Language of document : ECLI:EU:T:2014:264

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

21 mai 2014(*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative BATEAUX-MOUCHES – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009 – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 207/2009 – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement nº 207/2009 »

Dans l’affaire T‑553/12,

Compagnie des bateaux mouches SA, établie à Paris (France), représentée par Me G. Barbaut, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 9 octobre 2012 (affaire R 1709/2011‑2), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif BATEAUX-MOUCHES comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. C. Wetter, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 mars 2013,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 5 juin 2013,

à la suite de l’audience du 12 février 2014, au cours de laquelle les parties ont indiqué au Tribunal que l’OHMI avait, le 23 avril 2012, enregistré la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES pour des services identiques à ceux pour lesquels l’enregistrement de la marque communautaire figurative BATEAUX-MOUCHES avait été demandé,

vu la décision de suspension de la clôture de la procédure orale,

vu la demande de production d’un document attestant de l’enregistrement de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES,

vu le certificat d’enregistrement de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES produit par l’OHMI,

vu la clôture de la procédure orale le 28 février 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 février 2007, la requérante, la Compagnie des bateaux mouches SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94, du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 39, 41 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 39 : « Transport touristique, emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages, accompagnement de voyageurs, agences de tourisme (à l’exception de la réservation d’hôtels, de pensions), services d’autobus, transport en automobile, location d’automobiles, transport en bateaux, services de bateaux de plaisance, location de bateaux, organisation de croisières, entreposage de bateaux, organisation d’excursions, transport fluvial, services de navigation, organisation de croisières, transport de passagers, réservation de places de voyages, location de véhicules, visites touristiques, location de voitures, réservation pour les voyages, transport de voyageurs » ;

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles, services d’artistes de spectacles, parcs d’attractions, services de casino (jeux), exploitation de salles de cinéma, location d’appareils et d’accessoires cinématographiques, location de films cinématographiques, organisation de compétitions sportives, services de composition musicale, organisation de concours (éducation et divertissement), organisation et conduite de conférences, organisation et conduite de congrès, location de décors de spectacles, services de discothèques, divertissement radiophonique, divertissement télévisé, enregistrement (filmage) sur bandes vidéo, location d’enregistrements sonores, enseignement, organisation de spectacles (services d’imprésario), organisation d’expositions à buts culturels ou éducatifs, organisation et conduite de séminaires, organisation et conduite de symposiums, orientation professionnelle (conseils en matière d’éducation ou de formation), production de films, production de films sur bandes vidéo, publication de livres, production de spectacles, représentation de spectacles, réservation de places de spectacles » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation), hébergement temporaire, services hôteliers, services de bars et de bars à cocktails ».

4        Le 8 mai 2007, l’OHMI a informé la requérante que la marque demandée ne répondait pas aux conditions d’enregistrement requises en ce qu’elle tombait sous le coup des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement n° 40/94 [devenus l’article 7, paragraphe 1, sous b), et c), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009] pour une partie des services visés dans les classes 39, 41 et 43. La requérante a présenté ses observations en réponse le 5 juillet 2007.

5        Le 19 février 2008, l’OHMI a informé la requérante de la décision de suspendre la procédure d’examen de la demande de marque dans l’attente d’une décision définitive dans le cadre de la procédure d’annulation à l’encontre de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES enregistrée sous le numéro 1336122, en raison de la similitude existant quant au fond des deux procédures.

6        La marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES avait été enregistrée le 16 septembre 2002. Les services pour lesquels cette marque avait été enregistrée relevaient des classes 39, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante :

–        classe 39 : « Transports par bateaux touristiques et de plaisance » ;

–        classe 41 : « Divertissements » ;

–        classe 42 : « Hôtellerie et restauration à terre ou à bord de bateaux pour la navigation touristique et de plaisance ».

7        Par une décision du 7 septembre 2006 (affaire R 1172/2005-1), la première chambre de recours a annulé la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES pour tous les services désignés à l’exception des services d’« hôtellerie et restauration à terre », relevant de la classe 42, pour lesquels la validité de la marque n’était pas contestée.

8        La première chambre de recours avait considéré que la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, aux motifs que le terme « bateaux-mouches » est la dénomination commune, en français, d’un type d’embarcation, à savoir un bateau destiné au transport de voyageurs par voie fluviale à des fins touristiques, et que le public pertinent, composé principalement de touristes francophones, comprenait le terme « bateaux-mouches » comme renvoyant au moyen de navigation à bord duquel les touristes et plaisanciers sont transportés (services relevant de la classe 39), des services de divertissements sont offerts (services relevant de la classe 41) ou des services d’hôtellerie et de restauration sont fournis (services relevant de la classe 42). Dans cette décision, la chambre de recours avait également considéré que la requérante n’avait pas apporté la preuve que la marque en cause avait acquis un caractère distinctif par l’usage.

9        Le 10 décembre 2008, le Tribunal a rejeté le recours introduit contre cette décision de la première chambre de recours [arrêt du Tribunal du 10 décembre 2008, Bateaux mouches/OHMI – Castanet (BATEAUX MOUCHES), T‑365/06, non publié au Recueil].

10      Le 24 septembre 2009, la Cour a rejeté le pourvoi de la requérante à l’encontre de l’arrêt du Tribunal, de sorte que la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 7 septembre 2006 par laquelle cette dernière a annulé la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES pour les services en cause relevant de la classe 39 et de la classe 41, est devenue définitive (ordonnance de la Cour du 24 septembre 2009, Bateaux mouches/OHMI, C‑78/09 P, non publiée au Recueil).

11      Le 14 octobre 2010, l’OHMI a adressé une nouvelle notification à la requérante par laquelle il l’a informée qu’il confirmait le contenu de sa notification du 8 mai 2007 visée au point 4 ci-dessus et qu’il étendait, en sus, le rejet de l’enregistrement de la marque aux services « hébergement temporaire, services hôteliers », relevant de la classe 43. La requérante a présenté ses observations en réponse le 14 décembre 2010.

12      Par décision du 30 juin 2011, l’examinateur a rejeté partiellement la demande d’enregistrement pour les services visés au point 3 ci-dessus sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et c), et paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. Les services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été refusé sont les suivants :

–        classe 39 : « Transport touristique ; organisation de voyages, accompagnement de voyageurs, agences de tourisme (à l’exception de la réservation d’hôtels, de pensions), transports en bateaux, services de bateaux de plaisance, location de bateaux, organisation de croisières, entreposage de bateaux, organisation d’excursions, transport fluvial, services de navigation, organisation de croisières, transport de passagers, réservation de places de voyages, location de véhicules, visites touristiques, réservation pour les voyages, transport de voyageurs » ;

–        classe 41 : « Divertissement ; activités sportives et culturelles » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation), services de bars et de bars à cocktails, hébergement temporaire, services hôteliers ».

13      Le 19 août 2011, la requérante a formé un recours, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

14      Par décision du 9 octobre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que la marque demandée était, pour les services visés au point 12 ci-dessus relevant des classes 39, 41 et 43, dépourvue de caractère distinctif et était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et c), du règlement n° 207/2009 et qu’elle n’avait pas acquis de caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009].

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté son recours à l’encontre de la décision de l’examinateur du 30 juin 2011 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

16      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours la requérante invoque, en substance, trois moyens, le premier, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le deuxième, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement et, le troisième, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, de ce même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

18      Par son premier moyen, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir considéré que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle fait valoir à cet égard quatre griefs, relatifs, premièrement, à la prise en compte de l’annulation de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES dans le cadre de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée, deuxièmement, à la définition du public pertinent, troisièmement, au caractère distinctif et non générique du terme « bateaux-mouches » et, quatrièmement, au caractère abstrait et global de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée.

19      L’OHMI réfute les allégations de la requérante.

 Sur la prise en compte de l’annulation de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES dans le cadre de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée

20      Aux points 17 à 22 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la date pertinente pour apprécier l’existence d’un motif absolu de refus dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement de marque communautaire est celle du dépôt de ladite demande d’enregistrement, à savoir, en l’espèce, le 6 février 2007. Elle a ensuite estimé que la procédure de nullité concernant la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES enregistrée sous le numéro 1336122, clôturée par l’ordonnance Bateaux mouches/OHMI, précitée, était pertinente dans le cadre de la procédure d’enregistrement de la marque demandée par la requérante dans la mesure où l’élément verbal de cette dernière était identique à la marque communautaire verbale ayant fait l’objet de la procédure de nullité, que le sens du terme « bateaux-mouches » n’avait pas varié entre 1999, date de la demande de nullité, et 2007 et que les éléments de preuve présentés par la requérante dans la procédure relative à l’enregistrement de la marque figurative étaient essentiellement les mêmes que ceux présentés dans le cadre de la procédure de nullité.

21      La requérante soutient que l’examen du caractère distinctif doit avoir lieu à la date à laquelle la demande d’enregistrement est déposée soit, en l’espèce, le 6 février 2007. Dès lors, la chambre de recours n’aurait pas dû tenir compte de la suspension de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée dans l’attente du résultat de la procédure d’annulation de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES ni se référer à l’arrêt BATEAUX MOUCHES, précité, et à l’ordonnance Bateaux mouches/OHMI, précitée, relatifs à ladite procédure.

22      S’agissant, premièrement, de la prise en compte de la suspension de la procédure d’enregistrement de la marque demandée dans la décision attaquée, il convient de relever que, d’une part, les services pour lesquels l’enregistrement de cette dernière avaient été demandés recouvrent, en substance, les services pour lesquels la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES avait été enregistrée et, d’autre part, l’élément dominant de la marque figurative demandée est un élément verbal presque identique à la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES.

23      Il convient en outre de rappeler que, conformément à la jurisprudence, la date pertinente aux fins d’apprécier l’existence d’un motif absolu de refus dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement est celle du dépôt de ladite demande [voir arrêt du Tribunal du 13 septembre 2012, Sogepi Consulting y Publicidad/OHMI (ESPETEC), T‑72/11, non publié au Recueil, point 66, et la jurisprudence citée].

24      Or, il y a lieu de relever que la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 7 septembre 2006, qui a confirmé l’annulation de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES, était antérieure à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée, à savoir le 6 février 2007.

25      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en ne remettant pas en cause la suspension de la procédure d’enregistrement de la marque demandée dans l’attente d’une décision définitive dans le cadre de la procédure d’annulation de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES.

26      S’agissant, deuxièmement, des références dans la décision attaquée à l’arrêt BATEAUX MOUCHES, précité, et à l’ordonnance Bateaux mouches/OHMI, précitée, relatifs à la procédure d’annulation de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES, il convient d’observer qu’il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a renvoyé à l’ordonnance Bateaux mouches/OMMI, précitée, concernant la date pertinente pour apprécier les motifs absolus de refus dans le cadre de l’examen d’une demande d’enregistrement, ainsi qu’à l’arrêt BATEAUX MOUCHES, précité, pour ce qui est des appréciations relatives au public pertinent, au caractère distinctif de la marque demandée et à l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage.

27      Toutefois, il convient également d’observer que les arguments soulevés par la requérante devant la chambre de recours dans le cadre de la procédure d’enregistrement de la marque figurative demandée étaient, en substance, les mêmes que ceux qu’elle avait déjà soulevés devant le Tribunal et la Cour dans le cadre de la procédure d’annulation de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES. En outre, il y a lieu de relever que l’arrêt BATEAUX MOUCHES, précité, et l’ordonnance Bateaux mouches/OHMI, précitée, ont été rendus à une date antérieure à la reprise de la procédure d’examen de la demande d’enregistrement de la marque demandée.

28      Dès lors, rien ne s’opposait en soi à ce que la chambre de recours renvoie à ces décisions du Tribunal et de la Cour pour autant qu’elle les estimait pertinentes dans le cadre de la procédure d’examen de la demande d’enregistrement de la marque demandée.

29      Par ailleurs, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait fait preuve de partialité en indiquant, avant de procéder à l’examen des motifs absolus de refus soulevés à l’encontre de la marque demandée, que la circonstance que le terme « bateaux-mouches » aurait été enregistré en tant que marque depuis 1950 ne permettait pas d’exclure que ce terme soit devenu générique. Par cette observation, la chambre de recours a simplement indiqué que le fait que le terme « bateaux-mouches » avait été précédemment enregistré comme une marque en 1950 ne permettait pas de préjuger qu’il possédait encore un caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée, ce qui explique pourquoi la date à prendre en considération pour examiner l’existence des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement est celle du dépôt de la demande d’enregistrement. Cette simple observation ne saurait donc être interprétée comme une prise de position partiale de la part de la chambre de recours.

 Sur la définition du public pertinent

30      Aux points 15 et 16 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que, dans la mesure où les motifs absolus de refus n’avaient été soulevés qu’en ce qui concerne la langue française, le public pertinent pour apprécier le caractère distinctif de la marque était le consommateur moyen francophone des services en cause dans l’Union européenne, c’est-à-dire le consommateur moyen français, belge ou luxembourgeois, et qu’il convenait, par conséquent, d’écarter d’emblée comme dénué de pertinence les arguments de la requérante concernant la perception de la marque demandée par un public non francophone.

31      La requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a défini le public pertinent comme le consommateur moyen francophone sur le territoire de l’Union, c’est-à-dire le consommateur moyen français, belge ou luxembourgeois. Le public pertinent serait composé de l’ensemble des touristes indépendamment de leur langue. Elle soutient que la très grande majorité de ses clients sont étrangers, que son site Internet est disponible en 10 langues, que ses documents promotionnels sont traduits dans 25 langues, que ses services sont proposés par des tour-opérateurs du monde entier et qu’elle a fait l’objet d’articles de presse à travers le monde.

32      À cet égard, il convient de rappeler que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 est indépendant des autres et exige un examen séparé. Lesdits motifs de refus doivent être interprétés à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. La notion d’intérêt général, sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt de la Cour du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, Rec. p. I‑3297, points 54 à 56, et la jurisprudence citée).

33      Il s’ensuit que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec. p. I‑5089, point 34, et la jurisprudence citée).

34      À cet effet, il n’est pas nécessaire que la marque transmette une information précise quant à l’identité du fabricant du produit ou du prestataire de services. Il suffit que la marque permette au public concerné de distinguer le produit ou le service qu’elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale et de conclure que tous les produits ou les services qu’elle désigne ont été fabriqués, commercialisés ou fournis sous le contrôle du titulaire de cette marque, auquel peut être attribuée la responsabilité de leur qualité [voir arrêt du Tribunal du 8 février 2011, Paroc/OHMI (INSULATE FOR LIFE), T‑157/08, Rec. p. II‑137, point 44, et la jurisprudence citée].

35      En revanche, sont dépourvus de caractère distinctif, au sens de cette disposition, les signes qui ne permettent pas au public concerné de répéter une expérience d’achat, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, lors de l’acquisition ultérieure des produits ou des services en question. Tel est le cas, notamment, des signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés. En effet, ces signes sont réputés inaptes à exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du produit ou du service en cause (arrêt INSULATE FOR LIFE, précité, point 45).

36      Il résulte, par ailleurs, d’une jurisprudence constante que ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑473/01 P et C‑474/01 P, Rec. p. I‑5173, point 33, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 25). Le niveau d’attention du consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26, et arrêt du Tribunal du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut-parleur), T‑460/05, Rec. p. II‑4207, point 32].

37      S’agissant de la détermination du public pertinent, il convient de constater que les services relevant des classes 39, 41 et 43 au sens de l’arrangement de Nice, pour lesquels l’enregistrement de la marque en cause a été demandé, constituent des services qui s’adressent à l’ensemble des consommateurs.

38      En outre, l’élément verbal « bateaux-mouches » de la marque figurative demandée est composé de deux termes issus de la langue française. Dès lors, le public pertinent est celui maîtrisant le français (voir, en ce sens, arrêt INSULATE FOR LIFE, précité, point 48).

39      C’est donc sans erreur que la chambre de recours a considéré que le public pertinent par rapport auquel il faut apprécier le caractère distinctif de la marque est le consommateur moyen francophone des services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, sur le territoire de l’Union.

 Sur le caractère générique et non distinctif du terme « bateaux-mouches »

40      Au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, actuellement, le terme « bateau-mouche » est la dénomination commune, en français, d’un type d’embarcation, à savoir un bateau destiné au transport de voyageurs par voie fluviale à des fins touristiques. La chambre de recours a également relevé que, dans le dictionnaire Le Grand Robert, dont il est fait mention dans la lettre de l’Académie française produite par la requérante devant la chambre de recours, le terme « bateau-mouche » est défini comme signifiant « bateau à moteur en service à Paris et servant à transporter des passagers ». La chambre de recours a encore précisé que ce dictionnaire ajoute que « les bateaux-mouches, autrefois utilisés comme transports en commun, sont aujourd’hui réservés à la promenade ».

41      La requérante soutient, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a fondé son analyse du caractère distinctif du terme « bateaux-mouches » sur la définition qui en était donné par le dictionnaire Le Grand Robert dans son édition de 1975. Elle soutient en effet que cette définition générique est ancienne et ne correspond plus à l’acception actuelle du terme « bateaux-mouches », qui serait désormais perçu comme une marque, ce dont témoignerait la définition qui en est donnée par le dictionnaire Le Robert dans son édition de 2007.

42      À cet égard, il convient de relever qu’il ressort de la lettre du service du Dictionnaire de l’Académie française, produite par la requérante devant la chambre de recours, que celle-ci est datée du 3 décembre 2004 et accompagne une copie de l’article Bateau-mouche du Dictionnaire de l’Académie française, neuvième édition 1992. Selon la définition donnée par le Dictionnaire de l’Académie française, « bateau-mouche » est un nom masculin (pluriel « bateaux-mouches »), originaire du XIXe siècle. Il s’agit d’une « [e]mbarcation qui servait autrefois au transport des voyageurs sur la Seine et qui sert aujourd'hui à des promenades touristiques ». Il ressort également de la lettre du service du Dictionnaire de l’Académie française, qui cite plusieurs dictionnaires dont Le Grand Robert de la langue française, que le sens original du terme bateau-mouche, à savoir un petit bateau de guerre à vapeur et, par extension, un petit bateau à vapeur servant de transport en commun fluvial à Paris et à Lyon, est attesté depuis la fin du XIXe siècle et que, par conséquent, l’Académie n’avait nullement l’intention de modifier sa définition du nom composé bateau-mouche.

43      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en retenant le caractère générique du terme « bateau-mouche ».

44      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la requérante selon laquelle le terme « bateaux-mouches » ne saurait être considéré comme générique pour des raisons historiques. La requérante fait en effet valoir que le terme « bateaux-mouches » est intrinsèquement distinctif aux motifs que ce terme correspond depuis l’origine à sa dénomination sociale, qu’il a été déposé en tant que marque nationale en France en 1950 et qu’il désigne l’activité de transport fluvial de passagers à des fins touristiques créée par elle. Or, il convient de rappeler que le caractère distinctif d’une marque dont l’enregistrement est demandé doit être apprécié à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, à savoir, en l’espèce, le 6 février 2007. Ainsi, comme l’a déjà jugé le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt BATEAUX MOUCHES, précité, et ainsi que l’a justement relevé la chambre de recours au point 19 de la décision attaquée, la circonstance que la requérante ait été la première société à avoir adopté en 1950 le terme « bateaux-mouches » en tant que marque pour désigner des activités de tourisme fluvial ne permet pas d’exclure que la marque en cause soit devenue, par la suite, la dénomination commune des bateaux destinés au transport de voyageurs par voie fluviale à des fins touristiques. En effet, sans qu’il soit besoin de vérifier si ledit signe jouissait d’un caractère distinctif en 1950, il convient de rappeler qu’un signe qui était capable, à une certaine époque, de constituer une marque est susceptible, en raison de son utilisation par des tiers en tant que dénomination usuelle d’un produit ou d’un service, de perdre la capacité d’exercer les fonctions d’une marque (voir arrêt BATEAUX MOUCHES, précité, point 27, et la jurisprudence citée).

45      Le caractère générique du terme « bateaux-mouches » ne saurait non plus être remis en cause par l’argument de la requérante selon lequel elle serait la seule société à utiliser ledit terme pour désigner son activité de tourisme fluvial, ce dont témoignerait le fait que les sociétés concurrentes auraient accepté, en toute connaissance de cause, de ne pas utiliser ce terme pour désigner leurs propres services, ni par l’allégation selon laquelle certains éditeurs de dictionnaires auraient accepté d’indiquer que le terme « bateaux-mouches » correspondait à une marque déposée. En effet, cette circonstance résulte non pas du caractère distinctif intrinsèque du terme « bateaux-mouches », mais de la mise en place d’une procédure de protection de la marque nationale de la requérante.

46      Comme cela a déjà été relevé par la chambre de recours au point 24 de la décision attaquée, l’accord avec l’Office du tourisme et des congrès de Paris sur l’utilisation du terme « bateaux-mouches », les lettres envoyées à certains éditeurs de dictionnaires ainsi que les lettres de mise en demeure, les publications d’errata dans la presse et les engagements d’autres sociétés à ne pas utiliser le terme « bateaux-mouches » d’une façon générique produits devant l’OHMI ne sont pas de nature à prouver que ladite marque possède un caractère distinctif intrinsèque. De même, ainsi que l’a justement relevé la chambre de recours, la circonstance que l’un des éditeurs de dictionnaires mis en demeure ait indiqué que le terme « bateaux-mouches » était une marque déposée dans son édition de 2007 relève de la même stratégie de surveillance de l’usage de ladite marque. Le procès-verbal de constat d’huissier de justice de Paris du 6 novembre 2006, également produit devant la chambre de recours, selon lequel le terme « bateaux-mouches » était exclusivement utilisé à Paris par la requérante, ne constitue pas non plus une preuve du caractère distinctif intrinsèque de la marque demandée, mais témoigne du succès de la stratégie mise en place par la requérante pour empêcher l’utilisation de sa marque nationale par ses concurrents.

 Sur l’absence d’examen concret du caractère distinctif de la marque demandée en ce qui concerne les services visés dans la demande d’enregistrement

47      La requérante fait grief à la chambre de recours, en substance, de ne pas avoir procédé à un examen concret du caractère distinctif de la marque demandée en se limitant à renvoyer implicitement, à cet égard, au caractère descriptif de cette dernière. La chambre de recours aurait ainsi violé le principe selon lequel les motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 sont indépendants et doivent être examinés de façon séparée.

48      À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a précisé, aux points 27 à 29 de la décision attaquée, que les services pour lesquels l’enregistrement de la marque en cause était demandé étaient libellés de telle sorte que le terme « bateaux-mouches » pouvait être facilement compris par le public pertinent comme l’indication du lieu où ces services étaient proposés, à savoir à bord de bateaux-mouches. La chambre de recours a également indiqué que le nom d’un véhicule, quel qu’il soit, ne pouvait être considéré comme distinctif pour des services dont le public pertinent savait qu’ils étaient habituellement proposés ou habituellement proposables à son bord. Elle en a conclu que le terme « bateaux-mouches » n’était pas apte à distinguer, dans la perception du public pertinent, les services de la requérante de ceux ayant une autre origine commerciale.

49      Force est donc de constater que la chambre de recours a concrètement examiné, bien que de façon succincte, la façon dont le public pertinent percevra la marque demandée en ce qui concerne les services dont l’examinateur avait refusé l’enregistrement et en a conclu que ladite marque serait perçue comme fournissant des informations sur le moyen par lequel les services en cause relevant de la classe 39 seraient rendus ou sur l’endroit où les services en cause relevant de la classe 41 et de la classe 43 seraient fournis, et non comme indiquant leur origine commerciale.

50      La circonstance que la chambre de recours ait conclu, à la dernière phrase du point 28 de la décision attaquée, que, compte tenu de la perception de la marque demandée par le public pertinent, c’est à juste titre que l’OHMI avait retenu que le terme « bateaux-mouches » était descriptif concernant les services en cause n’est pas de nature à remettre en cause ce constat. Elle ne permet pas non plus de conclure, comme le fait valoir la requérante, que la chambre de recours aurait simplement renvoyé, pour ce qui est de l’examen concret du caractère distinctif, à l’examen du caractère descriptif, eu égard au constat opéré au point 49 ci-dessus.

51      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a fait une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et que le premier moyen doit, dès lors, être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009

52      Par son deuxième moyen, la requérante conteste le caractère descriptif du signe demandé.

53      Ce moyen doit être rejeté. En effet, il ressort très clairement du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés dans cette disposition s’applique pour que le signe en cause ne puisse pas être enregistré comme marque communautaire [arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, Rec. p. I‑7561, point 29, et arrêt du Tribunal du 21 novembre 2013, Heede/OHMI (Matrix-Energetics), T‑313/11, non publié au Recueil, point 68].

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009

54      Par son troisième moyen, la requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir considéré qu’elle n’avait pas rapporté la preuve de l’acquisition du caractère distinctif du signe demandé par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

55      Aux points 37 à 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné le point de savoir si la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage. Elle a rappelé que, conformément à la jurisprudence, en l’espèce, il appartenait à la requérante de démontrer que le signe BATEAUX-MOUCHES avait acquis un caractère distinctif par l’usage sur l’ensemble du territoire francophone de l’Union sur lequel elle en était dépourvue, à savoir la France, la Belgique et le Luxembourg. À cet égard, elle a estimé que, en l’absence de sondage d’opinion, les documents produits par la requérante ne constituaient pas des preuves directes de l’acquisition du caractère distinctif par la marque demandée, laquelle dépend de la perception du signe par le public pertinent, et que, même en reconnaissant une valeur probatoire à ces documents, force était de constater qu’ils établissaient tout au plus que le signe dont l’enregistrement était demandé avait acquis une certaine reconnaissance publique en France, mais qu’ils ne couvraient ni la Belgique ni le Luxembourg.

56      La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir considéré que les documents qu’elle avait soumis pour démontrer l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage ne constituaient que des preuves indirectes. La requérante fait également grief à la chambre de recours d’avoir considéré qu’elle n’avait pas rapporté la preuve de l’usage de la marque demandée par l’usage sur l’ensemble du territoire francophone de l’Union, au motif qu’elle n’avait pas rapporté cette preuve concernant la Belgique et le Luxembourg.

57      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

58      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, si une marque n’a pas ab initio un caractère distinctif, elle peut l’acquérir pour les produits ou les services demandés, à la suite de son usage. Un tel caractère distinctif peut être acquis, notamment, après un processus normal de familiarisation du public concerné. Il s’ensuit que, aux fins d’apprécier si une marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances dans lesquelles le public pertinent est mis en présence de cette marque (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑24/05 P, Rec. p. I‑5677, points 70 et 71).

59      L’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [arrêts du Tribunal du 1er février 2013, Ferrari/OHMI (PERLE’), T‑104/11, non publié au Recueil, point 37, et du 22 mars 2013, Bottega Veneta International/OHMI (Forme d’un sac à main), T‑409/10, non publié au Recueil, point 75].

60      Les éléments susceptibles de démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée doivent être appréciés globalement. Dans le cadre de cette appréciation, peuvent être pris en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (arrêts de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, points 49 et 51, et du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, Rec. p. I‑6135, point 31). Si, sur la base de tels éléments, les milieux intéressés ou, à tout le moins, une fraction significative de ceux-ci identifient grâce à la marque le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée, il doit en être conclu que la condition exigée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 est remplie (voir arrêt BATEAUX MOUCHES, précité, point 35, et la jurisprudence citée).

61      Pour apprécier si les motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement n° 207/2009 doivent être écartés en raison de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, seule est pertinente la situation existant dans la partie du territoire de l’Union où les motifs de refus ont été constatés (voir arrêt BATEAUX MOUCHES, précité, point 36, et la jurisprudence citée).

62      La marque doit avoir acquis un caractère distinctif soit avant la date de dépôt de la demande de marque, soit, le cas échéant, entre la date d’enregistrement et celle de la demande de nullité [voir arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Imagination Technologies/OHMI (PURE DIGITAL), T‑461/04, non publié au Recueil, point 77, et la jurisprudence citée].

63      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier les arguments soulevés par la requérante.

64      À titre liminaire, il convient d’observer que les éléments de preuve soumis par la requérante devant la chambre de recours ne se rapportent pas spécifiquement à l’utilisation de la marque en cause en l’espèce telle qu’elle figurait dans la demande d’enregistrement du 6 février 2007, mais concernent l’utilisation du terme « bateau(x)-mouche(s) » en tant qu’élément verbal ainsi que diverses représentations figuratives de ce terme.

65      S’agissant, premièrement, de l’argument de la requérante selon lequel, contrairement à ce que la chambre de recours a estimé dans la décision attaquée, elle avait rapporté des preuves directes de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage, il convient de le rejeter.

66      En effet, force est de constater que les très nombreuses lettres adressées à des journaux français ainsi qu’à trois journaux belges, à la suite de l’utilisation par ceux-ci du terme « bateau(x)-mouche(s) » dans un sens générique, et les lettres de mise en demeure, adressées à certains concurrents de la requérante, de ne pas utiliser ce terme témoignent d’une politique de défense très active de la requérante concernant sa marque française verbale Bateaux-mouches. Cependant, ces documents témoignent également de l’utilisation très large, en France et en Belgique, du terme « bateau(x)-mouche(s) » dans un sens générique.

67      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, en l’absence de sondage d’opinion, tous les autres documents soumis en l’espèce par la requérante ne pouvaient, ainsi que l’a justement constaté la chambre de recours au point 47 de la décision attaquée, constituer des preuves directes de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage.

68      Il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, un tel constat n’est pas contradictoire avec l’affirmation de la chambre de recours, au point 48 de la décision attaquée, selon laquelle, « même en reconnaissant la valeur probatoire de ces documents » en vue de démontrer l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage, il convenait de constater que « les documents soumis établissaient tout au plus que le signe demandé avait acquis une certaine reconnaissance publique en France ».

69      En effet, la thèse de la requérante à cet égard semble reposer sur la prémisse que la chambre de recours aurait, en reconnaissant que les documents qu’elle avait soumis démontraient une certaine reconnaissance publique de la marque demandée, considéré que ces documents prouvaient l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage pour la France.

70      Or, d’une part, le simple constat que les documents en question établissaient que la marque demandée avait acquis tout au plus une certaine reconnaissance publique en France ne saurait être assimilé au constat que celle-ci avait acquis un caractère distinctif par l’usage, qui implique que la marque demandée est reconnue comme l’indication d’une origine commerciale par une fraction significative du public pertinent.

71      D’autre part, la prémisse sur laquelle se fonde la requérante se trouve contredite par l’affirmation de la chambre de recours de l’OHMI, au point 51 de la décision attaquée, selon laquelle le constat d’un défaut de démonstration par la requérante d’un caractère distinctif acquis par l’usage pour les services en cause sur l’ensemble du territoire francophone de l’Union s’appliquait « notamment » et « au moins » à la Belgique et au Luxembourg.

72      Par ailleurs, le constat de l’absence de preuves directes de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage ne saurait être remis en cause par la production devant la chambre de recours du certificat de l’enregistrement international de la marque demandée désignant la Suisse ni par le certificat d’enregistrement des marques figuratives BATEAUX-MOUCHES en France et en Suisse (voir annexes A36 et A37 de la requête). En effet, d’une part, l’enregistrement international désignant la Suisse est postérieur à la demande d’enregistrement de la marque demandée. D’autre part, comme le relève à juste titre la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Par conséquent, le caractère enregistrable d'un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre, voire d'un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée avec la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25), ou encore dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle le signe verbal en cause trouve son origine [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47].

73      Ce constat ne saurait davantage être remis en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage serait démontré par l’enregistrement par l’OHMI, le 23 avril 2012, de la marque communautaire verbale BATEAUX MOUCHES pour des services identiques à ceux couverts par la marque en cause en l’espèce.

74      Il convient en effet de rappeler que la légalité des décisions de la chambre de recours, lesquelles relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire, doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement n° 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle de l’OHMI, laquelle ne saurait, en tout état de cause, lier le juge de l’Union [voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47 ; du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, Rec. p. I‑551, point 48, et du Tribunal du 20 septembre 2011, Couture Tech/OHMI (Représentation du blason soviétique), T‑232/10, Rec. p. II‑6472, point 79]. Pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec. p. I‑1541, point 77, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 8 novembre 2012, Hartmann/OHMI (Nutriskin Protection Complex), T‑415/11, non publié au Recueil, point 36]. Cette jurisprudence applique au cas spécifique de l’enregistrement d’une marque communautaire un principe général selon lequel il ne saurait y avoir d’égalité dans l’illégalité [arrêt du Tribunal du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, non publié au Recueil, points 33 et 34].

75      Le constat de l’absence de preuves de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée ne saurait non plus être remis en cause par l’argument de la requérante selon lequel elle aurait rapporté la preuve de l’usage de la marque demandée en Belgique et au Luxembourg. En effet, d’une part, s’agissant de la preuve de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage au Luxembourg, force est de constater que les documents soumis par la requérante ne font pas expressément mention du Luxembourg. Seule la mention du prix sur la couverture de deux magazines dans lesquels a été publié un article relatif aux services offerts par la requérante permet en effet de corroborer l’affirmation de la requérante selon laquelle le Luxembourg était la cible de campagnes de promotion. D’autre part, s’agissant de la preuve de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage en Belgique, force est encore de constater que les éléments de preuve soumis par la requérante ne sont pas suffisants. Ainsi, s’agissant, premièrement, des trois lettres adressées par la requérante à des journaux belges leur demandant de ne plus utiliser le terme « bateau(x)-mouche(s) » dans un sens générique à l’avenir, il convient de relever que celles-ci démontrent en fait l’utilisation courante dans un sens générique du terme « bateau(x)-mouche(s) » en Belgique. Les demandes de réservations de tour-opérateurs belges produites par la requérante se limitent à trois demandes, dont deux émaneraient de tour-opérateurs situés dans la partie néerlandophone de la Belgique. De même, s’agissant de la campagne de promotion prétendument dirigée vers des acteurs situés en Belgique, il ressort des documents soumis par la requérante que seuls trois des magazines contenant des articles lui étant consacrés étaient susceptibles, ainsi que cela peut être déduit de la couverture desdits magazines, d’être distribués en Belgique.

76      Il en va de même de l’argument de la requérante selon lequel l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage serait démontrée par la circonstance que son site Internet est disponible dans dix langues différentes. À cet égard, il convient de rappeler que la preuve de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée doit être appréciée par rapport à la perception qu’une fraction significative du public pertinent a de ce signe. Le public pertinent en l’espèce étant le public francophone, la circonstance que le site Internet de la requérante soit disponible dans d’autres langues que le français est dépourvue de pertinence. En outre, pour autant que la requérante fasse valoir que la circonstance que son site Internet est accessible en français depuis la France, la Belgique et le Luxembourg constitue un élément de preuve de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage, il convient de relever qu’une telle circonstance n’est pas, en elle-même, de nature à démontrer la perception de la marque demandée par une partie significative du public pertinent.

77      S’agissant, deuxièmement, du grief de la requérante pris de ce que la chambre de recours aurait, à tort, considéré qu’elle n’avait pas rapporté la preuve de l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par l’usage sur l’ensemble du territoire francophone de l’Union, au motif qu’elle n’avait pas rapporté cette preuve concernant la Belgique et le Luxembourg, et ce alors qu’elle l’avait fait pour le territoire français, il y a lieu de constater qu’il manque en fait.

78      À cet égard, il convient en effet de rappeler que, ainsi que cela a été constaté ci-dessus, d’une part, la chambre de recours n’a pas constaté que la requérante avait démontré l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée par son usage en France et, d’autre part, les éléments de preuve soumis par la requérante n’étaient pas de nature à démontrer l’acquisition du caractère distinctif de la marque demandée en Belgique et au Luxembourg.

79      Eu égard aux considérations qui précèdent, la chambre de recours a correctement appliqué l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 et il convient, partant, de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

80      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.



2)      La Compagnie des bateaux mouches SA est condamnée aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mai 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.