérée. Les ventes de l’industrie communautaire n’ont augmenté que de 29 % tandis que les importations en provenance des pays concernés gagnaient 123 %. »

270
Au considérant 101 du règlement attaqué, il est enfin constaté ce qui suit :

« Comme précisé au considérant 81, l’industrie communautaire a vu sa part de marché reculer de 4,6 % [durant] la période considérée. En revanche, la part de marché détenue par les importations en provenance des pays concernés a augmenté, passant de 9,2 à 15,1 % [lors de] la même période. »

271
La requérante a établi trois tableaux dans sa requête, sur la base des données figurant dans le document d’information du 21 septembre 2000 et dans le règlement attaqué, relatifs au volume des ventes, en termes absolus, de l’industrie communautaire, ainsi qu’aux parts de marché de l’industrie communautaire et des pays concernés. Il y a lieu de présenter un nouveau tableau ci-après, contenant les informations de ces trois tableaux, et où figure en outre l’évolution en pourcentage pour chaque type de données. Il convient d’établir ce tableau en tenant compte du fait que les importations en provenance de CAS Corp., qui n’avaient pas fait l’objet d’un dumping, n’auraient pas dû être prises en considération.

                            
    1995

1996

1997

1998

PE

Évolution en  %

Part de marché de l’industrie communautaire

26,1 %

25,1 %

26,0 %

23,6 %

24,9 %

- 4,6

Consommation dans la Communauté

161 682

172 314

177 391

201 123

218 655

35

Volume des ventes de l’industrie communautaire

42 199

43 251

46 122

47 465

54 445

29

Volume des ventes d’autres opérateurs dans la Communauté

93 301

87 749

93 897

105 554

120 491

29

Total des importations

26 182

41 314

37 372

48 104

43 719

67

Total des importations à partir de Chine, de Corée du Sud et de Taïwan*

14 853

11 273

32 834

28 753

26 422

20 850

34 464

29 838

33 063

29 248

123

159

Part de marché de Chine, de Corée du Sud et de Taïwan*

9,2 %

7,0 %

19,1 %

16,7 %

14,9 %

11,8 %

17,1 %

14,8 %

15,1 %

13,4 %

64

91

Autres importations

11 329

8 480

10 950

13 640

10 656

- 6

* La seconde ligne présente la situation sans les importations provenant de CAS Corp.

272
La requérante essaie de démontrer à l’aide de ces données que l’industrie communautaire aurait vu le volume de ses ventes augmenter de façon constante et importante pendant toute la période examinée et que, dans la mesure où l’industrie communautaire aurait perdu une partie de son marché en termes relatifs, cette perte ne pourrait avoir été causée par les importations en provenance des pays concernés, qui accuseraient eux aussi une perte sur le plan des parts de marché.

273
Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante ne peut être retenue. En effet, l’examen du volume des ventes par rapport à la consommation dans la Communauté ne peut pas être exprimé en termes absolus, la part de marché étant une notion relative, exprimée en pourcentage. Il ressort des données ci-dessus que la part de marché de l’industrie communautaire était en 1995 de 26,1 % et pendant la période d’enquête de 24,9 %, ce qui représente une baisse relative de 4,6 %. La part de marché des importations faisant l’objet d’un dumping était en 1995 de 7,0 % et pendant la période d’enquête de 13,4 %, ce qui représente une augmentation relative de 91 %.

274
Il convient de relever qu’une part de marché de 13,4 % peut être considérée comme suffisamment importante pour démontrer que les importations en provenance des pays concernés ont pu avoir un effet préjudiciable sur l’industrie communautaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Miwon/Conseil, T‑51/96, Rec. p. II‑1841, point 106). De plus, bien que le volume des ventes de l’industrie communautaire ait augmenté de 29 % durant la période examinée, cette augmentation ne correspond pas proportionnellement à l’augmentation de la consommation, qui était de 35 % pendant cette même période. Il découle clairement de ces chiffres que la part de marché de l’industrie communautaire a régressé, comme le soutient le Conseil. Les importations de balances électroniques des pays concernés ont également augmenté d’environ 159 % pendant la période examinée. La requérante soutient à tort que les autres opérateurs apparaissent comme les acteurs les plus importants sur le marché communautaire. Leurs ventes en volume n’ont augmenté que de 29 % pendant cette même période.

275
Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, si l’année 1996 et la période d’enquête étaient comparées, le résultat serait différent, avec notamment une diminution de 4 % de la part de marché des importations faisant l’objet de dumping, il convient de relever que, même si l’on devait considérer que la part de marché des importations en provenance des pays concernés s’est affaiblie, on constate, en prenant en compte comme début de période l’année 1996, que la part de marché de ces importations, à savoir 13,4 % au cours de la période d’enquête, est restée substantielle (voir, en ce sens, arrêt Miwon/Conseil, point 274 supra, point 106).

276
De plus, il y a lieu de relever que les résultats varient en fonction des périodes qui ont été choisies pour examiner les données. Or, en l’espèce, le champ temporel de l’analyse a été déterminé comme couvrant la période comprise entre l’année 1995 et la fin de l’enquête, c’est-à-dire l’année 1999. Comme le soutient le Conseil, les données les meilleures et les plus fiables pour établir le paramètre relatif à la consommation et, par extension, les parts de marché sont les données globales portant sur l’ensemble de la période examinée. Il convient de partager la conclusion du Conseil selon laquelle ces données confirment qu’il existait une concomitance évidente et significative en termes de causalité entre la perte de parts de marché pour l’industrie communautaire et l’acquisition de parts de marché pour les importations faisant l’objet d’un dumping.

277
À cet égard, il y a également lieu de rappeler que, pour déterminer la période à prendre en considération aux fins de la constatation du préjudice dans le cadre d’une procédure antidumping, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, Rec. p. I‑2069, point 86). En l’espèce, la requérante n’a pas contesté la détermination de la période examinée en tant que telle, et il n’est pas établi que les institutions communautaires auraient outrepassé les limites de leur pouvoir d’appréciation en prenant en considération la période allant de 1995 à la fin de la période d’enquête pour évaluer le préjudice.

278
Dans ces circonstances, la quatrième branche du troisième moyen ne saurait être accueillie.

279
Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas pu démontrer que les institutions communautaires auraient commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’analyse du lien de causalité. Partant, elles n’ont pas violé l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base.

280
Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

D – Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des règles de procédure prévues dans le règlement de base

281
Le quatrième moyen comporte, en substance, trois branches soulevant des irrégularités procédurales.

1. Première branche : en ce qui concerne la violation de l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base

a)     Arguments des parties

282
La requérante fait valoir que les institutions communautaires ont violé l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base parce que la Commission ne lui a pas communiqué certains faits et considérations ayant trait à la base sur laquelle elle envisageait de proposer au Conseil l’institution de droits définitifs.

283
Malgré la demande d’information complémentaire de la requérante, la Commission aurait omis de répondre aux questions numéros 2, 3, 4, 6, 10, 11 et 12 qu’elle lui avait posées dans sa télécopie du 29 septembre 2000, ne la mettant pas en mesure de défendre utilement ses intérêts. La requérante soutient qu’il ressort des réponses de la Commission, relatives à chacune des questions concernant des constatations de l’enquête, que les institutions communautaires ont intentionnellement refusé de lui fournir des informations et entravé l’exercice par la requérante de ses droits de la défense.

284
Le Conseil fait valoir que la Commission est soumise à l’obligation de communiquer les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisage de recommander au Conseil l’institution de mesures antidumping définitives, dans la mesure où ces informations sont utiles à la défense de leurs intérêts par les parties. La partie qui estime ces informations insuffisantes doit, poursuit-il, inviter la Commission à les clarifier. Si la Commission, fait-il observer, répond à une demande d’information complémentaire et que cette partie estime que la réponse est insuffisante, elle doit l’indiquer clairement. En outre, le Conseil note que, si la Commission n’a pas transmis certaines informations demandées par une partie concernée, cela n’entraîne pas en soi l’annulation des mesures finalement adoptées, car la partie concernée doit montrer que sa capacité de défendre utilement ses intérêts a été effectivement affectée.

285
Le Conseil soutient que les allégations de la requérante sont dépourvues de justifications, parce qu’elle n’a pas expliqué pourquoi elle n’était pas en mesure de défendre utilement ses intérêts, et, dès lors, sont irrecevables. À titre subsidiaire, le Conseil soutient que la Commission a répondu dûment et de façon adéquate à ces questions. En outre, le Conseil soutient que les explications de la requérante, présentées en réplique, sont hors de propos, et pour la plupart irrecevables, parce qu’elles incluent de nouvelles allégations de fait qui auraient dû être soumises au Tribunal dans la requête.

b)     Appréciation du Tribunal

286
À titre liminaire, en ce qui concerne la prétendue irrecevabilité de cette première branche du quatrième moyen, il suffit de constater que les allégations de la requérante satisfont aux exigences de l’article 44, paragraphe 2, du règlement de procédure et sont, dès lors, recevables.

287
L’obligation qui incombe à la Commission, en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base, d’informer les entreprises concernées par une procédure antidumping des faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de proposer l’institution de droits antidumping vise à garantir le respect des droits de la défense des entreprises soumises à une telle procédure (arrêt du Tribunal du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, Rec. p. II‑4897, point 131). La présente branche, portant sur la violation de cette disposition, doit donc être interprétée comme tendant à faire valoir, en substance, une violation des droits de la défense de la requérante au cours de la procédure administrative qui s’est achevée par l’adoption du règlement attaqué.

288
Il y a lieu de noter, tout d’abord, que le principe du respect des droits de la défense est un principe fondamental du droit communautaire (arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Al-jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec. p. I‑3187, point 15 ; arrêts du Tribunal du 18 décembre 1997, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil, T‑159/94 et T‑160/94, Rec. p. II‑2461, point 81, et du 19 novembre 1998, Champion Stationery e.a./Conseil, T‑147/97, Rec. p. II‑4137, point 55).

289
Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en vertu du principe du respect des droits de la défense, les entreprises concernées par une procédure d’enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait pour l’industrie communautaire (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, point 288 supra, point 17 ; arrêt Ajinomoto et NutraSweet/Conseil, point 288 supra, point 83 ; arrêt Champion Stationery e.a./Conseil, point 288 supra, point 55, et arrêt Kundan et Tata/Conseil, point 287 supra, point 132).

290
Ces exigences sont inscrites à l’article 20 du règlement de base. En vertu de l’article 20, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, la Commission est tenue de communiquer, notamment à l’exportateur du produit faisant l’objet de l’enquête antidumping, une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisage de recommander au Conseil l’adoption de mesures définitives. L’article 20, paragraphe 4, du règlement de base prescrit que l’information finale doit être donnée par écrit. Elle doit l’être dès que possible et, normalement, un mois au plus tard avant la décision définitive ou la transmission par la Commission d’une proposition de décision finale, conformément à l’article 9 du règlement de base. Lorsque la Commission n’est pas en mesure de communiquer certains faits ou considérations à ce moment, cela doit être fait dès que possible. L’information ne fait pas obstacle à toute décision ultérieure qui peut être prise par la Commission ou le Conseil, et, lorsque cette décision se fonde sur des faits et considérations différents, ces derniers doivent être communiqués dès que possible.

291
Sous l’empire du règlement (CEE) n° 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après l’« ancien règlement de base »), c’était en fonction du degré de spécificité des informations demandées qu’il convenait d’apprécier le caractère suffisant des renseignements fournis par les institutions communautaires (voir, en ce sens, arrêt Ajinomoto et NutraSweet/Conseil, point 288 supra, point 93).

292
De plus, le caractère incomplet de l’information finale, laquelle vise à permettre aux parties concernées de faire valoir utilement leur position au cours de la procédure administrative, n’entraîne l’illégalité d’un règlement instituant des droits antidumping définitifs que si, en raison de cette omission, ces parties n’ont pas été en mesure de défendre utilement leurs intérêts (arrêt Champion Stationery e.a./Conseil, point 288 supra, points 55, 73 et 81 à 84).

293
Il convient donc d’examiner, à la lumière de ces principes, si les droits de la défense de la requérante ont été violés au cours de la procédure d’enquête.

294
En l’espèce, la Commission a communiqué à la requérante le 21 septembre 2000 le document d’information relatif aux faits et considérations sur la base desquels elle envisageait de proposer l’institution de droits antidumping définitifs de 13,1 % sur les importations de balances électroniques fabriquées par la requérante. Le terme du délai accordé à la requérante pour présenter ses observations était fixé au 11 octobre 2000. Par télécopie du 29 septembre 2000, la requérante a demandé des informations supplémentaires à la Commission. La Commission y a répondu par deux lettres différentes, datées du 29 septembre 2000 (sur les questions liées au dumping) et du 4 octobre 2000 (sur les questions liées au préjudice et au lien de causalité). Par télécopie du 4 octobre 2000, antérieure cependant à la lettre de la Commission du même jour, la requérante a sollicité une prorogation du délai qui lui avait été accordé pour présenter ses observations. Par télécopie du 5 octobre 2000, la Commission l’a refusée. Par lettre du 10 octobre 2000, la requérante a présenté des observations sur le dumping, le préjudice et le lien de causalité. Le 11 octobre 2000, la Commission a répondu à la lettre du 10 octobre 2000 en ce qui concerne certains aspects du dumping. Elle a notamment accepté à cette occasion de faire droit aux arguments de la requérante quant aux salaires des vendeurs et a diminué la marge de dumping de 13,1 à 12,8 %. Enfin, le 23 octobre 2000, la Commission a présenté le reste de ses commentaires quant à la lettre du 10 octobre 2000.

295
Afin de pouvoir apprécier si la requérante était en mesure de défendre utilement ses intérêts, il convient d’examiner les réponses de la Commission à chaque question à laquelle elle n’aurait pas suffisamment répondu.

296
Par la question 2, la requérante demandait, « [a]fin d’être en mesure de commenter le caractère comparable de la valeur normale et des prix à l’exportation, […] quelles corrections [avaient] été appliquées aux prix à l’exportation et aux prix de vente sur le marché intérieur du producteur indonésien ».

297
Dans le document d’information du 21 septembre 2000 (annexe A, point 2.c), la Commission avait fourni l’explication suivante pour ce qui est de la comparaison :

« Nous avons effectué la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation sur la base de la valeur à la sortie d’usine et au même stade commercial (distributeurs/revendeurs). À cette fin, nous avons pris pour référence les données relatives à votre société telles qu’elles nous ont été soumises dans votre réponse au questionnaire. La Commission a tenu compte des différences, sous forme d’ajustements, comme le proposait votre société ; nous avons corrigé de 1 % le prix facturé pour la différence dans le coût du crédit accordé pour les ventes considérées, conformément à l’article 2, paragraphe 10, sous g), du règlement de base. »

298
Dans sa lettre du 29 septembre 2000, la Commission a donné des informations complémentaires sur les caractéristiques techniques des modèles indonésiens utilisés. De plus, la Commission a expliqué qu’aucun ajustement à la hausse au titre de différences dans les caractéristiques physiques n’avait été opéré ; celle-ci valait pour les ventes intérieures et pour les ventes à l’exportation du modèle de référence, à savoir le modèle TEC SL-2200. Elle a également expliqué que toutes les ventes du modèle TEC SL-2200 étaient facturées sur une base de départ de l’usine. Dans sa lettre du 11 octobre 2000, la Commission a expliqué, en réponse à la lettre du 10 octobre 2000, dans laquelle la requérante faisait valoir que la Commission avait échoué à considérer les différences dans les caractéristiques physiques entre le modèle utilisé pour établir la valeur normale et les différents modèles exportés par la requérante, ce qui suit :

« Il faut noter que, comme cela ressort de la liste opération par opération de [la requérante], il n’est pas certain qu’il existe, comme on l’a prétendu, une différence dans la valeur de marché exigeant éventuellement un ajustement de la valeur normale entre une [balance électronique] avec affichage fluorescent et une autre avec affichage digital (LCD). Nous avons remarqué que certaines ventes du même modèle avec affichage fluorescent ont été réalisées à un prix inférieur à celui de modèles dépourvus de cette particularité. Votre plainte est dès lors rejetée. »

299
Elle a continué, au point 2 de cette lettre, en indiquant ce qui suit :

« En outre, nous vous rappelons, comme nous l’avions déjà indiqué dans notre lettre du 29 septembre 2000, qu’aucun ajustement vers le haut de la valeur normale pour des différences dans les caractéristiques physiques n’a jusqu’à présent été fait pour des particularités techniques telles que le fonctionnement sur batterie, la clef ‘PLU’ directe, l’affichage ‘fold-up’, etc., existant sur les modèles exportés de [la requérante], mais n’existant pas sur le modèle SL-2200 de TEC. Compte tenu de ces différences existantes, on pourrait conclure à un niveau plus élevé de dumping. »

300
Enfin, au point 3 de cette même lettre, elle a encore expliqué que, si elle avait suivi l’approche suggérée par la requérante en ce qui concerne le calcul de la marge de dumping, elle serait arrivée à une marge supérieure à celle qu’elle avait déterminée en suivant sa propre approche.

301
En l’espèce, la requérante avait revendiqué des différences dans le coût du crédit accordé pour les ventes considérées. Ce facteur a été accepté, comme il ressort du point 2.c de l’annexe A du document d’information en date du 21 septembre 2000. Après le document d’information, la requérante a posé des questions concernant les caractéristiques physiques des produits. Comme il a été démontré au point précédent, la Commission a suffisamment expliqué pourquoi elle n’avait pas opéré un ajustement au titre des différences dans les caractéristiques physiques.

302
Par conséquent, il convient de considérer que la requérante était en mesure de savoir quels étaient les modèles que la Commission avait utilisés pour établir la valeur normale. Elle était également suffisamment informée des raisons pour lesquelles aucun ajustement au titre des différences dans les caractéristiques physiques n’avait été opéré. En effet, la Commission s’est volontairement abstenue d’opérer un ajustement à la hausse, qui se serait traduit par une marge supérieure. La requérante savait également que les prix avaient été comparés au même stade commercial. De plus, la requérante n’a pas demandé d’autres ajustements. Partant, elle était en mesure de défendre utilement ses intérêts en ce qui concerne la question 2 de sa télécopie du 29 septembre 2000.

303
Les questions 3 et 4 portent sur un ajustement concernant le salaire des vendeurs, que la Commission avait opéré initialement sur le prix à l’exportation de la requérante et qui avait pour effet de réduire le prix à l’exportation et, ainsi, d’augmenter la marge de dumping.

304
Il ressort des lettres du 29 septembre 2000 et du 11 octobre 2000 que la Commission n’a pas opéré l’ajustement au titre du salaire des vendeurs pour le calcul final de la marge de dumping. En effet, dans la lettre du 11 octobre 2000, elle a réduit la marge de dumping de 13,1 à 12,8 %. Elle a, dès lors, pris une décision plus favorable à l’égard de la requérante et a accepté pleinement ses arguments sur ce sujet. Partant, il n’y a plus lieu d’examiner si la Commission a dûment répondu aux questions 3 et 4 de la requérante.

305
Dans sa question 6, la requérante faisait état des considérations suivantes :

« La même lettre du 14 avril 2000 adressée à la Commission par JKM Consulting déclare : ‘Comme nous en [sommes] convenu[s] lors de cette réunion, Bizerba et Avery Berkel compléteront la réponse particulière de leur société, sous des formes confidentielle et non confidentielle, et je vous la communiquerai alors au siège de la Commission’. [La requérante] voudrait savoir quels éléments devaient fournir à cette époque Bizerba et Avery Berkel dans la réponse particulière de leur société. »

306
La Commission a répondu dans sa lettre du 4 octobre 2000 en ces termes :

« Les services de la Commission ont discuté avec l’industrie communautaire des indicateurs de préjudice ci-joints. L’industrie communautaire a alors fait parvenir des remarques, dont vous avez tiré des copies dans le dossier non confidentiel. »

307
Une lettre de Bizerba, en date du 10 avril 2000 et reçue le 14 avril 2000, contenant ses commentaires sur le préjudice, figure parmi les documents que la requérante a joints en annexe à sa requête. Ainsi, cette lettre contient des informations supplémentaires de la part de Bizerba, auxquelles il est fait référence dans la lettre de JKM Consulting du 14 avril 2000. Quant aux informations émanant d’Avery Berkel, il convient de relever que la lettre de cette société ne figure pas parmi les documents que la requérante a joints en annexe à sa requête, bien qu’il ressorte du dossier qu’elle en a pourtant eu connaissance. Ce document, produit en annexe à la duplique du Conseil, était en effet disponible dans le dossier non confidentiel dont la requérante a pris copie. Le Conseil a soumis à cet égard, en annexe à sa duplique, les deux protocoles établissant que le représentant légal de la requérante avait consulté le dossier non confidentiel le 14 septembre et le 1er décembre 2000. Il ressort du point 12 du protocole du 14 septembre 2000 que le représentant légal de la requérante a pris des copies de la lettre d’Avery Berkel datée du 14 avril 2000 et reçue le 17 avril 2000. Partant, l’allégation de la requérante, selon laquelle « [l]e dossier non confidentiel ne [contenait] aucune observation de Bizerba et d’Avery Berkel postérieure à cette lettre du 14 avril 2000 [complétant] ‘leurs réponses concernant spécifiquement leurs sociétés respectives’ » et selon laquelle « ne s’y trouv[ait] qu’une observation présentée par Bizerba en date du 10 avril 2000, mais aucune émanant d’Avery Berkel », ne correspond pas à la réalité. En effet, tous deux, Bizerba et Avery Berkel, ont envoyé des lettres à la Commission après la réunion du début du mois d’avril 2000, complétant ainsi leurs réponses. Comme démontré ci-dessus, la requérante a eu connaissance de ces deux lettres.

308
Par conséquent, il convient de relever que la requérante a eu connaissance de l’ensemble des résumés non confidentiels de toutes les observations transmises par l’industrie communautaire. Partant, la requérante était en mesure de défendre utilement ses intérêts en ce qui concerne la question 6 de sa télécopie du 29 septembre 2000.

309
Par la question 10, la requérante avait demandé à la Commission si elle avait examiné dans quelle mesure le taux de change élevé de la livre sterling par rapport à l’euro avait affecté la compétitivité d’Avery Berkel pour ce qui est des ventes dans la zone euro.

310
La Commission a ainsi répondu, dans sa lettre du 4 octobre 2000 :

« Il n’a pas été possible d’établir un aperçu détaillé des données relatives au préjudice faisant apparaître les chiffres [pour la] zone euro et [en dehors de cette] zone [...], pour les raisons données à la réponse à la question 9 ci-dessus. [L’évolution des données qui avait été demandée n’[était] pas disponible, puisque le tableau 4.2.2 avait été établi à partir des listes opération par opération, fournies par les producteurs communautaires coopératifs. Ne demander des listes opération par opération que pour la période d’enquête est une pratique courante de la Commission.] Selon les informations disponibles, le préjudice est toutefois manifeste pour ce qui est des ventes réalisées par les producteurs communautaires coopératifs auprès des clients tant dans la zone euro qu’en dehors de celle-ci. »

311
Partant, la Commission a expliqué qu’elle ne disposait pas de données sur le préjudice qui soient ventilées entre la zone euro et en dehors de cette zone. De plus, elle a expliqué qu’elle avait conclu à l’existence d’un préjudice pour les producteurs ayant coopéré (soit pour Avery Berkel aussi) en ce qui concerne les ventes à des clients de la zone euro et à des clients se trouvant hors de cette zone. Dès lors, elle a expliqué à la requérante le type d’examen auquel elle avait procédé à cet égard.

312
Il y a lieu de considérer que la Commission a dûment répondu à la question de la requérante et lui a donné toutes les informations nécessaires pour que cette dernière puisse défendre utilement ses intérêts. En revanche, la question de savoir si la Commission a dûment tenu compte de ce facteur n’a pas trait au respect des droits de la défense de la requérante, comme le fait valoir le Conseil.

313
Par la question 11, la requérante demandait « comment la Commission était [...] en mesure d’établir une distinction nette entre les [balances électroniques] relevant des segments inférieur, moyen et supérieur, comme elle l’a[vait] fait dans son examen du préjudice », étant donné que « [l]e document d’information mentionn[ait], au point 2.1, que ‘l’enquête a[vait] montré qu’on ne pouvait pas établir de distinction claire entre les trois segments, les modèles des segments voisins étant souvent interchangeables’ ».

314
La Commission y a répondu, dans sa lettre du 4 octobre 2000, en indiquant ce qui suit :

« Dans la présente enquête, le produit concerné est le même que celui utilisé dans des enquêtes antérieures ou en cours. Tous les modèles utilisés aux fins de comparaisons dans la présente enquête ont été définis par les sociétés coopératives concernées (qu’elles soient producteurs-exportateurs ou communautaires) et ceux-ci ont été vérifiés pour autant que de besoin. »

315
Ainsi, la Commission a expliqué comment elle avait réparti le produit entre les segments inférieur, moyen et supérieur. Par conséquent, il y a lieu de considérer que la réponse de la Commission a été suffisante pour permettre à la requérante de défendre utilement ses intérêts.

316
De plus, comme le Conseil le soutient à juste titre, la distinction entre les balances électroniques du segment inférieur et d’autres balances électroniques n’a été faite qu’à titre indicatif, et l’analyse du préjudice a couvert toute la gamme du produit (voir points 127 à 131 ci-dessus).

317
Par la question 12, la requérante a présenté des observations concernant l’importance du dumping :

« Le document d’information mentionne, au point 4.4.1, que ‘l’examen a intégré tous les facteurs mentionnés spécifiquement à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base.’ Toutefois, il ne semble pas y avoir eu d’analyse de l’importance de la marge réelle de dumping mentionnée à l’article 3, paragraphe 5, [dudit règlement]. Ce facteur a-t-il été considéré comme dépourvu de pertinence au cours de l’enquête? Au vu du niveau très significatif des marges de sous-cotation établies par la Commission, nettement plus élevées que les marges de dumping établies pour les producteurs coopératifs, comment la Commission est-elle arrivée à la conclusion que ce sont les effets du dumping qui ont causé le prétendu préjudice? La Commission a-t-elle pris en considération le fait que les importations, même à des niveaux de prix non sujets à un dumping, auraient occasionné le même prétendu préjudice, parce que, même après élimination du prétendu dumping, la sous-cotation du prix resterait encore tout à fait substantielle et quasi inchangée pour la plupart des producteurs coopératifs? »

318
La Commission y a répondu dans sa lettre du 4 octobre 2000, en ces termes :

« Votre question porte sur un problème très hypothétique parce que vous demandez aux services de la Commission d’imaginer une situation dans laquelle les ventes des producteurs-exportateurs n’auraient pas été faites à un prix sujet à dumping. Ce n’est manifestement pas le cas dans cette enquête. Toutefois, les services de la Commission ont examiné tous les facteurs pertinents qui pourraient avoir eu un impact sur le préjudice subi par l’industrie communautaire. Au chapitre ‘Lien de causalité’ du document d’information, le lien de causalité entre les importations sujettes à dumping en provenance des pays concernés et le préjudice subi par l’industrie communautaire a été confirmé. »

319
Il convient de relever que la Commission a dûment répondu à la question 12 de la requérante.

320
Pour les raisons qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du quatrième moyen.

2. Deuxième branche : en ce qui concerne la violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base

a)     Arguments des parties

321
La requérante fait valoir que les institutions communautaires ont violé l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base en ce qu’elles ne lui ont pas accordé le délai minimal de dix jours pour préparation des observations sur le document d’information. En effet, la réponse finale de la Commission à la demande d’information complémentaire ayant été transmise le 4 octobre 2000 et la limite imposée à la requérante pour présenter ses observations ayant été fixée au 11 octobre 2000, cette dernière n’aurait pas pu bénéficier du délai octroyé par la disposition précitée.

322
La requérante note, premièrement, que le Conseil a omis de préciser la raison pour laquelle la requérante serait dans l’erreur en soutenant que le délai aurait dû être calculé à partir de la date à laquelle la clarification a été reçue. Deuxièmement, la requérante rejette l’interprétation du Conseil selon laquelle l’information finale additionnelle devrait être considérée comme une clarification et il n’y aurait pas lieu d’accorder aux parties un délai minimal essentiel pour présenter leurs observations. Selon la requérante, cette interprétation fait peu de cas des droits de la défense dans les procédures antidumping. Troisièmement, la requérante soutient qu’il lui suffit de démontrer qu’un délai impératif prévu dans le règlement de base n’a pas été respecté. Enfin, la requérante fait valoir que, étant donné que l’information finale sur les questions concernant le préjudice a été communiquée le 4 octobre 2000 et eu égard aux jours fériés légaux en Chine, elle se trouvait empêchée de présenter ses observations jusqu’au 7 octobre 2000, les 7 et 8 octobre étant un week-end ; il ne lui restait en fait selon elle qu’un jour pour élaborer les observations en question. Elle aurait voulu vérifier notamment l’assertion de la Commission selon laquelle il n’y aurait aucune différence quant aux caractéristiques physiques entre les modèles vendus dans la zone euro et en dehors de cette zone, qu'il existerait des modèles comparables, ainsi que les chiffres relatifs à la consommation communiqués en annexe de la lettre du 4 octobre 2000, et la preuve d’autres exportations de produits différents des balances électroniques mais relevant du même code attribué par Eurostat. Elle soutient qu’il est essentiel que, dans la procédure antidumping, soit garanti un minimum absolu de droits de la défense prévoyant notamment que les parties disposent de dix jours au moins pour assurer la défense de leurs intérêts.

323
Le Conseil rejette l’argument de la requérante et note, en premier lieu, que l’information finale avait été communiquée par lettre du 21 septembre 2000 et que le délai avait été fixé au 11 octobre 2000. Ainsi, le délai était, selon le Conseil, supérieur à dix jours.

324
En deuxième lieu, le Conseil note que, même si l’interprétation de la requérante, en ce qui concerne le début du délai, était exacte, le fait qu’elle n’ait pas eu dix jours pour formuler ses observations n’entraîne pas pour autant l’annulation du règlement attaqué. Le Conseil soutient que la requérante doit démontrer que le fait de ne pas avoir disposé de dix jours pour formuler des observations sur la clarification l’a empêchée de défendre utilement ses intérêts. Le Conseil soutient que la lettre du 21 septembre 2000 contenait toute l’information dont la requérante avait besoin pour défendre utilement ses intérêts.

325
En outre, le Conseil soutient que de nouvelles allégations de fait, à savoir que la requérante n’avait pas pu rassembler des preuves sur les différences physiques entre les modèles vendus dans la zone euro et hors de cette zone, ni sur les chiffres de consommation, n’ont été présentées qu’au stade du mémoire en réplique et que, dès lors, elles sont irrecevables. En tout état de cause, elles seraient dénuées de fondement.

b)     Appréciation du Tribunal

326
L’article 20, paragraphe 5, du règlement de base dispose que « [l]es observations faites après que l’information finale a été donnée ne peuvent être prises en considération que si elles sont reçues dans un délai que la Commission fixe dans chaque cas en tenant dûment compte de l’urgence de l’affaire, mais qui ne sera pas inférieur à dix jours ».

327
En l’espèce, la Commission a communiqué le document d’information par lettre du 21 septembre 2000. Le terme du délai pour la présentation des observations avait été fixé au 11 octobre 2000 et, ainsi, il était supérieur à dix jours. Par télécopie du 29 septembre 2000, la requérante a demandé des informations supplémentaires à la Commission. La Commission y a répondu par deux lettres différentes, datées du 29 septembre 2000 et du 4 octobre 2000. Par télécopie du 4 octobre 2000, la requérante a sollicité une prorogation pour faire part de ses commentaires. Par télécopie du 5 octobre 2000, la Commission l’a refusée. Par lettre du 10 octobre 2000, la requérante a présenté ses commentaires sur les informations qu’elle avait reçues de la Commission.

328
La requérante fait principalement valoir qu’elle aurait dû disposer d’un délai de dix jours à compter de la lettre de la Commission du 4 octobre 2000. Or, le Conseil considère, pour sa part, que le délai doit courir à compter du jour de la divulgation de l’information finale, à savoir le 21 septembre 2000.

329
Avant d’examiner si le Conseil soutient à juste titre que la lettre du 21 septembre 2000 constituait déjà en soi l’information finale, les lettres ultérieures étant de simples clarifications, il convient d’abord d’examiner quelles seraient les conséquences en l’espèce si l’on devait considérer que les lettres du 29 septembre 2000 et du 4 octobre 2000 contenaient également l’information finale.

330
Il ressort de la jurisprudence que l’absence de mention, dans le document d’information, de certains éléments ne constitue pas une violation des droits de la défense de la requérante, dès lors qu’il est établi qu’elle a pris connaissance de ces éléments à une autre occasion, à une date lui permettant encore de faire connaître utilement son point de vue à cet égard avant l’adoption par la Commission de sa proposition en vue de l’adoption du règlement attaqué (voir, en ce sens, arrêt Champion Stationery e.a./Conseil, point 288 supra, point 83).

331
Même si la requérante devait disposer d’un délai minimal de dix jours pour le dépôt d’éventuelles observations concernant les éléments qui ne figuraient pas dans le document d’information qui lui avait été transmis le 21 septembre 2000 et que ce délai n’avait pas été respecté, cette circonstance ne saurait, en elle-même, conduire à l’annulation du règlement attaqué. En effet, il faut encore établir si le fait que les institutions communautaires n’ont pas accordé à la requérante le délai prévu par l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base, pour présenter ses éventuels commentaires à l’égard des informations complémentaires susmentionnées, a été de nature à affecter concrètement ses droits de la défense dans le cadre de la procédure en cause.

332
À cet égard, il y a lieu de relever que, dans ses commentaires en réponse au document d’information qui lui avait été transmis par la Commission le 21 septembre 2000, la requérante a contesté plusieurs points, dont ceux examinés ci-dessus pour lesquels elle récusait les réponses de la Commission. Les lettres des 29 septembre 2000 et 4 octobre 2000 de la Commission étaient des réponses aux questions de la requérante présentées dans sa télécopie du 29 septembre 2000. Or, comme il a été démontré aux points 295 à 320 ci-dessus, les droits de la défense de la requérante n’ont pas été violés en ce qui concerne ces questions. De plus, la requérante a été en mesure de fournir ses observations, aussi bien sur le document d’information que sur les réponses supplémentaires de la Commission, dans sa lettre du 10 octobre 2000.

333
La requérante soutient, en particulier, que, dans le bref délai qui lui avait été donné après qu’elle eut reçu l’information complémentaire sur le préjudice par lettre de la Commission du 4 octobre 2000, elle n’a pas pu recueillir les preuves de ce que d’autres produits que les balances électroniques qui relevaient du classement NC 8423 8150 étaient exportés depuis la Chine et les autres pays concernés.

334
Il n’y a pas lieu d’accepter cet argument. En effet, la requérante avait appris, dès la lecture du document d’information du 21 septembre 2000, que la Commission avait considéré que toutes les exportations enregistrées sous ce code NC étaient des balances électroniques. Dès lors, il ne s’agit pas d’une nouvelle « information finale ».

335
S’agissant de l’allégation selon laquelle la requérante n’avait pas le temps de vérifier l’assertion de la Commission, communiquée le 4 octobre 2000, selon laquelle il n’y avait aucune différence quant aux caractéristiques physiques entre les modèles vendus dans la zone euro et en dehors de cette zone et il existait des modèles comparables, il convient de relever que, dans le document d’information du 21 septembre 2000, au tableau 4.2.2, la Commission a communiqué les prix moyens (en figures indexées) pour chaque segment dans la zone euro et en dehors de cette zone pour renforcer son raisonnement concernant l’effet de l’introduction de l’euro. Au point 8 de sa télécopie du 29 septembre 2000, la requérante a demandé ce qui suit : « En ce qui concerne le tableau 4.2.2, [la requérante] voudrait savoir s’il y a, entre les modèles vendus par l’industrie communautaire dans la zone euro et hors de cette zone, une différence quelconque dans les caractéristiques physiques sur la base de laquelle la comparaison entre les prix a été effectuée. » La Commission y a répondu dans sa lettre du 4 octobre 2000, en énonçant que «  [d]es modèles comparables ont été utilisés au tableau 4.2.2 et, dès lors, [qu’]il n’est pas nécessaire de procéder à des ajustements pour les différences dans les caractéristiques physiques ». Dans sa lettre du 10 octobre 2000, la requérante constate simplement que, « [p]ar ailleurs, la grande différence de prix entre les ventes [dans la] zone euro et [hors de cette zone] par les sociétés plaignantes de la Communauté, telle qu’elle ressort des documents de la Commission, montre clairement un comportement anticoncurrentiel de la part des plaignantes et le fait qu’elles ont empêché les importations parallèles dans le marché unique ».

336
Ainsi, la requérante n’a même pas essayé de faire valoir, après la réponse de la Commission contenue dans la lettre du 4 octobre 2000, qu’elle avait eu des doutes concernant l’existence de différences relatives aux caractéristiques physiques entre les modèles vendus dans la zone euro et en dehors de cette zone et la comparabilité de ces modèles. Partant, il y a lieu de considérer que les droits de la défense n’ont pas été violés.

337
Quant aux chiffres relatifs à la consommation, contenus dans le document d’avril 2000 et communiqués à la requérante dans la lettre du 4 octobre 2000, il suffit de constater qu’il s’agissait de données préliminaires et que seules les données contenues dans le document d’information du 21 septembre 2000 importaient. Dès lors, cet argument est dénué de pertinence.

338
Dans ces circonstances, la requérante était en mesure d’exprimer, dès sa lettre du 10 octobre 2000, son point de vue sur les questions révélant des divergences entre elle et la Commission et de faire valoir l’ensemble des argumentations qu’elle a par la suite développées devant le Tribunal.

339
Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que ses droits de la défense ont été violés au cours de la procédure d’enquête.

340
Il y a lieu de noter, également, que c’est à tort que la requérante invoque l’article 20, paragraphe 3, du règlement de base, selon lequel « [l]orsque aucun droit provisoire n’a été imposé, les parties doivent avoir la possibilité de demander à être informées dans les délais fixés par la Commission ». La date limite fixée dans la lettre du 21 septembre 2000 visait les observations à présenter et ne constituait pas un délai pour demander l’information finale.

341
Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche du quatrième moyen.

3. Troisième branche : en ce qui concerne la violation de l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base et de l’article 253 CE

a)     Arguments des parties

342
La requérante fait valoir que le Conseil a violé l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base en ne mettant pas un terme à l’enquête dans un délai d’un an. De plus, le défaut de justification du dépassement du délai, dans un secteur ayant fait l’objet de nombreuses procédures antérieures, constituerait une violation de l’article 253 CE. La requérante invoque la jurisprudence du Tribunal (arrêt NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil, point 167 supra, points 119 à 125, et arrêt du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil, T‑164/94, Rec. p. II‑2681, point 166).

343
La requérante fait valoir que le délai d’un an constitue une règle générale. S’il n’est pas possible de respecter ce délai, l’enquête doit être terminée dans un délai de quinze mois. Cette obligation concernerait en particulier les cas dans lesquels il a été démontré qu’il n’était pas possible de respecter le délai d’un an.

344
Le Conseil rejette l’allégation de la requérante et soutient que son interprétation contredit la formulation claire de l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base. Les institutions sont tenues par une obligation formelle de terminer les enquêtes dans un délai de quinze mois.

b)     Appréciation du Tribunal

345
En premier lieu, en ce qui concerne la jurisprudence du Tribunal, invoquée par la requérante et selon laquelle l’enquête antidumping ne devrait pas s’étendre au-delà d’une période raisonnable, qu’il y a lieu d’apprécier en fonction des circonstances particulières de chaque cas (arrêt Ferchimex/Conseil, point 342 supra, point 166), il convient de rappeler que cette jurisprudence concernait l’article 7, paragraphe 9, sous a), de l’ancien règlement de base.

346
Or, il convient de noter que l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base ne correspond pas à l’article 7, paragraphe 9, sous a), de l’ancien règlement de base, qui était rédigé comme suit :

« Une enquête est conclue soit par sa clôture, soit par une mesure définitive. La conclusion doit normalement avoir lieu dans un délai d’un an après l’ouverture de la procédure. »

347
L’article 6, paragraphe 9, du règlement de base, applicable dans le cas d’espèce, dispose :

« Pour les procédures ouvertes en vertu de l’article 5, paragraphe 9, [dudit règlement], une enquête est, si possible, terminée dans le délai d’un an. En tout état de cause, ces enquêtes sont, dans tous les cas, terminées dans un délai de quinze mois suivant leur ouverture, conformément aux conclusions adoptées aux termes de l’article 8 [du règlement de base] en matière d’engagements et à celles adoptées aux termes de l’article 9 [du règlement de base] en matière d’action définitive. »

348
Dès lors, contrairement à l’ancienne disposition, l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base contient un délai indicatif, à savoir un an, ainsi qu’un délai impératif, à savoir quinze mois. Il ressort de ces deux délais que, si les institutions communautaires n’ont pas fini l’enquête dans le délai indicatif d’un an, il leur suffit, pour respecter les règles de procédure du règlement de base, de la finir dans le délai impératif de quinze mois, sans qu’il y ait lieu d’examiner si ce délai excédant le délai indicatif, mais restant inférieur au délai impératif, est raisonnable en fonction des circonstances de l’espèce. Partant, il convient de constater que la jurisprudence invoquée par la requérante n’est pas applicable dans les cas dans lesquels le délai impératif de quinze mois a été respecté.

349
En deuxième lieu, il y a lieu de relever que, en l’espèce, la procédure a été ouverte le 16 septembre 1999, par l’avis d’ouverture publié au journal officiel le même jour, et close le 27 novembre 2000, par l’adoption par le Conseil du règlement attaqué. Par conséquent, l’enquête n’a pas été terminée dans le délai indicatif d’un an. Cependant, il est clair qu’elle a été achevée bien avant le terme du délai impératif de quinze mois. Partant, il ne peut pas être reproché aux institutions communautaires d’avoir violé l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base.

350
En troisième lieu, dans ces circonstances, les institutions communautaires n’étaient pas tenues de mentionner les raisons pour lesquelles elles avaient excédé le délai indicatif d’un an. Dès lors, elles n’ont pas non plus violé l’article 253 CE.

351
En conséquence, la troisième branche du quatrième moyen doit également être écartée.

352
Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

353
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par la partie défenderesse, conformément aux conclusions de celle-ci.

354
La Commission, qui est intervenue dans le litige, supportera ses propres dépens, en application de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La partie requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la partie défenderesse.

3)
La partie intervenante supportera ses propres dépens.

Tiili

Pirrung

Mengozzi

Meij

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 octobre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili

Table des matières

Cadre réglementaire

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur le fond

    A –  Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base

        1.  Introduction

        2.  En ce qui concerne l’économie de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        3.  En ce qui concerne la première condition posée par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base

            a)  S’agissant de l’application de prix uniformes

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            b)  S’agissant des ventes à perte

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            c)  S’agissant du ratio entre les ventes sur le marché intérieur chinois et les exportations

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            d)  Conclusion sur la première condition posée par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base

    B –  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 et 8 du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du préjudice

        1.  Observations préliminaires

        2.  Sixième branche : en ce qui concerne la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 8, du règlement de base, afférente à l’évaluation de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping par rapport à la production communautaire d’une partie du produit similaire

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        3.  Première branche : en ce qui concerne la violation de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        4.  Deuxième branche : en ce qui concerne la prise en considération, dans l’analyse tendant à la détermination du préjudice, d’importations n’ayant pas fait l’objet de dumping

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        5.  Troisième branche : en ce qui concerne la conclusion selon laquelle l’industrie communautaire aurait subi un préjudice important

            a)  Différence entre les données préliminaires et définitives

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            b)  Évaluation de certains indicateurs du préjudice

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

                    –  Prix de vente du produit similaire

                    –  Rentabilité et effet de l’introduction de l’euro

            c)  Existence d’un préjudice important et évaluation des faits

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

            d)  Commencement et apogée de l’effet né de la perspective de l’introduction de l’euro

                Arguments des parties

                Appréciation du Tribunal

        6.  Quatrième branche : en ce qui concerne l’erreur manifeste des institutions communautaires quant à l’évaluation de l’importance de la marge de dumping effective

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        7.  Cinquième branche : en ce qui concerne la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base relative à la prise en compte des chiffres d’Eurostat

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

    C –  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base

        1.  Introduction

        2.  Première branche : en ce qui concerne la rentabilité

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        3.  Deuxième branche : en ce qui concerne l’évolution des prix de vente

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        4.  Troisième branche : en ce qui concerne le calcul de sous-cotation

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        5.  Quatrième branche : en ce qui concerne la part de marché

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

    D –  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des règles de procédure prévues dans le règlement de base

        1.  Première branche : en ce qui concerne la violation de l’article 20, paragraphe 4, du règlement de base

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        2.  Deuxième branche : en ce qui concerne la violation de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal

        3.  Troisième branche : en ce qui concerne la violation de l’article 6, paragraphe 9, du règlement de base et de l’article 253 CE

            a)  Arguments des parties

            b)  Appréciation du Tribunal



1
Langue de procédure : l'anglais.