Language of document : ECLI:EU:T:2014:178

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

3 avril 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale SÔ :UNIC – Marques communautaires et nationale verbales antérieures SO… ?, SO… ? ONE, SO… ? CHIC et marques verbales non enregistrées – Motifs relatifs de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Risque de confusion – Famille de marques – Article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 – Règle 15, paragraphe 2, sous b), iii), du règlement (CE) n° 2868/95 – Recevabilité de l’opposition »

Dans l’affaire T‑356/12,

Debonair Trading Internacional Ldª, établie à Funchal (Portugal), représentée par M. T. Alkin, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Ibercosmetica, SA de CV, établie à Mexico (Mexique),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 4 juin 2012 (affaire R 1033/2011‑4), relative à une procédure d’opposition entre Debonair Trading Internacional Ldª et Ibercosmetica, SA de CV,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis (rapporteur), président, O. Czúcz et A. Popescu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 27 novembre 2012,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 6 mars 2013,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 3 avril 2009, Ibercosmetica, SA de CV, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SÔ :UNIC.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 21/2009, du 8 juin 2009.

5        Le 4 septembre 2009, la requérante, Debonair Trading Internacional Ldª, a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, d’une part, sur 24 marques antérieures enregistrées, communautaires ou nationales, toutes contenant l’élément verbale « so… ? », dont notamment :

–        la marque communautaire verbale SO… ?, enregistrée sous le numéro 485078 le 26 février 2001, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Produits de toilette ; produits pour le bain et la douche, tous non médicinaux ; parfums ; fragrances ; après-rasage, crèmes, gels et lotions ; cosmétiques ; eau de Cologne ; eaux de toilette ; produits coiffants ; produits de toilette contre la transpiration ; déodorants à usage personnel » ;

–        la marque du Royaume-Uni verbale SO… ? ONE, enregistrée sous le numéro 2286577 le 15 avril 2005, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; préparations non médicamenteuses pour la toilette ; produits pour le soin de la peau, du corps et du cuir chevelu ; déodorants ; poudres de talc ; préparations pour le bain ; tous étant inclus dans la classe 3, mais ne comprenant aucun des produits susmentionnés pour la vente ou l’utilisation sur le marché professionnel de la coiffure, dans les salons de coiffure ou les salons de beauté » ;

–        la marque communautaire verbale SO… ? CHIC, enregistrée sous le numéro 4630406 le 9 janvier 2008, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Articles de toilette ; parfumerie ; cosmétiques ; désodorisants ; sachets parfumés ; lotions pour le corps ; gel de douche ; lotions brillantes ; à l’exception des cosmétiques de rasage ».

7        D’autre part, l’opposition était fondée sur plusieurs autres signes antérieurs, définis par la requérante dans l’acte d’opposition comme étant des marques verbales non enregistrées, protégées dans l’Union européenne, désignant les produits « parfumerie ; cosmétiques ; déodorants » et contenant l’élément verbal « so », le plus souvent dans le contexte de l’expression « so… ? » (ci-après les « autres signes antérieurs en cause »).

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient, notamment, ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009.

9        Par décision du 24 mars 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition. À cette fin, elle a notamment constaté, en premier lieu, l’absence de risque de confusion entre les marques mentionnées au point 6 ci-dessus et la marque demandée, d’autant plus que cette dernière ne pouvait pas être considérée comme relevant de la même famille de marques que celle éventuellement formée par les marques antérieures et, en second lieu, que les autres signes antérieurs en cause ne permettaient pas d’accueillir l’opposition en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, soit parce que l’usage de certains de ces signes n’avait pas été prouvé, soit en raison des différences existant entre la marque demandée et les autres signes antérieurs en cause, soit encore au motif que la législation applicable dans certains États membres ne conférait aucune protection à ces signes.

10      Le 13 mai 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 4 juin 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré, premièrement, que l’opposition, en ce qu’elle était fondée sur les autres signes antérieurs en cause, ne respectait pas les conditions de recevabilité prévues à la règle 15, paragraphe 2, sous b), iii), du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), dans la mesure où la requérante avait indiqué qu’il s’agissait de marques non enregistrées utilisées dans la vie des affaires dans l’Union, alors qu’une telle catégorie de droits de propriété intellectuelle n’existait pas et, deuxièmement, qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en conflit. À cette dernière fin, elle a, en substance, relevé, notamment, que :

–        les produits visés par la marque demandée et ceux visés par les deux premières marques antérieures mentionnées au point 6 ci-dessus étaient soit identiques, soit similaires ou faiblement similaires ;

–        le public pertinent était le grand public, au Royaume-Uni ou dans l’ensemble de l’Union, selon qu’il s’agissait de l’une ou de l’autre desdites marques antérieures ;

–        la marque demandée et lesdites marques antérieures étaient faiblement similaires des points de vue visuel et phonétique et différentes du point de vue conceptuel ;

–        la marque demandée, ne contenant pas exactement la même partie initiale, correspondant à l’élément « so… ? », que les marques antérieures, n’était pas susceptible d’être incluse dans la même famille de marques que celle éventuellement formée par les marques antérieures (ci-après la « famille de marques invoquée »).

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      Par ailleurs, eu égard à l’argumentation de la requérante en ce qui concerne l’un des moyens de la requête, elle doit être regardée comme concluant, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal de réformer la décision attaquée en accueillant l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009. De même, compte tenu des indications portées dans le mémoire en réplique, la requérante doit être regardée comme concluant, en substance, alternativement à ses autres demandes, à ce qu’il plaise au Tribunal de réformer la décision attaquée en vue de lui donner la possibilité de présenter à nouveau une opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le deuxième, de la violation de la règle 15, paragraphe 2, sous b), iii), du règlement n° 2868/95 et, le troisième, de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

16      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante ne conteste que le raisonnement de la chambre de recours selon lequel la marque demandée ne peut pas être considérée comme relevant de la famille de marques invoquée.

17      À cet égard, la requérante fait valoir que les conditions cumulatives établies par la jurisprudence [arrêt du Tribunal du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE) T‑194/03, Rec. p. II‑445, points 123 à 127] afin de pouvoir constater l’existence d’un risque de confusion entre une marque demandée et une famille de marques antérieures sont réunies en l’espèce.

18      À titre liminaire, il convient de rappeler que constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

19      Il ressort, en outre, de la jurisprudence que, lorsque l’opposition à une demande de marque communautaire se fonde sur plusieurs marques antérieures et que ces marques présentent des caractéristiques permettant de les considérer comme faisant partie d’une même « série » ou « famille », ce qui peut être le cas, notamment, soit lorsqu’elles reproduisent intégralement un même élément distinctif avec l’ajout d’un élément, graphique ou verbal, les différenciant l’une de l’autre, soit lorsqu’elles se caractérisent par la répétition d’un même préfixe ou suffixe extrait d’une marque originaire, une telle circonstance constitue un facteur pertinent aux fins de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion [arrêts du Tribunal BAINBRIDGE, précité, point 123, et du 18 décembre 2008, Torres/OHMI – Sociedad Cooperativa del Campo San Ginés (TORRE DE BENÍTEZ), T‑16/07, non publié au Recueil, point 79]. En effet, en présence d’une famille ou série de marques, un tel risque résulte du fait que le consommateur peut se méprendre sur la provenance ou l’origine des produits ou des services couverts par la marque dont l’enregistrement est demandé et estimer, à tort, que celle-ci fait partie de cette famille ou série (arrêt de la Cour du 16 juin 2011, Union Investment Privatfonds/UniCredito Italiano, C‑317/10 P, Rec. p. I‑5471, point 54 ; voir également, en ce sens, arrêt BAINBRIDGE, précité, point 124).

20      Un risque de confusion tenant à l’existence d’une série ou famille de marques antérieures ne peut être invoqué que si deux conditions sont cumulativement réunies. En premier lieu, l’opposant doit fournir la preuve de l’usage d’un nombre de marques susceptible de constituer une série (ci-après la « première condition »). En second lieu, la marque demandée doit non seulement présenter une similitude avec les marques appartenant à la série, mais également présenter des caractéristiques susceptibles de la rattacher à la série (ci-après la « seconde condition »). Tel pourrait ne pas être le cas, par exemple, lorsque l’élément commun aux marques sérielles antérieures est utilisé dans la marque demandée dans une position différente de celle dans laquelle il figure habituellement dans les marques appartenant à la série ou avec un contenu sémantique distinct [arrêts du Tribunal BAINBRIDGE, précité, points 126 et 127, et du 27 juin 2012, Hearst Communications/OHMI – Vida Estética (COSMOBELLEZA), T‑344/09, non publié au Recueil, points 86 et 87].

21      En l’espèce, aux points 30 et 49 de la décision attaquée, la chambre de recours, a, en substance, considéré que la seconde condition n’était pas remplie, si bien qu’il pouvait être exclu que le public pertinent confondît la marque demandée avec la famille de marques invoquée, sans qu’il fût nécessaire d’examiner si la première condition était satisfaite. En ce qui concerne la seconde condition, d’une part, la chambre de recours a relevé que l’élément « so… ? », commun aux marques antérieures, n’était pas reproduit de manière identique dans la marque demandée, laquelle ne contenait ni les points de suspension ni le point d’interrogation, mais présentait un accent circonflexe sur la lettre « o », suivie par un autre signe de ponctuation, à savoir les deux points. D’autre part, la chambre de recours a mis en avant le fait que l’élément « unic » de la marque demandée n’était pas une expression anglaise, à la différence des expressions suivant l’élément « so… ? » dans la famille de marques invoquée. Dès lors, selon la chambre de recours, la marque demandée ne correspondait pas au modèle desdites marques antérieures, mais serait comprise comme correspondant à une expression fantaisiste.

22      À cet égard, en premier lieu, il convient d’écarter l’argument par lequel la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir vérifié si la première condition était satisfaite. En effet, puisqu’il s’agit de deux conditions cumulatives (voir point 20 ci-dessus), la chambre de recours n’était aucunement obligée d’établir si la première condition était remplie, dès lors qu’elle avait constaté que la seconde ne l’était pas. En effet, une telle constatation était suffisante pour écarter la possibilité que le risque de confusion résulte du rattachement de la marque demandée à la famille de marques invoquée.

23      En deuxième lieu, au vu des produits visés par les marques antérieures et des territoires où celles-ci sont protégées, il convient de confirmer les appréciations de la chambre de recours relatives au public pertinent, qui d’ailleurs ne sont pas contestées par la requérante.

24      En troisième lieu, s’agissant du fait que la chambre de recours a exclu que la marque demandée puisse être considérée comme rattachable à la famille de marques invoquée, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 19 ci-dessus, une famille de marques existe, notamment, lorsque plusieurs marques contiennent un même élément distinctif ou répètent un même préfixe ou suffixe extrait d’une marque originaire. Il est vrai que, ainsi que le fait observer en substance la requérante, ces deux hypothèses ont été précisées par la jurisprudence aux fins de définir le concept de famille de marques et non aux fins d’établir dans quelles circonstances il existe un risque de confusion entre une marque demandée et une famille de marques antérieures. Cependant, il y a lieu de noter que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en s’inspirant de ces hypothèses lorsqu’elle a examiné la question de savoir si la marque demandée pouvait être confondue avec la famille de marques invoquée. En effet, ainsi que la requérante le reconnaît elle-même, le risque de confusion à l’égard d’une famille de marques résulte de la possibilité que le public pertinent estime que la marque demandée fait partie de la même famille que celle formée par les marques antérieures (voir, en ce sens, arrêt BAINBRIDGE, précité, point 124). Pour qu’un tel risque existe, il est donc nécessaire que la marque demandée présente des caractéristiques permettant de considérer qu’elle appartient à la famille de marques en cause.

25      En l’espèce, il doit être relevé que l’élément commun « so… ? » des marques antérieures, susceptibles de former la famille de marques invoquée, ne coïncide pas avec l’élément « sô : » de la marque demandée.

26      S’il est vrai que, ainsi que le souligne la requérante, l’emploi, dans la jurisprudence rappelée au point 19 ci-dessus, de l’expression « notamment » signifie que les deux hypothèses mentionnées par cette jurisprudence ne sont pas exhaustives, il ne saurait être déduit de cette circonstance que la présence, dans la marque demandée, d’un élément qui ne coïncide pas avec celui qui caractérise la famille de marques invoquée permette de rattacher ladite marque à cette famille, en l’absence d’autres facteurs de rattachement. Certes, l’emploi de l’expression « notamment » laisse ouverte la possibilité de constater, même dans des conditions autres que celles requises par les deux hypothèses mentionnées ci-dessus, qu’une marque appartient à une famille de marques. Cependant, tel ne peut pas être le cas lorsque les conditions visées par ces hypothèses ne sont pas remplies et que, comme en l’espèce, aucun autre élément n’est apporté au soutien d’une telle appartenance.

27      Du reste, la chambre de recours a mis en exergue d’autres différences entre la marque demandée et la famille de marques invoquée, ainsi que le fait valoir à juste titre l’OHMI. Ces différences ont trait notamment à la perception des marques en conflit du point de vue conceptuel, lequel, comme le fait observer la requérante elle-même, est un élément essentiel dans le cadre d’une famille de marques.

28      À cet égard, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours était fondée à constater que la marque demandée, prise dans son ensemble, ne correspondait pas au modèle caractérisant la famille de marques invoquée.

29      En effet, ce modèle se compose du début d’une question, exprimée par l’élément « so… ? », suivie, dans la plupart des cas, d’un mot ou d’une expression qui existent dans l’anglais courant et qui constituent une sorte de réponse à ladite question. En revanche, dans la marque demandée, d’une part, l’élément « sô : » ne renvoie pas au début d’une question, en raison de l’absence tant du point d’interrogation que des points de suspension et de la présence des deux points et de l’ajout de l’accent circonflexe sur la lettre « o », qui n’existe pas dans le mot anglais « so », lequel peut introduire une question. D’autre part, l’élément « unic » ne correspond pas à un mot du vocabulaire anglais. À supposer même que, comme le soutient la requérante, cet élément puisse renvoyer au mot anglais « unique », le fait de ne pas respecter l’orthographe de l’anglais différencie davantage la marque demandée de celles de la famille de marques invoquée.

30      En quatrième lieu, contrairement à ce que prétend la requérante, il importe peu que la chambre de recours, lors de son évaluation de la possibilité que la marque demandée fût considérée comme appartenant à la famille de marques invoquée, n’ait pas tenu compte du fait que les produits visés étaient, en partie, identiques.

31      En effet, à supposer que le degré de similitude des produits en question ait une incidence sur cette évaluation, il y a lieu de constater que les différences graphiques et sémantiques que présente la marque demandée par rapport à celles de la famille de marques invoquée (voir points 25 à 28 ci-dessus) suffisent pour exclure que la marque demandée puisse être considérée comme appartenant à ladite famille de marques, quels que soient les produits visés.

32      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de confirmer l’analyse de la chambre recours selon laquelle, à supposer même que les marques antérieures puissent former une famille de marques, cette circonstance ne permettra pas de constater l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.

33      Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la règle 15, paragraphe 2, sous b), iii), du règlement n° 2868/95

34      Aux points 11 à 14 de la décision attaquée, la chambre de recours, après avoir observé que la requérante, dans l’acte d’opposition, avait invoqué plusieurs marques antérieures non enregistrées et protégées dans l’Union, a relevé, d’une part, que la représentation de ces marques n’avait pas été fournie et, d’autre part, qu’une telle catégorie de droits de propriété intellectuelle n’existait pas, dès lors que les marques non enregistrées étaient définies par les législations nationales des États membres qui leur accordaient une protection, et non en vertu de dispositions du droit de l’Union. Ayant constaté que la lettre jointe audit acte (ci-après la « lettre en pièce jointe ») ne contenait pas de précisions suffisantes pour pallier les déficiences de celui-ci, elle a considéré que l’opposition, en ce qu’elle était fondée sur les autres signes antérieurs en cause, ne remplissait pas les conditions visées à la règle 15, paragraphe 2, sous b), iii), du règlement n° 2868/95 et était donc irrecevable.

35      La requérante fait valoir que l’acte d’opposition et la lettre en pièce jointe répondaient auxdites conditions.

36      À cet égard, elle reproche à la chambre de recours d’avoir retenu une interprétation incorrecte de la partie de l’acte d’opposition concernant les autres signes antérieurs. Le fait d’avoir coché, dans le formulaire établi par l’OHMI afin d’introduire un acte d’opposition, la case « marque non enregistrée » et la case « EM » (ci-après la « case ‘marque non enregistrée’ et la « case ‘EM’ ») ne signifierait pas que la requérante souhaitait fonder son opposition sur des marques non enregistrées et protégées par le droit de l’Union, catégorie dont elle reconnaît l’inexistence, mais devrait être compris en ce sens qu’elle considérait que les marques non enregistrées mentionnées dans ledit acte étaient protégées dans tous les États membres.

37      La requérante admet que les marques non enregistrées sont régies par les droits des États membres et que ceux-ci présentent des différences. Néanmoins, elle soutient que, dans chaque État membre, les signes qu’elle invoque confèrent à leur titulaire le droit d’empêcher un tiers d’utiliser un signe dans le commerce. Dès lors, le fait de revendiquer un tel droit dans l’ensemble de l’Union ou dans chaque État membre séparément ne devrait pas donner lieu à des différences pratiques.

38      En outre, selon la requérante, le fait d’utiliser la case « marque non enregistrée » également à l’égard d’États membres dont l’ordre juridique n’accorde aucune protection explicite à de telles marques ne rend pas l’opposition irrecevable. La question de savoir si, dans les États membres concernés, le signe antérieur invoqué par un opposant lui donne le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente, ainsi que le requiert l’article 8, paragraphe 4, sous b), du règlement n° 207/2009, aurait trait à l’examen du bien-fondé de l’opposition, et non à sa recevabilité.

39      Par ailleurs, la requérante souligne que l’interprétation suivie par la chambre de recours rend la case intitulée « EM » trompeuse, dès lors que celle-ci ne pourrait être valablement utilisée en association avec des signes antérieurs ayant l’une des natures prédéfinies dans le formulaire pour introduire l’acte d’opposition, à savoir « marque non enregistrée », « nom commercial » et « raison sociale », mais uniquement avec des signes autres, que l’opposant devrait définir lui-même, dont seuls les dessins ou modèles communautaires sont régis par le droit de l’Union.

40      L’OHMI soutient que la règle 15, paragraphe 2, sous b), iii), du règlement n° 2868/95 établit une nette distinction entre un droit antérieur, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, qui existe dans l’ensemble de l’Union et un droit antérieur, au sens de ce même article, qui existe dans un ou plusieurs États membres. Ainsi, la case intitulée « EM » ne pourrait être valablement cochée que lorsqu’un même droit antérieur est revendiqué dans l’ensemble de l’Union. L’existence d’une telle case serait liée au fait que l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 n’énumère pas de manière expresse ou exhaustive les droits antérieurs pouvant être invoqués au titre de cette disposition.

41      Tout en admettant que les éléments essentiels concernant les signes invoqués au soutien d’une opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 peuvent être déduits des documents joints à l’acte d’opposition, l’OHMI fait observer que, en l’espèce, la lettre en pièce jointe ne contenait pas toutes les indications requises pour respecter le droit d’être entendu et l’égalité des armes entre les parties aux procédures d’opposition.

42      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de la règle 15 du règlement n° 2868/95 :

«  […]

2. L’acte d’opposition doit comporter :

[…]

b)      une identification claire de la marque antérieure ou du droit antérieur sur lesquels l’opposition est fondée, à savoir :

[…]

iii)      si l’opposition est fondée sur l’existence d’un droit antérieur au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement, une indication de son type ou de sa nature, une représentation du droit antérieur et une mention de l’existence éventuelle de ce droit antérieur dans l’ensemble de la Communauté ou dans un ou plusieurs États membres et, dans l’affirmative, une indication des États membres ;

[…] »

43      Tout d’abord, il y a lieu de constater que, ainsi que le fait valoir à juste titre la requérante, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle elle avait omis de fournir une représentation des autres signes antérieurs en cause manque en fait. En effet, dès lors qu’il s’agit de signes verbaux, la mention de ces signes dans les pages concernées de l’acte d’opposition doit être considérée comme étant une représentation de ces signes, ce qui, du reste, est conforme au point 3.6 des notes explicatives concernant le formulaire d’opposition de l’OHMI.

44      Ensuite, il résulte de l’acte d’opposition que la requérante, pour chacun des autres signes antérieurs en cause, a coché la case intitulée « Marque non enregistrée », en ce qui concerne la nature du droit antérieur invoqué, et la case intitulée « EM », en ce qui concerne le territoire où ce signe était protégé. Il est constant entre les parties que cette dernière case correspond au territoire de l’Union, ce qui ressort également du point 3.5 des notes explicatives concernant le formulaire d’opposition de l’OHMI.

45      À cet égard, sans qu’il soit nécessaire d’établir si la case intitulée « EM » peut être valablement cochée à l’égard d’un signe protégé dans tous les États membres, au lieu de cocher les cases correspondant à chacun des États membres, il convient de constater que c’est à tort que la requérante a coché cette case. En effet, la requérante elle-même, dans la lettre en pièce jointe, a affirmé ce qui suit :

« Abstraction faite des enregistrements des marques de l’opposante, l’opposante a le droit d’interdire l’usage de la marque demandée au Royaume-Uni et en Irlande, à tout le moins sur la base des règles relatives à l’usurpation d’appellation (law of passing off), et dans d’autres États membres, sur la base de la législation sur la concurrence déloyale compte tenu de l’importance du ‘goodwill’ et de la renommée acquis avec l’opposante et ses prédécesseurs en titre par l’usage des marques pertinentes. »

46      Si, contrairement à ce que soutient l’OHMI, il ressort de la lecture combinée de l’acte d’opposition et de la lettre en pièce jointe que le droit dont il est question dans le passage précité découle des autres signes antérieurs en cause, qualifiés de marques non enregistrées dans l’acte d’opposition, cette lettre ne permet pas de considérer que la requérante invoquait un tel droit dans tous les États membres. En effet, après avoir expressément cité le Royaume-Uni et l’Irlande, la requérante s’est borné à insérer une référence à « d’autres États membres », laquelle, d’une part, ne peut pas être interprétée comme renvoyant à tous les autres États membres et, d’autre part, ne précise pas de quels États membres il s’agit.

47      Cependant, le fait que la requérante a coché à tort la case intitulée « EM » n’a pas rendu irrecevable dans sa totalité son opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009. En effet, les informations fournies dans l’acte d’opposition et dans la lettre en pièce jointe permettaient de comprendre quelles étaient la nature et la représentation des autres signes antérieurs en cause et quel était le droit que ceux-ci étaient censés conférer à la requérante au Royaume-Uni et en Irlande, en vertu des règles sur l’usurpation d’appellation.

48      La question de savoir si ce droit invoqué par la requérante remplissait les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 et, en vertu du renvoi contenu dans celui-ci, aux droits britannique et irlandais, relève de l’examen au fond de l’opposition, et non de sa recevabilité.

49      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir partiellement le présent moyen, dans la mesure où c’est à tort que la chambre de recours a déclaré irrecevable l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 à l’égard des signes antérieurs invoqués par la requérante en ce qui concerne le Royaume-Uni et l’Irlande.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009

50      La requérante fait valoir que les éléments de preuve qu’elle a produits devant l’OHMI étaient suffisants pour faire aboutir l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, ne serait-ce qu’en raison des droits que les autres signes en cause lui conféraient au Royaume-Uni, en vertu des règles sur l’usurpation d’appellation. Dès lors, la requérante demande au Tribunal d’examiner le bien-fondé de cette partie de l’opposition, au moins dans cette mesure, et d’établir que le recours devant la chambre de recours était fondé, dans cette même mesure.

51      Il y a lieu de constater que, par le présent moyen, la requérante cherche à démontrer que son opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 aurait dû être accueillie et sollicite, en substance, du Tribunal qu’il adopte la décision que, selon elle, la chambre de recours aurait dû prendre. Partant, la requérante demande la réformation de la décision attaquée, telle qu’elle est prévue à l’article 65, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juin 2013, Celtipharm/OHMI – Alliance Healthcare France (PHARMASTREET), T‑411/12, non publié au Recueil, point 44].

52      Ensuite, il convient de rappeler que le pouvoir de réformation n’a pas pour effet de conférer au Tribunal le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, être en principe limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt de la Cour du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, Rec. p. I‑5853, point 72).

53      En l’espèce la chambre de recours, ayant rejeté comme irrecevable l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé de celle-ci, si bien que le Tribunal ne peut pas examiner cette question.

54      Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Conclusions sur l’issue du recours

55      Premièrement, eu égard aux considérations développées aux points 16 à 33 ci-dessus, dont il résulte que le premier moyen n’est pas fondé, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de la requérante en ce qui concerne la partie de la décision attaquée ayant rejeté l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En conséquence de ce rejet, il n’est pas nécessaire d’établir si, par les affirmations énoncées dans le texte de la requête, qui ne se reflètent pas dans l’énoncé de ses conclusions, la requérante demande au Tribunal d’exercer le pouvoir de réformation afin de faire droit à l’opposition fondée sur cette disposition, au moins pour certains produits.

56      Deuxièmement, au vu de ce qui a été exposé aux points 34 à 54 ci-dessus, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, dans la mesure où la chambre de recours a rejeté comme irrecevable l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, en ce qui concerne les signes invoqués par la requérante en ce qui concerne le Royaume-Uni et l’Irlande, et de rejeter le recours pour le surplus. Puisque, dans ces circonstances, la chambre de recours devra examiner le bien-fondé de l’opposition en ce qu’elle concernait ces signes, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la demande de la requérante, formulée uniquement dans le texte du mémoire en réplique, tendant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée en vue de lui donner la possibilité de présenter à nouveau une opposition fondée sur ladite disposition.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, le recours n’étant que partiellement fondé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 4 juin 2012 (affaire R 1033/2011‑4) est annulée dans la mesure où la chambre de recours a rejeté comme irrecevable l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire, à l’égard des signes invoqués par Debonair Trading Internacional Ldª en ce qui concerne le Royaume-Uni et l’Irlande.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 avril 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.