Language of document : ECLI:EU:T:2014:843

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

30 septembre 2014 (*)

 « Marque communautaire – Procédure de déchéance – Marque communautaire verbale LAMBRETTA – Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑132/12,

Scooters India Ltd, établie à Lucknow (Inde), représentée par M. B. Brandreth, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Brandconcern BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes G. Casucci et N. Ferretti, avocats,

ayant pour objet un recours en annulation formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 12 janvier 2012 (affaire R 2308/2010‑1), relative à une procédure de déchéance entre Brandconcern BV et Scooters India Ltd,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur) et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mars 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 3 juillet 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17 juillet 2012,

à la suite de l’audience du 4 avril 2014,

vu la demande de réouverture de la procédure orale de l’intervenante déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Scooters India Ltd, est titulaire de la marque communautaire verbale LAMBRETTA, demandée le 19 avril 2000 et enregistrée le 11 septembre 2001 sous le numéro 1618982 par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Les produits pour lesquels la marque communautaire a été enregistrée relèvent des classes 6, 7 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 6 : « Badges et enseignes métalliques, baguettes, barres, tubes et tuyaux métalliques ; câbles et fils non électriques ; câbles et fils métalliques non électriques ; serrurerie et quincaillerie métalliques ; écrous et boulons ; vis, plaques, rondelles et rivets ; boîtes et récipients métalliques ; réservoirs d’essence ; serrures, cadenas et clés ; chaînes, chaînes de sécurité ; ressorts » ;

–        classe 7 : « Moteurs ; alternateurs ; roulements à billes et à rouleaux ; dynamos, garnitures de freins et chaussures ; carburateurs ; convertisseurs catalytiques ; embrayages, câbles de commande ; carters-moteurs, arbres à manivelle et manivelles ; cylindres et têtes de cylindres, dynamos et générateurs ; bougies d’allumage et bougies de préchauffage ; vérins pour véhicules ; graisseurs ; magnétos ; pistons, cylindres ; têtes de cylindres ; bielles ; régulateurs de vitesse ; ressorts ; démarreurs pour moteurs » ;

–        classe 28 : « Jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport non compris dans d’autres classes ».

3        Le 19 novembre 2007, l’intervenante, Brandconcern BV, a introduit une demande en déchéance de la marque LAMBRETTA, sur le fondement de l’article 50, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenu article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009], pour tous les produits visés au point 2 ci-dessus, en invoquant l’absence d’usage sérieux de ladite marque pendant une période ininterrompue de cinq ans.

4        Le 24 septembre 2010, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque LAMBRETTA pour tous les produits pour lesquels elle avait été enregistrée, avec effet au 19 novembre 2007.

5        Le 23 novembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation, limité aux produits des classes 6 et 7.

6        Par décision du 12 janvier 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que les éléments de preuve apportés par la requérante n’étaient pas suffisants pour démontrer un usage sérieux de la marque LAMBRETTA.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens exposés par elle devant la chambre de recours et devant le Tribunal.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par elle devant la chambre de recours et devant le Tribunal.

 En droit

 Sur la demande de réouverture de la procédure orale

10      Le 23 avril 2014, l’intervenante a présenté une demande visant à la tenue d’une nouvelle audience et, à titre subsidiaire, à lui permettre de soumettre des observations écrites. Elle fait valoir, en substance, qu’elle n’a pas reçu la convocation à l’audience. Ce n’est que l’après-midi du 4 avril 2014, à l’occasion de l’audience dans l’affaire Scooters India/OHMI – Brandconcern (LAMBRETTA) (T‑51/12), impliquant les mêmes parties, qu’elle aurait appris que l’audience dans la présente affaire avait été tenue à 9 h 30 le même jour.

11      Il convient de relever, à cet égard, que, dans son mémoire en réponse, l’intervenante, dûment représentée, a consenti à ce que des significations lui soient adressées par télécopie. Dès lors, la convocation à l’audience et le rapport d’audience ont été signifiés par télécopie respectivement le 3 février et le 5 mars 2014 au numéro indiqué par les représentants de l’intervenante. Pour chacune de ces significations, le greffe a obtenu un rapport de transmission indiquant que cette dernière avait été correctement assurée.

12      Dans ces circonstances, il convient de rejeter l’affirmation des représentants de l’intervenante selon laquelle celle-ci n’est pas responsable du défaut de comparution à l’audience au motif que les communications des 3 février et 5 mars 2014 n’ont jamais été réceptionnées par le cabinet d’avocats. En effet, dès lors que l’intervenante a consenti à ce que des significations lui soient adressées au numéro de télécopieur indiqué par ses représentants, les rapports confirmant la transmission produits par le greffe font foi de la signification effective au destinataire, sous réserve de la preuve contraire. Or, dans sa demande de réouverture de la phase orale de la procédure, l’intervenante n’a pas fait état de circonstances susceptibles de remettre en cause l’exactitude des rapports confirmant la transmission des deux communications susvisées.

13      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter la demande de réouverture de la procédure orale, présentée par l’intervenante.

 Sur le fond

14      La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, au soutien duquel elle fait valoir trois griefs.

15      Il ressort de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, et de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009 que le titulaire d’une marque communautaire est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’OHMI, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée et qu’il n’existe pas de juste motif pour son non-usage.

16      Selon la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié au Recueil, point 54, et la jurisprudence citée].

17      Par son premier grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours a examiné les éléments de preuve déposés devant elle de manière isolée et non conjointement avec les éléments déjà produits devant la division d’annulation, dont notamment la déclaration de M. W., président du Lambretta Club of Great Britain.

18      L’OHMI et l’intervenante réfutent ces arguments. Selon eux, d’une part, la requérante n’a pas contesté devant la chambre de recours la constatation de la division d’annulation, aux points 33 et 34 de sa décision \/, selon laquelle, en substance, les éléments de preuve se rapportant à l’usage de la marque LAMBRETTA par le Lambretta Club of Great Britain n’étaient pas de nature à démontrer une relation commerciale dans le sens d’une coopération mutuelle, de sorte que lesdits éléments n’étaient pas de nature à démontrer un usage sérieux de la marque. Par conséquent, ce grief de la requérante ne serait pas recevable devant le Tribunal. D’autre part, cette constatation de la division d’annulation serait pleinement justifiée sur le fond.

19      À cet égard, premièrement, il est exact, ainsi que le soutiennent l’OHMI et l’intervenante, que la requérante n’a pas expressément contesté, devant la chambre de recours, les constatations relatives aux preuves se rapportant au Lambretta Club of Great Britain, faites par la division d’annulation aux points 33 et 34 de sa décision \/. Néanmoins, il ressort de la motivation du recours présenté par la requérante devant la chambre de recours, que la requérante, en invoquant les preuves produites précédemment, a nécessairement entendu contester lesdites constatations.

20      En effet, la requérante a fait valoir, dans la motivation de son recours devant la chambre de recours, qu’elle avait « produit des preuves […] démontrant un usage sérieux de la marque […], pour les produits énumérés dans les classes 6 et 7 » et que, « s’agissant des produits relevant des classes 6 et 7, [elle] maint[enait] entièrement les arguments exposés précédemment […] et demand[ait] à la chambre de recours de reconsidérer les preuves et les arguments produits […] et de réformer la décision […] de la division d’annulation ». Cela implique une contestation des constatations opérées par la division d’annulation aux points 33 et 34 de sa décision.

21      En outre, la requérante a fait valoir, devant la chambre de recours, que les pièces produites avaient été appréciées de manière excessivement stricte, « étant donné que les preuves précédentes avaient été soumises avec une déclaration de témoin explicative par M. [W.] ». Cette affirmation fait apparaître clairement que la requérante a continué à se prévaloir, devant la chambre de recours, des preuves précédemment fournies et, en particulier, de la déclaration de M. W.

22      Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent l’OHMI et l’intervenante, la requérante est recevable à invoquer devant le Tribunal ces éléments de preuve, ainsi que le grief tiré du défaut de leur prise en compte par la chambre de recours.

23      Deuxièmement, à supposer même que la requérante n’ait pas expressément mis en cause l’appréciation, par la division d’annulation, des preuves qu’elle avait produites dans la procédure devant cette unité et, notamment, de la déclaration de M. W., ainsi que le prétend l’OHMI, cette circonstance n’aurait pas été de nature à dispenser la chambre de recours de son obligation de procéder à sa propre appréciation de ces preuves.

24      En effet, il ressort de la jurisprudence que l’étendue de l’examen que la chambre de recours est tenue d’opérer à l’égard de la décision faisant l’objet du recours n’est pas, en principe, déterminée par les moyens invoqués par la partie ayant formé le recours. Dès lors, même si la partie ayant introduit le recours n’a pas soulevé un moyen spécifique, la chambre de recours est néanmoins obligée d’examiner, à la lumière de tous les éléments de droit et de fait pertinents, si une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision faisant l’objet du recours peut ou non être légalement adoptée au moment où il est statué sur le recours [arrêt du Tribunal du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE), T‑308/01, Rec. p. II‑3253, point 29].

25      Troisièmement, il convient de rappeler que, pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 42, et MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 36]. Il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (arrêt de la Cour du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, non publié au Recueil, point 36).

26      Or, en l’espèce, après avoir examiné la recevabilité des nouvelles preuves déposées par les deux parties devant elle (points 16 à 23 de la décision attaquée) et exposé les dispositions régissant la procédure en déchéance et la jurisprudence qui y est relative (points 24 à 29 de la décision attaquée), la chambre de recours a exclusivement présenté (point 30 de la décision attaquée) et apprécié (points 31 à 39 de la décision attaquée) lesdites nouvelles preuves. En revanche, elle n’a même pas mentionné les preuves antérieurement produites devant la division d’annulation. Par ailleurs, la chambre de recours n’a pas non plus, de manière générale, fait sienne l’appréciation opérée par la division d’annulation.

27      Dans ces conditions, il convient d’accueillir le premier grief soulevé par la requérante et de constater que la chambre de recours a violé son obligation, rappelée au point 25 ci-dessus, de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.

28      L’appréciation opérée par la chambre de recours étant ainsi viciée dans son ensemble, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deux autres griefs invoqués par la requérante.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante. Il convient de rappeler, à cet égard, que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables.

30      L’intervenante ayant succombé dans ses conclusions, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 12 janvier 2012 (affaire R 2308/2010‑1) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens et ceux exposés par Scooters India Ltd, y compris aux fins de la procédure \/devant la chambre de recours.

3)      Brandconcern BV supportera ses propres dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.