Language of document : ECLI:EU:T:2008:554

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRESIDENT
DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL
9 décembre 2008(*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige – Confidentialité »

Dans l’affaire T‑111/08,

MasterCard Inc.,

MasterCard International Inc.,

et

MasterCard Europe SPRL,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,

British Retail Consortium,

et

Eurocommerce a.i.s.b.l

parties intervenantes,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2007) 6474 final, du 19 décembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaires COMP/34.579 - MasterCard, COMP/36.518 - EuroCommerce, COMP/38.580 - Commercial Cards) dans son ensemble, et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation des articles 3, 4, 5 et 7 de cette même décision,

LE PRÉSIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 1er mars 2008, les requérantes, MasterCard Inc., MasterCard International Inc. et MasterCard Europe SPRL (collectivement ci-après « MasterCard »), ont introduit un recours en annulation au titre de l’article 230 CE contre la décision de la Commission C (2007) 6474 final du 19 décembre 2007 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaires COMP/34.579 – MasterCard, COMP/36.518 – EuroCommerce, COMP/38.580 – Commercial Cards) (ci-après la « décision attaquée »).

2        En vertu de l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal, le résumé de la requête introductive d’instance dans l’affaire T‑111/08 a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 9 mai 2008 (JO C 116, p. 26).

3        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 juin 2008, Banco Santander SA a demandé à intervenir au soutien des conclusions de MasterCard.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 juin 2008, HSBC Bank plc. a demandé à intervenir au soutien des conclusions de MasterCard.

5        Par actes déposés au greffe du Tribunal le 30 juin 2008, Bank of Scotland plc., Royal Bank of Scotland plc., Lloyds TSB Bank plc. et MBNA Europe Bank Ltd. ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de MasterCard.

6        Les six demandes susvisées ont été signifiées aux requérantes et à la Commission, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure.

7        Par actes déposés au greffe du Tribunal le 30 juillet 2008, le 1er août 2008 et le 3 septembre 2008, la Commission a soulevé des objections à l’encontre de ces interventions. MasterCard n’a pas soumis d’observations.

8        Le 4 août 2008, MasterCard a demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans la requête. Le 6 août 2008, la Commission a demandé le traitement confidentiel de certains éléments contenus dans la requête puis a retiré cette demande le 16 septembre 2008.

 En droit

 Sur les demandes en intervention

9        En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions des Communautés ou entre États membres, d’une part, et institutions des Communautés, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

10      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T-15/02, Rec. p. II‑213, point 26, et la jurisprudence citée).

11      Les demandeurs en intervention justifient, notamment, leur intérêt à ce que les conclusions de MasterCard tendant à l’annulation totale ou partielle de la décision attaquée soient accueillies, par leur qualité de concessionnaire principal de licence MasterCard. Ils font également valoir que, en leur qualité de banque d’émission de cartes, les commissions d’interchange par défaut pour les transactions transfrontières au sein de l’espace économique européen (ci-après les « commissions d’interchange par défaut ») leur sont normalement versées. Ils en déduisent qu’ils sont financièrement affectés par la décision attaquée, dès lors que la Commission a estimé que ces commissions étaient contraires à l’article 81 CE, a ordonné leur suppression et a interdit à MasterCard de prendre des mesures ayant des effets similaires ou identiques dans le futur. De plus, les demandeurs qui sont aussi des banques d’acquisition, c’est-à-dire des banques de réception des transactions effectuées avec ces cartes, soutiennent que la décision attaquée affecte la conduite de leurs affaires.

12      Il ressort de l’article 1er de la décision attaquée que la Commission a constaté que « l’organisation de paiement Mastercard et les entités juridiques qui le représentent MasterCard Inc., MasterCard International Inc. et MasterCard Europe SPRL ont violé l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord EEE en établissant en pratique un prix minimum que les commerçants doivent payer à leur banque d’acquisition pour accepter des cartes de paiement dans l’espace économique européen, par l’intermédiaire de la commission d’interchange par défaut […] ». Il ressort également de l’article 3 de cette même décision que la Commission a ordonné à MasterCard d’abroger la commission d’interchange par défaut et de modifier en ce sens les règles régissant le réseau de l’association.

13      C’est donc à juste titre que les demandeurs en intervention font valoir qu’ils sont financièrement affectés par la décision attaquée en ce qu’ils sont tous des banques émettrices de cartes et percevaient, à ce titre, les commissions d’interchange par défaut dont la Commission a ordonné la suppression.

14      Il en découle nécessairement que les demandeurs en intervention disposent d’un intérêt direct et certain à ce que les conclusions de MasterCard tendant à l’annulation de la décision attaquée soient accueillies.

15      Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de la Commission.

16      En premier lieu, la Commission se réfère à la supposée qualification d’association d’entreprises de MasterCard et en tire la conclusion que les banques qui en sont membres ne disposent pas d’un intérêt à intervenir.

17      À cet égard, il convient d’observer que cet argument de la Commission repose sur la prémisse que MasterCard est demeurée, après son introduction en bourse le 25 mai 2006, une association d’entreprises dont les demandeurs en intervention constituent des membres. Il y a cependant lieu de constater que cette qualification est contestée par MasterCard.

18      En tout état de cause, l’argumentation de la Commission doit, en toute hypothèse, être rejetée.

19      Certes, c’est à juste titre que la Commission rappelle que l’objet de l’interprétation large du droit d’intervention des associations est de permettre de mieux apprécier le cadre des affaires tout en évitant une multiplicité d’interventions individuelles qui compromettraient l’efficacité et le bon déroulement de la procédure [ordonnance du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C‑151/97 P(I) et C‑157/97 P(I), Rec.p. I‑3491, point 66]. Toutefois, la conséquence qu’elle en tire – à savoir qu’une personne morale, membre d’une association déjà partie au recours, ne dispose pas d’un intérêt à intervenir – est erronée. En effet, une personne morale ne saurait être empêchée d’intervenir dans un recours pour la simple raison qu’une association dont elle est membre a également introduit un recours, dès lors qu’elle peut souhaiter présenter des arguments différents de ceux présentés par l’association en tant que telle (ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 14 mai 2007 Microsoft/Commission, T-271/06, non publiée au Recueil, point 73).

20      Quant aux parallèles opérés avec l’arrêt de la Cour du 28 février 1984, Ford of Europe et Ford-Werke/Commission (228/82 et 229/82, Rec. p. 1129) ainsi qu’avec l’arrêt du Tribunal du 12 juillet 1991, Peugeot/Commission (T‑23/90, Rec. p. II‑653), ils sont sans pertinence. Il en ressort simplement que l’intervention d’une association de consommateurs a été, dans ces deux arrêts, admise. En outre, la Commission semble soutenir que la Cour a, dans l’arrêt Ford of Europe et Ford-Werke/Commission précité, refusé l’intervention de deux distributeurs de Ford au soutien des conclusions de ce dernier, au motif qu’ils ne disposaient pas d’un intérêt suffisamment défini. Or, force est de constater qu’il ressort de la lecture de l’arrêt lui-même que l’intervention des deux distributeurs en question n’a pas été rejetée, mais, bien au contraire, acceptée.

21      En second lieu, la Commission se réfère à l’ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 11 septembre 2006, UPC France Holding BV/Commission (T-367/05, non publiée au Recueil), dans laquelle il a été estimé, en substance, que l’actionnaire d’une entreprise bénéficiaire d’une aide n’avait pas d’intérêt à intervenir dans le cadre du recours en annulation introduit à l’encontre de la décision de la Commission constatant la compatibilité de cette aide. Il suffit à cet égard d’observer que les circonstances des deux affaires ne sont pas comparables. Dans l’ordonnance rendue dans l’affaire T‑367/05, le Tribunal a observé que l’issue du litige avait pour seule éventuelle conséquence l’ouverture de la procédure formelle d’examen de l’article 88, paragraphe 2, CE et non des conséquences financières telles la qualification d’aide d’État ou l’obligation de récupération de cette aide. Or, dans la présente affaire, une éventuelle annulation de la décision attaquée aura des incidences financières directes sur les demandeurs en intervention, notamment en ce qu’elle leur permettra de percevoir à nouveau la commission d’interchange par défaut.

22      Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu d’admettre les demandes d’intervention au soutien des conclusions de MasterCard.

23      Les demandes d’intervention ayant été introduites conformément à l’article 115 du règlement de procédure et les demandeurs en intervention ayant justifié leur intérêt à la solution du litige, il y a lieu de les admettre, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de son article 53, premier alinéa. La communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 9 mai 2008, les demandes d’intervention ont été présentées dans le délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement et les droits des parties intervenantes seront ceux prévus à l’article 116, paragraphes 2 à 4, dudit règlement.

24      Dans ses observations, la Commission demande au Tribunal d’ordonner que les différentes interventions soient consolidées en un document unique. Pour autant que cette demande vise à ce qu’il soit imposé aux parties intervenantes de déposer un mémoire en intervention commun, elle doit être rejetée. En effet, chacune des parties intervenantes est en droit de faire usage de la faculté prévue à l’article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure, de déposer un mémoire en intervention.

25      Néanmoins, il y a lieu de souligner que le dépôt volontaire d’un mémoire en intervention commun à plusieurs parties intervenantes est admis par le Tribunal (arrêt du Tribunal du 14 avril 1994, A/Commission, T‑10/93, RecFP p. I‑A‑119 et II‑387, point 11). Il y a également lieu de souligner qu’une éventuelle duplication des observations écrites présentées par les parties intervenantes est un élément qui peut être pris en compte par le Tribunal lors de la détermination de la charge des dépens (voir, en ce sens, ordonnance Microsoft/Commission, point 19 supra, point 74).

 Sur la demande de traitement confidentiel

26      MasterCard a demandé que, conformément à l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure, certains éléments confidentiels du dossier soient exclus de la communication aux parties intervenantes et a produit, aux fins de cette communication, une version non confidentielle des mémoires ou pièces en question.

27      À ce stade, la communication aux parties intervenantes des actes de procédures signifiés et, le cas échéant, à signifier aux parties doit donc être limitée à une version non confidentielle. Une décision sur le bien-fondé de la demande de confidentialité sera, le cas échéant, prise ultérieurement au vu des objections ou observations qui pourraient être présentées à ce sujet.

Par ces motifs,

LE PRESIDENT DE LA CINQUIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Bancosantander SA, HSBC Bank plc., Bank of Scotland plc., Royal Bank of Scotland plc., Lloyds TSB Bank plc. et MBNA Europe Bank Ltd. sont admises à intervenir dans l’affaire T‑111/08 au soutien des conclusions de MasterCard.

2)      Le greffier communiquera aux parties intervenantes une version non confidentielle de chaque acte de procédure signifié aux parties.

3)      Un délai sera fixé aux parties intervenantes pour présenter leurs observations éventuelles sur la demande de traitement confidentiel. La décision sur le bien-fondé de cette demande est réservée.

4)      Un délai sera fixé aux parties intervenantes pour présenter un mémoire en intervention, sans préjudice de la possibilité de le compléter le cas échéant ultérieurement, à la suite d’une décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel.

5)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 9 décembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l'anglais.