Language of document : ECLI:EU:T:2011:280

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

16 juin 2011 (*)

« Concurrence – Ententes – Peroxyde d’hydrogène et perborate de sodium – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Durée de l’infraction – Notion d’‘accord’ et de ‘pratique concertée’ – Accès au dossier – Amendes – Égalité de traitement – Communication sur la coopération – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑195/06,

Solvay Solexis SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes T. Salonico et G. L. Zampa, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. V. Di Bucci et F. Amato, puis par MM. Di Bucci et V. Bottka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation partielle de la décision C (2006) 1766 final de la Commission, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate), et, d’autre part, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

composé de MM. V. Vadapalas (rapporteur), faisant fonction de président, A. Dittrich et L. Truchot, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, Solvay Solexis SpA (anciennement Ausimont SpA), est une société de droit italien faisant partie, depuis le 7 mai 2002, du groupe de Solvay SA.

2        Avant cette date, la requérante était contrôlée par la société Montedison SpA (devenue Edison SpA) et était active, notamment, sur les marchés du peroxyde d’hydrogène (ci-après le « PH ») et du perborate de sodium (ci-après le « PBS »).

3        En novembre 2002, Degussa AG a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence d’une entente sur les marchés du PH et du PBS et a sollicité l’application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci‑après la « communication sur la coopération »).

4        Degussa a fourni des preuves matérielles à la Commission, qui l’ont mise en mesure d’effectuer, les 25 et 26 mars 2003, des vérifications dans les locaux de certaines entreprises.

5        À la suite de ces vérifications, plusieurs entreprises, dont la requérante, ont sollicité l’application de la communication sur la coopération et transmis à la Commission des éléments de preuve concernant l’entente en cause.

6        Le 26 janvier 2005, la Commission a envoyé une communication des griefs à la requérante et aux autres entreprises concernées.

7        À la suite de l’audition des entreprises concernées, la Commission a adopté la décision C (2006) 1766 final, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, EKA Chemicals AB, Degussa, Edison, FMC Corp., FMC Foret SA, Kemira Oyj, L’Air liquide SA, Chemoxal SA, SNIA SpA, Caffaro Srl, Solvay, la requérante, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (affaire COMP/F/38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate)(ci‑après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 13 décembre 2006 (JO L 353, p. 54). Elle a été notifiée à la requérante par lettre du 8 mai 2006.

 Décision attaquée

8        La Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que les destinataires de celle-ci avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), concernant le PH et le produit en aval, le PBS (considérant 2 de la décision attaquée).

9        L’infraction constatée a consisté principalement en l’échange, entre concurrents, d’informations importantes sous l’angle commercial et d’informations confidentielles sur les marchés et les entreprises, en une limitation et en un contrôle de la production et des capacités potentielles et réelles de celle-ci, en une répartition des parts de marché et des clients ainsi qu’en la fixation et en la surveillance du respect d’objectifs de prix.

10      L’infraction en cause a été imputée à la requérante, ainsi qu’à Edison, sa société mère à l’époque de l’infraction (considérant 423 de la décision attaquée).

11      Aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission a fait application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »).

12      La Commission a déterminé les montants de base des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction (considérant 452 de la décision attaquée), celle-ci ayant été qualifiée de très grave (considérant 457 de la décision attaquée).

13      En application d’un traitement différencié, la requérante a été classée dans la troisième catégorie, correspondant à un montant de départ de 20 millions d’euros (considérant 460 de la décision attaquée).

14      La requérante ayant pris part à l’infraction, selon la Commission, du 12 mai 1995 au 31 décembre 2000, à savoir pendant une période de cinq ans et sept mois, le montant de départ de son amende a été majoré de 55 % (considérant 467 de la décision attaquée).

15      En application de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), la Commission a indiqué que l’amende infligée à la requérante ne pouvait pas dépasser le montant de 25,619 millions d’euros, représentant 10 % de son chiffre d’affaires global en 2005 (considérant 498 de la décision attaquée).

16      En application de la communication sur la coopération, la Commission a rejeté la demande de clémence introduite par la requérante le 7 juillet 2003, au motif que celle-ci ne contenait pas d’éléments de preuve représentant une valeur ajoutée significative par rapport à ceux qui étaient déjà en sa possession (considérants 525 et 526 de la décision attaquée).

17      L’article 1er, sous n), de la décision attaquée dispose que la requérante a enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 de l’accord EEE, en participant à l’infraction concernée du 12 mai 1995 au 31 décembre 2000.

18      L’article 2, sous c), de la décision attaquée dispose qu’une amende de 58,125 millions d’euros est infligée à Edison, pour le paiement de laquelle la requérante est responsable « conjointement et solidairement » pour un montant de 25,619 millions d’euros.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2006, la requérante a introduit le présent recours.

20      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre et, les parties entendues, la présente affaire a été renvoyée devant la sixième chambre élargie.

21      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, du 15 octobre 2009, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu le 6 novembre 2009.

22      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 3 mars 2010.

23      Conformément à l’article 32 du règlement de procédure du Tribunal, deux membres de la chambre étant empêchés d’assister au délibéré, les délibérations du Tribunal ont été poursuivies par les trois juges dont le présent arrêt porte la signature.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée partiellement, à titre principal, en ce que la Commission y a constaté sa participation à l’infraction au cours de la période allant du 12 mai 1995 à « mai/septembre 1997 » et de celle allant de mai à décembre 2000, ou, à titre subsidiaire, en ce qu’elle y a constaté que, durant la période allant de mai 1995 à septembre 1997 et celle allant de décembre 1999 à décembre 2000, l’infraction a été pleinement mise en œuvre et a eu un impact réel sur le marché, ainsi qu’en ce que la Commission n’y a pas reconnu, concernant la période allant de mai 1995 à septembre 1997, le rôle passif joué par elle ;

–        réduire, en conséquence, le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        annuler la décision attaquée partiellement, en ce que, premièrement, la Commission y a constaté qu’elle avait participé à un accord sur la limitation des capacités, deuxièmement, elle ne lui a pas reconnu la circonstance atténuante tirée de sa coopération en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération et, troisièmement, elle lui a infligé une amende disproportionnée au regard de sa situation particulière et de sa petite taille ;

–        réduire, en conséquence, le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens, y compris les frais relatifs à la constitution d’une garantie bancaire relative au paiement de l’amende.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

26      À l’appui du recours, la requérante invoque cinq moyens. Par le premier moyen, d’une part, elle conteste la constatation de sa participation à l’infraction pour la période allant du 12 mai 1995 à « mai/septembre 1997 » et pour celle allant de mai à décembre 2000 et, d’autre part, elle invoque une violation des droits de la défense résultant prétendument d’un refus d’accès à certains documents et d’un défaut d’instruction de certains éléments du dossier.

27      Par les deuxième à quatrième moyens, la requérante conteste la détermination du montant de l’amende, en invoquant le défaut de prise en compte, respectivement, de son rôle passif dans l’infraction ainsi que de l’absence d’impact de celle-ci sur le marché (deuxième moyen), de l’absence de sa participation à un accord sur la limitation des capacités (troisième moyen) et de sa coopération avec la Commission (quatrième moyen). Par le cinquième moyen, elle invoque l’illégalité du montant de l’amende au regard de certains principes généraux de droit.

 Sur la durée de la participation de la requérante à l’infraction

 Arguments des parties

28      Par la première branche du présent moyen, la requérante conteste la constatation de sa participation à l’infraction pour les périodes initiale et finale de l’entente allant, respectivement, du 12 mai 1995 à « mai/septembre1997 » et de mai à décembre 2000.

–       Sur la période allant du 12 mai 1995 à « mai/septembre 1997 »

29      La requérante soutient que, en qualifiant d’infraction les comportements relatifs à la période initiale, la Commission a commis des erreurs de droit et d’appréciation des faits.

30      Dans la période en cause, il n’y aurait eu aucun accord, même partiel, ni aucune forme de coordination dans laquelle la requérante aurait été impliquée. Certains opérateurs auraient vu une menace pour le statu quo dans la création de nouvelles capacités de production. Ils auraient donc tenté de limiter le renforcement de la position concurrentielle d’autres opérateurs, dont celle de la requérante. Cette tentative ne tomberait pas dans le champ d’application de l’article 81 CE et, en tout état de cause, n’impliquerait pas la responsabilité de la requérante.

31      À la différence des affaires ayant donné lieu à la jurisprudence invoquée par la Commission au considérant 305 de la décision attaquée, en l’espèce, les contacts pris dans la période initiale n’auraient pas pu être considérés comme une « tentative d’application d’un accord », les entreprises concernées n’ayant jamais exprimé une volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée. Les discussions entre elles pourraient tout au plus se voir qualifier de tentatives d’accord.

32      La requérante indique n’avoir été présente qu’à cinq des dix réunions multilatérales, invoquées dans la décision attaquée au regard de la période concernée, ainsi qu’à trois rencontres bilatérales avec Degussa à la fin de l’année 1996 et au début de l’année 1997. Elle conteste sa participation à la réunion en Italie du 21 ou du 22 novembre 1995 (considérant 136 de la décision attaquée). Pour le reste, la requérante ne met pas en cause les faits exposés dans la décision attaquée, mais soutient que ces faits ne démontrent pas l’existence de l’infraction.

33      S’agissant des réunions de la période initiale, invoquées aux considérants 118 à 167 de la décision attaquée, la requérante fait valoir qu’elles étaient l’occasion de « discussions », de « négociations », d’« hypothèses », de « propositions » et de « variations infinies » de celles-ci, au sujet de la solution à apporter à la prochaine arrivée sur le marché de nouvelles capacités de production, dont celles de la requérante. La requérante n’aurait jamais exprimé l’intention de se comporter d’une manière déterminée, ou encore de participer à une répartition du marché avec ses concurrents, ce qui aurait été le seul objet des contacts intervenus jusqu’alors.

34      Il résulterait de la décision attaquée que, durant cette période, la requérante menait une stratégie de prix agressive et qu’elle a été la plus difficile à convaincre, Degussa ayant tenté de la dissuader d’« inonder » le marché avec ses nouveaux produits.

35      La requérante, ayant investi dans une nouvelle capacité de production, n’aurait pas pu se permettre de conclure un accord sur la limitation des capacités. En effet, la production de la requérante aurait augmenté d’une manière significative, d’environ 80 % en Allemagne et de 20 % en Italie, ses deux marchés principaux. En conséquence, l’objet des réunions tenues pendant la période concernée aurait été la tentative d’autres opérateurs d’éviter que la requérante n’« inonde » le marché. L’augmentation significative de l’offre de la requérante démontrerait qu’elle l’avait « inondé » et que la prétendue concertation n’avait aucunement influencé son comportement.

36      S’agissant de la pratique concertée, la Commission aurait appliqué, d’une manière erronée, la jurisprudence résultant, notamment, de l’arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission (C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 155 et 168).

37      D’une part, la Commission n’aurait pas démontré l’existence, entre les producteurs, d’une collaboration consciente ayant éliminé ou même seulement réduit l’incertitude quant au comportement futur des concurrents. Une telle collaboration aurait été exclue étant donné l’opposition exprimée par les producteurs ayant investi dans de nouveaux sites de production, dont celle de la requérante, contre toute tentative de limiter les capacités.

38      Eu égard à la stagnation des discussions durant la période concernée, les concurrents n’auraient pas pu compter sur un comportement déterminé de la requérante en ce qui concerne la répartition des capacités. Les réunions organisées pendant cette période n’auraient donc pas pu entraîner une réduction substantielle de l’incertitude quant au comportement futur de la requérante. Cela serait confirmé par le « plan de guerre » lancé par Degussa en 1997, pour défendre ses parts de marché.

39      D’autre part, la Commission n’aurait pas établi que les informations échangées par les entreprises concernées auraient été susceptibles d’influer sur leur comportement futur sur le marché.

40      Les producteurs auraient simplement élaboré et discuté des propositions quant à la possibilité de répartir la nouvelle capacité de production. Les informations faisant l’objet de ces discussions n’auraient pas pu être échangées régulièrement, la capacité de production étant restée la même. Ces informations auraient été, pour l’essentiel, publiques et n’auraient pas été de nature à influer sur leur comportement sur le marché.

41      Les entreprises n’auraient pas échangé d’informations relatives à leur comportement futur. En revanche, certains opérateurs auraient formulé des propositions hypothétiques au sujet d’une possible répartition des parts de marché, en se fondant sur la capacité globale présente sur le marché, sur la demande globale et sur la nouvelle capacité des sites de production en cours de construction. Les informations échangées n’auraient servi que de base de départ pour ces discussions. Degussa aurait affirmé que, jusqu’à la réunion de mai 1997, toutes les entreprises savaient que les informations fournies étaient fausses.

42      Au lieu de préciser le contenu des informations échangées, la Commission se serait fondée sur la référence faite par Degussa à des « informations sensibles du point de vue de la concurrence », ce qui empêcherait la vérification de cette constatation et la production de la preuve contraire. En outre, la Commission n’aurait pas réfuté les éléments de preuve démontrant que l’échange d’informations n’avait pas pu avoir d’influence sur le comportement des entreprises sur le marché.

43      La présomption du fait que les entreprises tiennent compte des informations échangées pour adapter leur comportement sur le marché aurait été renversée en l’espèce par les données sur les volumes de ventes et les prix de la requérante. En effet, la période en cause aurait été marquée par une véritable « guerre des prix », leurs niveaux ayant atteint, en 1997, le « minimum historique », ceux de certains opérateurs étant passés au-dessous des coûts variables, alors que la quantité du PH disponible sur le marché aurait augmenté de manière significative.

44      À cet égard, la Commission se serait contredite en indiquant, au considérant 311 de la décision attaquée, que la question de l’impact de l’infraction sur le marché devait être dissociée de celle de savoir si les informations échangées étaient susceptibles d’influer sur le comportement sur le marché. Par cette contradiction, la Commission se serait dispensée de l’obligation de réfuter la preuve contraire, en transformant la présomption simple en cause en une présomption irréfragable.

45      En s’abstenant de démontrer l’influence des échanges d’informations sur le comportement adopté sur le marché et de réfuter la preuve contraire, la Commission aurait violé l’article 81, paragraphe 1, CE, ainsi que le principe du respect des droits de la défense.

46      La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Sur la période allant de mai à décembre 2000

47      La requérante soutient que la Commission n’a pas démontré que l’entente avait été maintenue lors de la réunion de Turku le 18 mai 2000, ni que ses effets sur les prix avaient perduré jusqu’au 31 décembre 2000.

48      La Commission se serait fondée sur des éléments de preuve contradictoires fournis par une seule entreprise, à savoir Arkema (anciennement Atofina SA). Or, celle-ci aurait elle-même affirmé que la réunion de Turku avait constitué l’occasion de signaler « l’interruption de la concertation et de mettre ainsi un terme à la régulation contrôlée du marché ».

49      D’autres entreprises auraient fourni des éléments de preuve contredisant les déclarations d’Arkema. Au cours du mois de mai 2000, Solvay aurait fait savoir à Degussa qu’il n’y avait plus de raison d’insister sur la coopération collusoire entre les producteurs. EKA Chemicals aurait déjà cessé de coopérer, Arkema et FMC Foret auraient déclaré leur intention de faire de même. Kemira aurait contesté la tenue de discussions anticoncurrentielles à Turku. La requérante aurait déjà manifesté une attitude agressive sur le marché depuis plusieurs mois.

50      Les déclarations d’Arkema n’attesteraient donc pas avec certitude la poursuite de l’infraction dans la période concernée.

51      Par ailleurs, la Commission aurait présumé, à tort, que les effets sur les prix avaient persisté durant toute l’année 2000 (considérant 356 de la décision attaquée). Elle aurait dû démontrer que ces effets s’étaient effectivement produits, la seule déclaration d’Atofina, selon laquelle les prix étaient restés au même niveau durant toute l’année 2000, étant insuffisante à cet égard. En effet, les documents d’Atofina démontreraient que ses prix avaient, en réalité, diminué en 2000. Une certaine stabilité des prix aurait d’ailleurs été liée à la croissance significative du marché et le dossier contiendrait des éléments indiquant que le marché du PH était redevenu compétitif au cours des premiers mois de l’année 2000.

52      Compte tenu de ces éléments, la Commission n’aurait pas produit de preuves suffisantes de la poursuite de l’infraction au-delà de la réunion de Turku et, ainsi, aurait dû, selon l’adage in dubio pro reo, situer la fin de l’infraction au 18 mai 2000.

53      La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

54      Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

55      Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 256, et du 20 mars 2002, HFB Holding e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 199).

56      Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même d’une restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet des négociations (voir, en ce sens, arrêt HFB Holding e.a./Commission, point 55 supra, points 151 à 157 et 206).

57      La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 115, et Hüls/Commission, point 36 supra, point 158).

58      À cet égard, l’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet la restriction de concurrence (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 57 supra, points 116 et 117).

59      Le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer un accord anticoncurrentiel suffit à prouver l’existence d’une pratique concertée au sens de l’article 81 CE (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T‑148/89, Rec. p. II‑1063, point 82, et du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 178).

60      Selon une jurisprudence constante, les notions d’accord et de pratique concertée, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, appréhendent des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 57 supra, points 131 et 132, et HFB Holding e.a./Commission, point 55 supra, point 190).

61      Dans le cadre d’une infraction complexe, qui a impliqué pendant plusieurs années plusieurs producteurs poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle qualifie précisément l’infraction d’accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées à l’article 81 CE (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 57 supra, points 111 à 114, et arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 696).

62      La double qualification de l’infraction d’accord « et/ou » de pratique concertée doit être comprise comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d’accord et d’autres de pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe (arrêts Hercules Chemicals/Commission, point 55 supra, point 264, et HFB Holding e.a./Commission, point 55 supra, point 187).

63      S’agissant de l’administration de la preuve de l’infraction, il convient de rappeler que la Commission doit établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58).

64      Elle doit faire état de preuves précises et concordantes à cet égard (voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II‑2707, point 43, et la jurisprudence citée).

65      Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères en ce qui concerne chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 180, et la jurisprudence citée).

66      Les indices invoqués par la Commission dans la décision afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt BPB/Commission, point 59 supra, point 185, et la jurisprudence citée).

67      Il convient également de tenir compte du fait que les activités anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine et, partant, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57).

68      S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel, selon une jurisprudence constante, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit exercer de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, point 62, et la jurisprudence citée).

69      L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction, conformément au principe de présomption d’innocence, lequel, en tant que principe général du droit de l’Union européenne, s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la condamnation à des amendes ou à des astreintes (arrêt Hüls/Commission, point 36 supra, points 149 et 150, et arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP et T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, points 60 et 61).

70      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, la Commission a établi à suffisance de droit que, durant les périodes litigieuses, le comportement de la requérante était constitutif d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE.

–       Sur la période allant du 12 mai 1995 à « mai/septembre 1997 »

71      Dans la décision attaquée, la Commission a constaté que les entreprises destinataires, dont la requérante, avaient participé à une entente complexe qui a consisté en un ensemble d’accords et de pratiques concertées ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. Ses principaux aspects auraient inclus l’échange d’informations sur les marchés, la limitation de la production et des capacités de celle-ci, la répartition des marchés et la fixation des prix (considérant 337 de la décision attaquée).

72      Concernant plus particulièrement la période initiale de l’entente, la Commission a notamment indiqué que les participants à l’entente s’étaient rencontrés régulièrement, au moins à partir du 31 janvier 1994, pour échanger des informations sensibles sur le marché et discuter des volumes de production, de leur réduction possible ou de la possibilité d’empêcher l’arrivée sur le marché de nouvelles capacités (considérant 304 de la décision attaquée), et que ces contacts collusoires, ayant conduit à la conclusion d’accords fermes sur les prix et sur la répartition du marché, pouvaient être considérés comme faisant partie du même projet collusoire (considérant 305 de la décision attaquée).

73      En outre, la Commission a considéré que l’échange d’informations sur les volumes de ventes, les prix et les clients, au cours de la période initiale de l’entente, était de nature à permettre aux entreprises en question de tenir compte de ces informations pour déterminer leur propre comportement sur le marché et que, par conséquent, il pouvait être présumé que lesdites entreprises avaient tenu compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur propre comportement sur le marché (considérant 308 de la décision attaquée).

74      Ainsi, la Commission a constaté que, « même s’il n’a[vait] pas atteint dès le début de l’infraction la phase où l’on peut dire d’un accord [proprement dit] qu’il a été conclu, [le comportement en cause] p[ouvait] à tout le moins être caractérisé […] comme tombant sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, [CE …,] l’ensemble des comportements collusoires dans ses différentes formes [présentant] toutes les caractéristiques d’un accord et/ou d’une pratique concertée » (considérant 309 de la décision attaquée).

75      En ce qui concerne la requérante, la Commission a indiqué que celle-ci avait participé à la réunion du 11 ou du 12 mai 1995 à Dresde, au cours de laquelle des données sensibles du point de vue de la concurrence ont été examinées, et a donc retenu la date du 12 mai 1995 comme date de début de sa participation à l’infraction (considérant 352 de la décision attaquée, ainsi que considérants 118 et 119 de cette décision).

76      À l’appui de ses constatations, concernant la période allant du 12 mai 1995 à août 1997, la Commission a notamment mentionné les faits suivants :

–        la réunion bilatérale, qui s’est tenue en juin 1995 entre Atofina et Air Liquide (considérant 120 de la décision attaquée), a été consacrée à des discussions relatives à la surcapacité sur le marché du PH et aux possibilités de coopération entre les producteurs, sur la base d’un tableau présentant des données détaillées par client et par producteur, qui incluait les données de la requérante ;

–        la réunion entre Atofina, Degussa et Chemoxal à Paris, le 23 octobre 1995, à laquelle la requérante n’a pas participé, a porté notamment sur une proposition chiffrée de la limitation des nouvelles capacités, dont celles provenant d’une nouvelle usine de la requérante, ainsi que sur une proposition d’un accord sur les prix (considérants 126 et 127 de la décision attaquée) ;

–        les producteurs ont été répartis en deux groupes, le groupe « A » réunissant les « leaders du marché » et le groupe « B » incluant des entreprises plus petites, dont la requérante, qui voulaient augmenter la capacité globale au détriment des prix (considérants 130 à 131 de la décision attaquée) ;

–        la requérante a participé à la réunion du groupe « B », le 31 octobre 1995 à Milan, ainsi qu’à la réunion préparatoire la veille, ayant porté sur « les bases d’un modèle permettant de répartir la croissance », et les notes prises à cette occasion font référence, notamment, aux informations relatives à la requérante (considérants 128 et 129, 132 et 133 de la décision attaquée) ;

–        la réunion en Italie, le 22 novembre 1995, entre Atochem SA, Solvay, Degussa et la requérante a impliqué l’échange d’informations sur le marché et la définition des niveaux de prix du PH pour l’année suivante, lesquels n’ayant, cependant, pas été respectés (considérant 136 de la décision attaquée) ;

–        la requérante a participé à la réunion du groupe « B » le 12 février 1996 à Paris, faisant suite à celle du 31 octobre 1995 (considérants 137 et 138 de la décision attaquée) ;

–        des contacts en marge de l’assemblée du European Chemical Industry Council (CEFIC), le 27 novembre 1996 à Bruxelles, ont porté sur des propositions chiffrées de répartition du marché et sur les prix, sans toutefois aboutir à un accord précis (considérants 143 à 145 de la décision attaquée) ;

–        des contacts bilatéraux à la fin de l’année 1996 ou au début de l’année 1997, dont ceux entre la requérante et Degussa, ont inclus, selon cette dernière, des discussions sur les « moyens de prévenir une nouvelle chute des prix », étant précisé que la requérante, qui était à l’époque l’un des plus petits producteurs européens de PH, a été la plus difficile à convaincre (considérants 148 à 150 de la décision attaquée) ;

–        les réunions des 28 ou 29 mai 1997, en marge de l’assemblée du CEFIC à Séville, ont rassemblé les groupes « A » et « B » et ont porté sur un modèle articulé de partage du marché du PH, aucun accord final n’ayant toutefois été trouvé et les discussions ayant été reportées au mois d’août 1997 (considérants 156 à 167 de la décision attaquée) ;

–        la réunion multilatérale entre Degussa, Solvay et Kemira, au mois d’août 1997 à Bruxelles, a débouché sur un accord ferme relatif à une augmentation du prix du PH, la requérante ayant été tenue informée de ces résultats, selon Solvay (considérants 171 à 172 de la décision attaquée).

77      À l’exception de la réunion en Italie du 22 novembre 1995 (considérant 136 de la décision attaquée), la requérante ne met en cause ni la matérialité desdits contacts ni le contenu des discussions exposé dans les considérants précités de la décision attaquée.

78      Elle soutient, néanmoins, que ces faits ne permettent pas de conclure à l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée, avant la date de la réunion multilatérale du mois de septembre 1997 à Bruxelles, concernant une augmentation coordonnée du prix du PH (considérants 171 à 174 de la décision attaquée), laquelle est reconnue par la requérante comme le début de sa participation à l’infraction.

79      Premièrement, la requérante fait valoir, en faisant référence aux éléments exposés aux considérants 118 à 170 de la décision attaquée, que, au cours de la période en cause, les participants aux discussions en cause n’ont pas pu conclure un accord sur la répartition des marchés ou sur les prix et ne se sont pas engagés dans des pratiques concertées.

80      À cet égard, elle argue que la Commission s’est fondée sur une interprétation erronée des notions d’accord et de pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et a commis une erreur d’appréciation des faits.

81      Concernant la prétendue erreur de droit, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’une infraction complexe telle que visée en l’espèce, la Commission n’est pas tenue de qualifier chacun des comportements constatés d’accord ou de pratique concertée au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, s’agissant de formes de collusion qui partagent la même nature. Il ne saurait en outre être exigé de la Commission qu’elle qualifie précisément l’infraction d’accord et/ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées par la disposition précitée (voir points 60 et 61 ci-dessus).

82      En l’espèce, la Commission ne saurait donc être critiquée, en droit, pour avoir défini l’ensemble des comportements en cause comme présentant tous les éléments constitutifs « d’un accord et/ou d’une pratique concertée », pour autant qu’ils pouvaient être considérés comme relevant de l’une ou de l’autre de ces formes de collusion visées à l’article 81, paragraphe 1, CE.

83      S’agissant de la prétendue erreur d’appréciation des faits, la requérante soutient, en substance, que, avant le mois d’août 1997, les concurrents, d’une part, ne sont pas parvenus à un accord sur le comportement spécifique sur le marché et, d’autre part, n’ont pas adopté une forme de coordination pouvant être qualifiée de pratique concertée.

84      Elle se réfère, en particulier, aux informations exposées dans la décision attaquée, selon lesquelles, en 1996, les discussions « patinaient depuis un an » et semblaient être « dans l’impasse ». Elle souligne que, encore en mai 1997, « [un] manque de confiance était une raison concomitante de l’absence d’accord sur le maintien d’un statu quo en termes de parts de marché », « les producteurs les plus petits [… ayant] voté contre la détermination de parts de marché » (considérants 140, 142 et 164 de la décision attaquée).

85      Or, bien que les éléments invoqués par la requérante indiquent que les producteurs ayant participé aux réunions entre le mois de mai 1995 et le mois d’août 1997 n’ont pas réussi à conclure un accord « proprement dit » quant à la répartition du marché, ce que la Commission a elle-même constaté au considérant 309 de la décision attaquée, il n’en reste pas moins qu’ils ont mené, au cours d’une période prolongée, des discussions régulières sur le projet d’un tel accord.

86      En effet, il ressort des faits non contestés par la requérante que, à la suite des invitations récurrentes de Degussa et de Solvay, adressées à leur concurrents sur le marché du PH, des rencontres ont eu lieu, au cours du mois de mai 1995, dans le but d’établir des contacts permanents entre les concurrents (considérants 115 à 117 de la décision attaquée).

87      Entre le mois de mai 1995 et le mois d’août 1997, des discussions régulières ont eu lieu, celles-ci ayant eu pour objet notamment une proposition chiffrée de limitation des nouvelles capacités, dont celles de la requérante, ainsi qu’une proposition d’accord sur les prix (considérants 126 et 127 de la décision attaquée), « les bases d’un modèle permettant de répartir la croissance » (considérants 132 et 133 de la décision attaquée), des propositions chiffrées de répartition du marché et un accord sur les prix (considérants 143 à 145 de la décision attaquée), un effort coordonné de réduction des capacités (considérants 154 et 155 de la décision attaquée) ou encore un modèle articulé de partage du marché du PH (considérants 159 à 167 de la décision attaquée).

88      Le contenu des discussions, lequel n’est pas remis en cause par la requérante, met en évidence l’existence d’une volonté commune de restreindre la concurrence.

89      En effet, cette succession de réunions régulières, lors desquelles les entreprises se sont rencontrées pour discuter des projets de limitation des nouvelles capacités, de la répartition des parts de marché et d’un accord sur les prix, n’aurait pas été possible s’il n’y avait pas eu, à l’époque, une volonté commune, parmi les participants à ces réunions, de stabiliser le marché par des mesures restreignant la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec. p. II‑1681, point 46).

90      Les discussions en cause ayant été clairement guidées par une volonté commune des participants de s’accorder sur le principe même d’une restriction de la concurrence, cette considération ne saurait être infirmée par le fait que les éléments spécifiques de la restriction envisagée ont fait l’objet de négociations entre les parties jusqu’au mois d’août 1997 et que les accords conclus à partir du mois d’août 1997, portant sur une hausse coordonnée des prix du PH, aient contenu des modalités différentes de celles discutées lors des réunions antérieures.

91      L’implication de la requérante dans ces contacts collusoires résulte d’ailleurs clairement de sa participation aux réunions indiquées aux points 75 et 76 ci-dessus, dont l’une a eu lieu dans ses locaux à Milan le 31 octobre 1995 (considérant 132 de la décision attaquée), ainsi que des références à ses informations commerciales ou à ses « propositions » relatives aux restrictions envisagées (voir, notamment, considérants 120, 127, 128, 133, 149 et 161 de la décision attaquée).

92      À cet égard, la requérante ne saurait valablement se prévaloir de l’indication, concernant ses contacts bilatéraux avec Degussa à la fin de l’année 1996 ou au début de l’année 1997, selon laquelle, notamment, « [alors qu’elle était] à l’époque l’un des plus petits producteurs européens de [PH], [elle] a[vait] été la plus difficile à convaincre », Degussa ayant tenté de « la dissuader d’inonder le marché avec ses nouveaux produits […] en acceptant de lui octroyer une part de marché relativement élevée », ni de celle, exprimée dans le contexte de la réunion de mai 1997, selon laquelle « [un] manque de confiance était une raison concomitante de l’absence d’accord sur le maintien d’un statu quo en termes de parts de marché » et « les producteurs les plus petits, comme [la requérante], en particulier, ont voté contre la détermination de parts de marché […] se senta[nt] entravés dans la réalisation de leur objectif de développement vers une taille rentable » (considérant 164 de la décision attaquée).

93      En effet, d’une part, le contenu desdites informations tend uniquement à indiquer que la requérante s’est opposée aux modalités particulières des arrangements collusoires conduisant à la limitation de ses capacités, de nature à compromettre ses objectifs de rentabilité, et ne démontre pas qu’elle se soit opposée aux discussions au vu de leur caractère anticoncurrentiel.

94      D’autre part, compte tenu d’un faisceau d’indices concordants démontrant la participation de la requérante aux comportements infractionnels au cours de la période en cause, ainsi que sa participation, non contestée, aux accords conclus à partir du mois de septembre 1997, les indications en cause ne sauraient constituer une explication de nature à établir que sa participation aux réunions concernées, ni, a fortiori, celle à l’ensemble des contacts en cause, était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel.

95      S’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’insuffisance de preuve de sa participation à la réunion en Italie du 22 novembre 1995 (considérant 136 de la décision attaquée), il y a lieu de rappeler que la Commission n’est pas tenue d’apporter la preuve précise et concordante de chaque élément de l’infraction, pour autant que le faisceau d’indices, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir point 65 ci-dessus).

96      Dès lors, l’argument de la requérante tiré du fait que sa participation à cette réunion ait été établi uniquement sur la base des informations d’Arkema et de Solvay indiquant la présence du producteur italien ne suffit pas, en tout état de cause, à remettre en cause le faisceau d’indices sur la base duquel la Commission a constaté sa participation à l’ensemble des contacts en cause au cours de la période visée, laquelle, par ailleurs, n’est pas contestée.

97      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, la Commission a pu constater, à bon droit, que les comportements en cause relevant d’une phase initiale de l’entente, auxquels la requérante a pris part, s’inscrivaient dans le cadre du même projet anticoncurrentiel et, par conséquent, relevaient de l’interdiction visée à l’article 81, paragraphe 1, CE.

98      En effet, d’une part, il y a lieu de rappeler qu’il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même d’une restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations (voir point 56 ci-dessus).

99      En l’espèce, la requérante ne saurait donc valablement soutenir que, pour autant que les entreprises ne sont pas convenues d’adopter des lignes de conduite spécifiques sur le marché, les comportements en cause constituent, tout au plus, une simple intention de restreindre la concurrence, ne relevant pas des formes de collusions visées à l’article 81, paragraphe 1, CE.

100    Dans la mesure où les éléments exposés ci-dessus démontrent que les concurrents disposaient déjà d’un projet commun dont l’objectif était d’aboutir à un accord anticoncurrentiel, ces discussions doivent être considérées comme allant au-delà d’une simple intention ou d’une tentative d’accord.

101    D’autre part, il convient de relever que les contacts échangés lors de la période initiale de l’entente en cause pouvaient, en tout état de cause, être qualifiés de pratique concertée relevant de l’article 81, paragraphe 1, CE.

102    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer un accord anticoncurrentiel suffit à prouver l’existence d’une pratique concertée au sens de l’article 81 CE (voir point 59 ci-dessus).

103    À cet égard, même si la Commission ne parvient pas à démontrer que les entreprises ont conclu un accord au sens strict du terme, il suffit, pour constater une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, que les concurrents aient pris des contacts directs en vue de « stabiliser le marché » (voir, en ce sens, arrêt BPB/Commission, point 59 supra, point 170).

104    En l’espèce, la Commission a établi que la requérante avait participé à un certain nombre de réunions avec ses concurrents et que, au cours de celles-ci, des informations sur les conditions du marché étaient échangées, le niveau des prix était discuté et les participants exposaient la stratégie commerciale qu’ils entendaient adopter sur le marché. Il est, en outre, établi que l’échange d’informations en cause a eu lieu dans le but de préparer un accord sur la répartition du marché ou sur les prix, son objet ayant donc été manifestement anticoncurrentiel.

105    Par conséquent, la Commission a pu constater, à bon droit, que la requérante avait pris part à une pratique concertée ayant eu pour objet de restreindre la concurrence.

106    Cette considération n’est pas remise en cause par l’argument par lequel la requérante soutient que l’existence d’une concertation était inconcevable étant donné le défaut de confiance réciproque entre les concurrents (voir points 84 et 92 ci-dessus).

107    En effet, les différences de position entre les participants, voire le manque de confiance entre eux, ne sont pas, en tant que tels, suffisants à exclure l’existence d’une concertation susceptible d’être qualifiée de pratique concertée. Les arguments de la requérante n’infirment pas les faits établis par la Commission, dont il ressort que, malgré un certain manque de confiance entre eux, les concurrents se sont rencontrés régulièrement dans la période concernée et ont échangé des informations sur les conditions du marché et sur leur stratégie commerciale, dans le but de préparer un accord anticoncurrentiel.

108    En outre, contrairement à ce que la requérante fait valoir, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir établi que les informations échangées étaient, eu égard à leur contenu, susceptibles d’être utilisées à des fins anticoncurrentielles.

109    En effet, l’objet anticoncurrentiel du comportement en cause résulte clairement de la nature des informations échangées lors des réunions qui se sont tenues au cours de la période en cause, celles-ci comprenant des chiffres de vente afférents aux années antérieures et des prévisions pour l’avenir (considérant 120 de la décision attaquée), ainsi que du contenu des propositions discutées, lesquelles ayant porté sur le maintien du statu quo sur le marché, sur la répartition des nouvelles capacités de production et sur la définition des niveaux de prix du PH (voir, par exemple, considérants 115, 127, 133, 136 et 144 de la décision attaquée).

110    Eu égard à ces indications, la requérante ne saurait non plus valablement soutenir que l’échange d’informations en cause s’était limité à constituer la base de départ des discussions relatives au « problème des nouvelles capacités de production ».

111    Par conséquent, la Commission a établi, à suffisance de droit, que l’échange d’informations en cause, ayant servi à « préparer le terrain » aux augmentations de prix et aux pratiques de partage des marchés qui en sont résultées, constituait une forme de collusion visée à l’article 81, paragraphe 1, CE.

112    Il résulte de ces considérations que la Commission a constaté, à bon droit, que les comportements litigieux pouvaient être considérés comme tombant sous le coup de l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE, en ce qu’ils faisaient partie d’un ensemble présentant les éléments constitutifs d’un accord « et/ou » d’une pratique concertée (considérants 308 et 309 de la décision attaquée).

113    S’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait que, au cours de la période en cause, les producteurs s’étaient livrés une concurrence « désespérée », l’offre du PH ayant augmenté et les prix ayant diminué d’une manière considérable au début de l’année 1997, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération des effets concrets d’un accord ou d’une pratique concertée est superflue, dès lors qu’il apparaît que l’infraction a eu pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (arrêts de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 140, et du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 29).

114    En l’espèce, dans la mesure où la Commission a constaté que la requérante avait pris part à un accord anticoncurrentiel et/ou à une pratique concertée ayant eu pour objet de restreindre la concurrence sur le marché du PH, elle n’était pas tenue de prendre en considération les effets concrets des comportements en cause.

115    Par conséquent, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission a pu relever, sans contradiction, que la « question de savoir si l’entente a eu un effet [concret] sur le marché [devait] être dissociée de celle de savoir si les échanges d’informations étaient à même d’influer sur le comportement sur le marché » (considérant 311 de la décision attaquée). En effet, l’examen d’un tel effet concret était superflu, dès lors qu’il avait été établi que l’échange d’informations a eu pour objet la restriction de la concurrence.

116    En tout état de cause, s’agissant plus particulièrement d’une pratique concertée, selon une jurisprudence constante, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 57 supra, points 118 et 121, et Hüls/Commission, point 36 supra, points 161 et 162).

117    À cet égard, à supposer même qu’il soit établi que l’échange d’informations en cause n’ait pas eu d’influence sur les volumes de ventes et les prix de la requérante durant la période concernée, cela ne conduirait pas à remettre en cause la légalité des appréciations de la Commission.

118    En particulier, le fait qu’une pratique concertée n’a pas d’incidence directe sur le niveau des prix n’empêche pas de constater qu’elle a limité la concurrence entre les entreprises concernées, notamment, en éliminant les pressions concurrentielles (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 89 supra, points 139 à 140).

119    Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait méconnu la preuve du fait que le marché était resté concurrentiel au cours de la période concernée ne saurait prospérer.

120    Au vu de tout ce qui précède, le grief relatif à la constatation de la participation de la requérante à l’infraction pour la période allant du 12 mai 1995 à « mai/septembre 1997 » ne saurait être accueilli.

–       Sur la période allant de mai à décembre 2000

121    Concernant la période finale de l’infraction, la Commission a relevé, au considérant 356 de la décision attaquée, que l’article 81, paragraphe 1, CE s’appliquait à une entente qui poursuit ses effets au-delà de sa cessation formelle et que tel était notamment le cas lorsque des entreprises ne renoncent pas à appliquer les prix de référence convenus lors des réunions du cartel.

122    Appliquant ces considérations dans le cas d’espèce, la Commission a indiqué que, selon les déclarations d’Arkema, concordant avec d’autres preuves, lors de la réunion multilatérale ayant eu lieu à Turku, le 18 mai 2000, un consensus général s’était dégagé en faveur d’un maintien des niveaux de prix durant toute l’année 2000 et que, dès lors, il pouvait être estimé que l’effet sur les prix avait perduré au moins pendant le second semestre de l’année 2000 (considérant 357 de la décision attaquée). La date du 31 décembre 2000 a, ainsi, été retenue en tant que date de fin de l’infraction, notamment, à l’égard de la requérante (considérant 360 de la décision attaquée).

123    La requérante soutient, en substance, que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur d’appréciation des faits, en constatant que l’entente s’était poursuivie entre mai et décembre 2000.

124    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 81 CE est également applicable aux accords qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle (arrêt de la Cour du 3 juillet 1985, Binon, 243/83, Rec. p. 2015, point 17, et arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Montedipe/Commission, T‑14/89, Rec. p. II‑1155, point 231).

125    En particulier, la Commission peut légalement constater que l’entente poursuit ses effets au-delà de la cessation formelle des réunions collusoires, pour autant que les hausses de prix prévues au cours de ces réunions s’appliquent à une période postérieure (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 186).

126    En l’espèce, dans la mesure où la Commission a établi que la réunion du 18 mai 2000 avait abouti à un consensus général quant au maintien des niveaux de prix pour le second semestre de l’année 2000, elle a pu, à bon droit, conclure que les effets de l’entente avaient persisté jusqu’au 31 décembre 2000.

127    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante tirés, en premier lieu, de l’insuffisance des preuves avancées par la Commission.

128    Il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas la tenue de la réunion informelle en cause, ni sa participation à cette réunion.

129    À cet égard, c’est à tort qu’elle se prévaut d’une prétendue contradiction entre l’indication d’Arkema quant au consensus sur les prix et ses autres déclarations, selon lesquelles la réunion de Turku avait été « l’occasion pour certains producteurs de montrer que les temps avaient changé » et « pour signaler l’interruption de la coopération et mettre ainsi fin à la régulation contrôlée du marché ». En effet, ces dernières déclarations, relatant l’intention de mettre fin au comportement anticoncurrentiel et signalant ainsi la cessation formelle de l’entente, ne contredisent pas l’existence d’un consensus sur le maintien de ses effets jusqu’à la fin de l’année.

130    En outre, contrairement à ce qu’allègue la requérante, les déclarations d’Arkema concordent avec d’autres éléments du dossier, et notamment avec l’information, confirmée par plusieurs entreprises et non contestée par la requérante, selon laquelle, dans le cadre des réunions ayant eu lieu en marge des assemblées biannuelles du CEFIC, les prix étaient habituellement établis pour les six mois suivants (considérant 357 de la décision attaquée).

131    Il convient de relever, à cet égard, que, face à un faisceau d’indices concordants démontrant l’existence de l’entente, il faut une explication réellement solide pour établir que, pendant une réunion donnée, il s’est produit des choses totalement différentes de celles qui se sont passées au cours des réunions antérieures, alors que toutes ces réunions rassemblaient le même cercle de participants, qu’elles avaient eu lieu dans le cadre de circonstances extérieures homogènes et qu’elles avaient incontestablement le même objectif (conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d’avocat général sous l’arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T‑1/89, Rec. p. II‑867, II‑954).

132    En tout état de cause, l’indication du fait que plusieurs concurrents ont poursuivi la collusion au moins jusqu’à la fin de l’année 2000, malgré sa cessation formelle, a été corroborée par l’existence de certains contacts bilatéraux postérieurs à la réunion du 18 mai 2000 (considérant 357 de la décision attaquée).

133    Il résulte de ces considérations que la Commission a établi, à suffisance de droit, que la réunion du 18 mai 2000 avait abouti à un consensus général sur le maintien des niveaux de prix et, partant, que l’entente avait poursuivi ses effets au cours du second semestre de l’année 2000.

134    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la requérante tirée, en deuxième lieu, du défaut d’analyse des prix effectifs pratiqués sur le marché au cours de la période concernée, ainsi que de la présence dans le dossier d’indications relatives au caractère concurrentiel du marché.

135    En effet, dans la mesure où la Commission a établi que les niveaux de prix ayant fait l’objet d’un consensus général au cours de la réunion en cause devaient s’appliquer au cours du second semestre de l’année 2000, elle a pu constater la poursuite des effets de l’entente durant cette période, sans être tenue d’établir que l’entente avait eu un effet concret sur les prix pratiqués (voir, en ce sens, arrêt Bolloré e.a./Commission, point 125 supra, point 186).

136    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que les arguments avancés par requérante n’ont pas remis en cause la constatation de la Commission selon laquelle l’infraction s’était poursuivie jusqu’au 31 décembre 2000.

137    Par conséquent, le grief concernant la période finale de l’entente et, dès lors, la première branche du premier moyen dans son ensemble ne sauraient être accueillis.

 Sur la prétendue violation des droits de la défense

 Arguments des parties

138    Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, tirée d’une violation de ses droits de la défense, la requérante invoque, d’une part, le prétendu défaut d’instruction des documents fournis par Degussa et le refus d’accès à une partie de ces documents et, d’autre part, l’absence d’accès aux réponses à la communication des griefs données par les autres entreprises concernées.

139    S’agissant des documents de Degussa, la requérante reproche à la Commission d’avoir omis de prendre en considération les éléments contenus dans l’annexe 9 de la réponse de Degussa, du 5 septembre 2003, à la demande de renseignements du 15 juillet 2003, à savoir les rapports mensuels de Degussa relatifs à l’évolution du marché du PH au cours de l’infraction.

140    La Commission aurait dû prendre en compte ces documents, qui comporteraient à la fois des éléments à décharge, en ce qui concerne l’évolution du marché du PH en 1996 et en 1997, et des éléments à charge, en ce qui concerne l’évolution des prix à partir du second semestre de l’année 1997. Elle aurait, en outre, violé son obligation de motivation, en ayant omis d’expliquer pourquoi ces éléments n’ont pas été pris en considération.

141    En outre, la requérante indique n’avoir eu accès qu’à une partie des documents en cause contenant vraisemblablement des éléments à décharge, en violation de ses droits de la défense.

142    S’agissant des réponses fournies par les autres entreprises concernées à la communication des griefs, la requérante indique n’avoir pas sollicité un accès à ces réponses.

143    Cependant, compte tenu, d’une part, du fait que ces réponses auraient pu contenir des éléments à décharge et, d’autre part, du fait que la Commission en aurait largement fait usage dans la décision attaquée, leurs versions non confidentielles auraient dû être communiquées à la requérante. L’absence de cette communication, combinée avec l’usage qui aurait été fait de ces réponses dans la décision attaquée, constituerait un vice de procédure ayant porté atteinte aux droits de la défense de la requérante.

144    La Commission conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

145    Aux termes de l’article 27, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 :

« Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Elles ont le droit d’avoir accès au dossier de la Commission sous réserve de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués […] »

146    Selon une jurisprudence constante, le droit d’accès au dossier, corollaire du principe du respect des droits de la défense, implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, points 125 à 128, et arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T‑30/91, Rec. p. II‑1775, point 81).

147    Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 67 supra, point 68).

148    Concernant les pièces à conviction, l’absence de communication d’un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l’entreprise concernée démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si ce document non communiqué devait être écarté comme moyen de preuve (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 67 supra, points 71 à 73).

149    En revanche, s’agissant de l’absence de communication d’un document à décharge, l’entreprise concernée doit seulement établir que son absence de divulgation a pu influer, au détriment de cette dernière, sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission. Il suffit que l’entreprise établisse qu’elle aurait pu utiliser lesdits documents à décharge pour sa défense (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 318 ; arrêt Hercules Chemicals/Commission, point 55 supra, point 81), en démontrant notamment qu’elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les appréciations effectuées par la Commission au stade de la communication des griefs et aurait donc pu influer, de quelque manière que ce soit, sur les appréciations portées dans la décision (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 67 supra, point 75).

150    Dans le cadre de la seconde branche du présent moyen, la requérante prétend ne pas avoir eu accès, d’une part, aux réponses à la communication des griefs données par les autres entreprises concernées et, d’autre part, à une partie des documents du dossier de la Commission apportés par Degussa, invoquant également le défaut d’instruction de ces documents.

–       Sur l’accès aux documents de Degussa

151    Il ressort du dossier que, lors de la procédure administrative, la requérante a sollicité l’accès aux rapports du service des ventes de Degussa relatifs à la période infractionnelle.

152    La Commission a accordé l’accès complet aux documents relatifs aux années 1996 à 1999, mais a divulgué uniquement des extraits des documents relatifs aux années 2000 et 2001, considérés comme confidentiels, à la demande de Degussa.

153    Dans le cadre de la seconde branche du présent moyen, la requérante conteste, d’une part, le défaut d’instruction des documents divulgués relatifs aux années 1996 à 1999 et, d’autre part, le refus d’accès ainsi que le défaut d’instruction concernant les documents relatifs à l’année 2000.

154    S’agissant, en premier lieu, des documents relatifs aux années 1996 à 1999, la requérante soutient que la Commission a omis d’instruire et de prendre en compte les éléments à charge et à décharge contenus dans ces documents, et n’a pas non plus explicité les motifs de cette omission.

155    Pour autant que cet argument soit tiré d’un défaut de prise en compte par la Commission des prétendus éléments à charge, il doit être rejeté comme inopérant.

156    S’agissant des prétendus éléments à décharge, la requérante soutient que les documents en cause contiennent des indices du caractère concurrentiel du marché au cours de la période initiale de l’entente, comprise entre mai 1995 et « mai/septembre 1997 », notamment des indices de la baisse des prix et de l’augmentation des volumes de production.

157    Il y a lieu de relever que, dans la mesure où la Commission a constaté l’infraction ayant eu pour objet la restriction de la concurrence, elle n’était pas tenue de prendre en considération les effets concrets des comportements en cause (voir point 114 ci-dessus). Les prétendus indices relatifs à l’absence de tels effets sur le marché au cours de la période concernée ne sauraient donc constituer des éléments à décharge, en ce qui concerne la constatation de l’infraction relative à cette période.

158    Dès lors, le grief tiré du défaut d’instruction des prétendus éléments à décharge contenus dans les documents en cause n’est pas fondé.

159    Par ailleurs, dès lors que les documents en cause ne contiennent pas d’éléments à décharge pertinents en ce qui concerne la constatation de l’infraction en cause, il ne saurait non plus être reproché à la Commission de ne pas avoir pris position sur ces documents dans le cadre des motifs de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 64).

160    S’agissant, en deuxième lieu, des documents relatifs à l’année 2000, la requérante invoque un défaut d’instruction ainsi que le refus d’accès à ces documents, en faisant valoir qu’ils pouvaient comporter des éléments à décharge, à savoir des indices du caractère concurrentiel du marché du PH au cours du second semestre de l’année 2000.

161    Il y a lieu de relever que, ainsi qu’il a été constaté au point 135 ci‑dessus, dans la mesure où la Commission a établi, à suffisance de droit, que, lors de la réunion de Turku, il existait un consensus général quant au maintien des niveaux de prix au cours du second semestre de l’année 2000, elle a pu, à bon droit, conclure que les effets de l’entente avaient persisté jusqu’à la fin de cette période, sans être tenue de prendre en considération d’éventuels indices du fait que les objectifs dudit consensus n’avaient pas pu être atteints.

162    Dès lors, les indices portant sur la situation du marché pendant le second semestre de l’année 2000, et notamment sur les niveaux de prix pratiqués par les entreprises concernées, n’étaient pas susceptibles d’influer, d’une manière quelconque, sur l’appréciation de la Commission quant à la poursuite de l’infraction jusqu’à la fin de l’année 2000. Ces indices ne sauraient donc constituer des éléments à décharge quant à la poursuite de l’entente durant cette période.

163    Par conséquent, la requérante n’ayant pas démontré que les documents en cause, relatifs à l’année 2000, étaient susceptibles de contenir des éléments à décharge, ses griefs tirés du défaut de leur instruction et de leur prise en compte ainsi que du refus d’accès à ces documents ne sauraient être accueillis.

164    Il s’ensuit que l’ensemble des griefs concernant les documents de Degussa n’est pas fondé.

–       Sur l’accès aux réponses des autres entreprises concernées à la communication des griefs

165    Il est constant que, lors de la procédure administrative, la requérante n’a pas sollicité l’accès aux réponses à la communication des griefs données par les autres entreprises destinataires de cette communication.

166    La requérante soutient, néanmoins, que la Commission a enfreint ses droits de la défense en s’étant abstenue de divulguer les réponses en cause de sa propre initiative, étant donné que, d’une part, elles contenaient des éléments à charge invoqués dans la décision attaquée et, d’autre part, elles étaient susceptibles de contenir des éléments à décharge.

167    Il y a lieu de rappeler que la communication des griefs est un acte destiné à circonscrire l’objet de la procédure engagée contre une entreprise et à assurer l’exercice efficace des droits de la défense (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Schunk et Schunk Kohlenstoff-Technik/Commission, T‑69/04, Rec. p. II‑2567, point 80, et la jurisprudence citée).

168    C’est dans cette perspective que les destinataires de la communication des griefs bénéficient de garanties procédurales, en application du principe du respect des droits de la défense, parmi lesquelles figure le droit d’accès aux documents relevant du dossier de la Commission.

169    Les réponses à la communication des griefs ne font pas partie du dossier d’instruction proprement dit (arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 380).

170    S’agissant de documents ne faisant pas partie du dossier constitué au moment de la notification de la communication des griefs, la Commission n’est tenue de divulguer lesdites réponses à d’autres parties concernées que s’il s’avère qu’elles contiennent de nouveaux éléments à charge ou à décharge.

171    À cet égard, concernant, d’une part, les nouveaux éléments à charge, il est de jurisprudence constante que, si la Commission entend se fonder sur un élément tiré d’une réponse à une communication des griefs pour établir l’existence d’une infraction, les autres entreprises impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel nouvel élément de preuve (arrêts du Tribunal Cimenteries CBR e.a./Commission, point 169 supra, point 386, et du 27 septembre 2006, Avebe/Commission, T‑314/01, Rec. p. II‑3085, point 50).

172    En l’espèce, à l’appui de son argumentation tirée de la présence d’éléments à décharge dans les réponses en cause, la requérante soutient, dans la requête ainsi que dans sa réponse du 6 novembre 2009 à une question posée par le Tribunal, que la Commission a « largement fait usage des [réponses en cause] pour motiver certaines parties de sa décision », en joignant une liste des considérants concernés dans la décision attaquée.

173    Or, il y a lieu de relever que, faute d’indication concrète, le renvoi général fait par la requérante à une liste des considérants de la décision attaquée contenant des références aux réponses à la communication des griefs ne suffit aucunement pour démontrer que la Commission a utilisé dans la décision attaquée des éléments à charge tirés desdites réponses.

174    Par ailleurs, il résulte de l’examen des considérants de la décision attaquée invoqués par la requérante que la Commission s’est limitée à y indiquer les faits reconnus par certaines entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs ou les faits contestés par celles-ci (considérants 117, 120, 121, 124, 137, 140, 145, 173, 187, 206, 235, 243, 275, 282, 362, 363 et 417 de la décision attaquée), à y répondre aux arguments particuliers invoqués dans ces réponses, dont la réponse de la requérante elle-même (considérants 150, 167, 242, 263, 279, 319 et 332 de la décision attaquée), voire à exploiter certains éléments provenant des réponses à la communication des griefs à l’encontre d’une des entreprises concernées, à savoir FMC Foret (considérants 192 et 236 de la décision attaquée).

175    Dès lors, la requérante n’ayant pas démontré que la Commission s’était fondée sur un élément à charge concret tiré des réponses en cause, elle ne saurait se prévaloir du défaut de communication de ces éléments.

176    Concernant, d’autre part, les nouveaux éléments à décharge, il ressort de la jurisprudence que la Commission n’est pas obligée de les rendre accessibles de sa propre initiative. Dans l’hypothèse où la Commission a rejeté au cours de la procédure administrative une demande d’une partie requérante visant à l’accès à des documents ne figurant pas dans le dossier d’instruction, une violation des droits de la défense ne peut être constatée que s’il est établi que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent dans l’hypothèse où la partie requérante aurait eu accès aux documents en question au cours de cette procédure (arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 169 supra, point 383).

177    En l’espèce, la requérante n’ayant pas sollicité l’accès aux réponses en cause au cours de la procédure administrative, elle ne saurait valablement invoquer un défaut de communication de prétendus éléments à décharge contenus dans ces réponses, que la Commission n’est pas, en règle générale, tenue de divulguer de sa propre initiative (voir, en ce sens, arrêt Cimenteries CBR e.a./Commission, point 169 supra, point 383).

178    Par ailleurs, à supposer que l’argumentation de la requérante doive être comprise comme visant à établir que la Commission aurait dû constater la présence des éléments à décharge dans les réponses en cause et, partant, lui communiquer ces éléments malgré l’absence d’une demande en ce sens, il convient de relever que, en tout état de cause, il appartient à la requérante de fournir un premier indice de l’utilité, pour sa défense, de ces documents.

179    Elle doit notamment indiquer les potentiels éléments à décharge en question ou fournir un indice accréditant leur existence et, partant, leur utilité pour les besoins de l’instance (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 351 à 359).

180    À cet égard, le fait, invoqué par la requérante, que certains considérants de la décision attaquée font référence aux réponses données à la communication des griefs par les autres entreprises concernées n’est pas susceptible d’être considéré comme constituant un indice de l’existence des éléments à décharge dans ces réponses.

181    En outre, pour autant que la requérante fasse valoir que les autres entreprises, dans leurs réponses à la communication des griefs, ont également exposé des arguments tirés de la contestation de la période initiale de l’infraction, il convient d’observer que cette seule indication ne suffit pas non plus pour considérer ces arguments comme des éléments à décharge (voir, en ce sens, arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 179 supra, points 353 et 355).

182    Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 135 ci‑dessus, les éventuelles indications concernant les prix pratiqués sur le marché au cours de la période finale de l’entente, entre mai et décembre 2000, ne sont pas susceptibles de remettre en cause la constatation de la Commission relative à la poursuite de l’entente au cours de cette période et, de ce fait, ne peuvent pas être considérées comme des éléments à décharge.

183    Par conséquent, il y a lieu de constater que la requérante ne saurait invoquer le défaut de communication des éléments à décharge contenus dans les réponses en cause, faute d’une demande explicite en ce sens au cours de la procédure administrative, et que, en tout état de cause, elle n’a pas établi que le fait de ne pas avoir eu accès à ces réponses avait été susceptible de nuire à sa défense.

184    Compte tenu de ces considérations, le présent grief et, dès lors, la seconde branche du premier moyen doivent être rejetés.

 Sur les moyens concernant la détermination du montant de l’amende

 Sur la prétendue absence d’impact concret de l’infraction sur le marché durant certaines périodes

–       Arguments des parties

185    Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la requérante soutient que la Commission était tenue de prendre en compte le fait que l’infraction n’avait eu aucun impact concret sur le marché du PH avant septembre 1997 et après décembre 1999 et que, concernant le PBS, les comportements infractionnels avaient duré uniquement de mai 1998 à décembre 1999.

186    La Commission n’ayant pas pu constater l’existence d’effets réels de l’infraction sur le marché, pour les périodes en cause, représentant une partie majeure de la durée de l’infraction, elle aurait dû prendre en compte cette circonstance dans le cadre de la détermination du montant de base de l’amende.

187    En tout état de cause, elle aurait omis d’expliquer pourquoi il n’était pas possible de mesurer les effets réels sur le marché, alors qu’elle possédait les données relatives aux prix de toutes les entreprises. Elle n’aurait pas non plus répondu aux arguments de la requérante tendant à démontrer l’absence de tels effets lors des périodes concernées.

188    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

189    Dans le cadre de la première branche du présent moyen, la requérante soutient que, lors de la détermination de la gravité de l’infraction, la Commission a omis de prendre en compte, d’une part, le fait que l’infraction n’avait eu aucun effet ou, à tout le mois, que celle-ci avait eu un effet limité sur le marché du PH, avant septembre 1997 et après décembre 1999, et, d’autre part, que les comportements infractionnels sur le marché du PBS avaient duré uniquement de mai 1998 à décembre 1999.

190    En vertu de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération la gravité et la durée de l’infraction.

191    Selon une jurisprudence constante, la gravité d’une infraction est déterminée en tenant compte de nombreux éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, au regard desquels la Commission dispose d’une marge d’appréciation (arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 241, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 43).

192    Selon le point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices, « [l]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné ».

193    En l’espèce, pour qualifier l’infraction de très grave, la Commission a pris en compte la nature de l’infraction commise, qui a consisté en des comportements figurant parmi les infractions les plus graves à l’article 81 CE, le fait qu’elle s’était étendue à la totalité de l’EEE, où les marchés du PH et du PBS combinés représentaient une valeur totale considérable, et le fait que ladite infraction avait dû avoir eu un effet sur le marché, même s’il n’était pas mesurable (considérants 453 à 457 de la décision attaquée).

194    Par la suite, le montant de départ général de l’amende a été individualisé pour chaque participant en fonction notamment de son poids spécifique sur le marché. La requérante, compte tenu de son chiffre d’affaires sur les marchés du PH et du PBS combinés, s’est vu attribuer un montant de départ de 20 millions d’euros (considérants 460 à 462 de la décision attaquée).

195    S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation de la requérante tirée du défaut de prise en compte de l’absence d’impact concret de l’infraction sur le marché, il convient de rappeler que, si l’existence d’un tel impact concret est un élément à prendre en considération pour évaluer la gravité de l’infraction, il s’agit d’un critère parmi d’autres, tels que la nature propre de l’infraction et l’étendue du marché géographique.

196    De même, il ressort du point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices que cet impact est à prendre en considération uniquement lorsqu’il est mesurable.

197    Il convient également de relever que les ententes horizontales de prix ou de répartitions de marchés, telles que l’infraction en cause en l’espèce, peuvent être qualifiées d’infractions très graves sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché. L’impact concret de l’infraction ne constitue qu’un élément parmi d’autres qui, s’il est mesurable, peut permettre à la Commission d’augmenter le montant de départ de l’amende au-delà du montant minimal envisageable de 20 millions d’euros (arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, points 74 et 75).

198    En l’espèce, il ressort du considérant 455 de la décision attaquée que la Commission a considéré qu’il n’était pas possible de mesurer l’effet réel sur le marché de l’EEE de l’ensemble des comportements infractionnels en cause et que, par conséquent, elle ne s’est pas fondée spécifiquement sur un tel effet en particulier, en vertu de la considération selon laquelle l’effet réel doit être pris en compte lorsqu’il est mesurable.

199    Au même considérant, la Commission a affirmé que les arrangements collusoires avaient été mis en œuvre par les producteurs européens et que cette mise en œuvre avait bien eu des effets sur le marché, même si les effets réels étaient « difficile[s] ex hypothesi à mesurer ».

200    En outre, au considérant 457 de la décision attaquée, comportant la conclusion relative à la qualification de l’infraction de très grave, la Commission s’est référée non seulement à la nature de l’infraction, à l’étendue géographique et à la taille du marché, mais également au fait que l’infraction « [devait] avoir eu un effet ».

201    À cet égard, il y a lieu de constater que l’entente en cause, ayant été mise en œuvre sur l’ensemble du territoire de l’EEE et ayant eu pour objet une répartition des parts de marché et des clients, ainsi qu’une fixation d’objectifs de prix, la Commission a pu, à bon droit, la qualifier d’infraction très grave, eu égard à sa nature, sans être tenue de démontrer un impact concret de celle-ci sur le marché.

202    Ainsi, la constatation de la Commission du fait que l’infraction, prise dans son ensemble, « [devait] avoir eu un effet » sur le marché ne peut être considérée que comme un indice subsidiaire pris en compte dans la détermination de sa gravité.

203    Par ailleurs, la requérante ne conteste pas cette constatation en tant que telle, mais se borne à soutenir que la Commission aurait dû reconnaître le fait que l’infraction n’avait pas eu d’impact concret au cours de certaines périodes infractionnelles et le prendre en compte lors de la détermination du montant de départ.

204    Cette argumentation n’est donc pas, en réalité, dirigée contre la qualification de l’infraction de très grave, mais vise à remettre en cause le montant de l’amende infligée par la Commission en fonction de sa gravité.

205    À cet égard, il y a lieu de relever que, bien que l’impact concret de l’infraction, s’il est mesurable, constitue l’un des éléments susceptibles de conduire à une augmentation du montant de départ de l’amende au-delà du montant minimal envisageable, en l’espèce, il ressort clairement du considérant 455 de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’impact en cause n’était pas mesurable et, partant, ne pouvait pas être pris en compte lors de la détermination du montant de l’amende.

206    La Commission ne s’étant pas fondée sur l’impact concret de l’infraction sur le marché pour déterminer le montant de l’amende, la requérante ne saurait utilement se référer à l’arrêt du 5 avril 2006, Degussa/Commission (T‑279/02, Rec. p. II‑897, points 241 à 254), dans lequel le Tribunal a réduit le montant de l’amende déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, après avoir constaté que la Commission avait fixé ce montant en considération de l’impact concret sur le marché, alors que cette circonstance n’avait pas été démontrée pour toute la durée de l’infraction.

207    Par ailleurs, s’agissant d’un élément facultatif dans le cadre de la détermination du montant de l’amende, la requérante ne saurait valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir explicité les motifs de sa constatation quant au caractère non mesurable de l’impact concret de l’infraction.

208    En effet, en établissant le montant de départ de l’amende infligée à la requérante, la Commission a pu à bon droit, sans être tenue de justifier ce choix, écarter le facteur en cause et s’appuyer sur d’autres éléments, tels que la nature de l’infraction, l’étendue géographique et la taille du marché.

209    Par conséquent, la requérante soutient, à tort, que la Commission était tenue de déterminer l’impact concret de l’entente sur le marché et de prendre en compte l’absence d’un tel impact durant certaines périodes infractionnelles, ou qu’elle était tenue d’exposer les raisons spécifiques l’ayant amenée à considérer que ledit impact n’était pas mesurable.

210    S’agissant, en deuxième lieu, de l’argumentation de la requérante tirée de l’absence de prise en compte de la durée plus courte des comportements infractionnels relatifs au PBS, il y a lieu d’observer que, bien que le montant de départ soit déterminé en fonction de la gravité de l’ensemble de l’infraction, dans le cas d’une infraction unique et continue, il peut s’avérer approprié de refléter, à ce stade de la détermination du montant de l’amende, l’intensité variable des comportements infractionnels (voir, en ce sens, arrêt BPB/Commission, point 59 supra, point 364).

211    En l’espèce, au considérant 331 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, « tout en restant convaincue que ce qui [était] en cause c’[était] une infraction unique couvrant simultanément le PH et le PBS », elle tiendrait compte, pour la fixation du montant de l’amende, « du fait que l’entente sur le PBS a[vait] débuté plus tard que celle sur le [PH] et a pris fin avant elle ».

212    Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a pris en considération, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende, le fait que les comportements relatifs au PBS étaient d’une durée plus courte par rapport à l’ensemble de l’infraction.

213    La requérante ne saurait valablement prétendre que la Commission n’a, en réalité, pas procédé d’une telle manière, du seul fait que les considérants 457 à 462 de la décision attaquée contiennent la référence à la taille des marchés du PH et du PBS combinés et n’exposent pas la manière précise selon laquelle la durée des comportements collusoires relatifs à l’un ou à l’autre de ces produits a été reflétée lors de la détermination du montant de départ.

214    En effet, d’une part, dans les motifs de sa décision, la Commission n’est pas tenue de faire figurer des éléments chiffrés ou un exposé plus détaillé concernant le mode de calcul de l’amende (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I‑9693, point 50).

215    D’autre part, en réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la Commission a précisé qu’elle avait bien choisi de prendre en compte la durée différente des comportements relatifs au PBS, non dans le cadre de la majoration du montant de l’amende au titre de la durée, mais bien lors de la détermination du montant de départ, étant précisé qu’il ne s’agissait que d’un des facteurs pris en compte pour fixer le montant de départ à un niveau approprié.

216    À cet égard, en soutenant que la prise en compte de la durée limitée des comportements concernant le PBS aurait dû se traduire par une réduction proportionnelle du montant de départ de l’amende, la requérante méconnaît la jurisprudence selon laquelle la fixation d’un montant de départ approprié ne peut pas être le résultat d’un simple calcul arithmétique, la taille du marché affecté ne constituant d’ailleurs qu’un des éléments qui peut être pris en compte pour déterminer ce montant (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 191 supra, point 243).

217    En outre, pour autant que la requérante soutienne que, faute de prise en compte de la durée plus limitée des comportements relatifs au PBS, la Commission aurait surestimé son poids individuel sur le marché, par rapport à d’autres entreprises ayant une part de marché plus grande concernant le PH que concernant le PBS, cette argumentation tend à remettre en cause non pas l’appréciation de la gravité de l’infraction en tant que telle, mais les considérations relatives au traitement différencié, exposées aux considérants 458 à 462 de la décision attaquée.

218    Cette argumentation se confond d’ailleurs avec celle consistant à soutenir, dans le cadre du cinquième moyen, que, lors de la répartition des entreprises en différentes catégories, la Commission l’a classée dans la même catégorie que des entreprises ayant des parts de marché bien plus élevées, en violation du principe d’égalité de traitement, et a en outre fixé le montant de départ de son amende à un niveau disproportionné.

219    Il y a lieu d’observer que, à cet égard, la requérante ne conteste pas la méthode consistant à répartir les membres d’une entente en catégories aux fins de réaliser un traitement différencié au stade de la fixation des montants de départ des amendes, ce qui entraîne une forfaitisation du montant de départ des amendes fixé pour les entreprises appartenant à une même catégorie.

220    Selon une jurisprudence constante, une telle répartition doit néanmoins respecter le principe d’égalité de traitement selon lequel il est interdit de traiter des situations comparables de manière différente et des situations différentes de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Par ailleurs, le montant des amendes doit être proportionné par rapport aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, SGL Carbon/Commission, T‑68/04, Rec. p. II‑2511, point 68, et la jurisprudence citée).

221    Pour vérifier si une répartition des membres d’une entente en catégories est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de l’exercice du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose en la matière, doit toutefois se limiter à vérifier si cette répartition est cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt SGL Carbon/Commission, point 220 supra, point 69, et la jurisprudence citée).

222    En l’espèce, la Commission a procédé au traitement différencié des entreprises concernées sur la base du chiffre d’affaires de chacune d’entre elles pour chaque produit en cause, en 1999, en le rapportant au chiffre d’affaires total relatif au PH et au PBS. En outre, elle a pris en compte le fait que certaines d’entre elles étaient actives seulement sur le marché de l’un de ces produits (considérant 460 de la décision attaquée).

223    Il résulte, en outre, des chiffres exposés au considérant 460 de la décision attaquée, non contestés par la requérante, que la part de marché de celle-ci, ainsi calculée, est voisine de celles des autres entreprises classées dans la même catégorie, à savoir FMC Foret, EKA Chemicals, Arkema et Kemira.

224    Il convient de relever enfin que, s’agissant de l’infraction unique sur les deux marchés, qualification que la requérante ne conteste pas, la Commission ne saurait être critiquée pour s’être fondée, aux fins du traitement différencié, sur les parts de marché calculées en fonction des chiffres d’affaires combinés relatifs aux deux produits en cause.

225    S’agissant des entreprises commercialisant les deux produits en cause, cette considération a permis à la Commission de mesurer, de manière objective et cohérente, le poids individuel sur le marché de chaque entreprise concernée et, partant, sa capacité économique effective à provoquer un dommage important à la concurrence.

226    Par ailleurs, la requérante n’a pas démontré que l’absence de pondération de ces chiffres d’affaires combinés, en fonction de la durée différente des comportements infractionnels relatifs à l’un ou à l’autre des produits concernés, aurait été de nature à compromettre le caractère objectif des appréciations en cause.

227    En effet, s’agissant, en premier lieu, de la part de marché prise en compte pour déterminer le classement de la requérante, le chiffre résultant d’une telle pondération, selon les calculs avancés par la requérante elle-même, s’écarte de moins d’un point de pourcentage du chiffre retenu au considérant 460 de la décision attaquée et reste comparable, compte tenu de la forfaitisation résultant de la méthode appliquée, aux parts de marché d’autres entreprises commercialisant les deux produits concernés, classées dans la même catégorie, à savoir FMC Corp., FMC Foret, Total, Elf Aquitaine et Arkema.

228    S’agissant, en deuxième lieu, de l’argument de la requérante tiré de l’écart entre son poids sur le marché et celui des entreprises ayant commercialisé uniquement le PH, à savoir EKA Chemicals et Kemira, il y a lieu de relever que, même à supposer que la Commission n’ait pas tiré toutes les conséquences du fait que, à la différence de la situation de la requérante, les chiffres d’affaires de ces dernières entreprises concernaient uniquement le PH, produit par rapport auquel les comportements en cause étaient d’une intensité plus importante, cette considération ne serait toutefois pas susceptible, compte tenu des conditions particulières de l’espèce, d’affecter la légalité de la détermination du montant de départ de l’amende à l’égard de la requérante.

229    Ainsi qu’il résulte des considérants 460 à 462 de la décision attaquée, la requérante a été classée, compte tenu de sa part de marché relativement peu élevée, dans une catégorie inférieure, correspondant au montant de départ de 20 millions d’euros. Un tel classement doit être considéré comme justifié à la lumière des critères retenus par la Commission pour l’appréciation de l’importance de chacune des entreprises sur le marché pertinent, au regard de la qualification d’infraction très grave de l’entente en cause, qualification pour laquelle le point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, des lignes directrices prévoit un montant d’amende envisageable supérieur à 20 millions d’euros.

230    À cet égard, l’argumentation de la requérante peut tout au plus conduire à admettre que le montant de départ imposé à certaines entreprises productrices du seul PH est trop faible, de sorte que ces dernières n’auraient pas pu être classées dans la catégorie inférieure en cause. Cependant, il y a lieu de souligner que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du Tribunal du 18 juin 2008, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 371, et la jurisprudence citée).

231    Par conséquent, l’argument de la requérante tiré de la comparaison avec les entreprises ayant commercialisé uniquement le PH doit être rejeté comme inopérant.

232    Il résulte de ces considérations que l’argumentation de la requérante tirée de l’absence de prise en compte de la durée limitée des comportements relatifs au PBS et, partant, la première branche du deuxième moyen dans son ensemble ne sauraient être accueillies.

 Sur le prétendu rôle passif de la requérante durant la période initiale de l’infraction

–       Arguments des parties

233    Dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, la requérante soutient avoir joué un rôle passif dans l’infraction jusqu’à septembre 1997. La Commission aurait, à tort, omis de prendre en compte cette circonstance atténuante. Il résulterait de la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 181) qu’un rôle passif doit être pris en compte, même s’il concerne seulement une partie de la période infractionnelle.

234    Le rôle passif de la requérante serait démontré par sa participation « tardive et sporadique » aux réunions des concurrents, par son attitude ouvertement opposée à la position des autres producteurs et par son comportement agressif sur le marché.

235    En effet, il découlerait des informations de Degussa que la requérante était considérée comme « la plus difficile à convaincre », qu’elle « ne pouvait pas se permettre de conclure un accord sur l’affectation de la capacité de production » et qu’elle n’a jamais pris l’initiative de la concertation avec les autres producteurs, la requérante ayant été restée passive face aux propositions faites par d’autres. Par conséquent, la participation de la requérante pendant la période initiale ne pourrait être qualifiée d’« active ».

236    La requérante aurait été l’une des dernières entreprises à avoir été impliquée dans les réunions entre concurrents. En outre, elle aurait continué à adopter une stratégie agressive concernant les prix et la production du PH jusqu’à la seconde moitié de l’année 1997 et aurait été la dernière entreprise à « capituler », à la suite de la pression décisive exercée par Degussa. Cela serait confirmé par plusieurs éléments du dossier.

237    Le fait que la réunion de Milan, du 31 octobre 1995, s’est déroulée dans ses locaux ne démontrerait pas son rôle actif dans l’infraction. En effet, cette réunion aurait été en réalité convoquée et coordonnée par Degussa, alors que la requérante se serait bornée à fournir la logistique.

238    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

239    Dans la décision attaquée, la Commission a rejeté les arguments de la requérante tirés de son prétendu rôle passif dans l’infraction en constatant que celle-ci figurait « parmi les participants ordinaires, réguliers et actifs » aux arrangements collusoires (considérant 478 de la décision attaquée).

240    La requérante soutient avoir joué un rôle passif durant la période initiale de l’entente et, notamment, avoir refusé de prendre part aux comportements relatifs à la limitation des capacités.

241    Il convient de rappeler que le « rôle exclusivement passif ou suiviste » d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction constitue, s’il est établi, une circonstance atténuante, conformément au point 3, premier tiret, des lignes directrices, étant précisé que ce rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (voir arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone‑Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 163, et la jurisprudence citée).

242    Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent notamment être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que son entrée tardive sur le marché concerné par l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 241 supra, , point 164, et la jurisprudence citée).

243    En revanche, ainsi qu’il résulte d’une simple lecture littérale du point 3, premier tiret, des lignes directrices, il ne suffit pas que l’entreprise concernée ait adopté un « profil bas » pendant certaines périodes de l’entente ou à l’égard de certains accords de l’entente (arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 241 supra, point 179 ; voir également, en ce sens, arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 179 supra, point 254).

244    En l’espèce, la requérante ne saurait donc se prévaloir, en tant que circonstance atténuante, du profil bas prétendument adopté au cours d’une partie seulement de la période infractionnelle, ni de son prétendu refus de prendre part à certains arrangements collusoires, à savoir ceux relatifs à la limitation des capacités.

245    Ces considérations ne sauraient être remises en cause par celles exposées dans l’arrêt Cheil Jedang/Commission, point 233 supra (point 181), dans lequel le Tribunal a pris en considération le mode particulier de fonctionnement de l’entente, à savoir l’existence de réunions collusoires distinctes sur les volumes de ventes et sur la fixation des prix, ainsi que la faible dimension de l’entreprise concernée, en reconnaissant son rôle passif dans l’entente sur les volumes de vente.

246    De telles circonstances n’étant pas réunies en l’espèce, la référence faite par la requérante audit arrêt est en effet dépourvue de pertinence (voir, en ce sens, arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 241 supra, point 182).

247    À titre surabondant, il convient de relever que les arguments avancés par la requérante ne sont, en tout état de cause, pas suffisants pour démontrer qu’elle a joué un rôle passif dans l’infraction concernée.

248    En effet, concernant l’argument tiré de la participation prétendument « tardive et sporadique » aux réunions de l’entente, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il ressort du point 76 ci-dessus, au cours de la période initiale de l’entente, la requérante a participé à un nombre significatif de réunions ayant eu un objet anticoncurrentiel et ayant abouti à des accords fermes sur une hausse coordonnée des prix et sur la répartition des marchés.

249    S’agissant de l’ensemble de la période infractionnelle, il ressort de faits non contestés par la requérante que celle-ci a pris part à 29 réunions multilatérales et bilatérales (considérant 483 de la décision attaquée) et que l’une de ces réunions, tenue en octobre 1995 à Milan, dont l’objet illicite est clairement établi, celle-ci ayant fourni notamment « l’occasion de jeter les bases d’un modèle permettant de répartir la croissance » (considérants 130 à 133 de la décision attaquée), s’est déroulée dans ses locaux.

250    Par ailleurs, le fait que la requérante n’a pas pris part à l’infraction depuis le début a été pris en compte par la Commission, au considérant 467 de la décision attaquée, pour déterminer la durée de sa participation à l’infraction.

251    La requérante ne saurait non plus se prévaloir utilement du fait qu’elle aurait été « la plus difficile à convaincre » pour adopter les restrictions envisagées, qu’elle aurait appartenu au groupe des « méchants » et qu’elle devait être « disciplinée » par des grands producteurs (considérants 130 et 149 de la décision attaquée), ni de son prétendu comportement concurrentiel sur le marché en 1996 et au début de l’année 1997, avant sa « capitulation » à la suite de la pression exercée par Degussa au milieu de l’année 1997.

252    Même à supposer que ces indications, invoquées par la requérante, puissent servir d’indices du fait que les termes du comportement collusoire lui ont été imposés, il y a lieu de relever que, en tout état de cause, elle a accepté de participer aux activités en question, au lieu de dénoncer aux autorités compétentes les éventuelles pressions dont elle avait fait l’objet et d’introduire une plainte auprès de la Commission (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 20 mars 2002, KE KELIT/Commission, T‑17/99, Rec. p. II‑1647, point 50, et du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, Rec. p. II‑5057, point 63).

253    Le prétendu rôle mineur de la requérante au sein de l’entente est d’ailleurs contredit tant par sa part de marché non négligeable que par le fait que Degussa a dû faire des efforts pour la convaincre, en proposant de lui accorder des conditions plus favorables qu’aux autres parties de l’entente (considérant 149 de la décision attaquée).

254    Eu égard à ces considérations, l’argumentation de la requérante tirée d’un défaut de prise en compte par la Commission de la circonstance atténuante relative à son prétendu rôle passif n’est pas fondée.

255    Il en résulte que la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée, ainsi que le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur la prétendue absence de participation de la requérante à un accord sur la limitation des capacités

–       Arguments des parties

256    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante soutient que la Commission a omis de prendre en compte le fait qu’elle n’avait pas pris part à un accord sur la limitation des capacités. Cela aurait cependant été implicitement admis au considérant 154 et à la note en bas de page n° 242 de la décision attaquée, la Commission n’y ayant pas mentionné la requérante parmi les entreprises ayant participé à l’accord en cause.

257    Cela serait d’ailleurs confirmé par les éléments soumis par la requérante dans sa réponse à la communication des griefs, selon lesquels le taux d’utilisation global de sa capacité de production aurait toujours été supérieur à la moyenne européenne. En effet, il ressortirait du dossier que la requérante a augmenté sa part de marché durant la période concernée.

258    La requérante n’aurait pas adhéré à tous les accords litigieux et mériterait donc d’être sanctionnée moins sévèrement. La participation de la requérante à l’infraction serait moins grave que celle des autres entreprises placées dans la même catégorie, du fait de son moindre impact réel sur la concurrence. Ayant omis de prendre en compte cet élément, la Commission aurait violé les principes d’égalité de traitement, d’équité et de proportionnalité, commis une erreur manifeste dans l’application du point 1 A des lignes directrices et méconnu son obligation de motivation.

259    À titre subsidiaire, la requérante soutient que la Commission aurait dû prendre en compte l’élément en cause en tant que circonstance atténuante tirée de son prétendu rôle passif ou de l’absence d’application de l’accord.

260    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

261    La requérante reproche à la Commission d’avoir omis de prendre en compte l’absence de sa participation à l’un des éléments de l’infraction, à savoir un accord sur la limitation des capacités.

262    Ainsi qu’il résulte de la requête, la requérante ne critique pas l’imputation des comportements en cause et ne conteste notamment pas avoir eu connaissance de ces éléments de l’entente. Elle allègue plutôt que, en déterminant le montant de l’amende qui lui a été infligée, la Commission a complètement ignoré le fait qu’elle n’avait jamais adhéré à l’entente sur la réduction ou la limitation des capacités de production.

263    Selon la requérante, cette circonstance aurait dû conduire la Commission à admettre la moindre gravité de sa participation à l’infraction par rapport à celle imputable aux autres parties de l’entente et aurait dû être prise en compte dans le cadre du traitement différencié ou au titre des circonstances atténuantes.

264    S’agissant de l’omission alléguée de tenir compte de l’élément en cause dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, il convient de rappeler que ladite appréciation s’effectue au regard de l’ensemble de l’infraction à laquelle toutes les entreprises ont participé.

265    Dès lors, l’argumentation de la requérante tirée, en substance, du défaut de prise en compte de l’étendue de sa participation à l’infraction n’est susceptible d’être examinée que dans le cadre de l’analyse des griefs relatifs à l’appréciation des circonstances atténuantes (voir, en ce sens, arrêt Carbone‑Lorraine/Commission, point 241 supra, points 102 et 104).

266    Cette conclusion n’est d’ailleurs aucunement infirmée par l’arrêt du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission (T‑61/99, Rec. p. II‑5349, point 191), invoqué par la requérante, dans lequel le Tribunal a constaté que, dans le cadre d’une décision portant sur deux ententes distinctes, la Commission ne saurait sanctionner avec la même sévérité les entreprises ayant pris part à deux infractions et celles n’ayant participé qu’à l’une d’entre elles. En effet, à la différence de l’affaire ayant donné lieu audit arrêt, la limitation des capacités faisant partie de l’infraction complexe concernée en l’espèce, laquelle est imputable dans son ensemble à la requérante, n’est pas susceptible d’être considérée comme étant constitutive d’une entente distincte.

267    Par ailleurs, il convient de relever que la requérante n’est pas non plus fondée à soutenir que la Commission aurait commis une violation de son obligation de motivation, en ayant omis d’expliciter les motifs l’ayant conduite à ne pas prendre en compte la circonstance en cause (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 159 supra, point 64). En effet, ainsi qu’il résulte des points 264 et 265 ci-dessus, le fait que la requérante n’a pas pris part activement à certains arrangements collusoires ne constituait pas un motif pertinent au regard de l’appréciation de la gravité de l’infraction.

268    Quant à l’argument de la requérante tiré de l’absence de prise en compte de l’élément en cause au titre des circonstances atténuantes, d’une part, il y a lieu de relever que le fait d’avoir adopté un profil bas à l’égard de certains comportements infractionnels seulement ne suffit pas pour justifier la reconnaissance de la circonstance atténuante tirée du rôle passif joué dans l’infraction (voir point 243 ci-dessus).

269    D’autre part, s’agissant de la circonstance atténuante tirée de l’absence d’application effective des accords, il importe de vérifier si les circonstances avancées par la requérante sont de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’était effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elle avait clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement même (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, point 113).

270    La requérante soutient, en substance, qu’elle s’est toujours refusée à réduire ses capacités, pendant toute la durée de l’entente, en manifestant constamment son désaccord exprès sur des mesures proposées en ce sens, ce qui serait d’ailleurs confirmé par le taux d’utilisation de capacités très élevé qu’elle aurait maintenu durant l’infraction.

271    Il y a lieu de relever, à cet égard, que les arrangements relatifs à la réduction des capacités ne constituent que l’un des éléments de l’infraction complexe concernée en l’espèce, laquelle a inclus d’autres comportements, d’une gravité considérable au regard de la restriction de la concurrence sur les marchés en cause, à savoir les accords portant sur les hausses des prix et la répartition des marchés.

272    Dans ces conditions, l’absence d’application par la requérante des arrangements relatifs à la limitation des capacités, à la supposer établie, ne suffirait pas, en tout état de cause, pour démontrer qu’elle avait clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l’entente en cause, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement même. En effet, la circonstance que la requérante ait pu bénéficier de mesures collusoires ayant porté sur les prix et sur la répartition de marché, sans avoir réduit ses capacités, serait tout au plus indicative du fait qu’elle a pu tirer un profit maximal de sa participation à l’entente.

273    Eu égard à ces considérations, la requérante ne saurait valablement invoquer son refus d’appliquer les arrangements relatifs à la limitation des capacités en tant que circonstance atténuante.

274    Par conséquent, le troisième moyen ne saurait être accueilli.

 Sur le prétendu défaut de prise en compte de la coopération de la requérante en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération

–       Arguments des parties

275    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission était tenue de prendre en compte, en tant que circonstance atténuante, sa coopération effective, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération, conformément au point 3, sixième tiret, des lignes directrices.

276    Contrairement à l’approche retenue par la Commission, l’application de cette circonstance atténuante serait indépendante de l’appréciation d’une demande fondée sur la communication sur la coopération et ne se serait pas limitée à des situations exclues du champ d’application de ladite communication (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 306). La collaboration effective, en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération, ne devrait d’ailleurs pas être appréciée à l’égard des critères plus stricts prévus par ladite communication.

277    En outre, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission (T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 586), il n’y aurait pas eu, en l’espèce, de risque que la coopération soit prise en compte deux fois, la requérante n’ayant pas bénéficié de réduction en application de la communication sur la coopération.

278    Dès l’introduction de sa demande de clémence le 7 juillet 2003, la requérante aurait coopéré avec la Commission d’une manière importante. D’un point de vue quantitatif, elle aurait apporté régulièrement des documents et des renseignements qui auraient été largement utilisés dans la décision attaquée. D’un point de vue qualitatif, elle aurait fourni spontanément et de manière continue des informations détaillées, allant au-delà des demandes de la Commission, notamment, au sujet de la réunion de Séville en 1997. À la différence d’autres entreprises, elle aurait admis l’infraction et aurait toujours reconnu l’exactitude matérielle de l’exposé des faits réalisé par la Commission.

279    Par ailleurs, la Commission aurait violé le principe d’égalité de traitement en considérant que la collaboration de la requérante, qui aurait expressément admis la matérialité des faits et aurait ainsi facilité la tâche de la Commission, était comparable à celle de FMC Foret, qui a contesté sa participation à l’infraction.

280    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

281    Il ressort des considérants 525 et 526 de la décision attaquée que la Commission a rejeté la demande de la requérante formée au titre de la communication sur la coopération, au motif qu’elle ne contenait pas de preuve représentant une valeur ajoutée significative par rapport aux preuves déjà en sa possession.

282    La requérante ne conteste pas cette appréciation, mais soutient que la Commission était tenue de prendre en compte sa collaboration effective en tant que circonstance atténuante.

283    Or, il y a lieu de rappeler que, bien que le point 3 des lignes directrices prévoie la possibilité de prendre en compte, en tant que circonstance atténuante, la « collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application de la communication [sur la coopération] », s’agissant des infractions qui relèvent bien du champ d’application de la communication sur la coopération, l’intéressé ne peut, en principe, valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir pris en compte le degré de sa coopération en tant que circonstance atténuante, en dehors du cadre juridique de la communication sur la coopération (voir, en ce sens, arrêt BASF/Commission, point 277 supra, point 586).

284    Par ailleurs, en l’espèce, la requérante n’avance pas l’existence de circonstances exceptionnelles susceptibles de démontrer que la Commission ait été tenue de lui accorder le bénéfice de la circonstance atténuante, eu égard à sa collaboration effective, et ce malgré le rejet de sa demande d’application de réduction en vertu de la communication sur la coopération.

285    En effet, une réduction du montant de l’amende au titre de la circonstance atténuante en cause n’est justifiée que si le comportement de l’entreprise concernée a permis à la Commission de constater l’existence d’une infraction avec moins de difficulté (voir arrêt Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, point 276 supra, point 300, et la jurisprudence citée).

286    Or, en l’espèce, d’une part, la faible valeur de sa coopération se déduit du fait que la demande de la requérante en application de la communication sur la coopération a été rejetée, motif pris de l’absence d’une valeur ajoutée significative de sa coopération par rapport aux éléments de preuve qui étaient déjà en possession de la Commission.

287    D’autre part, bien que la requérante souligne que les informations qu’elle avait soumises à la Commission sont citées dans la décision attaquée, elle ne remet néanmoins pas en cause l’affirmation de la Commission selon laquelle il s’agit de faits infractionnels concernant la période allant de 1997 à 1999, pour lesquels la Commission disposait déjà de nombreux éléments de preuve et qui n’ont pas été contestés par la plupart des entreprises concernées.

288    Il en résulte que le quatrième moyen n’est pas fondé.

 Sur la légalité de l’amende au regard de certains principes généraux de droit ainsi que de la situation particulière de la requérante

–       Arguments des parties

289    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a enfreint le principe de proportionnalité, en omettant de prendre en compte sa taille réduite ainsi que le « changement radical » de sa structure de contrôle et de ses activités après l’infraction.

290    À l’époque de l’infraction, la requérante aurait été contrôlée par Edison, qui aurait exercé une influence décisive sur sa politique commerciale. Or, depuis 2002, elle n’appartiendrait plus au groupe Edison, elle aurait cédé tous les sites de production de PH et de PBS et elle constituerait donc une entreprise totalement différente de celle ayant participé à l’infraction, tant en termes de direction et de contrôle qu’en termes d’activités.

291    La Commission aurait dû prendre en considération cette circonstance, conformément au point 5, sous b), des lignes directrices, pour adapter le montant de l’amende, au regard des caractéristiques propres de la requérante et de sa capacité contributive réelle.

292    La Commission, ayant traité la requérante comme si elle était toujours une filiale d’Edison et comme si elle était toujours active sur les marchés concernés, aurait également violé le principe de responsabilité personnelle. La sanction en cause aboutirait à pénaliser une personne distincte de celle ayant participé à l’infraction.

293    En outre, la Commission aurait omis de pondérer le montant de l’amende au regard de la capacité économique effective de la requérante et de l’objectif de dissuasion, en violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. En violation des mêmes principes, la Commission aurait omis de prendre en compte la petite taille de la requérante, en lui infligeant l’amende maximale, correspondant à 10 % de son chiffre d’affaires.

294    En effet, la « fixation mécanique » du montant de départ à 20 millions d’euros se répercuterait de manière disproportionnée et « discriminatoire » sur les petites entreprises, comme la requérante, qui se verrait toujours infliger une amende à hauteur de 10 % du chiffre d’affaires, quel qu’ait été l’impact réel de l’infraction. L’amende infligée à la requérante serait, en proportion de son chiffre d’affaires, beaucoup plus sévère que celles imposées aux entreprises de plus grande taille et dont la participation à l’infraction aurait été plus longue. L’amende infligée à la requérante serait d’ailleurs d’une sévérité disproportionnée au regard de la pratique antérieure de la Commission.

295    Par ailleurs, la Commission aurait violé son obligation de motivation de la décision attaquée, en omettant d’expliciter les critères appliqués pour placer la requérante dans la troisième catégorie et pour fixer le montant de départ de son amende.

296    La Commission conteste les arguments de la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

297    S’agissant, tout d’abord, de la prétendue insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du montant de départ de l’amende infligée à la requérante, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les exigences de cette formalité substantielle sont satisfaites lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 149 supra, point 463, et la jurisprudence citée).

298    En l’espèce, la Commission a satisfait à ces exigences, ayant indiqué, aux considérants 453 à 462 de la décision attaquée, les éléments ayant permis de mesurer la gravité de l’infraction concernée, à savoir ceux liés à sa nature, à l’étendue et à la taille des marchés concernés, et ayant expliqué leur application au cas d’espèce.

299    En outre, pour ce qui est de la motivation du montant de départ en termes absolus, il y a lieu de rappeler que les amendes constituent un instrument de la politique de concurrence de la Commission, qui doit pouvoir disposer d’une marge d’appréciation dans la fixation de leur montant afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de la concurrence. Dès lors, il ne saurait être exigé que la Commission fournisse à cet égard des éléments de motivation autres que ceux relatifs à la gravité et à la durée de l’infraction (arrêt du 8 octobre 2008, SGL Carbon/Commission, point 220 supra, point 32).

300    Le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation n’est donc pas fondé.

301    S’agissant, ensuite, du bien-fondé de la décision attaquée, la requérante fait valoir que, depuis la fin de sa participation à l’infraction, elle a cessé toute activité relative au PH et au PBS et ne fait plus partie de l’entité unique formée avec Edison, avec laquelle elle s’est vu condamner solidairement au paiement d’une amende. Selon la requérante, à la date d’adoption de la décision attaquée, elle était une entreprise complètement différente de celle qui avait participé à l’infraction, compte tenu de son acquisition par le groupe Solvay le 7 mai 2002, ainsi que de la cession de toutes ses activités relatives aux marchés concernés.

302    Selon la requérante, d’une part, la Commission a omis de prendre en compte ces circonstances, conformément au point 5, sous b), des lignes directrices, pour adapter le montant de l’amende au vu de sa capacité contributive réelle « dans un contexte social particulier » et, d’autre part, elle a omis d’admettre l’absence de caractère dissuasif de la sanction, en violation des principes de responsabilité personnelle et de proportionnalité.

303    Il convient de rappeler, tout d’abord, que, ainsi qu’il ressort du point 5, sous b), des lignes directrices, la capacité contributive réelle ne saurait jouer que dans un « contexte social particulier », constitué par les conséquences que le paiement de l’amende pourrait avoir, notamment sur le plan d’une augmentation du chômage ou d’une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 106).

304    Or, étant donné que la requérante n’invoque pas de telles conséquences, son argument tiré de ladite disposition est dénué de fondement.

305    Ensuite, concernant le caractère dissuasif de l’amende, il convient de rappeler que, l’objectif de dissuasion ayant trait à la conduite des entreprises au sein de la Communauté européenne ou de l’EEE, ce facteur est évalué en prenant en compte une multitude d’éléments, et non la seule situation particulière de l’entreprise concernée (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, Rec. p. I‑5859, point 23).

306    En outre, à la différence de la situation d’une entreprise ayant cessé toute activité économique, dans laquelle une sanction risque d’être dépourvue d’effet dissuasif (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, Rec. p. I‑10893, point 40), le seul fait que la requérante ait cessé ses activités sur les marchés concernés ne met aucunement en cause le caractère dissuasif de la sanction.

307    S’agissant de la prétendue violation du principe de responsabilité personnelle, il y a lieu d’observer que, par l’argumentation tirée du fait qu’elle constitue une entreprise différente de celle ayant participé à l’infraction, la requérante ne conteste pas le niveau de son amende, mais, en réalité, tend à remettre en cause l’imputation de l’infraction, en invoquant le fait qu’elle ne fait plus partie de la même entreprise qu’Edison, sa société mère à l’époque de l’infraction, et que, en outre, elle avait cédé les actifs ayant concouru à l’infraction.

308    Il convient de relever, à cet égard, qu’une infraction au droit des ententes doit en principe être imputée à la personne physique ou à la personne morale responsable de l’entreprise ayant commis l’infraction.

309    Au regard de ces considérations, la requérante doit être considérée comme étant personnellement responsable de l’infraction commise par l’entreprise unique qu’elle a constituée avec Edison. Le fait qu’elle ne fait plus partie de cette entreprise unique ne la dégage pas de sa responsabilité.

310    En outre, il convient de rappeler que, tant que la personne morale qui dirigeait l’entreprise au moment de l’infraction existe, la responsabilité du comportement infractionnel de l’entreprise suit cette personne morale, même si les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l’infraction ont été repris après la période d’infraction par une tierce personne (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec. p. II‑1373, point 63).

311    Ainsi, en l’espèce, afin de retenir la responsabilité de la requérante, la Commission s’est, à bon droit, fondée sur le fait que, à l’époque de l’infraction, la requérante existait en tant qu’entité juridique distincte d’Edison et qu’elle a maintenu cette personnalité juridique depuis, malgré les changements intervenus dans sa structure de contrôle (considérant 415 de la décision attaquée).

312    Il en résulte que la Commission n’a pas violé le principe de responsabilité personnelle en retenant la responsabilité de la requérante pour l’infraction en cause.

313    Enfin, dans la mesure où la requérante invoque une violation du principe de proportionnalité, en faisant référence aux dimensions réduites de son entreprise et en soutenant que la fixation des montants de départ sur la base des parts de marché pénalise les petites entreprises, il y a lieu de rappeler que la prise en compte du chiffre d’affaires relatif au marché affecté, pour différencier les montants de départ à l’égard des participants à l’entente, est inhérente à l’application de la méthode choisie dans les lignes directrices afin d’atteindre l’objectif de dissuasion, méthode qui a été considérée comme légale à maintes reprises par les juridictions de l’Union (voir arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 179 supra, point 238, et la jurisprudence citée). Elle est d’ailleurs conforme aux objectifs de la sanction, en ce qu’elle permet de prendre en compte le poids relatif du comportement de chacune des entreprises concernées.

314    La détermination du montant de départ de l’amende sur la base du chiffre d’affaires réalisé sur les marchés concernés ne saurait d’ailleurs être remise en cause par le fait que, en termes de taille globale, d’autres entreprises concernées étaient plus importantes que la requérante (voir, en ce sens, arrêt Jungbunzlauer/Commission, point 179 supra, point 231). Cette considération n’est aucunement contredite par le fait que l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 prévoit la limite maximale de l’amende, de 10 %, au regard du chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent (arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 89 supra, points 202 à 204).

315    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante invoque le caractère disproportionné du montant de son amende au regard de la pratique antérieure de la Commission, il suffit de rappeler que le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever, à tout moment, ce niveau pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence et pour renforcer l’effet dissuasif des amendes (voir arrêt du 8 octobre 2008, SGL Carbon/Commission, point 220 supra, point 49, et la jurisprudence citée).

316    Il en résulte que les arguments de la requérante tirés du caractère disproportionné ou « discriminatoire » de la sanction, au regard de sa taille réduite ainsi que de la pratique antérieure de la Commission, ne sauraient être accueillis.

317    Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

318    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Solvay Solexis SpA est condamnée aux dépens.

Vadapalas

Dittrich

Truchot

Signatures

Table des matières

Faits à l’origine du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la durée de la participation de la requérante à l’infraction

Arguments des parties

– Sur la période allant du 12 mai 1995 à « mai/septembre 1997 »

– Sur la période allant de mai à décembre 2000

Appréciation du Tribunal

– Sur la période allant du 12 mai 1995 à « mai/septembre 1997 »

– Sur la période allant de mai à décembre 2000

Sur la prétendue violation des droits de la défense

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur l’accès aux documents de Degussa

– Sur l’accès aux réponses des autres entreprises concernées à la communication des griefs

Sur les moyens concernant la détermination du montant de l’amende

Sur la prétendue absence d’impact concret de l’infraction sur le marché durant certaines périodes

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le prétendu rôle passif de la requérante durant la période initiale de l’infraction

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la prétendue absence de participation de la requérante à un accord sur la limitation des capacités

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le prétendu défaut de prise en compte de la coopération de la requérante en dehors du champ d’application de la communication sur la coopération

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la légalité de l’amende au regard de certains principes généraux de droit, ainsi que de la situation particulière de la requérante

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.