Language of document : ECLI:EU:T:2008:327

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 septembre 2008 (*)

« Dumping − Importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie et d’Ukraine − Modification de la définition du produit concerné − Application des mesures existantes aux nouveaux types de produit »

Dans l’affaire T‑348/05,

JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat, établie à Kirovo-Chepetsk (Russie), représentée initialement par Mes B. Servais et Y. Melin, puis par MServais, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté de MG. Berrisch, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes E. Righini et K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 945/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, modifiant le règlement (CE) nº 658/2002, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie, et le règlement (CE) nº 132/2001, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire, entre autres, d’Ukraine, à la suite d’un réexamen intermédiaire partiel au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 384/96 (JO L 160, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. O. Czúcz, président, J. D. Cooke et Mme I. Labucka (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 janvier 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Le 22 décembre 1995, le Conseil a adopté le règlement (CE) nº 384/96 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 56, p. 1, ci-après le « règlement de base »).

2        L’article 1er, du règlement de base, dispose en ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.

2. Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur. »

3        En vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, « [l]a détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif : a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté ; et b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire ».

4        Selon l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base, « on entend par ‘industrie communautaire’ l’ensemble des producteurs communautaires de produits similaires ou ceux d’entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure au sens de l’article 5, paragraphe 4, de la production communautaire totale de ces produits ».

5        L’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base dispose qu’une « enquête visant à déterminer l’existence, le degré et l’effet de tout dumping allégué est ouverte sur plainte présentée par écrit par toute personne physique ou morale ou toute association n’ayant pas la personnalité juridique, agissant au nom de l’industrie communautaire ».

6        Aux termes de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base :

« Une enquête n’est ouverte conformément au paragraphe 1 que s’il a été déterminé, en se fondant sur un examen du degré de soutien ou d’opposition à la plainte exprimée par les producteurs communautaires du produit similaire, que la plainte a été présentée par l’industrie communautaire ou en son nom. La plainte est réputée avoir été déposée par l’industrie communautaire ou en son nom si elle est soutenue par des producteurs communautaires dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale du produit similaire par la partie de l’industrie communautaire exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. Toutefois, il ne sera pas ouvert d’enquête lorsque les producteurs communautaires soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production totale du produit similaire produit par l’industrie communautaire. »

7        L’article 11, paragraphe 3, du règlement de base énonce :

« La nécessité du maintien des mesures peut aussi être réexaminée, si cela se justifie, à la demande de la Commission ou d’un État membre ou, sous réserve qu’une période raisonnable d’au moins un an se soit écoulée depuis l’institution de la mesure définitive, à la demande d’un exportateur, d’un importateur ou des producteurs de la Communauté, contenant des éléments de preuve suffisants établissant la nécessité d’un réexamen intermédiaire.

Il est procédé à un réexamen intermédiaire lorsque la demande contient des éléments de preuve suffisants que le maintien de la mesure n’est plus nécessaire pour contrebalancer le dumping et/ou que la continuation ou la réapparition du préjudice serait improbable au cas où la mesure serait supprimée ou modifiée ou que la mesure existante n’est pas ou n’est plus suffisante pour contrebalancer le dumping à l’origine du préjudice.

Lors des enquêtes effectuées en vertu du présent paragraphe, la Commission peut, entre autres, examiner si les circonstances concernant le dumping et le préjudice ont sensiblement changé ou si les mesures existantes ont produit les effets escomptés et éliminé le préjudice précédemment établi conformément à l’article 3. À ces fins, il est tenu compte de tous les éléments de preuve pertinents et dûment documentés dans la détermination finale. »

8        Enfin, l’article 13, paragraphes 1 et 3, du règlement de base dispose :

« 1. Les droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ainsi qu’aux importations de produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures ou de parties de ces produits, lorsque les mesures en vigueur sont contournées […] Le contournement se définit comme une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et la Communauté ou entre des sociétés du pays soumis aux mesures et la Communauté, découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit, en présence d’éléments attestant qu’il y a préjudice ou que les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires et d’éléments de preuve, si nécessaire fondés sur les dispositions de l’article 2, de l’existence d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires […]

3. Une enquête est ouverte, en vertu du présent article, à l’initiative de la Commission ou à la demande d’un État membre ou de toute partie intéressée, sur la base d’éléments de preuve suffisants relatifs aux facteurs énumérés au paragraphe 1 […] »

 Antécédents du litige

9        Par le règlement (CE) n° 658/2002, du 15 avril 2002, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie (JO L 102, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 993/2004 du Conseil, du 17 mai 2004, lequel modifie également le règlement (CE) n° 132/2001, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Pologne et d’Ukraine et clôturant la procédure antidumping à l’encontre des importations originaires de Lituanie (JO L 182, p. 28), le Conseil a institué un droit antidumping définitif de 47,07 euros par tonne sur les importations de nitrate d’ammonium relevant des codes NC 3102 30 90 et NC 3102 40 90 et originaire de Russie.

10      L’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement se lit comme suit :

« Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie relevant des codes NC 3102 30 90 et 3102 40 90. »

11      Par le règlement (CE) n° 132/2001 du Conseil, du 22 janvier 2001, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Pologne et d’Ukraine et clôturant la procédure antidumping à l’encontre des importations originaires de Lituanie (JO L 23, p. 1), tel que modifié par le règlement n° 993/2004, le Conseil a notamment institué un droit antidumping définitif de 33,25 euros par tonne sur les importations de nitrate d’ammonium relevant des codes NC 3102 30 90 et NC 3102 40 90 et originaire d’Ukraine.

12      L’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement est ainsi libellé :

« Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium autre qu’en solution aqueuse et les mélanges de nitrate d’ammonium et de carbonate de calcium ou d’autres matières inorganiques dépourvues de pouvoir fertilisant, d’une teneur en azote excédant 28 % en poids, relevant des codes NC 3102 30 90 et 3102 40 90 et originaires [...] d’Ukraine. »

13      Le règlement n° 658/2002 et le règlement nº 132/2001 seront, pris ensemble, ci-après dénommés les « règlements initiaux ». L’expression « règlement initial », au singulier, se référera au règlement nº 658/2002, tel que modifié par le règlement nº 953/2004.

14      Le 15 mars 2004, la Commission a été saisie par l’Association européenne des fabricants d’engrais (EFMA) d’une demande de réexamen intermédiaire partiel des mesures existantes (ci-après la « demande de réexamen »), présentée conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base. L’EFMA mentionnait, dans sa demande de réexamen, de nouveaux types de produit définis comme des engrais au nitrate d’ammonium ayant une teneur en azote supérieure à 28 % et inférieure à 33 % en poids, dans lesquels jusqu’à 5 % d’éléments fertilisants au phosphore et jusqu’à 5 % d’éléments fertilisants au potassium ont été ajoutés, mélangés ou transformés (engrais NP/NK/NPK).

15      Le 2 juillet 2004, la Commission a ouvert un réexamen intermédiaire partiel des mesures antidumping applicables aux importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie et d’Ukraine, conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base (JO C 172, p. 2). Ce réexamen intermédiaire portait uniquement sur la définition du produit concerné.

16      Dans le cadre de cette procédure, la Commission a envoyé un questionnaire d’enquête à seize producteurs-exportateurs établis en Russie et à un autre producteur-exportateur établi en Ukraine, ainsi qu’aux importateurs, aux producteurs et aux associations concernées dans la Communauté.

17      La requérante, JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat, est une société de droit russe spécialisée dans la fabrication de fluoroplastiques, de substances chimiques, de produits médicaux et d’engrais, y compris le nitrate d’ammonium. Elle exporte du nitrate d’ammonium et d’autres engrais vers la Communauté européenne.

18      Par télécopie du 4 août 2004, la requérante a demandé, d’une part, une prorogation du délai pour soumettre sa réponse au questionnaire d’enquête et, d’autre part, une audition par la Commission conformément au point 6, sous b), de l’avis d’ouverture du réexamen et à l’article 6, paragraphe 5, du règlement de base.

19      La requérante a ensuite présenté à la Commission une réponse au questionnaire d’enquête.

20      Le 24 août 2004, la requérante a également fait parvenir à la Commission des observations sur la demande de réexamen déposée par l’EFMA.

21      Le 4 février 2005, la Commission a adressé à la requérante un document d’information concernant les faits et considérations essentiels sur le fondement desquels elle entendait proposer au Conseil l’adoption d’un règlement, ainsi qu’une annexe à ce document répondant aux observations faites par la requérante le 24 août 2004.

22      Par lettre du 16 février 2005, la requérante a présenté des observations sur le document d’information final. Par cette lettre, elle a également demandé à être entendue conformément à l’article 6, paragraphe 5, du règlement de base.

23      Le 21 juin 2005, sur proposition de la Commission, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 945/2005, modifiant le règlement n° 658/2002, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie et le règlement n° 132/2001, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire, entre autres, d’Ukraine, à la suite d’un réexamen intermédiaire partiel au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base (JO L 160, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

24      Aux termes de l’article 1er du règlement attaqué :

« 1      L’article 1er, paragraphe 1, du règlement [...] n° 658/2002 est remplacé par le texte suivant :

‘1. Un droit antidumping définitif est institué sur les importations d’engrais solides ayant une teneur en nitrate d’ammonium excédant 80 % en poids, relevant des codes NC 3102 30 90, 3102 40 90, ex 3102 29 00, ex 3102 60 00, ex 3102 90 00, ex 3105 10 00, ex 3105 20 10, ex 3105 51 00, ex 3105 59 00 et ex 3105 90 91, et originaires de Russie.’

2)      L’article 1er, paragraphe 1, du règlement [...] n° 132/2001 est remplacé par le texte suivant :

‘1. Un droit antidumping définitif est institué sur les importations d’engrais solides ayant une teneur en nitrate d’ammonium excédant 80 % en poids, relevant des codes NC 3102 30 90, 3102 40 90, ex 3102 29 00, ex 3102 60 00, ex 3102 90 00, ex 3105 10 00, ex 3105 20 10, ex 3105 51 00, ex 3105 59 00 et ex 3105 90 91, et originaires d’Ukraine.’ […] »

25      Par lettre du 23 juin 2005, la Commission a répondu aux arguments soulevés par la requérante dans sa lettre du 16 février 2005.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 septembre 2005, la requérante a introduit le présent recours.

27      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 6 février 2006, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Elle a toutefois renoncé à présenter des observations écrites.

28      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

29      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 janvier 2008.

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

31      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours.

 En droit

33      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base et du droit douanier communautaire. Le second est tiré de la violation des droits de la défense.

 Arguments des parties

34      Dans le cadre du premier moyen, la requérante allègue que le règlement attaqué étend la définition du produit concerné retenue par les mesures instituées par les règlements initiaux (ci-après les « mesures existantes »). Par conséquent, le règlement attaqué prévoirait l’application des mesures existantes à des produits autres que le produit concerné (ci-après les « nouveaux types de produit »), ce qui constituerait une violation de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base ainsi que du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), et du règlement (CEE) nº 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement nº 2913/92 (JO L 253, p. 1). En outre, l’approche adoptée par les institutions communautaires dans le règlement attaqué irait à l’encontre de la pratique communautaire dans des procédures antidumping antérieures.

35      En premier lieu, il résulterait des termes même de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement attaqué que la définition du produit concerné et le champ d’application résultant du règlement initial ont été modifiés. La nouvelle définition du produit concerné couvrirait non seulement le nitrate d’ammonium contenant une quantité limitée de matières dépourvues de pouvoir fertilisant (visé par le règlement initial), mais également le nitrate d’ammonium contenant d’autres matières fertilisantes, dont les institutions communautaires auraient elles-mêmes reconnu qu’ils n’étaient pas le produit concerné. Ainsi, le règlement attaqué modifierait le règlement initial afin qu’un droit antidumping puisse être institué sur les importations d’engrais solides ayant une teneur en nitrate d’ammonium excédant 80 % en poids. Selon la requérante, la catégorie des engrais solides ayant une teneur en nitrate d’ammonium excédant 80 % en poids est plus large que celle du nitrate d’ammonium et constitue par conséquent un produit différent.

36      En deuxième lieu, les institutions communautaires ne sauraient appliquer les mesures existantes aux produits autres que le produit concerné. Il ressortirait clairement du libellé des articles 1er, paragraphe 2, de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base que des droits antidumping ne peuvent être institués que sur les importations du produit concerné, à condition qu’il ait été constaté que ce produit est vendu à des prix de dumping et que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice à l’industrie communautaire. Dans ces conditions, l’approche retenue par le règlement attaqué serait illégale, en ce qu’il étendrait les mesures existantes aux produits qui n’ont pas été soumis à l’enquête et pour lesquels, par conséquent, aucun dumping ni aucun préjudice à l’industrie communautaire n’a été constaté.

37      À cet égard, la requérante estime que, comme les nouveaux types de produit ne relèvent pas de la définition du produit concerné, il est impossible, d’une part, de les comparer aux produits similaires vendus sur le marché intérieur du pays exportateur afin de déterminer s’ils font l’objet d’un dumping et, d’autre part, d’évaluer si les importations des nouveaux types de produit ont causé un préjudice aux producteurs communautaires du produit similaire. En d’autres termes, dès lors qu’un produit ne relève pas de la définition du produit concerné dans une enquête antidumping, aucun droit antidumping ne pourrait lui être appliqué à l’issue de cette enquête. Il serait indifférent que ces produits contiennent une certaine proportion du produit concerné par l’enquête.

38      La requérante fait observer qu’il n’est juridiquement pas possible d’instituer des droits antidumping sur un produit contenu dans un autre produit sans, en fait, instituer des droits sur ce dernier. Le Conseil l’aurait parfaitement compris, puisque le dispositif du règlement attaqué n’aurait pas institué les droits sur le nitrate d’ammonium contenu dans les nouveaux types de produit, mais aurait au contraire institué des droits antidumping sur les importations desdits produits.

39      Dans ce contexte, il serait sans importance que les caractéristiques physiques et chimiques et, partant, les caractéristiques agronomiques du nitrate d’ammonium contenu dans les nouveaux types de produit soient influencées, ou non, par la présence de phosphore et/ou de potassium. En effet, ce qui importerait pour définir le produit concerné ne serait pas le fait que les caractéristiques physiques et chimiques du nitrate d’ammonium contenu dans les nouveaux types de produit restent inchangées, mais le fait que les caractéristiques physiques et chimiques de ces derniers sont différentes des caractéristiques du produit concerné en raison de la présence de phosphore et/ou de potassium. Les institutions auraient établi que le produit concerné et les nouveau types de produit ne partagent pas les mêmes caractéristiques physiques et chimiques de base et ne peuvent donc pas être considérés comme un produit unique, ce qui signifierait que les nouveaux types de produit n’entrent pas dans la définition du produit concerné au sens du règlement initial. Par conséquent, les institutions ne pourraient pas étendre l’application des mesures existantes aux nouveaux types de produit, fût-ce au motif que le nitrate d’ammonium contenu dans ceux-ci présente les mêmes caractéristiques agronomiques.

40      Il serait également indifférent que les agriculteurs utilisent effectivement le produit concerné et les nouveaux types de produit aux mêmes fins. À supposer même que tel soit le cas le fait que ces produits présentent des caractéristiques physiques et chimiques différentes auraient dû empêcher les institutions communautaires de conclure qu’il y avait lieu d’inclure les nouveaux types de produit dans la définition du produit concerné.

41      Si les institutions communautaires estimaient que les nouveaux types de produit étaient vendus à des prix de dumping dans la Communauté et qu’ils causaient un préjudice à l’industrie communautaire, elles auraient dû ouvrir une enquête antidumping au titre de l’article 5 du règlement de base. Si elles avaient eu des raisons de croire que les mesures antidumping instituées à l’encontre des importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie et d’Ukraine étaient contournées par des importations des nouveaux types de produit, elles auraient pu demander l’extension de ces mesures à ces produits moyennant l’ouverture d’une enquête anti-contournement en vertu de l’article 13, du règlement de base. Cependant, les institutions communautaires ne sauraient instituer des droits antidumping sur des produits autres que le produit concerné par le biais d’une enquête de réexamen intermédiaire partiel ouverte en application de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base.

42      En troisième lieu, la requérante allègue que l’approche que les institutions communautaires ont retenue dans le règlement attaqué est également contraire aux dispositions du règlement nº 2913/92 et du règlement nº 2454/93, qui prévoient l’application de droits à des produits déterminés, tels que désignés dans le tarif douanier commun (voir article 20, paragraphe 1, du règlement nº 2913/92.

43      En quatrième lieu, l’approche adoptée par les institutions communautaires irait à l’encontre de la pratique communautaire dans des procédures antidumping antérieures. Par le passé, les institutions communautaires auraient ouvert, dans une situation analogue à celle de l’espèce dans laquelle le nitrate d’ammonium est l’un des composants des nouveaux types de produit, des procédures antidumping distinctes à l’encontre des importations de certaines pièces ou composants, d’une part, et à l’encontre d’importations de produits obtenus à partir de ces pièces ou composants, d’autre part.

44      Premièrement, le Conseil et la requérante conviennent qu’il n’est pas possible, dans le cadre d’un réexamen, d’étendre la définition du produit concerné par les mesures existantes : un réexamen ne peut avoir pour effet que les mesures existantes s’appliquent à des produits qui n’entrent pas dans la définition du produit concerné. Toutefois, le règlement attaqué n’appliquerait pas les mesures existantes à des produits n’entrant pas dans la définition du produit concerné. Le Conseil rappelle à cet égard que les institutions ont décidé de ne pas étendre les mesures existantes aux nouveaux types de produit, étant donné qu’ils n’entraient pas dans la définition du produit concerné. Les institutions auraient cependant estimé, d’une part, que les nouveaux types de produit contenaient le produit concerné, c’est-à-dire le nitrate d’ammonium, ainsi que des matières et éléments fertilisants accessoires, et, d’autre part, que les mesures existantes devaient donc être appliquées au produit concerné contenu dans les nouveaux types de produit. Lors de l’audience, le Conseil a clarifié que le droit n’était perçu que sur le nitrate d’ammonium contenu dans les nouveaux types de produit et qu’il s’agissait par conséquent d’un droit calculé par tonne. Le pourcentage de nitrate d’ammonium serait bien inférieur dans les nouveaux types de produit. Le Conseil soutient que la requérante n’a pas démontré que ces conclusions étaient fondées sur des faits inexacts ou étaient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

45      Le Conseil considère que l’allégation de la requérante est viciée par la description erronée qu’elle fait du produit concerné par les mesures existantes et par le fait qu’elle n’établit pas de distinction entre le nitrate d’ammonium en tant qu’engrais et la substance chimique nitrate d’ammonium. Il ressortirait clairement du dispositif des règlements initiaux, en particulier lorsqu’il est lu en relation avec la définition du produit concerné figurant dans leurs considérants, que le produit concerné est le nitrate d’ammonium, engrais solide dont la teneur en azote excède 28 %. Les institutions auraient également exposé clairement ce point aux considérants 16 et 17 du règlement attaqué. Par conséquent, la définition du produit concerné contenue dans le règlement attaqué serait identique à celle qui figure dans les règlements initiaux, puisque, si la teneur en azote d’un produit dépasse 28 %, sa teneur en nitrate d’ammonium est toujours supérieure à 80 %. Dès lors, le règlement attaqué n’aurait pas étendu la définition du produit concerné.

46      Selon le Conseil, les conclusions des institutions reposaient sur deux considérations, que la requérante ne conteste pas. En premier lieu, les institutions auraient estimé que la présence de phosphore et/ou de potassium dans un engrais NP/NK/NPK était sans effet sur les caractéristiques agronomiques de l’azote ou du nitrate d’ammonium. En second lieu, sur la base d’une enquête de marché, les institutions auraient établi que, pendant la période d’enquête, des agriculteurs ont utilisé aux mêmes fins le produit concerné et les nouveaux types de produit. Les arguments théoriques concernant l’effet de la présence de phosphore sur l’utilisation des produits, avancés par la requérante pendant l’enquête et réitérés lors de la présente procédure, auraient toutefois été contredits par les constatations des institutions relatives à l’utilisation effective des produits par les agriculteurs pendant la période d’enquête, lesquelles ont démontré que la présence de phosphore et/ou de potassium n’entraînait pas de différences d’utilisation. Ni au cours de l’enquête, ni dans ses écritures, la requérante n’aurait contesté les constatations des institutions selon lesquelles les agriculteurs utilisaient effectivement le produit concerné et les nouveaux types de produit aux mêmes fins et étaient uniquement passés à ces derniers parce qu’ils étaient moins chers.

47      En outre, la requérante n’aurait invoqué aucun principe général du droit communautaire interdisant aux institutions d’instituer des droits antidumping sur un produit incorporé dans un autre produit et importé en tant que partie intégrante de celui-ci.

48      Le Conseil fait valoir que la requérante n’avance aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle l’article 1er, paragraphes 3 et 4, du règlement attaqué montrerait que les institutions ont institué un droit sur les nouveaux types de produit et non sur le produit concerné contenu dans ces produits. Il ressortirait clairement du texte du dispositif du règlement attaqué que le produit concerné est défini à l’article 1er, paragraphes 1 et 2, et que l’article 1er, paragraphes 3 et 4, ne fixe que le montant du droit. Cette conclusion serait encore renforcée par le considérant 36 du règlement attaqué, qui expliquerait que l’article 1er, paragraphes 3 et 4, dudit règlement a pour objet la fixation des taux des droits sur les importations du produit concerné contenu dans les nouveaux types de produit.

49      Il ressortirait de tout ce qui précède que le règlement attaqué n’étend pas mais clarifie la définition du produit concerné. Plus particulièrement, le règlement attaqué n’appliquerait pas les droits aux nouveaux types de produit mais au produit concerné, y compris lorsqu’il entre dans la composition d’un engrais de type NP/NK/NPK.

50      Deuxièmement, le Conseil considère qu’il serait indifférent que, dans des enquêtes antérieures, les institutions aient adopté des mesures distinctes à l’égard des produits finis et de leurs pièces, les faits en cause n’étant pas comparables à ceux de l’espèce.

51      La Commission soutient l’argumentation du Conseil.

 Appréciation du Tribunal

52      Dans le cadre du présent moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le règlement attaqué viole l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base en ce que le Conseil, par le biais d’une modification prétendument destinée à clarifier la définition du produit concerné contenue dans les règlements initiaux, a étendu les mesures existantes à des produits autres que ledit produit concerné.

53      À cet égard, il y a lieu de formuler les observations liminaires suivantes.

54      Il convient de relever que deux éléments ne sont pas contestés par les parties. En premier lieu, le Conseil et la requérante conviennent à juste titre qu’il n’est pas possible, dans le cadre d’un réexamen au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, d’étendre la définition du produit concerné par les mesures existantes et qu’un tel réexamen ne peut avoir pour effet de rendre ces mesures applicables à des produits qui ne relèvent pas de la définition du produit concerné. En deuxième lieu, la requérante et le Conseil s’accordent, également à juste titre, pour considérer que le produit concerné par les règlements initiaux et les nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué ne sont pas identiques.

55      Il y a lieu par ailleurs de rappeler que le produit concerné par les règlements initiaux est le nitrate d’ammonium originaire de Russie et d’Ukraine, relevant des codes NC 3102 30 90 (nitrate d’ammonium autre qu’en solution aqueuse) et NC 3102 40 90 (mélanges de nitrate d’ammonium et de carbonate de calcium ou d’autres matières inorganiques dépourvues de pouvoir fertilisant, d’une teneur en azote excédant 28 % en poids). Le nitrate d’ammonium est un engrais azoté solide couramment utilisé dans l’agriculture. Il est obtenu à partir d’ammoniac et d’acide nitrique et sa teneur en azote dépasse 28 % en poids sous forme granulée ou microgranulée (considérant 16 du règlement attaqué).

56      Le produit concerné contient toujours des matières inorganiques dépourvues de pouvoir fertilisant, nécessaires en tant qu’agents stabilisants. Il contient parfois également des éléments fertilisants secondaires et/ou des oligoéléments en quantités très limitées. La présence de matières inorganiques dépourvues de pouvoir fertilisant, d’éléments fertilisants secondaires et/ou d’oligoéléments peut être considérée comme accessoire et n’a aucune influence sur le classement douanier du produit concerné. Dans le règlement attaqué, on entend par « produit concerné » le nitrate d’ammonium, y compris ces matières et/ou éléments fertilisants (ci-après les « matières et/ou éléments fertilisants accessoires ») (considérant 17 du règlement attaqué).

57      Dans le règlement attaqué, le Conseil, premièrement, a retenu, que les nouveaux types de produit visés par la demande de réexamen ne pouvaient pas, d’un point de vue chimique, physique et agronomique, être considérés comme identiques au produit concerné en raison de la présence d’éléments fertilisants majeurs autres que l’azote, à savoir le phosphore et/ou le potassium. Néanmoins, le produit concerné au sens des règlements initiaux et les nouveaux types de produit visés par la demande de réexamen étaient, selon le Conseil, similaires en termes de teneur en nitrate d’ammonium − à condition qu’elle dépasse 80 % en poids −, de matières et/ou éléments fertilisants accessoires qu’ils pouvaient contenir et d’utilisations finales essentielles. Par conséquent, la teneur en nitrate d’ammonium et les matières et/ou éléments fertilisants accessoires des nouveaux types de produit visés par la demande de réexamen ne les différenciaient pas du produit concerné visé par les règlements initiaux (considérant 28 du règlement attaqué).

58      Deuxièmement, selon le Conseil, les nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué autres que ceux mentionnés dans la demande de réexamen étaient identiques au produit concerné en termes de teneur en nitrate d’ammonium − à condition qu’elle dépasse 80 % en poids −, de matières et/ou éléments fertilisants accessoires qu’ils pouvaient contenir et d’utilisations finales essentielles. Par conséquent, la teneur en nitrate d’ammonium et les matières et/ou éléments fertilisants accessoires des nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué autres que ceux mentionnés dans la demande de réexamen ne les différenciaient pas du produit concerné visé par les règlements initiaux (considérant 33 du règlement attaqué)

59      À la lumière des constatations opérées aux considérants 20 à 28 du règlement attaqué, relatifs aux caractéristiques chimiques et physiques et aux utilisations finales du produit concerné au sens des règlements initiaux et des nouveaux types de produit visés par la demande de réexamen, et aux considérants 29 à 33 du règlement attaqué, relatifs aux caractéristiques chimiques et physiques et aux utilisations finales du produit concerné au sens des règlements initiaux et des nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué autres que ceux mentionnés dans la demande de réexamen, le Conseil a conclu, au considérant 35 du règlement attaqué, que tous les nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué devraient être considérés comme relevant de la définition du produit concerné uniquement par rapport à leur teneur en nitrate d’ammonium − à condition qu’elle dépasse 80 % en poids −, ainsi qu’aux matières et/ou éléments fertilisants accessoires, mais pas en ce qui concerne les éléments fertilisants majeurs que constituent le phosphore et le potassium. Le Conseil en a déduit que, pour pouvoir appliquer les mesures existantes uniquement au produit concerné incorporé dans tous les nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué, il semblait justifié d’avoir recours à une méthode proportionnelle.

60      Au considérant 38 du règlement attaqué, le Conseil a précisé que ses conclusions ne prévoyaient pas l’extension des mesures existantes en tant que telles aux nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué, mais leur application en fonction de la proportion du produit concerné qu’ils contiennent.

61      Au vu de ces observations liminaires, il importe dès lors de déterminer si le Conseil est compétent, à l’issue d’une procédure de réexamen menée au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base, pour appliquer des mesures antidumping initialement instituées pour un produit concerné à celui-ci en tant qu’il est incorporé dans un autre type de produit.

62      Il convient de conclure que la réponse à cette question doit être négative. Le composant d’un produit fini peut, bien entendu, faire l’objet de mesures antidumping, mais, dans ce cas, il doit être considéré comme étant un produit concerné en tant que tel. Lorsque ce composant n’est pas envisagé en soi, mais comme élément d’un autre produit, c’est cet autre produit, avec tous ses composants, qui constitue le produit concerné, et l’enquête antidumping doit dès lors porter sur ce produit indépendamment desdits composants. Seuls des produits qui ont fait l’objet d’une enquête antidumping sont susceptibles d’être soumis à des mesures antidumping, dès lors qu’il a été constaté que les produits en question sont exportés vers la Communauté à un prix inférieur au prix des « produits similaires » au sens de l’article 1er, du règlement de base. Par conséquent, dès lors qu’il est constant que les nouveaux types de produits visés par le règlement attaqué diffèrent du produit concerné au sens des règlements initiaux, il est impossible de leur imposer un droit antidumping sans, au préalable, procéder à une enquête afin d’examiner si ces produits font, eux aussi, l’objet d’un dumping sur le marché communautaire.

63      En effet, dans une telle hypothèse, pour déterminer s’il y a dumping, il convient, en vertu de l’article 5 du règlement de base, de comparer le produit concerné, indépendamment de ses composants, avec les produits similaires vendus sur le marché du pays exportateur. De même, pour déterminer si les importations causent un préjudice, il faut examiner l’impact de ces importations sur les producteurs communautaires du produit similaire. Or, les producteurs du produit concerné tel que considéré dans son ensemble, ne sont pas nécessairement les mêmes que les producteurs des composants de ce produit.

64      Il ressort de tout ce qui précède que le Conseil, en clarifiant, dans le cadre d’un réexamen intermédiaire, la définition du produit concerné contenue dans les règlements initiaux afin d’appliquer les mesures existantes au produit concerné incorporé dans les nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué est sorti du cadre prévu par le règlement de base pour cette procédure. L’application des mesures existantes aux nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué, ces derniers, en tant que tels, et le produit concerné visé par les règlements initiaux n’étant pas considérés comme similaires, constitue une violation de l’article 11, paragraphe 3, du règlement de base.

65      Il s’ensuit que le premier moyen est fondé et qu’il n’y a par conséquent pas lieu d’examiner les autres arguments de la requérante. Dès lors, il convient d’annuler le règlement attaqué, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen.

66      À titre surabondant, il y a lieu de relever que le fait de modifier la définition initiale du produit concerné afin d’étendre l’application des mesures existantes aux nouveaux types de produit visés par le règlement attaqué, même de façon proportionnelle à la présence dans ceux-ci du produit concerné, est incompatible avec l’économie du règlement de base, en particulier avec la procédure d’enquête prévue à l’article 13 de ce règlement pour combattre le contournement des mesures en vigueur.

67      Il ressort en effet de la demande de réexamen que l’EFMA faisait valoir que les nouveaux types de produit qu’elle visait, qui possédaient les mêmes caractéristiques physiques et chimiques et qui étaient destinés aux mêmes utilisations finales que le produit concerné au sens des règlements initiaux, étaient apparus sur le marché (voir avis d’ouverture, point 4). Selon l’EFMA, le produit concerné au sens des règlements initiaux et les nouveaux types de produit qu’elle visait devaient être considérés comme un seul et même produit.

68      Le Conseil aurait dès lors dû déterminer si les nouveaux types de produits visés par l’enquête, c’est-à-dire, les engrais solides ayant une teneur en nitrate d’ammonium excédant 80 % en poids assortis d’autres éléments fertilisants majeurs, pouvaient constituer des « produits similaires » par rapport au produit concerné, au sens des articles 1er et 13 du règlement de base, au lieu de conclure, d’une part, au considérant 28 du règlement attaqué, que le produit concerné et les nouveaux types de produit visés par la demande de réexamen étaient similaires en terme de teneur en nitrate d’ammonium – à condition qu’elle dépasse 80 % en poids –, de matières et/ou éléments fertilisants accessoires qu’ils pouvaient contenir et d’utilisations finales essentielles et, d’autre part, au considérant 33 du règlement attaqué, que le produit concerné et les nouveaux types de produit autres que ceux mentionnés dans la demande de réexamen étaient identiques en terme de teneur en nitrate d’ammonium – à condition qu’elle dépasse 80 % en poids –, de matières et/ou éléments fertilisants accessoires qu’ils pouvaient contenir et d’utilisations finales essentielles.

69      Or, l’article 13, paragraphes 1 et 3, du règlement de base prévoit que, lorsque des mesures en vigueur sont contournées en raison de l’importation en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ainsi que de produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures ou de parties de ces produits, une enquête peut être ouverte en vue d’examiner la nécessité d’étendre les mesures en vigueur à de tels produits similaires.

70      Le Conseil ne saurait dès lors contourner l’exigence d’une enquête au titre de l’article 13 du règlement de base par le biais d’une modification de la définition du produit concerné dans le cadre de l’application de l’article 11, paragraphe 3, du même règlement.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. La Commission supportera ses propres dépens aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, selon lequel les institutions qui sont intervenues dans le litige supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement (CE) nº 945/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, modifiant le règlement (CE) nº 658/2002, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire de Russie, et le règlement (CE) nº 132/2001, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de nitrate d’ammonium originaire, entre autres, d’Ukraine, à la suite d’un réexamen intermédiaire partiel au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 384/96, est annulé.

2)      Le Conseil supportera ses propres dépens et les dépens exposés par JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat.

3)      La Commission supportera ses propres dépens.

Czúcz

Cooke

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 septembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


* Langue de procédure : l’anglais.