Language of document : ECLI:EU:T:2003:338

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
11 décembre 2003 (1)

«Agriculture – FEOGA – Suppression d'un concours financier – Motivation – Erreur d'appréciation des faits – Article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 – Principe de proportionnalité»

Dans l'affaire T-305/00,

Conserve Italia Soc. coop. rl, établie à San Lazzaro di Savena (Italie), représentée par MesM. Averani, A. Pisaneschi et S. Zunarelli, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. L. Visaggio, en qualité d'agent, assisté de Me M. Moretto, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission C (2000) 1751, du 11 juillet 2000, portant suppression du concours du FEOGA accordé dans le cadre du projet n° 88.41.IT.003.0 intitulé «Modernisation d'un établissement de transformation de produits du secteur des fruits et légumes à Portomaggiore (Ferrara)»,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),



composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 3 juin 2003,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

Règlement (CEE) nº 355/77 du Conseil

1
Le règlement (CEE) nº 355/77 du Conseil, du 15 février 1977, concernant une action commune pour l’amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 51, p. 1), dispose, en ses articles 1er, paragraphe 3, et 2, que la Commission peut accorder un concours à l’action commune en finançant par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Orientation», des projets qui s’insèrent dans des programmes spécifiques préalablement élaborés par les États membres et approuvés par la Commission et qui visent le développement ou la rationalisation du traitement, de la transformation et de la commercialisation de produits agricoles.

2
Le deuxième considérant du règlement nº 355/77 indique «que les actions prévues dans ce domaine [...] visent à la réalisation des objectifs définis [au paragraphe 1, sous a), de l’article 39 du traité CE (devenu article 33 CE)]». Le quatrième considérant expose que, «pour bénéficier du financement communautaire, les projets doivent permettre notamment d’assurer tant l’amélioration et la rationalisation des structures de transformation et de commercialisation des produits agricoles qu’un effet positif durable sur le secteur agricole». Enfin, le septième considérant précise que, «pour assurer le respect par les bénéficiaires des conditions posées lors de l’octroi du concours du [FEOGA], il convient de prévoir une procédure de contrôle efficace ainsi que la possibilité de suspendre, de réduire ou de supprimer le concours du [FEOGA]».

3
L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 355/77, tel que modifié par le règlement (CEE) nº 1932/84 du Conseil, du 19 juin 1984 (JO L 180, p. 1), précise que «[l]es programmes doivent démontrer qu’ils contribuent à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune et notamment au bon fonctionnement des marchés des produits agricoles».

4
En outre, l’article 9, paragraphe 1, du règlement nº 355/77, conformément aux orientations de son quatrième considérant, dispose que «[l]es projets doivent contribuer à l’amélioration de la situation des secteurs de production agricole de base concernés» et qu’«ils doivent notamment assurer une participation adéquate et durable des producteurs du produit agricole de base aux avantages économiques qui en découlent».

5
Enfin, l’article 10, paragraphe 1, sous c), du règlement nº 355/77 précise que «[l]es projets doivent […] contribuer à l’effet économique durable de l’amélioration de la structure poursuivie par les programmes».

6
Le règlement nº 355/77 a été abrogé le 1er janvier 1990 par le règlement (CEE) nº 4256/88 du Conseil, du 19 décembre 1988 (JO L 374, p. 25), et par le règlement (CEE) nº 866/90 du Conseil, du 29 mars 1990 (JO L 91, p. 1), à l’exception de certaines dispositions – telles que les articles 9 et 10 – qui sont restées applicables, à titre transitoire, jusqu’au 3 août 1993, aux projets introduits avant le 1er janvier 1990.

Communication de 1983 de la Commission sur les critères pour le choix des projets à financer au titre du règlement nº 355/77

7
Le 10 juin 1983, la Commission a publié la communication sur les critères pour le choix des projets à financer au titre du règlement nº 355/77 (JO C 152, p. 2, ci-après la «Communication de 1983»), dans laquelle elle a précisé les critères d’éligibilité et de sélection, que devaient remplir les projets pour pouvoir être retenus pour un concours du FEOGA, ainsi que les secteurs et les productions soumis à des restrictions.

8
En ce qui concerne les fruits et légumes, le titre III, point B.5, paragraphe 21, de la Communication de 1983 dispose que «[l]es investissements exclus sont ceux visant à une augmentation des capacités de transformation pour les tomates» et que,  «[c]ependant, dans des cas tout à fait exceptionnels on peut admettre le financement des investissements à réaliser dans des régions où le revenu des agriculteurs est sensiblement plus bas que la moyenne nationale et où les capacités de transformation sont insuffisantes ou obsolètes».

Règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil

9
Le 19 décembre 1988, le Conseil a adopté le règlement (CEE) nº 4253/88 portant dispositions d’application du règlement (CEE) nº 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1). Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 1989 et a été modifié à plusieurs reprises.

10
L’article 24 du règlement nº 4253/88 intitulé «Réduction, suspension et suppression du concours», tel que modifié par le règlement (CEE) nº 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20), dispose:

«1. Si la réalisation d’une action ou d’une mesure ne semble justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autres autorités désignées par celui-ci pour la mise en oeuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2. Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission. […]»


Faits à l’origine du recours

11
Le 17 juillet 1987, la Commission a reçu une demande datée du 22 mai 1987 tendant à l’octroi d’un concours du FEOGA introduite par Colombani Lusuco SpA (ci-après «Colombani»), société contrôlée par la Federazione italiana dei consorzi agrari (Federconsorzi), un important groupement de coopératives agricoles italiennes. Cette demande a été déposée par le gouvernement italien en vertu du règlement n° 355/77.

12
Le concours était destiné à soutenir le projet nº 88.41.IT.003.0 relatif à la «modernisation d’un établissement de transformation des produits du secteur des fruits et légumes à Portomaggiore (Ferrara)». Le projet visait notamment à moderniser et à remplacer certaines installations devenues technologiquement obsolètes dans les départements de production de jus de fruits et de demi-produits de fruits ainsi qu’à adapter les installations aux normes en vigueur en matière d’hygiène, de santé et d’environnement.

13
Dans sa demande du 22 mai 1987, Colombani a déclaré «[s]’engager à ne pas détourner les machines et autres équipements installés dans le complexe en question de l’utilisation prévue, et ce durant une période d’au moins cinq ans à compter de la date de vérification du bon fonctionnement».

14
Par décision C (88) 1005/275, du 30 juin 1988 (ci-après la «décision d’octroi»), la Commission a approuvé le projet nº 88.41.IT.003.0 et a accordé à Colombani un concours d’un montant de 697 836 871 lires italiennes (ITL) aux fins d’un investissement global de 2 832 123 766 ITL. La Commission en a informé la bénéficiaire par une lettre, transmise à la même date, dans laquelle il était expressément prévu, à son sixième alinéa:

«Si le projet, tel qu’il est décrit dans la décision de la Commission par laquelle le concours du Fonds est accordé, devait subir des modifications, nous vous prions de noter qu’elles devront être soumises à la Commission […] avant que les nouveaux travaux projetés ne soient réalisés. La Commission vous informera dès que possible de l’issue de la proposition (ou des propositions) de modification et, en cas d’acceptation, des conditions correspondantes. L’inobservation de la procédure susmentionnée […] ou le rejet des modifications par la Commission pourra provoquer la suppression ou la réduction du concours.»

15
En décembre 1989, Colombani a fait l’acquisition d’un établissement à Massa Lombarda, donnant naissance à la société Massalombarda Colombani SpA, qui est devenue de ce fait la bénéficiaire du concours (ci-après la «bénéficiaire» ou «Massalombarda»).

16
Au printemps 1992, à la suite du placement sous administration judiciaire de la société Federconsorzi en 1991, la bénéficiaire a engagé un important programme de réorganisation et de restructuration de ses activités et de ses effectifs qui a comporté, entre autres, la concentration de la production de confiture de fruits à l’établissement de Portomaggiore et la concentration de la production de jus et de nectars de fruits à l’établissement de Massa Lombarda.

17
En 1994, la Commission a décidé de vérifier certains projets pour lesquels la bénéficiaire avait obtenu des concours communautaires, dont le projet nº 88.41.IT.003.0 concernant l’établissement de Portomaggiore. À cet effet, le 12 septembre 1994, la Commission a demandé, par télécopie adressée au ministero delle Risorse agricole, alimentari e forestali (ministère des Ressources agricoles, alimentaires et forestières) et à la bénéficiaire, de préparer certains documents et justificatifs afin de lui permettre de vérifier, lors d’un prochain contrôle sur place, la conformité de l’investissement réalisé avec le projet approuvé ainsi que le respect des conditions fixées lors de l’approbation du projet. Ont été en particulier demandés les originaux de tous les documents justificatifs repris dans la demande de paiement du concours (point 5 de la télécopie) ainsi que les bordereaux de livraison et les documents de transport correspondant à certaines factures visées au point 5 (point 9 de la télécopie).

18
Du 26 au 30 septembre 1994, la Commission a effectué le contrôle au cours duquel certaines irrégularités ont été constatées. Ces irrégularités ont été rapportées dans le procès-verbal de constat du 30 septembre 1994 (ci-après le «procès-verbal»), signé par toutes les parties, y compris les représentants de la bénéficiaire, comme suit:

«[…]

8)
Les factures indiquées sur la liste jointe (annexe 6) présentent plusieurs irrégularités tant fiscales (des bordereaux d’accompagnement ont une date antérieure à celle des factures correspondantes) que du point de vue du respect des règlements nº  355/77 et nº 2515/85 (bordereaux ayant des dates antérieures à celles de la réception de la demande de contribution par la Commission, bordereaux manquants, etc.).

[…]

10)
[L]a ‘ligne 700’ de l’établissement de Portomaggiore, relative à la production de jus et nectars et à laquelle ont été apportées des améliorations comptabilisées dans le projet précité nº 88.41.IT.003.0, a été, à partir du mois d’août 1992, essentiellement utilisée pour le conditionnement de produits à base de tomate. Cela s’est produit à la suite de l’acquisition de l’établissement [de Massa Lombarda]. Ces transformations (de tomates) sont exclues d’un quelconque financement du FEOGA, section ‘Orientation’.

11) Les installations relatives à ladite ‘ligne 125’ de l’établissement de Portomaggiore, financées dans le cadre du projet visé au point précédent, n’étaient pas utilisées à la date de la vérification. Sur demande des fonctionnaires chargés du contrôle, une preuve du fonctionnement de la ligne à vide a été fournie. Sur le fond, MM. Malagoni et Rasi, responsables de l’établissement, et Giuseppe Piazzi ont déclaré que cette inutilisation durait depuis le mois d’août 1992 et qu’elle était liée au projet de transfert de cette ligne vers l’unité de production de Massa Lombarda, Via Selice, entièrement dédiée à la production de jus et de boissons. M. Malagoni, directeur de la production, a déclaré en outre: ‘Ce projet approuvé dans le plan d’investissement de 1994 est resté en suspens ainsi que les formalités administratives correspondantes en raison du transfert imminent de la propriété de l’entreprise. Un local adéquat Via Silice, a déjà été préparé pour la réalisation de ce projet’.

[…]»

19
L’annexe 6 du procès-verbal énumère, au point 2, les factures contestées concernant l’établissement de Portomaggiore. Il s’agit des sept factures suivantes: la facture NIMAX nº 745, du 16 mai 1988, la facture OCME nº 1256, du 31 mai 1990, la facture ATLAS COPCO nº 17380, du 31 mai 1988, la facture Bronzoni nº 87, du 20 février 1990, la facture ATLAS COPCO nº 44098, du 31 décembre 1989, la facture Gairsa nº 650, du 2 novembre 1990, et la facture MIT Mantovani nº 107, du 1er octobre 1987.

20
En octobre 1994, Massalombarda a été acquise et finalement absorbée en 1997 par Frabi SpA (devenue par la suite Finconserve SpA), société financière du groupe Conserve Italia Soc. coop. rl, qui est la requérante dans la présente affaire et qui constitue la principale structure de coopératives agricoles en Italie et une des plus grandes en Europe.

21
Par télécopie du 3 novembre 1994 adressée à la Commission, les autorités italiennes se sont déclarées favorables à l’ouverture de la procédure de suppression du concours accordé à la bénéficiaire, compte tenu des graves irrégularités constatées.

22
Par lettre du 22 mai 1995, la Commission a informé la bénéficiaire et les autorités italiennes des infractions constatées et de son intention d’engager une telle procédure en vue de récupérer les sommes indûment versées. Elle les a invitées à présenter leurs observations à cet égard. Les irrégularités imputées à la bénéficiaire en ce qui concerne la présente affaire sont exposées aux troisième, quatrième, cinquième et neuvième considérants de ladite lettre:

«Considérant qu’au cours de cette vérification il a été établi que certaines factures imputées à l’établissement de Portomaggiore concernent une autre installation ou sont relatives à une ligne de production de marmelades étrangère au projet;

considérant qu’une ligne de production de jus et nectars de fruits (ligne 700) a été essentiellement utilisée à partir du mois d’août 1992 pour le conditionnement de produits à base de tomate, produit exclu d’un financement du FEOGA, section ‘Orientation’;

considérant qu’une ligne de production (ligne 125), financée quasi entièrement dans le cadre du présent projet, est dans un état d’abandon complet depuis le mois d’août 1992;

[…]

considérant, en conséquence, qu’à la suite de cette vérification sur place, l’inobservation de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de l’article 10, de l’article 19, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’article 20, paragraphes 1 et 2, [du règlement nº 355/77] a été relevée».

23
En date du 3 août 1995 et du 22 septembre 1995, la bénéficiaire a présenté ses observations à la Commission, en soulignant que les irrégularités rapportées étaient mineures et ne justifiaient pas la suppression du concours. À la suite d’entretiens avec des fonctionnaires des services compétents de la Commission le 19 janvier 1996 et le 22 octobre 1996, elle a déposé des mémoires complémentaires le 27 février 1996 et le 11 novembre 1996.

24
Le 11 juillet 2000, la Commission a adopté la décision C (2000) 1751, basée sur l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 4253/88, portant suppression du concours octroyé (ci-après la «décision attaquée»), estimant que les observations présentées par la requérante ne faisaient ressortir aucun élément de nature à réfuter les irrégularités constatées lors du contrôle de 1994 et que leur importance et leur gravité justifiaient la suppression du concours.

25
Les principaux motifs de la décision attaquée sont les suivants:

«Considérant ce qui suit:

[...]

6)
[…] il a été constaté que certaines factures, bien qu’imputées à l’établissement de Portomaggiore, ne concernaient en réalité pas ce centre.

7)
Qu’il a été constaté qu’une ligne de production de jus et de nectars des fruits (‘ligne 125’), financée presque entièrement dans le cadre de ce projet, se trouvait dans un état d’abandon complet depuis le mois d’août 1992.

8)
Qu’il a également été constaté qu’une ligne de production de jus et de nectars des fruits (‘ligne 700’), intégrée dans le projet, a été utilisée, depuis le mois d’août 1992, essentiellement pour le conditionnement de produits à base de tomate, lesquels n’étaient pas prévus dans la demande de concours; que, en vertu du point B.5 nº 21 de la [Communication de 1983], sont exclus du financement du FEOGA, [section ‘Orientation’], les projets visant une augmentation des capacités de transformation pour les tomates.

[…]

22)
Au vu des indications fournies ci-dessus, les irrégularités constatées affectent les conditions de mise en oeuvre du projet en question.

[…]

24)
En vertu de l’article 24, paragraphe 2, du règlement (CEE) nº 4253/88, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre […] et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

25)
À la lumière des indications fournies ci-dessus, il y a lieu de supprimer le concours accordé.

26)
La bénéficiaire est tenue de rembourser le montant de 697 836 871 ITL, dont le versement est devenu sans objet.»


Procédure et conclusions des parties

26
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 septembre 2000, la requérante a introduit le présent recours.

27
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a demandé à la Commission de répondre à une question. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

28
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l’audience du 3 juin 2003.

29
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

annuler la décision de la Commission C (2000) 1751, du 11 juillet 2000;

condamner la Commission aux dépens.

30
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter intégralement le recours;

condamner la requérante aux dépens.


En droit

31
La requérante avance six moyens à l’appui de sa demande en annulation de la décision attaquée. Le premier moyen est tiré du défaut de motivation du considérant 6 de la décision attaquée; le deuxième moyen est pris de l’appréciation erronée des éléments de fait visés au considérant 6 de la décision attaquée; le troisième moyen est fondé sur l’interprétation erronée des obligations assumées par la bénéficiaire et sur la violation des règles communautaires relatives au bon fonctionnement du marché, concernant la ligne de production 125, au considérant 7 de la décision attaquée; le quatrième moyen est tiré de la violation et de l’interprétation erronée de la Communication de 1983, concernant la ligne de production 700, au considérant 8 de la décision attaquée; le cinquième moyen se fonde sur la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 4253/88; le sixième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité.

Sur les premier et deuxième moyens, tirés du défaut de motivation et d’une appréciation erronée des faits au considérant 6 de la décision attaquée

Arguments des parties

32
La requérante considère que le considérant 6 de la décision attaquée, selon lequel certaines factures, bien qu’imputées à l’établissement de Portomaggiore, ne concerneraient pas, en réalité, ce centre, est entaché, d’une part, d’un défaut de motivation et, d’autre part, d’une appréciation erronée des circonstances de fait constatées par la Commission.

    Sur la motivation

33
La requérante fait valoir que les circonstances exposées au considérant 6 ne sont nullement de nature à fournir une motivation adéquate conformément aux exigences établies par la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal. À cet égard, elle soutient que le libellé de ce considérant ne permet nullement de déterminer les factures que la Commission a considéré comme irrégulières pour avoir été imputées à un autre établissement.

34
En outre, la requérante prétend que, même en faisant référence à son contexte, la motivation de la décision attaquée est insuffisante. L’annexe 6, point 2, du procès-verbal aurait énuméré un total de sept factures, alors que la lettre du 22 mai 1995 d’ouverture de la procédure d’infraction ne contiendrait pas de précisions à cet égard, se référant uniquement à «certaines factures». Or, la Commission aurait reconnu pour la première fois dans son mémoire en défense (point 36) que les factures contestées dans la décision attaquée n’étaient pas toutes les factures énumérées à ladite annexe 6, point 2, mais seulement trois d’entre elles, à savoir les factures OCME nº 1256/90, du 31 mai 1990, ATLAS COPCO nº 44098, du 3 décembre 1989, et MIT Mantovani nº 107, du 1er octobre 1987, ce qui démontrerait l’incertitude de la motivation de l’acte attaqué.

35
La Commission conteste ces arguments comme étant dénués de fondement. Selon elle, il ressortirait clairement du libellé du considérant 6 que les factures visées dans le cadre de ce grief étaient celles indiquées à ladite annexe 6, point 2, c’est-à-dire celles dont le bordereau de livraison atteste que le matériel a été livré dans un autre établissement ou celles pour lesquelles la requérante n’est pas parvenue à démontrer que le lieu de livraison a été effectivement l’établissement de Portomaggiore, à savoir les factures OCME nº 1256/90, ATLAS COPCO nº 44098 et MIT Mantovani nº 107. En tout état de cause, il serait clair que la requérante a pu identifier, à partir du contexte dans lequel la décision attaquée a été adoptée, les trois factures visées dans le cadre de ce grief, dans la mesure où la requérante a assisté à l’inspection et a activement participé à la procédure administrative en contestant de manière détaillée ce grief à plusieurs reprises.

    Sur l’appréciation des faits

36
La requérante prétend que la Commission a estimé à tort que les factures visées au considérant 6 de la décision attaquée étaient irrégulières du fait qu’elles concernaient un établissement autre que Portomaggiore et que ce fait constituait une cause de suppression du concours. La requérante produit en annexe à son mémoire en réplique, en ce qui concerne les trois factures en cause identifiées par la Commission dans son mémoire en défense, des bordereaux de livraison et d’autres documents justificatifs qui, selon elle, seraient de nature à prouver que la localisation des matériels et travaux en cause a été réellement et effectivement l’établissement de Portomaggiore.

37
Ainsi, la requérante soutient, premièrement, que la facture OCME nº 1256/90, du 31 mai 1990, relative à la modification du programme du palettiseur, n’est pas irrégulière et que le fait que le bordereau de livraison a été adressé à un établissement autre que celui de Portomaggiore – l’établissement de Codigoro – ne résulte que d’une erreur purement matérielle du fournisseur. La facture, le bon de commande du 14 mai 1990 et le rapport technique du service d’assistance de l’entreprise OCME du 30 mai 1990, seraient de nature à prouver que la localisation des travaux a été réellement et effectivement l’établissement de Portomaggiore.

38
Deuxièmement, concernant la facture ATLAS COPCO nº 44098, du 31 décembre 1989, relative à l’achat d’un sélecteur, la requérante admet que le bon de livraison de cet achat n’a pas été retrouvé lors du contrôle et précise qu’une copie a été demandée par la suite au fournisseur. À cet égard, elle produit la facture, le bon de commande et le bon de livraison afin de démontrer que la destination du sélecteur a uniquement été l’établissement de Portomaggiore.

39
Troisièmement, s’agissant de la facture MIT Mantovani nº 107, du 1er octobre 1987, relative à la fourniture et à la mise en œuvre de matériel hydraulique, la requérante expose qu’il s’agit d’une facture régulière relative à des travaux en régie entamés sur le chantier de l’établissement de Portomaggiore. Cela ressortirait des deux bons de livraison du fournisseur et du bon de commande produits.

40
Par ailleurs, la requérante relève que, en tout état de cause, le montant total des trois factures contestées par la Commission, s’élevant à 4 143 120 ITL, s’avère dérisoire par rapport au montant global de l’investissement du projet (2 794 000 000 ITL) et au montant du concours communautaire approuvé par la Commission (697 836 871 ITL).

41
La Commission fait valoir, sur la base de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’irrecevabilité des nouveaux moyens de preuve constitués des factures et des bordereaux de livraison produits par la requérante au stade de la réplique, en raison de leur production tardive et non motivée, et demande qu’ils soient exclus du dossier de l’affaire.

42
La Commission soutient que, en tout état de cause, le considérant 6 de la décision attaquée n’est entaché d’aucune erreur d’appréciation des faits. Dans sa télécopie du 12 septembre 1994, elle aurait déjà formellement demandé à la requérante les originaux des documents justificatifs des dépenses ainsi que les bordereaux de livraison correspondants (points 5 et 9 de la télécopie), ces documents n’ayant été produits ni lors du contrôle ni au cours de la procédure administrative, bien qu’ils aient été annoncés à plusieurs reprises par la requérante. Dès lors, la décision attaquée ne serait entachée d’aucune appréciation erronée, dans la mesure où la Commission ne pouvait tenir compte de ces pièces lors de l’adoption de la décision attaquée, et ce pour des raisons imputables uniquement à la négligence de la bénéficiaire.

43
Lors de l’audience, la Commission a admis que, sous réserve de leur recevabilité, les pièces produites par la requérante dans son mémoire en réplique étaient susceptibles de démontrer que le lieu réel de livraison des matériels et travaux en cause avait été l’établissement de Portomaggiore.

Appréciation du Tribunal

44
Il y a lieu d’examiner, tout d’abord, la motivation dudit considérant, ensuite, la recevabilité des moyens de preuve produits par la requérante au stade de la réplique et, enfin, l’argument de la requérante tiré de l’appréciation erronée de la Commission des circonstances de fait visées dans le cadre de ce grief.

    Sur la motivation

45
Il ressort d’une jurisprudence constante, d’une part, que, en vertu de l’article 253 CE, la motivation d’un acte doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’autorité communautaire, auteur de l’acte incriminé, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d’exercer son contrôle et, d’autre part, que la portée de l’obligation de motivation s’apprécie en fonction de son contexte (arrêts du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T‑551/93, T-231/94 à T-234/94, Rec. p. II-247, point 140; du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, T-216/96, Rec. p. II-3139, ci-après l’«arrêt Conserve Italia I», point 117, et du 11 mars 2003, Conserve Italia/Commission, T-186/00, Rec. p. II-719, ci-après l’ «arrêt Conserve Italia II», point 95).

46
En l’espèce, il y a lieu de relever que le considérant 6 de la décision attaquée, selon lequel certaines factures, bien qu’imputées à l’établissement de Portomaggiore, ne concernaient pas en réalité ce centre, n’énumère pas les factures visées dans le cadre de ce grief. Il résulte, toutefois, du dossier et du contexte dans lequel la décision attaquée a été prise que la requérante a été en mesure d’identifier les trois factures en cause, de contester leur irrégularité ainsi que de comprendre le raisonnement sur lequel se fonde le grief soulevé par la Commission.

47
D’une part, la requérante a disposé d’éléments suffisants pour identifier les factures irrégulières sur la base desquelles la décision attaquée a été prise. La requérante a eu une connaissance précise des sept factures initialement contestées par la Commission au cours du contrôle réalisé en septembre 1994, sur la base de l’annexe 6, point 2, du procès-verbal, où chacune est énumérée.

48
En outre, de ses observations présentées le 3 août 1995, il résulte que la requérante a compris les motifs pour lesquels les sept factures initialement contestées étaient considérées comme irrégulières et le fait que trois d’entre elles – les factures OCME nº 1256, du 31 mai 1990, ATLAS COPCO nº 44098, du 31 décembre 1989, et MIT Mantovani nº 107, du 1er octobre 1987 – étaient contestées en raison soit de l’indication d’un autre destinataire sur un bon de livraison, soit de l’absence des bons de livraison. Ainsi, dans lesdites observations, la requérante a reconnu que le bon de livraison de la facture OCME nº 1256 était adressé à l’établissement de Codigoro et, en ce qui concerne les deux autres factures, elle a admis que les bons de livraison, permettant de justifier le lieu réel de livraison des biens ou travaux en cause, n’avaient pas été retrouvés, ayant annoncé à plusieurs reprises la production d’une copie.

49
Enfin, il y a lieu de noter que la requérante a activement participé, par la suite, à la procédure administrative, ayant eu des entretiens avec les services compétents de la Commission et ayant également présenté des mémoires complémentaires à deux reprises.

50
D’autre part, il y a lieu de relever que, si des doutes ont pu subsister dans l’esprit de la requérante sur les factures visées dans le cadre de ce grief, la requérante a contesté, au cours de la procédure administrative et dans sa requête, l’irrégularité des sept factures énumérées dans l’annexe 6, point 2, du procès-verbal, parmi lesquelles figurent les trois factures identifiées par la Commission dans son mémoire en défense. Ainsi, la circonstance selon laquelle seulement trois d’entre elles sont à la base de la décision attaquée, au lieu des sept initialement contestées lors du contrôle, est sans importance, dès lors que la requérante a pu défendre ses intérêts et contester à tout moment l’irrégularité des factures en cause.

51
Il résulte de ce qui précède que le considérant 6 de la décision attaquée est suffisamment motivé au sens de l’article 253 CE et de la jurisprudence précitée et, par conséquent, que le moyen tiré du défaut de motivation doit être rejeté comme non fondé.

    Sur la recevabilité des nouveaux moyens de preuve

52
L’article 48, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure permet aux parties de faire des nouvelles offres de preuves dans la réplique et la duplique, à condition que ces moyens se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

53
Dans le cas d’espèce, il y a lieu de relever que la requérante a soutenu dans sa requête que les sept factures initialement contestées par la Commission étaient régulières, que la Commission, dans son mémoire en défense, a limité les factures considérées comme irrégulières à trois et que la requérante a produit, au stade de la réplique et après l’identification exacte des factures en cause par la Commission dans son mémoire, les documents justificatifs qu’elle a estimé pertinents en vue d’étayer sa thèse concernant la régularité des trois factures controversées. Partant, la production de ces documents se rapporte aux faits qui se sont révélés pendant la procédure devant le Tribunal et, dès lors, ils ne peuvent être considérés comme irrecevables au sens de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure.

54
Par conséquent, il y a lieu de déclarer la recevabilité de ces pièces et, partant, de rejeter la demande de la Commission visant à leur exclusion du dossier de l’affaire.

    Sur l’appréciation des faits

55
Il résulte du dossier et des affirmations de la Commission dans le cadre de la procédure contentieuse que celle-ci a reproché à la requérante le fait que les trois factures en cause ne concernaient pas l’établissement de Portomaggiore en se basant sur le fait que les bons de livraison y afférents mentionnaient un autre destinataire (facture OCME nº 1256/90, du 31 mai 1990) ou n’avaient pas été retrouvés lors de l’inspection (factures ATLAS COPCO nº 44098, du 31 décembre 1989, et MIT Mantovani nº 107, du 1er octobre 1987).

56
Il y a lieu de relever, d’emblée, que la facture ATLAS COPCO nº 44098 et la facture MIT Mantovani nº 107 indiquent clairement que le lieu de fourniture des biens et des travaux était l’établissement de Portomaggiore. Il importe de noter que l’appréciation de la Commission quant à l’irrégularité de ces factures se fonde exclusivement sur l’absence des bons de livraison y afférents.

57
Or, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne peut être déduit de la simple absence des bons de livraison que les biens et travaux visés par ces factures ont été fournis à un centre autre que celui de Portomaggiore. En effet, une telle circonstance ne peut constituer une preuve suffisante de la thèse de la Commission en l’absence de tout autre élément susceptible de contredire la destination indiquée sur les factures. En outre, les pièces produites par la requérante – les bons de commande et les bons de livraison – confirment que la destination de ces biens et de ces travaux était effectivement l’établissement de Portomaggiore.

58
Par conséquent, il y a lieu de considérer que la Commission a estimé à tort que les factures ATLAS COPCO nº 44098 et MIT Mantovani nº 107 ne concernaient pas l’établissement de Portomaggiore.

59
S’agissant de la facture OCME nº 1256/90, le bon de livraison afférent retrouvé lors du contrôle indiquait un établissement destinataire – le centre de Codigoro – autre que celui indiqué sur la facture – l’établissement de Portomaggiore –, et la requérante a admis cette divergence, en affirmant qu’il s’agissait d’une simple erreur matérielle du fournisseur. Dès lors, compte tenu de la discordance existant entre ces justificatifs et au vu de l’importance déterminante de l’indication de la destination des travaux contenue sur le bon de livraison, la Commission, en l’absence de tout autre élément de preuve fourni par la requérante, était fondée à apprécier que ces travaux ne concernaient pas l’établissement de Portomaggiore.

60
La requérante a produit devant le Tribunal le bon de commande du 14 mai 1990 et le rapport technique du service d’assistance de l’entreprise OCME du 30 mai 1990, en vue de démontrer que la localisation des biens et travaux a réellement été l’établissement de Portomaggiore.

61
Ces documents démontrent que le seul destinataire des travaux a bien été l’établissement de Portomaggiore. Toutefois, il convient de relever que ces pièces ne sont pas de nature à remettre en cause la légalité du considérant 6 de la décision attaquée. En effet, au vu de la discordance existant entre la facture et le bon de livraison afférent, il incombait à la requérante de produire ces pièces lors de la procédure administrative, afin de contester l’appréciation de la Commission.

62
Dès lors, à défaut de production de tels documents durant la phase administrative, la Commission a pu légitimement affirmer dans la décision attaquée, en se basant sur les documents qui étaient à sa disposition lors du contrôle, que cette facture ne concernait pas l’établissement de Portomaggiore. Partant, aucune illégalité ne peut être reprochée à la Commission à l’égard de la facture OCME.

63
Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’appréciation erronée des faits visés au considérant 6 de la décision attaquée est partiellement fondé.

Sur le troisième moyen, tiré de l’interprétation erronée des obligations assumées par la bénéficiaire et de la violation des règles communautaires relatives au bon fonctionnement du marché, concernant la ligne de production 125, au considérant 7 de la décision attaquée

Arguments des parties

64
La requérante considère que le considérant 7 de la décision attaquée, selon lequel la ligne de production de jus et de nectars de fruits (ligne 125) se trouvait dans un état d’abandon complet dès le mois d’août 1992, est dénué de fondement.

65
La requérante rappelle que Massalombarda a traversé diverses vicissitudes, à la suite du placement sous administration judiciaire de Federconsorzi en 1991, qui ont mené à une importante restructuration du groupe, laquelle a donné lieu, dans le centre de Portomaggiore, à l’arrêt temporaire des installations de la ligne 125, en vue de concentrer la production de jus et nectars de fruits à l’unité de Massa Lombarda. Par ailleurs, une mutation des tendances du marché aurait également nécessité de concentrer la stratégie de production de l’entreprise en matière de nectars de fruits, afin de maintenir sa compétitivité sur le marché.

66
Ensuite, la requérante allègue que le grief n’est pas fondé en fait, car les installations de la ligne 125 n’auraient pas fait l’objet d’un «abandon complet», mais d’une simple suspension d’activité, dans la mesure où la ligne aurait été largement utilisée à la suite du financement, où elle aurait continué d’être à la disposition de l’entreprise et où seules des contraintes temporaires auraient imposé sa suspension.

67
La requérante prétend que cette cessation temporaire n’enfreint pas l’engagement, pris par la bénéficiaire lors de la demande du concours, de ne pas détourner l’emploi des équipements installés. Selon la requérante, une interprétation différente de l’engagement en ce sens que cette obligation implique l’impossibilité de toute suspension serait illogique, car elle permettrait de considérer une réduction exagérée de la production comme étant conforme aux dispositions communautaires, contrairement à une cessation temporaire et justifiée par des exigences du marché.

68
La requérante fait également valoir que cet arrêt temporaire des installations est pleinement conforme au critère du bon fonctionnement du marché qui serait à la base de la réglementation communautaire et des principes généraux du droit communautaire. En ce sens, les termes de l’article 3 du règlement nº 355/77 permettraient d’assouplir les conditions des actions financées en tenant compte du fonctionnement et des tendances du marché; en outre, une poursuite de l’activité aurait engendré des pertes non seulement pour l’entreprise mais également pour les producteurs, ce qui aurait constitué une violation de l’article 9 du règlement nº 355/77.

69
Enfin, dans sa réplique, la requérante allègue l’irrecevabilité de l’argument, tiré de la violation d’une prétendue obligation de soumettre les modifications du projet à une autorisation préalable, invoqué par la Commission au stade du mémoire en défense, étant donné que, dans la décision attaquée, aucune référence ni aucun grief n’ont été formulés à l’encontre de la bénéficiaire en ce sens.

70
La Commission prétend que le moyen soulevé par la requérante est dénué de fondement en fait et, en outre, qu’il se fonde sur une interprétation totalement erronée du règlement nº 355/77 et des engagements contractés formellement par la bénéficiaire. Selon la Commission, tant la suspension de la ligne que la décision de la transférer vers un autre établissement seraient des circonstances propres à dénaturer totalement le projet approuvé par la Commission, qui constitueraient une violation des dispositions du règlement nº 355/77, notamment de son article 10, sous c) – comme elle l’a précisé lors de l’audience –, une violation de l’obligation de ne pas détourner les installations et une violation de l’obligation de notification et d’autorisation préalable. À cet égard, la Commission allègue que l’invocation de l’obligation de notification préalable ne constitue pas un nouveau grief à l’encontre de la requérante, mais vise simplement à répondre aux arguments de celle-ci sur la conformité de la cessation de l’activité et le transfert de la ligne avec les dispositions communautaires.

Appréciation du Tribunal

71
La requérante fait notamment valoir que le grief visé au considérant 7 n’est pas fondé, car la ligne n’aurait pas été abandonnée, et, en outre, que la suspension de la ligne 125 est pleinement conforme aux objectifs poursuivis par le traité CE et le règlement nº 355/77 ainsi qu’aux obligations assumées par la bénéficiaire lors de l’octroi du concours.

72
En premier lieu, l’argument de la requérante selon lequel le grief serait entaché d’une appréciation erronée des faits, car la cessation de la ligne n’aurait pas constitué un «abandon complet» de l’installation, ne peut être retenu.

73
Il ressort du point 11 du procès-verbal que la ligne n’a pas été utilisée depuis août 1992 selon les déclarations des responsables de l’établissement. En outre, la requérante n’a pas nié dans sa requête le fait que la ligne a été effectivement suspendue pendant plus de deux ans. Enfin, comme le soutient à juste titre la Commission, la requérante n’a produit aucun élément de preuve, tel que des statistiques ou des données de production, de nature à démontrer que cette ligne a fait l’objet d’une utilisation quelconque pendant cette période de deux ans.

74
Dès lors, le fait que l’installation en cause a été maintenue à la disposition de l’entreprise et en bon état de fonctionnement et qu’un essai de fonctionnement de la ligne ait été fait durant l’inspection est sans intérêt, car ces circonstances ne sont pas de nature à contredire le fait que la ligne n’a été nullement utilisée pendant plus de deux ans. Par conséquent, indépendamment des termes employés par la Commission dans la décision attaquée, la Commission n’a commis aucune appréciation erronée des faits visés au considérant 7 de la décision attaquée.

75
En deuxième lieu, il convient d’examiner le bien-fondé de la thèse de la requérante, selon laquelle la suspension de la ligne, étant un choix d’entreprise justifié par les tendances du marché et par la situation de l’entreprise qui relèverait de la sphère d’autonomie dont dispose un entrepreneur pour organiser sa production, est conforme aux objectifs du traité CE et du règlement nº 355/77 ainsi qu’aux obligations assumées par la bénéficiaire lors de l’octroi du concours.

76
Il y a lieu de relever, préalablement, que, le transfert de la ligne n’ayant pas été réalisé, le Tribunal n’a pas à se prononcer sur cette question.

77
Aux termes de l’article 10, sous c), du règlement n° 355/77, les projets doivent «contribuer à l’effet économique durable de l’amélioration de la structure poursuivie par les programmes». Aux termes de son article 9, paragraphe 1, «les projets doivent contribuer à l’amélioration de la situation des secteurs de production agricole de base concernés». Le quatrième considérant du règlement n° 355/77 précise que, «pour bénéficier du financement communautaire, les projets doivent permettre notamment d’assurer tant l’amélioration et la rationalisation des structures de transformation et de commercialisation des produits agricoles qu’un effet positif durable sur le secteur agricole». Il en découle que la mise en œuvre du projet en cause et sa contribution à un effet positif durable sur les structures de transformation et de commercialisation des jus et nectars de fruits constituent une obligation fondamentale qui pèse sur la requérante en raison de l’octroi du concours.

78
Par ailleurs, en vertu de l’engagement assumé dans la lettre de demande de concours présentée par la bénéficiaire, la requérante est tenue, d’une part, de «ne pas détourner les machines et autres équipements installés dans le complexe en question de l’utilisation prévue, et ce durant une période d’au moins cinq ans à compter de la date de vérification du bon fonctionnement», et, d’autre part, de soumettre à la Commission les modifications introduites dans le projet approuvé en vue de son autorisation préalable, conformément à la décision d’octroi. À cet égard, la requérante ne peut valablement invoquer l’irrecevabilité de l’argument de la Commission relatif à la violation de cette dernière obligation, puisque celle-ci fait partie des conditions liées à l’octroi du concours et est à la base du système du FEOGA, tel qu’il ressort de l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 4253/88, comme le rappelle la décision attaquée qui établit clairement, au considérant 22, que les irrégularités constatées affectent les conditions de mise en œuvre du projet et, au considérant 24, que, dans un tel cas, l’absence de notification et d’autorisation préalable de la Commission peut impliquer la suspension ou la réduction du concours.

79
Le Tribunal estime qu’une période de suspension de plus de deux ans de la ligne 125, qui constitue 97 % de l’investissement global du projet approuvé, constitue une violation des dispositions réglementaires et des obligations précitées.

80
Tout d’abord, il y a lieu de noter qu’un entrepreneur est certes libre d’organiser la politique industrielle de son entreprise et l’emploi de ses installations et, en particulier, de décider de la cessation d’une production quand le marché ou les contraintes subies par l’entreprise l’exigent. Cependant, lorsqu’un entrepreneur demande un concours communautaire pour une action spécifique, il assume, conformément aux dispositions du règlement nº 355/77, précitées, et, en l’espèce, à l’article 10, sous c), l’obligation d’accomplir correctement l’action financée et d’obtenir les résultats prévus. Or, une période de plus de deux ans d’inactivité de la principale ligne financée par le projet empêche, en principe, le projet d’avoir l’effet économique durable poursuivi et l’obtention des résultats escomptés selon le règlement nº 355/77. Dès lors, la Commission a pu raisonnablement apprécier qu’une telle suspension constituait une violation de l’article 10, sous c), du règlement nº 355/77.

81
Par ailleurs, il importe de souligner que les contraintes temporaires, dues à l’évolution du marché et à la rationalisation de l’entreprise, auxquelles à dû faire face la requérante relèvent intrinsèquement du risque commercial normal qu’un opérateur économique normalement informé devait pouvoir prévoir. Partant, ces circonstances ne sauraient être invoquées pour éluder l’application du règlement nº 355/77.

82
Ensuite, vu l’ampleur et l’importance de l’investissement du projet affecté par la cessation d’activité (97 %), il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a pu valablement considérer que cette circonstance constituait une «modification» du projet qui devait faire l’objet d’une notification et d’une autorisation préalable, conformément à la lettre accompagnant la décision d’octroi. Or, la requérante n’a communiqué aucune information à la Commission sur la réorganisation qu’elle a entreprise ni sur la décision de suspendre la ligne en cause.

83
Comme la Commission l’a affirmé à juste titre, elle est seule compétente pour examiner si les projets répondent aux conditions de l’action et à la réglementation communautaire, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, du règlement nº 355/77 et à l’article 14, paragraphe 3, du règlement nº 4253/88. Dès lors, la requérante ne peut valablement affirmer que la suspension de la ligne était conforme au critère du bon fonctionnement du marché, visé à l’article 3 du règlement nº 355/77, et que la poursuite des activités aurait constitué une violation de l’article 9 du règlement nº 355/77, à défaut de toute communication et de confirmation de la part de la Commission.

84
Enfin, l’obligation de ne pas détourner l’utilisation des installations assumée par la bénéficiaire vise à interdire tout emploi ou utilisation étrangers des éléments financés pendant une période de cinq ans. Dès lors, cette condition doit être interprétée comme ayant pour objet d’assurer que le projet approuvé et la réalisation de l’action financée ne soient pas vidés de leur contenu par une utilisation des installations différente de celle initialement établie. En l’espèce, l’absence d’activité de la ligne 125 à partir du mois d’août 1992 constitue une utilisation incorrecte de l’installation qui a interrompu ce délai de cinq ans et, par conséquent, une violation de l’obligation de ne pas détourner l’utilisation des installations.

85
Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas interprété de manière erronée les obligations assumées par la bénéficiaire ni commis une violation des règles communautaires relatives au bon fonctionnement du marché concernant la ligne de production 125.

86
Dès lors, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation et de l’interprétation erronée de la Communication de 1983, concernant la ligne de production 700, au considérant 8 de la décision attaquée

Arguments des parties

87
La requérante soutient que le considérant 8 de la décision attaquée, selon lequel la ligne 700 aurait été «essentiellement» utilisée pour le conditionnement de produits à base de tomate en violation de l’exclusion énoncée au point B.5, paragraphe 21, de la Communication de 1983, est dépourvu de fondement, car les faits reprochés ne correspondent pas à la réalité et il n’y a eu aucune violation de ladite Communication.

88
En premier lieu, la requérante soutient que la ligne 700 n’a pas été «essentiellement» mais «exceptionnellement» utilisée pour ledit conditionnement. À cet égard, elle fait valoir que la campagne de la tomate se déroule uniquement pendant 40 jours environ, aux mois d’août et de septembre, et que, par conséquent, ce n’est que durant cette très brève période et en raison de l’impossibilité d’absorber cette production dans les autres établissements de la bénéficiaire que cette ligne a été ponctuellement utilisée pour le conditionnement de jus de tomates. En dehors de cette période d’utilisation exceptionnelle, la ligne a été utilisée conformément au projet de production de jus et nectars de fruits.

89
En deuxième lieu, la requérante prétend qu’il n’est pas possible de parler de «détournement» dans les cas d’installations polyvalentes, telle la ligne 700. Lorsqu’une ligne est intrinsèquement polyvalente, il faudrait considérer que les dispositions communautaires n’ont pas été violées lorsqu’elle est utilisée pour la destination prévue dans le projet et, seulement de manière exceptionnelle, pour des travaux saisonniers.

90
En tout état de cause, la requérante souligne que les investissements effectués sur la ligne 700, en vue de l’adapter technologiquement à la ligne 125, ne s’élèvent qu’à 3 % (88 358 690 LIT) du montant total du projet d’investissement (2 822 619 947 LIT), ce qui est un montant très modeste.

91
Dans sa réplique, la requérante conteste la valeur probante du procès-verbal invoqué par la Commission. D’une part, elle en conteste les termes dans la mesure où un contrôle de quatre jours, dont un seul à l’établissement de Portomaggiore, ne pouvait pas permettre aux agents de la Commission d’établir que la ligne a été incorrectement utilisée «depuis» le mois d’août 1992. D’autre part, la requérante soutient que ce constat ne fait pas foi des actions de la bénéficiaire et est dénué de force probante, étant donné que ce document a été rédigé par les agents de la Commission et que la bénéficiaire s’est limitée à le contresigner au titre d’une simple réception formelle du document, et non pour acceptation de son contenu.

92
La Commission considère que le présent moyen est totalement dénué de fondement. Il ressortirait clairement du dossier et du procès-verbal que l’établissement de Portomaggiore a poursuivi l’activité de conditionnement des produits dérivés de la tomate depuis le mois d’août 1992. Par ailleurs, le procès-verbal reproduirait avec exactitude ce qui a été effectivement constaté durant l’inspection, ce que la requérante ne contesterait que pour la première fois au stade de la réplique. Par conséquent, l’interprétation défendue par la requérante quant au prétendu caractère inopposable du document serait sans intérêt.

Appréciation du Tribunal

93
S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’utilisation de la ligne 700 pour les produits dérivés de la tomate n’a été qu’«exceptionnelle» et non «essentielle», il convient de constater, en premier lieu, qu’il ressort du point 10 du procès-verbal que, depuis le mois d’août 1992, la bénéficiaire a «essentiellement» utilisé cette ligne pour la transformation de produits dérivés de la tomate. La requérante conteste, cependant, les termes du procès-verbal, dans la mesure où il serait dénué de force probante.

94
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour apprécier la force probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue, tenir compte de l’origine du document et des circonstances de son élaboration et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491, point 1838). Or, en l’espèce, le procès-verbal ayant été établi immédiatement après le contrôle et ayant été dûment signé par tous les représentants de la bénéficiaire et les fonctionnaires de la Commission et de l’administration italienne présents au contrôle, sa valeur probante et la vraisemblance de l’irrégularité constatée ne sauraient raisonnablement être mises en doute.

95
En outre, il ne résulte pas dudit document que la requérante a contesté ou soulevé des remarques, lors du contrôle, en ce qui concerne les faits reprochés dans le procès-verbal. En effet, il découle de la réserve exprimée par la requérante, au dernier paragraphe du procès-verbal concernant l’envoi des «renseignements complémentaires sur ce qui y est exposé», qu’elle s’est limitée à s’assurer de la possibilité de fournir des informations complémentaires et qu’elle n’a pas nié les constatations effectuées, comme le soutient à juste titre la Commission. Dès lors, la thèse avancée par la requérante selon laquelle ce constat ne ferait pas foi des actions de la bénéficiaire, dès lors que, par sa signature, elle n’aurait pas accepté son contenu et aurait soutenu, au cours de la procédure administrative, que l’utilisation de la ligne pour le conditionnement de tomates était exceptionnelle, ne peut affecter la force probante dudit document.

96
En deuxième lieu, il découle de l’accord syndical, signé en mai 1992 et produit par la bénéficiaire dans ses observations présentées le 3 août 1995, que, à cette époque, il a été décidé que l’établissement de Portomaggiore allait poursuivre la production de produits dérivés de la tomate après la restructuration du groupe. Or, un tel document constitue un indice pertinent au soutien de la thèse de la Commission, quand bien même il ne serait pas de nature à démontrer que ce fait a effectivement eu lieu.

97
En troisième lieu, la requérante n’a pas rapporté d’éléments de preuve, tels que des rapports de production ou des statistiques des produits transformés dans la ligne, pour la période postérieure au mois d’août 1992, de nature à démontrer que, à l’exception de la courte période de la campagne de la tomate, la ligne 700 a été essentiellement utilisée durant le reste de l’année pour le conditionnement de jus de fruits.

98
Dès lors, l’argument de la requérante tiré de la brièveté de la campagne de la tomate et, partant, de l’utilisation ponctuelle de la ligne pour un tel conditionnement ne peut être retenu. Par conséquent, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis une appréciation erronée des faits au considérant 8 de la décision attaquée.

99
S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Communication de 1983 n’aurait pas été violée et, le cas échéant, l’irrégularité éventuelle n’aurait eu aucune incidence sur le projet et le concours octroyé, il y a lieu de rappeler que le point B.5, paragraphe 21, de la Communication de 1983 dispose que les «investissements exclus sont ceux visant à une augmentation des capacités de transformation pour les tomates» et que, «[c]ependant, dans des cas tout à fait exceptionnels on peut admettre le financement des investissements à réaliser dans des régions où le revenu des agriculteurs est sensiblement plus bas que la moyenne nationale et où les capacités de transformation sont insuffisantes ou obsolètes».

100
En l’espèce, la requérante invoque le caractère polyvalent de la ligne pour estimer qu’il n’y a pas eu de détournement de l’installation et, par conséquent, que l’interdiction visée au point B.5, paragraphe 21, de la Communication de 1983 n’a pas été violée. Or, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’existence d’un détournement effectif de l’utilisation de la ligne 700, il suffit de rappeler que, comme il a été précisé, la requérante n’a apporté aucune preuve en vue d’étayer la thèse du caractère exceptionnel de l’utilisation de la ligne pour le conditionnement de tomates, n’ayant pas même prouvé que l’installation a eu une utilisation principale autre que la transformation de tomates. Dès lors, cet argument ne peut être retenu.

101
En tout état de cause, quand bien même la requérante aurait fait une utilisation «exceptionnelle» et non pas «essentielle» de la ligne en question, il y a lieu de relever que, dans la mesure où cette utilisation a été faite pour le seul produit du secteur des fruits et légumes dont la transformation est exclue du financement communautaire, ladite utilisation aurait également constitué une violation de la condition à laquelle était soumise la bénéficiaire en vertu de la Communication de 1983. En effet, la seule exception prévue à cette disposition n’ayant pas été invoquée en l’espèce, elle ne peut être retenue.

102
En ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de l’incidence réduite de cette irrégularité au vu du montant limité de l’investissement destiné à cette installation, il y a lieu de noter que l’interdiction établie dans la Communication de 1983 ne prévoit pas d’atténuations ou d’exceptions possibles selon le montant investi.

103
Dès lors, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir estimé que le point B.5, paragraphe 21, de la Communication de 1983 avait été violé en l’espèce.

104
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a commis aucune appréciation erronée des circonstances de fait et de droit au considérant 8 de la décision attaquée et que, par conséquent, le quatrième moyen doit être rejeté.

Sur les cinquième et sixième moyens, tirés de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 4253/88 et de la violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

105
La requérante fait valoir, en premier lieu, que la décision attaquée est contraire à l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 4253/88 du fait qu’il n’y a eu aucune «modification importante» du projet, au sens de la disposition précitée, pouvant donner lieu à une suppression du concours. Les prétendues irrégularités constatées, à supposer qu’elles aient effectivement eu lieu, seraient d’une faible gravité et d’une portée économique très réduite par rapport au montant total de l’investissement et n’auraient pas affecté le bon déroulement et les conditions de l’action, le projet ayant été entièrement réalisé et les bénéfices prévus ayant été obtenus.

106
La requérante prétend, en deuxième lieu, que la décision attaquée viole, en tout état de cause, le principe de proportionnalité.

107
Premièrement, la décision attaquée serait contraire à ce principe du fait que, au vu de la faible gravité des irrégularités prétendument constatées, la Commission a supprimé le concours au lieu de se contenter de le réduire. En outre, la jurisprudence de la Cour exigerait que les institutions appliquent, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures, celle qui serait la moins contraignante pour les administrés.

108
Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte du fait que les violations commises ont été effectuées par une société autre que celle visée par la décision attaquée, de sorte que la mesure frappe une personne étrangère aux faits en cause. Pour ce motif, la décision attaquée ne serait, en soi, ni effective ni dissuasive conformément aux termes établis par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, étant clairement disproportionnée par rapport à la société destinataire de l’acte attaqué.

109
La Commission conteste les arguments avancés par la requérante, comme étant manifestement dénués de fondement. D’une part, l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 4253/88 serait pleinement applicable au cas d’espèce. D’autre part, s’agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité, la requérante n’aurait pas commis de simples irrégularités, mais de graves violations d’engagements essentiels liés à l’octroi du concours. Partant, la suppression serait pleinement justifiée.

Appréciation du Tribunal

110
En premier lieu, il convient d’observer que le système de subventions élaboré par la réglementation communautaire repose sur l’exécution par le bénéficiaire d’une série d’obligations lui donnant droit à la perception du concours financier prévu. Si le bénéficiaire n’accomplit pas toutes ces obligations, l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 4253/88 autorise la Commission à reconsidérer l’étendue des obligations qu’elle assume en vertu de la décision octroyant ledit concours. En l’espèce, comme il a été jugé ci-dessus, la requérante n’a pas accompli les obligations auxquelles elle était tenue en vertu de la décision d’octroi. Ainsi, les irrégularités constatées aux considérants 7 et 8 de la décision attaquée constituent des modifications importantes qui ont affecté les conditions de mise en œuvre du projet et pour lesquelles aucune approbation préalable de la Commission n’a été demandée. Partant, les conditions d’application de l’article 24, paragraphe 2, sont pleinement réunies.

111
En deuxième lieu, s’agissant du principe de proportionnalité, il convient d’observer que, selon une jurisprudence constante, ce principe, consacré par le troisième alinéa de l’article 5 CE, exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir, notamment, arrêt de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25; arrêt du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997, point 144, et arrêt Conserve Italia I, point 101).

112
Conformément à une jurisprudence bien établie, la violation des obligations dont le respect revêt une importance fondamentale pour le bon fonctionnement d’un système communautaire peut être sanctionnée par la perte d’un droit ouvert par la réglementation communautaire, tel que le droit à une aide (arrêts de la Cour du 27 novembre 1986, Maas, 21/85, Rec. p. 3537, point 15, et du 12 octobre 1995, Cereol Italia, C-104/94, Rec. p. I‑2983, point 24; arrêts Conserve Italia I, point 103, et Conserve Italia II, point 84). Par ailleurs, la Cour a confirmé que «la possibilité qu’une irrégularité soit sanctionnée non par la réduction du concours à concurrence du montant correspondant à cette irrégularité, mais par la suppression complète du concours est seule à même de produire l’effet dissuasif nécessaire à la bonne gestion des ressources du FEOGA» (arrêt de la Cour du 24 janvier 2002, Conserve Italia/Commission, C-500/99 P, Rec. p. I-867, point 101).

113
Il résulte de ce qui précède que la suppression d’un concours du FEOGA n’est, en principe, pas disproportionnée lorsqu’il est établi que le bénéficiaire de ce concours a violé une obligation fondamentale pour le bon fonctionnement du FEOGA. C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la décision attaquée.

114
En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, la requérante a suspendu pendant une période de plus de deux ans l’activité de la ligne principalement financée par le concours communautaire (la ligne 125), en violation de l’article 10, sous c), du règlement nº 355/77 ainsi que des obligations de notification préalable et de ne pas détourner les machines de l’utilisation prévue auxquelles la requérante était tenue. En outre, la requérante a utilisé l’autre ligne faisant l’objet du projet financé (la ligne 700) pour la transformation du seul produit exclu du concours.

115
Or, d’une part, il convient de relever que l’objectif de contribuer à une amélioration durable et effective des structures de transformation des produits de jus et nectars de fruits, visé à l’article 10 du règlement nº 355/77, constitue une obligation fondamentale du système FEOGA (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 mars 2003, APOL et AIPO/Commission, T-61/00 et T-62/00, Rec. p. II-635, point 102). Par ailleurs, la Cour a tout récemment souligné qu’il était important que «les demandeurs de concours fournissent à la Commission des informations fiables et non susceptibles d’induire celle-ci en erreur» pour le bon fonctionnement du système permettant le contrôle d’une utilisation adéquate des fonds communautaires (arrêt Conserve Italia/Commission, précité, point 100). Enfin, le respect de l’obligation de ne pas détourner de l’utilisation prévue les installations, ayant fait l’objet d’un engagement explicite et exprès de la part de la requérante lors de la demande du concours, il y a lieu de relever qu’elle constitue une mesure essentielle pour assurer l’exécution correcte de l’action financée, qui n’a pas été non plus observée.

116
D’autre part, l’utilisation de la ligne 700 pour le seul produit du secteur des fruits et légumes dont la transformation est totalement exclue du financement communautaire, exclusion s’imposant à la requérante, constitue également une violation des conditions essentielles du concours octroyé.

117
En outre, il importe de noter que, conformément aux affirmations de la requérante (requête, point 40), les irrégularités visées aux considérants 7 et 8 de la décision attaquée ont affecté 100 % du montant total de l’investissement approuvé et du concours communautaire octroyé (97 % correspondant à la modernisation de la ligne 125 et 3 % à la ligne 700). Dès lors, ces irrégularités concernent la totalité du concours communautaire versé.

118
Par conséquent, de telles actions constituent la violation d’obligations dont le respect est d’une importance fondamentale pour le bon fonctionnement du système FEOGA, et la Commission n’a pas dépassé les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour garantir le bon fonctionnement du système en considérant que de telles violations justifiaient la suppression du concours.

119
Enfin, l’argument avancé par la requérante selon lequel la suppression du concours est disproportionnée, au motif qu’elle n’est pas l’entreprise responsable des irrégularités constatées, ne peut être accueilli. Comme le Tribunal l’a relevé dans l’arrêt Conserve Italia I (point 107), la requérante a acquis les droits et obligations de la bénéficiaire à la suite du rachat évoqué au point 20 ci-dessus.

120
Par conséquent, il y a lieu de conclure que le principe de proportionnalité n’a pas été violé.

121
Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter les moyens tirés de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement nº 4253/88 et de la violation du principe de proportionnalité.


Conclusion

122
Bien que le moyen tiré de l’appréciation erronée des faits visés au considérant 6 de la décision attaquée soit partiellement fondé en ce qui concerne les factures ATLAS COPCO nº 44098 et MIT Mantovani nº 107, les irrégularités visées aux considérants 7 et 8 de la décision attaquée sont d’une gravité telle qu’elles justifient à elles seules la décision de la Commission de supprimer le concours.

123
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours.


Sur les dépens

124
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission.

García-Valdecasas

Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 décembre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1
Langue de procédure: l'italien.