Language of document : ECLI:EU:T:2010:200

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

18 mai 2010 (*)

« Recours en annulation – Concentrations – Décision de clore la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 139/2004 – Délai de recours – Point de départ – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑200/09,

Abertis Infraestructuras, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes M. Roca Junyent et P. Callol García, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci et É. Gippini Fournier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 13 août 2008 de clore la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), en ce qui concerne une opération de concentration entre la requérante et Autostrade SpA (affaire COMP/M.4388 – Abertis/Autostrade),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. N. Wahl et A. Dittrich (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        Le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1), prévoit un système de contrôle par la Commission européenne des opérations de concentration ayant une dimension communautaire, telles que définies aux articles 1er et 3 dudit règlement. Ces opérations de concentration doivent être notifiées à la Commission avant leur réalisation (article 4 du règlement n° 139/2004). La Commission examine leur compatibilité avec le marché commun (article 2 du règlement n° 139/2004).

2        L’article 21 du règlement n° 139/2004 dispose :

« Application du règlement et compétence

1. Le présent règlement est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3, et les règlements du Conseil (CE) n° 1/2003, (CEE) n° 1017/68, (CEE) n° 4056/86 et (CEE) n° 3975/87 ne sont pas applicables, sauf aux entreprises communes qui n’ont pas de dimension communautaire et qui ont pour objet ou pour effet la coordination du comportement concurrentiel d’entreprises qui restent indépendantes.

2. Sous réserve du contrôle de la Cour de justice, la Commission a compétence exclusive pour arrêter les décisions prévues au présent règlement.

3. Les États membres n’appliquent pas leur législation nationale sur la concurrence aux concentrations de dimension communautaire.

Le premier alinéa ne préjuge pas du pouvoir des États membres de procéder aux enquêtes nécessaires à l’application de l’article 4, paragraphe 4, de l’article 9, paragraphe 2, et de prendre, après renvoi, conformément à l’article 9, paragraphe 3, premier alinéa, sous b), ou paragraphe 5, les mesures strictement nécessaires en application de l’article 9, paragraphe 8.

4. Nonobstant les paragraphes 2 et 3, les États membres peuvent prendre les mesures appropriées pour assurer la protection d’intérêts légitimes autres que ceux qui sont pris en considération par le présent règlement et compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire.

Sont considérés comme intérêts légitimes, au sens du premier alinéa, la sécurité publique, la pluralité des médias et les règles prudentielles.

Tout autre intérêt public doit être communiqué par l’État membre concerné à la Commission et reconnu par celle-ci après examen de sa compatibilité avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire avant que les mesures visées ci-dessus puissent être prises. La Commission notifie sa décision à l’État membre concerné dans un délai de vingt-cinq jours ouvrables à dater de ladite communication. »

 Antécédents du litige

3        La requérante, Abertis Infraestructuras, SA, est une entreprise espagnole dont l’activité principale est la gestion d’autoroutes à péage. Schemaventotto SpA, une société de droit italien, contrôle Atlantia SpA, anciennement Autostrade SpA (ci‑après « Autostrade »), qui contrôle à son tour Autostrade per l’Italia SpA, organisme concessionnaire de construction et de gestion d’autoroutes à péage en Italie.

4        Le 23 avril 2006, les conseils d’administration de la requérante et d’Autostrade ont approuvé la « concentration Abertis/Autostrade », un projet d’union qui devait entraîner la fusion par incorporation d’Autostrade dans la requérante et la création d’une nouvelle société ayant son siège en Espagne. Cette concentration a ensuite été approuvée par les assemblées d’actionnaires de la requérante et d’Autostrade.

5        Par avis contraignant du 4 août 2006, le ministre des Infrastructures italien et le ministre de l’Économie et des Finances italien et, par décision du 5 août 2006, l’entité publique responsable de l’attribution des concessions autoroutières en Italie (ci-après « ANAS ») ont rejeté la demande d’autorisation de la concentration entre la requérante et Autostrade, présentée par cette dernière. Selon ANAS, la concentration était soumise à l’autorisation préalable de l’administration, parce qu’elle donnait lieu à une modification du titulaire de la concession.

6        Le 18 août 2006, la requérante et Autostrade ont notifié le projet de concentration à la Commission conformément au règlement n° 139/2004. Par décision du 22 septembre 2006, la Commission, ayant constaté que la concentration était de dimension communautaire et que l’opération n’aurait pas pour effet d’entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, a décidé de ne pas s’opposer à la concentration notifiée et l’a déclarée compatible avec le marché commun.

7        Bien que la Commission ait approuvé la concentration, la requérante et Autostrade ont interrompu la mise en œuvre de celle-ci en raison du refus de l’ANAS d’accorder son autorisation. Elles craignaient que, en cas de réalisation de l’opération en l’absence d’autorisation, les autorités italiennes révoquent la concession autoroutière en Italie, qui constituait l’actif principal d’Autostrade.

8        Le 29 septembre 2006, le gouvernement italien a adopté le decreto-legge n° 262 (su) disposizioni urgenti in materia tributaria e finanziaria (décret-loi n° 262 portant dispositions urgentes en matières fiscale et financière, GURI n° 230, du 3 octobre 2006), du 3 octobre 2006 (ci-après le « décret-loi n° 262 »). Le 24 novembre 2006, le décret-loi n° 262 a été converti en loi, après modification, par la legge n° 286 (loi n° 286, supplément ordinaire à la GURI n° 277, du 28 novembre 2006).

9        Le décret-loi n° 262 a introduit un modèle de convention unique, prévoyant que toutes les conventions de concessions autoroutières conclues après son entrée en vigueur seraient rédigées selon le même modèle et respecteraient les mêmes principes. Cette convention unique devait remplacer toutes les conventions autoroutières existantes lors de leur première révision périodique suivant l’entrée en vigueur du décret-loi n° 262, sous peine de révocation automatique d’une convention existante en cas de non-acceptation des nouvelles conditions par le concessionnaire.

10      Par lettre du 18 octobre 2006, la Commission, ayant pris acte des développements évoqués ci-dessus, a informé les autorités italiennes de son appréciation préliminaire selon laquelle la République italienne avait violé l’article 21 du règlement n° 139/2004 en faisant obstacle de manière injustifiée à la concentration.

11      Après avoir reçu l’appréciation préliminaire de la Commission, les autorités italiennes ont décidé de priver d’effet l’avis contraignant du 4 août 2006 rendu conjointement par le ministre des Infrastructures italien et par le ministre de l’Économie et des Finances italien ainsi que la décision de l’ANAS du 5 août 2006.

12      Le 14 novembre 2006, la Commission a ouvert une procédure d’infraction contre la République italienne en vertu de l’article 226 CE concernant une possible violation des articles 43 CE et 56 CE dans le cadre de la réforme du système de concession de l’exploitation des autoroutes en Italie et du projet de fusion entre la requérante et Autostrade.

13      Le 13 décembre 2006, la requérante et Autostrade ont décidé de renoncer à réaliser la concentration, étant donné l’impossibilité d’accomplir l’opération pour l’échéance du 31 décembre 2006, prévue par le projet de fusion que les actionnaires de chacune des entreprises avaient approuvé. Parmi les motifs de cette décision, les deux sociétés ont mentionné dans leur communiqué de presse du 13 décembre 2006, en plus de l’entrée en vigueur du décret-loi n° 262, la difficulté d’obtenir l’autorisation de l’ANAS dans le contexte d’une nouvelle réglementation.

14      Le 31 janvier 2007, la Commission a communiqué aux autorités italiennes une nouvelle appréciation préliminaire au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004. Elle est parvenue à la conclusion préliminaire que la République italienne avait enfreint l’article 21 du règlement n° 139/2004 et que les mesures prises par les autorités italiennes étaient incompatibles avec le principe de sécurité juridique et semblaient restreindre de manière injustifiée la libre circulation des capitaux et la liberté d’établissement.

15      Le 2 mars 2007, la requérante et Autostrade ont conjointement déposé plainte auprès de la Commission, exprimant leur préoccupation en raison du cadre réglementaire mis en place pour le renouvellement des concessions d’autoroutes en Italie.

16      Par lettre du 3 juillet 2007, la Commission a invité la requérante à faire connaître son point de vue sur les mesures proposées par la République italienne. Ces mesures comprenaient une directive ainsi qu’une lettre explicative du président du Conseil des ministres italien du 28 juin 2007. Par lettre du 6 juillet 2007, la requérante a répondu à la Commission en lui demandant, notamment, de conclure la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 par une décision déclarant que la République italienne avait enfreint ladite disposition.

17      Le 18 juillet 2007, après discussions avec les autorités italiennes, la Commission a publié un communiqué de presse dans lequel elle s’est déclarée favorable à la proposition de directive interministérielle, présentée par les autorités italiennes, destinée à clarifier le cadre juridique pour les autorisations de transfert de concessions autoroutières en Italie. La Commission a indiqué que, lorsque cette directive et ses dispositions d’application entreraient en vigueur, elle pourrait clore la procédure qu’elle avait engagée à l’encontre de la République italienne en application de l’article 21 du règlement n° 139/2004.

18      Le 30 juillet 2007, le ministre des Infrastructures italien, en concertation avec le ministre de l’Économie et des Finances italien, a adopté la Direttiva (su) criteri di autorizzazione alle modificazioni del concessionario autostradale derivanti da concentrazione comunitaria (directive portant critères d’autorisation pour les modifications du concessionnaire autoroutier à la suite des concentrations communautaires, GURI n° 224, du 26 septembre 2007). Le décret d’exécution a été adopté le 29 février 2008 (GURI n° 52, du 3 mars 2008).

19      Le 22 mai 2008, la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission a informé la requérante de son intention de proposer l’adoption d’une décision de classement de la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, et l’a invitée à communiquer ses observations sur ce point.

20      Par lettre du 4 juin 2008 adressée à la Commission, la requérante a communiqué ses observations sur l’intention de la Commission de clore la procédure en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004. À cet égard, la requérante a indiqué, notamment, que la procédure régie par cette disposition ne pouvait pas être dissociée de la transaction spécifique entre la requérante et Autostrade, notifiée et approuvée par la Commission. La Commission aurait examiné la compatibilité des mesures italiennes avec le droit communautaire dans l’optique d’opérations futures, de sorte qu’elle n’aurait pas examiné l’opération concernant la requérante et Autostrade pour laquelle la demande d’autorisation avait été rejetée par la République italienne.

21      Le 22 juillet 2008, la DG « Marché intérieur et services » de la Commission a adressé à la requérante et à Autostrade une lettre les informant de son intention de proposer l’adoption d’une décision de classement de la procédure ouverte au titre de l’article 226 CE, en raison des modifications réglementaires introduites en Italie, qui seraient susceptibles de résoudre les problèmes identifiés dans un premier temps.

22      Le 13 août 2008, la Commission a envoyé une lettre aux autorités italiennes les informant qu’elle avait décidé de ne pas poursuivre la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, concernant d’éventuelles infractions identifiées lors de l’examen préliminaire du 31 janvier 2007.

23      Par lettre du 4 septembre 2008, la Commission a informé la requérante de sa lettre du 13 août 2008. En particulier, la Commission a indiqué qu’elle avait décidé, le 13 août 2008, de ne pas poursuivre la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, concernant d’éventuelles infractions identifiées dans son appréciation préliminaire du 31 janvier 2007. Elle a ajouté que, même si elle estimait qu’il ne serait plus approprié de poursuivre une procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, le cadre réglementaire de l’autorisation de transfert de concessions autoroutières devait, en tout cas, satisfaire aux exigences générales requises par les règles sur le marché intérieur. La Commission a indiqué qu’elle réservait sa position à cet égard. Par ailleurs, elle a précisé qu’elle continuerait de contrôler toute mesure spécifique adoptée en application du nouveau cadre réglementaire relatif aux concentrations de dimension communautaire.

24      Par lettre du 9 mars 2009, la requérante a demandé des éclaircissements sur la position de la Commission concernant la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 et la communication de la lettre de la Commission du 13 août 2008.

25      La Commission a répondu par lettre du 16 mars 2009, à laquelle était jointe sa lettre du 13 août 2008 adressée aux autorités italiennes.

 Procédure et conclusions des parties

26      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2009, la requérante a introduit le présent recours.

27      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 7 août 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

28      La requérante a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 18 septembre 2009.

29      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission du 13 août 2008 mettant fin à la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable par voie d’ordonnance, sans engager le débat au fond ;

–        à défaut, déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

31      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de déclarer le recours recevable.

 En droit

32      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Ce dernier estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

33      La Commission soulève deux fins de non-recevoir, tirées, la première, du caractère tardif du recours et, la seconde, de la nature de l’acte attaqué.

 Arguments des parties

34      La Commission fait valoir qu’il appartient à celui qui a connaissance de l’existence d’un acte qui le concerne, mais qui ne lui a pas été notifié, et dont il prétend obtenir l’annulation, d’en demander le texte intégral dans un délai raisonnable. Le délai de recours devrait être considéré comme ayant expiré lorsque celui qui a connaissance de l’existence d’un acte qui le concerne omet d’en demander le texte intégral dans un délai raisonnable.

35      En l’espèce, la Commission aurait informé la requérante, le 4 septembre 2008, qu’elle avait décidé, le 13 août 2008, de clore la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004. La requérante aurait attendu plus de six mois avant de demander, par lettre du 9 mars 2009, que la lettre du 13 août 2008 lui soit communiquée. Dans ces circonstances, le recours aurait été introduit hors délai.

36      La Commission souligne que sa lettre du 4 septembre 2008 ne laissait subsister aucune ambiguïté sur l’information communiquée à la requérante et ne contenait aucune contradiction laissant entendre que la clôture de la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 n’était pas définitive.

37      En outre, la lettre du 4 septembre 2008 s’inscrirait dans le contexte d’une correspondance préalable dont il ressortirait clairement que la Commission s’apprêtait à clore le dossier en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004.

38      La requérante rétorque qu’il ressort de la lettre de la Commission du 4 septembre 2008 et de la correspondance qui a suivi cette lettre que la prise de position de la Commission dans la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 n’était pas définitive ou, à tout le moins, que la requérante pouvait raisonnablement avoir des doutes concernant la question de savoir si cette prise de position était définitive.

39      À partir du moment où la Commission aurait permis à la requérante, par lettre du 22 mai 2008, de formuler des observations sur son intention de clore la procédure, il serait logique que la requérante ait eu un doute raisonnable quant à la question de savoir si la Commission reconsidérerait sa position.

40      En outre, en vertu de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004, la Commission devrait procéder à un examen de la compatibilité des mesures nationales avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire. La Commission ne pourrait donc soutenir qu’elle a décidé de ne pas poursuivre la procédure en cause sans avoir procédé à cet examen de compatibilité, puisque la Commission aurait, dans sa lettre du 4 septembre 2008, réservé sa position sur la compatibilité des mesures en cause avec les règles sur le marché intérieur.

41      Cela vaudrait d’autant plus que la procédure au titre de l’article 226 CE, engagée le 14 novembre 2006, se serait achevée postérieurement à la clôture de la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004. Dans le cadre des deux procédures, la Commission devrait procéder à un examen de compatibilité des mesures nationales avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire. Lorsque la Commission a décidé de clore la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, elle n’aurait donc pas achevé l’examen de compatibilité requis.

42      S’agissant de la correspondance postérieure à la lettre du 4 septembre 2008, la requérante fait observer que la DG « Concurrence » de la Commission a indiqué, par lettre du 16 mars 2009, que la Commission avait adopté une décision explicite d’approbation des mesures réglementaires adoptées par les autorités italiennes concernant les appréciations préliminaires d’octobre 2006 et de janvier 2007. À la différence du texte de la lettre du 4 septembre 2008, celui de la lettre du 16 mars 2009 serait sans ambiguïté.

43      Selon la requérante, elle a donc été informée, de manière non équivoque, de la décision de la Commission de clore la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 uniquement par lettre du 16 mars 2009. Le point de départ du calcul du délai de deux mois prévu par le traité pour l’introduction d’un recours en annulation serait donc celui de la notification de l’acte attaqué à la requérante par lettre du 16 mars 2009.

 Appréciation du Tribunal

44      Il convient de rappeler qu’un recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. Selon l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, ce délai est augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

45      En l’espèce, il est constant que la décision de la Commission de clore la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement n° 139/2004, communiquée à la République italienne par lettre du 13 août 2008, n’a pas été publiée.

46      Contrairement à ce qu’allègue la requérante, cette décision ne lui a pas été notifiée par lettre du 16 mars 2009 au sens des règles procédurales visées au point 44 ci‑dessus. En effet, dans cette lettre, la Commission n’a annexé sa lettre du 13 août 2008 qu’aux fins de répondre à une demande explicite de la requérante du 9 mars 2009 de lui communiquer ladite lettre (voir points 24 et 25 ci-dessus).

47      À défaut de publication ou de notification, il appartient à celui qui a connaissance de l’existence d’un acte qui le concerne d’en demander le texte intégral dans un délai raisonnable. Sous cette réserve, le délai de recours ne saurait courir qu’à partir du moment où le tiers concerné a une connaissance exacte du contenu et des motifs de l’acte en cause de manière à pouvoir faire fruit de son droit de recours (arrêt de la Cour du 6 juillet 1988, Dillinger Hüttenwerke/Commission, 236/86, Rec. p. 3761, point 14 ; ordonnance de la Cour du 5 mars 1993, Ferriere Acciaierie Sarde/Commission, C‑102/92, Rec. p. I‑801, point 18 ; ordonnance du Tribunal du 10 février 1994, Frinil/Commission, T‑468/93, Rec. p. II‑33, point 33 ; arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Windpark Groothusen/Commission, T‑109/94, Rec. p. II‑3007, point 26 ; ordonnances du Tribunal du 30 septembre 1997, INEF/Commission, T‑151/95, Rec. p. II‑1541, point 45, et du 15 juillet 1998, LPN et GEOTA/Commission, T‑155/95, Rec. p. II‑2751, points 43 et 44).

48      En l’espèce, il y a lieu de constater que, par lettre du 4 septembre 2008 reçue par la requérante le même jour, la Commission a informé la requérante qu’elle avait décidé, le 13 août 2008, de ne pas poursuivre la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, concernant d’éventuelles infractions identifiées dans son appréciation préliminaire du 31 janvier 2007 (voir point 23 ci-dessus).

49      Au vu du contexte de l’affaire Abertis/Autostrade qui était bien connu de la requérante, cette dernière ne saurait prétendre que l’information contenue dans la lettre de la Commission du 4 septembre 2008 était ambiguë, même si elle était d’avis que la Commission était obligée d’achever l’examen de compatibilité des mesures nationales avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire aux fins de pouvoir clore définitivement la procédure engagée au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004. En particulier, la requérante ne pouvait raisonnablement avoir de doutes sur le caractère définitif de la prise de position de la Commission concernant la procédure ouverte au titre de l’article 21, paragraphe 4, du règlement n° 139/2004.

50      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de cette disposition, nonobstant les paragraphes 2 et 3 de cet article, les États membres peuvent prendre les mesures appropriées pour assurer la protection d’intérêts légitimes autres que ceux qui sont pris en considération par le règlement n° 139/2004 et compatibles avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire. Sont considérés comme intérêts légitimes la sécurité publique, la pluralité des médias et les règles prudentielles. Tout autre intérêt public doit être communiqué par l’État membre concerné à la Commission et reconnu par celle-ci après examen de sa compatibilité avec les principes généraux et les autres dispositions du droit communautaire avant que les mesures visées ci-dessus puissent être prises. La Commission notifie sa décision à l’État membre concerné dans un délai de 25 jours ouvrables à dater de ladite communication.

51      En l’espèce, dans son appréciation préliminaire du 31 janvier 2007, la Commission est parvenue à la conclusion préliminaire que le fait que les autorités italiennes n’avaient pas déterminé à l’avance et de façon suffisamment claire les critères d’intérêt public invoqués pour l’application de la procédure d’autorisation et le fait qu’elles n’avaient pas adopté la décision d’autorisation demandée par Autostrade et Autostrade per l’Italia constituaient des mesures d’État, au sens de l’article 21 du règlement n° 139/2004, qui ont contribué à interdire de facto ou à compromettre fortement la réalisation d’une opération de concentration de dimension communautaire. Selon la Commission, la mise en œuvre de telles mesures sans notification préalable et accord de la Commission constituerait une violation, par les autorités italiennes, de l’obligation de communication et « de ne pas agir » prévue par l’article 21 du règlement n° 139/2004. La Commission a également précisé que les mesures en question étaient incompatibles avec le principe de sécurité juridique et semblaient, sur la base des informations disponibles à ce stade, restreindre de manière injustifiée la libre circulation des capitaux et la liberté d’établissement (articles 43 CE et 56 CE).

52      Il ressort du dossier que, en particulier en raison de l’adoption par les autorités italiennes de la Direttiva (su) criteri di autorizzazione alle modificazioni del concessionario autostradale derivanti da concentrazione comunitaria, du 30 juillet 2007, et du décret d’exécution du 29 février 2008, la Commission envisageait de clore la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade qu’elle avait engagée en application de l’article 21 du règlement n° 139/2004 (voir points 16 à 18 ci-dessus).

53      Par lettre du 22 mai 2008, la Commission a informé la requérante de son intention de clore la procédure. Elle a répondu, notamment, aux observations de la requérante selon lesquelles les mesures adoptées par les autorités italiennes le 30 juillet 2007 et le 29 février 2008 ne pouvaient remédier à l’infraction qu’elles avaient commise par le passé et selon lesquelles la Commission devait adopter une décision en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004. À cet égard, la Commission a précisé qu’elle disposait du pouvoir discrétionnaire d’ouvrir et de poursuivre une procédure au titre de cette disposition et qu’elle pouvait décider de ne pas le faire lorsqu’elle estimait que l’avantage découlant du « comportement coopératif » des autorités nationales contrebalançait la nécessité de sanctionner le défaut de ces autorités par le passé. Elle s’est appuyée, pour fonder l’existence d’un tel pouvoir discrétionnaire, notamment sur des situations prétendument analogues dans des affaires concernant des procédures d’infraction au titre de l’article 86, paragraphe 3, CE et de l’article 226 CE.

54      Il ressort de la lettre de la requérante du 4 juin 2008 que cette dernière avait bien compris l’intention de la Commission de clore la procédure ouverte au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 en application de son prétendu pouvoir discrétionnaire à cet égard. En effet, la requérante a fait référence à cette intention de la Commission, à l’égard de laquelle elle a manifesté son désaccord, et a demandé à la Commission de prendre une décision finale en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004 en remettant en cause l’existence du pouvoir discrétionnaire invoqué par la Commission.

55      Dans ce contexte, la lettre de la Commission du 4 septembre 2008 dans laquelle celle-ci indique qu’elle a décidé, le 13 août 2008, de ne pas poursuivre la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, concernant d’éventuelles infractions identifiées dans l’appréciation préliminaire du 31 janvier 2007, permet clairement de comprendre que la Commission a adopté une décision définitive de clore la procédure engagée en vertu de cette disposition.

56      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que la Commission a également indiqué, dans sa lettre du 4 septembre 2008, que le cadre réglementaire de l’autorisation de transfert de concessions autoroutières devait en tout cas satisfaire aux exigences générales requises par les règles sur le marché intérieur et qu’elle a réservé sa position à cet égard (voir point 23 ci-dessus).

57      À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, dans la première partie de la phrase dans laquelle sont évoquées les exigences concernant le cadre réglementaire, la Commission répète que, selon elle, il n’est plus approprié de poursuivre la procédure en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004. Par conséquent, une lecture attentive de cette phrase aurait permis à la requérante de comprendre que la référence au cadre réglementaire ne mettait pas en doute la clôture définitive de la procédure en vertu de l’article 21 dudit règlement.

58      En outre, il convient de relever que la Commission a ouvert, le 14 novembre 2006, une procédure d’infraction contre la République italienne en vertu de l’article 226 CE en ce qui concerne une possible violation des articles 43 CE et 56 CE dans le cadre de la réforme du système de concession de l’exploitation des autoroutes en Italie et du projet de fusion entre la requérante et Autostrade (voir point 12 ci-dessus). Le 13 août 2008, lorsque la Commission a décidé de clore la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, la procédure engagée en vertu de l’article 226 CE était encore en cours.

59      Dans ce contexte, il convient de comprendre la déclaration de la Commission en cause en ce sens que, même si cette dernière clôt la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004 en application de son prétendu pouvoir discrétionnaire à cet égard, le cadre réglementaire applicable au transfert de concessions autoroutières devait satisfaire aux exigences du droit communautaire. La requérante était consciente que l’examen dudit cadre réglementaire dans le cadre de la procédure engagée en vertu de l’article 226 CE n’était pas encore achevé au moment de la clôture de la procédure au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004. Le fait que la Commission ait réservé sa position à cet égard ne saurait donc fonder des doutes concernant la clôture définitive de la procédure au titre de l’article 21 dudit règlement.

60      Enfin, le fait que la Commission a annoncé, dans sa lettre du 4 septembre 2008, qu’elle continuerait de contrôler toute mesure spécifique adoptée en application du nouveau cadre réglementaire relatif aux concentrations de dimension communautaire ne saurait non plus être interprété en ce sens que la procédure en vertu de l’article 21 du règlement n° 139/2004 concernant l’affaire Abertis/Autostrade n’était pas définitivement close. La Commission faisait en effet clairement référence à cet égard aux futures concentrations de dimension communautaire.

61      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante a eu connaissance, le 4 septembre 2008, de l’existence de la décision définitive de la Commission du 13 août 2008 de ne pas poursuivre la procédure dans l’affaire Abertis/Autostrade au titre de l’article 21 du règlement n° 139/2004, concernant d’éventuelles infractions identifiées dans l’appréciation préliminaire du 31 janvier 2007.

62      Conformément à la jurisprudence précitée, il appartenait à la requérante, à compter du 4 septembre 2008, de demander à la Commission la communication du texte intégral de la décision concernée dans un délai raisonnable.

63      Or, il ressort du dossier que la requérante a cherché à obtenir, le 9 mars 2009, la communication de la lettre de la Commission du 13 août 2008 adressée à la République italienne. Cette demande, formulée plus de six mois après la réception de la lettre du 4 septembre 2008, doit être considérée comme formulée hors de tout délai raisonnable au sens de la jurisprudence précitée. À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que la Cour, s’agissant de l’article 33, troisième alinéa, du traité CECA, qui prévoit un délai de recours d’un mois, a jugé qu’un délai de deux mois dépassait largement le délai raisonnable (ordonnance Ferriere Acciaierie Sarde/Commission, point 47 supra, point 19). D’autre part, le Tribunal a estimé qu’une demande de communication du texte intégral d’une décision présentée plus de quatre mois après que le requérant a pris connaissance de l’existence de l’acte devait être considérée comme formulée hors de tout délai raisonnable (ordonnance LPN et GEOTA/Commission, point 47 supra, point 44).

64      Il s’ensuit que le recours introduit par la requérante est tardif.

65      Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir tirée de la nature de l’acte attaqué, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Abertis Infraestructuras, SA est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 18 mai 2010.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : l’espagnol.