Language of document : ECLI:EU:C:2022:458

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

9 juin 2022 (*)

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CEE) no 2913/92 – Code des douanes communautaire – Article 30, paragraphe 2, sous a) et b) – Valeur en douane – Détermination de la valeur transactionnelle de marchandises similaires – Base de données établie et gérée par l’autorité douanière nationale – Bases de données établies et gérées par les autorités douanières des autres États membres et par les services de l’Union européenne – Marchandises identiques ou similaires exportées à destination de l’Union “au même moment ou à peu près au même moment” »

Dans l’affaire C‑187/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Cour suprême, Hongrie), par décision du 4 février 2021, parvenue à la Cour le 25 mars 2021, dans la procédure

FAWKES Kft.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. I. Jarukaitis, M. Ilešič, D. Gratsias (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour FAWKES Kft., par Me L. P. Maruzs, ügyvéd,

–        pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér et Mme K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement espagnol, par MM. I. Herranz Elizalde et S. Jiménez García , en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par M. G. Bain et Mme A.‑L. Desjonquères, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement finlandais, par Mme M. Pere, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. B. Béres et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), tel que modifié par les règlements (CE) nos 82/97 du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996 (JO 1997, L 17, p. 1) et 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO 2000, L 311, p. 17) (ci-après le « code des douanes »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant FAWKES Kft. à la Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatósága (direction des recours de l’administration nationale des impôts et douanes, Hongrie) (ci-après l’« autorité douanière hongroise ») au sujet de la décision par laquelle cette dernière a déterminé, en application de l’article 30, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, la valeur en douane de produits textiles originaires de Chine (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le code des douanes

3        Le code des douanes a été abrogé et remplacé par le règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, et rectificatif JO 2013, L 287, p. 90). Toutefois, en vertu de l’article 286, paragraphe 2, de ce dernier règlement, lu en combinaison avec l’article 288, paragraphe 2, de celui‑ci, le code des douanes est resté applicable jusqu’au 30 avril 2016.

4        Aux termes du huitième considérant du code des douanes :

« [...] [L]ors de l’adoption des mesures de mise en œuvre du présent code, il conviendra de veiller, dans la mesure du possible, à la prévention de toutes fraudes ou irrégularités susceptibles de porter préjudice au budget général [de l’Union européenne] ».

5        L’article 6, paragraphe 3, de ce code prévoit :

« Les décisions prises par écrit qui soit ne font pas droit aux demandes, soit ont des conséquences défavorables pour les personnes auxquelles elles s’adressent, sont motivées par les autorités douanières ».

6        L’article 29, paragraphe 1, dudit code énonce :

« La valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant, après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 [...] »

7        L’article 30, paragraphes 1 et 2, du même code dispose :

« 1.      Lorsque la valeur en douane ne peut être déterminée par application de l’article 29, il y a lieu de passer successivement aux lettres a), b), c) et d) du paragraphe 2 jusqu’à la première de ces lettres qui permettra de la déterminer [...]

2.      Les valeurs en douane déterminées par application du présent article sont les suivantes :

a)      valeur transactionnelle de marchandises identiques, vendues pour l’exportation à destination de la Communauté et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer ;

b)      valeur transactionnelle de marchandises similaires, vendues pour l’exportation à destination de la Communauté et exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer ;

c)      valeur fondée sur le prix unitaire correspondant aux ventes dans la Communauté des marchandises importées ou de marchandises identiques ou similaires importées totalisant la quantité la plus élevée, ainsi faites à des personnes non liées aux vendeurs ;

d)      valeur calculée, égale à la somme :

–        du coût ou de la valeur des matières et des opérations de fabrication ou autres, mises en œuvre pour produire les marchandises importées,

–        d’un montant représentant les bénéfices et les frais généraux égal à celui qui entre généralement dans les ventes de marchandises de la même nature ou de la même espèce que les marchandises à évaluer, qui sont faites par des producteurs du pays d’exportation pour l’exportation à destination de la Communauté,

–        du coût ou de la valeur des éléments énoncés à l’article 32, paragraphe 1, point e). »

8        L’article 31, paragraphe 1, du code des douanes prévoit :

« Si la valeur en douane des marchandises importées ne peut être déterminée par application des articles 29 et 30, elle est déterminée, sur la base des données disponibles dans la Communauté, par des moyens raisonnables compatibles avec les principes et les dispositions générales :

–        de l’accord relatif à la mise en œuvre de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ;

–        de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 ;

et

–        des dispositions du présent chapitre. »

9        L’article 78 de ce code est ainsi libellé :

« 1.      Les autorités douanières peuvent d’office ou à la demande du déclarant, après octroi de la mainlevée des marchandises, procéder à la révision de la déclaration.

2.      Les autorités douanières peuvent, après avoir donné mainlevée des marchandises et afin de s’assurer de l’exactitude des énonciations de la déclaration, procéder au contrôle des documents et données commerciaux relatifs aux opérations d’importation ou d’exportation des marchandises dont il s’agit ainsi qu’aux opérations commerciales ultérieures relatives aux mêmes marchandises. Ces contrôles peuvent s’exercer auprès du déclarant, de toute personne directement ou indirectement intéressée de façon professionnelle auxdites opérations ainsi que de toute autre personne possédant en tant que professionnel lesdits documents et données. Ces autorités peuvent également procéder à l’examen des marchandises, lorsqu’elles peuvent encore être présentées.

3.      Lorsqu’il résulte de la révision de la déclaration ou des contrôles a posteriori que les dispositions qui régissent le régime douanier concerné ont été appliquées sur la base d’éléments inexacts ou incomplets, les autorités douanières prennent dans le respect des dispositions éventuellement fixées, les mesures nécessaires pour rétablir la situation en tenant compte des nouveaux éléments dont elles disposent. »

10      L’article 221, paragraphes 3 et 4, dudit code énonce :

« 3.      La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Ce délai est suspendu à partir du moment où est introduit un recours au sens de l’article 243 et pendant la durée de la procédure de recours.

4.      Lorsque la dette douanière résulte d’un acte qui était, au moment où il a été commis, passible de poursuites judiciaires répressives, la communication au débiteur peut, dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur, être effectuée après l’expiration du délai de trois ans prévu au paragraphe 3. »

 Le règlement d’application

11      Le titre V du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO 1993, L 253, p. 1, et rectificatif JO 1994, L 268, p. 32), tel que modifié par le règlement (CE) no 3254/94 de la Commission, du 19 décembre 1994 (JO 1994, L 346, p. 1) (ci-après le « règlement d’application »), est intitulé « Valeur en douane » et inclut les articles 141 à 181 bis de celui-ci.

12      Aux termes de l’article 142 du règlement d’application :

« 1.      Au sens du présent titre on entend par :

[...]

c)      “marchandises identiques” : des marchandises produites dans le même pays qui sont les mêmes à tous égards, y compris les caractéristiques physiques, la qualité et la réputation. Des différences d’aspect mineures n’empêchent pas des marchandises conformes par ailleurs à la définition d’être considérées comme identiques ;

d)      “marchandises similaires” : des marchandises produites dans le même pays qui, sans être pareilles à tous égards, présentent des caractéristiques semblables et sont composées de matières semblables, ce qui leur permet de remplir les mêmes fonctions et d’être commercialement interchangeables ; la qualité des marchandises, leur réputation et l’existence d’une marque de fabrique ou de commerce font partie des éléments à prendre en considération pour déterminer si des marchandises sont similaires ;

[...] »

13      L’article 150 de ce règlement est ainsi libellé :

« 1.      Aux fins de l’application de l’article 30, paragraphe 2, point a), du [code des douanes] (valeur transactionnelle de marchandises identiques), la valeur en douane est déterminée en se référant à la valeur transactionnelle de marchandises identiques, vendues au même niveau commercial et sensiblement en même quantité que les marchandises à évaluer. [...]

3.      Si, pour l’application du présent article, il est constaté deux ou plusieurs valeurs transactionnelles de marchandises identiques, on doit prendre en considération la valeur transactionnelle la plus basse pour déterminer la valeur en douane des marchandises importées.

4.      Aux fins de l’application du présent article, une valeur transactionnelle de marchandises produites par une personne différente n’est prise en considération que si aucune valeur transactionnelle de marchandises identiques, produites par la même personne que les marchandises à évaluer, ne peut être constatée en application du paragraphe 1.

5.      Aux fins de l’application du présent article, on entend par “valeur transactionnelle de marchandises importées identiques” la valeur en douane préalablement déterminée selon l’article 29 du [code des douanes], ajustée conformément au paragraphe 1 et  au paragraphe 2 du présent article. »

14      L’article 151 dudit règlement dispose :

« 1.      Aux fins de l’application de l’article 30, paragraphe 2, point b), du [code des douanes] (valeur transactionnelle de marchandises similaires), la valeur en douane est déterminée par référence à la valeur transactionnelle de marchandises similaires, vendues au même niveau commercial et sensiblement en même quantité que les marchandises à évaluer. [...]

[...]

3.      Si, pour l’application du présent article, il est constaté deux ou plusieurs valeurs transactionnelles de marchandises similaires, on doit prendre en considération la valeur transactionnelle la plus basse pour déterminer la valeur en douane des marchandises importées.

4.      Aux fins de l’application du présent article, une valeur transactionnelle de marchandises produites par une personne différente n’est prise en considération que si aucune valeur transactionnelle de marchandises similaires, produites par la même personne que les marchandises à évaluer, ne peut être constatée, en application du paragraphe 1.

5.      Aux fins de l’application du présent article, on entend par “valeur transactionnelle de marchandises importées similaires” la valeur en douane préalablement déterminée selon l’article 29 du [code des douanes], ajustée conformément au paragraphe 1 et  au paragraphe 2 du présent article. »

15      L’article 181 bis du règlement d’application prévoit :

« 1.      Les autorités douanières ne doivent pas nécessairement déterminer la valeur en douane des marchandises importées sur la base de la méthode de la valeur transactionnelle si, conformément à la procédure décrite au paragraphe 2, elles ne sont pas convaincues, sur la base de doutes fondés, que la valeur déclarée représente le montant total payé ou à payer défini à l’article 29 du [code des douanes].

2.      Lorsque les autorités douanières ont des doutes tels que visés au paragraphe 1, elles peuvent demander des informations complémentaires conformément à l’article 178, paragraphe 4. Si ces doutes persistent, les autorités douanières doivent, avant de prendre une décision définitive, informer la personne concernée, par écrit si la demande leur en est faite, des motifs sur lesquels ces doutes sont fondés et lui donner une occasion raisonnable de répondre. La décision finale ainsi que les motifs y afférents sont communiqués à la personne concernée par écrit. »

 Le règlement no 515/97

16      Le règlement (CE) no 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 766/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 9 juillet 2008 (JO 2008, L 218, p. 48) (ci-après le « règlement no 515/97 »), dispose, à son article 1er, paragraphe 1 :

« Le présent règlement détermine les conditions dans lesquelles les autorités administratives chargées dans les États membres de l’exécution des réglementations douanière et agricole collaborent entre elles ainsi qu’avec la Commission en vue d’assurer le respect de ces réglementations dans le cadre d’un système communautaire. »

17      Les titres I et II de ce règlement portent respectivement sur l’assistance sur demande et sur l’assistance spontanée.

18      Le titre V dudit règlement, intitulé « Système d’information douanier [(SID)] », comporte un chapitre 2, lui-même intitulé « Fonction et utilisation du SID », lequel contient l’article 24 de celui-ci qui prévoit :

« Le SID se compose d’une base de données centrale accessible à partir de terminaux placés dans chacun des États membres et à la Commission. Il comprend exclusivement les données, y compris les données à caractère personnel, nécessaires à l’accomplissement de son objectif, tel que visé à l’article 23 paragraphe 2, regroupées dans les catégories suivantes :

[...]

g)      retenues, saisies ou confiscations de marchandises ;

[...] »

 Le règlement d’exécution (UE) 2016/346

19      Le considérant 1 du règlement d’exécution (UE) 2016/346 de la Commission, du 10 mars 2016, déterminant les éléments à introduire dans le système d’information douanier (JO 2016, L 65, p. 40), énonce :

« L’objectif du [SID] est d’aider les autorités compétentes à prévenir, à rechercher et à poursuivre les opérations qui sont contraires aux réglementations douanière et agricole. À cette fin, les autorités compétentes des États membres introduisent dans le SID des informations concernant des événements pertinents, tels que la saisie ou la retenue de marchandises. Pour que le SID continue de répondre aux besoins des autorités compétentes, il y a lieu de mettre à jour la liste des éléments à introduire dans le système. »

 La réglementation concernant les statistiques relatives au commerce extérieur 

20      Le règlement (CE) no 471/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant les statistiques communautaires relatives au commerce extérieur avec les pays tiers et abrogeant le règlement (CE) no 1172/95 du Conseil (JO 2009, L 152, p. 23), prévoit, à son article 3, paragraphe 1 :

« Les statistiques du commerce extérieur enregistrent les importations et les exportations de biens.

[...]

Une importation est enregistrée par les États membres dès lors que des biens entrent sur le territoire statistique de la Communauté conformément à l’une des procédures douanières ci-après, prévues par le code des douanes :

a)      mise en libre pratique ;

b)      perfectionnement actif ;

[...] »

21      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement :

« La source des données pour l’enregistrement des importations et des exportations de biens visées à l’article 3, paragraphe 1, est la déclaration en douane, y compris les modifications ou changements éventuellement apportés aux données statistiques à la suite de décisions y relatives, prises par les douanes. »

22      L’article 5, paragraphe 1, dudit règlement dispose :

« Les États membres obtiennent la série de données suivantes des enregistrements relatifs aux importations et exportations visées à l’article 3, paragraphe 1 :

[...]

c)      la valeur statistique des biens à la frontière nationale de l’État membre importateur ou exportateur ;

[...] »

23      L’article 6 du règlement no 471/2009 prévoit :

« 1.      Les États membres établissent, pour chaque période de référence mensuelle, des statistiques sur les importations et les exportations de biens, exprimées en valeur et en quantité, par :

a)      code biens ;

b)      États membres importateur/exportateur ;

c)      pays partenaires ;

d)      procédure statistique ;

e)      nature de la transaction ;

f)      traitement préférentiel à l’importation ;

g)      mode de transport.

[...] »

24      L’article 8 de ce règlement énonce :

« 1.      Les États membres transmettent à la Commission (Eurostat) les statistiques visées à l’article 6, paragraphe 1, au plus tard quarante jours après la fin de chaque période de référence mensuelle.

Les États membres veillent à ce que les statistiques contiennent des informations sur l’ensemble des importations et des exportations effectuées au cours de la période de référence en question et procèdent à des ajustements lorsque des enregistrements ne sont pas disponibles.

[...] »

25      Le règlement (UE) no 113/2010 de la Commission, du 9 février 2010, mettant en œuvre le règlement no 471/2009 pour ce qui est des échanges visés, de la définition des données, de l’établissement de statistiques du commerce par caractéristiques des entreprises et par monnaie de facturation, et des biens ou mouvements particuliers (JO 2010, L 37, p. 1), à son article 4, paragraphes 1 et 2, dispose :

« 1.      La valeur statistique se fonde sur la valeur des biens au moment et au lieu où ceux-ci franchissent la frontière de l’État membre de destination à l’importation et de l’État membre d’exportation réel à l’exportation.

La valeur statistique est calculée sur la base de la valeur des biens visés au paragraphe 2 et, le cas échéant, ajustée pour tenir compte des frais de transport et d’assurance, conformément au paragraphe 4.

2.      En ce qui concerne les principes d’évaluation énoncés dans l’accord sur la mise en œuvre de l’article VII de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (accord de l’OMC sur l’évaluation en douane), la valeur des biens à l’importation ou à l’exportation est :

a)      en cas de vente ou d’achat, le prix effectivement payé ou à payer pour les biens importés ou exportés, à l’exclusion des valeurs arbitraires ou fictives ;

b)      dans les autres cas, le prix qui aurait été payé en cas de vente ou d’achat.

La valeur en douane est utilisée si elle est déterminée d’après le code des douanes pour la mise en libre pratique des biens. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

26      En 2012, FAWKES, la requérante au principal, a importé dans l’Union, à plusieurs reprises, des produits textiles originaires de Chine. L’autorité douanière hongroise a considéré que les valeurs transactionnelles déclarées en application de l’article 29 du code des douanes étaient anormalement faibles. Considérant qu’il était impossible d’établir la valeur en douane de ces produits sur le fondement de la valeur transactionnelle en vertu de la règle établie à l’article 29 de ce code ou de recourir aux méthodes envisagées à l’article 30 de celui-ci, cette autorité a, à cette fin, appliqué l’article 31 dudit code, en adoptant plusieurs décisions, contre lesquelles la requérante au principal a introduit des recours devant la juridiction nationale compétente.

27      Ainsi qu’il ressort des observations soumises tant par la requérante au principal que par le gouvernement hongrois, confirmées sur ce point par les éléments du dossier soumis à la Cour, ces décisions ont été annulées par la juridiction nationale compétente. L’autorité douanière hongroise a adopté de nouvelles décisions, qui, elles aussi, ont été annulées à la suite de recours introduits par la requérante au principal. Cette autorité a alors adopté la décision litigieuse qui a établi la valeur en douane conformément à l’article 30, paragraphe 2, sous b), du code des douanes. À cette fin, elle a utilisé des éléments ressortant d’une banque de données nationale et se rapportant à une période de 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement. Ladite autorité n’a pas tenu compte d’autres opérations de dédouanement de la requérante au principal.

28      À l’appui de son recours contre la décision litigieuse, la requérante au principal a fait valoir, premièrement, que l’autorité douanière hongroise aurait dû consulter, afin d’établir la valeur en douane conformément à l’article 30, paragraphe 2, sous a) ou b), du code des douanes, les bases de données tenues auprès de plusieurs services de l’Union, tels que la direction générale (DG) « Taxation et Union douanière » (TAXUD) de la Commission européenne, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne. Deuxièmement, cette autorité douanière n’aurait pas dû exclure les valeurs transactionnelles afférentes à d’autres importations qui auraient été effectuées par la requérante au principal en Hongrie et dans d’autres États membres sans avoir été remises en cause par les autorités compétentes. Troisièmement, selon la requérante au principal, la période prise en compte aux fins de la détermination de la valeur en douane aurait dû être supérieure à celle de 90 jours à laquelle s’est référée ladite autorité douanière.

29      La juridiction nationale de première instance ayant rejeté ce recours, la requérante au principal s’est pourvue en cassation devant la Kúria (Cour suprême, Hongrie), la juridiction de renvoi. À l’appui de son pourvoi, la requérante au principal a réitéré ses griefs pris de la prétendue obligation de déterminer la valeur en douane en consultant les bases de données tenues au sein de l’Union, de tenir compte des valeurs transactionnelles relatives à d’autres importations de ladite requérante et de retenir une période pertinente supérieure à 90 jours.

30      Selon la juridiction de renvoi, lorsqu’il s’agit de déterminer la valeur en douane sur la base de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou similaires, au sens de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, une autorité douanière nationale ne peut pas omettre d’approcher les autorités douanières d’autres États membres. En l’absence, au niveau de l’Union, de base de données qui réunirait les informations nécessaires, cette disposition devrait être interprétée en ce sens qu’elle permet à l’autorité douanière d’un État membre de demander des informations à ses homologues d’autres États membres.

31      En outre, la juridiction de renvoi estime que l’autorité douanière peut ne pas tenir compte des valeurs transactionnelles retenues lors de dédouanements antérieurs effectués à la demande du même importateur s’il existe un doute quant au caractère acceptable de ces valeurs en douane, au sens de l’article 29 du code des douanes. La juridiction de renvoi considère également qu’une période de 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement, correspond à la notion de marchandises exportées à destination de l’Union « au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer », au sens de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), de ce code.

32      Dans ces conditions, la Kúria (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du [code des douanes] doit-il être interprété en ce sens que ce sont uniquement les valeurs figurant dans la base de données alimentée grâce aux propres opérations de dédouanement de l’autorité douanière de l’État membre qui peuvent et doivent être prises en compte comme valeurs en douane ?

2)      En cas de réponse négative à la première question, faut-il, afin de déterminer la valeur en douane en application de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, s’adresser aux autorités douanières d’autres États membres pour obtenir la valeur en douane de marchandises similaires figurant dans leurs bases de données et/ou est-il nécessaire de consulter une base de données [de l’Union] afin d’utiliser les valeurs en douane qui y figurent ?

3)      L’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes peut-il être interprété en ce sens que les valeurs transactionnelles des propres opérations du demandeur du dédouanement ne peuvent pas être prises en considération pour déterminer la valeur en douane, même si elles n’ont été contestées ni par l’autorité douanière nationale ni par les autorités douanières d’autres États membres ?

4)      L’exigence exprimée par la formule “au même moment ou à peu près au même moment”, telle que prévue à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, peut-elle recevoir une interprétation permettant de limiter la période de référence à une période comprise entre 45 jours avant et 45 jours après le dédouanement ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

33      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes doit être interprété en ce sens que, lors de la détermination de la valeur en douane conformément à cette disposition, l’autorité douanière d’un État membre peut se limiter à utiliser les éléments figurant dans la base de données nationale qu’elle alimente et qu’elle gère, ou s’il lui revient d’accéder aux informations détenues par les autorités douanières d’autres États membres ou par les institutions et les services de l’Union, au besoin en leur adressant une demande, afin d’obtenir des données complémentaires aux fins de cette détermination.

34      Il convient de relever que les dispositions du droit de l’Union relatives à l’évaluation en douane visent à établir un système équitable, uniforme et neutre qui exclut l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives. La valeur en douane doit donc refléter la valeur économique réelle d’une marchandise importée et, dès lors, tenir compte de l’ensemble des éléments de cette marchandise qui présentent une valeur économique (arrêt du 9 juillet 2020, Direktor na Teritorialna direktsiya Yugozapadna Agentsiya « Mitnitsi », C‑76/19, EU:C:2020:543, point 34 et jurisprudence citée).

35      Par ailleurs, compte tenu du lien de subsidiarité qui existe entre les différentes méthodes de détermination de la valeur en douane prévues à l’article 30, paragraphe 2, sous a) à d), du code des douanes, les autorités douanières doivent faire preuve de diligence dans la mise en œuvre de chacune des méthodes successives prévues à cette disposition avant de pouvoir conclure à son inapplicabilité (arrêt du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 52).

36      Ainsi, lorsque l’autorité douanière entreprend de déterminer la valeur en douane en application de l’article 30, paragraphe 2, sous a), du code des douanes, elle doit fonder son appréciation sur des éléments concernant des marchandises identiques, telles que celles-ci sont définies à l’article 142, paragraphe 1, sous c), du règlement d’application, exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer, tout en respectant les autres conditions que pose l’article 150 de ce dernier règlement, tenant, notamment, au niveau commercial auquel ces marchandises identiques sont vendues, à la quantité vendue ainsi qu’à la personne les ayant produites.

37      De manière analogue, lorsque l’autorité douanière, après avoir constaté que la méthode prévue à l’article 30, paragraphe 2, sous a), du code des douanes n’est pas applicable, entreprend de déterminer la valeur en douane conformément à l’article 30, paragraphe 2, sous b), de ce code, elle doit fonder son appréciation sur des éléments concernant des marchandises similaires, telles que celles-ci sont définies à l’article 142, paragraphe 1, sous d), du règlement d’application, exportées à destination de l’Union au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à évaluer, tout en respectant les autres conditions que pose l’article 151 de ce dernier règlement, lesquelles sont identiques à celles posées par l’article 150 de celui-ci.

38      Dans ce contexte, eu égard à l’obligation de diligence qui s’impose à elles dans la mise en œuvre de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, les autorités douanières sont tenues de consulter toutes les sources d’information et les bases de données dont elles disposent afin de définir la valeur en douane de la manière la plus précise et la plus proche possible de la réalité (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 56, et du 20 juin 2019, Oribalt Rīga, C‑1/18, EU:C:2019:519, point 27).

39      Conformément à cette obligation, chaque autorité douanière est tenue de recourir à la base de données nationale qu’elle gère et alimente, dans la mesure où cette base de données lui fournit les éléments nécessaires à l’application de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes moyennant l’adoption d’une décision motivée en conformité avec l’article 6, paragraphe 3, de ce code. En revanche, une autorité douanière ne saurait être tenue de chercher systématiquement, d’office ou sur simple demande, à accéder à des sources d’information ou à des bases de données qui ne lui sont pas nécessaires aux fins de l’application de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), dudit code, particulièrement lorsque son accès à ces sources d’information ou à ces bases de données n’est pas libre et immédiat ou que les données qu’elles recèlent ne sont pas susceptibles d’être incluses dans la motivation d’une décision adoptée en vertu de cette disposition.

40      Il convient de relever, à cet égard, que les autorités douanières alimentent les bases de données nationales au moyen des déclarations en douane qu’elles reçoivent en application du code des douanes. En particulier, il ressort d’une lecture combinée de l’article 3, paragraphe 1, second alinéa, et de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 471/2009 que les États membres sont tenus d’enregistrer toute importation de biens qui entrent dans leur territoire faisant parti du territoire statistique de l’Union, au sens de l’article 2, sous b), de ce règlement, en utilisant la déclaration en douane comme source des données pour l’enregistrement. Parmi les données statistiques que recensent les autorités douanières figure, selon l’article 5, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, la valeur statistique des biens à la frontière de l’État membre importateur, qui, selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 113/2010, se fonde sur la valeur des biens au moment et au lieu où ceux-ci franchissent la frontière de l’État membre de destination à l’importation.

41      Les bases de données nationales ainsi créées sont donc, en principe, susceptibles de renvoyer aux éléments nécessaires pour l’application de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes. De surcroît, chacune de ces bases de données nationales est, par définition, librement et immédiatement accessible à l’autorité douanière de l’État membre concerné qui l’alimente et la gère.

42      Dans ces conditions, l’éventuelle obligation d’une autorité douanière de l’État membre dans lequel a lieu l’opération de dédouanement de recourir aux éléments ressortant des bases de données établies et gérées par les autorités douanières des autres États membres ou par les services de l’Union dépend de la question de savoir si l’autorité douanière concernée est en mesure d’établir la valeur en douane de manière conforme à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes moyennant les éléments à sa disposition immédiate. Si cette autorité dispose déjà, à partir de bases de données qu’elle alimente et gère, des éléments nécessaires à cet effet, les informations contenues dans des bases de données gérées par d’autres autorités douanières ou par les services de l’Union ne présentent pas d’utilité particulière.

43      En outre, l’accès libre et immédiat à chacune des bases de données nationales est réservé à la seule autorité douanière de l’État membre concerné qui l’alimente et la gère, si bien que les autorités homologues d’autres États membres ne peuvent en puiser des informations que moyennant une demande introduite conformément au règlement no 515/97.

44      Il ressort, en effet, de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 515/97 que celui-ci détermine les conditions dans lesquelles les autorités administratives chargées dans les États membres de l’exécution des réglementations douanière et agricole collaborent entre elles ainsi et avec la Commission en vue d’assurer le respect de ces réglementations. Or, cette assistance est fournie soit, sur demande, conformément aux dispositions du titre premier de ce règlement, soit, de manière spontanée, conformément au titre II dudit règlement, dans des situations qui se distinguent d’un simple contrôle aux fins de la détermination de la valeur en douane.

45      Dans ces conditions, lorsque les éléments figurant dans la base de données nationale de l’État membre concerné suffisent à l’autorité douanière de cet État membre pour déterminer la valeur en douane, conformément à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, imposer l’obligation de chercher systématiquement à puiser des éléments issus des bases de données gérées par les autorités douanières des autres États membres aurait pour effet d’alourdir inutilement toute procédure de contrôle, ce qui pourrait compromettre la réalisation de l’objectif consistant à lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. En effet, cet objectif, énoncé à l’article 325 TFUE et au huitième considérant du code des douanes, requiert que les contrôles douaniers soient conclus en temps opportun permettant le prélèvement effectif et intégral des droits de douane [voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2022, Commission/Royaume-Uni (Lutte contre la fraude à la sous-évaluation), C‑213/19, EU:C:2022:167, points 209 à 211 et jurisprudence citée].

46      S’agissant des données statistiques recensées au niveau de l’Union, notamment celles dont les observations écrites déposées devant la Cour font mention, il n’est pas certain qu’elles contiennent nécessairement des éléments susceptibles d’être utilisés aux fins de la détermination de la valeur en douane en application de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, du fait de leur caractère agrégé et de leur nature confidentielle.

47      À cet égard, il y a lieu de relever que le règlement no 515/97 établit, en vertu de son titre V, un système d’information douanier qui consiste en une base de données centrale accessible à partir de terminaux placés dans chacun des États membres et à la Commission. Toutefois, il ressort de l’article 24, sous g), de ce règlement ainsi que du considérant 1 du règlement d’exécution 2016/346 que les autorités compétentes des États membres alimentent le système d’information douanier avec des informations concernant des événements pertinents, tels que la saisie ou la retenue de marchandises. Le système d’information douanier ne recense donc pas des informations concernant toute opération de dédouanement ayant lieu sur le territoire douanier de l’Union, dont les autorités compétentes pourraient extraire, en toute hypothèse, les éléments nécessaires pour déterminer la valeur en douane d’une marchandise conformément à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes.

48      De manière similaire, il ressort des articles 5, 6 et 8 du règlement no 471/2009 que les États membres transmettent à Eurostat des données agrégées portant sur les importations, exprimées en valeur et ventilées par code biens. Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 36 et 37 du présent arrêt, la détermination de la valeur en douane conformément à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes requiert l’examen d’éléments tels que les caractéristiques physiques, la qualité, la réputation, l’interchangeabilité des biens ainsi que le niveau commercial des ventes prises en compte.

49      Par conséquent, ainsi que le fait valoir le gouvernement hongrois, les données transmises par les États membres à Eurostat en vertu du règlement no 471/2009 ne paraissent pas, en elles-mêmes, aptes à permettre à l’autorité douanière de déterminer la valeur en douane de manière conforme à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes.

50      Tel est également le cas de toute base de données établie au niveau de l’Union, qui contient des informations d’intérêt douanier, telles que les tarifs, les règles d’origine, les taxes et les droits additionnels, les procédures et les formalités d’importation, les exigences relatives aux produits, les obstacles au commerce et les statistiques des flux commerciaux, sans offrir, pour autant, d’informations précises permettant de déterminer la valeur en douane conformément à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes.

51      De surcroît, l’obligation de motivation qui pèse sur les autorités douanières dans le cadre de la mise en œuvre du code des douanes a des répercussions sur la possibilité d’exploiter des bases de données gérées par les services de l’Union aux fins de la prévention de la fraude.

52      En effet, selon l’article 6, paragraphe 3, du code des douanes, les décisions prises par écrit qui ont des conséquences défavorables pour les personnes auxquelles elles s’adressent, sont motivées par les autorités douanières.

53      Ainsi, l’obligation de motivation qui pèse sur les autorités douanières dans le cadre de la mise en œuvre du code des douanes doit, premièrement, permettre de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque les raisons qui ont conduit celles-ci à écarter une ou plusieurs méthodes de détermination de la valeur en douane, en l’occurrence celle de l’article 29 du code des douanes (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 44).

54      Deuxièmement, cette obligation implique que lesdites autorités sont tenues d’exposer dans leur décision fixant le montant des droits à l’importation dus les données sur la base desquelles la valeur en douane des marchandises a été calculée, en l’occurrence sur le fondement de l’article 30, paragraphe 2, du code des douanes, tant pour permettre au destinataire de celle-ci de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile d’introduire un recours contre celle-ci que pour permettre aux juridictions d’exercer le contrôle de la légalité de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 45).

55      À supposer qu’ils puissent s’avérer utiles pour la détermination de la valeur en douane, des éléments confidentiels issus d’une base de données visant, moyennant des méthodes d’exploration statistique, à détecter des modèles commerciaux susceptibles de constituer des cas de fraude ne peuvent pas faire partie de la motivation exigée à l’article 6, paragraphe 3, du code des douanes. Par conséquent, la base de données dont ressortent ces éléments ne peut être considérée comme étant à la disposition des autorités douanières aux fins de la détermination de la valeur en douane, au sens de l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes.

56      Cela étant, les considérations exposées aux points 42 à 55 du présent arrêt n’empêchent pas l’autorité douanière d’un État membre d’adresser, en fonction des circonstances de chaque espèce et compte tenu de son devoir de diligence, aux autorités douanières d’autres États membres ou aux institutions et aux services de l’Union des demandes appropriées visant à obtenir les éléments complémentaires dont elle a besoin pour déterminer la valeur en douane (voir, par analogie, arrêt du 9 novembre 2017, LS Customs Services, C‑46/16, EU:C:2017:839, point 55), pourvu que ceux-ci soient susceptibles d’être portés à la connaissance de l’opérateur concerné en application de l’article 6, paragraphe 3, du code des douanes.

57      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes doit être interprété en ce sens que, lors de la détermination de la valeur en douane conformément à cette disposition, l’autorité douanière d’un État membre peut se limiter à utiliser les éléments figurant dans la base de données nationale qu’elle alimente et qu’elle gère, sans qu’il lui revienne, lorsque ces éléments sont suffisants à cet effet, d’accéder aux informations détenues par les autorités douanières d’autres États membres ou par les institutions et les services de l’Union, sans préjudice, si tel n’est pas le cas, de la possibilité, pour ladite autorité douanière, d’adresser une demande à ces autorités ou à ces institutions et services, afin d’obtenir des données complémentaires aux fins de cette détermination.

 Sur la troisième question

58      Par la troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes doit être interprété en ce sens que l’autorité douanière d’un État membre peut exclure, lors de la détermination de la valeur en douane, les valeurs transactionnelles relatives à d’autres opérations du demandeur du dédouanement, même si lesdites valeurs n’ont été contestées ni par cette autorité douanière ni par les autorités douanières d’autres États membres.

59      Il ressort de l’article 150, paragraphe 5, et de l’article 151, paragraphe 5, du règlement d’application que la valeur transactionnelle de marchandises, respectivement identiques ou similaires, est entendue comme étant la valeur transactionnelle d’autres marchandises, identiques ou similaires aux marchandises à évaluer, préalablement déterminée en vertu de l’article 29 du code des douanes.

60      Or, ces dispositions n’excluent pas que soient prises en compte, aux fins de la détermination, au regard d’une importation donnée, de la valeur en douane conformément à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, les valeurs transactionnelles établies en vertu de l’article 29 de ce code relatives à d’autres importations effectuées par le même opérateur.

61      Toutefois, selon l’article 78, paragraphes 1 et 2, du code des douanes, l’autorité douanière peut, après octroi de la mainlevée des marchandises, procéder à la révision de la déclaration en douane et/ou au contrôle des documents et des données commerciaux relatifs aux opérations d’importation des marchandises dont il s’agit. Il ressort, en outre, de l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes que le montant des droits, tant celui initialement établi que celui éventuellement établi après révision ou contrôle, doit être communiqué au débiteur dans un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière.

62      Enfin, il ressort de l’article 181 bis du règlement d’application que, lorsque l’autorité douanière est fondée à douter que la valeur déclarée des marchandises importées représente le montant total payé ou à payer pour celles-ci, elle peut rejeter le prix déclaré si ces doutes persistent après avoir éventuellement demandé la fourniture de toute information ou de tout document complémentaire et après avoir donné à la personne concernée une occasion raisonnable de faire valoir son point de vue à l’égard des motifs sur lesquels lesdits doutes sont fondés (arrêt du 16 juin 2016, EURO 2004. Hungary, C‑291/15, EU:C:2016:455, point 31).

63      Il ressort de l’ensemble des dispositions évoquées aux points 59 à 62 du présent arrêt que, lorsqu’elle détermine, au regard d’une importation donnée, la valeur en douane conformément à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, l’autorité douanière d’un État membre peut exclure les valeurs en douane déclarées à l’occasion d’autres importations du même opérateur dans ledit État membre, à condition que ladite autorité les remette préalablement en cause en application de l’article 78, paragraphes 1 et 2, du code des douanes, dans les limites temporelles imposées par l’article 221  de celui-ci et en suivant la procédure prévue à l’article 181 bis du règlement d’application.

64      La situation se présente de manière différente lorsque l’opérateur concerné invoque des valeurs transactionnelles relatives à des importations effectuées dans d’autres États membres. En effet, l’autorité douanière d’un État membre n’étant pas en position d’influencer les choix des autorités homologues d’autres États membres quant à l’application de l’article 181 bis du règlement d’application au regard d’une ou de plusieurs importations, le fait que ces dernières autorités n’ont pas remis en cause les valeurs transactionnelles en question ne saurait, à lui seul, empêcher la première d’apprécier le caractère plausible des valeurs transactionnelles invoquées par l’importateur. Dans une telle hypothèse, cette autorité conserve la possibilité d’exclure les valeurs en douane déclarées à l’occasion d’autres importations que le même opérateur a effectuées dans d’autres États membres, mais à condition qu’elle motive cette exclusion de manière conforme à l’article 6, paragraphe 3, du code des douanes par référence à des éléments affectant le caractère plausible des valeurs transactionnelles en question.

65      Compte tenu de ces considérations, il convient de répondre à la troisième question que l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes doit être interprété en ce sens que l’autorité douanière d’un État membre peut exclure, lors de la détermination de la valeur en douane, les valeurs transactionnelles relatives à d’autres opérations du demandeur du dédouanement, même si lesdites valeurs n’ont été contestées ni par cette autorité douanière ni par les autorités douanières d’autres États membres, à condition que, d’une part, pour ce qui est des valeurs transactionnelles relatives à des importations effectuées dans cet État membre, ladite autorité les remette préalablement en cause en application de l’article 78, paragraphes 1 et 2, du code des douanes, dans les limites temporelles imposées par l’article 221 de celui-ci et en suivant la procédure prévue à l’article 181 bis du règlement d’application, et, d’autre part, pour ce qui est des valeurs transactionnelles relatives à des importations effectuées dans d’autres États membres, cette autorité douanière motive cette exclusion de manière conforme à l’article 6, paragraphe 3, du code des douanes par référence à des éléments affectant leur caractère plausible.

 Sur la quatrième question

66      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de marchandises exportées « au même moment ou à peu près au même moment » que les marchandises à évaluer, employée à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, doit être interprétée en ce sens que, lors de la détermination de la valeur en douane conformément à cette disposition, l’autorité douanière peut se limiter à utiliser des données relatives à des valeurs transactionnelles se rapportant à une période de 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement des marchandises à évaluer.

67      Ainsi qu’il a été exposé au point 34 du présent arrêt, les dispositions relatives à l’évaluation en douane visent à établir un système équitable, uniforme et neutre qui exclut l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives. La valeur en douane doit donc refléter la valeur économique réelle d’une marchandise importée et, dès lors, tenir compte de l’ensemble des éléments de cette marchandise qui présentent une valeur économique.

68      Dans ce contexte, les autorités douanières sont tenues, ainsi qu’il a été relevé au point 38 du présent arrêt, de consulter toutes les sources d’information et les bases de données dont elles disposent afin de définir la valeur en douane de la manière la plus précise et la plus proche possible de la réalité.

69      C’est au regard de ces objectifs que doit être comprise l’obligation pesant sur les autorités douanières de déterminer la valeur en douane sur le fondement de la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou similaires, exportées « au même moment ou à peu près au même moment » que les marchandises à évaluer.

70      En particulier, l’exigence tenant à la prise en compte de la valeur transactionnelle de marchandises exportées « au même moment ou à peu près au même moment » que les marchandises à évaluer vise à garantir que sont retenues des opérations ayant eu lieu à une date suffisamment proche de la date d’exportation, de manière à éviter le risque d’une modification substantielle des pratiques commerciales et des conditions du marché qui affectent les prix des marchandises à évaluer.

71      Ainsi, une autorité douanière peut, en principe, ne tenir compte que de valeurs transactionnelles de marchandises identiques ou similaires vendues à l’exportation à destination de l’Union pendant une période fixée par celle-ci à 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement des marchandises à évaluer. En effet, cette période paraît suffisamment proche de la date d’exportation, de manière à éviter le risque d’une modification substantielle des pratiques commerciales et des conditions du marché qui affectent les prix des marchandises à évaluer. Partant, si ladite autorité conclut que les opérations d’exportation de marchandises identiques ou similaires aux marchandises à évaluer effectuées au cours de cette période lui permettent de déterminer la valeur en douane de ces derniers en conformité avec l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, elle ne saurait, en principe, être tenue d’élargir son enquête pour y inclure des exportations de marchandises identiques ou similaires effectuées en dehors de cette période.

72      En l’absence d’exportations de marchandises identiques ou similaires effectuées au cours de cette période de 90 jours, il incombe à l’autorité douanière d’examiner si de telles exportations ont été effectuées au cours d’une période plus longue, mais pas trop éloignée de la date d’exportation des marchandises à évaluer, pourvu que, pendant cette période plus longue, les pratiques commerciales et les conditions du marché qui affectent les prix des marchandises à évaluer soient restées substantiellement les mêmes. Ce n’est que si l’autorité douanière conclut, sous le contrôle du juge national, à l’inexistence de telles exportations, qu’elle peut recourir, successivement, aux méthodes de détermination de la valeur en douane énoncées à l’article 30, paragraphe 2, sous c) et d), du code des douanes ou, à défaut, à l’article 31 de celui-ci.

73      Il convient donc de répondre à la quatrième question que la notion de marchandises exportées « au même moment ou à peu près au même moment » que les marchandises à évaluer, visée à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du code des douanes, doit être interprétée en ce sens que, lors de la détermination de la valeur en douane conformément à cette disposition, l’autorité douanière peut se limiter à utiliser des données relatives à des valeurs transactionnelles se rapportant à une période de 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement des marchandises à évaluer, pour autant que les opérations d’exportation, à destination de l’Union, de marchandises identiques ou similaires aux marchandises à évaluer effectuées au cours de cette période permettent de déterminer la valeur en douane de ces dernières conformément à cette disposition.

 Sur les dépens

74      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :

1)      L’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, doit être interprété en ce sens que, lors de la détermination de la valeur en douane conformément à cette disposition, l’autorité douanière d’un État membre peut se limiter à utiliser les éléments figurant dans la base de données nationale qu’elle alimente et qu’elle gère, sans qu’il lui revienne, lorsque ces éléments sont suffisants à cet effet, d’accéder aux informations détenues par les autorités douanières d’autres États membres ou par les institutions et les services de l’Union européenne, sans préjudice, si tel n’est pas le cas, de la possibilité, pour ladite autorité douanière, d’adresser une demande à ces autorités ou à ces institutions et services, afin d’obtenir des données complémentaires aux fins de cette détermination.

2)      L’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 2913/92 doit être interprété en ce sens que l’autorité douanière d’un État membre peut exclure, lors de la détermination de la valeur en douane, les valeurs transactionnelles relatives à d’autres opérations du demandeur du dédouanement, même si lesdites valeurs n’ont été contestées ni par cette autorité douanière ni par les autorités douanières d’autres États membres, à condition que, d’une part, pour ce qui est des valeurs transactionnelles relatives à des importations effectuées dans cet État membre, ladite autorité les remette préalablement en cause en application de l’article 78, paragraphes 1 et 2, du règlement no 2913/92, dans les limites temporelles imposées par l’article 221 de celui-ci et en suivant la procédure prévue à l’article 181 bis du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 3254/94 de la Commission, du 19 décembre 1994, et, d’autre part, pour ce qui est des valeurs transactionnelles relatives à des importations effectuées dans d’autres États membres, cette autorité douanière motive cette exclusion de manière conforme à l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 2913/92 par référence à des éléments affectant leur caractère plausible.

3)      La notion de marchandises exportées « au même moment ou à peu près au même moment » que les marchandises à évaluer, visée à l’article 30, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 2913/92, doit être interprétée en ce sens que, lors de la détermination de la valeur en douane conformément à cette disposition, l’autorité douanière peut se limiter à utiliser des données relatives à des valeurs transactionnelles se rapportant à une période de 90 jours, dont 45 avant et 45 après le dédouanement des marchandises à évaluer, pour autant que les opérations d’exportation, à destination de l’Union européenne, de marchandises identiques ou similaires aux marchandises à évaluer effectuées au cours de cette période permettent de déterminer la valeur en douane de ces dernières conformément à cette disposition.

Signatures


*      Langue de procédure : le hongrois.