Language of document : ECLI:EU:T:2009:43

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

2 mars 2009 (*)

« Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑373/04 DEP,

Éric Fries Guggenheim, agent temporaire du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, demeurant à Thessalonique (Grèce), représenté par Me M.-A. Lucas, avocat,

partie requérante,

contre

Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop), représenté par Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’arrêt du Tribunal du 25 juillet 2006, Fries Guggenheim/Cedefop (T‑373/04, RecFP p. I‑A‑2‑169 et II‑A‑2‑819),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 septembre 2004, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation des décisions du directeur du Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) du 28 janvier 2004, relatives à la nomination de chefs d’aire d’activités (Heads of Area).

2        Par son arrêt du 25 juillet 2006, Fries Guggenheim/Cedefop (T‑373/04, RecFP p. I‑A‑2‑169 et II‑A‑2‑819), le Tribunal a annulé les décisions attaquées et condamné le Cedefop aux dépens.

3        Par lettre du 28 avril 2008 adressée au représentant du Cedefop, l’avocat du requérant a demandé le remboursement de 16 069,45 euros au titre des dépens. Ce montant se décomposerait en 869,45 euros de frais et en 15 200 euros représentant 76 heures de prestations à 200 euros l’heure.

4        Par lettre du 9 juin 2008, la directrice du Cedefop a refusé cette demande et a indiqué que, le 25 mai 2007, le Cedefop avait versé au requérant le montant de 3 080,77 euros, à la suite de la présentation d’une facture provenant de son avocat en date du 23 février 2006, faisant état d’un tarif de 75 euros l’heure.

5        Par lettre du 19 juin 2008, l’avocat du requérant a répondu en expliquant que le tarif de 75 euros l’heure était un tarif préférentiel appliqué à titre provisoire à l’Union syndicale, organisation syndicale de fonctionnaires européens au sens de l’article 24 bis du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), qui aurait assumé d’acquitter les honoraires relatifs à la présente affaire au profit du requérant. En effet, selon une pratique constante régissant les relations entre l’avocat du requérant et l’Union syndicale, en cas de succès, ledit avocat établit un décompte définitif en appliquant un tarif plus élevé que celui appliqué à titre provisoire.

6        Par lettre du 24 juillet 2008, le directeur adjoint du Cedefop a confirmé le refus de verser à l’avocat du requérant la somme réclamée en ajoutant que le Cedefop rembourserait tout paiement effectué par le requérant ou l’Union syndicale au titre de dépens de l’affaire en question.

7        Par lettre du 20 août 2008 adressée à la représentation de l’Union syndicale au Cedefop, l’avocat du requérant a réclamé le paiement de 10 060,80 euros. Ce montant résulterait, selon les calculs de l’avocat du requérant, de la soustraction de deux montants de la somme totale de 16 069,45 euros. Il s’agit premièrement, du montant de 3 080,77 euros (voir point 4 ci-dessus) et, deuxièmement, d’un montant de 2 888,45 euros, au titre d’une facture datée du 28 septembre 2004, que le Cedefop aurait promis d’acquitter dans la lettre du 24 juillet 2008.

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 août 2008, le requérant a formé une demande de taxation des dépens dans laquelle il invite le Tribunal à fixer, en application de l’article 92 de son règlement de procédure, le montant des dépens à rembourser à 16 069,45 euros et à ordonner au Cedefop de lui payer cette somme diminuée de tout montant déjà versé par le Cedefop à l’Union syndicale ou à lui.

9        Dans ses observations, déposées au greffe du Tribunal le 13 novembre 2008, le Cedefop a conclu au rejet de cette demande comme irrecevable et, en tout état de cause, à la fixation des dépens récupérables à un montant ne dépassant pas 7 500 euros, desquels il conviendrait de soustraire les 3 080,77 euros déjà remboursés.

10      Par lettre du 27 novembre 2008, le requérant a informé le Tribunal qu’une somme de 10 060,80 euros aurait été versée à son avocat par l’Union syndicale le 16 septembre 2008. Par la même lettre, le requérant a demandé, à titre de mesure d’organisation de la procédure, le versement au dossier d’un courrier, daté du 26 septembre 2008, adressé à la directrice du Cedefop et demandant le remboursement de cette somme. Le requérant a aussi demandé le versement au dossier d’un document daté du 18 novembre 2008 contenant la réponse du Cedefop à cet égard, selon laquelle ce dernier refuse de donner une suite favorable à la demande de remboursement au motif que la présente procédure de taxation des dépens était déjà en cours.

11      Par lettre du 17 décembre 2008, le Cedefop a fait part au Tribunal de son opposition au versement au dossier des documents relatés au point précédent au motif qu’ils n’étaient pas pertinents aux fins de l’appréciation de la présente demande. En effet, premièrement, ces documents ne feraient pas état de faits nouveaux justifiant leur versement et, deuxièmement, l’Union syndicale, qui aurait payé les frais, n’était pas partie au litige. Or, l’article 91, sous b), du règlement de procédure ne concernerait que des frais indispensables exposés par les parties intéressées, en l’occurrence le requérant.

12      Par décision du président de la huitième chambre du Tribunal du 29 janvier 2008, la demande du requérant a été acceptée et les documents visés au point 10 ci-dessus ont été versés au dossier.

 En droit

 Arguments des parties

13      En se référant à la correspondance de son avocat avec le Cedefop, le requérant expose les honoraires et les frais relatés au point 3 ci-dessus et précise qu’ils concernent l’ensemble de la procédure devant le Tribunal, c’est-à-dire la rédaction du recours, la rédaction de la réplique, la réponse aux questions écrites du Tribunal, la participation à l’audience et les observations déposées à la suite de l’audience.

14      En outre, s’agissant du taux horaire de 200 euros, le requérant expose que celui-ci se justifie au regard de l’importance de l’affaire sous l’angle du droit communautaire, de sa difficulté compte tenu de la nature et de l’objet du litige, de l’intérêt économique et de l’intérêt de principe de l’affaire.

15      Le requérant estime qu’il résulte de la lettre du 24 juillet 2008 (voir point 6 ci-dessus) que le Cedefop n’accepte pas de payer la somme qu’il lui réclame au titre de dépens. Il considère également que le Cedefop accepte de verser uniquement les montants facturés à titre provisoire les 28 septembre 2004 et 23 février 2006 au taux de 75 euros l’heure (voir points 4 et 7 ci-dessus).

16      Or, cette position, qui équivaudrait à limiter les obligations du Cedefop aux honoraires convenus entre le requérant, l’Union syndicale et le représentant du requérant, ne serait pas conforme à la jurisprudence, selon laquelle, en statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un éventuel accord conclu entre la partie intéressée et ses agents ou conseils. Le requérant ajoute que, en tout état de cause, il n’a pas été convenu que les prestations de son avocat seraient en définitive valorisées à 75 euros l’heure, puisque ce taux n’était facturé qu’à titre provisoire et était susceptible d’être majoré en cas de succès.

17      Le Cedefop fait valoir, tout d’abord, que la requête à l’origine du présent litige ne contient pas d’explication permettant de comprendre les motifs pour lesquels les sommes réclamées constituent des frais indispensables aux fins de la procédure au sens de l’article 91, sous b), du règlement de procédure du Tribunal. Dans ces conditions, la demande litigieuse devrait être déclarée irrecevable.

18      Ensuite, le Cedefop observe, d’une part, que le montant réclamé par le requérant constitue, à concurrence de 10 069,45 euros, une sorte de commission de succès que ce dernier entend rétroactivement présenter comme constituant des dépens et, d’autre part, que le montant total de 16 069,45 euros est issu d’une convention entre le requérant, son avocat et l’Union syndicale dont le contenu n’est pas déterminant dans le cadre d’une procédure de taxation des dépens.

19      Dans ce contexte, le Cedefop estime que, eu égard à l’importance, à la difficulté, à l’ampleur du travail requis et à l’intérêt économique réduits de l’affaire, le montant des dépens récupérables ne devrait pas être supérieur à 7 500 euros au total.

 Appréciation du Tribunal

20      S’agissant de la fin de non-recevoir soulevée par le Cedefop (voir point 17 ci-dessus), il suffit de relever que, ainsi qu’il est indiqué au point 13 ci-dessus, le requérant a exposé dans sa requête l’ensemble des frais et des heures facturés par son avocat aux fins de sa représentation durant la procédure devant le Tribunal. De surcroît, les factures de l’avocat du requérant des 28 septembre 2004 et 23 février 2006, qui ont été annexées à la requête, procèdent à un exposé détaillé des diverses prestations. Il en résulte, premièrement, que le Cedefop a été en mesure de présenter sa défense et, deuxièmement, que le Tribunal dispose de tous les éléments requis pour formuler son appréciation, de sorte que la présente demande est recevable.

21      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, d’un conseil ou d’un avocat. Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du Tribunal du 15 septembre 2004, Fresh Marine/Commission, T‑178/98 DEP, Rec. p. II‑3127, point 26, et la jurisprudence citée).

22      En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils. Dans ce cadre, le juge communautaire n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées contre la partie condamnée aux dépens (voir, en ce sens, ordonnance Fresh Marine/Commission, précitée, point 28, et la jurisprudence citée).

23      À ce dernier égard, en l’absence de dispositions communautaires de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représentés pour les parties (voir ordonnance Fresh Marine/Commission, précitée, point 27, et la jurisprudence citée).

24      Enfin, il convient de relever que les termes « frais exposés par les parties » désignent les frais engendrés par la procédure à laquelle ont participé les parties. Ils ne désignent donc pas uniquement les frais qui ont été effectivement supportés par les parties. Ainsi sont récupérables les frais exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et qui ont été indispensables à cette fin, même s’ils ont été effectivement payés par une partie tierce au litige, telle que l’Union syndicale.

25      S’agissant de l’appréciation des éléments mentionnés au point 23 ci-dessus, il y a lieu de relever, en ce qui concerne l’objet du litige, que l’affaire en question a porté sur la légalité de la procédure de nomination de chefs d’aire d’activités au sein du Cedefop au regard de l’article 7 du statut. Plus précisément, le Tribunal a été appelé à apprécier si, à la lumière de cette disposition et eu égard aux tâches des chefs d’aire d’activités, le directeur du Cedefop pouvait valablement choisir les personnes qui les exerceraient sans procéder à un examen comparatif des mérites des candidats à ces fonctions.

26      À cet égard, il importe de rappeler que le Tribunal a été amené à examiner les fonctions confiées aux chefs d’aire d’activités pour conclure que, au vu de leur importance au regard du fonctionnement du Cedefop, l’obligation d’agir dans l’intérêt du service au sens de l’article 7 du statut imposait à l’administration de choisir les personnes les plus compétentes pour les exercer, ce qui impliquait un examen comparatif des mérites.

27      S’il est vrai que la jurisprudence n’avait pas encore été confrontée à la question de savoir si et dans quelles conditions l’intérêt du service peut imposer à l’administration une telle obligation même lorsqu’il est procédé à une réorganisation par voie de réaffectation et non par voie de promotion ou de mutation, il n’en demeure pas moins que le Tribunal est arrivé à sa conclusion relative à l’importance des fonctions de chef d’aire d’activités moyennant une analyse relativement brève et peu complexe (arrêt Fries Guggenheim/Cedefop, précité, points 72 à 76). Au demeurant, le Tribunal a ajouté qu’il n’était pas interdit à l’administration de mettre en place une procédure de sélection même au cas où les fonctions en question seraient attribuées par voie de réaffectation, instrument par ailleurs inapproprié pour procéder à une réorganisation générale du service (arrêt Fries Guggenheim/Cedefop, précité, points 77 et 78).

28      Il résulte de ce qui précède que l’affaire en question ne nécessitait pas d’analyses particulièrement complexes, si bien qu’elle ne présentait pas un degré de difficulté élevé.

29      Il y a, par la suite, lieu d’ajouter que la procédure devant le Tribunal a été précédée d’une phase précontentieuse, durant laquelle l’avocat du requérant s’est familiarisé avec les faits pertinents et la jurisprudence s’y rapportant, circonstance qui réduit aussi l’ampleur du travail requis au stade contentieux. De surcroît, le caractère inédit des circonstances de la cause fait que son importance sous l’angle du droit communautaire est aussi limitée.

30      Enfin, l’affaire en question n’a impliqué aucun intérêt économique majeur pour les parties.

31      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des dépens récupérables par le requérant en fixant leur montant à 5 970 euros.

32      Étant donné que ce montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’à ce jour, il n’y a pas lieu de statuer séparément sur les frais exposés par les parties aux fins de la présente procédure de taxation des dépens (voir ordonnance Fresh Marine/Commission, précitée, point 43, et la jurisprudence citée).

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) au requérant est fixé à 5 970 euros.

Fait à Luxembourg, le 2 mars 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro



* Langue de procédure : le français.