Language of document : ECLI:EU:T:2013:167

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

12 avril 2013 (*)

« Produits phytopharmaceutiques – Substance active flusilazole – Inscription dans l’annexe I de la directive 91/414/CEE – Recours en annulation – Annulation partielle – Indissociabilité – Irrecevabilité – Responsabilité non contractuelle – Limitation de l’inscription pour une durée de 18 mois et pour quatre cultures – Principe de précaution – Principe de proportionnalité – Droit d’être entendu – Égalité de traitement – Motivation – Détournement de pouvoir – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑31/07,

Du Pont de Nemours (France) SAS, établie à Puteaux (France),

Du Pont Portugal – Serviços, Sociedade Unipessoal Lda, établie à Lisbonne (Portugal),

Du Pont Ibérica, SL, établie à Barcelone (Espagne),

Du Pont de Nemours (Belgium) BVBA, établie à Mechelen (Belgique),

Du Pont de Nemours Italiana Srl, établie à Milan (Italie),

Du Pont De Nemours (Nederland) BV, établie à Dordrecht (Pays-Bas),

Du Pont de Nemours (Deutschland) GmbH, établie à Bad Homburg vor der Höhe (Allemagne),

DuPont CZ s.r.o., établie à Prague (République tchèque),

DuPont Magyarország Kereskedelmi kft, établie à Budaors (Hongrie),

DuPont Poland sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne),

DuPont Romania Srl, établie à Bucarest (Roumanie),

DuPont (UK) Ltd, établie à Stevenage (Royaume-Uni),

Dy-Pont Agkro Ellas AE, établie à Halandri (Grèce),

DuPont International Operations SARL, établie au Grand-Saconnex (Suisse),

DuPont Solutions (France) SAS, établie à Puteaux,

représentées initialement par Mes D. Waelbroeck et N. Rampal, puis par Me Waelbroeck, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

European Crop Protection Association (ECPA), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes U. Zinsmeister et E. Antypas, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. L. Parpala et B. Doherty, puis par MM. Parpala et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, des demandes en annulation à l’encontre de la directive 2006/133/CE de la Commission, du 11 décembre 2006, modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil en vue d’y inscrire la substance active flusilazole (JO L 349, p. 27), en ce que celle-ci limite l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à seulement quatre cultures et pour une durée de 18 mois, et, d’autre part, une demande en indemnité,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. S. Frimodt Nielsen, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 mars 2012,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

I –  Introduction

1        En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), un produit phytopharmaceutique ne peut, en principe, être mis sur le marché et utilisé sur le territoire d’un État membre que s’il a été autorisé par les autorités compétentes de cet État membre conformément aux dispositions de cette même directive.

II –  Critères d’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414

2        L’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/414 dispose qu’un produit phytopharmaceutique ne peut être autorisé par un État membre notamment que si ses substances actives sont énumérées à l’annexe I de ladite directive et uniquement si les conditions fixées dans ladite annexe sont remplies.

3        L’article 5 de la directive 91/414/CEE énonce les conditions devant être remplies pour qu’une substance active soit inscrite dans l’annexe I de ladite directive :

« 1. Compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, une substance active est inscrite à l’annexe I pour une période initiale ne pouvant excéder dix ans s’il est permis d’escompter que les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active rempliront les conditions suivantes :

a)       leurs résidus consécutifs à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ou d’influence inacceptable sur l’environnement et, dans la mesure où ils sont significatifs du point de vue toxicologique ou environnemental, peuvent être mesurés par des méthodes d’usage courant ;

b)       leur utilisation consécutive à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’a pas d’effet nocif sur la santé humaine ou animale ou d’influence inacceptable sur l’environnement, conformément à l’article 4, paragraphe 1, point b), iv) et v).

2. Pour inclure une substance active à l’annexe I, il faut tenir compte tout particulièrement des éléments suivants :

a)       le cas échéant, d’une dose journalière admissible (DJA) pour l’homme ;

b)       d’un niveau acceptable d’exposition de l’utilisateur, si nécessaire ;

c)       le cas échéant, d’une estimation de son sort et de sa dissémination dans l’environnement, ainsi que de son incidence sur les espèces non ciblées.

3. Pour la première inscription d’une substance active qui n’était pas encore sur le marché deux ans après la notification de la présente directive, les exigences visées sont considérées comme étant respectées si on a constaté qu’elles l’étaient pour au moins une préparation contenant cette substance active.

4. L’inscription d’une substance active à l’annexe I peut être subordonnée à des exigences telles que :

–      le degré de pureté minimal de la substance active,

–      la teneur maximale en certaines impuretés et la nature de celles-ci,

–      des restrictions résultant de l’évaluation des informations visées à l’article 6 [le dossier fourni par l’auteur de la notification], compte tenu des conditions agricoles, phytosanitaires et environnementales, y compris climatiques, considérées,

–      le type de préparation,

–      le mode d’utilisation.

5. Sur demande, l’inscription d’une substance à l’annexe I peut être renouvelée une ou plusieurs fois pour des périodes n’excédant pas dix ans, cette inscription pouvant être révisée à tout moment s’il y a des raisons de penser que les critères visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont plus respectés. En cas de demande, à introduire suffisamment à l’avance et en tout cas au moins deux ans avant l’expiration de la période d’inscription, le renouvellement est accordé pour la durée nécessaire pour procéder à un réexamen et est accordé pour la durée nécessaire pour fournir les informations requises conformément à l’article 6 paragraphe 4. »

4        L’article 6, paragraphe 1, de la directive 91/414 prévoit notamment que l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de ladite directive peut être liée à des conditions.

III –  Régime transitoire pour les substances actives déjà présentes sur le marché

5        L’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 prévoit un régime transitoire et dérogatoire en ce qui concerne les substances actives non visées à l’annexe I de cette directive, mais déjà présentes sur le marché deux ans après la date de notification de ladite directive. La mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques contenant lesdites substances peut être autorisée par les États membres pour une période transitoire de douze ans. Selon ledit article 8, paragraphe 2, durant cette période transitoire, les substances actives concernées doivent faire l’objet d’un programme d’évaluation au terme duquel il peut être décidé, après examen d’une substance active par le comité visé à l’article 19 de la directive 91/414 et selon la procédure prévue à ce même article, que cette substance peut être incluse à l’annexe I de cette directive et dans quelles conditions ou, lorsque les exigences de l’article 5 de cette directive ne sont pas respectées ou que les informations et données requises n’ont pas été présentées au cours de la période prescrite, que ladite substance active ne sera pas incluse à ladite annexe.

6        Cette période transitoire, devant initialement expirer le 26 juillet 2003, a été prorogée, jusqu’au 31 décembre 2005, par l’article premier du règlement (CE) n° 2076/2002 de la Commission, du 20 novembre 2002, prolongeant la période visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 et concernant la non-inclusion de certaines substances actives à l’annexe I de cette directive, ainsi que le retrait des autorisations relatives à des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances (JO L 319, p. 3), puis, jusqu’au 31 décembre 2006, par l’article 1er du règlement (CE) n° 1335/2005 de la Commission, du 12 août 2005, modifiant le règlement n° 2076/2002 et les décisions 2002/928/CE, 2004/129/CE, 2004/140/CE, 2004/247/CE et 2005/303/CE en ce qui concerne la période visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 et le maintien de l’utilisation de certaines substances non énumérées à son annexe I (JO L 211, p. 6), à moins qu’une décision sur l’inscription d’une substance active à l’annexe I de la directive 91/414 n’ait été prise avant cette date.

IV –   Procédure décisionnelle

7        L’article 6, paragraphe 1, de la directive 91/414 prévoit que l’inscription d’une substance active à l’annexe I de cette directive ainsi que les conditions auxquelles cette inscription est éventuellement liée sont décidées selon la procédure prévue à l’article 19 de ladite directive.

8        L’article 19 de la directive 91/414, dans sa version applicable en l’espèce, prévoit que, une fois l’avis adopté par le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (ci-après le « comité phytosanitaire permanent »), la Commission des Communautés européennes arrête les mesures envisagées lorsqu’elles sont conformes à l’avis de ce comité. Lorsque les mesures envisagées ne sont pas conformes à l’avis de ce comité, ou en l’absence d’avis de celui-ci, la Commission soumet sans tarder au Conseil des Communautés européennes une proposition relative aux mesures à prendre. Le Conseil statue à la majorité qualifiée.

9        Par ailleurs, la procédure décisionnelle applicable auxdites mesures est la procédure de réglementation prévue par l’article 5 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23).

V –   Modalités de mise en œuvre de la première phase du programme de travail

10      L’article 5, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 3600/92 de la Commission, du 11 décembre 1992, établissant les modalités de mise en œuvre de la première phase du programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414 (JO L 366, p. 10), précise que, après examen des notifications d’intérêt et par voie de règlement, la liste des substances actives retenues pour une évaluation en vue de leur inscription éventuelle dans l’annexe I de la directive 91/414 est établie et un État membre rapporteur est désigné pour l’évaluation de chacune des substances actives concernées.

11      En application de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 3600/92, il appartient à chaque auteur de notification de transmettre à l’État membre rapporteur désigné un « dossier sommaire » et un « dossier complet », tels que définis à l’article 6, paragraphes 2 et 3, de ce même règlement.

12      L’article 6, paragraphe 2, point b), du règlement n° 3600/92, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2266/2000 de la Commission du 12 octobre 2000 (JO L 259, p. 27), dispose que l’auteur de la notification doit apporter la preuve que les critères d’inscription sont remplis pour une ou plusieurs préparations correspondant à une « série limitée d’usages représentatifs ».

13      À la suite de la transmission par les auteurs d’une notification du dossier sommaire et du dossier complet à l’État membre rapporteur, ce dernier, en application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 3600/92, examine ces dossiers et fait parvenir à la Commission, au plus tard dans un délai de douze mois à compter de la réception de ces dossiers, un rapport d’évaluation du dossier. Ce rapport d’évaluation contient soit une recommandation quant à l’inscription de la substance active à l’annexe I de la directive 91/414, soit une recommandation de retirer la substance active du marché, soit une recommandation de retirer provisoirement la substance active du marché, soit une recommandation de remettre toute décision concernant une inscription éventuelle en attendant des résultats d’essais supplémentaires ou des informations précisées dans le rapport.

14      Selon l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 3600/92, la Commission, après réception dudit rapport d’évaluation, confie au comité phytosanitaire permanent la mission d’examiner le dossier sommaire mis à jour ainsi que le rapport d’évaluation.

15      Toutefois, avant de transmettre le dossier sommaire et le rapport d’évaluation au comité phytosanitaire permanent, la Commission distribue le rapport de l’État membre rapporteur aux autres États membres pour information et peut consulter les experts des États membres (examen par les pairs) ainsi que les parties ayant notifié une des substances actives.

16      À la suite de l’examen par le comité phytosanitaire permanent, l’article 7, paragraphe 3 bis, du règlement n° 3600/92, introduit par le règlement (CE) n° 1199/97 de la Commission, du 27 juin 1997, modifiant le règlement n° 3600/92 (JO L 170, p. 19), prévoit que la Commission saisit ledit comité soit d’un projet de directive visant à inscrire la substance active à l’annexe I de la directive 91/414 en spécifiant le cas échéant les conditions d’inscription, soit d’un projet de décision concernant le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active, soit d’un projet de décision visant un tel retrait tout en conservant cependant la possibilité de réexaminer l’inscription dans l’annexe I de ladite directive après la communication d’essais supplémentaires ou d’informations complémentaires, soit d’un projet de décision visant à reporter l’inscription de la substance active jusqu’à la communication des résultats d’essais supplémentaires ou d’informations complémentaires.

17      L’article 7, paragraphe 4, premier tiret, du règlement n° 3600/92 tel que complété par le règlement n° 2266/2000, prévoit que, lorsque, à la suite de l’examen par le comité phytosanitaire permanent, les résultats d’essais supplémentaires ou des informations supplémentaires doivent être présentés, la Commission fixe un délai pour la présentation, notamment à l’État membre rapporteur, de ces résultats et de ces informations. Ce délai expire le 25 mai 2002 sauf pour les résultats d’études à long terme lorsqu’il est établi que ces études étaient en cours le 25 mai 2002, auquel cas ce délai expire le 25 mai 2003.

18      En vertu de l’article 2 de la décision 2001/679/CE de la Commission, du 29 août 2001, concernant la décision relative à l’inscription éventuelle de certaines substances actives à l’annexe I de la directive 91/414 (JO L 239, p. 39), un État membre rapporteur doit s’assurer que l’auteur de la notification s’engage à présenter des études spécifiques au plus tard pour le 5 mai 2002.

19      En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 3600/92, tel que modifié par le règlement n° 2266/2000, l’État membre rapporteur doit, après avoir reçu les résultats des essais supplémentaires ou les informations supplémentaires, examiner ces données au regard des résultats du dossier déjà soumis pour la substance en cause et transmettre dans les plus brefs délais, et au plus tard dans un délai de six mois après réception de toutes les informations requises, son évaluation du dossier sous la forme d’un addendum au rapport d’évaluation déjà présenté à la Commission. Ce rapport est transmis au comité phytosanitaire permanent pour examen.

20      Selon l’article 8, paragraphe 3, quatrième alinéa, du règlement n° 3600/92, tel que modifié par le règlement n° 2266/2000, après cet examen la Commission saisit le comité phytosanitaire permanent soit d’un projet de directive visant à inscrire la substance active en cause dans l’annexe I de la directive 91/414 en fixant, le cas échéant, les conditions auxquelles cette inscription est soumise, y compris le délai, soit d’un projet de décision destiné aux États membres pour qu’ils retirent les autorisations des produits phytosanitaires contenant la substance active, ladite substance n’étant pas inscrite dans l’annexe I de la directive 91/414, et qui mentionne les raisons de la non-inscription.

 Faits

I –  Flusilazole

21      Le flusilazole est une substance active utilisée dans des fongicides destinés à des cultures agricoles. Les requérantes, Du Pont de Nemours (France) SAS, Du Pont Portugal – Serviços, Sociedade Unipessoal Lda, Du Pont Ibérica, SL, Du Pont de Nemours (Belgium) BVBA, Du Pont de Nemours Italiana Srl, Du Pont De Nemours (Nederland) BV, Du Pont de Nemours (Deutschland) GmbH, DuPont CZ s.r.o., DuPont Magyarország Kereskedelmi kft, DuPont Poland sp. z o.o., DuPont Romania Srl, DuPont (UK) Ltd, Dy-Pont Agkro Ellas AE, DuPont International Operations SARL et DuPont Solutions (France) SAS, sont actives dans la production et la vente de flusilazole et de produits phytopharmaceutiques à base de flusilazole. Elles sont titulaires d’autorisations de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques à base de flusilazole enregistrées dans quinze États membres pour une utilisation sur 26 cultures.

II –   Notification et rapport d’évaluation de l’Irlande

22      Le 23 juillet 1993, Du Pont de Nemours (France) a notifié à la Commission des Communautés européennes son souhait d’obtenir l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414. La Commission l’a admise comme auteur de la notification et l’Irlande a été désignée comme État membre rapporteur pour l’évaluation du flusilazole.

23      En juillet 1996, l’Irlande a présenté un rapport d’évaluation. Dans ledit rapport, elle recommandait à la Commission d’inscrire le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour dix ans à condition de respecter certaines restrictions et de fournir des données manquantes dans un délai de quatre ans.

III –  Examen par les pairs

24      Le 17 octobre 1996, la Commission a transmis ledit rapport d’évaluation à tous les États membres. Le 20 novembre 1996, elle l’a transmis à l’auteur de la notification pour consultation.

25      D’octobre 1996 à avril 1997, le rapport d’évaluation a été soumis à un examen par les experts techniques des différents États membres. Lors de cet examen, les experts sont parvenus à la conclusion que certaines des questions soulevées ne pouvaient être résolues par une transmission des données après l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 comme cela avait été proposé par l’État membre rapporteur.

26      Le 14 avril 1997, le rapport d’examen par les pairs a été remis aux États membres et à l’auteur de la notification pour observations et complément d’observations.

27      Le 4 novembre 1997, la Commission a organisé une réunion avec l’auteur de la notification et l’État membre rapporteur. Lors de cette réunion, la Commission a souligné l’existence de problèmes importants relatif au flusilazole notamment en ce qui concernait les effets tératogènes.

IV –  Études sur les poissons

28      En août 1999, l’auteur de la notification a soumis un addendum à la monographie de juillet 1996 contenant des données complémentaires requises à la suite de l’évaluation initiale. En ce qui concerne les effets du flusilazole sur le milieu aquatique, l’auteur de la notification a notamment examiné le risque chronique pour le poisson en recourant à une étude en début de vie sur la truite arc-en-ciel.

29      En décembre 1999, la Commission a adopté la communication au Conseil et au Parlement européen sur une stratégie communautaire concernant les perturbateurs endocriniens [COM (1999) 706].

30      Le 8 novembre 2001, la Commission a établi un projet de rapport d’évaluation pour le flusilazole dans lequel elle précisait que ledit projet de rapport était confidentiel et ne représentait pas nécessairement son point de vue. La conclusion globale de l’évaluation reprise dans ledit projet de rapport était qu’il pouvait être escompté que les produits phytosanitaires contenant du flusilazole rempliraient les conditions d’innocuité fixées à l’article 5, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 91/414 moyennant le respect des exigences fixées aux sections 4 à 6 de ce projet de rapport et à l’annexe IV de la directive 91/414. S’agissant des listes d’études à établir par l’auteur de la notification, la conclusion du projet de rapport en question était qu’« aucune autre étude n’[avait] été jugée à ce stade nécessaire à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I [de la directive 91/414] dans les conditions actuelles d’inscription », mais que, « compte tenu de la toxicité connue de la substance active sur la reproduction des rats et des oiseaux et de la lenteur de sa dégradation dans le sol, le comité permanent des plantes [avait] jugé nécessaire de confirmer par des données supplémentaires la sûreté environnementale du flusilazole présent dans le sol et dans l’eau en demandant une étude du cycle de vie complet des poissons et un essai du sac poubelle sur la décomposition des matières organiques ».

31      En décembre 2001, les services de la Commission ont examiné avec le comité phytosanitaire permanent un projet de directive inscrivant le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414. Une disposition de ce projet de directive imposait une étude à long terme sur les poissons qui pouvait être présentée après l’inscription du flusilazole dans l’annexe I en question.

32      Compte tenu des préoccupations exprimées par les États membres au sein du comité phytosanitaire permanent, le vote sur l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 a toutefois été rayé de l’ordre du jour dudit comité et la Commission a soumis deux questions spécifiques au comité scientifique des plantes étant donné les légers effets inhibiteurs de l’aromatase du flusilazole. En premier lieu, il a été demandé à ce dernier comité d’exposer si, dans le cas spécifique du flusilazole, la concentration sans effet observé (ci-après la « CSEO ») pour les effets à long terme sur le poisson était adéquate pour assurer une protection suffisante des poissons contre les effets nocifs sur la reproduction et de faire des observations générales sur la « sensibilité comparée de l’étude en début de vie par rapport à l’étude du cycle de vie complet des poissons ». En second lieu, il lui a été demandé de faire des observations sur l’incidence possible du flusilazole sur la décomposition de matières organiques dans les conditions d’utilisation voulues.

33      En juillet 2002, le comité scientifique des plantes a répondu aux deux questions susmentionnées dans un avis. En ce qui concerne la première question, il a estimé que, « [b]ien que les études en début de vie sur les poissons donnent des informations utiles sur les étapes sensibles de la vie des poissons, [...] des preuves [montraient] que [le flusilazole pouvait] avoir des effets spécifiques sur le processus de reproduction », que « [c’était] la raison pour laquelle il ne [pouvait] pas conclure qu’une CSEO fondée sur une étude en début de vie des poissons faite sur une seule espèce fût nécessairement adéquate dans ce cas particulier pour assurer une protection suffisante des populations de poissons contre des effets nocifs sur la reproduction » et que « les études de début de vie [n’étaient] pas destinées à détecter des effets possibles sur la reproduction (en ce compris l’accouplement, l’âge de maturité sexuelle, le taux et les saisons de reproduction, le taux de fécondation et la répartition entre populations mâles et femelles dans la progéniture) », enfin que, « s’il y [avait] des raisons de s’attendre à ce que ces processus soient affectés (notamment parce que la substance a montré des effets de perturbation endocrinienne), il faudrait mener une étude qui porte sur ces éléments ».

34      En ce qui concerne la seconde question, le comité scientifique des plantes a conclu que, compte tenu de la persistance du flusilazole dans le sol et de l’importance environnementale et agronomique de la décomposition des matières organiques pour la fertilité du sol, une évaluation du risque fondée uniquement sur les données existantes n’était pas adéquate.

35      En février 2003, l’auteur de la notification a présenté des études portant sur chacune de ces questions. Selon ledit auteur, l’étude sur le vairon à tête de boule indiquait une « absence d’incidence décisive sur le développement gonadique » bien qu’il semblât y avoir une « tendance générale à ce que les groupes à dose plus élevée soient associés à de plus faibles scores au stade de développement gonadique (juvénilisation) ». En outre, cet auteur a conclu, d’une part, qu’il n’existait qu’un « faible risque chronique pour les poissons » si le flusilazole était utilisé selon les recommandations et, d’autre part, que les résidus de flusilazole dans les eaux de surface « ne [présenteraient] pas un risque chronique pour la maturation, le développement ou la reproduction des poissons exposés ».

36      En septembre 2003, l’État membre rapporteur a examiné ces études et a rédigé un addendum à son rapport d’évaluation. Dans cet addendum, l’État membre a notamment estimé que :

« [L]a réévaluation du risque pour la vie aquatique fondée sur la CSEO établie à la suite d’une exposition chronique dans l’étude de cycle de vie complet et les concentrations environnementales que l’on s’[attendait] à voir apparaître dans les eaux de surface à la suite de l’utilisation recommandée du flusilazole [montraient] clairement la grande marge de sécurité et le risque chronique très faible pour la vie des poissons qui résultent de l’utilisation dans des terres arables. [En outre,] il [avait] été conclu que le flusilazole n’[avait] pas d’effet nocif sur le processus de reproduction des poissons ni n’[interférait] sur le processus de différenciation sexuelle ou de développement et n’[était] pas considéré comme agissant comme un composé pouvant modifier l’endocrine aux niveaux d’exposition testés. »

37      Dans l’addendum de septembre 2003, l’État membre rapporteur a dès lors conclu que la preuve supplémentaire d’absence d’effets à long terme sur les poissons et sur les fonctions du sol confirmait la sûreté environnementale du flusilazole lorsqu’il était utilisé aux taux recommandés et étayait l’inscription de la substance active dans l’annexe I de la directive 91/414.

38      En octobre 2003, l’évaluation de ces études complémentaires a été transmise à l’entité dénommée European Community Coordination (ECCO), qui a conclu que les résultats de l’étude répondaient aux préoccupations des États membres.

V –  Discussions 2004-2005

39      En janvier 2004, l’État membre rapporteur a émis un avenant final à la monographie synthétisant la dernière étude toxicologique faite à l’initiative de Du Pont de Nemours. Cette dernière étude ne modifiait pas la conclusion globale selon laquelle il existait une utilisation sûre du flusilazole.

40      Le 11 mars 2004, le groupe de travail « Évaluation » s’est réuni et la question de la perturbation endocrinienne a de nouveau été soulevée par des représentants des États membres. Les services de la Commission ont souligné qu’une décision devait être prise dans un certain délai.

41      Le 28 juin 2004, lors d’une nouvelle réunion du groupe de travail « Évaluation », un représentant d’un État membre a demandé si le flusilazole ne devait pas être interdit dans la mesure où d’autres produits moins dangereux étaient disponibles. La discussion sur cette question s’est poursuivie pendant plusieurs réunions lors desquelles les services de la Commission ont précisé que cette approche n’était pas possible compte tenu du cadre juridique existant. Un autre représentant d’un État membre a signalé que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) examinait la question de la perturbation endocrinienne et a proposé de retarder l’évaluation communautaire jusqu’à l’obtention d’informations complémentaires. Les services de la Commission ont à nouveau fait valoir qu’il était important de ne pas retarder la prise de décision. La République italienne a fait savoir qu’elle avait des inquiétudes concernant l’inscription d’une substance considérée comme cancérigène, mutagénique et reprotoxique et qu’il fallait définir des niveaux d’exposition au-dessous desquels aucun effet néfaste n’était constaté.

42      Le 27 juillet 2004, les services de la Commission ont préparé un projet de directive visant à inscrire le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour dix ans et sans restriction quant aux cultures. L’inscription était conditionnée à ce que d’autres études soient réalisées sous la coordination de l’État membre rapporteur.

43      En octobre 2004, cette proposition de directive a été examinée au cours d’un certain nombre de réunions du groupe de travail « Législation » du comité phytosanitaire permanent. Huit États membres ont indiqué qu’ils ne pouvaient pas appuyer cette proposition.

44      Le 8 octobre 2004, la Commission a décidé de ne pas soumettre ladite proposition au vote du comité phytosanitaire permanent.

45      Le 14 avril 2005, s’est tenue une réunion du groupe de travail « Législation » du comité phytosanitaire permanent au cours de laquelle les services de la Commission ont proposé une directive inscrivant le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pendant sept ans au lieu de dix ans. En outre, l’inscription était assortie de la condition de soumettre le flusilazole à des essais conformes aux lignes directrices de l’OCDE pour la perturbation endocrinienne dans les deux années après leur publication. Aucune majorité qualifiée n’a semblé se dégager pour ou contre cette proposition et le projet n’a pas été soumis au vote dudit comité. Les services de la Commission ont évoqué la possibilité d’une décision de retrait du flusilazole.

46      Le 22 juillet 2005, DuPont (UK) a écrit à la Commission et à tous les États membres en faisant valoir que la classification du flusilazole dans la classe 2 des produits cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction ainsi que son interaction avec les systèmes endocriniens ne relevaient pas de l’analyse de risque imposée par la directive 91/414.

47      Le 2 août 2005, les services de la Commission ont répondu à la lettre de DuPont (UK) du 22 juillet 2005 en indiquant qu’ils examinaient la possibilité de ne pas inscrire le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 en mentionnant le « potentiel de perturbation endocrinienne de la substance, sa toxicité pour la reproduction et le risque pour les oiseaux, les mammifères et les organismes aquatiques ».

48      Par une lettre du 19 août 2005, DuPont (UK) a répondu à la Commission que tous les aspects invoqués pour justifier une éventuelle décision de ne pas inscrire le flusilazole, dont les propriétés potentielles de perturbation endocrinienne de la substance, avaient été étudiés au cours de l’évaluation et que des utilisations sûres avaient été démontrées. Elle demandait dès lors à la Commission de notamment exposer les raisons pour lesquelles elle proposait de ne pas inscrire le flusilazole et d’organiser une réunion à ce sujet.

49      Les 9 et 22 septembre 2005, se sont tenues deux réunions entre l’auteur de la notification et des représentants de la Commission au cours desquelles il a été précisé à l’auteur de la notification qu’aucune décision définitive n’avait été prise concernant l’évaluation du flusilazole.

50      Dans une lettre du 20 octobre 2005, la Commission a précisé que, si aucune décision n’était prise avant le 31 décembre 2006, le flusilazole serait automatiquement exclu du marché. En outre, l’auteur de la notification a été invité à proposer des mesures détaillées d’atténuation des risques avant le 14 novembre 2005. Enfin, la Commission a indiqué que, si le processus aboutissait à une directive inscrivant le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414, celle-ci couvrirait tout au plus les cultures qui avaient été évaluées au niveau communautaire.

51      Le 7 novembre 2005, DuPont (UK) a écrit à la Commission et lui a proposé, sous toutes réserves, certaines mesures d’atténuation des risques, dont la limitation des types de cultures sur lesquelles le flusilazole pouvait être utilisé. Elle a précisé que sa proposition ne devait en aucun cas être interprétée comme impliquant que d’autres utilisations ou conditions d’utilisation n’étaient pas sûres.

52      Le 15 novembre 2005, le Kemikalieinspektionen (KEMI, agence suédoise des produits chimiques) et la Lantbrukarnas Riksförbund (LFR, fédération des agriculteurs suédois) ont écrit à la Commission afin de l’inviter à ne pas inscrire le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414. Ils estimaient que « la méthodologie existante n’[était] pas assez sensible pour détecter les effets les plus faibles de ces perturbateurs endocriniens ».

53      En décembre 2005, la Commission a lancé une nouvelle consultation interservices sur un projet amendé de proposition d’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414. Au cinquième considérant de sa proposition modifiée, la Commission a indiqué que, « considérant le profil dangereux et les incertitudes qui [subsistaient] au plan scientifique sur les propriétés éventuelles de perturbation endocrinienne du flusilazole, il [était] nécessaire, en vue de parvenir au niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement choisi dans la Communauté, de restreindre les utilisations du flusilazole aux cultures qui [avaient] effectivement fait l’objet d’une évaluation communautaire et qui [avaient] été jugées acceptables ». L’inscription proposée s’étendait aux céréales (autres que le riz), aux graines de colza, au maïs et aux betteraves sucrières et était limitée à une durée de sept ans.

54      Le 23 janvier 2006, l’État membre rapporteur s’est opposé à cette dernière proposition de la Commission d’inscrire le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 au motif que cette inscription favorisait l’utilisation de cette substance active dans des cultures majeures aux dépens d’utilisations mineures et affectait le principe de subsidiarité. Il plaidait en outre en faveur d’une autorisation pour dix ans, car l’approche proposée créerait une pression supplémentaire à gérer lors du réexamen.

VI –  Vote au sein du comité phytosanitaire permanent en mars 2006

55      Le 3 mars 2006, la Commission a achevé le rapport final sur la réévaluation du flusilazole. Elle concluait dans ledit rapport que le flusilazole pouvait être inscrit dans l’annexe I de la directive 91/414 moyennant le respect de conditions particulières et des principes uniformes figurant dans l’annexe VI de la directive 91/414. Elle a considéré que, dans les deux ans qui suivraient l’adoption des lignes directrices pour les essais relatifs aux perturbations endocriniennes par l’OCDE, des études complémentaires seraient requises par les États membres pour étudier les éventuelles propriétés de perturbation endocrinienne du flusilazole.

56      À la même date, la Commission a soumis au vote du comité phytosanitaire permanent le projet amendé dans lequel l’inscription proposée du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 s’étendait aux céréales (sauf le riz), aux graines de colza, au maïs et aux betteraves sucrières pour une durée de sept ans. Ledit comité n’est toutefois pas parvenu à atteindre la majorité qualifiée sur la proposition de la Commission et n’a dès lors pas émis d’avis.

57      Le 8 juin 2006, DuPont (UK) a écrit à la Commission pour l’inviter à proposer une directive au Conseil inscrivant le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414.

VII –  Discussion au sein du Conseil

58      Le 13 juin 2006, la Commission a proposé une directive au Conseil avec le même contenu que le texte soumis au comité phytosanitaire permanent. Les experts techniques d’un certain nombre d’États membres se sont opposés à l’inscription d’un perturbateur endocrinien dans l’annexe I de la directive 91/414 dans la mesure où les effets à long terme étaient trop incertains. D’autres experts ont considéré que, au regard des données disponibles, le problème de la perturbation endocrinienne avait été résolu.

59      Le 25 juin 2006, en application de l’article 5, paragraphe 4, de la décision 1999/468, la Commission a soumis au Conseil une proposition de directive inscrivant le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour une durée de 7 ans et pour les quatre cultures proposées précédemment. Aucune majorité qualifiée n’a cependant pu être atteinte sur cette proposition.

60      Le 4 juillet et le 26 juillet 2006, la présidence finlandaise du Conseil a sondé, sans succès, les États membres sur différentes décisions possibles à l’égard du flusilazole allant de l’inscription à la non-inscription de cette substance active dans l’annexe I de la directive 91/414.

61      Le 8 septembre 2006, le Comité des représentants permanents (Coreper) a décidé d’inscrire au point A (vote sans discussion) de l’ordre du jour du Conseil du 18 septembre 2006 un vote sur une absence de position du Conseil.

62      Le 13 septembre 2006, les membres de la Commission se sont réunis et ont décidé de présenter une proposition modifiée de directive du Conseil inscrivant le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414, afin d’obtenir une majorité qualifiée au Conseil. Un nombre d’États membres continuant à exprimer des inquiétudes à l’égard du flusilazole, la Commission a revu sa proposition et limité l’inscription de cette substance active à quatre cultures et pour une période renouvelable de 18 mois.

63      Le 15 septembre 2006, le Coreper a décidé d’examiner lors de sa prochaine réunion les intentions de vote des délégations sur la proposition modifiée et de soumettre celle-ci le 25 septembre 2006 au Conseil comme point A (vote sans discussion) de l’ordre du jour. Lors de la réunion du 21 septembre 2006 du Coreper, aucune majorité qualifiée n’a été atteinte sur ladite proposition.

64      Le 25 septembre 2006, le Conseil a officiellement confirmé qu’il ne s’opposait pas à la nouvelle proposition, mais que, lors du vote, aucune majorité qualifiée ne s’était dessinée.

65      Le 11 décembre 2006, la Commission a adopté la directive 2006/133/CE, modifiant la directive 91/414 en vue d’y inscrire la substance active flusilazole (JO L 349, p. 27, ci-après la « directive attaquée »), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

VIII –  Directive attaquée

66      La directive attaquée a inscrit le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 moyennant le respect de certaines conditions.

67      L’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 n’était valable que pour une durée de 18 mois, à savoir du 1er janvier 2007 au 30 juin 2008. Durant cette période, seules les utilisations comme fongicide sur les céréales (autres que le riz), sur le maïs, sur les graines de colza et sur les betteraves sucrières à des taux ne dépassant pas 200 grammes de substance active par hectare et par application étaient autorisées. De plus, la directive attaquée excluait l’utilisation de fongicides contenant du flusilazole pour le jardinage ainsi que les applications aériennes, par l’intermédiaire de pulvérisateurs à dos ou d’appareils tenus à la main. Elle imposait également que des mesures appropriées d’atténuation des risques soient prises par les États membres et précisait des mesures à prendre pour la protection en particulier des organismes aquatiques, des oiseaux et mammifères ainsi que des opérateurs (voir partie A de la colonne « Dispositions spécifiques » de l’annexe de la directive attaquée).

68      En outre, les États membres devaient soumettre les opérateurs à certaines obligations d’information et l’auteur de la notification à l’obligation de présenter certaines études (voir partie B de la colonne « Dispositions spécifiques » de l’annexe de la directive attaquée).

69      Enfin, les États membres étaient tenus par des obligations de vérification des autorisations existantes avant l’entrée en vigueur de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 et de réévaluation des produits autorisés pendant la période d’inscription (voir articles 2 et 3 de la directive attaquée).

IX –  Demande de renouvellement

70      Le 20 décembre 2006, l’auteur de la notification a sollicité auprès de la Commission le renouvellement de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour une durée de dix ans et sans limitations quant aux cultures. L’Irlande a été désignée comme État membre rapporteur et un dossier a été déposé par l’auteur de la notification le 27 avril 2007. La Commission a demandé aux autorités irlandaises de lui transmettre un rapport d’évaluation pour le mois d’août 2007 en vue d’achever l’évaluation avant le 30 juin 2008.

71      En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a indiqué que la procédure de renouvellement de l’inscription du flusilazole était devenue non prioritaire à la suite de l’adoption de l’ordonnance du président du Tribunal du 19 juillet 2007, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission (T‑31/07 R, Rec. p. II‑2767). La procédure de renouvellement n’était toujours pas achevée à la date de l’audience.

 Procédure et conclusions

72      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 février 2007, les requérantes ont introduit le présent recours.

73      Les requérantes, soutenues par l’intervenante, l’European Crop Protection Association (ECPA), concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’annexe de la directive attaquée en ce qu’elle fixe au 30 juin 2008 la date à laquelle expire l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 ;

–        annuler l’article 3, paragraphe 2, de la directive attaquée en ce qu’il fixe au 30 juin 2008 la date à laquelle les États membres modifient ou retirent, après réévaluation, l’autorisation accordée aux produits contenant du flusilazole ;

–        annuler la partie A de la colonne « Dispositions spécifiques » de l’annexe à la directive attaquée en ce qu’elle énonce une restriction aux types de cultures sur lesquelles l’utilisation du flusilazole peut être autorisée par les États membres au titre de son inscription dans l’annexe I de la directive 91/414/CEE, qui doit être transposée au plus tard le 30 juin 2007 ;

–        condamner la Communauté européenne, représentée par la Commission, à réparer tout dommage subi par les parties requérantes du fait des restrictions contestées et fixer leur indemnisation pour le dommage subi actuellement évalué à [confidentiel] (1) ou à tout autre montant correspondant au dommage subi ou à subir par elles tel qu’il sera établi par elles en cours de procédure pour prendre spécialement en compte le dommage futur ;

–        à titre subsidiaire, ordonner aux parties de produire dans un délai raisonnable à compter de la date de l’arrêt le montant de l’indemnisation convenue entre parties ou, à défaut, ordonner aux parties de produire dans le même délai leurs conclusions chiffrées ;

–        assortir l’indemnisation d’un intérêt au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, majoré de deux points, ou à tout autre taux approprié à déterminer par le Tribunal, qui courra depuis la date de l’arrêt jusqu’au parfait payement ;

–        condamner la Commission aux dépens.

74      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

75      Par ordonnance du 19 juillet 2007, le juge des référés a suspendu, à la demande des requérantes, les limitations de l’inscription du flusilazole au 30 juin 2008 et aux seules cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières contenues dans la directive attaquée (ci-après les « restrictions contestées ») jusqu’au prononcé de l’arrêt au principal [voir ordonnance Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, point 71 supra].

76      Un membre de la première chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, un autre juge pour compléter la chambre.

77      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

78      Les parties, assistées par leurs experts, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 27 mars 2012.

 Sur les demandes en annulation

 Sur la recevabilité

79      À la suite des questions posées par le Tribunal à l’audience, la Commission a renoncé à contester la recevabilité des demandes en annulation des requérantes au motif que ces dernières ne seraient pas directement et individuellement affectées par la directive attaquée, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

80      Il s’ensuit que la contestation par la Commission de la recevabilité des demandes en annulation des requérantes n’a plus trait qu’au caractère non détachable des restrictions contestées de la directive attaquée.

81      Ainsi qu’il a été exposé au point 73 ci-dessus, les requérantes concluent à l’annulation de la directive attaquée en ce qu’elle fixe au 30 juin 2008 la date à laquelle expire l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 et la date à laquelle les États membres modifient ou retirent, après réévaluation, l’autorisation accordée aux produits contenant du flusilazole. De plus, elles concluent à l’annulation de la directive attaquée en ce qu’elle énonce une restriction quant aux types de cultures sur lesquelles l’utilisation du flusilazole peut être autorisée par les États membres au titre de ladite inscription, qui doit être transposée au plus tard le 30 juin 2007.

82      La Commission soutient, en substance, qu’aucune desdites restrictions n’est détachable du reste de la directive attaquée parce qu’elles en constituent le cœur même. Par ailleurs, elle soutient que la demande en annulation des requérantes vise une annulation partielle de l’acte attaqué. Par conséquent, elle estime que cette demande est irrecevable.

83      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que cela a été constaté par une jurisprudence bien établie, l’annulation partielle d’un acte communautaire n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée soient détachables du reste de l’acte. La Cour a, de même, itérativement jugé qu’il n’était pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (voir, notamment, arrêts de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C‑29/99, Rec. p. I‑11221, points 45 et 46 ; du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C‑239/01, Rec. p. I‑10333, points 33 et 34, et du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, C‑540/03, Rec. p. I‑5769, points 27 et 28). Par ailleurs, il a été précisé que la question de savoir si une annulation partielle modifierait la substance de l’acte attaqué constitue un critère objectif et non un critère subjectif lié à la volonté politique de l’autorité qui a adopté l’acte litigieux (arrêts de la Cour Allemagne/Commission, précité, point 37, et du 24 mai 2005, France/Parlement et Conseil, C‑244/03, Rec. p. I‑4021, point 14).

84      En l’espèce, dès lors que les requérantes concluent uniquement à l’annulation des dispositions de la directive attaquée qui fixent au 30 juin 2008 la date à laquelle expire l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414, qui fixent au 30 juin 2008 la date à laquelle les États membres modifient ou retirent, après réévaluation, l’autorisation accordée aux produits contenant du flusilazole et qui énoncent une restriction quant aux types de cultures sur lesquelles l’utilisation du flusilazole peut être autorisée par les États membres au titre de ladite inscription qui doit être transposée au plus tard le 30 juin 2007, il y a lieu de constater qu’elles demandent une annulation partielle de la directive attaquée.

85      Or, une telle demande, s’il y était fait droit, aurait pour effet de modifier objectivement la substance même de la directive attaquée. En effet, la directive attaquée participe au régime d’autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques établi par la directive 91/414 en vue de notamment garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement et l’annulation partielle de la directive attaquée aurait pour conséquence l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour une durée allant au-delà du 30 juin 2008, la possibilité de réévaluer les autorisations accordées aux produits contenant du flusilazole après le 30 juin 2008 et l’absence de limitation aux seules cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières. De la sorte, la portée de l’autorisation que constitue l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 avec des restrictions moins sévères que celles de la directive attaquée différerait de celle découlant de la directive attaquée. Les limitations contestées par les requérantes constituent en effet des conditions impératives et essentielles à l’inscription de ladite substance dans l’annexe en question de sorte qu’une modification de ces conditions à la suite d’annulation partielle de la directive attaquée modifierait la substance même de la directive attaquée.

86      Il y a donc lieu de considérer que les dispositions de la directive attaquée prévoyant des conditions à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 dont les requérantes demandent l’annulation ne sont pas détachables du reste de la directive attaquée.

87      Par ailleurs, il n’est pas possible d’interpréter les conclusions des requérantes comme visant l’annulation de la directive 91/414 dans son ensemble. En effet, à la suite d’une question écrite du Tribunal, les requérantes se sont expressément opposées à une telle interprétation de leurs conclusions. Elles ont réaffirmé cette position à l’audience.

88      Par conséquent, compte tenu de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus et du fait que les dispositions de la directive attaquée prévoyant des conditions à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 dont l’annulation est demandée par les requérantes ne sont pas détachables du reste de la directive attaquée, il y lieu de rejeter les demandes en annulation des requérantes comme irrecevables.

89      Les différents arguments avancés par les requérantes ne permettent pas de remettre en cause cette conclusion.

90      Premièrement, les requérantes allèguent à tort que la Commission n’a pas démontré que les dispositions de la directive attaquée prévoyant des conditions à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 n’étaient pas détachables du reste de la directive attaquée. En effet, d’une part, l’absence d’une telle démonstration n’exclut pas que le Tribunal puisse constater que des demandes en annulation sont irrecevables. En effet, puisque les conditions de recevabilité d’un recours fondé sur l’article 230 CE peuvent être examinées d’office par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, Rec. p. II‑3207, point 21 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 19), l’absence de démonstration par la Commission de l’irrecevabilité d’un tel recours n’exclut pas que le Tribunal constate que ledit recours est irrecevable. D’autre part, force est de constater que, en l’espèce, la Commission a démontré à suffisance et à juste titre les raisons pour lesquelles les dispositions de la directive attaquée prévoyant des conditions à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 n’étaient pas détachables du reste de la directive attaquée. En effet, il ressort des écritures de la Commission qu’elle a indiqué que la suppression des restrictions contestées aboutirait à assortir la directive attaquée de mesures d’atténuation des risques entièrement différentes et qu’il y avait une différence objective entre inscrire une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 sans conditions et l’inscrire moyennant certaines conditions, dès lors que, sans le pouvoir d’imposer des conditions, il pourrait être impossible d’inscrire cette substance active dans ladite annexe.

91      Deuxièmement, les requérantes soutiennent erronément que déclarer irrecevables leurs demandes en annulation équivaudrait à un déni de justice.

92      Les requérantes allèguent qu’elles n’ont pas d’intérêt à demander l’annulation de la directive attaquée dans son intégralité, dès lors qu’une telle annulation aurait pour conséquence l’interdiction de toute commercialisation de produits phytosanitaires contenant du flusilazole (voir ordonnance Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, point 71 supra, points 121 et 122). Selon elles, une telle demande n’aurait aucun effet utile et serait déclarée irrecevable en raison de cette absence d’intérêt à agir. Elles estiment que, si les dispositions de la directive attaquée prévoyant des conditions à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 n’étaient pas détachables du reste de la directive attaquée, elles ne pourraient demander ni l’annulation totale de la directive attaquée, ni l’annulation partielle de celle-ci et que, si une annulation partielle leur était refusée, elles ne pourraient se prémunir contre un préjudice grave et irréparable qui résulterait de la directive attaquée. Par conséquent, elles estiment que l’irrecevabilité de leurs demandes en annulation, en application de la jurisprudence reprise au point 83 ci-dessus, entraînerait un déni de justice.

93      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 231, second alinéa, CE (devenu l’article 264, second alinéa, TFUE), la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. Or, la Cour a précisé que cette disposition autorise la juridiction compétente de l’Union européenne à maintenir provisoirement l’ensemble des effets d’une directive annulée (voir arrêt de la Cour du 7 juillet 1992, Parlement/Conseil, C‑295/90, Rec. p. I‑4193, points 26 et 27).

94      De même, la Cour a dit pour droit que ladite disposition est susceptible de s’appliquer également à une décision ayant pour effet de modifier une annexe contenue dans une directive et que, compte tenu du libellé de cette disposition, elle pourrait, même d’office, limiter l’effet d’annulation de son arrêt (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 juillet 1995, Parlement/Conseil, C‑21/94, Rec. p. I‑1827, points 31 et 32, et du 1er avril 2008, Parlement et Danemark/Commission, C‑14/06 et C‑295/06, Rec. p. I‑1649, points 84 à 86).

95      Ainsi, il est loisible au Tribunal, dans un cas particulier et, notamment, dans le cas d’un acte de portée générale, de limiter les effets d’une annulation d’un acte afin de tenir compte des intérêts des entreprises concernées et pour des motifs de sécurité juridique (voir arrêt Parlement et Danemark/Commission, point 94 ci-dessus, point 86).

96      En l’espèce, pour autant qu’il puisse être fait droit aux griefs au fond des requérantes, le Tribunal pourrait donc maintenir en vigueur l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 même si l’acte attaqué devait être annulé, et cela jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle directive inscrivant le flusilazole dans ladite annexe.

97      Ainsi, l’annulation de la directive attaquée dans son intégralité n’est pas dénuée d’intérêt ou d’effet utile pour les requérantes pour autant que les effets de ladite annulation soient limités jusqu’à l’adoption, par la Commission, d’une nouvelle directive en exécution du jugement annulant la directive attaquée conformément à l’article 266 TFUE.

98      Toutefois, interrogées par écrit et, ensuite, à l’audience, après que la portée de l’article 264, second alinéa, TFUE telle qu’exposée ci-dessus leur eut été rappelée, les requérantes ont maintenu que leurs conclusions devaient être comprises comme visant uniquement l’annulation des restrictions contenues dans la directive attaquée portant sur la durée de l’inscription et les cultures autorisées. Dans de telles circonstances, une interprétation par le Tribunal des conclusions des requérantes comme visant l’annulation de la directive attaquée dans son intégralité reviendrait à statuer ultra petita. L’annulation prononcée par le juge ne saurait en effet excéder celle sollicitée par les requérantes (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, Belgique et Commission/Genette, T‑90/07 P et T‑99/07 P, Rec. p. II‑3859, point 72, et la jurisprudence citée).

99      Au vu de ce qui précède, l’irrecevabilité du recours des requérantes ne constitue pas un déni de justice dès lors qu’elles auraient pu demander l’annulation de la directive attaquée dans son entièreté tout en invitant le Tribunal à limiter les effets de ladite annulation jusqu’au moment de l’adoption, par la Commission, des mesures nécessaires à l’exécution du jugement en annulation.

100    Troisièmement, les requérantes invoquent, à l’appui de leur thèse selon laquelle les effets dans le temps d’un acte seraient, à eux seuls, susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, l’arrêt du Tribunal du 7 octobre 2009, Vischim/Commission (T‑380/06, Rec. p. II‑3911).

101    Il convient cependant de relever que la jurisprudence de la Cour à laquelle se réfère le Tribunal dans cette affaire (arrêts de la Cour du 11 juillet 1991, Crispoltoni, C‑368/89, Rec. p. I‑3695, et du 1er avril 1993, Diversinte et Iberlacta, C‑260/91 et C‑261/91, Rec. p. I‑1885) concerne la possibilité de mettre en cause la rétroactivité des dispositions d’un acte, l’annulation de telles dispositions demeurant en effet sans incidence sur les effets futurs de cet acte.

102    Cette situation se distingue toutefois clairement de celle dans laquelle une autorisation limitée dans le temps est prévue par un acte et où seule cette limitation dans le temps est contestée. En effet, dans un tel cas, l’annulation de cette seule limitation dans le temps aurait une incidence sur les effets futurs dudit acte, en ce qu’elle modifierait la portée de l’autorisation, et il s’ensuit qu’il ne s’agit pas de dispositions détachables de l’autorisation proprement dite.

103    En outre, force est de constater que, dans l’arrêt Vischim/Commission (point 100 supra, point 55), le Tribunal s’est expressément fondé sur la possibilité offerte au juge de limiter les effets d’une annulation telle que consacrée par l’article 231, second alinéa, CE pour justifier la recevabilité du recours dans cette affaire.

104    Or, comme indiqué aux points 98 et 99 ci-dessus, une telle possibilité suppose que le recours en annulation soit recevable et, lors de l’audience, les requérantes ont indiqué que leurs conclusions ne pouvaient être interprétées comme visant une annulation de la directive attaquée dans son entièreté tout en demandant une limitation des effets de l’annulation jusqu’à l’adoption d’une nouvelle directive en exécution de l’arrêt du Tribunal.

105    Partant, l’argument des requérantes fondé sur l’arrêt Vischim/Commission (point 100 supra) ne permet pas en l’espèce de déclarer le recours en annulation partielle des requérantes recevable.

 Sur la demande en indemnité

I –  Introduction

106    Les requérantes considèrent que les illégalités qu’elles dénoncent dans leurs demandes en annulation sont également susceptibles d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

107    En particulier, d’après les requérantes, en adoptant les restrictions contestées, la Commission a méconnu les résultats de l’évaluation des risques et a, par conséquent, violé le droit communautaire, ainsi qu’elles l’ont fait valoir dans leurs demandes en annulation.

II –  Sur la recevabilité

A –  Considérations liminaires

108    Les requérantes et la Commission s’accordent sur le fait que tout argument détaillé sur les dommages et intérêts peut être reporté jusqu’à ce que le Tribunal tranche la question de savoir si la responsabilité non contractuelle de la Communauté est engagée en l’espèce.

109    Ainsi, les parties acceptent que, s’agissant de la demande en indemnité, le Tribunal prononce un arrêt interlocutoire portant uniquement sur l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté en raison des limitations de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour quatre cultures seulement, jusqu’au 30 juin 2008, avec une réévaluation des autorisations conférées aux produits contenant du flusilazole pour cette date.

110    Toutefois, la Commission met en doute le caractère suffisamment précis des demandes de dommages et intérêts des requérantes pour qu’elles puissent être recevables.

111    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20 ; du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49, et arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 29).

112    Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant la réparation des dommages prétendument causés par une institution de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice. En revanche, une demande tendant à obtenir une indemnité quelconque manque de précision nécessaire et doit par conséquent être considérée comme irrecevable (arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 9 ; arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, Rec. p. II‑367, point 73, et ordonnance du Tribunal du 5 février 2007, Sinara Handel/Conseil et Commission, T‑91/05, Rec. p. II‑245, point 87).

113    Par ailleurs, il convient de rappeler que le fait que la Cour et le Tribunal ont déjà eu l’occasion de se prononcer, par voie d’arrêt interlocutoire, sur le principe de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté en réservant la détermination exacte de la réparation à une décision ultérieure ne saurait dispenser un requérant du respect des exigences de formes minimales prévues à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. Il s’ensuit également qu’un requérant qui sollicite de la part du Tribunal le prononcé d’un tel arrêt, non seulement reste tenu de fournir les éléments nécessaires à l’identification du comportement reproché à la Communauté, du caractère et de la nature de son préjudice et du lien de causalité entre le comportement et le préjudice, mais doit en outre indiquer les raisons justifiant qu’il soit dérogé à l’exigence selon laquelle la requête doit contenir une évaluation chiffrée du préjudice invoqué (ordonnance Sinara Handel/Conseil et Commission, point 112 supra, point 111).

114    Par conséquent, il convient d’apprécier si les requérantes ont respecté les exigences minimales prévues à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure et si elles ont invoqué des raisons à l’appui de leur demande interlocutoire.

B –  Sur le respect des exigences minimales

115    S’agissant du caractère suffisamment précis des demandes de dommages et intérêts des requérantes, il convient d’observer que ces dernières soutiennent que leur dommage découle, d’une part, de l’interdiction de l’utilisation du flusilazole sur des cultures autres que celles visées par la directive attaquée à compter du 30 juin 2007 et, d’autre part, de l’interdiction de commercialiser les produits phytosanitaires contenant du flusilazole à partir du 30 juin 2008. Ce dommage s’élèverait à environ [confidentiel]. Les requérantes joignent à cet effet deux documents. Le premier document est un tableau intitulé « Flusilazole business evaluation » comprenant une estimation des revenus générés par l’activité liée au flusilazole pour les années allant de 2007 à 2017. Le second document contient une évaluation économique et est intitulé « Preliminary economic impact assessment of the non-inclusion of flusilazole in annexe I of directive 91/414 ». En outre, les requérantes invoquent comme dommage [confidentiel].

116    Au vu de ces éléments, il convient de constater que les propos des requérantes quant au dommage dont elles demandent la réparation en raison des prétendues illégalités commises par la Commission sont suffisamment précis.

117    Cette conclusion ne peut être remise en cause par le fait que les requérantes n’ont pas indiqué la part du dommage dont elles demandent la réparation en raison des prétendues illégalités commises par la Commission que chacune d’entre elles a subi. En effet, l’exigence de précision requise par l’article 44 du règlement de procédure peut, en l’espèce, être considérée comme remplie dès lors qu’une estimation du dommage encouru par l’ensemble des requérantes appartenant à un même groupe de sociétés a été fournie dans la requête.

C –  Sur les raisons de la demande tendant à ce que soit prononcé un arrêt interlocutoire

118    Les requérantes soutiennent, en substance, qu’il est justifié que le Tribunal rende un arrêt interlocutoire dès lors que les préjudices en cause étaient des préjudices à venir dont il était difficile d’établir, au moment de l’introduction de la requête, le montant total.

119    Le Tribunal estime que la circonstance selon laquelle le montant exact des dommages encourus ne pourra être déterminé, en cas d’illégalité, qu’après l’introduction du recours, justifie, en l’espèce, qu’il rende un arrêt interlocutoire.

D –  Conclusion

120    Pour les motifs qui précèdent, c’est à tort que la Commission met en doute la recevabilité de la demande en indemnité des requérantes au motif qu’elle ne satisferait pas aux exigences de formes minimales prévues à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. En outre, les circonstances de l’espèce se prêtent à l’adoption d’un arrêt interlocutoire portant sur l’engagement ou non de la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

III –  Sur le fond

A –  Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté

121    L’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêts de la Cour du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, Rec. p. I‑10833, point 26, et la jurisprudence citée, et du Tribunal du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, Rec. p. II‑211, point 139, et la jurisprudence citée).

122    Étant donné le caractère cumulatif de ces conditions, le recours doit être rejeté dans son ensemble lorsqu’une seule de ces conditions n’est pas remplie (voir arrêt Arcelor/Parlement et Conseil, point 121 supra, point 140, et la jurisprudence citée).

123    S’agissant de la première de ces conditions, il est exigé que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêts de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, Rec. p. I‑5291, point 42, et du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, Rec. p. I‑6513, point 173). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. C’est seulement lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, que la simple infraction au droit communautaire peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, Rec. p. I‑11355, point 54 ; voir arrêt Arcelor/Parlement et Conseil, point 121 supra, point 141, et la jurisprudence citée).

124    Il convient d’apprécier l’argumentation des requérantes ayant trait à des illégalités prétendument commises par la Commission à la lumière de ces critères.

125    À cet égard, il y a lieu de préciser que les restrictions relatives à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 que les requérantes contestent ont été imposées dans le contexte de ladite directive en vue de la protection de la santé humaine et de l’environnement, matière technique, complexe et évolutive, dans laquelle le législateur jouit d’un large pouvoir d’appréciation.

126    Il s’ensuit qu’une éventuelle violation suffisamment caractérisée des règles de droit en cause doit reposer sur une méconnaissance manifeste et grave des limites du large pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose dans l’exercice de ses compétences en matière de protection de la santé humaine et de l’environnement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 166).

127    Dès lors, il y a lieu de vérifier si la prétendue violation des règles de droit invoquée par les requérantes consiste en une méconnaissance manifeste et grave des limites de la large marge d’appréciation dont disposait la Commission lors de l’adoption de la directive attaquée.

B –  Sur l’illégalité fondée sur les premier et deuxième moyens, tirés d’une évaluation du danger et non des risques et de la violation du principe de proportionnalité

1.     Introduction

128    Les requérantes estiment, en substance, que les restrictions contestées sont illégales parce que l’auteur de la notification a démontré l’innocuité du flusilazole pour certaines utilisations.

129    Plus particulièrement, les requérantes considèrent que les résultats de l’évaluation du flusilazole, qui a été faite en conformité avec les dispositions de la directive 91/414 en vue de son inscription dans l’annexe I de ladite directive, ne peuvent justifier les restrictions contestées. Elles estiment que lesdites restrictions sont le résultat d’une évaluation du danger et non du risque. Il s’ensuit, selon les requérantes, que les restrictions contestées sont contraires au traité CE, à la directive 91/414, au principe de précaution et au principe de proportionnalité et justifient la réparation du préjudice qu’elles ont subi.

130    Avant d’examiner ces différents griefs (voir points 165 à 281 ci-après), il convient de rappeler la portée des règles applicables en l’espèce (voir points 131 à 159 ci-après) et d’énoncer les motifs de la directive attaquée justifiant les restrictions contestées (voir points 160 à 164 ci-après).

2.     Considérations de principe

a)     Introduction

131    Ainsi qu’il ressort de ses cinquième, sixième et neuvième considérants, la directive 91/414 vise à l’élimination des entraves aux échanges intracommunautaires de produits phytopharmaceutiques, tout en maintenant un niveau élevé de protection de l’environnement ainsi que de la santé humaine et animale (arrêts de la Cour du 14 septembre 2006, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, C‑138/05, Rec. p. I‑8339, point 43, et du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, Rec. p. I‑6557, point 74 ; arrêt du Tribunal du 19 novembre 2009, Denka International/Commission, T‑334/07, Rec. p. II‑4205, point 92).

132    En imposant le maintien d’un niveau élevé de protection de la santé humaine, la directive 91/414 applique l’article 152, paragraphe 1, CE, qui dispose qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et dans la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté. Cette protection de la santé publique a une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques, de sorte qu’elle est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 12 juillet 1996, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96 R, Rec. p. I‑3903, point 93).

133    En outre, la procédure d’autorisation préalable mise en place par la directive 91/414 pour les produits phytopharmaceutiques constitue une des expressions du principe général de droit de l’Union que constitue le principe de précaution. Ce principe fait partie intégrante du processus de décision conduisant à l’adoption de toute mesure de protection de la santé humaine lorsque la Commission ou, le cas échéant, le Conseil statue sur une demande d’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 (voir arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, Rec. p. I‑13533, point 74).

b)     Principe de précaution

 Définition

134    Le principe de précaution impose aux autorités concernées de prendre, dans le cadre précis de l’exercice des compétences qui leur sont attribuées par la réglementation pertinente, des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement, en faisant prévaloir les exigences liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques (voir arrêts du Tribunal du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, Rec. p. II‑4945, points 183 et 184, et du 21 octobre 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T‑392/02, Rec. p. II‑4555, point 121, et la jurisprudence citée).

135    Le principe de précaution permet aux institutions, lorsque des incertitudes scientifiques subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé humaine, de prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, Rec. p. I‑2265, point 99 ; du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a., C‑236/01, Rec. p. I‑8105, point 111, et du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C‑504/04, Rec. p. I‑679, point 39 ; voir arrêt du Tribunal du 10 mars 2004, Malagutti-Vezinhet/Commission, T‑177/02, Rec. p. II‑827, point 54) ou que les effets adverses pour la santé se matérialisent (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, points 139 et 141, et du 11 septembre 2002, Alpharma/Conseil, T‑70/99, Rec. p. II‑3495, points 152 et 154).

136    Au sein du processus aboutissant à l’adoption par une institution de mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement en vertu du principe de précaution, trois étapes successives peuvent être distinguées : premièrement, l’identification des effets potentiellement négatifs découlant d’un phénomène, deuxièmement, l’évaluation des risques pour la santé publique, la sécurité et l’environnement qui sont liés à ce phénomène, troisièmement, lorsque les risques potentiels identifiés dépassent le seuil de ce qui est acceptable pour la société, la gestion du risque par l’adoption de mesures de protection appropriées. Si la première de ces étapes ne requiert pas de plus amples explications, les deux étapes suivantes méritent d’être explicitées.

 Évaluation des risques

–       Introduction

137    L’évaluation des risques pour la santé publique, la sécurité et l’environnement consiste, pour l’institution qui doit faire face à des effets potentiellement négatifs découlant d’un phénomène, à apprécier de manière scientifique lesdits risques et à déterminer s’ils dépassent le niveau de risque jugé acceptable pour la société. Ainsi, afin que les institutions puissent procéder à une évaluation des risques, il leur importe, d’une part, de disposer d’une évaluation scientifique des risques et, d’autre part, de déterminer le niveau de risque jugé inacceptable pour la société (voir, en ce sens, arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, point 149, et Alpharma/Conseil, point 135 supra, point 162).

–       Sur l’évaluation scientifique

138    L’évaluation scientifique des risques est un processus scientifique qui consiste, autant que possible, à identifier un danger et à caractériser ledit danger, à évaluer l’exposition à ce danger et à caractériser le risque (arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, point 156, et Alpharma/Conseil, point 135 supra, point 169).

139    Dans sa communication COM (2000) 1 final sur le recours au principe de précaution, du 2 février 2000, la Commission a défini ces quatre éléments constitutifs d’une évaluation scientifique des risques comme suit (voir annexe III) :

« L’‘identification du danger’ consiste à déceler les agents biologiques, chimiques ou physiques susceptibles d’avoir des effets défavorables […]

La ‘caractérisation du danger’ consiste à déterminer, en termes quantitatifs et/ou qualitatifs, la nature et la gravité des effets défavorables liés aux agents ou à l’activité en cause […]

L’‘évaluation de l’exposition’ consiste en une évaluation quantitative ou qualitative de la probabilité d’exposition à l’agent étudié […]

La ‘caractérisation du risque’ correspond à l’estimation qualitative et/ou quantitative tenant compte des incertitudes inhérentes à cet exercice, de la probabilité, de la fréquence et de la gravité des effets défavorables, potentiels ou connus, susceptibles de se produire pour l’environnement ou la santé. Elle est établie sur la base des trois volets qui précèdent et est étroitement liée aux incertitudes, variations, hypothèses de travail et conjectures faites à chaque phase du processus. »

140    L’évaluation scientifique des risques ne doit pas obligatoirement fournir aux institutions des preuves scientifiques concluantes de la réalité du risque et de la gravité des effets adverses potentiels en cas de réalisation de ce risque. En effet, le contexte de l’application du principe de précaution correspond par hypothèse à un contexte d’incertitude scientifique. En outre, l’adoption d’une mesure préventive ou, à l’inverse, son retrait ou son assouplissement ne sauraient être subordonnés à la preuve d’une absence de tout risque, car une telle preuve est, en général, impossible à fournir d’un point de vue scientifique dès lors qu’un niveau de risque zéro n’existe pas en pratique (voir, en ce sens, arrêt Solvay Pharmaceuticals/Conseil, point 134 supra, point 130). Toutefois, une mesure préventive ne saurait valablement être motivée par une approche purement hypothétique du risque, fondée sur de simples suppositions scientifiquement non encore vérifiées (arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, points 142 et 143 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Suède/Commission, T‑229/04, Rec. p. II‑2437, point 161).

141    En effet, l’évaluation scientifique des risques doit se fonder sur les meilleures données scientifiques disponibles et doit être menée de manière indépendante, objective et transparente (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, Rec. p. I‑7027, point 60 ; arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, point 158, et Alpharma/Conseil, point 135 supra, point 171).

142    Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives, sous réserve qu’elles soient non discriminatoires et objectives (arrêt Afton Chemical, point 141 supra, point 61).

143    Il s’ensuit qu’une mesure préventive ne saurait être prise que si le risque, sans que son existence et sa portée aient été démontrées « pleinement » par des données scientifiques concluantes, apparaît néanmoins suffisamment documenté sur la base des données scientifiques disponibles au moment de la prise de cette mesure (arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, points 144 et 146).

144    Dans un tel contexte, la notion de « risque » correspond dès lors au degré de probabilité des effets adverses pour le bien protégé par l’ordre juridique en raison de l’acceptation de certaines mesures ou de certaines pratiques. La notion de « danger » est, quant à elle, utilisée communément dans un sens plus large et décrit tout produit ou procédé pouvant avoir un effet adverse pour la santé humaine ou tout autre bien protégé par l’ordre juridique (voir, en ce sens, arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, point 147, et du Tribunal du 9 septembre 2011, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07, non encore publié au Recueil, point 147).

–       Sur la détermination du niveau de risque jugé acceptable

145    La détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société revient, moyennant le respect des normes applicables, aux institutions en charge du choix politique que constitue la fixation d’un niveau de protection approprié pour ladite société. C’est à ces institutions qu’il incombe de déterminer le seuil critique de probabilité des effets adverses pour la santé publique, la sécurité et l’environnement et le degré de ces effets potentiels qui ne leur semble plus acceptable pour cette société et qui, une fois dépassé, nécessite, dans l’intérêt de la protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement, le recours à des mesures préventives malgré l’incertitude scientifique subsistante (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 2000, Toolex, C‑473/98, Rec. p. I‑5681, point 45, et arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, points 150 et 151).

146    Lors de la détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société, les institutions sont tenues par leurs obligations d’assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement. Ce niveau élevé de protection ne doit pas nécessairement, pour être compatible avec l’article 152, paragraphe 2, CE, être techniquement le plus élevé possible (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 14 juillet 1998, Safety Hi-Tech, C‑284/95, Rec. p. I‑4301, point 49). Par ailleurs, ces institutions ne peuvent adopter une approche purement hypothétique du risque et orienter leurs décisions à un niveau de « risque zéro » (arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, point 152).

147    La détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société dépend de l’appréciation portée par l’autorité publique compétente sur les circonstances particulières de chaque cas d’espèce. À cet égard, cette autorité peut tenir compte, notamment, de la gravité de l’impact d’une survenance de ce risque sur la santé publique, la sécurité et l’environnement, y compris l’étendue des effets adverses possibles, de la persistance, de la réversibilité ou des effets tardifs possibles de ces dégâts ainsi que de la perception plus ou moins concrète du risque sur la base de l’état des connaissances scientifiques disponibles (voir, en ce sens, arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 126 supra, point 153).

 Gestion du risque

148    La gestion du risque correspond à l’ensemble des actions entreprises par une institution qui doit faire face à un risque afin de le ramener à un niveau jugé acceptable pour la société eu égard à son obligation, en vertu du principe de précaution, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement.

149    Ces actions comprennent l’adoption de mesures provisoires qui doivent être proportionnées, non discriminatoires, transparentes et cohérentes par rapport à des mesures similaires déjà adoptées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er avril 2004, Bellio F.lli, C‑286/02, Rec. p. I‑3465, point 59).

150    Le principe de proportionnalité, énoncé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, fait partie des principes généraux du droit communautaire. Ce principe exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt Afton Chemical, point 141 supra, point 45, et la jurisprudence citée).

c)     Sur l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414

151    L’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 prévoit que, pour qu’une substance puisse être inscrite dans l’annexe I de cette même directive, il doit être permis d’escompter, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, que l’utilisation et les résidus des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active en cause, consécutifs à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires, n’ont pas d’effet nocif sur la santé humaine ou animale ou d’influence inacceptable sur l’environnement.

152    Il a été jugé que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, interprété en liaison avec le principe de précaution, impliquait que, s’agissant de la santé humaine, l’existence d’indices sérieux qui, sans écarter l’incertitude scientifique, permettaient raisonnablement de douter de l’innocuité d’une substance, s’opposait, en principe, à l’inscription de cette substance dans l’annexe I de ladite directive (arrêt Suède/Commission, point 140 supra, point 161).

153    Toutefois, il ressort également de la jurisprudence, après une interprétation systématique des articles 4 et 5 de la directive 91/414, que l’article 5, paragraphe 4, de ladite directive, selon lequel l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de cette directive peut être subordonnée à certaines restrictions d’utilisation, a pour effet de permettre l’inscription de substances qui ne satisfont pas aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de la même directive en imposant certaines restrictions qui écartent les utilisations problématiques de la substance en cause. Dès lors que l’article 5, paragraphe 4, de la directive en question apparaît comme un tempérament à l’article 5, paragraphe 1, de la directive concernée, il convient de l’interpréter à la lumière du principe de précaution. En conséquence, avant l’inscription d’une substance dans ladite annexe, il doit être établi, au-delà de tout doute raisonnable, que les restrictions à l’utilisation de la substance en cause permettent d’assurer une utilisation de cette substance qui soit conforme aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de la directive en cause (arrêt Suède/Commission point 140 supra, points 169 et 170).

154    Enfin, il y lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 6, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 3600/92, tel que modifié par le règlement n° 2266/2000, que c’est à l’auteur de la notification qu’il appartient d’apporter la preuve que, sur la base des informations soumises pour une ou plusieurs préparations correspondant à une série limitée d’usages représentatifs, les exigences de la directive 91/414 sont satisfaites au regard des critères visés à l’article 5 de ladite directive.

d)     Sur l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté dans le contexte de la directive 91/414

155    Dans le cadre de leur évaluation des risques pour la santé humaine et l’environnement que représente une substance active telle que requise par la directive 91/414, les institutions communautaires doivent procéder à des évaluations complexes d’ordre technique et scientifique. En outre, elles ont un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice de leurs compétences en matière de protection de la santé humaine et de l’environnement. Elles disposent ainsi également d’un large pouvoir d’appréciation quant aux conditions à imposer pour l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de ladite directive.

156    Ainsi qu’il a été exposé aux points 125 et suivants ci-dessus, ce large pouvoir d’appréciation et ces évaluations complexes impliquent que seule une méconnaissance manifeste et grave des limites dudit pouvoir d’appréciation peut entraîner une violation suffisamment caractérisée des règles de droit susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

157    Par ailleurs, il convient de rappeler que la légalité d’un acte communautaire s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit dont l’institution pouvait disposer à la date à laquelle l’acte a été adopté. Par conséquent, est exclue la prise en compte, lors de l’appréciation de la légalité de cet acte, d’éléments postérieurs à la date à laquelle l’acte communautaire a été adopté (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, Rec. p. I‑2577, point 54, et du Tribunal du 27 septembre 2006, Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec. p. II‑3137, point 325).

158    En l’espèce, les requérantes fondent leur demande en indemnité sur la prétendue illégalité de certaines restrictions imposées dans la directive attaquée inscrivant le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414. En particulier, elles estiment que les preuves scientifiques apportées lors de l’évaluation des risques du flusilazole en vue de son inscription dans ladite annexe ne permettent pas de justifier les restrictions contestées.

159    Il s’ensuit que la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne pourra être engagée que pour autant que les requérantes démontrent une illégalité de nature à engager ladite responsabilité sur la base d’éléments de fait et de droit dont l’institution pouvait disposer à la date à laquelle la directive attaquée a été adoptée.

3.     Motifs de la directive attaquée

160    Il ressort des considérants de la directive attaquée que la Commission a justifié l’imposition des restrictions contestées pour les motifs suivants.

161    Tout d’abord, la Commission a considéré que le flusilazole était une substance dangereuse. Selon elle, les différents examens effectués sur cette substance active avaient donné lieu à des préoccupations au sujet de ses effets toxiques intrinsèques, notamment de ses propriétés potentielles de perturbation endocrinienne. Il n’y avait toutefois aucun consensus scientifique sur l’ampleur précise du risque. Par conséquent, en application du principe de précaution et sur la base des connaissances scientifiques au moment de l’adoption de la directive attaquée, la Commission a considéré qu’il convenait d’imposer des mesures visant à atténuer les risques afin d’obtenir le niveau élevé de protection de la santé animale et humaine et de l’environnement qui a été adopté dans la Communauté (voir considérant 5 de la directive attaquée).

162    Ensuite, la Commission a estimé que les produits phytopharmaceutiques contenant du flusilazole pourraient satisfaire aux exigences énoncées à l’article 5, paragraphe 1, points a) et b), de la directive 91/414, en ce qui concerne les utilisations examinées et décrites dans le rapport d’examen de la Commission, à condition que des mesures visant à atténuer les risques soient appliquées (voir considérant 5 de la directive attaquée).

163    Les mesures d’atténuation des risques comprenaient une limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 aux seules utilisations proposées qui avaient effectivement été évaluées dans le cadre de l’évaluation communautaire et qui avaient été jugées conformes aux conditions de ladite directive. La Commission a estimé que cette limitation garantissait que chaque utilisation fasse l’objet d’une évaluation complète avant qu’une inscription dans ladite annexe puisse être envisagée et qu’elle permettait d’éviter des divergences dans le niveau élevé de protection recherché. Elle a estimé que, en raison de la nature dangereuse du flusilazole, il avait été jugé nécessaire de prévoir une harmonisation minimale au niveau communautaire de certaines mesures visant à atténuer les risques qui devaient être appliquées par les États membres lors de l’octroi des autorisations (voir considérant 6 de la directive attaquée).

164    Les mesures d’atténuation des risques comprenaient également une limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à 18 mois. La Commission a estimé que cette limitation réduisait encore les risques en garantissant que le flusilazole soit réévalué en priorité (voir considérant 8 de la directive attaquée).

4.     Sur la légalité des mesures contestées

a)     Prémisses

 Sur les perturbateurs endocriniens

165    Il ressort du dossier de la présente affaire que le système endocrinien se définit comme un réseau complexe de glandes, d’hormones et de récepteurs. Les glandes endocrines sécrètent des hormones qui transitent par le système sanguin jusqu’à des récepteurs spécifiques situés dans les organes où elles déclenchent des effets biologiques. Le système endocrinien assure le lien essentiel de communication et de contrôle entre le système nerveux et des fonctions de l’organisme telles que la reproduction, l’immunité, le métabolisme et le comportement.

166    Par ailleurs, il est constant que la perturbation endocrinienne est un sujet complexe et les connaissances scientifiques en la matière sont incomplètes. Ainsi, des problèmes subsistent, en particulier s’agissant de la santé humaine, dans l’établissement de liens de causalité entre l’exposition à un perturbateur endocrinien présumé et un quelconque effet mesuré. La compréhension des perturbations endocriniennes nécessite dès lors encore davantage de recherche scientifique.

167    Les incertitudes scientifiques quant aux perturbateurs endocriniens affectent leur prise en compte lors de l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414. En effet, il est constant que le manque de compréhension des perturbateurs endocriniens limite la mise en place d’une méthodologie harmonisée pour l’évaluation des risques qu’ils entraîneraient pour la santé humaine et animale ainsi que pour l’environnement.

168    Le comité scientifique des plantes s’est prononcé sur l’importance de cette question dans un avis du 2 décembre 1999 intitulé « Opinion of the scientific Committee on Plants on Endocrine disruption relevance in the context of Council directive 91/414/EEC concerning the placing of plant protection products on the market ».

169    Dans son avis du 2 décembre 1999, le comité scientifique des plantes a considéré que les données à fournir par l’auteur de la notification d’une substance active pour son appréciation toxicologique permettaient une évaluation relativement exhaustive des risques de perturbations endocriniennes d’origine toxicologique à condition qu’il soit tenu compte des éléments pouvant alerter les évaluateurs de la présence de mécanismes, d’effets ou de résultats liés à des perturbations endocriniennes.

170    S’agissant des propriétés écotoxicologiques d’une substance active, le comité scientifique des plantes a considéré que la situation était moins favorable, car une appréciation du risque adéquate impliquait une prise en compte de tous les effets pertinents d’un point de vue écotoxicologique de la substance active. Or, les tests en vigueur ne couvraient pas tous ces effets. En effet, selon ledit comité, les lacunes en connaissance de base des invertébrés terrestres et aquatiques ainsi que la grande variété de systèmes endocriniens chez les invertébrés n’avaient pas permis aux experts internationaux de recommander des tests standard pour les besoins des processus réglementaires.

171    Le comité scientifique des plantes a précisé que, en cas de signes d’alerte attestant d’un effet endocrinien, en particulier lors d’effets critiques en termes de dose, il était recommandé de faire un examen collégial en vue de clarifier l’origine éventuelle de ces effets et, le cas échéant, de solliciter des études spécifiques complémentaires pour élucider pleinement le phénomène. Pour l’écotoxicologie, ledit comité a recommandé que l’évaluation des produits phytopharmaceutiques se fasse à l’avenir selon une approche souple. Il a estimé que les évaluateurs devaient recourir au dossier toxicologique des mammifères, qui ne valait pas seulement pour l’évaluation du risque chez les mammifères sauvages, mais attestait aussi les mécanismes endocriniens chez les vertébrés en général de bien meilleure façon que toute méthode de dépistage.

172    Le comité scientifique des plantes a indiqué également que ces appréciations sur les tests toxicologiques tels que développés pour les besoins de la directive 91/414 l’avaient été alors que le savoir scientifique concernant les perturbateurs endocriniens était limité et que cela avait conduit à un manque de spécificité de certains tests en ce qui concerne les mécanismes liés aux perturbations endocriniennes ainsi que les indicateurs biologiques et toxicologiques. Il était dès lors d’avis que les lignes directrices pour les tests toxicologiques pouvaient être améliorées afin d’accroître la sensibilité et la spécificité desdits tests pour la détection d’effets liés aux perturbations endocriniennes. Il recommandait toutefois d’attendre les résultats du programme mis en place afin d’accroître la sensibilité et la spécificité de ces tests pour la détection d’effets liés aux perturbations endocriniennes par l’OCDE avant de modifier l’annexe II de la directive 91/414.

173    Le document de travail des services de la Commission, du 28 octobre 2004, sur l’exécution d’une stratégie communautaire pour les perturbateurs endocriniens – une série de substances suspectées d’interférer avec les systèmes hormonaux humain et de la faune et de la flore [SEC (2004) 1372], a confirmé l’approche consistant à procéder à des tests additionnels lorsqu’il y avait des indices qu’une substance active était susceptible de causer des perturbations endocriniennes, dans l’attente de l’adoption par l’OCDE d’une méthodologie spécifique d’examen des perturbateurs endocriniens.

 Sur l’évaluation du flusilazole

174    Il est constant que le flusilazole est un fongicide avec des propriétés curatives, de protection et d’éradication à l’encontre d’une série de pathologies affectant des produits agricoles. Le flusilazole fait partie du groupe des fongicides azoles dont l’efficacité résulte de l’inhibition des enzymes cytochromes P 450 impliquées dans la biosynthèse de l’ergostérol.

175    En vue de son inscription dans l’annexe I de la directive 91/414, le flusilazole a fait l’objet des tests requis afin de permettre une évaluation des différents critères énoncés dans les annexes II et III de la directive 91/414.

176    Les propriétés toxicologiques intrinsèques du flusilazole ont été révélées et évaluées à la suite des tests requis pour satisfaire aux exigences des annexes II et III de la directive 91/414. Lesdits tests ont notamment révélé que le flusilazole avait des effets cancérigènes et toxiques pour la reproduction. La base de données toxicologiques relatives au flusilazole fait état de toxicité maternelle et d’une réaction cancérigène chez les rats mâles qui peut résulter d’effets sur le système endocrinien.

177    Le flusilazole s’est révélé pouvoir inhiber l’aromatase, ce qui pourrait causer des perturbations endocriniennes chez les mammifères [voir Trösken et al. (2004), « Comparative assessment of the inhibition of recombinant human CYP19 (aromatase) by azoles used in agriculture and as drugs for humans »].

178    Plus particulièrement, il ressort des données fournies par les requérantes qu’un des effets secondaires du flusilazole est qu’il peut également être un inhibiteur d’enzymes cytochromes P 450 chez les mammifères. Les requérantes indiquent ainsi que le flusilazole crée une inhibition enzymatique de l’aromatase impliquée dans la stéroïdogenèse et provoque une inhibition de deux enzymes intervenant dans la synthèse de la testostérone.

179    Au vu de ces dernières propriétés, le flusilazole a été soumis à des tests additionnels par rapport aux tests requis pour satisfaire aux exigences des annexes II et III de la directive 91/414. Parmi les résultats de ces tests additionnels figurent une étude dite « du cycle complet de vie des poissons » et des études sur des rongeurs concernant l’effet du flusilazole sur le développement mental ainsi que concernant la toxicité chronique et mutigénérationnelle du flusilazole.

180    Les parties s’accordent sur le fait que les propriétés potentielles de perturbation endocrinienne du flusilazole ont été évaluées selon les meilleures pratiques disponibles au moment de l’adoption des restrictions contestées. Le présent litige ne porte dès lors pas sur l’existence d’une illégalité en raison de l’évaluation scientifique des risques qui a été faite, mais sur l’existence d’une illégalité susceptible d’engager la responsabilité de la Communauté en raison des mesures de gestion du risque qui ont été adoptées à la suite de cette évaluation.

b)     Sur les restrictions contestées

 Observations liminaires

181    Au vu des propriétés du flusilazole susceptibles d’affecter la santé humaine, la Commission pouvait, sans commettre d’illégalité, considérer que, en application du principe de précaution, il convenait d’assortir l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 de certaines restrictions (voir, par analogie, arrêt Gowan Comércio Internacional e Serviços, point 133 supra, point 79). En effet, cette institution disposait d’un fondement scientifique suffisant pour considérer que l’usage du flusilazole comportait un risque pour la santé humaine et animale ainsi que pour l’environnement.

182    La présente affaire soulève toutefois la question de savoir si la Commission pouvait adopter les restrictions contestées sans commettre une illégalité de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

183    À cet égard, il ressort de l’arrêt Gowan Comércio Internacional e Serviços (point 133 supra) que limiter l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 à certaines cultures seulement et pour une courte durée n’est pas, en principe, contraire à la directive 91/414. Toutefois, la légalité de l’inscription d’une substance active dans ladite annexe doit s’apprécier en tenant compte des circonstances de l’espèce.

 Sur la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à quatre cultures

–       Introduction

184    En 1995, dans son dossier présenté en vue d’inscrire le flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414, l’auteur de la notification a repris tous les usages qui étaient autorisés par les États membres à cette date, à savoir les fruits à pépins, les fruits à noyaux, les céréales, le maïs, le maïs doux, le colza, les tournesols, la betterave sucrière, les raisins, les endives et les roses.

185    À la suite d’une évaluation du rapport d’évaluation provisoire de l’État membre rapporteur par les experts scientifiques des autres États membres, des tableaux d’évaluation ont été établis par des experts des États membres. Il ressort de ces tableaux que, le 23 septembre 1999, pour certaines cultures, les données ayant trait aux résidus n’étaient pas disponibles. Le groupe d’évaluation a indiqué, à ce stade, que ces données devaient être prises en compte au niveau des États membres. Parmi les tableaux en question figurait également un tableau du 23 mars 2004, intitulé « Liste des utilisations étayées par les données disponibles », qui reprenait les quatre cultures ou groupes de cultures autorisés par la directive attaquée.

186    Par lettre du 20 octobre 2005, la Commission a demandé à l’auteur de la notification de soumettre une proposition contenant des conditions d’utilisation précises et des mesures d’atténuation des risques pour le flusilazole et l’a informé que, en cas d’inscription de ladite substance active dans l’annexe I, seuls les usages préconisés qui avaient fait l’objet d’une évaluation au niveau européen seraient admis.

187    Eu égard au risque de ne pas obtenir d’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 avant la date limite du 31 décembre 2006 (voir point 6 ci-dessus), l’auteur de la notification a, le 7 novembre 2005, répondu à cette demande que, sous toutes réserves, il proposait de limiter l’inscription du flusilazole comme fongicide aux cultures de céréales, de maïs, de graines de colza, de betteraves, de tournesols et de raisins.

188    Finalement, dans la directive attaquée, l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 a été restreinte aux cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières au motif qu’il fallait éviter des divergences dans le niveau élevé de protection recherché. Un tel niveau de protection impliquait, d’après la Commission, que seules les utilisations du flusilazole qui avaient effectivement été évaluées au niveau communautaire et qui avaient été jugées conformes aux conditions de l’article 5 de la directive 91/414 pouvaient être inscrites dans l’annexe I de ladite directive (voir considérant 6 de la directive attaquée).

189    Les requérantes contestent cette limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414.

190    D’une part, les requérantes estiment que, lorsqu’une utilisation sûre de la substance active a été démontrée, il n’appartient pas, par principe, aux instances communautaires d’examiner en détail toutes les utilisations possibles d’une substance active parce que cet examen relève de la compétence des États membres. Elles estiment que la directive 91/414 énonce à cet égard, en son annexe VI, un ensemble uniforme de principes d’évaluation du risque et de critères de décision que les États membres doivent appliquer dans cette évaluation. L’État membre rapporteur partagerait cette approche.

191    D’autre part, les requérantes soutiennent avoir démontré l’innocuité du flusilazole pour certains usages, de sorte que cette substance active devait être inscrite dans l’annexe I de la directive 91/414 sans restrictions quant à son usage pour certaines cultures. L’État membre rapporteur aurait évalué plus d’utilisations que celles incluses dans la directive attaquée. Ces évaluations n’auraient pas toutes été reprises dans le rapport d’évaluation parce que l’État membre rapporteur n’aurait pas jugé important de les énumérer pour « obtenir l’inscription ».

192    Il s’ensuit, selon les requérantes, que la restriction de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 aux cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières est illégale, parce que contraire aux principes de précaution, de proportionnalité, de subsidiarité et à ladite directive.

–       Sur le principe d’une inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 limitée à certaines cultures

193    En ce que les requérantes estiment qu’il ne relève pas de la compétence des institutions communautaires de limiter l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 à certaines cultures seulement, le Tribunal rappelle qu’une telle inscription est décidée par les instances communautaires compétentes et qu’elle est une condition préalable à l’octroi par les instances des États membres compétentes d’une autorisation pour les produits phytosanitaires contenant ladite substance active (voir articles 4 à 6 de ladite directive).

194    En effet, l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 n’est possible que si cette substance active remplit les conditions de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, qui impose qu’il puisse être escompté des produits phytopharmaceutiques contenant ladite substance active que leurs utilisations et leurs résidus, consécutifs à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires, n’aient pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale, ou d’influence inacceptable sur l’environnement.

195    L’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414 tempère la portée de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive en permettant d’inscrire des substances actives dans l’annexe I de cette directive qui ne satisfont pas aux exigences dudit article 5, paragraphe 1, pour autant que l’inscription desdites substances soit subordonnée à des exigences qui écartent leurs utilisations problématiques (arrêt Suède/Commission, point 140 supra, point 169).

196    L’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414 n’énumère pas de manière exhaustive les exigences auxquelles peut être subordonnée l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de ladite directive. En effet, cette disposition prévoit que l’inscription d’une substance active peut être subordonnée à des exigences non exhaustivement indiquées (« telles que ») et se limite donc à énumérer ensuite un certain nombre d’exigences possibles. Il s’ensuit que le texte de cette disposition ne s’oppose pas à ce que l’inscription d’une substance active puisse être limitée à certaines cultures seulement. Cette interprétation textuelle est, par ailleurs, conforme à l’objectif de cette directive qui, en application du principe de précaution, prévoit que seules sont inscrites les substances actives dont il peut être escompté que leurs résidus et leur utilisation n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine et animale et pour l’environnement. Enfin, cette interprétation est confirmée par l’article 6, paragraphe 1, de la même directive, qui fait état de « conditions auxquelles [l’]inscription est éventuellement liée ».

197    Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’argument avancé par les requérantes selon lequel l’article 6, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 3600/92, dans sa version applicable en l’espèce, indique que c’est sur la base des informations soumises pour une ou plusieurs préparations correspondant à une série limitée d’usages représentatifs que doit être prouvé par l’auteur de la notification que les exigences de la directive 91/414 sont satisfaites.

198    En effet, l’article 6, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 3600/92, en ce qu’il constitue une mesure d’exécution de la directive 91/414, doit, dans la mesure du possible, être interprété en conformité avec la norme hiérarchiquement supérieure que constitue ladite directive. Son application ne peut ainsi remettre en cause l’objectif de cette directive, à savoir garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement au niveau communautaire.

199    Dès lors que les informations fournies pour les usages représentatifs en cause ont trait à certaines cultures seulement et qu’il ne peut en être déduit, avec un degré de probabilité suffisant, l’innocuité de la substance active pour d’autres cultures, les autorités compétentes doivent pouvoir limiter l’inscription de la substance active aux seules cultures relevant de l’usage représentatif de ladite substance afin de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement (voir, en ce sens, arrêt Gowan Comércio Internacional e Serviços, point 133 supra, points 72 à 85).

200    Ainsi, si les informations soumises par l’auteur de la notification, en application de l’article 6, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 3600/92, pour une ou plusieurs préparations correspondant à une série limitée d’usages représentatifs proposés par celui-ci, ne permettent pas de déduire avec un degré de probabilité suffisant que les exigences de ladite directive seront satisfaites pour d’autres usages que les usages préconisés, les autorités compétentes doivent pouvoir limiter l’inscription aux seuls usages pour lesquels l’auteur de la notification a apporté la preuve que les exigences de la directive 91/414 sont satisfaites au regard des critères visés à l’article 5 de ladite directive.

201    Par ailleurs, l’interprétation de la portée de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414 figurant au point 196 ci-dessus n’est pas contraire au principe de subsidiarité, ainsi que l’allèguent les requérantes.

202    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de ce principe, énoncé à l’article 5, deuxième alinéa, CE, la Communauté n’intervient, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire.

203    En l’espèce, les requérantes ne contestent pas la répartition de compétence selon laquelle l’évaluation de la substance active relève de la compétence des instances communautaires alors que celle des produits phytosanitaires relève de celle des instances des États membres. La compétence exclusive conférée par la directive 91/414 aux autorités communautaires en ce qui concerne l’évaluation de la substance active est d’ailleurs justifiée par l’objectif, dans l’intérêt de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur, d’éliminer les entraves à la libre circulation des produits phytosanitaires résultant des divergences entre les règles nationales (voir les cinquième et sixième considérants de ladite directive) tout en assurant, conformément à l’article 152 CE, un niveau de protection élevé de la santé humaine au niveau communautaire.

204    Dès lors que la décision d’inscrire une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 relève de la compétence exclusive de la Communauté, la décision d’assortir l’inscription d’une substance active de restrictions, afin de garantir qu’elle satisfasse aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive, relève également de la compétence exclusive des instances communautaires.

205    Il s’ensuit que la mesure adoptée dans le cadre de l’exercice de cette compétence ne relève pas de l’application du principe de subsidiarité (arrêts du Tribunal du 7 octobre 2009, Vischim/Commission, T‑420/05, Rec. p. II‑3841, point 223, et Denka International/Commission, point 131 supra, point 200). Partant, l’argument des requérantes selon lequel l’interprétation de la portée de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 91/414 figurant au point 196 ci-dessus est contraire au principe de subsidiarité doit être rejeté.

–       Sur la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 aux cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières

206    Les requérantes estiment que la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 aux seules cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières est illégale parce que contraire à la directive 91/414 et aux principes de proportionnalité et de précaution.

207    À cet égard, il convient d’observer que les requérantes ont indiqué dans leurs réponses aux questions écrites que certaines études faites au titre de l’annexe II de la directive 91/414 étaient propres à des cultures et visaient les cultures qui étaient concernées par les utilisations représentatives que l’auteur de la notification avait choisi de défendre dans son dossier.

208    Parmi les études faites au titre de l’annexe II de la directive 91/414 qui étaient liées aux cultures que l’auteur de la notification avait choisi de défendre dans son dossier, figuraient les études sur les résidus. À cet égard, il ressort des tableaux d’évaluation établis pour l’inclusion du flusilazole dans ladite directive (voir point 185 ci-dessus) que, le 22 septembre 1999, les requérantes n’avaient pas fourni de données concluantes quant aux résidus pour un certain nombre de cultures sur lesquelles elles envisageaient l’utilisation du flusilazole. En effet, il est précisé que certaines données ayant trait aux résidus seraient à apprécier au niveau des États membres. Toutefois, ces tableaux comportaient également un tableau du 23 mars 2004, intitulé « Liste des usages étayés par les données disponibles », qui, selon la Commission et sans que cette lecture ait été contredite par les requérantes, comprenait une liste révisée des utilisations envisagées qui avaient finalement été jugées acceptables. Cette liste énumérait les cultures suivantes : les céréales que sont le blé, le seigle, l’orge et l’avoine, la betterave sucrière, le maïs et le colza. Ainsi, d’après ce tableau et les explications de la Commission, seules ces cultures avaient fait l’objet d’une évaluation complète quant aux effets du flusilazole, notamment en ce qui concerne les résidus. De plus, dans le rapport final de la Commission sur l’évaluation du flusilazole du 3 mars 2006 intitulé « Review report for the active substance flusilazole finalised in the standing Committee on Plant Health at its meeting on 3 March 2006 in view of the inclusion of flusilazole in Annex I of directive 91/414/EEC », qui est invoqué par les requérantes, il est précisé que, s’agissant plus particulièrement des résidus, l’examen avait établi que les résidus provenant des utilisations proposées, à savoir pour les cultures de céréales, de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières, à la suite d’une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires, n’avaient pas d’effets nocifs sur la santé humaine et animale.

209    Par ailleurs, les requérantes n’ont pas contesté que, lors de l’évaluation du flusilazole au niveau communautaire, son innocuité n’avait été démontrée que pour les quatre cultures visées dans la directive attaquée. En effet, dans leur réponse à la question écrite du Tribunal de savoir sur quelles cultures les effets du flusilazole avaient été évalués en vue de l’inscription de cette substance active dans l’annexe I de la directive 91/414, les requérantes ont indiqué que l’évaluation en cause avait établi l’existence d’usages sûrs pour les quatre cultures ou groupes de cultures visés dans la directive attaquée tout en précisant que cela ne signifiait pas qu’il ne soit pas possible de prouver d’autres utilisations sûres si les États membres avaient été autorisés à les évaluer à la suite de ladite inscription.

210    Or, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, une substance active ne peut être inscrite dans l’annexe I de ladite directive que s’il est permis d’escompter que les résidus des produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active consécutifs à une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ou d’influence inacceptable sur l’environnement.

211    Compte tenu du fait que le flusilazole est une substance active cancérigène, toxique pour la reproduction et susceptible d’affecter le système endocrinien des hommes et des animaux (voir points 176 et 177 ci-dessus), les instances communautaires compétentes ne pouvaient raisonnablement escompter que, en l’absence d’autres éléments pertinents, les résidus des produits phytopharmaceutiques contenant du flusilazole n’avaient pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale.

212    En outre, comme la requérante l’a exposé lors de l’audience, les résultats des examens des résidus imposés par la directive 91/414 sont susceptibles de varier d’une culture à l’autre. Or, les requérantes n’ont pas exposé sur quelle base il devait être considéré que, pour d’autres cultures que celles reprises dans la directive attaquée, l’examen de l’exposition des personnes lors de l’utilisation de flusilazole, notamment en raison des résidus, aurait été concluant au regard de l’article 5 de la directive 91/414. Elles n’ont pas explicité sur quelle base il pouvait être considéré que l’analyse des résidus de flusilazole pour les quatre cultures pour lesquelles ladite substance active a été inscrite dans l’annexe I de ladite directive était significative pour d’autres cultures. En particulier, elles n’ont pas exposé pour quelles raisons la Commission devait considérer que, concernant l’exposition de personnes quant auxdits résidus, les évaluations qui avaient été faites pour les quatre cultures visées dans la directive attaquée étaient indicatives voire représentatives des autres cultures pour lesquelles elles demandaient l’inscription de cette substance active.

213    Par conséquent, au vu des propriétés du flusilazole susceptibles d’affecter la santé humaine et animale ainsi que de la mise à disposition de résultats quant aux résidus de flusilazole pour certaines cultures seulement, la Commission pouvait, sans violer les dispositions de la directive 91/414, restreindre l’inscription de cette substance active dans l’annexe I de ladite directive aux seules cultures dont les résidus avaient été évalués et pour lesquelles les conditions de l’article 5, paragraphe 1, de cette directive étaient remplies.

214    La limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 aux seules cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières ne constitue pas davantage une violation du principe de précaution. En effet, lorsque, comme en l’espèce, les requérantes ne fournissent pas les données en matière d’exposition et de résidus pour toutes les cultures sur lesquelles elles comptent utiliser cette substance active, qu’elles n’exposent pas à suffisance pour quelle raison ces cultures sont indicatives en matière d’exposition et de résidus d’autres cultures et que ladite substance active est susceptible d’affecter la santé humaine en raison de ses propriétés cancérigènes, reprotoxiques et de potentiel perturbateur endocrinien qui ne peuvent être considérées comme hypothétiques, les instances communautaires peuvent considérer que le principe de précaution justifie de restreindre l’inscription aux seules cultures pour lesquelles elles disposent des données permettant de considérer que le risque de cette substance active est acceptable pour la société. La nécessité que soit garanti un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale au niveau communautaire justifie par ailleurs que soit vérifié au niveau communautaire et non au niveau des États membres si, sur chaque culture, les conditions de l’article 5, paragraphe 1, de ladite directive sont remplies en ce qui concerne l’exposition et les résidus.

215    En limitant l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à quatre cultures seulement, la Commission n’a pas non plus violé le principe de proportionnalité tel que défini au point 150 ci-dessus.

216    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les objectifs poursuivis par la directive 91/414 sont d’améliorer la production végétale en autorisant des produits phytosanitaires, d’éliminer les entraves à la libre circulation des produits phytosanitaires résultant des divergences entre les règles nationales tout en assurant un niveau de protection élevé de la santé humaine, de la santé animale, des eaux souterraines et de l’environnement. Compte tenu du caractère cancérigène et reprotoxique avéré ainsi que des effets possibles du flusilazole sur le système endocrinien des hommes et des animaux, restreindre l’utilisation de ladite substance aux seules cultures qui ont effectivement été évaluées n’est pas inapproprié pour atteindre ces objectifs.

217    Quant au caractère nécessaire des restrictions contestées, il y a lieu d’observer qu’une absence de limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 aux seules cultures ayant fait l’objet d’une analyse de leurs résidus au niveau communautaire implique un risque de protection moins élevé de la santé humaine et animale à ce niveau. Il ne peut dès lors être considéré que les mesures en cause dépassent ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis.

218    Ainsi, indépendamment du contenu de la lettre de la Commission du 20 octobre 2005, il y a lieu de considérer que la restriction de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 aux seules cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières n’est contraire ni à ladite directive, ni aux principes de précaution et de proportionnalité.

 Sur la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à 18 mois

–       Introduction

219    En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414, une substance active est inscrite dans l’annexe I de ladite directive pour une durée maximale de dix ans.

220    Par ailleurs, l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414 prévoit que, sur demande, l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de ladite directive peut être renouvelée une ou plusieurs fois pour des périodes n’excédant pas dix ans, cette inscription pouvant être révisée à tout moment s’il y a des raisons de penser que les critères visés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 5 de cette directive ne sont plus respectés. En outre, cette disposition prévoit que, en cas de demande, à introduire suffisamment à l’avance et en tout cas au moins deux ans avant l’expiration de la période d’inscription, le renouvellement est accordé pour la durée nécessaire pour procéder à un réexamen et pour fournir des informations complémentaires requises.

221    En l’espèce, le flusilazole a été inscrit dans l’annexe I de la directive 91/414 pour une durée de 18 mois au motif que cette limitation réduit encore les risques en garantissant une réévaluation en priorité du flusilazole (voir considérant 8 de la directive attaquée).

222    Les requérantes estiment que la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à 18 mois est illégale parce qu’elle ne se justifierait par aucune raison objective. En particulier, ladite limitation serait contraire au principe de précaution et disproportionnée parce qu’elle ne pourrait être justifiée par la nécessité de voir la procédure de renouvellement commencer rapidement afin que toute nouvelle donnée intéressant l’évaluation puisse être appréciée. De plus, cette limitation serait contraire à l’article 5, paragraphe 5, de ladite directive. D’après les requérantes, une procédure de renouvellement ne peut aboutir utilement dans un délai de 18 mois.

–       Sur l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414

223    Les requérantes estiment que, puisque la période de 18 mois à l’issue de laquelle expire l’inscription du flusilazole dans la directive 91/414 est inférieure à la période minimale requise de deux ans au titre de l’article 5, paragraphe 5, de ladite directive, il ne leur serait juridiquement pas possible d’obtenir un renouvellement de ladite inscription. Elles font également valoir que les explications données par la Commission, en ce qui concerne la portée dudit article apparaissent pour le moins sibyllines et n’emportent pas la conviction [voir ordonnance Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, point 71 supra, point 153, et proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, Bruxelles, 12 juillet 2006 ‑ COM/2006/0388 final – COD 2006/0136 SEC (2006) 930 et SEC (2006) 931].

224    À cet égard, il convient d’observer que, dans la première phrase de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414, le législateur consacre la règle selon laquelle un opérateur dont la substance active a été inscrite dans l’annexe I de ladite directive peut demander le renouvellement de l’inscription de ladite substance active. En outre, dans la seconde phrase de la disposition susmentionnée, le législateur précise que, en cas de demande, à introduire suffisamment à l’avance et en tout cas au moins deux ans avant l’expiration de la période d’inscription, le renouvellement est accordé pour la durée nécessaire pour procéder à un réexamen et pour fournir dles informations complémentaires requises.

225    Ainsi, la seconde phrase de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414 n’impose pas une durée minimale pour l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de ladite directive. Elle ne définit pas non plus la période nécessaire pour procéder à un réexamen. Cette disposition impose uniquement aux détenteurs d’une inscription qui veulent bénéficier d’un renouvellement de leur inscription pour toute la durée nécessaire pour procéder à un réexamen d’introduire leur demande de renouvellement au moins deux ans avant l’expiration du délai de l’inscription.

226    Par ailleurs, si une limitation de l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 à une durée inférieure à deux ans ne permet pas d’obtenir, en application de l’article 5, paragraphe 5, de ladite directive, un renouvellement automatique de ladite inscription pour la durée nécessaire pour procéder à un réexamen, elle ne fait pas obstacle à une demande de renouvellement de cette inscription ni ne préjuge du sort qui sera réservé à cette demande.

227    En outre, il ressort d’une lecture systématique des différentes versions linguistiques de l’article 4, paragraphes 4 et 5, de la directive 91/414 et de l’article 5, paragraphe 5, de ladite directive qu’un réexamen peut s’opérer à tout moment s’il y des raisons de croire que les exigences imposées respectivement par l’article 4 et par l’article 5 de cette directive ne sont plus remplies. Ainsi, la notion de réexamen implique une réappréciation du respect des exigences imposées par la même directive uniquement au cours de la période couverte par l’autorisation ou par l’inscription.

228    Il ressort des articles 4 et 5 de la directive 91/414 que la notion de réexamen se distingue de celle de renouvellement. En effet, cette dernière notion vise l’octroi d’une autorisation ou d’une inscription pour une nouvelle période à la suite de la période initiale pour laquelle elle avait été adoptée et après qu’il ait été vérifié que les conditions d’autorisation ou d’inscription étaient toujours remplies. En outre, il ressort de l’article 4, paragraphe 4, de cette directive qu’un renouvellement implique une vérification des conditions d’autorisation.

229    Compte tenu de la distinction entre les notions de réexamen et de renouvellement ainsi que de l’usage du terme « réexamen » et non du terme « vérification » dans la deuxième phrase de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414, cette dernière disposition ne s’applique pas dans l’hypothèse d’une vérification à la suite d’une demande de renouvellement de l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de ladite directive. Ainsi, cette disposition ne prévoit pas expressément qu’un renouvellement soit automatiquement accordé pour la durée nécessaire pour procéder à la vérification de la demande de renouvellement de l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414, si cette demande est introduite deux ans avant l’expiration de l’inscription.

230    Il s’ensuit que, à partir d’une lecture textuelle de la seconde phrase de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414, l’argument des requérantes tiré de la circonstance selon laquelle la durée de l’inscription du flusilazole était inférieure aux deux années prévues par cette disposition est inopérant. En effet, pour les motifs exposés aux points 227 à 229 ci-dessus, cette disposition ne s’applique que dans l’hypothèse d’un réexamen et non dans l’hypothèse d’une vérification d’une demande de renouvellement d’une inscription d’une substance active dans l’annexe I de ladite directive. En outre, il convient d’observer que la première phrase de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414 ne s’oppose pas à ce que les requérantes puissent demander et, le cas échéant, obtenir, en cas de demande de renouvellement, un renouvellement provisoire pour la période dont les autorités compétentes ont besoin pour procéder aux vérifications requises par la demande de renouvellement. En effet, l’interprétation de cette disposition comme offrant une telle possibilité découle de l’économie des articles 4 et 5 de ladite directive lus dans leur ensemble et de leur téléologie sous-jacente d’offrir la possibilité d’assurer, en principe, la protection de droits acquis pendant une période transitoire. Lors de l’audience, la Commission a partagé cette interprétation. Elle a en effet indiqué que l’article 5, paragraphe 5, de cette directive permettait aux entreprises de demander une prolongation de la période d’inscription afin de finaliser l’évaluation par le comité des pairs et la prise de décision.

231    Il s’ensuit que l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour une durée de 18 mois ne fait obstacle ni à une demande de renouvellement de ladite inscription ni à une demande de renouvellement provisoire de cette inscription pour la période dont les autorités compétentes ont besoin afin de procéder aux vérifications requises.

232    Partant, les requérantes ne peuvent alléguer que la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à 18 mois est illégale et leur ferait grief en ce qu’elle ne permettrait pas un renouvellement de ladite inscription compte tenu de la période nécessaire pour procéder à un réexamen au titre de l’article 5, paragraphe 5, de ladite directive.

–       Sur le renouvellement de l’inscription

233    D’après les requérantes, une procédure de renouvellement de l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 ne servirait qu’à évaluer si des éléments nouveaux affectent l’évaluation des risques faite au moment où ladite substance active a été inscrite. Ainsi, cette procédure viserait à évaluer ce qui s’est passé durant les dix années qui s’écoulent normalement entre l’inscription et le renouvellement de cette dernière.

234    Les requérantes soutiennent également que, compte tenu de la durée de l’évaluation initiale du flusilazole, à savoir neuf années, et de la prise en compte de préoccupations non spécifiées de certains États membres quant aux propriétés dangereuses de ladite substance active, elles n’aperçoivent pas la différence que la Commission prétend que feront 18 mois supplémentaires et, en particulier, quelle expérience nouvelle aura été acquise au cours de cette période ou comment il sera procédé à l’évaluation dans ce court laps de temps. D’autant plus que la directive attaquée inclut déjà l’obligation de soumettre le flusilazole aux examens répondant aux lignes directrices de l’OCDE sur la perturbation endocrinienne dans les deux ans qui suivront leur publication.

235    Les requérantes estiment encore que, même à admettre, ce qui n’est pas le cas, qu’il soit proportionné d’accorder un niveau de priorité plus élevé au réexamen des produits contenant du flusilazole par rapport à d’autres produits comme le soutient la Commission, les restrictions contestées sont manifestement disproportionnées au regard de l’objectif allégué.

236    Il serait en effet irréaliste d’attendre tant des titulaires d’autorisations de mise sur le marché que des États membres qu’ils réalisent en 18 mois une évaluation qui leur prend habituellement quatre ans. Cela serait d’autant plus irréaliste que l’article 3, paragraphe 2, de la directive attaquée fixe la date jusqu’à laquelle les États membres modifieront ou retireront après réévaluation l’autorisation des produits contenant du flusilazole à la même date que celle de l’expiration de l’inscription dans l’annexe I de la directive 91/414, à savoir le 30 juin 2008, et qu’aucun renouvellement de l’inscription d’une substance active dans ladite annexe n’a pris moins de 24 mois.

237    De plus, les requérantes estiment que l’objectif allégué par la Commission d’accorder un niveau de priorité plus élevé au réexamen des produits contenant du flusilazole aurait tout aussi bien pu être atteint sans limiter la durée de l’inscription de ladite substance active dans l’annexe I de la directive 91/414. La Commission aurait par exemple pu réduire la période pendant laquelle les États membres modifieront ou retireront, après réévaluation, l’autorisation de produits contenant du flusilazole, entre les quatre années normales et ce que la Commission aurait considéré nécessaire pour garantir son objectif. Cela aurait permis de retirer dans cette période les produits ne répondant pas aux conditions de l’inscription tandis que tous les produits contenant du flusilazole dont l’innocuité aurait été démontrée conformément à la directive d’inscription et aux critères harmonisés inscrits dans ladite directive seraient restés sur le marché.

238    Enfin, les requérantes estiment que le caractère disproportionné de la durée de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 est particulièrement évident dès lors que l’article 5, paragraphe 5, de ladite directive prévoit que l’inscription d’une substance active dans ladite annexe peut être révisée à tout moment s’il y a des raisons de penser que les critères de l’obtention de l’inscription ne sont plus respectés. De plus, selon les requérantes, le titulaire d’une autorisation d’un produit phytopharmaceutique doit informer les autorités compétentes de toute information nouvelle sur des effets potentiellement dangereux dudit produit phytopharmaceutique ou de ses résidus. Enfin, l’article 4, paragraphe 6, de cette directive prévoit, selon les requérantes, la possibilité d’un retrait immédiat des autorisations de produits phytosanitaires par les États membres lorsque les conditions de sécurité ne sont plus remplies.

239    Au vu de ces arguments, il convient de rappeler que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 91/414 prévoit que la période initiale pendant laquelle une substance active est inscrite dans l’annexe I de ladite directive ne peut excéder dix ans. Il ne peut cependant en être déduit que « normalement » une inscription est accordée pour dix ans. En effet, en application du principe de précaution et de cette disposition, la durée de l’inscription doit être fixée en tenant compte de l’état des connaissances scientifiques et techniques et des risques pour la santé humaine et animale ainsi que pour l’environnement.

240    En l’espèce, il est constant que le flusilazole est une substance active qui est susceptible de provoquer des perturbations du système endocrinien notamment chez l’homme (voir points 177 et 178 ci-dessus) et que les connaissances scientifiques sur les perturbateurs endocriniens sont incomplètes (voir point 166 ci-dessus).

241    Compte tenu de ces incertitudes scientifiques et de l’affectation potentielle de la santé humaine par le flusilazole, les instances communautaires compétentes devaient, en application du principe de précaution, adopter des mesures de gestion du risque permettant de garantir que le niveau de risque ne dépasse pas ce qui est acceptable pour la société. Lesdites instances jouissent, dans le choix du niveau de risque jugé acceptable par la société et, par conséquent, dans le choix des mesures à adopter afin de garantir ce niveau, d’un large pouvoir d’appréciation (voir points 145 à 147 et 155 ci-dessus).

242    En l’espèce, contrairement à ce que soutiennent les requérantes (voir point 234 ci-dessus), l’application du principe de précaution ne requiert pas que la Commission indique quelle expérience nouvelle sera acquise au cours de la période initiale pendant laquelle le flusilazole a été inscrit dans l’annexe I de la directive 91/414 ou comment il sera procédé à l’évaluation pendant ladite période, mais qu’elle indique pour quelle raison elle a estimé que les mesures adoptées étaient requises afin de réduire le niveau de risque de ladite substance active pour la santé humaine et animale et pour l’environnement à un niveau acceptable pour la société.

243    Or, en limitant l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de ladite directive à 18 mois, la Commission a garanti, pour autant qu’une demande de renouvellement de ladite inscription soit introduite avant l’expiration de ce délai, qu’une réévaluation de cette substance active soit entamée rapidement. De la sorte, la Commission a veillé à ce que, en cas de demande de renouvellement, les instances communautaires compétentes soient rapidement saisies d’une demande de réévaluation du flusilazole qui devra se faire en tenant compte de tous les nouveaux développements scientifiques pertinents. De plus, la réévaluation du flusilazole serait de fait prioritaire par rapport à d’autres substances actives ayant été inscrites dans ladite annexe, dont l’inscription viendrait à échéance longtemps après celle du flusilazole et dont une demande de renouvellement de l’inscription ne serait introduite que dans un délai raisonnable avant l’expiration.

244    Par ailleurs, cette mesure ne peut être considérée comme disproportionnée au regard des objectifs poursuivis. En effet, compte tenu des objectifs de la directive 91/414 (voir point 216 ci-dessus), de la primauté de la protection de la santé humaine parmi ces objectifs, des incertitudes scientifiques sur les perturbateurs endocriniens et de possibles avancées scientifiques rapides en la matière, imposer une réévaluation au niveau communautaire du flusilazole dans un court laps de temps n’est pas inapproprié pour atteindre lesdits objectifs.

245    Quant au caractère nécessaire de la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de ladite directive à 18 mois, il y a lieu d’observer qu’une inscription pour une plus longue période ne garantirait pas que cette substance active fasse l’objet d’une réévaluation dans un délai rapproché et qu’une réévaluation de ladite substance active dans un délai plus long implique une protection moins élevée de la santé humaine et animale au niveau communautaire.

246    En effet, si, en vertu de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414, toute inscription peut être révisée ou réexaminée à tout moment s’il y a des raisons de penser que les critères visés aux paragraphes 1 et 2 de l’article 5 de ladite directive ne sont plus respectés, la révision ou le réexamen dépend de l’identification d’éléments indiquant que lesdits critères ne sont plus respectés. En revanche, une réévaluation dans un délai rapproché, comme en l’espèce, impose aux instances communautaires compétentes une réappréciation à court terme indépendamment de l’identification préalable desdits éléments, mais au cours de laquelle d’éventuels nouveaux éléments devront être appréciés. Ni l’obligation d’information des requérantes ni le pouvoir des États membres de révoquer des autorisations n’offre la même garantie de réappréciation par les instances compétentes au niveau communautaire.

247    En outre, la circonstance, à la supposer correcte, selon laquelle il est irréaliste d’attendre des États membres qu’ils réalisent en 18 mois leur évaluation ne peut remettre en cause le caractère adéquat de la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de ladite directive à 18 mois. En effet, d’une part, il convient de rappeler que l’adéquation de cette limitation s’apprécie prioritairement par rapport à la nécessité de protéger la santé humaine et animale. D’autre part, il y a lieu d’observer que, en l’absence de nouvelles données scientifiques pendant la période limitée pendant laquelle une substance active est inscrite dans ladite annexe, la réévaluation de la substance en cause doit être rapide. En effet, comme l’indiquent les requérantes (voir point 233 ci-dessus), cette période limitée ne servirait qu’à évaluer si des éléments nouveaux affectent l’évaluation des risques faite au moment où la substance active a été inscrite dans cette annexe. Les circonstances selon lesquelles, en l’espèce, la demande de renouvellement de l’inscription du flusilazole dans l’annexe en question n’a toujours pas abouti et la Commission a admis à l’audience qu’elle n’avait jusqu’à présent jamais réussi à clôturer une demande de renouvellement de l’inscription d’une substance active dans la même annexe dans un délai de 18 mois ne font pas l’objet du présent recours, qui porte sur la légalité de l’imposition des restrictions contestées et non sur la légalité de la procédure de renouvellement initiée par les requérantes.

248    Enfin, les requérantes allèguent qu’accorder un niveau de priorité plus élevé au réexamen des produits contenant le flusilazole aurait tout aussi bien pu être réalisé sans limiter la durée de l’inscription de cette substance active dans l’annexe I de la directive 91/414. Elles estiment que la Commission aurait, par exemple, pu réduire la période pendant laquelle les États membres modifieront ou retireront, après réévaluation, l’autorisation de produits contenant du flusilazole des quatre années normales à ce que la Commission aurait considéré comme nécessaire pour garantir son objectif. À cet égard, force est de constater que les requérantes ne démontrent pas qu’une absence de limitation de ladite inscription à 18 mois garantit de la même manière un réexamen prioritaire du flusilazole au niveau communautaire. L’exemple invoqué par les requérantes concerne une réévaluation au niveau des États membres des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active qui ne peut être considérée comme équivalente à une réévaluation de ladite substance active par les instances communautaires compétentes. En effet, l’examen au niveau communautaire garantit une unicité de l’appréciation de ladite substance active au regard des critères énoncés dans la directive 91/414. En revanche, au niveau du réexamen des produits phytopharmaceutiques par les États membres, un même degré d’unicité d’appréciation n’est pas garanti, nonobstant les critères harmonisés inscrits dans ladite directive.

249    Il s’ensuit que la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à 18 mois n’est pas contraire à ce qui peut être considéré comme approprié et nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis.

250    La limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à 18 mois ne viole dès lors ni ladite directive ni les principes de précaution et de proportionnalité.

–       Conclusion

251    Ainsi, étant donné les incertitudes scientifiques dans le domaine des perturbateurs endocriniens, la circonstance selon laquelle des avancées scientifiques dans ce domaine peuvent être faites à tout moment et le large pouvoir d’appréciation de la Commission, cette dernière n’a pas commis d’illégalité en limitant à 18 mois l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414.

c)     Sur la prise en compte de l’usage antérieur du flusilazole

252    L’appréciation qui précède des restrictions contestées ne peut être remise en cause par les circonstances avancées par les requérantes selon lesquelles le flusilazole a été utilisé et commercialisé dans la Communauté depuis plus de vingt ans sur plus de 100 millions d’hectares sans qu’il ait été fait état d’effets nocifs avérés sur la santé humaine ou sur l’environnement.

253    En effet, l’inscription d’une substance active s’apprécie sur la base d’une évaluation de celle-ci au regard des critères énoncés dans la directive 91/414 à la suite de données scientifiques produites à cet effet et non au vu de son utilisation durant vingt ans sur plus de 100 millions d’hectares sans qu’il ait été fait état d’effets nocifs avérés sur la santé humaine ou l’environnement.

d)     Sur l’absence de prise en compte des résultats concluants des études fournies par les requérantes

 Arguments des requérantes

254    Après avoir exposé que la base de données toxicologiques relatives au flusilazole contient des études pour chaque catégorie de tests décrite dans les annexes II et III de la directive 91/414, les requérantes soulignent que des études dites « de début de vie des poissons » et « du cycle complet de la vie des poissons » ainsi que des études sur des rongeurs ayant trait à la toxicité pour le développement, la toxicité chronique et la toxicité multigénérationnelle ont été menées pour évaluer toutes les phases de développement susceptibles d’être affectées par le flusilazole.

255    Selon les requérantes, les études en question ont montré l’absence de points limites liés à des effets endocriniens à des concentrations pertinentes pour l’environnement ainsi que l’absence d’effets significatifs sur la décomposition de matières organiques à la suite d’une longue exposition à la substance. Ainsi, d’après elles, ces études ont permis aux autorités compétentes, conformément au document de travail de la Commission sur la mise en œuvre de la stratégie communautaire à l’égard des perturbateurs endocriniens, publié en 2004, de lever les doutes sur la perturbation endocrinienne. Lesdites études ont défini des niveaux d’exposition auxquels il n’y avait aucun effet nocif sur la survie ou la reproduction de sorte que les risques n’étaient pas inacceptables dans des utilisations du flusilazole conformes à l’étiquetage. Cette conclusion aurait été partagée par l’État membre rapporteur et la Commission dans son rapport final sur la réévaluation du flusilazole du 3 mars 2006.

256    Les requérantes précisent, en outre, que, dès lors que des effets nocifs du flusilazole ont été constatés, une dose minimale au-delà de laquelle l’inhibition enzymatique a un effet nocif et une dose sans effet nocif observé ont pu être établies. Les effets pris en compte pour l’établissement de cette dernière dose seraient les effets apparaissant à des doses plus faibles susceptibles de refléter une réaction directe à l’administration du flusilazole que des doses plus importantes produisant une toxicité plus importante. Des études supplémentaires, sous la forme de tests multiples, ont confirmé la fiabilité de la dose sans effet nocif observé.

257    Les requérantes estiment également que le principal facteur contribuant aux effets nocifs observés dans les études sur la reproduction et le cancer chez les rats se situe au niveau de la stéroïdogenèse.

258    Toutefois l’incidence du flusilazole sur le système endocrinien ne serait qu’indirecte, c’est-à-dire non liée à un effet au travers des récepteurs des œstrogènes. D’après les requérantes, cette inhibition enzymatique est réversible et suit une courbe dose/effet plus traditionnelle, de sorte que les risques potentiels entraînés par l’exposition au flusilazole peuvent être gérés de la même manière que les risques suscités par des produits chimiques qui n’ont pas d’incidence sur le système endocrinien.

259    Les conclusions du rapport général sur la vulnérabilité des enfants aux pesticides commandé par le gouvernement néerlandais (ci-après le « rapport néerlandais »), invoqué par la Commission, ne s’appliqueraient dès lors pas au flusilazole. En effet, selon les requérantes, les préoccupations suscitées par les liens non classiques entre la dose et l’effet (ou la courbe dose/effet en forme de « u » inversé) mis en lumière dans ledit rapport ne valent que pour les produits chimiques qui interagissent directement avec les récepteurs des œstrogènes et imitent la réaction des œstrogènes naturels.

260    En outre, les requérantes estiment que les préoccupations suscitées par la courbe dose/effet en forme de « u » inversé mise en lumière dans le rapport néerlandais reposent sur une hypothèse contestée par de nombreux scientifiques qui font autorité [Kamrin, M. A., (2007), « The ‘Low Dose’ Hypothesis : Validity and Implications for Human Risk », International Joumal of Toxicology, 26, 13-23].

261    Les requérantes précisent également que, comme le mode d’action du flusilazole comprend une inhibition des enzymes impliquées dans la stéroïdogenèse et que ce mode d’action est conservé à travers les espèces et suit un rapport traditionnel de dose à effets, il n’est pas probable que des tests supplémentaires apporteront des changements dans l’évaluation actuelle du risque écologique. D’après elles, de nouveaux tests peuvent fournir des informations affinées sur le mode d’action, mais ne sont pas susceptibles de déterminer des effets nocifs supplémentaires à des doses inférieures affectant la capacité fonctionnelle. Ainsi, si le flusilazole est soumis aux tests en cours de validation au sein de l’OCDE ou de l’Environmental Protection Agency (EPA, l’agence de protection de l’environnement des États-Unis), les requérantes s’attendent à ce que le mode d’action, à savoir l’inhibition de la stéroïdogenèse, soit confirmé, mais que l’évaluation du risque ne soit pas significativement remise en cause.

262    D’après les requérantes, l’étude du ministère de l’Environnement danois [Kjaerstad, M. B., Andersen, R., Taxvig, C., Hass, U., Acelstad, M., Metzdorff, S., and Vinggaard, A. M. (2007), « Effects of azole fungicides on the function of sex and thyroid hormones », ministère danois de l’Environnement, « Étude sur les pesticides », 111, 1-75] ne peut modifier l’appréciation du risque que représente le flusilazole. Selon elles, il ressort de ladite étude qu’une faible interaction d’autres fongicides azoles que le flusilazole avec les récepteurs des œstrogènes et des androgènes en culture cellulaire (in vitro) aurait été constatée, même si ce constat n’avait pu être répété lors des tests qui avaient été effectués sur l’animal entier. Toutefois, les auteurs de cette étude ont conclu, selon elles, que, même si ces fongicides avaient le pouvoir d’agir par différents mécanismes, l’inhibition dans la stéroïdogenèse plutôt que le lien avec les récepteurs des œstrogènes ou des androgènes était responsable des effets observés dans les études faites sur l’animal entier. Elles estiment, sur la base de l’étude en question, qu’il ne serait pas surprenant que le flusilazole donne des réponses semblables pour le faible lien entre œstrogènes et androgènes à celles des fongicides azoles ayant fait l’objet de ladite étude. Or, la base de données toxicologiques relatives au flusilazole aurait déjà intégré la stéroïdogenèse comme principal facteur contribuant aux effets nocifs observés de cette substance active dans les études sur les rats ayant trait à la reproduction et au cancer. Elles précisent encore que les autres effets nocifs rapportés dans la même étude, parmi lesquels seule la prolongation de la durée de gestation a été constatée pour le flusilazole, l’ont été à des doses élevées impliquant une inhibition importante de la stéroïdogenèse. Ces effets pourraient cependant être gérés en imposant des doses d’exposition en dessous de celles qui produisent des effets. Les limites d’exposition de la dose acceptable d’ingestion (Acceptable Daily Intake) et occupationnelle pour le flusilazole sont, selon elles, établies sur des effets observés à des doses nettement inférieures à celles qui ont produit des effets sur la progéniture ou la santé maternelle. Il s’ensuit, d’après elles, que l’évaluation actuelle du risque offre une protection contre les effets qui peuvent être observés à des doses plus élevées et qui ont une incidence significative sur la stéroïdogenèse.

263    Les requérantes contestent la pertinence des résultats de l’étude publiée le 5 juin 2005 par Anway M. D., Cupp, A. S., Uzumcu, M., et Skinner, M. K., intitulée « Epigenetic Transgenerational Actions of Endocrine Disruptors and Male Fertility » (Science 308, 1466), invoquée par le KEMI au cours de la procédure administrative afin de justifier l’imposition de restrictions à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414. Dans cette étude, il a été observé que l’exposition de rats fécondés au vinclozolin ou au methoxychlor se traduisait par des effets sur la progéniture mâle jusqu’à la quatrième génération. Toutefois, selon elles, cette étude n’est pas susceptible d’affecter l’évaluation des risques du flusilazole parce que, premièrement, le schéma expérimental pris en considération incluait une dose unique qui était nettement plus élevée que l’exposition humaine attendue et a été administrée par injection intrapéritonienne chez des rats fécondés, deuxièmement, les auteurs de l’étude ont reconnu la nécessité d’études additionnelles, troisièmement, une étude postérieure de BASF, présentée en 2007, n’a pu reproduire les effets constatés, quatrièmement, des études de reproduction multigénérationnelle sur des rats ont été faites pour le flusilazole conformément à la directive 91/414 et une dose sans effet nocif observé a été établie et, cinquièmement, à la différence du vinclozolin et du methoxychlor faisant l’objet de cette étude, le flusilazole a un effet indirect, c’est-à-dire une inhibition des enzymes impliquées dans la synthèse de la testostérone et de l’œstrogène.

264    Au vu de ce qui précède, les requérantes estiment que toutes les preuves disponibles relatives à des préoccupations éventuelles suscitées par les effets toxiques intrinsèques du flusilazole – en ce compris les propriétés éventuelles de perturbation endocrinienne – ont été prises en compte au cours de la procédure d’évaluation du risque et que l’auteur de la notification a démontré l’innocuité de ladite substance active.

265    Selon les requérantes, les acteurs de la procédure administrative, en ce compris la Commission, auraient accepté ce résultat de ladite évaluation et étaient favorables à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 sans les restrictions contestées.

266    Partant, les requérantes considèrent que les résultats de l’évaluation des risques montrent qu’il n’y a aucune incertitude scientifique quant aux risques que le flusilazole peut présenter pour la santé humaine, la santé animale ou l’environnement, de sorte que les restrictions contestées seraient manifestement inappropriées. Elles estiment qu’il ne saurait être exigé d’elles qu’elles produisent des preuves qui ne sont pas encore disponibles et encore moins de prouver un risque zéro. Dès lors qu’il a été démontré qu’il existait des utilisations sûres du flusilazole, les requérantes estiment qu’il n’y a pas de risque justifiant l’application du principe de précaution en l’espèce.

 Appréciation

267     À titre liminaire, il convient de rappeler que la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne peut être engagée que pour autant que les requérantes démontrent une illégalité de nature à engager ladite responsabilité sur la base d’éléments de fait et de droit dont l’institution pouvait disposer à la date à laquelle la directive attaquée a été adoptée (voir points 157 et suivants ci-dessus).

268    Il s’ensuit que l’étude de Kamrin, publiée en 2007 (voir point 260 ci-dessus), l’étude du ministère de l’Environnement danois, également publiée en 2007 (voir point 262 ci-dessus), et l’étude de BASF, présentée en 2007 (voir point 263 ci-dessus) ne permettent pas de démontrer l’illégalité des mesures contestées.

269    En outre, il convient d’indiquer que, en ce que les requérantes fondent certains de leurs griefs sur des appréciations de l’EPA ou de l’État membre rapporteur, ces appréciations ne permettent pas de conclure à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté en l’espèce. En effet, s’agissant des appréciations de l’EPA, il convient d’observer que celles-ci ne lient pas les instances européennes compétentes. En outre, l’autorisation conférée par l’EPA pour l’usage du flusilazole n’était qu’une autorisation provisoire et d’urgence pour lutter contre une maladie précise affectant les graines de soja. S’agissant de la position de l’État membre rapporteur, il a déjà été jugé qu’il ressort clairement du cadre réglementaire que la position de l’État membre rapporteur dans le processus d’évaluation n’est pas décisive. Il collecte les données et propose une décision, mais c’est la Commission qui, en dernier ressort, décide sur la base de l’avis du comité phytosanitaire permanent. La seule prise de position de l’État membre rapporteur à un certain stade de la procédure d’évaluation quant à l’identification d’une utilisation sûre pour l’exposition de l’opérateur ne saurait donc être considérée comme suffisante pour faire naître chez les requérantes la certitude que ce problème était réglé dans son entièreté (arrêt du Tribunal du 9 septembre 2008, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑75/06, Rec. p. II‑2081, point 164).

270    Par ailleurs, il convient de rappeler que, si les études et avis scientifiques doivent être pris en considération par les institutions communautaires, le choix politique que constitue la fixation d’un niveau de protection approprié pour la société revient auxdites institutions et non aux scientifiques (voir point 145 ci-dessus).

271    Ensuite, il y a lieu d’observer que l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour les cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières se justifie notamment par, premièrement, le fait que les tests effectués en conformité avec la directive 91/414 ont révélé l’absence de points limites liés à des effets endocriniens à des concentrations pertinentes pour l’environnement, deuxièmement, le fait que lesdits tests ont permis de définir des valeurs telles que la dose sans effet nocif observé et, troisièmement, le fait que les effets nocifs du flusilazole résultent d’une inhibition de l’aromatase, impliquant à son tour un rapport de dose à effet classique.

272    L’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour ces quatre cultures implique que la Commission ne peut invoquer les limitations des tests visés par ladite directive pour justifier la non-inscription d’autres cultures. En effet, les circonstances selon lesquelles les résultats de l’étude sur le cycle complet de la vie des poissons n’ont trait qu’à une seule étude, que la méthode n’est pas harmonisée et que les résultats ne sont pas automatiquement transposables aux êtres humains et à d’autres espèces valent indistinctement des cultures en cause. Par conséquent, dès lors que la Commission a considéré que le flusilazole pouvait être inscrit dans ladite annexe pour quatre cultures, elle devait considérer que le risque causé par ces limitations n’était pas suffisant pour l’interdire.

273    De même, la Commission ne peut invoquer le lien moins direct de dose à effet chez les perturbateurs endocriniens potentiels et la possible vulnérabilité des enfants ou des fœtus exposés dans le rapport néerlandais pour justifier la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à quatre cultures seulement. En effet, ce risque identifié dans le rapport néerlandais vaut indistinctement des cultures en cause. Ladite inscription implique que la Commission devait considérer que le risque causé par le flusilazole en raison d’une relation atypique de dose à effet n’était pas suffisant pour l’interdire.

274    En revanche, les éléments repris au point 272 ci-dessus ne permettent pas de faire abstraction du fait que les requérantes n’ont pas exposé à suffisance les raisons pour lesquelles d’autres cultures que celles pour lesquelles le flusilazole a été inscrit dans l’annexe I de la directive 91/414 rempliraient les conditions visées à l’article 5 de ladite directive. Ainsi qu’il a été exposé aux points 207 et suivants ci-dessus, pour satisfaire aux exigences de l’article 5, paragraphe 1, de cette directive, il appartient aux requérantes d’exposer pour quelle raison les cultures reprises dans la directive attaquée étaient représentatives d’autres cultures qui n’ont pas été reprises dans ladite directive ou d’exposer pour quelle raison l’exclusion des autres cultures constituait une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission.

275    Par ailleurs, l’ensemble des éléments invoqués par les requérantes aux points 254 et suivants ci-dessus ne permettent pas de remettre en cause le fait qu’il y a des incertitudes scientifiques quant aux perturbateurs endocriniens potentiels tel que le flusilazole, que la recherche peut potentiellement évoluer rapidement en la matière et que les tests existants sont imparfaits pour appréhender les potentiels perturbateurs endocriniens. Il s’ensuit que lesdits éléments ne permettent pas de considérer que la justification de la durée de l’inscription avancée par la Commission est entachée d’une illégalité (voir points 239 et suivants ci-dessus).

e)     Sur l’analyse du danger au lieu du risque

276    Les requérantes allèguent que la Commission a procédé à une analyse du danger et non du risque causé par le flusilazole. Or, selon elles, lorsque l’évaluation des risques est positive pour au moins un usage, la Commission a l’obligation, en application de l’article 5 de la directive 91/414, de proposer l’inscription de la substance active dans l’annexe I de ladite directive.

277     À cet égard, il y a lieu d’observer que, si, comme l’affirment les requérantes, le flusilazole avait uniquement fait l’objet d’une évaluation du danger, il n’aurait pu être inscrit dans l’annexe I de la directive 91/414 pour une durée de 18 mois et pour quatre cultures seulement. La circonstance selon laquelle cette substance active a été inscrite dans ladite annexe pour quatre cultures et une durée de 18 mois indique que pour lesdites cultures et cette durée la Commission a estimé que le risque était acceptable.

278    En outre et en tout état de cause, force est de constater que le présent grief des requérantes n’est rien d’autre qu’une reformulation de leurs griefs tirés de la violation de la directive 91/414 et des principes de précaution et de proportionnalité qui ont été analysés aux points 182 à 250 ci-dessus.

f)     Sur la période d’écoulement

279    Les requérantes estiment que la durée de l’inscription ne serait rien d’autre qu’une « période d’écoulement », c’est-à-dire une période accordée pour retirer du marché les produits phytosanitaires contenant du flusilazole (voir article 4, paragraphe 6, de la directive 91/414). De la sorte, les restrictions contestées seraient assimilables à une interdiction pure et simple de cette substance active dès lors que le flusilazole est interdit à partir du 30 juin 2007 pour les cultures autres que les quatre cultures en cause et à partir du 30 juin 2008 pour toute utilisation. Ces limitations violeraient ainsi le principe de proportionnalité.

280    À cet égard, il convient d’observer que, si l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 a été limitée à une période de 18 mois, cette limite temporelle ne s’oppose pas à un éventuel renouvellement de ladite inscription conformément aux dispositions de l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414. De même, la circonstance selon laquelle cette inscription est limitée aux seules utilisations jugées conformes aux conditions de l’article 5 de la directive 91/414 ne s’oppose pas à ce que d’autres utilisations puissent être inscrites dans l’annexe I de ladite directive après leur évaluation complète.

281    Dans ces circonstances, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission dans le domaine des autorisations phytosanitaires, il ne saurait être considéré que les mesures contestées dépassent ce qui peut être considéré comme approprié et nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis par la directive 91/414 tels que décrits au point 216 ci-dessus (voir, par analogie, arrêt Gowan Comércio Internacional e Serviços, point 133 supra, points 84 à 86).

5.     Conclusion

282    Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de considérer que l’adoption des restrictions contestées n’a pas été faite en violation du traité CE, de la directive 91/414, du principe de précaution ou du principe de proportionnalité, de sorte que les requérantes ne peuvent alléguer que lesdites restrictions sont illégales sur cette base.

C –  Sur l’illégalité fondée sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

283    Les requérantes, soutenues par l’intervenante, considèrent que le principe de bonne administration a été violé en ce que la Commission a modifié sa position concernant l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 en passant d’une inscription sans restriction, étayée par des conclusions scientifiques, à une inscription limitée à 18 mois et pour quatre cultures seulement, sans aucune justification objective. La Commission n’aurait pas assuré que l’adoption des mesures contestées se fasse selon une méthode scientifiquement et juridiquement rigoureuse.

284    Les griefs avancés par les requérantes à l’appui de leur moyen tiré d’une violation de l’obligation de diligence ont cependant déjà été appréciés dans le cadre de l’examen des illégalités prétendument commises par la Commission dans le cadre de l’adoption des restrictions contestées telles qu’exposées aux points 128 et suivants ci-dessus. La requalification de ces griefs en violation du principe de bonne administration n’affecte pas leur appréciation. Partant, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le cadre dudit examen, il convient de considérer que lesdits griefs sont non fondés, de sorte qu’aucune illégalité susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne peut être constatée.

D –  Sur l’illégalité fondée sur le quatrième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

285    Les requérantes, soutenues par l’intervenante, estiment que leur droit d’être entendues ainsi que le principe de bonne administration ont été violés parce que la Commission ne leur aurait pas laissé suffisamment de temps pour défendre effectivement leur position et pour régler tous les sujets de préoccupations des États membres. Elles invoquent à cet égard le refus par la Commission, dans la lettre du 5 août 2005, de présenter de nouvelles données répondant aux préoccupations qui auraient subsisté en août 2005 à propos du flusilazole. Elles invoquent également le refus de la Commission, dans la lettre du 20 octobre 2005, de divulguer les détails des préoccupations exprimées par certains États membres.

286    À cet égard, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental de droit communautaire et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir notamment arrêts de la Cour du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C‑48/90 et C‑66/90, Rec. p. I‑565, point 44, et du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C‑135/92, Rec. p. I‑2885, point 39). Ce principe exige que toute personne à l’encontre de laquelle une décision faisant grief peut être prise soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge par la Commission pour fonder la décision litigieuse (arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C‑32/95 P, Rec. p. I‑5373, point 21).

287    En outre, il a déjà été jugé que ni le processus d’élaboration des actes de portée générale ni les actes de portée générale eux-mêmes n’exigent, en vertu des principes généraux du droit communautaire, tels que le droit d’être entendu, la participation des personnes affectées, les intérêts de celles-ci étant censés être représentés par les instances politiques appelées à adopter ces actes (ordonnances du Tribunal du 15 septembre 1998, Molkerei Großbraunshain et Bene Nahrungsmittel/Commission, T‑109/97, Rec. p. II‑3533, point 60, et du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, Rec. p. II‑5839, point 73).

288    Tout d’abord, indépendamment de la nature de l’acte inscrivant une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414, il y a lieu de rappeler que l’inscription du flusilazole dans ladite annexe a été initiée par Du Pont de Nemours (France) en tant qu’auteur de la notification. Cette dernière et, par son intermédiaire, les autres requérantes, ont pu s’exprimer sur l’innocuité du flusilazole au regard des conditions fixées par ladite directive. En outre, il ressort de l’exposé des faits (voir points 22 et suivants ci-dessus) ainsi que des arguments des requérantes en ce qui concerne l’adoption des mesures contestées (voir points 128 et suivants ci-dessus) que celles-ci ont été informées, au cours de la procédure administrative qui a abouti à la directive attaquée, des préoccupations que soulevait le flusilazole, notamment en raison de son potentiel de perturbation endocrinien, et qu’elles ont pu se prononcer sur ces préoccupations ainsi que sur leurs implications pour l’inscription de cette substance active dans l’annexe I de cette directive.

289    Ensuite, en ce que les requérantes allèguent que la Commission ne leur a pas permis de présenter de nouvelles données afin de répondre aux préoccupations qui subsistaient en août 2005, il y a lieu de constater que la Commission a effectivement indiqué dans sa lettre du 20 octobre 2005 à DuPont (UK) que, à ce stade de la procédure, de nouvelles données ne seraient plus examinées.

290    Or, force est de constater que, d’une part, cette restriction découle directement du cadre réglementaire. En effet, l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 3600/92, tel que complété par le règlement n° 2266/2000, prévoit qu’aucune nouvelle étude ne peut être fournie après le 25 mai 2002 ou le 25 mai 2003 pour les études à long terme, dont il est avéré qu’elles étaient en cours de réalisation le 25 mai 2002. Ces dates limites garantissaient que la date butoir du 31 décembre 2006 pour l’examen des substances actives qui étaient déjà sur le marché au moment de l’introduction de la directive 91/414 soit respectée (voir point 6 ci-dessus).

291    D’autre part, cette interdiction n’a pas empêché les requérantes de faire valoir utilement leur point de vue sur l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414, dès lors qu’elles ont pu soumettre à compter de leur notification le 23 juillet 1993 et jusqu’au 25 mai 2002 l’ensemble des études qu’elles estimaient utiles à la démonstration de l’innocuité du flusilazole. Elles ont également pu faire connaître leur point de vue sur les préoccupations dont la Commission leur a fait part dans sa lettre du 5 août 2005, comme le démontrent notamment la lettre de DuPont (UK) du 19 août 2005 et la tenue des réunions des 9 et 22 septembre 2005 (voir points 48 et suivants ci-dessus).

292    En ce que les requérantes allèguent que, dans la lettre du 20 octobre 2005, la Commission a refusé de leur fournir des détails spécifiques sur les préoccupations prétendument exprimées par certains États membres, il y a lieu d’observer que l’accès auxdits documents avait été demandé par les requérantes tant sur la base du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2008, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), que sur la base de la qualité d’auteur de la notification d’une des requérantes. En outre, dans ladite lettre, la Commission a refusé l’accès à certains documents en application de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement au motif que lesdits documents avaient trait à une question sur laquelle une décision n’avait pas encore été prise et que leur divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel en cours. Les requérantes n’ont pas contesté ce refus en application de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement et il ne fait pas l’objet du présent litige. Ce refus est uniquement invoqué par les requérantes en ce qu’il constituerait une violation de leurs droits de la défense.

293    Toutefois, au regard de la jurisprudence reprise au point 287 ci-dessus, pour des actes de portée générale, tels que la directive attaquée, le droit d’être entendu n’exige pas la participation des personnes affectées, les intérêts de celles-ci étant censés être représentés par les instances politiques appelées à adopter ces actes.

294    En outre, il y a lieu de rappeler que le droit de la défense des requérantes n’a trait qu’aux éléments qui ont été retenus par la Commission pour fonder les restrictions contestées et n’a pas vocation à garantir aux requérantes un droit d’accès à n’importe quels documents qui ont été invoqués ou produits au cours de la procédure administrative.

295    Or, en l’espèce, les requérantes n’exposent pas quels sont les détails spécifiques des préoccupations exprimées par certains États membres au cours du processus décisionnel qui ne leur ont pas été communiqués, mais qui ont cependant été retenus par la Commission pour fonder les restrictions contestées. Ainsi que l’a indiqué la Commission, les requérantes n’ont avancé aucun argument qu’elles n’auraient pu faire valoir en raison de cette non-communication des détails spécifiques quant aux préoccupations exprimées par certains États membres au cours du processus décisionnel et qui aurait été susceptible de remettre en cause l’appréciation de la Commission dans la directive attaquée.

296    De plus, il est constant, en l’espèce, que, d’une part, les restrictions contestées se fondent sur les risques que représente le flusilazole en raison de ses effets toxiques intrinsèques et de ses propriétés potentielles de perturbateur endocrinien et, d’autre part, les requérantes ont pu faire connaître utilement leur point de vue sur l’innocuité de cette substance active en vue de son inscription dans l’annexe I de la directive 91/414 et, en particulier, sur ses propriétés de perturbateur endocrinien et les conséquences de ces propriétés sur ladite inscription.

297    Le refus de la Commission dans son courrier du 20 octobre 2005 de divulguer les prises de position de certains États membres à un stade très avancé de la prise de décision sur l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 ne constitue donc pas une violation des droits de la défense des requérantes.

298    Partant, il convient de considérer que les requérantes allèguent à tort une violation de leur droit d’être entendues, de sorte qu’aucune illégalité ne peut être constatée sur cette base.

E –  Sur l’illégalité fondée sur le cinquième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

299    Les requérantes, soutenues par l’intervenante, estiment que, compte tenu de l’évaluation du risque du flusilazole par les experts et l’État membre rapporteur, la Commission avait l’obligation d’inscrire cette substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 pour dix ans et sans aucune restriction en ce qui concerne les cultures. L’adoption de la directive attaquée en méconnaissance des conclusions de l’examen scientifique l’aurait rendue arbitraire et imprévisible. La Commission aurait de ce fait enfreint le principe de sécurité juridique voulant que l’application des règles à une situation donnée soit prévisible ainsi que la confiance légitime des requérantes à avoir un examen scientifique objectif du flusilazole répondant aux critères légaux.

300    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique exige que les règles de droit soient claires et précises, et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20, et arrêt Vischim/Commission, point 205 supra, point 228). Tel doit être en particulier le cas lorsque lesdites règles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (arrêt Dow AgroSciences e.a./Commission, point 144 supra, point 264).

301    Le principe de confiance légitime est le corollaire du principe de sécurité juridique. Le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, Rec. p. I‑6911, point 70 ; arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 74 ; voir également, en ce sens, arrêt Bayer CropScience e.a./Commission, point 269 supra, point 153). Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice, C‑82/98 P, Rec. p. I‑3855, point 33). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts de la Cour du 24 novembre 2005, Allemagne/Commission, C‑506/03, non publié au Recueil, point 58 ; du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 147, et arrêt Denka International/Commission, point 131 supra, point 148). De plus, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose que les assurances données soient conformes aux normes applicables (arrêts du Tribunal du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec. p. II‑319, point 77, et du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, Rec. p. II‑145, point 117).

302    Le respect des principes de sécurité juridique et de confiance légitime implique que la législation communautaire doit être claire et prévisible pour les justiciables (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, point 10).

303    En l’espèce, les requérantes ne démontrent ni même allèguent que la Commission leur aurait donné une assurance précise au sens de la jurisprudence citée aux points 300 à 302 ci-dessus quant à l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414. Par ailleurs, l’État membre rapporteur et les experts invoqués par les requérantes ne peuvent être assimilés à la Commission ou au Conseil, qui sont les instances décisionnelles en vertu de l’article 19 de cette directive pour l’inscription d’une substance active dans ladite annexe. Il s’ensuit que les prises de position de l’État membre rapporteur ou d’experts ne sauraient donner une confiance légitime aux requérantes susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

304    La directive 91/414, quant à elle, ne confère pas d’assurance précise quant à l’inscription du flusilazole dans son annexe I. Elle énonce uniquement les critères à prendre en considération afin de permettre une telle inscription, qui dépend de l’innocuité de cette substance active au regard des critères qu’elle fixe.

305    Partant, les requérantes n’établissent pas l’existence d’une violation du principe de confiance légitime.

306    En ce que les requérantes allèguent une violation du principe de sécurité juridique, force est de constater que les requérantes n’allèguent pas que les règles sont peu claires ou imprécises et ne permettent pas de garantir la prévisibilité des situations. Leur grief ne porte que sur l’application desdites règles au cas d’espèce.

307    Partant, il convient également de rejeter la violation du principe de sécurité juridique avancée par les requérantes.

308    L’absence de violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique en l’espèce rend caduque l’illégalité alléguée par les requérantes fondée sur ces violations.

F –  Sur l’illégalité fondée sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

309    Les requérantes estiment que le principe d’égalité de traitement a été violé dans la mesure où d’autres substances actives soumises à un réexamen, à savoir le paraquat, le linuron, la flumioxazine, la warfarine, le dinocap et la carbendazime, n’ont pas été traitées de la même manière.

310    À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement s’oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 453 ; Bayer CropScience e.a./Commission, point 269 supra, point 236, et Denka/Commission, point 131 supra, point 169).

311    Étant donné que les requérantes invoquent la violation dudit principe, il leur importe de préciser et de démontrer quelle est la situation comparable à une autre situation qui a été traitée de manière différente ou quelle est la situation différente par rapport à une autre qui a été traitée de manière identique.

312    Le caractère comparable ou non d’une situation par rapport à une autre doit s’apprécier au regard du contexte dans lequel la violation du principe d’égalité de traitement a été invoquée. En effet, il a été jugé que les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent notamment être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte communautaire qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 27 octobre 1971, Rheinmühlen Düsseldorf, 6/71, Rec. p. 823, point 14 ; du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753, point 8 ; du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C‑280/93, Rec. p. I‑4973, point 74 ; du 10 mars 1998, T. Port, C‑364/95 et C‑365/95, Rec. p. I‑1023, point 83, et du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, Rec. p. I‑9895, point 26).

313    S’agissant de la violation du principe d’égalité de traitement du flusilazole par rapport au paraquat, les requérantes allèguent que le paraquat, dont la toxicité pour les êtres humains et pour la faune a été établie, a été inscrit dans l’annexe I de la directive 91/414 pour dix ans alors que le flusilazole, dont les effets nocifs sur les êtres humains ou sur l’environnement n’ont jamais été observés après plus de vingt et une années d’utilisation, a été inscrit pour une durée de 18 mois seulement. Les requérantes estiment dès lors que le paraquat aurait dû faire l’objet de plus grandes restrictions que le flusilazole et non le contraire.

314    À cet égard, il y a lieu de constater que, selon les requérantes, le paraquat et le flusilazole ont été inscrits dans l’annexe I de la directive 91/414 moyennant le respect de conditions distinctes. Une violation du principe d’égalité de traitement implique dès lors la démonstration que lesdites substances actives se situent dans une situation comparable au regard des critères de l’article 5 de ladite directive en vue de leur inscription dans ladite annexe. Or, les requérantes restent en défaut d’apporter une telle démonstration. Au contraire, selon les requérantes, le paraquat se distingue du flusilazole par sa toxicité pour l’homme et la faune.

315    En outre et en tout état de cause, force est de constater que la directive inscrivant le paraquat dans l’annexe I de la directive 91/414 invoquée par les requérantes a été annulée par le Tribunal dans son arrêt Suède/Commission (voir point 140 supra), qui est devenu définitif. Les requérantes ne peuvent donc alléguer une violation du principe d’égalité de traitement en se fondant sur cette directive qui a été annulée. En effet, l’annulation en cause a pour conséquence d’éliminer l’acte en question avec effet rétroactif de l’ordre juridique de l’Union comme s’il n’avait jamais existé (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, point 35, et du 16 décembre 2011, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑291/04, non encore publié au Recueil, point 88).

316    Par conséquent, c’est à tort que les requérantes allèguent une violation du principe d’égalité de traitement quant aux conditions d’inscription dans l’annexe I de la directive 91/414, d’une part, du flusilazole et, d’autre part, du paraquat.

317    S’agissant du linuron, de la flumioxazine et de la warfarine, les requérantes estiment que ces substances actives ont été inscrites dans l’annexe I de la directive 91/414 pour des périodes de sept ou dix ans sans aucune restriction quant aux cultures alors qu’elles sont, tout comme le flusilazole, des perturbateurs endocriniens et/ou appartiennent aux catégories 1 ou 2 de la classification des cancérigènes, des mutagènes et des toxiques pour la reproduction (CMR) [voir directive 2001/59/CE de la Commission, du 6 août 2001, portant vingt-huitième adaptation au progrès technique de la directive 67/548/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO L 225, p. 1)]. Par conséquent, elles allèguent également une violation du principe d’égalité de traitement sur cette base.

318    En outre, s’agissant du dinocap et de la carbendazime, les requérantes soutiennent que ces substances actives ont été inscrites dans l’annexe I de la directive 91/414 pour une durée de trois ans alors que le flusilazole, le fénarimol, le methamidophos et le procymidone l’ont été pour une durée de 18 mois malgré le fait que les directives concernées ont été adoptées au même moment et ont été fondées sur les propriétés « dangereuses » desdites substances actives. Elles font valoir qu’aucune raison plausible n’a été donnée pour expliquer l’inscription de certaines desdites substances actives pour une durée de trois ans et d’autres pour une durée de 18 mois. De plus, la Commission n’aurait pas exposé les raisons pour lesquelles le methamidophos, le fénarimol et le procymidone ont soulevé des préoccupations comparables à celles concernant le flusilazole. Par conséquent, elles estiment également sur cette base que le principe de l’égalité de traitement a été violé.

319    À cet égard, il convient de rappeler que l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 ne s’apprécie pas uniquement en tenant compte de l’existence ou non d’un risque de perturbation endocrinienne, mais en tenant compte, conformément à l’article 5 de ladite directive, de ses effets nocifs sur la santé humaine et animale ainsi que sur l’environnement.

320    Il s’ensuit que les allégations selon lesquelles le linuron, la flumioxazine et la warfarine sont comme le flusilazole des substances actives ayant des effets de perturbation endocrinienne et/ou appartenant à des catégories 1 ou 2 de la classification des CMR ou selon lesquelles le dinocap et la carbendazime sont, comme le flusilazole, des substances actives dangereuses ne suffisent pas à démontrer que lesdites substances actives sont dans une situation comparable dans la perspective de leur inscription dans l’annexe I de la directive 91/414.

321    Le caractère comparable entre les substances actives invoquées par les requérantes et le flusilazole implique que soit pris en considération l’appréciation du risque en cause au vu de l’état des connaissances scientifiques. Or, les requérantes ne démontrent pas que lesdites substances actives peuvent être considérées comme comparables s’agissant des risques pour la santé humaine ou l’environnement.

322    Les requérantes ont d’ailleurs indiqué dans leur réponse à la question écrite du Tribunal portant sur la possible pertinence de l’arrêt Gowan Comércio Internacional e Serviços (point 133 ci-dessus), qui avait trait à la validité des restrictions à l’utilisation imposées lors de l’inscription du fénarimol dans l’annexe I de la directive 91/414, que chaque substance active était différente et que, dans chaque affaire, c’étaient des études et des pièces différentes qui avaient été visées. Les conclusions tirées dans une affaire ne peuvent dès lors pas être transposées comme telles à d’autres affaires.

323    En outre, c’est à tort que les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir exposé à suffisance les raisons pour lesquelles le methamidophos, le fénarimol et le procymidone ont soulevé des préoccupations comparables à celles concernant le flusilazole. En effet, comme ces substances actives ont toutes été inscrites dans l’annexe I de la directive 91/414 pour une durée de 18 mois et que les requérantes estiment que le principe d’égalité de traitement a été violé, il n’appartient pas à la Commission d’avancer des éléments permettant de considérer que lesdites substances actives ne se trouvaient pas dans des situations comparables mais aux requérantes de démontrer qu’elles ne l’étaient pas.

324    Enfin, force est de constater que les requérantes n’ont pas avancé d’arguments remettant en cause les arguments de la Commission selon lesquels la carbendazime et le dinocap se distinguent du flusilazole, puisqu’ils ne sont pas des perturbateurs endocriniens justifiant des mesures distinctes d’atténuation des risques. Elles n’ont pas non plus remis en cause l’argument de la Commission selon lequel la warfarine, à la différence du flusilazole, a pu être inscrite dans l’annexe I de la directive 91/414, parce que les mesures d’atténuation des risques prévoyaient que cette substance active ne pouvait être utilisée que dans des appâts préparés à l’avance placés dans des trémies construites à cet effet.

325    Finalement, dans leur réponses aux questions écrites et à l’audience, les requérantes ont soutenu que le principe d’égalité de traitement avait également été violé en l’espèce parce que le flusilazole avait été inscrit à des conditions moins favorables que le prochloraz et l’epoxiconazole. Toutefois, les requérantes n’ont pas démontré à suffisance que ces substances actives étaient dans une situation comparable à celle du flusilazole. En particulier, elles n’ont pas démontré que l’évaluation desdites substances actives au regard des critères de la directive 91/414 était comparable. La circonstance selon lesquelles lesdites substances actives étaient toutes de potentiels perturbateurs endocriniens ne suffit pas à démontrer qu’elles étaient dans une situation comparable. En effet, ainsi que l’indiquent les requérantes elles-mêmes, chaque substance active est différente et, dans chaque affaire, ce sont des études et des pièces différentes qui ont été visées. Les conclusions tirées dans une affaire ne peuvent dès lors pas être transposées comme telles à d’autres affaires. Le fait que, selon les requérantes, le prochloraz a un potentiel supérieur dans son mode d’action à celui de tous les autres triazoles examinés dans l’étude danoise ne suffit pas à démontrer que le flusilazole était dans une situation comparable. Il s’ensuit que leur grief ne peut être accueilli sur cette base.

326    Par conséquent, il y a lieu de conclure que les requérantes n’ont pas démontré à suffisance que le flusilazole était dans une situation comparable aux autres substances actives invoquées par elles qui auraient bénéficié d’une inscription dans l’annexe I de la directive 91/414 plus longue et sans restrictions quant aux cultures. Il convient dès lors de considérer que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait commis des illégalités en ne traitant pas le flusilazole de la même manière que d’autres substances actives soumises à un réexamen.

G –  Sur l’illégalité fondée sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

327    Les requérantes soutiennent que l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 pour une durée de 18 mois et pour certaines cultures seulement n’est pas adéquatement motivée. Les éléments sur lesquels ces restrictions sont fondées seraient de simples préoccupations exprimées par différents États membres et ne seraient pas documentés. Les prétendus effets toxiques intrinsèques et la perturbation endocrinienne possible constitueraient des préoccupations vagues qui ne seraient pas aptes à étayer les restrictions contestées.

328    À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, Rec. p. II‑1043, point 41, et BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 66).

329    Or, en considérant que les préoccupations avancées par la Commission dans la directive attaquée ne seraient pas aptes à étayer les restrictions contestées, les requérantes n’allèguent pas un défaut de motivation, mais contestent le bien-fondé des motifs contenus dans la directive attaquée.

330    En outre, indépendamment de la nature réglementaire de la directive attaquée qui, selon la jurisprudence de la Cour, fait obstacle à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté en raison d’une insuffisance de motivation (arrêts de la Cour du 6 juin 1990, AERPO e.a./Commission, C‑119/88, Rec. p. I‑2189, point 20, et du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, Rec. p. I‑10091, point 98), force est de constater que la Commission a exposé dans la directive attaquée pour quels motifs elle a imposé les restrictions contestées.

331    En effet, au considérant 6 de la directive attaquée, la Commission a exposé que, afin d’éviter des divergences dans le niveau de protection recherché, l’inscription dans l’annexe I de la directive 91/414 devait être limitée aux utilisations proposées du flusilazole qui avaient effectivement été évaluées dans le cadre de l’évaluation communautaire et qui avaient été jugées conformes aux conditions de ladite directive. Par ailleurs, au considérant 8 de la directive attaquée, la Commission a indiqué que la période d’inscription du flusilazole dans ladite annexe avait été ramenée à 18 mois afin de réduire encore les risques en garantissant que la substance concernée soit réévaluée en priorité.

332    Partant, il convient de considérer que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait commis des illégalités en ne motivant pas adéquatement l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414.

H –  Sur l’illégalité fondée sur le huitième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

333    Les requérantes estiment que la Commission a commis un détournement de pouvoir en limitant l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à 18 mois et pour certaines cultures seulement, car ces limitations seraient fondées sur de vagues préoccupations non étayées prétendument exprimées par certains États membres quant aux propriétés « dangereuses » de la substance et ignoreraient les conclusions positives de l’évaluation scientifique du risque. Ainsi, selon elles, lesdites limitations auraient été imposées pour des raisons politiques au mépris des critères prévus par ladite directive.

334    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la notion de détournement de pouvoir a une portée précise en droit communautaire et vise la situation dans laquelle une autorité administrative use de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêts de la Cour du 25 juin 1997, Italie/Commission, C‑285/94, Rec. p. I‑3519, point 52, ainsi que du Tribunal du 28 septembre 1999, Fruchthandelsgesellschaft Chemnitz/Commission, T‑254/97, Rec. p. II‑2743, point 76, et Bayer CropScience AG/Commission, point 269 supra, point 254).

335    En l’espèce, les requérantes n’apportent aucun indice objectif, pertinent et concordant permettant de considérer que la directive attaquée a été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées. Elles ne précisent même pas quelle serait la fin, autre que la protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, qui aurait été poursuivie en l’espèce.

336    Partant, c’est à tort que les requérantes invoquent l’existence d’un détournement de pouvoir en l’espèce. Elles ne peuvent dès lors démontrer une illégalité sur la base de l’existence de ce prétendu détournement de pouvoir.

I –  Conclusions

337    Au vu de tout ce qui précède, aucun des griefs et des éléments avancés par les requérantes ne permet de constater une illégalité susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté à la suite de l’adoption par la Commission des restrictions contestées. Il s’ensuit que la demande en indemnité des requérantes doit être rejetée comme non fondée.

 Sur les dépens

338    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

339    Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à leurs propres dépens ainsi qu’à ceux de la Commission, pour la procédure au principal et pour la procédure en référé, conformément aux conclusions de cette dernière.

340    L’ECPA supportera ses propres dépens. La Commission n’ayant pas conclu à la condamnation de l’ECPA aux dépens liés à son intervention, cette dernière ne supportera pas ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Du Pont de Nemours (France) SAS, Du Pont Portugal – Serviços, Sociedade Unipessoal Lda, Du Pont Ibérica, SL, Du Pont de Nemours (Belgium) BVBA, Du Pont de Nemours Italiana Srl, Du Pont De Nemours (Nederland) BV, Du Pont de Nemours (Deutschland) GmbH, DuPont CZ s.r.o., DuPont Magyarország Kereskedelmi kft, DuPont Poland sp. z o.o., DuPont Romania Srl, DuPont (UK) Ltd, Dy-Pont Agkro Ellas AE, DuPont International Operations SARL et DuPont Solutions (France) SAS sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne pour la procédure au principal ainsi que pour la procédure en référé.

3)      L’European Crop Protection Association (ECPA) est condamnée à supporter ses propres dépens.

Azizi

Labucka

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 avril 2013.

Signatures


Table des matières

Cadre juridique

I –  Introduction

II –  Critères d’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414

III –  Régime transitoire pour les substances actives déjà présentes sur le marché

IV –  Procédure décisionnelle

V –  Modalités de mise en œuvre de la première phase du programme de travail

Faits

I –  Flusilazole

II –  Notification et rapport d’évaluation de l’Irlande

III –  Examen par les pairs

IV –  Études sur les poissons

V –  Discussions 2004-2005

VI –  Vote au sein du comité phytosanitaire permanent en mars 2006

VII –  Discussion au sein du Conseil

VIII –  Directive attaquée

IX –  Demande de renouvellement

Procédure et conclusions

Sur les demandes en annulation

Sur la demande en indemnité

I –  Introduction

II –  Sur la recevabilité

A –  Considérations liminaires

B –  Sur le respect des exigences minimales

C –  Sur les raisons de la demande tendant à ce que soit prononcé un arrêt interlocutoire

D –  Conclusion

III –  Sur le fond

A –  Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté

B –  Sur l’illégalité fondée sur les premier et deuxième moyens, tirés d’une évaluation du danger et non des risques et de la violation du principe de proportionnalité

1.  Introduction

2.  Considérations de principe

a)  Introduction

b)  Principe de précaution

Définition

Évaluation des risques

–  Introduction

–  Sur l’évaluation scientifique

–  Sur la détermination du niveau de risque jugé acceptable

Gestion du risque

c)  Sur l’inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414

d)  Sur l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté dans le contexte de la directive 91/414

3.  Motifs de la directive attaquée

4.  Sur la légalité des mesures contestées

a)  Prémisses

Sur les perturbateurs endocriniens

Sur l’évaluation du flusilazole

b)  Sur les restrictions contestées

Observations liminaires

Sur la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à quatre cultures

–  Introduction

–  Sur le principe d’une inscription d’une substance active dans l’annexe I de la directive 91/414 limitée à certaines cultures

–  Sur la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 aux cultures de céréales (autres que le riz), de maïs, de graines de colza et de betteraves sucrières

Sur la limitation de l’inscription du flusilazole dans l’annexe I de la directive 91/414 à 18 mois

–  Introduction

–  Sur l’article 5, paragraphe 5, de la directive 91/414

–  Sur le renouvellement de l’inscription

–  Conclusion

c)  Sur la prise en compte de l’usage antérieur du flusilazole

d)  Sur l’absence de prise en compte des résultats concluants des études fournies par les requérantes

Arguments des requérantes

Appréciation

e)  Sur l’analyse du danger au lieu du risque

f)  Sur la période d’écoulement

5.  Conclusion

C –  Sur l’illégalité fondée sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration

D –  Sur l’illégalité fondée sur le quatrième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu

E –  Sur l’illégalité fondée sur le cinquième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

F –  Sur l’illégalité fondée sur le sixième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

G –  Sur l’illégalité fondée sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

H –  Sur l’illégalité fondée sur le huitième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

I –  Conclusions

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.