Language of document : ECLI:EU:T:2007:111

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

23 avril 2007 (*)

« Aide d’État – Décision de ne pas soulever d’objections – Recours en annulation – Recevabilité – Notion d’intéressé – Syndicat de travailleurs »

Dans l’affaire T‑30/03,

Specialarbejderforbundet i Danmark (SID), établi à Copenhague (Danemark), représenté par M. P. Bentley, QC, Mes A. Worsøe et F. Ragolle, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. H. van Vliet, puis par M. N. Khan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté par M. J. Molde, en qualité d’agent,

et par

Royaume de Norvège, représenté par M. I. Høyland, en qualité d’agent,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande en annulation de la décision de la Commission C (2002) 4370 final, du 13 novembre 2002, de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures fiscales danoises applicables aux marins employés à bord des navires inscrits sur le registre international danois,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij, N. J. Forwood, Mme I. Pelikánová et M. S. Papasavvas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 1er juillet 1988, le Royaume de Danemark a adopté la loi n° 408, entrée en vigueur le 23 août 1988, instaurant un registre international danois des navires (ci‑après le « registre DIS »). Ce registre est venu s’ajouter au registre ordinaire danois des navires (ci-après le « registre DAS »). Le registre DIS a pour objectif de lutter contre l’évasion des pavillons maritimes communautaires vers les pavillons de complaisance. Le principal avantage du registre DIS réside dans le fait que les armateurs dont les navires sont inscrits sur ce registre ont le droit d’employer sur ces navires des marins de pays tiers en leur versant une rémunération conforme au droit national de ces derniers.

2        Le même jour, le Royaume de Danemark a adopté les lois nos 361, 362, 363 et 364, entrées en vigueur le 1er janvier 1989, instaurant plusieurs mesures fiscales relatives aux marins employés sur les navires inscrits sur le registre DIS (ci-après les « mesures fiscales »). En particulier, ceux-ci ont été exonérés de l’impôt sur le revenu alors que, dans le cadre du registre DAS, ils étaient soumis à une telle imposition.

3        Le 28 août 1998, le syndicat général des travailleurs du Danemark [Specialarbejderforbundet i Danmark (SID), ci-après le « requérant »] a déposé une plainte devant la Commission à l’encontre du Royaume de Danemark concernant les mesures fiscales en arguant du fait qu’elles étaient contraires aux orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime (JO 1997, C 205, p. 5) et, partant, à l’article 87 CE.

4        Le 13 novembre 2002, la Commission a adopté la décision C (2002) 4370 final (ci‑après la « décision litigieuse »), aux termes de laquelle elle a décidé ne pas soulever d’objections « envers les mesures fiscales appliquées depuis le 1er janvier 1989 aux marins employés sur les navires inscrits au Danemark, tant sur le registre DAS que sur le registre DIS, en considérant qu’elles constituaient des aides d’État mais qu’elles avaient été ou étaient encore compatibles avec le marché commun, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE » (décision litigieuse, point 46, second tiret).

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2003, le requérant a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision litigieuse.

6        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2003, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant a déposé ses observations sur cette exception le 16 mai 2003.

7        Par ordonnance du 18 juin 2003, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal, les parties entendues, a admis les interventions du Royaume de Danemark et du Royaume de Norvège au soutien de la Commission. Les intervenants ont renoncé à déposer un mémoire limité à la recevabilité.

8        Constatant, premièrement, que le présent recours est dirigé contre une décision de la Commission prise sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE et déclarant, sur le fondement du paragraphe 3 du même article, une aide compatible avec le marché commun (ci-après une « décision de ne pas soulever d’objections ») et, deuxièmement, d’une part, que, dans son exception d’irrecevabilité, la Commission avait fait abstraction de la jurisprudence issue de l’arrêt de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission (C‑198/91, Rec. p. I‑2487, point 23, ci-après la « jurisprudence Cook ») relative à la recevabilité d’un recours introduit à l’encontre de ce type de décision et, d’autre part, que, par son pourvoi dans l’affaire, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P), la Commission appelait la Cour à se prononcer sur la portée de cette jurisprudence, le président de la deuxième chambre élargie du Tribunal, les parties entendues, a, par ordonnance du 16 février 2005, suspendu la procédure dans la présente affaire dans l’attente de la décision de la Cour dans l’affaire C‑78/03 P.

9        Le 13 décembre 2005, la Cour a rendu l’arrêt Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C‑78/03 P, Rec. p. I‑10737, ci-après l’« arrêt Commission/ARE »), par lequel elle a rappelé la jurisprudence Cook. La procédure a par conséquent été reprise dans la présente affaire.

10      Par lettre du 24 janvier 2006, le Tribunal a invité les parties à déposer leurs observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt Commission/ARE, point 9 supra, dans la présente affaire, en particulier en ce qui concerne la recevabilité du présent recours.

11      En réponse à l’invitation du Tribunal, la Commission a déposé ses observations le 13 février 2006 et le requérant le 15 février 2006. Le Royaume de Norvège a renoncé à déposer ses observations. Le Royaume de Danemark n’a pas répondu dans les délais fixés.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

13      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        condamner la Commission aux dépens relatifs à cette exception.

 En droit

14      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime, en l’espèce, être suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

15      La Commission fait valoir que le présent recours est irrecevable. D’une part, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 230 CE, le requérant ne serait pas un intéressé en raison du fait qu’il n’est pas dans une relation concurrentielle avec les bénéficiaires de l’aide (voir conclusions de l’avocat général M. Tesauro sous l’arrêt Cook/Commission, point 8 supra, Rec. p. I‑2502, et conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt Commission/ARE, point 9 supra, Rec. p. I‑10741, point 109 ; ordonnance du Tribunal du 25 juin 2003, Pérez Escolar/Commission, T‑41/01, Rec. p. II‑2157, point 36). D’autre part, il ne serait pas non plus individuellement concerné par la décision litigieuse dans la mesure où sa position sur le marché n’est pas substantiellement affectée et où sa participation à la procédure ne suffit pas à fonder sa qualité pour agir (arrêt Commission/ARE, point 9 supra).

16      Le requérant avance que, dans le cadre d’un recours à l’encontre d’une décision de ne pas soulever d’objections, la question de la recevabilité porte sur le fait de savoir si le requérant est une partie intéressée, au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, dont il rappelle la définition donnée par la jurisprudence.

17      Le fait que le requérant ne soit pas une entreprise ne suffirait pas à exclure qu’il puisse être individuellement concerné par la décision litigieuse. Sa situation serait comparable à celle d’une entreprise concurrente en ce qu’il est un opérateur économique qui négocie les termes et les conditions dans lesquels la main‑d’œuvre est fournie aux entreprises. Le requérant jouerait ainsi un rôle dans le transfert aux compagnies maritimes du bénéfice de l’exonération fiscale, prévue par la partie 3.2 des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime. Le requérant serait également dans une position comparable à celle d’une organisation professionnelle en ce qu’il exprime la position commune de ses membres aux organes gouvernementaux. Il serait en tout état de cause une personne affectée dans ses intérêts par l’octroi de l’aide. Cette aide affecterait la capacité de ses membres à concurrencer les marins non communautaires dans la recherche d’un emploi auprès des compagnies maritimes et il serait concerné au premier chef, en tant qu’instrument de la politique définie par ces orientations communautaires, par une procédure d’examen visant à déterminer si ces orientations ont été détournées.

18      Le requérant fait valoir que sa position de négociateur est de même nature que celle des requérants dans les arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219), et du 24 mars 1993, CIRFS/Commission (C‑313/90, Rec. p. I‑1125), et que sa position diffère de celle du requérant dans l’arrêt Commission/ARE, point 9 supra. De même que le Landbouwschap dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Van der Kooy e.a./Commission, le requérant négocierait avec les compagnies maritimes les conditions d’embauche de ses membres qui ont pour effet de transférer à ces compagnies le bénéfice des avantages fiscaux octroyés conformément aux orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime. De même que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt CIRFS/Commission, le requérant aurait informé la Commission de ce que le gouvernement danois avait octroyé des avantages non conformes à ces orientations communautaires et il aurait joué un rôle actif dans l’enquête préliminaire. De plus, l’arrêt CIRFS/Commission ayant été rendu avant l’arrêt Cook/Commission, point 8 supra, la question de la recevabilité pourrait parfaitement être résolue en retenant que le requérant est une organisation professionnelle affectée dans sa capacité de négociateur.

19      Dans l’arrêt Commission/ARE, point 9 supra, la Cour aurait observé que le rôle d’ARE ne dépassait pas l’exercice des droits procéduraux reconnus aux intéressés par l’article 88, paragraphe 2, CE. Or, en l’espèce, le requérant n’aurait pu exercer aucun des droits procéduraux au titre de cette disposition. De plus, ARE se serait contentée d’exprimer le point de vue de ses membres alors que le requérant jouerait un rôle dans la répercussion du bénéfice de l’aide aux compagnies maritimes, conformément aux orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime.

20      Le requérant prétend être individuellement concerné. Il rappelle que, conformément au critère exposé au point 70 de l’arrêt Commission/ARE, point 9 supra, la position sur le marché des membres d’une association doit être substantiellement affectée par le régime d’aides qui fait l’objet de la décision litigieuse. En l’espèce, le marché pertinent serait le marché sur lequel les armateurs des navires inscrits sur le registre DIS recrutent des marins. Ces marins pourraient être des résidents de la Communauté ou de n’importe quel pays tiers. La situation des membres du requérant serait substantiellement affectée par le fait que le bénéfice des mesures fiscales ne devait être accordé qu’aux marins communautaires, conformément aux objectifs politiques des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime. La position du requérant en tant que telle sur le marché serait également substantiellement affectée quant à sa capacité concurrentielle sur le marché de la fourniture de main‑d’œuvre aux compagnies maritimes et, par conséquent, quant à sa capacité à recruter des membres.

 Appréciation du Tribunal

 Observations liminaires

21      Conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement.

22      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (voir, notamment, arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, ci-après la « jurisprudence Plaumann » ; arrêts Cook/Commission, point 8 supra, point 20, et Commission/ARE, point 9 supra, point 33).

23      S’agissant d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 88 CE, doivent être distinguées, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée par le paragraphe 3 de cet article, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause et, d’autre part, la phase d’examen visée au paragraphe 2 du même article. Ce n’est que dans le cadre de celle-ci, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire, que le traité CE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts Cook/Commission, point 8 supra, point 22, et Commission/ARE, point 9 supra, point 34).

24      Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une aide est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision (arrêt Cook/Commission, point 8 supra, point 23 ; arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 40, et arrêt Commission/ARE, point 9 supra, point 35). Pour ces motifs, celui-ci déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui‑ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt Cook/Commission, point 8 supra, points 23 à 26 ; arrêt de la Cour du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, Rec. p. I‑3203, points 17 à 20, et arrêt Commission/ARE, point 9 supra, point 35).

25      Or, les intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, qui peuvent ainsi, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, introduire des recours en annulation, sont les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est-à-dire en particulier les entreprises concurrentes des bénéficiaires de cette aide et les organisations professionnelles (arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 16, et arrêt Commission/ARE, point 9 supra, point 36).

26      En revanche, si le requérant met en cause le bien-fondé de la décision d’appréciation de l’aide en tant que telle, le simple fait qu’il puisse être considéré comme intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Il doit alors démontrer qu’il a un statut particulier au sens de la jurisprudence Plaumann (point 22 supra). Il en serait notamment ainsi au cas où la position sur le marché du requérant serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, points 22 à 25, et arrêt Commission/ARE, point 9 supra, point 37).

 Sur la recevabilité

27      Il est constant que le requérant n’est pas le destinataire de la décision litigieuse. En conséquence, il convient d’examiner si ladite décision le concerne directement et individuellement, c’est-à-dire si le requérant peut faire valoir certaines qualités qui lui seraient particulières ou une situation de fait qui le caractériserait par rapport à toute autre personne (arrêts Plaumann, point 22 supra, p. 223, et Commission/ARE, point 9 supra, point 69).

28      Lorsque le requérant tend, comme en l’espèce par son premier moyen, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de l’article 88, paragraphe 2, CE en vue d’obtenir l’annulation d’une décision de ne pas soulever d’objections, le juge communautaire déclare recevable son recours pour autant que ce requérant soit un intéressé au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE (arrêt Commission/ARE, point 9 supra, points 35 et 36).

29      En premier lieu, il convient de rappeler que les dispositions des articles 87 CE et 88 CE ont pour objectif d’éviter que les interventions d’un État membre n’aient pour effet de fausser la concurrence dans le marché commun en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

30      Dans ce contexte, il a été jugé qu’un recours en annulation introduit sur le fondement de l’article 230 CE à l’encontre d’une décision en matière d’aide d’État adoptée sans ouvrir la procédure formelle d’examen est irrecevable si la position concurrentielle du requérant sur le marché n’est pas affectée par l’octroi de l’aide (arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T‑188/95, Rec. p. II‑3713, point 62, et voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 mars 2001, Hamburger Hafen- und Lagerhaus e.a./Commission, T‑69/96, Rec. p. II‑1037, point 41). De même, il a été jugé qu’un requérant, qui n’est pas une entreprise dont la position concurrentielle aurait été affectée par des mesures étatiques dénoncées comme étant des aides, ne justifie pas d’un intérêt personnel à invoquer, dans le cadre d’un recours contre l’abstention de la Commission d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, les prétendus effets anticoncurrentiels de ces mesures (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, ATM/Commission, T‑178/94, Rec. p. II‑2529, point 63, et ordonnance Pérez Escolar/Commission, point 15 supra, point 46).

31      Or, ni le requérant, en tant que syndicat de marins, ni ses membres ne sont concurrents des bénéficiaires de l’aide en cause, tels que ces derniers sont identifiés dans la décision litigieuse, à savoir les armateurs inscrits au registre DIS.

32      Ainsi, s’agissant du requérant lui-même, il ne saurait se prévaloir du fait que sa propre position concurrentielle soit affectée par l’aide en cause. D’une part, il a été jugé qu’une association des travailleurs de l’entreprise prétendument bénéficiaire d’une aide étatique n’était aucunement une concurrente de cette entreprise (arrêt ATM/Commission, point 30 supra, point 63). D’autre part, pour autant qu’il invoque sa propre position concurrentielle par rapport aux autres syndicats de marins lors de la négociation des conventions collectives dans le domaine considéré, il suffit de rappeler que les accords conclus dans le cadre de négociations collectives ne relèvent pas du domaine de la concurrence [voir, s’agissant de la non-application de l’article 3, sous g), CE et de l’article 81 CE aux conventions collectives, arrêt de la Cour du 21 septembre 1999, Albany, C‑67/96, Rec. p. I‑5751, points 52 à 60].

33      De même, s’agissant des membres du requérant, rien n’indique dans le dossier que ces marins échapperaient au champ d’application de la notion de travailleur au sens de l’article 39 CE, à savoir les personnes qui accomplissent, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elles touchent une rémunération. En tant que travailleurs, ils ne constituent dès lors pas eux-mêmes des entreprises (arrêt de la Cour du 16 septembre 1999, Becu e.a., C‑22/98, Rec. p. I‑5665, point 26).

34      En deuxième lieu, il convient de relever que le requérant, en tant qu’organisme représentatif des travailleurs, est constitué, par nature, pour promouvoir les intérêts collectifs de ses membres.

35      À cet égard, il a été jugé qu’il n’était pas exclu que des organismes représentant les travailleurs de l’entreprise bénéficiaire d’une aide puissent, en tant qu’intéressés au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE, présenter à la Commission leurs observations sur des considérations d’ordre social susceptibles, le cas échéant, d’être prises en compte par celle-ci (ordonnance du Tribunal du 18 février 1998, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, T‑189/97, Rec. p. II‑335, point 41).

36      En l’espèce, il apparaît toutefois que les aspects sociaux découlant du registre DIS résultent principalement de l’instauration de ce registre par la loi n° 408 et non des mesures fiscales d’accompagnement instaurées par les lois nos 361, 362, 363 et 364. Or, d’une part, la Commission a considéré que l’instauration du registre DIS ne constituait pas une aide d’État et a limité son examen de la compatibilité avec le marché commun des mesures étatiques en cause aux seules mesures fiscales (décision litigieuse, points 14 et 15). D’autre part, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité (point 8), le requérant a expressément précisé qu’il invoquait une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et qu’il n’avait jamais prétendu que l’aide d’État naîtrait du fait que les marins non communautaires pourraient être soumis à des conditions d’embauche différentes de celles applicables aux marins de la Communauté. Il en résulte que les aspects sociaux relatifs au registre DIS ne présentent, en l’espèce, qu’un lien indirect avec l’objet de la décision litigieuse et, ainsi que le reconnaît le requérant, avec le présent litige. En conséquence, le requérant ne saurait se prévaloir de ces aspects sociaux pour justifier de sa qualité de personne individuellement concernée.

37      Par ailleurs, le requérant ne saurait être considéré comme individuellement concerné du seul fait que l’aide en cause est transférée à ses bénéficiaires en raison de la réduction des prétentions salariales des marins bénéficiant de l’exemption de l’impôt sur le revenu instaurée par les mesures fiscales. En effet, la décision litigieuse est fondée sur les avantages reçus par les bénéficiaires de l’aide et non sur le mode de transmission de cette dernière.

38      En troisième lieu, le requérant n’a pas établi que ses intérêts propres en tant que négociateur étaient susceptibles d’être directement affectés par l’aide considérée.

39      À cet égard, il doit être rappelé que, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Van der Kooy e.a./Commission et CIRFS/Commission, point 18 supra, les requérants pouvaient se prévaloir d’une position tout à fait spécifique, voire exceptionnelle, soit en tant que négociateur et signataire de l’accord ayant établi le tarif constitutif de l’aide et participant, de façon étroite, à la procédure devant la Commission (arrêt Van der Kooy e.a./Commission, point 18 supra, points 21 à 24 ; arrêt de la Cour du 23 mai 2000, Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, C‑106/98 P, Rec. p. I‑3659, point 43), soit en tant qu’interlocuteur de la Commission lors de la définition de la discipline en matière d’aides dans le secteur considéré (arrêts CIRFS/Commission, point 18 supra, points 29 et 30, et Comité d’entreprise de la Société française de production e.a./Commission, précité, point 44).

40      En l’espèce, le seul fait que le requérant a porté plainte devant la Commission à l’encontre de l’aide en cause ne permet pas de l’individualiser. Par ailleurs, même s’il est possible que le requérant ait été l’un des négociateurs des conventions collectives en faveur des marins travaillant sur les navires inscrits sur l’un des registres danois et, à ce titre, ait participé au mécanisme de répercussion de l’aide aux armateurs, le requérant n’a aucunement démontré avoir négocié l’élaboration des orientations communautaires sur les aides d’État au transport maritime, invoquées en l’espèce, avec la Commission ou l’octroi des mesures fiscales avec la Commission ou le gouvernement danois.

41      Il résulte de tout ce qui précède que ni le requérant ni ses membres ne sont individuellement concernés par la décision attaquée.

42      En conséquence, le présent recours est irrecevable pour défaut de qualité à agir, au sens de l’article 230 CE.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

44      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Le Royaume de Danemark et le Royaume de Norvège supporteront donc leurs propres dépens. Les autres parties supporteront leurs propres dépens liés à l’intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Le requérant supportera ses propres dépens et ceux de la Commission.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens afférents aux interventions.

Fait à Luxembourg, le 23 avril 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Pirrung


* Langue de procédure : l’anglais.