Language of document : ECLI:EU:T:2013:587

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 novembre 2013 (*)

« Union douanière – Importation de conserves de champignons en provenance de Chine – Décision constatant l’absence de justification de la remise des droits à l’importation – Article 220, paragraphe 2, sous b), et article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 – Erreur décelable des autorités douanières – Négligence manifeste de l’importateur –Confiance légitime – Proportionnalité – Bonne administration – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑147/12,

Wünsche Handelsgesellschaft International mbH & Co. KG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes K. Landry et G. Schwendinger, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Keppenne et M. B.‑R. Killmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2011) 6393 final de la Commission, du 16 septembre 2011, constatant qu’il n’est pas justifié de procéder à la remise des droits à l’importation dans un cas particulier,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Pendant de nombreuses années, notamment au cours de la période allant de décembre 2004 à décembre 2006, la requérante, Wünsche Handelsgesellschaft International mbH & Co. KG, a importé des conserves de champignons Agaricus en provenance de Chine.

2        À l’arrivée des conserves de champignons en Allemagne, la requérante a introduit des déclarations de placement desdits champignons sous le régime de l’entrepôt douanier. En même temps, elle a présenté pour les champignons des certificats d’origine non préférentielle, appelés « certificats d’origine relatifs aux produits agricoles » (ci-après les « certificats d’origine agricoles »).

3        Après la présentation en douane des champignons et l’acceptation subséquente des déclarations par les autorités douanières compétentes, la requérante a placé les champignons sous le régime de l’entrepôt douanier. Au moment de ladite acceptation, les certificats d’origine agricoles présentés étaient toujours valables.

4        Ensuite, la requérante a mis fin au régime de l’entrepôt douanier en mettant en libre pratique des parties des lots de champignons.

5        Lors de ces mises en libre pratique, la requérante a demandé l’application du taux contingentaire, plus favorable que le taux de droits « pays tiers » normal, en se fondant sur le contingent arrêté dans le règlement (CE) n° 2125/95 de la Commission, du 6 septembre 1995, portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires de conserves de champignons Agaricus (JO L 212, p. 16), ou, à compter du 1er janvier 2005, dans le cadre du contingent établi par le règlement (CE) n° 1864/2004 de la Commission, du 26 octobre 2004, portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires de conserves de champignons importées de pays tiers (JO L 325, p. 30). La taxation douanière pour les parties prélevées des lots de champignons était donc fixée au taux contingentaire.

6        À compter du 1er janvier 2007, le règlement n° 1864/2004 a été abrogé par le règlement (CE) n° 1979/2006 de la Commission, du 22 décembre 2006, portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires de conserves de champignons importées de pays tiers (JO L 368, p. 91). À l’instar des règlements antérieurs, ledit règlement requérait également la présentation d’un certificat d’origine agricole valable afin de pouvoir prétendre au taux contingentaire lors de la mise en libre pratique de conserves de champignons originaires de Chine.

 Procédure de recouvrement a posteriori des autorités douanières allemandes

7        Dans le cadre d’une procédure de recouvrement a posteriori engagée auprès de la requérante, le Hauptzollamt Hamburg-Stadt [bureau principal des douanes de la ville de Hambourg (Allemagne)] a émis, les 1er et 2 février 2007, des avis de fixation de droits à l’importation pour les mises en libre pratique, opérées au cours de la période allant de décembre 2004 à décembre 2006, des parties des lots de champignons dont les certificats d’origine agricoles, présentés au moment de l’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique, avaient expiré et n’étaient plus valables.

8        Les montants mentionnés dans les avis de fixation de droits à l’importation correspondent à la différence entre le taux contingentaire qui a tout d’abord été prélevé lors des mises à la consommation et le taux de douane « pays tiers » normal. Le motif invoqué sur les avis était que la validité des certificats d’origine agricoles correspondants au moment de la mise en libre pratique était une condition sine qua non pour obtenir le taux contingentaire. Lesdits certificats ayant expiré au moment des mises en libre pratique, c’était par erreur que le taux contingentaire avait été accordé.

9        La requérante a d’abord introduit, le 15 février 2007, une réclamation contre les avis, puis, le 15 octobre 2007, un recours devant le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) se rapportant à l’avis de fixation de droits à l’importation pour lequel la réclamation avait été d’ores et déjà rejetée. Dans la réclamation et le recours, la requérante a fait valoir essentiellement que, en vertu du droit applicable de l’Union européenne, il était suffisant, pour obtenir le taux contingentaire, que les certificats d’origine agricoles correspondants aient été valables au moment de la mise sous le régime de l’entrepôt douanier et que la présentation d’un certificat d’origine agricole toujours valable au moment de la mise en libre pratique de champignons placés sous le régime de l’entrepôt douanier ne se soit pas opposée, en revanche, à l’octroi du taux contingentaire.

10      Par le règlement (CE) n° 113/2008 de la Commission, du 6 février 2008, modifiant le règlement n° 1979/2006 (JO L 33, p. 5), la disposition concernant l’obligation de présentation d’un certificat d’origine agricole valable pour pouvoir appliquer le taux contingentaire lors de la mise en libre pratique de conserves de champignons originaires de Chine a été abrogée à partir du 10 février 2008.

11      Par lettre du 3 septembre 2008, le ministère fédéral des Finances allemand (ci-après le « ministère des Finances ») a demandé à la Commission s’il était suffisant, pour que le taux contingentaire puisse être appliqué aux importations de champignons, que les certificats d’origine agricole correspondants soient valables au moment du placement desdits champignons sous le régime de l’entrepôt douanier ou bien s’ils devaient également être valables au moment de la mise en libre pratique.

12      Par lettre du 6 mars 2009, la Commission des Communautés européennes a répondu qu’un certificat d’origine agricole devait être présenté au moment de la mise en libre pratique et que sa validité devait être établie à cette date.

 Procédure administrative devant la Commission

13      Le 17 septembre 2009, le ministère des Finances a fait parvenir à la Commission une demande de remise des droits au titre de l’article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »).

14      Le 22 février 2010, la Commission, faisant suite à cette demande, a engagé la procédure dans l’affaire REM 02/09 et a adressé au ministère des Finances une demande de renseignements complémentaires.

15      Par lettre du 12 janvier 2011, le ministère des Finances a transmis ces renseignements à la Commission. Au préalable, ledit ministère avait demandé à la requérante, par lettre du 9 novembre 2010, de lui faire part de sa position à elle en la matière. La requérante avait fait suite à cette demande par lettre du 30 décembre 2010.

16      Par lettre du 9 juin 2011, après l’examen des renseignements ainsi obtenus, la Commission a donné à la requérante l’occasion de s’exprimer. Cette dernière a fait valoir en détail son point de vue sur la décision que la Commission envisageait de prendre par lettre du 11 juillet 2011.

 Décision de la Commission

17      Le 16 septembre 2011, la Commission a adopté la décision C (2011) 6393, constatant qu’il n’était pas justifié de procéder à la remise des droits à l’importation dans un cas particulier (ci-après la « décision attaquée »). Elle a conclu, en substance, qu’une remise des droits à l’importation ne se justifiait pas dans l’affaire REM 02/09 concernant la requérante. Aux considérants 4 et 5 de la décision attaquée, elle a indiqué qu’un certificat d’origine agricole valable devait être présenté au moment de la mise en libre pratique.

18      Aux considérants 18 et 19 de la décision attaquée, la Commission a examiné si la remise des droits à l’importation à recouvrer a posteriori se justifiait conformément à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, et elle a conclu que les autorités douanières compétentes avaient commis une erreur. Aux considérants 22 et 33 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas agi avec la diligence nécessaire, étant donné qu’elle aurait pu reconnaître l’erreur commise par les autorités douanières compétentes.

19      Il ressort du considérant 34 de la décision attaquée ce qui suit :

« La Commission a examiné tous les arguments invoqués […], au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du [code des douanes], et n’a trouvé aucun autre élément qui pourrait justifier l’examen de l’affaire au titre de l’article 239 du [code des douanes]. En outre, les critères à examiner pour déterminer si l’erreur pouvait être décelée par un opérateur ayant agi de bonne foi sont les mêmes que ceux qui doivent être étudiés pour déterminer si [ledit opérateur] a commis une négligence manifeste au sens de l’article 239 du [code des douanes] ; il n’y a dès lors pas lieu d’examiner davantage l’affaire au titre de l’article 239 du [code des douanes]. »

20      Le 27 janvier 2012, le Hauptzollamt Hamburg-Stadt a fait parvenir la décision attaquée à la requérante.

 Conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mars 2012, la requérante a introduit le présent recours.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

24      À titre liminaire, il convient de délimiter la portée du présent recours. À cet égard, il importe de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission ne se prononce que sur une demande introduite par la République fédérale d’Allemagne. Ce faisant, elle se limite à constater qu’il y a lieu de procéder au recouvrement a posteriori des droits à l’importation dus par la requérante et qu’une remise de ces droits n’est pas justifiée. En revanche, dans la décision attaquée, elle n’ordonne pas directement à la requérante de payer la somme de 523 733,51 euros. En effet, dans le cadre du régime instauré par le code des douanes et le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes (JO L 253, p. 1, ci-après le « règlement d’application »), l’application du droit matériel douanier de l’Union, y compris l’adoption de décisions exigeant le paiement a posteriori des droits non perçus, relève de la compétence exclusive des autorités douanières nationales, dont les décisions peuvent être attaquées devant les juridictions nationales (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Hyper/Commission, T‑205/99, Rec. p. II‑3141, point 98, et ordonnance du président du Tribunal du 25 mai 2009, Biofrescos/Commission, T‑159/09 R, non publiée au Recueil, point 29 ; voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Kia Motors et Broekman Motorships/Commission, T‑195/97, Rec. p. II‑2907, point 36).

25      Ainsi, dans l’hypothèse où la requérante entendrait contester l’existence de la dette douanière, il est nécessaire de rappeler qu’une telle question relève de la compétence exclusive des autorités nationales, sur la base de l’article 236 du code des douanes, dont les décisions peuvent être attaquées devant les juridictions nationales en vertu de l’article 243 du même code, ces dernières pouvant saisir la Cour de justice (voir, en ce sens, arrêt Kia Motors et Broekman Motorships/Commission, point 24 supra, point 36).

26      Il convient, par conséquent, de se limiter à contrôler la légalité de la décision attaquée, au regard des trois moyens invoqués en substance par la requérante, à savoir, tout d’abord, une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), ensuite, une violation de l’article 239, paragraphe 1, du code des douanes et, enfin, une violation de principes généraux de droit.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes

27      La requérante estime que l’absence de prise en compte de la différence entre le taux contingentaire et le taux de douane « pays tiers » ordinaire pouvait être demandée sur le fondement de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes. Elle fait valoir qu’elle avait agi de bonne foi et qu’elle n’aurait pas pu déceler l’erreur présumée des autorités douanières allemandes.

28      Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, les autorités compétentes ne procèdent pas à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation que si trois conditions cumulatives sont réunies. Il faut, tout d’abord, que les droits n’aient pas été perçus par suite d’une erreur des autorités compétentes elles-mêmes, ensuite, que l’erreur commise par celles-ci soit d’une nature telle qu’elle n’ait pu raisonnablement être décelée par un redevable de bonne foi et, enfin, que ce dernier ait observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane. Dès lors que ces conditions sont remplies, le redevable a un droit à ce qu’il ne soit pas procédé au recouvrement a posteriori (voir arrêt de la Cour du 18 octobre 2007, Agrover, C‑173/06, Rec. p. I‑8783, point 30, et la jurisprudence citée).

29      Il convient donc d’examiner le premier moyen, qui se subdivise en trois branches, au regard des conditions cumulatives énoncées au point 28 ci-dessus.

 Dans le cadre de la première branche, portant sur le respect des dispositions en vigueur pour la déclaration en douane

30      La requérante soutient qu’elle a respecté toutes les dispositions en vigueur concernant la déclaration douanière. Aucune fraude ne pourrait en particulier lui être reprochée.

31      Selon la jurisprudence, la troisième condition de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, relative à l’observation des dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane, implique que le déclarant est tenu de fournir aux autorités douanières compétentes toutes les informations nécessaires prévues par les règles communautaires et par les règles nationales qui, le cas échéant, les complètent ou les transposent au regard du traitement douanier demandé. Cette obligation ne peut pas, cependant, aller au-delà des indications que le déclarant peut raisonnablement connaître et obtenir, de sorte qu’il est suffisant que de telles indications, même si elles sont inexactes, aient été fournies de bonne foi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C‑153/94 et C‑204/94, Rec. p. I‑2465, points 108 et suivants, et la jurisprudence citée).

32      La Commission estime que la requérante a respecté les dispositions en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane, à l’exception de la présentation d’un certificat d’origine agricole valable au moment de la mise en libre pratique des marchandises afin d’obtenir l’application du taux contingentaire. Si la requérante n’a pas présenté le certificat d’origine agricole, ce serait toutefois en raison du fait que celui-ci n’était pas exigé dans la pratique de certaines autorités douanières allemandes. Compte tenu de cette pratique, il ne pourrait être reproché à la requérante de ne pas avoir présenté le certificat d’origine agricole afin d’examiner la possibilité de procéder à la non-prise en compte.

33      Il convient donc de considérer, comme l’a fait la Commission, que la requérante a respecté toutes les dispositions en vigueur concernant la déclaration douanière et que la troisième condition, posée par l’article 220, paragraphe 2, sous b), premier alinéa, du code des douanes, est remplie.

 Dans le cadre de la deuxième branche, portant sur l’erreur commise par les autorités douanières allemandes

34      La requérante estime que la pratique allemande consistant à examiner la validité des certificats d’origine lors du placement en entrepôt douanier des marchandises, et non au moment de leur déstockage, et de leur mise en libre pratique est couverte par la législation.

35      La Commission fait valoir que, d’une part, la requérante omet de préciser que les autorités douanières allemandes considèrent qu’il existe en l’espèce une dette douanière et, d’autre part, celle-ci méconnaît la répartition des compétences entre les États membres et elle en cas de doute concernant la dette douanière. La question de la dette douanière établie par les avis de taxation ferait l’objet des procédures nationales parallèles de réclamation et de recours devant le Finanzgericht Hamburg.

36      La Commission indique néanmoins avoir déterminé si les autorités douanières avaient commis une erreur. Elle soutient être partie du principe que certaines autorités douanières allemandes ont, dans la pratique, appliqué la législation de façon incorrecte (voir considérants 18 et 19 de la décision attaquée).

37      Il y a lieu de rappeler que la première condition posée par l’article 220, paragraphe 2, sous b), premier alinéa, du code des douanes pour qu’il ne soit pas procédé à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation est que le montant des droits légalement dus n’ait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes.

38      En premier lieu, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’une procédure de recouvrement a posteriori engagée auprès de la requérante, le Hauptzollamt Hamburg-Stadt a émis, les 1er et 2 février 2007, des avis de fixation de droits à l’importation pour les mises en libre pratique, opérées au cours de la période de décembre 2004 à décembre 2006, des parties des lots de champignons dont les certificats d’origine agricoles présentés au moment de l’acceptation de la déclaration de mise en libre pratique avaient expiré et n’étaient plus valables.

39      Les montants mentionnés dans les avis de fixation de droits à l’importation correspondent à la différence entre le taux contingentaire qui a tout d’abord été prélevé lors des mises à la consommation et le taux de douane « pays tiers » normal. Le motif invoqué sur les avis était que la validité des certificats d’origine agricoles correspondants au moment de la mise en libre pratique était une condition sine qua non pour obtenir le taux contingentaire. Les certificats d’origine agricoles correspondants ayant expiré au moment des mises en libre pratique, c’est par erreur que le taux contingentaire a été accordé.

40      La question de la dette douanière établie par les avis de taxation ne fait donc pas l’objet de la présente procédure, qui concerne le refus d’accorder la remise des droits, mais relève de la compétence exclusive des autorités douanières nationales. Les décisions adoptées par ces autorités, en ce compris les décisions exigeant le paiement a posteriori des droits de douane non perçus, peuvent être attaquées devant les juridictions nationales en vertu de l’article 243 du code des douanes, ces dernières pouvant saisir la Cour de justice en vertu de l’article 267 TFUE (voir, en ce sens, arrêt Kia Motors et Broekman Motorships/Commission, point 24 supra, point 36). L’introduction de ces procédures nationales parallèles n’a cependant pas d’effet suspensif.

41      En second lieu, dans le cadre de la décision attaquée, la Commission a néanmoins déterminé, aux considérants 18 et 19, que les autorités douanières allemandes avaient commis une erreur. Selon elle, ces autorités douanières auraient dû contrôler la validité du certificat d’origine agricole lors du déstockage des marchandises et de leur mise en libre pratique. Cette mauvaise application du droit constituait une erreur des autorités douanières elles-mêmes.

42      Par conséquent, il y a lieu de constater que la première condition, posée par l’article 220, paragraphe 2, sous b), premier alinéa, du code des douanes, l’existence d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, est remplie.

 Dans le cadre de la troisième branche, portant sur l’absence de caractère décelable de l’erreur par un redevable de bonne foi

43      La requérante indique que sa bonne foi n’a jamais été remise en question et qu’il ne lui aurait pas été raisonnablement possible de déceler l’erreur commise par les autorités douanières compétentes lors de l’application des dispositions concernant l’octroi du taux contingentaire au moment du déstockage des marchandises et de leur mise en libre pratique.

44      Selon une jurisprudence constante, le caractère décelable d’une erreur commise par les autorités douanières compétentes doit être apprécié en tenant compte de la nature de l’erreur, de l’expérience professionnelle des opérateurs intéressés et de la diligence dont ces derniers ont fait preuve (arrêts de la Cour Faroe Seafood e.a., point 31 supra, point 99, et du 14 novembre 2002, Ilumitrónica, C‑251/00, Rec. p. I‑10433, point 54).

–       Sur l’expérience de la requérante

45      Aux termes d’une jurisprudence établie, il convient de rechercher, en ce qui concerne l’expérience professionnelle de l’opérateur, s’il s’agit d’un opérateur économique dont l’activité professionnelle consiste, pour l’essentiel, en des opérations d’importation et d’exportation et s’il avait déjà acquis une certaine expérience dans l’exercice de ces opérations (arrêts de la Cour du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C‑48/98, Rec. p. I‑7877, point 57, et du 20 novembre 2008, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading/Commission, C‑38/07 P, Rec. p. I‑8599, point 50).

46      Il est constant en l’espèce que la requérante est un opérateur expérimenté.

–       Sur la nature de l’erreur

47      La requérante avance, d’une part, la complexité de la législation applicable et, d’autre part, la durée et l’ampleur de la pratique des autorités douanières allemandes.

48      Selon une jurisprudence constante, il convient d’apprécier la nature de l’erreur commise par les autorités douanières allemandes au vu de la complexité ou, au contraire, du caractère suffisamment simple de la réglementation en cause (arrêts de la Cour du 16 juillet 1992, Belovo, C‑187/91, Rec. p. I‑4937, point 18, et Faroe Seafood e.a., point 31 supra, point 100) et du laps de temps durant lequel les autorités ont persisté dans leur erreur (arrêts de la Cour du 12 décembre 1996, Foods Import, C‑38/95, Rec. p. I‑6543, point 30, et Ilumitrónica, point 44 supra, point 56).

49      En premier lieu, s’agissant de l’argument tiré de la complexité de la réglementation en cause, premièrement, il y a lieu de constater que la requérante soutient que l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2125/95 et l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1864/2004 ont donné lieu à des difficultés d’interprétation concernant la validité des certificats d’origine agricoles.

50      Par conséquent, il convient d’examiner le contenu des dispositions en cause.

51      Concernant la période couverte par les faits de l’espèce, le régime de contingentement visé dans le règlement n° 2125/95 pour les champignons Agaricus était d’application jusqu’au 31 décembre 2004.

52      Le règlement n° 1864/2004 a introduit de nouveaux régimes contingentaires et a abrogé le règlement n° 2125/95 à compter du 1er janvier 2005.

53      D’une manière générale, l’article 2 du règlement n° 2125/95 et l’article 4 du règlement n° 1864/2004 contenaient une exigence équivalente de présentation d’une licence d’importation.

54      L’annexe I du règlement n° 2125/95 et l’annexe I du règlement n° 1864/2004 contenaient chacune un tableau reprenant une sélection de pays fournisseurs assortie du volume des contingents attribués et de la période de validité. La Chine figurait parmi les pays fournisseurs.

55      Concernant les importations en provenance de Chine, l’article 10, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2125/95 dispose :

« La mise en libre pratique des champignons originaires de Chine est subordonnée aux dispositions des articles 55 à 65 du [règlement d’application]. »

56      L’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1864/2004 dispose ce qui suit pour la période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 :

« L’introduction et la mise en libre pratique dans la Communauté des conserves de champignons en provenance de Chine [sont] subordonnée[s] aux dispositions des articles 55 à 65 du règlement [d’application]. »

57      Tant l’annexe II du règlement n° 2125/95 que l’annexe III du règlement n° 1864/2004 contiennent une liste des autorités chinoises qui étaient compétentes pour l’établissement du certificat d’origine relatif aux produits agricoles requis.

58      Les dispositions de renvoi de l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2125/95 ou de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 1864/2004 incluent l’article 56, du règlement d’application, qui porte sur les « certificats d’origine relatifs aux produits agricoles ». Le paragraphe 4 de ce dernier article est libellé comme suit :

« Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives aux régimes particuliers d’importation visés à l’article 55, le délai de validité de ces certificats est de dix mois à compter de leur date de délivrance par les autorités de délivrance. »

59      Le règlement n° 1864/2004 a été abrogé avec effet au 1er janvier 2007 par le règlement n° 1979/2006, lequel n’est pas applicable en l’espèce.

60      À l’instar des règlements antérieurs, le règlement n° 1979/2006 requérait également la présentation d’un certificat d’origine agricole valable afin de pouvoir prétendre au taux contingentaire lors de la mise en libre pratique de conserves de champignons originaires de Chine.

61      Il est possible à la lecture seule de la réglementation applicable en l’espèce, à savoir le règlement n° 2125/95, tel que modifié par le règlement n° 1864/2004, ainsi que le règlement n° 1979/2006, relatifs à l’ouverture et au mode de gestion des contingents tarifaires de conserves de champignons importées de Chine et aux modalités d’application, d’écarter l’argument tiré de son caractère complexe. Il en ressort clairement que les règles applicables à l’utilisation desdits contingents étaient définies et que toute mise en libre pratique de conserves de champignons originaires de Chine était soumise à une présentation d’un certificat d’origine agricole valable.

62      L’argument de la requérante selon lequel il serait possible de déduire de la modification du libellé de la disposition pertinente que la présentation dans le cadre de la mise sous le régime de l’entrepôt douanier était suffisante pour respecter le délai prévu à l’article 56, paragraphe 4, du règlement d’application et que la législation pouvait également être interprétée de cette manière en vertu du règlement n° 2125/95 ne saurait davantage prospérer.

63      Deuxièmement, selon la requérante, la complexité de la réglementation en cause ressort de la correspondance échangée entre le ministère des Finances et la Commission pendant les années 2008 et 2009. Force est de constater que la correspondance échangée ne démontre pas une telle complexité.

64      Il y a lieu de considérer, à l’instar de la Commission, que, de la correspondance en cause, il ressort qu’il convenait de tenir compte de la validité du certificat d’origine agricole au moment de la mise en libre pratique.

65      En effet, il ressort du paragraphe 1 de la lettre du 3 septembre 2008 que le ministère des Finances avait déjà précisé que l’Allemagne avait commis des erreurs d’interprétation dues au fait que les licences d’importation avaient une durée de validité de douze mois, alors que les certificats d’origine agricoles n’étaient valables que pendant dix mois. Au paragraphe 2 de ladite lettre, ledit ministère a confirmé son point de vue selon lequel les certificats d’origine agricoles ne pouvaient être acceptés s’ils n’étaient plus valables au moment où les marchandises quittaient l’entrepôt douanier et étaient mises en libre pratique. À partir du paragraphe 3 de cette lettre, il apparaît que ce ministère a demandé à la Commission d’adopter une position par laquelle il serait malgré tout possible de justifier la pratique de certaines autorités douanières allemandes consistant à examiner la validité des certificats d’origine agricoles pour les marchandises au moment de la mise en entrepôt douanier. Il y a lieu de constater qu’il ressort de la lettre de réponse de la Commission du 6 mars 2009 qu’elle a indiqué clairement qu’il convenait de tenir compte de la validité du certificat d’origine agricole au moment de la mise en libre pratique.

66      Quant à l’argument de la requérante selon lequel la correspondance en cause révélerait que la condition préalable de la présentation d’un certificat d’origine agricole en provenance de Chine était apparue problématique et a, par conséquent, été supprimée, la Commission a expliqué que lesdits certificats d’origine agricoles étaient devenus superflus, puisque, sous l’effet de l’adhésion à l’Union des autres États auxquels un contingent avait été octroyé, les certificats d’origine agricoles avaient perdu leur objectif consistant à garantir une répartition équitable des contingents entre les différents pays. La requérante a dès lors mal interprété les explications de la Commission.

67      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la lettre de réponse de la Commission du 6 mars 2009 contient un engagement à la remise des droits à l’importation à recouvrir a posteriori compte tenu de la complexité de la situation, il ressort du dernier paragraphe de ladite lettre qu’une telle remise pourrait être possible uniquement si les conditions préalables correspondantes étaient réunies.

68      Troisièmement, la requérante fait valoir que le fait que plus de six mois se sont écoulés entre la lettre du ministère des Finances et la réponse de la Commission est une preuve de la complexité de la réglementation en cause. Le fait que six mois et trois jours se sont écoulés entre les deux lettres constitue un laps de temps raisonnable pour une administration publique. D’ailleurs, rien ne permet de juger la complexité de la réglementation en cause sur la base de ce laps de temps.

69      Il ressort de tout ce qui précède que la réglementation applicable aux importations litigieuses dont le non-respect a fait naître la dette douanière n’est pas complexe et que les arguments de la requérante ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion.

70      En second lieu, s’agissant de la durée et de l’ampleur de la pratique des autorités douanières allemandes, la requérante fait valoir qu’il existe une pratique générale en Allemagne selon laquelle les autorités douanières allemandes estiment que la première présentation des certificats d’origine de produits agricoles – que ce soit au moment du placement sous le régime de l’entrepôt douanier d’une partie des importations ou au moment d’une première mise en libre pratique d’une partie des marchandises – était suffisante pour respecter le délai de présentation pour l’ensemble des marchandises couvertes par le certificat d’origine concerné. De surcroît, elle affirme que tous les membres de l’association spécialisé Waren-Verein der Hamburger Börse e.V., une fédération professionnelle qui représente les intérêts du commerce extérieur et du commerce de gros en conserves, produits surgelés, fruits déshydratés, fruits à coque, légumes déshydratés, épices, miel, produits bio et marchandises apparentées, connaissaient cette pratique. Pour étayer son argument elle invoque l’arrêt de la Cour du 1er avril 1993, Hewlett Packard France (C‑250/91, Rec. p. I‑1819, point 27).

71      La Commission conteste l’existence d’une telle pratique générale en s’appuyant en substance sur la lettre du ministère des Finances du 12 janvier 2011 et la lettre de la requérante du 11 juillet 2011. Elle ajoute que la requérante a admis elle-même ne pouvoir rapporter la preuve que pour trois bureaux principaux de douane, en l’occurrence les bureaux de douane de Hamburg-Stadt, de Hamburg-Hafen (port de Hambourg) et de Duisbourg (Allemagne).

72      À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever, qu’il ressort du point 2, sous a), et du point 4, paragraphe 1, de la lettre du ministère des Finances du 12 janvier 2011 que ni les autorités douanières allemandes qui agissaient de la sorte, ni les autorités allemandes qui les supervisaient n’ont jamais confirmé la conception juridique erronée sur laquelle reposait la pratique concernant les certificats d’origine agricoles.

73      Le point 2, sous a), de la lettre du ministère des Finances du 12 janvier 2011 se lit comme suit :

« Il ne peut pas être établi qu’il existe une pratique générale fédérale en Allemagne selon laquelle les autorités douanières allemandes estiment que la première présentation des certificats d’origine de produits agricoles – que ce soit au moment du placement sous le régime de l’entrepôt douanier d’une partie des importations ou au moment d’une première mise en libre pratique d’une partie des marchandises – était suffisante pour respecter le délai de dix mois de présentation pour l’ensemble des marchandises couvertes par le certificat d’origine concerné. Aucun indice n’a existé à aucun moment pour les autorités douanières. Une telle interprétation des règles n’a pas non plus été communiquée par écrit aux opérateurs économiques. »

74      Le point 4, paragraphe 1, de la lettre du ministère des Finances du 12 janvier 2011 se lit comme suit :

« Les bureaux principaux de douanes concernés n’ont jamais communiqué leur conception juridique erronée à la demanderesse. »

75      Deuxièmement, cela est confirmé par la première phrase du point 3.2 de la lettre de la requérante du 11 juillet 2011, dans laquelle cette dernière admet que « cette interprétation n’a pas été communiquée séparément par écrit aux importateurs concernés par l’autorité douanière allemande ».

76      Troisièmement, à l’instar de la Commission, il y a lieu de constater que la requérante a indiqué, dans la requête, ne pas être en mesure de « rapporter la preuve du fait que d’autres bureaux des douanes, outre les trois bureaux des douanes précités, appliquaient les mêmes usages en matière de mise en libre pratique ».

77      Quatrièmement, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la pratique a été appliquée à très grande échelle, il y a lieu d’observer que, à côté des dix déclarations en douane, qui représentent des mises en libre pratique de marchandises se trouvant en entrepôt douanier qui ont eu lieu en dehors de la période de validité des certificats d’origine agricoles, plusieurs déclarations en douane concernent des mises en libre pratique de marchandises se trouvant en entrepôt douanier qui ont eu lieu pendant la durée de validité desdits certificats (voir le verso des certificats d’origine agricoles présentés par la requérante). Dès lors, il n’est pas établi que la pratique a été appliquée à très grande échelle.

78      Cinquièmement, la requérante prétend également avoir été confortée dans la légitimité de la pratique erronée des autorités douanières allemandes concernées en rapport avec le régime de l’entrepôt douanier par le fait que ces mêmes autorités douanières agissaient différemment dans le cas des régimes du port franc et de la zone franche. À cet égard, il y a lieu de relever que le fait que les autorités douanières allemandes concernées ont exigé un certificat d’origine agricole valable lors de cette présentation pour la mise en libre pratique dans le cas du régime de la zone franche, mais pas dans celui de l’entrepôt douanier, aurait dû conduire la requérante, même si celle-ci avait une conception erronée de la présentation, à douter du bien-fondé de cette pratique, comme l’a dit la Commission à juste titre.

79      Sixièmement, en ce qui concerne l’applicabilité de l’arrêt Hewlett Packard France, point 70 supra, il y a lieu d’observer que les circonstances de l’espèce se distinguent des circonstances dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt. En l’espèce, aucun renseignement contraignant concernant la pratique concernée n’a été fourni à la Waren-Verein der Hamburger Börse ou à lʼun de ses membres et la pratique ne concerne que certaines autorités douanières allemandes (voir points 73 et 74 ci-dessus). Il y a lieu de relever, à cet égard, que la connaissance d’une pratique exercée par certaines autorités douanières ne suffit pas pour être perçue comme un renseignement douanier contraignant. D’ailleurs, la requérante ne peut pas prétendre que la Waren-Verein der Hamburger Börse peut être perçue comme un groupe d’entreprises au sens d’une entité économique, étant donné qu’il s’agit d’une association spécialisée qui défend les intérêts de tout un secteur économique.

80      Par conséquent, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il y a lieu de constater qu’aucune pratique générale ou de grande ampleur n’existe en Allemagne.

–       Sur la diligence à appliquer

81      La requérante indique que sa bonne foi n’a jamais été remise en question et qu’elle s’est acquittée de son devoir de diligence. Elle est d’avis que, bien que les opérateurs économiques doivent en principe se tenir informés des dispositions en vigueur régissant leur activité, elle peut invoquer la protection de la confiance légitime, compte tenu de la complexité de la situation juridique et de la pratique de longue date des autorités douanières allemandes.

82      Il ressort de l’article 220, paragraphe 2, sous b), quatrième alinéa, du code des douanes que la bonne foi du redevable peut être invoquée lorsqu’il peut démontrer que, pendant la période des opérations commerciales concernées, il a fait preuve de diligence pour s’assurer que toutes les conditions relatives au traitement préférentiel ont été respectées.

83      Il importe de souligner qu’il incombe à ce dernier, dès lors que l’opérateur a des doutes quant à l’application exacte des dispositions dont l’inexécution peut faire naître une dette douanière, de s’informer et de rechercher tous les éclaircissements possibles pour ne pas contrevenir aux dispositions visées (arrêts de la Cour Söhl & Söhlke, point 45 supra, point 58, et du 13 septembre 2007, Common Market Fertilizers/Commission, C−443/05 P, Rec. p. I−7209, point 191).

84      Il ressort tant de l’expérience de la requérante (voir point 46 ci-dessus) que de la nature de l’erreur commise par les autorités douanières allemandes (voir points 69 et 80 ci-dessus) que la requérante devait nécessairement avoir des doutes quant à l’application exacte des dispositions applicables en l’espèce.

85      À titre surabondant, il y a lieu de remarquer que la pratique de certaines autorités douanières allemandes consistant à contrôler la validité des certificats d’origine pour les marchandises lors de la mise en entrepôt douanier, mais plus lors du déstockage et de la mise en libre pratique, s’inscrit, de manière générale, dans l’intérêt des opérateurs économiques, car ladite pratique leur accordait du temps supplémentaire pour disposer de leurs marchandises placées en entrepôt douanier. Les opérateurs économiques n’étaient plus limités par la restriction dans le temps de la validité des certificats d’origine lorsqu’ils voulaient mettre en libre pratique leurs marchandises se trouvant en entrepôt douanier en tirant profit des avantages de politique commerciale. Toutefois, un opérateur économique diligent n’aurait pas dû se limiter à continuer à mettre ses marchandises en libre pratique au-delà de la durée de validité des certificats d’origine agricoles en appliquant le taux contingentaire en se fondant sur le simple fait que cette pratique avait été acceptée par certaines autorités douanières. Le fait d’autoriser une telle négligence a, comme l’a dit la Commission à juste titre, pour effet d’inciter les opérateurs économiques à exploiter les erreurs commises par leurs autorités douanières (voir, en ce sens, arrêt Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading/Commission, point 45 supra, point 64).

86      Par conséquent, la requérante n’a pas fait preuve de la diligence requise, puisqu’elle s’est contentée d’attendre une réaction des autorités douanières allemandes concernées lors de la sortie d’entrepôt de ses marchandises en vue de leur mise en libre pratique. Le fait que les autorités douanières allemandes ne se sont pas informées, ou ne se sont informées qu’ultérieurement, n’aurait pu dispenser, comme l’a dit la Commission à juste titre, la requérante de toute initiative propre.

87      Il y a lieu de conclure que la deuxième condition d’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes n’est pas remplie.

88      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son intégralité comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 239 du code des douanes

89      L’article 239, paragraphe 1, du code des douanes énonce :

« Il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans des situations autres que celles visées aux articles 236, 237 et 238 :

–        à déterminer selon la procédure du comité,

–        qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin sont définies selon la procédure du comité. Le remboursement ou la remise peuvent être subordonnées à des conditions particulières. »

90      La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur de droit, premièrement, en n’examinant pas séparément l’article 239 du code des douanes et, deuxièmement, en refusant la remise de la dette douanière sur la base de cette disposition, puisque les erreurs commises par les autorités douanières allemandes au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes sont généralement reconnues comme des « situations particulières » au sens de l’article 239 du code des douanes et que l’erreur n’était pas décelable pour elle agissant de bonne foi et faisant preuve de la diligence nécessaire au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes.

91      La Commission confirme qu’il peut y avoir des circonstances où il n’est pas justifié de renoncer à la dette douanière en vertu de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, alors qu’une remise de la dette douanière doit être entreprise conformément à l’article 239 dudit code. Elle ajoute qu’elle a, contrairement à ce qu’affirme la requérante, examiné séparément, dans la procédure dans l’affaire REM 02/09, si les conditions de l’article 239 du code des douanes étaient réunies.

92      Il y a lieu de rappeler d’emblée que les procédures prévues aux articles 220 et 239 du code des douanes poursuivent le même but, à savoir limiter le paiement a posteriori des droits à l’importation ou à l’exportation aux cas où un tel paiement est justifié et où il est compatible avec un principe fondamental tel que le principe de protection de la confiance légitime (arrêts Hewlett Packard France, point 70 supra, point 46, et Söhl & Söhlke, point 45 supra, point 54).

93      Il en découle que les conditions auxquelles l’application desdits articles est subordonnée, à savoir notamment, pour l’article 239, paragraphe 1, second tiret, du code des douanes, celle relative à l’absence de négligence manifeste de la part de l’intéressé et, pour l’article 220 du même code, celle relative à l’absence d’une erreur des autorités douanières raisonnablement décelable par le redevable, doivent être interprétées de la même façon (voir, en ce sens, arrêt Söhl & Söhlke, point 45 supra, point 54).

94      Dès lors, afin d’apprécier si un opérateur a fait preuve de « négligence manifeste », au sens de l’article 239, paragraphe 1, second tiret, du code des douanes, il convient d’appliquer, par analogie, les critères utilisés dans le cadre de l’article 220 du code des douanes pour vérifier le caractère décelable par un opérateur économique d’une erreur commise par les autorités douanières (arrêts de la Cour Söhl & Söhlke, point 45 supra, points 55 et 56, et du 13 mars 2003, Pays-Bas/Commission, C‑156/00, Rec. p. I‑2527, point 92).

95      Il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante en tenant compte des considérations qui précèdent.

96      Pour déterminer si la Commission a examiné, en l’espèce, l’applicabilité de l’article 239 du code des douanes, il convient d’examiner la décision attaquée.

97      La Commission a indiqué, au considérant 16 de la décision attaquée, que le cas d’espèce devait être examiné à la lumière de l’article 236 lu en combinaison avec l’article 220, paragraphe 2, sous b), et, si nécessaire, en vertu de l’article 239 du code des douanes, puisque la demande de remboursement des droits était fondée sur une erreur des autorités douanières allemandes au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes.

98      Premièrement, la Commission a constaté aux considérants 18 et 19 de la décision attaquée qu’il existait une erreur des autorités douanières allemandes au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes.

99      Deuxièmement, la Commission a procédé à une vérification du critère de l’absence du caractère décelable de cette erreur par le redevable de bonne foi (considérants 20 à 32 de la décision attaquée). Conformément à la jurisprudence citée aux points 92 à 94, elle a tenu compte de l’expérience professionnelle de la requérante (voir considérant 24 de la décision attaquée), de la nature de l’erreur commise (voir considérants 25 à 29 de la décision attaquée) ainsi que de la diligence de la requérante (voir considérants 30 à 32 de la décision attaquée). À la suite de cette vérification, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas procédé avec la diligence nécessaire et qu’elle aurait dû reconnaître l’erreur commise par les autorités douanières allemandes (voir considérant 33 de la décision attaquée).

100    Troisièmement, il ressort du considérant 34 de la décision attaquée ce qui suit :

« [L]a Commission a examiné tous les arguments invoqués par l’intéressée au titre de l’article 220, paragraphe 2, [sous] b), du [code des douanes] et n’a trouvé aucun autre élément qui pourrait justifier l’examen de l’affaire au titre de l’article 239 du [code des douanes]. En outre, les critères à examiner pour déterminer si l’erreur pouvait être décelée par un opérateur ayant agi de bonne foi sont les mêmes que ceux qui doivent être étudiés pour déterminer si la personne concernée a commis une négligence manifeste au sens de l’article 239 du [code des douanes] ; il n’y a[vait] dès lors pas lieu d’examiner davantage l’affaire au titre de l’article 239 du [code des douanes]. »

101    Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a constaté, dans le cadre du premier moyen, que la Commission reprochait à juste titre à la requérante de ne pas avoir procédé avec la diligence nécessaire. Il s’ensuit qu’elle s’est aussi montrée manifestement négligente.

102    En ce qui concerne la question de l’existence d’une situation particulière, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 239 du code des douanes, le redevable a droit au remboursement ou à la remise des droits de douane, pourvu que deux conditions soient satisfaites, à savoir l’existence d’une situation particulière ainsi que l’absence de négligence manifeste et de manœuvre de sa part. Par conséquent, l’absence de négligence manifeste étant une condition sine qua non pour pouvoir prétendre à un remboursement ou à une remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation (arrêts Söhl & Söhlke, point 45 supra, point 52, et Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading/Commission, point 45 supra, point 60) et dans la mesure où il n’existe pas de hiérarchie entre ces deux conditions commandant d’examiner l’une en priorité, la Commission pouvait se limiter à constater que cette condition n’était pas remplie sans examiner au préalable la condition liée à l’existence d’une situation particulière.

103    La deuxième condition n’étant pas remplie en l’espèce, la Commission n’était, de ce fait, pas tenue d’examiner la première condition, relative à l’existence d’une situation particulière. D’ailleurs, l’existence d’une situation particulière ne saurait, en principe, dispenser l’opérateur des conséquences de sa propre négligence (arrêt Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading/Commission, point 45 supra, point 65).

104    Dans ces circonstances, la Commission pouvait valablement refuser l’application de l’article 239 du code des douanes.

105    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de principes généraux de droit

106    La requérante reproche à la Commission d’avoir, par la décision attaquée, enfreint les principes de protection de la confiance légitime, de proportionnalité, de bonne administration et d’égalité de traitement.

107    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Dans le cadre de la première branche, portant sur le principe de protection de la confiance légitime

108    La requérante estime, en substance, que la Commission a méconnu le comportement des autorités douanières allemandes justifiant sa confiance légitime et a violé de ce fait le principe de protection de la confiance légitime.

109    La requérante fait valoir, à cet égard, que, dans un grand nombre de cas, y compris ceux s’étant déroulés au cours de la période antérieure aux importations litigieuses dans la présente affaire, les autorités douanières allemandes ont confirmé, par leur comportement concret justifiant sa confiance légitime, le bien-fondé de son analyse juridique selon laquelle la première présentation du certificat d’origine agricole au moment de l’importation des conserves de champignons en provenance de Chine, que ce soit au moment du placement sous le régime de l’entrepôt douanier ou au moment de la mise en libre pratique d’une partie des marchandises, était suffisante pour respecter le délai de présentation pour la totalité des marchandises couvertes par le certificat d’origine en question.

110    Selon la jurisprudence, tout particulier a le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime lorsqu’il se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées (voir arrêt de la Cour du 24 mars 2011, ISD Polska e.a./Commission, C‑369/09 P, Rec. p. I‑2011, point 123, et la jurisprudence citée). En revanche, nul ne peut se prévaloir d’une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies une institution de l’Union (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 avril 2011, Grèce/Commission, C‑321/09 P, non publié au Recueil, point 45).

111    Or, en l’espèce, la requérante n’invoque aucun comportement par lequel la Commission lui aurait fourni des assurances précises, mais se limite à invoquer des comportements des autorités douanières allemandes.

112    Il s’ensuit que la première branche, portant sur la violation du principe de protection de la confiance légitime, doit être rejetée.

 Dans le cadre de la deuxième branche, portant sur le principe de proportionnalité

113    La requérante estime que, lorsque la Commission soutient, au considérant 32 de la décision attaquée, qu’un examen approfondi des faits de l’affaire dont a été saisi le Finanzgericht Hamburg et du raisonnement qui sous-tend le lancement, par les autorités allemandes, d’une action en recouvrement aurait dû conduire l’intéressée à s’interroger sur la régularité de la procédure suivie pour les importations en cause dans le cas présent, la Commission impose aux opérateurs sur le marché une obligation de diligence excessive. Selon elle, « [l]a Commission [lui] impose une obligation de diligence disproportionnée et en exige davantage de [sa part] qu’elle n’en exige des bureaux des douanes concernés y compris du ministère des Finances ».

114    Le fait d’imposer aux opérateurs économiques un devoir de diligence excessif constitue, selon la requérante, une atteinte au principe de proportionnalité.

115    Il y a lieu de constater que le critère de diligence que la Commission a appliqué, afin d’éviter que les opérateurs économiques ne soient incités à exploiter des erreurs des autorités douanières compétentes, n’est pas excessif par rapport à la longue expérience de la requérante, à sa connaissance de la réglementation applicable et par rapport à la nature de l’erreur en cause.

116    De surcroît, lorsque les conditions d’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes ne sont pas remplies, le fait de procéder au recouvrement a posteriori ne constitue pas une violation du principe de proportionnalité (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 30 novembre 2006, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading/Commission, T‑382/04, non publié au Recueil, point 111, et la jurisprudence citée). De même, lorsque les conditions d’application de l’article 239 du code des douanes ne sont pas remplies, le refus de remise des droits litigieux ne constitue pas non plus une violation du principe de proportionnalité.

117    La deuxième branche, portant sur le principe de proportionnalité, doit dès lors être rejetée.

 Dans le cadre de la troisième branche, portant sur les principes de bonne administration et d’égalité de traitement

118    La requérante estime que, par la décision attaquée, la Commission a violé les principes de bonne administration et d’égalité de traitement, en s’écartant de sa pratique décisionnelle antérieure dans des affaires similaires.

119    Il y a lieu de constater que la requérante se fonde sur la prémisse que la violation du principe de bonne administration découle de la méconnaissance par la Commission du principe d’égalité de traitement. Dès lors, il convient d’examiner, d’abord, la prétendue violation du principe d’égalité de traitement et, ensuite, la prétendue violation du principe de bonne administration.

120    Quant à la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler que celui-ci n’est violé, selon une jurisprudence constante, que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T−311/94, Rec. p. II−1129, point 309).

121    La requérante ne comprend pas pourquoi dans la présente affaire, dans laquelle les autorités nationales ont également commis à plusieurs reprises la même erreur sur une longue période, les intéressés ne pourraient pas invoquer la protection de la confiance légitime.

122    La Commission admet qu’elle a, dans certains cas, accordé un remboursement ou une remise de dettes douanières, puisqu’il ne pouvait être attendu des opérateurs économiques concernés dans lesdits cas qu’ils aient été en mesure d’identifier la situation juridique véritable. Toutefois, elle explique que le traitement différent entre la requérante et les opérateurs économiques concernés dans ces cas repose précisément sur le fait que, à l’issue de l’examen de la complexité des dispositions, dont le non-respect justifie la dette douanière, ainsi que de l’expérience professionnelle et de la diligence appliquée par les opérateurs économiques concernés, elle est arrivée à des résultats différents. D’ailleurs, la requérante se serait bornée à dire que, dans les cas cités, les autorités douanières nationales avaient commis des erreurs à répétition, sans pour autant préciser en quoi consistait le comportement des autres opérateurs économiques eu égard à ces erreurs et dans quelle mesure leur comportement correspondait au sien.

123    Il résulte de l’analyse du premier moyen que le contexte factuel des décisions invoquées par la requérante diffère, comme l’avance la Commission, sensiblement de celui du cas d’espèce, de sorte que la requérante ne saurait valablement se fonder sur ces affaires pour la démonstration d’une violation du principe d’égalité de traitement.

124    Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur le bien-fondé de la violation du principe de bonne administration, en ce que la Commission se serait écartée de sa pratique décisionnelle antérieure.

125    Le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

126    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

127    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Wünsche Handelsgesellschaft International mbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 novembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.