Language of document : ECLI:EU:T:2014:76

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 février 2014(*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire figurative DEMON – Marque internationale verbale antérieure DEMON – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des produits – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑380/12,

Demon International LC, établie à Orem, Utah (États-Unis), représentée par Me T. Krüger, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. F. Mattina, puis par M. L. Rampini, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Big Line Sas di Graziani Lorenzo, établie à Thiene (Italie), représentée par Me B. Osti, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 20 juin 2012 (affaire R 1845/2011‑4), relative à une procédure de nullité entre Demon International LC et Big Line Sas di Graziani Lorenzo,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude (rapporteur), président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 24 janvier 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 16 janvier 2013,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

à la suite de l’audience du 28 novembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 novembre 2008, l’intervenante, Big Line Sas di Graziani Lorenzo, a obtenu, auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)], l’enregistrement, sous le numéro 6 375 398, de la marque communautaire figurative reproduite ci-après :

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2        Les produits visés par l’enregistrement relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Lunettes ; montures de lunettes ; lunettes de soleil ; lunettes de sport ; lunettes de protection ; masques de protection pour activités sportives, à l’exception de ceux adaptés à un sport spécifique ; masques de ski ; masques de snowboard ; étuis pour lunettes ».

3        Le 3 mars 2010, la requérante, Demon International LC, a présenté devant l’OHMI une demande en nullité de la marque communautaire sur le fondement des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009.

4        La marque antérieure invoquée au soutien de la demande en nullité est la marque verbale DEMON ayant fait l’objet d’un enregistrement international le 21 février 2005, sous le numéro 850 334, pour le Benelux, le Danemark, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, l’Autriche et le Portugal.

5        Les produits visés par l’enregistrement de la marque antérieure relèvent de la classe 28 et correspondent à la description suivante : « Planches à neige, fixations de planches à neige, équipements de fixation et leurs accessoires, à savoir fixations de planches à neige, plaques de fixation, bases de fixation, quincaillerie d’assemblage pour fixations de planches à neige, boucles, housses de transport pour planches à neige, tampons amortisseurs de piétinement pour planches à neige, lanières de sécurité pour planches à neige, sacs de voyage pour planches à neige ».

6        Le motif invoqué à l’appui de la demande en nullité était l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

7        La demande en nullité était dirigée contre tous les produits relevant de la classe 9 visés au point 2 ci-dessus.

8        Le 13 juillet 2011, la division d’annulation de l’OHMI a partiellement fait droit à la demande en nullité déposée par la requérante et a annulé l’enregistrement de la marque communautaire pour les produits suivants : « lunettes de sport ; lunettes de protection ; masques de protection pour activités sportives, à l’exception de ceux adaptés à un sport spécifique ; masques de ski ; masques de snowboard ». La demande en nullité a été rejetée en ce qui concerne les « lunettes, montures de lunettes, lunettes de soleil, étuis pour lunettes ».

9        Le 8 septembre 2011, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait partiellement accueilli la demande en nullité de la requérante.

10      Par décision du 20 juin 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours de l’intervenante et a annulé la décision de la division d’annulation dans la mesure où elle avait déclaré nul l’enregistrement de la marque contestée.

11      La chambre de recours a d’abord confirmé que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, demandée par l’intervenante, n’était, en l’espèce, pas pertinente aux fins du respect de l’article 57 du règlement n° 207/2009.

12      S’agissant du public pertinent à l’égard duquel il convenait d’apprécier l’existence d’un risque de confusion, la chambre de recours a considéré qu’il se composait du consommateur moyen, ayant un degré d’attention normal, des États sur les territoires desquels la marque internationale antérieure était protégée, à savoir le Benelux, le Danemark, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, l’Autriche et le Portugal.

13      S’agissant de la comparaison des produits en cause, la chambre de recours a estimé que les « lunettes de sport ; lunettes de protection ; masques de protection pour activités sportives, à l’exception de ceux adaptés à un sport spécifique ; masques de ski et masques de snowboard », désignés par la marque contestée, ne présentaient aucune similitude avec les produits suivants : « fixations de planches à neige, équipements de fixation et leurs accessoires, à savoir fixations de planches à neige, plaques de fixation, bases de fixation, quincaillerie d’assemblage pour fixations de planches à neige, boucles, housses de transport pour planches à neige, tampons amortisseurs de piétinement pour planches à neige, lanières de sécurité pour planches à neige, sacs de voyage pour planches à neige ». En effet, selon la chambre de recours, ces produits ont une nature, une fonction et une destination différentes, ils n’ont pas un caractère concurrent ou complémentaire et ne sont pas fabriqués par les mêmes producteurs.

14      En revanche, s’agissant des « planches à neige », la chambre de recours a estimé qu’elles présentaient un « lien étroit » avec les « lunettes de sport ; lunettes de protection ; masques de protection pour activités sportives, à l’exception de ceux adaptés à un sport spécifique ; masques de ski et masques de snowboard » désignés par la marque contestée, en raison de l’importance de ces derniers pour l’utilisation des premières. En effet, selon la chambre de recours, personne n’utilise, en principe, une planche à neige sans lunettes de sport ou de protection ou sans un masque. La chambre de recours a ajouté que ces produits partageaient les mêmes canaux de distribution spécialisés, faisaient l’objet d’une promotion dans les mêmes revues spécialisées et étaient destinés aux mêmes consommateurs. Ces constats l’ont amenée à conclure que ces produits étaient similaires, mais seulement à un très faible degré.

15      En ce qui concerne la comparaison des signes, la chambre de recours a considéré qu’ils étaient moyennement similaires d’un point de vue visuel en raison de la présence du mot « demon » dans les deux signes. Les signes se différencieraient cependant par la présence d’un élément figuratif intégré à la marque contestée. S’agissant de la comparaison des signes sur les plans phonétique et conceptuel, la chambre de recours a conclu à l’identité des signes en conflit.

16      Enfin, dans le cadre de son appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a d’abord relevé que la marque antérieure présentait un degré de distinctivité normal. La chambre de recours a ensuite considéré que, s’agissant des « planches à neige », il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en conflit, eu égard au très faible degré de similitude entre les produits en cause, à la similitude visuelle moyenne des signes, au caractère distinctif normal de la marque antérieure et au degré d’attention normal du public pertinent. Cette conclusion s’imposerait davantage concernant les autres produits désignés par la marque antérieure, qui n’ont pas été considérés comme présentant des similitudes avec les produits visés par la marque contestée.

17      Dès lors, la chambre de recours a écarté l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit à l’égard de tous les produits en cause visés par ces dernières.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens de la présente procédure et de la procédure devant la chambre de recours.

19      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        ordonner la production des dossiers des procédures devant l’OHMI.

 En droit

 Sur la demande de production des dossiers des procédures devant l’OHMI présentée par l’intervenante

21      L’intervenante demande au Tribunal d’ordonner à l’OHMI la production des dossiers de procédure devant la division d’annulation et devant la chambre de recours.

22      Or, le dossier de la procédure devant la chambre de recours a été transmis au Tribunal conformément à l’article 133, paragraphe 3, de son règlement de procédure. Ce dossier contenait également une reproduction du dossier relatif à la procédure devant la division d’annulation.

23      La demande de production des dossiers des procédures devant l’OHMI formulée par l’intervenante est donc devenue sans objet. Il s’ensuit qu’il n’y a plus lieu, en tout état de cause, de faire droit à celle-ci.

 Sur le fond

24      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, dans la mesure où il existerait un risque de confusion entre la marque contestée et la marque antérieure.

25      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

26      En vertu de l’article 53, paragraphe 1, sous a), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la marque communautaire est déclarée nulle, sur demande du titulaire d’une marque antérieure, lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii) et iii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre et les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

27      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, points 16, 17 et 29, et arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

28      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

29      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il n’existait pas, en l’espèce, un risque de confusion entre les marques en conflit.

30      À titre liminaire, il convient d’observer que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent correspond, dans chaque territoire considéré et pour tous les produits dont il est question, au consommateur moyen, normalement attentif et avisé.

31      La requérante avance, en substance, trois griefs au soutien de son moyen unique, tirés d’erreurs commises par la chambre de recours concernant la comparaison des produits, la comparaison des signes et l’appréciation globale du risque de confusion.

 Sur la comparaison des produits

32      La requérante soutient que la chambre de recours a conclu, à tort, à un degré de similitude très faible, voire nul selon le cas, entre les produits en cause (voir points 13 et 14 ci-dessus).

33      À cet égard, la requérante fait observer que, ainsi que la chambre de recours l’aurait reconnu elle-même au point 17 de la décision attaquée, il existe un lien étroit entre les « lunettes de sport ; lunettes de protection ; masques de protection pour activités sportives, à l’exception de ceux adaptés à un sport spécifique ; masques de ski et masques de snowboard » et les « planches à neige ». Ces produits se présenteraient, en effet, comme des biens complémentaires. Par ailleurs, ces produits seraient commercialisés dans des points de vente spécialisés identiques, s’adresseraient aux mêmes consommateurs et feraient l’objet d’une publicité dans les mêmes magazines spécialisés. Dès lors, il existerait un degré de similitude important ou, à tout le moins, normal, entre ces produits.

34      Selon la requérante, cette conclusion s’imposerait également, pour les mêmes raisons, aux autres produits visés par la marque antérieure, à savoir les « fixations de planches à neige, équipements de fixation et leurs accessoires, à savoir fixations de planches à neige, plaques de fixation, bases de fixation, quincaillerie d’assemblage pour fixations de planches à neige, boucles, housses de transport pour planches à neige, tampons amortisseurs de piétinement pour planches à neige, lanières de sécurité pour planches à neige, sacs de voyage pour planches à neige ».

35      L’OHMI et l’intervenante rétorquent qu’il n’existe pas de lien de complémentarité fonctionnelle entre les « lunettes de sport ; lunettes de protection ; masques de protection pour activités sportives, à l’exception de ceux adaptés à un sport spécifique ; masques de ski et masques de snowboard » et les « planches à neige ». Ces produits se différencieraient par leur nature, leur destination et leur méthode d’utilisation. Par ailleurs, le fait que ces produits puissent être vendus dans des grands magasins ou dans des supermarchés revêtirait une importance moindre, car ces établissements vendent toutes sortes de produits. Ces conclusions s’appliqueraient à plus forte raison aux autres produits couverts par la marque antérieure. L’intervenante ajoute que, contrairement à ce que la chambre de recours a établi, il n’existe de similitude entre aucun des produits visés par la marque contestée et les produits désignés par la marque antérieure. Selon l’intervenante, il ne saurait être admis que l’OHMI, en se fondant sur une interprétation erronée de la notion de similitude, accorde une protection à la marque antérieure pour des produits autres que ceux visés dans la demande d’enregistrement de cette marque.

36      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, précité, point 23). D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

37      S’agissant du caractère complémentaire des produits, cette condition a trait au lien étroit existant entre les produits en cause, en ce sens qu’un de ces produits est important ou indispensable pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs puissent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits incombe à la même entreprise. Cela implique que les produits complémentaires soient susceptibles d’être utilisés ensemble, ce qui présuppose qu’ils soient adressés au même public [arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, points 57 et 58]. La jurisprudence précise qu’il ne suffit pas que les consommateurs considèrent un produit comme le complément ou l’accessoire d’un autre pour qu’ils puissent penser que ces produits ont la même origine commerciale. Il faut encore, pour cela, que les consommateurs considèrent comme habituel que ces produits soient commercialisés sous la même marque [arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, point 63].

38      En l’espèce, il y a lieu de constater, à l’instar de la requérante, que la chambre de recours a conclu à tort, au point 17 de la décision attaquée, à l’existence d’un très faible degré de similitude entre, d’une part, les « masques de ski » et les « masques de snowboard », visés par la marque contestée, et, d’autre part, les « planches à neige », désignées par la marque antérieure.

39      En effet, s’il est vrai que les « planches à neige » ont une nature et une fonction différentes des « masques de ski » et des « masques de snowboard », il n’en demeure pas moins que ces produits ont une destination commune, puisqu’ils font partie des accessoires principaux dans la pratique d’une même activité sportive, à savoir la planche à neige.

40      Par ailleurs, ainsi que la chambre de recours l’a reconnu, il existe un lien étroit entre, d’une part, les « planches à neige » et, d’autre part, les « masques de ski » et les « masques de snowboard ». En effet, les « planches à neige » sont très souvent utilisées avec ce type de masques, qui ont été spécialement conçus pour assurer la bonne pratique des sports de glisse sur neige, tels que le ski et la planche à neige. Dans ces conditions, les consommateurs considéreront comme habituel que ces produits soient commercialisés sous la même marque et attribueront aisément leur production au même fabricant. Dès lors, les « masques de ski » et les « masques de snowboard », d’une part, et les « planches à neige », d’autre part, doivent être considérés comme étant des produits complémentaires.

41      Contrairement à ce que l’OHMI et l’intervenante suggèrent, l’existence d’une « complémentarité fonctionnelle » entre les produits, entendue en ce sens que les uns seraient indispensables ou nécessaires pour le fonctionnement des autres, n’est pas requise pour pouvoir considérer qu’ils sont complémentaires [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, Rec. p. II‑2353, point 35]. En effet, il suffit de constater qu’un produit est important pour l’usage de l’autre, sans nécessairement démontrer qu’il est indispensable pour cet usage (voir arrêt easyHotel, précité, point 57, et la jurisprudence citée).

42      Il convient d’ajouter que les « planches à neige », les « masques de ski » et les « masques de snowboard » s’adressent aux mêmes consommateurs, qu’ils sont fréquemment vendus dans les mêmes points de vente spécialisés et que leur promotion est assurée par les mêmes magazines spécialisés. Ces facteurs sont de nature à faciliter la perception par le consommateur concerné des liens étroits existant entre ces produits et à renforcer l’impression que la responsabilité de leur fabrication incombe à la même entreprise.

43      Il en résulte que, contrairement à ce que la chambre de recours a établi, les « masques de ski » et « masques de snowboard », visés par la marque contestée, et les « planches à neige », désignées par la marque antérieure, présentent un degré de similitude moyen, et non très faible.

44      La chambre de recours a toutefois conclu, à bon droit, au point 17 de la décision attaquée, que les « lunettes de sport ; lunettes de protection ; masques de protection pour activités sportives, à l’exception de ceux adaptés à un sport spécifique » présentent un très faible degré de similitude avec les « planches à neige ». En effet, même si, selon la chambre de recours, ces produits présentent un lien étroit avec les planches à neige, en ce sens qu’ils peuvent être utilisés de manière conjointe, ils n’ont pas été spécialement conçus pour la pratique des sports de glisse sur neige, tels que le ski ou la planche à neige, et peuvent, dès lors, avoir des destinations différentes et viser un public différent. Le fait que certains de ces produits puissent ponctuellement être utilisés par les usagers de planches à neige, qu’ils soient éventuellement vendus non seulement dans des magasins d’optique, mais également dans des magasins de sport et fassent l’objet d’une promotion dans les mêmes revues spécialisées que celles qui font la promotion des planches à neige n’infirme pas ce constat.

45      Il y a lieu également de confirmer la conclusion de la chambre de recours, figurant au point 16 de la décision attaquée, selon laquelle les « lunettes de sport ; lunettes de protection ; masques de protection pour activités sportives, à l’exception de ceux adaptés à un sport spécifique », désignés par la marque contestée, ne présentent aucune similitude avec les « fixations de planches à neige, équipements de fixation et leurs accessoires, à savoir fixations de planches à neige, plaques de fixation, bases de fixation, quincaillerie d’assemblage pour fixations de planches à neige, boucles, housses de transport pour planches à neige, tampons amortisseurs de piétinement pour planches à neige, lanières de sécurité pour planches à neige, sacs de voyage pour planches à neige », désignés par la marque antérieure.

46      En effet, ces produits diffèrent par leur nature, leur destination et leurs modalités d’utilisation. Ces produits ne sont, en outre, ni concurrents, ni complémentaires. Bien qu’ils soient susceptibles d’être utilisés simultanément, le lien entre eux est trop imprécis et aléatoire pour que les consommateurs puissent considérer que la responsabilité de leur fabrication incombe à la même entreprise.

47      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir en partie les arguments de la requérante et de conclure que, contrairement à ce que la chambre de recours a établi au point 17 de la décision attaquée, les « masques de ski » et les « masques de snowboard », visés par la marque contestée, et les « planches à neige », visées par la marque antérieure, présentent un degré moyen de similitude. La chambre de recours a cependant estimé, à bon droit, qu’il existait un degré de similitude très faible, voire nul selon le cas, entre le reste des produits visés par la marque contestée et les produits visés par la marque antérieure (voir points 13 et 14 ci-dessus).

 Sur la comparaison des signes

48      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

49      La chambre de recours a établi, aux points 22 et 23 de la décision attaquée, l’existence d’une identité phonétique et conceptuelle entre les marques en conflit. Cette appréciation, qui n’a pas été contestée par les parties, n’est pas entachée d’erreur.

50      En revanche, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours, figurant au point 21 de la décision attaquée, selon laquelle il existerait un degré de similitude moyen sur le plan visuel entre les marques en conflit. Selon la requérante, il faudrait constater, au contraire, une très forte similitude visuelle. En effet, l’élément figuratif supplémentaire de la marque contestée, qui représente un démon, ne ferait que reproduire à l’identique l’élément verbal de celle-ci et attirerait l’attention du public sur ce dernier. Par ailleurs, la figure du démon serait un motif courant dans le commerce.

51      L’OHMI rétorque qu’il existe uniquement un degré de similitude visuelle moyen entre les signes en conflit en raison de la présence d’un élément figuratif qui les différencie. Pour sa part, l’intervenante estime que le degré de similitude visuelle de ces signes n’est pas moyen, mais faible, car l’impression que retiendrait l’utilisateur des produits désignés par la marque contestée serait dominée par l’élément graphique qui représente un démon.

52      En ce qui concerne la comparaison sur le plan visuel, il est de jurisprudence constante que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du Tribunal du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, Rec. p. II‑1515, point 43, et la jurisprudence citée].

53      En outre, ne peuvent être considérées comme étant similaires une marque complexe et une autre marque, identique ou présentant une similitude avec un des composants de la marque complexe, que si celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 33].

54      Pour apprécier le caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [voir arrêts du Tribunal du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié au Recueil, point 47, et du 24 mars 2011, XXXLutz Marken/OHMI – Natura Selection (Linea Natura Natur hat immer Stil), T‑54/09, non publié au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée].

55      En l’espèce, la marque contestée se compose de l’élément verbal « demon » et d’un élément figuratif, représentant un démon, intégré à la droite de cet élément verbal. Il y a donc lieu d’examiner l’importance de chacun de ces éléments dans l’appréciation du signe sur le plan visuel.

56      Il y a lieu d’observer que, d’une part, l’élément verbal « demon », qui ne revêt pas un caractère descriptif quant aux produits désignés par la marque contestée, joue un rôle important en ce qu’il occupe la première position parmi les éléments visuels, et occupe davantage d’espace que l’élément figuratif situé sur sa droite.

57      D’autre part, ainsi que la requérante le fait valoir à juste titre, l’élément figuratif de la marque contestée ne fait qu’illustrer l’élément verbal en reproduisant l’image d’un démon. Ainsi, l’élément figuratif de la marque contestée ne constitue pas un élément de différenciation par rapport à l’idée évoquée par le terme « demon », et joue donc un rôle accessoire et négligeable par rapport à cet élément verbal.

58      Dès lors, il y a lieu de conclure que l’élément verbal « demon » domine l’impression visuelle de la marque contestée. Dans la mesure où la marque antérieure est constituée par cet élément verbal, c’est à tort que la chambre de recours a considéré, au point 21 de la décision attaquée, que les marques en conflit étaient moyennement similaires d’un point de vue visuel. Au contraire, il y a lieu de conclure à l’existence d’un degré élevé de similitude visuelle entre celles-ci.

59      Eu égard à l’identité phonétique et conceptuelle des signes en conflit, ainsi qu’à l’existence d’un degré élevé de similitude visuelle entre ceux-ci, il convient de constater une forte similitude entre les signes en conflit.

 Sur le risque de confusion

60      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt Canon, précité, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

61      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 31 et 32 de la décision attaquée, que, au vu du très faible degré de similitude, voire de l’absence de similitude selon le cas, entre les produits en cause, du caractère distinctif normal de la marque antérieure, du niveau d’attention normal du public pertinent, du degré moyen de similitude visuelle et de l’identité phonétique et conceptuelle des marques en conflit, il n’existait pas de risque de confusion entre ces marques.

62      La requérante fait valoir que, eu égard à la similitude entre les produits, à l’identité phonétique et conceptuelle des signes, ainsi qu’à l’importante similitude visuelle entre ceux-ci, la chambre de recours aurait dû considérer qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit. Seraient, en outre, de nature à accroître le risque de confusion les circonstances selon lesquelles les produits feraient l’objet de publicité dans les mêmes magazines, ils seraient disposés dans des rayons situés à proximité immédiate dans des magasins spécialisés, et les vendeurs proposeraient conjointement les planches à neige et leurs accessoires, y compris les lunettes de protection.

63      L’OHMI se rallie à l’appréciation de la chambre de recours, et précise que, eu égard à la catégorie et aux modalités de commercialisation des produits en cause, l’impression visuelle joue en l’espèce un rôle prépondérant dans la perception des signes par rapport à l’impression phonétique et conceptuelle.

64      À titre liminaire, il convient de relever que les parties ne contestent pas le caractère distinctif normal de la marque antérieure retenu, à bon droit, par la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée. Cet élément doit être pris en compte dans l’appréciation globale du risque de confusion.

65      Il y a lieu de relever également que l’argument de l’intervenante selon lequel la requérante ne fabriquerait ni ne vendrait des planches à neige n’est pas pertinent pour apprécier l’existence d’un risque de confusion en l’espèce, dès lors que, ainsi que la chambre de recours l’a établi aux points 9 à 11 de la décision attaquée sans que, par ailleurs, ce constat ait été contesté par l’intervenante devant le Tribunal, la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure n’est, en l’espèce, pas pertinente aux fins du respect de l’article 57 du règlement n° 207/2009.

66      Les « masques de ski » et « masques de snowboard », désignés par la marque contestée, et les « planches à neige », désignées par la marque antérieure, étant moyennement similaires (voir point 43 ci-dessus), et les signes en conflit étant fortement similaires (voir point 59 ci-dessus), il y a lieu de conclure, contrairement à ce que la chambre de recours a établi au point 31 de la décision attaquée, qu’il existe un risque de confusion en ce qui concerne ces produits, même à supposer que, comme l’intervenante le soutient, le public pertinent soit jeune et fasse preuve d’un degré d’attention élevé.

67      En revanche, s’agissant des « lunettes de sport ; lunettes de protection ; masques de protection pour activités sportives, à l’exception de ceux adaptés à un sport spécifique » visés par la marque contestée, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant à l’absence de risque de confusion avec la marque antérieure. En effet, ainsi qu’il ressort des points 44 à 46 ci-dessus, les produits en cause ne sont que très faiblement similaires, voire ne présentent aucune similitude. Dans ces conditions, l’existence d’un risque de confusion ne peut pas être établie, malgré l’existence d’un degré élevé de similitude visuelle entre les signes et d’une identité phonétique et conceptuelle entre ceux-ci. En effet, le très faible degré de similitude entre les produits désignés ne peut être compensé par le degré élevé de similitude entre les marques.

68      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir partiellement le moyen unique de la requérante et d’annuler la décision attaquée uniquement en ce qu’elle a nié l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit s’agissant des « masques de ski » et des « masques de snowboard ».

69      Le moyen unique et, partant, le recours sont rejetés pour le surplus.

 Sur les dépens

70      En vertu de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

71      Aux termes de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables, exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI.

72      En l’espèce, la requérante, l’OHMI et l’intervenante ont, respectivement, partiellement succombé, dans la mesure où la décision attaquée est partiellement annulée. Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens sur la base de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.

73      En outre, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requérante et l’intervenante supporteront chacune leurs propres dépens afférents à la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 20 juin 2012 (affaire R 1845/2011‑4) est annulée dans la mesure où elle a partiellement annulé la décision de la division d’annulation et rejeté la demande en nullité de la marque communautaire n° 6 375 398 concernant les « masques de ski » et les « masques de snowboard ».

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Demon International LC et Big Line Sas di Graziani Lorenzo supporteront leurs propres dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

4)      L’OHMI supportera ses propres dépens.

van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 février 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.