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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 11 février 2003 (1)

Affaire C-217/00 P

Buzzi Unicem SpA, anciennement Unicem SpA,

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi - Concurrence - Ciments - Procédure devant la Commission - Accès au dossier - Accès limité - Accès complet au cours de la procédure judiciaire devant le Tribunal de première instance - Notion d'infraction unique et continue - Principe non bis in idem - Amendes - Principes régissant l'imposition des amendes - Imposition d'amendes en cas de comportements collectifs»

Table des matières

I - Les faits

I - 3

    II - La procédure devant le Tribunal de première instance

    et l'arrêt entrepris

I - 5

    III - La procédure devant la Cour

I - 8

    IV - Le pourvoi

I - 8

        1.    Sur les droits de la défense (premier groupe de moyens)

I - 9

     A -    L'accès au dossier administratif et les mesures

            de réorganisation ordonnées par le Tribunal de

            première instance (premier moyen et première branche

            du deuxième moyen)

I - 9

                1)    La position des parties

I - 9

                2)    La légitimité des mesures

I - 11

                3)    L'absence d'un renversement indu de la charge

                de la preuve

I - 16

                4)    L'absence de contradiction entre les points 263

                et 264 de l'arrêt entrepris

I - 17

            B - Les griefs nationaux et leur abandon - Renvoi (quatrième

             et cinquième moyens)

I - 20

        C - Le droit d'Unicem à ne pas témoigner contre elle-même

             (septième moyen)

I - 20

                1)    La position des parties

I - 20

                2)    Un grief dénué de fondement

I - 21

        2.    Sur l'accord Cembureau et sur la participation d'Unicem à l'entente et aux mesures d'application (deuxième groupe de moyens)

I - 23

            A - L'existence et la nature de l'accord Cembureau (neuvième moyen)

I - 23

                1)    Appréciation erronée des preuves documentaires directes (neuvième moyen, deuxième branche, première partie)

I - 23

                    a)    La position des parties

I - 24

                    b)    De simples désaccords sur les faits

I - 25

                2)    La soi-disant contradiction dans les arguments du Tribunal relatifs à l'existence de l'accord Cembureau (neuvième moyen, deuxième branche, deuxième partie)

I - 26

                    a)    La position des parties

I - 26

                    b)    Les points de l'arrêt entrepris cités dans le moyen

                    ne comportent aucune contradiction

I - 27

                3)    La qualification de l'accord Cembureau d'accord unique (neuvième moyen, troisième branche)

I - 28

                    a)    La position des parties

I - 28

                    b)    Sur la notion d'accord unique et continu et sur son application à l'entente Cembureau

I - 28

             B - Les échanges périodiques d'informations sur les prix

            (dixième moyen)

I - 30

                1)    La position des parties

I - 30

                2)    Unicem et les échanges périodiques d'informations sur les prix (les trois premières branches de ce moyen)

I - 33

                3)    La participation d'Unicem aux échanges périodiques de données sur les prix n'a pas été utilisée comme preuve de son implication dans l'accord Cembureau (quatrième branche)

I - 37

                4)    Le principe de l'égalité de traitement (quatrième moyen et cinquième branche du dixième moyen)

I - 38

            C - La participation d'Unicem à l'accord relatif à la constitution

            de la Cembureau Task Force ou European Task Force (troisième

             branche du onzième moyen)

I - 39

                1)    La position des parties

I - 40

                2)    Un moyen non fondé

I - 40

            D - Les mesures de protection du marché italien (douzième moyen)

I - 41

                1)    L'abandon des éléments nationaux de la communication des griefs [cinquième moyen, première branche, du douzième moyen et troisième branche, point 1 (dans un de ses aspects) du douzième moyen]

I - 41

                    a)    La position des parties

I - 41

                    b)    Un moyen recevable

I - 42

                    c)    Le principe non bis in idem

I - 42

                    d)    L'exposé des motifs n'est pas contradictoire

I - 46

                2)    La participation d'Unicem à l'entente destinée à empêcher Calcestruzzi de s'approvisionner auprès des producteurs grecs - article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision - (deuxième branche du douzième moyen)

I - 48

                    a)    La position des parties

I - 48

                    b)    Un moyen non fondé, qui n'affecte pas l'appréciation des faits

I - 48

                3)    L'accord relatif aux contrats et aux conventions signés en avril 1987 avec Calcestruzzi [article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision]

I - 50

                    a)    La position des parties

I - 50

                    b)    Sur l'intervention d'Unicem

I - 51

                    c)    Sur l'obligation de notification

I - 52

                    d)    Sur la durée de l'infraction - Renvoi

I - 53

                4)    Les liens entre les mesures de défense du marché italien et la European Task Force et entre cette entente et le principe Cembureau [troisième branche, point 1 (dans le deuxième de ses aspects), et quatrième branche du douzième moyen]

I - 53

                    a)    La position des parties

I - 53

                    b)    Davantage sur l'idée du principe Cembureau en tant qu'«accord unique et continu» - Renvoi

I - 54

        E - La participation d'Unicem à l'accord unique et continu

            Cembureau (treizième moyen)

I - 56

                1)    L'élément objectif (première branche)

I - 56

                    a)    La position des parties

I - 56

                    b)    Une répétition d'arguments - Renvois

I - 56

                2)    L'élément subjectif (deuxième branche)

I - 56

                    a)    La position des parties

I - 56

                    b)    Sur l'appréciation de la situation singulière d'Unicem dans l'entente Cembureau

I - 58

                3)    L'exposé des motifs (troisième branche)

I - 61

                    a)    La position des parties

I - 61

                    b)    L'inexistence d'un raisonnement tautologique - Nouveau renvoi

I - 61

                4)    La durée de l'infraction (quatrième branche)

I - 62

                    a)    La position des parties

I - 62

                    b)    Le moyen est irrecevable; autre renvoi

I - 62

        3.    Sur l'amende (troisième groupe de moyens)

I - 63

        A - La position des parties

I - 63

            B - Le montant de l'amende et la durée de l'infraction - Un

            moyen non autonome

I - 64

            C - Les critères utilisés par la Commission pour infliger les amendes

I - 64

            D - Le respect des principes de proportionnalité et

            d'égalité

I - 67

V - Les dépens

I - 71

    VI - Conclusion

I - 71

1.
    Buzzi Unicem SpA (ci-après «Unicem») a formé un pourvoi contre l'arrêt que la quatrième chambre élargie du Tribunal de première instance a rendu le 15 mars 2000 dans l'affaire connue sous le nom de Cimenteries CBR e.a./ Commission (2). L'entreprise requérante est le résultat de la fusion entre Unicem SpA et Buzzi SpA. Le pourvoi est dirigé contre l'arrêt du Tribunal uniquement en ce que celui-ci y a statué sur les prétentions articulées en instance par la première de ces deux sociétés.

I - Les faits

2.
    Des faits exposés dans l'arrêt entrepris, on retiendra les suivants aux fins du pourvoi:

-    Entre les mois d'avril 1989 et de juillet 1990, les services de la Commission ont effectué certaines vérifications auprès de producteurs européens de ciment et d'associations professionnelles du secteur conformément à l'article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (3). Comme suite de ces contrôles, la Commission a décidé, le 12 novembre 1991, d'engager la procédure administrative (4) à l'encontre d'un certain nombre d'entreprises, et notamment à l'encontre d'Unicem (5).

-    Le 25 novembre 1991, la Commission a adressé la communication des griefs aux 76 entreprises et associations d'entreprises concernées. Unicem a eu l'occasion de formuler des observations écrites sur cette communication des griefs. Elle a également été entendue en ses observations orales au cours des audiences qui ont eu lieu le 1er mars et le 1er avril 1993 (6).

-    Le texte de la communication des griefs, contenu dans un seul document, n'a pas été envoyé dans son intégralité à chacune des entreprises et associations d'entreprises impliquées dans la procédure. Son index complet ainsi qu'une liste de l'ensemble des pièces, mentionnant pour chaque partie concernée les documents qui lui étaient accessibles, ont été transmis à chaque destinataire de la communication des griefs. Certaines des entreprises mises en cause ont demandé à la Commission de leur communiquer les chapitres manquant dans le texte de la communication des griefs qui leur avait été envoyé et de leur donner accès à l'ensemble des pièces du dossier, à l'exception des documents internes et confidentiels. La Commission a refusé de faire droit à cette demande (7).

-    Dans la décision 94/815/CE, du 30 novembre 1994 (8) (ci-après la «décision»), la Commission imputait à Unicem un certain nombre de pratiques contraires aux règles de la concurrence qui enfreignaient toutes l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) (9). Ces pratiques sont les suivantes:

    1)    Participation, à partir du 14 janvier 1983, à un accord, appelé «accord Cembureau», ayant pour objet le respect des marchés domestiques et la réglementation des transferts de ciment d'un pays à l'autre (article 1er).

    2)    Participation, du 14 janvier 1983 au 14 avril 1986, à des accords portant sur des échanges d'informations sur les prix, visant à faciliter l'exécution de l'accord visé à l'article 1er de la décision (article 2, paragraphe 1). Les accords visés ici avaient été adoptés au cours des réunions des chefs de délégation et du comité exécutif de Cembureau - Association européenne du Ciment (ci-après «Cembureau»).

    3)    Participation, entre le 1er janvier 1984 et le 31 décembre 1988, dans le même but, à des pratiques concertées portant sur:

        a)    la circulation d'informations sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs belges et néerlandais et les prix, rabais inclus, du producteur luxembourgeois;

        b)    la circulation d'informations sur les barèmes individuels des prix des producteurs danois et irlandais, sur les barèmes de la profession en vigueur en Grèce, en Italie et au Portugal et sur les moyennes des prix pratiqués en Allemagne, en France, en Espagne et au Royaume-Uni (article 2, paragraphe 2).

    4)    Participation, à partir du 28 mai 1986, à un accord portant sur la constitution de la Cembureau Task Force ou European Task Force (article 4, paragraphe 1).

    5)    Participation, du 9 juin 1986 au 26 mars 1993, à un accord portant sur la constitution de la Joint Trading Company, Interciment, SA, ayant pour but d'exécuter les mesures persuasives et dissuasives à l'encontre de ceux qui menaçaient la stabilité des marchés des pays membres (article 4, paragraphe 2).

    6)    Participation, du 17 juin 1986 au 15 mars 1987, à des pratiques concertées visant à détourner l'entreprise italienne Calcestruzzi de ses fournisseurs grecs, et en particulier de Titan Cement Company, SA [article 4, paragraphe 3, sous a)].

    7)    Participation, du 3 avril 1987 au 3 avril 1992, à un accord portant sur les contrats et les conventions signés les 3 et 15 avril 1987 ayant pour but d'empêcher Calcestruzzi d'importer du ciment grec [article 4, paragraphe 3, sous b)].

-    La Commission a enjoint à Unicem de mettre fin immédiatement aux infractions susvisées et de s'abstenir à l'avenir de tout accord ou pratique concertée incompatibles avec la libre concurrence dans le cadre des marchés du ciment gris et du ciment blanc (article 8). Elle lui a également infligé une amende de 11 652 000 écus, payable dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, montant qui porterait intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai précité (articles 9 et 11).

3.
    En désaccord avec la décision de la Commission, Unicem s'est pourvue en appel de celle-ci devant le Tribunal de première instance.

II - La procédure devant le Tribunal de première instance et l'arrêt entrepris

4.
    Dans sa requête, Unicem a conclu, à titre principal, à l'annulation de la décision pour ce qui la concernait. À titre subsidiaire, elle a conclu à l'annulation de l'amende ou à la réduction de son montant. En tout état de cause, elle a demandé au Tribunal d'imposer les dépens à la Commission et de la condamner, en outre, à rembourser à la requérante tous les frais et intérêts que celle-ci a dû supporter du fait de la constitution de la garantie, remboursement intégral ou proportionnel à la réduction éventuelle de l'amende.

5.
    Par décision notifiée aux parties dans chacune des affaires entre le 19 janvier et le 2 février 1996, le Tribunal de première instance a invité la Commission à produire un certain nombre de documents. Celle-ci s'est exécutée le 29 février et a produit (10):

1)    la communication des griefs telle que notifiée aux entreprises incriminées, devenues requérantes;

2)    le procès-verbal de l'audition de chacune d'entre elles;

3)    la liste de toutes les pièces versées aux dossiers;

4)    les boîtes contenant les documents sur lesquels la Commission avait fondé les conclusions en fait qu'elle avait reprises dans la communication des griefs et

5)    la correspondance échangée au cours de la procédure administrative entre l'institution et les parties requérantes.

6.
    Le Tribunal a encore rendu deux décisions qui ont été notifiées le 2 octobre 1996, pour la première, et les 18 et 19 juin 1987, pour la seconde. Par ces décisions, le Tribunal ordonnait toutes les mesures nécessaires pour que les parties requérantes puissent examiner tous les documents originaux du dossier, à l'exception de ceux qui contenaient des secrets commerciaux ou d'autres données confidentielles et à l'exception également des documents internes de la Commission (11).

7.
    Après leur avoir donné accès au dossier dans son intégralité, le Tribunal a invité les entreprises et associations professionnelles requérantes à déposer un mémoire en se limitant à identifier avec précision toute pièce non rendue accessible pendant la procédure administrative qui aurait pu affecter leur défense et à expliquer brièvement les raisons pour lesquelles cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent si elles avaient pu consulter les pièces en question. Il les a également invitées à joindre à leur éventuel mémoire la copie de chaque pièce commentée. Toutes les parties requérantes concernées, à l'exception d'une seule (12), ont déposé des observations après avoir consulté le dossier de la Commission. La Commission a répondu à chacune d'entre elles (13).

8.
    Par l'arrêt entrepris, le Tribunal a partiellement fait droit au recours d'Unicem et il a dit pour droit ce qui suit:

«-    l'article 1er de la décision 94/815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 3 avril 1992;

-    l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94/815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

-    l'article 2, paragraphe 2, de la décision 94/815 est annulé à l'égard de la partie requérante, d'une part, dans la mesure où il constate que la circulation périodique d'informations entre Cembureau - Association européenne du ciment et ses membres a porté, en ce qui concerne les prix belges et néerlandais, sur les prix minimaux pour les livraisons de ciment par camion des producteurs de ces deux pays et, en ce qui concerne le Luxembourg, sur les prix, rabais inclus, du producteur de ce pays, ainsi que, d'autre part, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction avant le 9 septembre 1986;

-    l'article 4, paragraphe 1, de la décision 94/815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction avant le 9 septembre 1986 et au-delà du 31 mai 1987;

-    l'article 4, paragraphe 2, de la décision 94/815 est annulé à l'égard de la partie requérante;

-    l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision 94/815 est annulé, dans la mesure où il retient que la partie requérante a participé à l'infraction avant le 9 septembre 1986;

-    l'article 5 de la décision 94/815 est annulé à l'égard de la partie requérante [sic] [(14)];

-    le montant de l'amende infligée à la partie requérante par l'article 9 de la décision 94/815 est fixé à 6 399 000 euros;

-    le recours est rejeté pour le surplus;

-    la partie requérante supportera ses propres dépens et un tiers des dépens exposés par la Commission;

-    la Commission supportera deux tiers de ses propres dépens.»

9.
    En d'autres termes, le Tribunal a déclaré Unicem coupable de pratiques anticoncurrentielles pour avoir participé:

1)    du 9 septembre 1986 au 3 avril 1992, à l'accord Cembureau ayant pour objet le respect des marchés domestiques du ciment gris (article 1er de la décision);

2)    entre le 9 septembre 1986 et le 31 décembre 1988, à la circulation périodique d'informations sur les barèmes individuels des prix des producteurs danois et irlandais, sur les barèmes de la profession en vigueur en Grèce, en Italie et au Portugal et sur les moyennes des prix pratiqués en Allemagne, en France, en Espagne et au Royaume-Uni [article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision];

3)    entre le 9 septembre 1986 et le 31 mai 1987, à l'accord portant sur la constitution de la European Task Force (article 4, paragraphe 1, de la décision);

4)    entre le 9 septembre 1986 et le 15 mars 1987, aux pratiques concertées visant à détourner Calcestruzzi de ses fournisseurs grecs [article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision];

5)    du 3 avril 1987 au 3 avril 1992, à l'accord relatif aux contrats et conventions signés les 3 et 15 avril 1987 qui avaient pour objet d'empêcher Calcestruzzi d'importer du ciment grec [article 4, paragraphe 3, sous b)].

III - La procédure devant la Cour

10.
    Après présentation de la requête et accomplissement de la procédure écrite, la Cour, faisant usage de la faculté que lui confère l'article 119 du règlement de procédure (15), a rejeté les deuxième (deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches), troisième, sixième, huitième, neuvième (première branche), onzième (première, deuxième, quatrième et cinquième branches), seizième, dix-septième, dix-neuvième, vingtième et vingt et unième moyens du pourvoi par ordonnance du 5 juin 2002.

11.
    Pour ce qui est des autres moyens, les entreprises requérantes et la Commission ont comparu à l'audience conjointe organisée le 4 juillet 2002 pour les six pourvois engagés contre l'arrêt du Tribunal de première instance.

IV - Le pourvoi

12.
    Unicem demande à la Cour d'annuler intégralement l'arrêt entrepris ainsi que la décision administrative que le Tribunal de première instance a confirmée et de condamner la Commission aux dépens. À titre subsidiaire, elle lui demande de réduire la sanction et, en toute hypothèse, d'adopter toute autre mesure qu'elle estimerait opportune ou équitable, sans préjudice de toutes les actions qui lui appartiennent en ce qui concerne tant le fond que la procédure.

13.
    À l'appui de ces prétentions, Unicem articule trois groupes de moyens.

1)    Le premier groupe est composé de huit moyens, articulés autour de la violation des droits de la défense et, en relation avec cette infraction alléguée, de l'application incorrecte de règles juridiques par le Tribunal et du caractère erroné et contradictoire de l'exposé des motifs de l'arrêt entrepris. La Cour a d'ores et déjà rejeté les deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches du deuxième moyen ainsi que les troisième, sixième et huitième moyens par l'ordonnance précitée du 5 juin 2002.

2)    Le deuxième groupe concerne la preuve de l'accord Cembureau et de la participation d'Unicem à l'entente et à ses mesures d'application. Il s'agit des neuvième, dixième, onzième, douzième et treizième moyens, par lesquels la requérante fait grief au juge a quo d'avoir méconnu des règles de droit, d'avoir mal motivé son arrêt et commis des erreurs dans l'appréciation des pièces du dossier. La première branche du neuvième moyen et les première, deuxième, quatrième et cinquième branches du onzième moyen ont d'ores et déjà été rejetées par la Cour.

3)    Le troisième groupe porte sur le calcul de l'amende infligée à la requérante. Il s'agit des quatorzième à vingt et unième moyens, dont la Cour a d'ores et déjà rejeté le seizième, le dix-septième, le dix-neuvième, le vingtième et le vingt et unième.

14.
    J'en viens aux griefs d'Unicem et à la réponse que la Commission a donnée à chacun d'eux et je vais les analyser de manière à justifier les solutions que je propose.

1.    Sur les droits de la défense (premier groupe de moyens)

A - L'accès au dossier administratif et les mesures de réorganisation ordonnées par le Tribunal de première instance (premier moyen et première branche du deuxième moyen]

1)    La position des parties

a)    Premier moyen (16)

15.
    Unicem soutient qu'en rejetant les griefs qu'elle avait exprimés à propos de la manière dont la procédure administrative s'était déroulée, en particulier en ce qui concerne l'accès au dossier, le Tribunal de première instance aurait commis une erreur de droit. Elle ajoute que les mesures de réorganisation de la procédure qu'il a ordonnées n'étaient pas de nature à réparer la violation des droits de la défense dont la Commission s'était rendue coupable et qu'en subordonnant l'annulation de la décision à la preuve que, s'ils avaient pu être consultés, les documents demeurés inaccessibles auraient permis d'atteindre un résultat différent, la juridiction aurait elle aussi commis la même infraction. Selon la société requérante, le Tribunal n'aurait pas respecté la jurisprudence que la Cour a dégagée dans l'arrêt Hercules Chemicals/Commission (17).

16.
    Unicem précise que la violation du droit des parties à consulter les preuves à charge au cours de la procédure administrative entraîne automatiquement la nullité de la décision lorsque cette entrave menace les garanties qui doivent leur permettre de se défendre. Selon elle, l'impossibilité d'utiliser les documents au moment de l'accusation ne peut pas être compensée par l'accès qui leur a été donné au cours de la phase juridictionnelle, car, à ce moment-là, la responsabilité ayant déjà été imputée, les entreprises sanctionnées se trouvent dans l'obligation d'apporter la preuve contraire permettant de réfuter leur inculpation, preuve à défaut de laquelle la juridiction déclarera la faute de procédure sans importance. Pour la requérante, cette approche porte atteinte à l'exercice du droit à une défense efficace et comporte une violation manifeste du principe de la charge de la preuve, qui n'incombe pas aux entreprises ni aux associations sanctionnées, mais bien à la Commission.

17.
    La Commission conteste que le Tribunal ait organisé l'accès au dossier dans le but de remédier aux éventuelles carences de la procédure administrative. Elle soutient qu'il s'est, au contraire, limité à vérifier si les droits de la défense de la requérante avaient effectivement été lésés du fait que certains documents n'avaient pas été mis à sa disposition. À cette fin, il a examiné en détail la jurisprudence invoquée dans la requête et il a statué en conséquence.

18.
    La gardienne des traités s'inscrit en faux contre l'interprétation que la requérante donne de l'arrêt Hercules Chemicals/Commission. L'appréciation des preuves relève de la compétence de la juridiction d'instance et ne peut, en principe, pas être révisée en cassation. Selon elle, le Tribunal n'a pas renversé la charge de la preuve; il a simplement analysé si les documents cités par Unicem auraient pu être d'une quelconque utilité.

b)    Deuxième moyen, première branche (18)

19.
    Selon Unicem, le raisonnement que le Tribunal expose au point 263 de l'arrêt entrepris est contredit au point suivant, où le Tribunal fait apparaître clairement son inclination à rejeter toute explication divergente. Aucun éclaircissement, quel qu'il soit, qu'elle aurait pu fournir n'aurait suffit à jeter le doute sur l'appréciation que la Commission avait donnée de son comportement, précisément parce que celle-ci reposait sur des preuves documentaires directes. Un tel critère rendait nulle a priori la valeur probante de la nouvelle documentation à décharge.

20.
    Pour la Commission, ce moyen est irrecevable parce qu'il met en cause l'appréciation en fait opérée par le Tribunal de première instance. Celui-ci n'a pas rejeté a priori les preuves fournies par les requérantes puisqu'aux points 1220 à 1225 de son arrêt, il a examiné minutieusement les documents auxquels Unicem n'avait pas eu accès au cours de la procédure administrative et qu'elle avait déclarés pertinents pour ses intérêts. Le Tribunal a évalué leur utilité et l'incidence qu'ils auraient pu avoir sur une éventuelle violation des droits de la défense.

21.
    La Commission abonde dans le sens du Tribunal lorsque celui-ci affirme que la documentation invoquée par Unicem en faveur de ses thèses doit présenter un lien objectif avec les griefs qui lui sont faits. À défaut d'un tel lien, cette documentation sortirait du champ de l'infraction sanctionnée par la décision. L'existence d'une telle relation est une question de fait dont l'appréciation appartient à la juridiction d'instance.

22.
    Citant l'arrêt Hüls/Commission (19) dans la réplique, Unicem lui rétorque que les moyens du pourvoi déduits d'un exposé des motifs insuffisant ou contradictoire par référence à l'appréciation de la preuve sont recevables.

2)    La légitimité des mesures

23.
    En ce qui concerne l'accès au dossier administratif et les mesures de réorganisation de la procédure ordonnées par le Tribunal de première instance, la requérante pose trois questions qui, si elles sont différentes, n'en sont pas moins intimement liées. La première, qui présente la plus grande envergure, porte sur la légitimité de ces mesures et, plus particulièrement, sur leur conformité à la jurisprudence de la Cour.

24.
    La deuxième concerne le renversement allégué de la charge de la preuve que comporterait la position que le Tribunal a adoptée sur les preuves documentaires directes.

25.
    La troisième, qui figure dans la première branche du deuxième moyen du pourvoi, dénonce une contradiction interne dans l'exposé des motifs de l'arrêt entrepris.

26.
    L'étude de la première question oblige à reconnaître que, pour répondre aux critiques qui avaient été émises à propos de la régularité de la procédure administrative et combler les éventuelles lacunes résultant de l'absence d'accès à certains documents, le Tribunal a demandé à la Commission de lui fournir l'intégralité du dossier afin qu'il puisse être mis à la disposition des parties (20) de manière à ce que celles-ci puissent identifier ceux qu'elles n'avaient pas pu examiner durant l'instruction et expliquer les raisons pour lesquelles la procédure aurait pu déboucher sur un résultat différent si elles avaient eu l'occasion de les consulter.

27.
    Dans son arrêt, le Tribunal a analysé les documents désignés par les requérantes ainsi que les observations présentées par celles-ci. Il a statué sur le cas d'Unicem au point 19 du dispositif de la manière que j'ai reproduite au point 8 des présentes conclusions. À cet effet, il a appliqué le principe suivant: il y aurait violation des droits de la défense s'il existait une chance, même infime, que la procédure administrative eût pu aboutir à un résultat différent dans l'hypothèse où la partie requérante aurait pu se prévaloir du document auquel l'accès lui avait été refusé (21).

28.
    Unicem conteste le travail effectué par le Tribunal de première instance au motif que l'approche qu'il a adoptée est, d'une part, contraire à la jurisprudence de la Cour et que, d'autre part, elle méconnaît le fait qu'il lui appartenait d'annuler la décision dès l'instant où il avait constaté que les droits de la défense avaient été compromis.

29.
    La procédure de constatation des infractions aux articles 81 CE et 82 CE est une procédure répressive. Elle a non seulement pour objet de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles, mais également de sanctionner les comportements qui les provoquent. À cette fin, elle confère à la Commission le pouvoir de punir les auteurs au moyen de sanctions pécuniaires. Pour remplir sa mission, cette institution dispose de larges pouvoirs d'enquête et d'instruction, mais c'est précisément à cause de cette nature et de la réunion de pouvoirs de perquisition et de décision dans le chef d'un même organe que les droits de la défense de ceux qui sont soumis à la procédure doivent être reconnus et respectés de manière inconditionnelle (22).

30.
    Tel est le sens des dispositions inscrites dans le règlement n° 17, en particulier à son article 19, et dans le règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (23); la jurisprudence de la Cour (24) et du Tribunal de première instance (25) ne leur a d'ailleurs pas donné une autre portée. La Cour européenne des droits de l'homme a étendu le champ d'application des garanties inscrites à l'article 6 de la convention de Rome aux procédures administratives à caractère disciplinaire (26).

La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (27) va encore plus loin puisqu'elle garantit non seulement à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi (28), mais encore le droit d'être entendue par les institutions de l'Union européenne avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ainsi que le droit d'accéder au dossier qui la concerne (29).

31.
    La consultation du dossier est un outil supplémentaire au service des droits de la défense (30). Il ne s'agit pas d'une fin en soi (31). Les garanties formelles que comporte la procédure, juridictionnelle ou administrative, s'expliquent en fonction de ce but, qui n'est autre que de garantir la protection effective des droits et intérêts légitimes de tout un chacun. Toute lacune dans la procédure ou les règles de forme est susceptible d'entraîner des conséquences juridiques si les moyens de défense s'en trouvent diminués. En d'autres termes, la notion d'impossibilité de se défendre est une notion matérielle, de sorte que, si nombreuses soient-elles, les failles de la procédure sont dénuées de pertinence lorsque l'intéressé disposait malgré tout des moyens adéquats de se défendre.

32.
    Le caractère instrumental du droit d'accès au dossier comporte cependant une conséquence supplémentaire. Même lorsque ce droit n'a été respecté que de manière insuffisante ou défectueuse et que cette violation diminue les possibilités de défense de l'intéressé, il n'y a lieu d'annuler la décision clôturant la procédure que si l'on constate que l'issue de celle-ci aurait pu être différente et plus favorable à l'intéressé si les règles de procédure avaient été scrupuleusement respectées ou encore si l'on constate précisément que le vice de forme empêche de déterminer si la décision aurait été différente. Dans l'un comme dans l'autre cas, il y aurait lieu d'annuler la résolution finale et, le cas échéant, de reprendre toute la procédure afin de la redresser.

33.
    En somme, les vices de forme n'ont pas une vie propre, distincte de la substance du litige. Lorsqu'une décision rendue au terme d'un itinéraire formel défectueux est annulée parce qu'en raison des vices entachant le cheminement suivi pour son adoption, elle est incorrecte quant au fond, l'annulation est déterminée par l'incorrection substantielle de la résolution et non par la présence du défaut de procédure. Le vice de forme n'acquiert une existence propre que lorsque, du fait de son occurrence, il n'est pas possible de se former un jugement sur la décision adoptée.

34.
    Les considérations qui précèdent donnent un sens aux mesures d'organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal.

35.
    La Commission leur ayant refusé l'accès à tous les documents à décharge qui figuraient dans le dossier, les entreprises et associations requérantes ont dénoncé ce vice de procédure, qui a été constaté par la juridiction. Il était donc obligatoire d'analyser son incidence sur leurs droits de la défense. À cette fin, il était nécessaire de connaître les éléments disculpants dont la consultation leur a été refusée ainsi que leur opinion sur le sujet. Ayant pris connaissance de ces éléments, le Tribunal a examiné la mesure dans laquelle la décision aurait été différente, c'est-à-dire plus favorable aux inculpées, si les pièces litigieuses du dossier avaient pu être consultées et invoquées devant la Commission.

36.
    Le Tribunal n'a donc pas supplanté la Commission et ne lui a pas davantage usurpé sa position. Il s'est au contraire limité à exercer son pouvoir juridictionnel de la manière la plus scrupuleuse qui soit dans le cadre de ses compétences en examinant la correction de l'activité répressive exercée par cette institution. Et, dans cet état d'esprit, le jugement, qui se projette sur le passé, doit s'exprimer avec tous les éléments dont on dispose dans le présent, ce qui lui confère une plus grande richesse et une sagesse accrue (32).

37.
    La tâche accomplie au cours de la procédure judiciaire ne comporte rien d'irrégulier. Du point de vue de la procédure, l'accès que le Tribunal a donné au dossier a été «égal» à celui que les entreprises et associations contre lesquelles il avait été établi auraient dû y avoir au cours de la phase administrative. Il est évident qu'entre la première étape et l'étape judiciaire, le temps n'a pas suspendu son vol et que, par conséquent, des événements se sont produits entre-temps, dont certains présentent un intérêt pour la solution du dossier et pour son contrôle judiciaire, mais dont aucun n'a porté atteinte aux droits de la défense de la société requérante. Qui plus est, les juges de première instance et les parties ont, en ce qui concerne la décision litigieuse, bénéficié d'éléments d'appréciation dont ils ne disposaient pas auparavant, éléments qui, comme je l'ai déjà signalé, corroborent le bien-fondé de la solution retenue dans l'arrêt entrepris.

38.
    J'ai signalé, dans les conclusions que j'ai présentées ce jour même dans l'affaire Aalborg Portland/Commission (C-204/00 P) (33), que la manière dont le Tribunal a procédé n'est en aucune façon incompatible avec la jurisprudence de la Cour. Dans l'arrêt Hercules Chemicals/Commission, que j'ai déjà cité, celle-ci a dit pour droit qu'il ne suffit pas de donner tardivement accès aux documents du dossier pour remédier à une violation des droits de la défense, car, même si cette consultation permet à l'entreprise affectée d'en tirer des moyens et arguments à l'appui de ses conclusions, elle ne la replace pas dans la situation qui aurait été la sienne si elle avait pu s'appuyer sur les mêmes documents pour présenter ses observations écrites et orales devant la Commission (34).

39.
    Le Tribunal n'a pas cherché à remédier a posteriori à une situation consommée d'impossibilité de se défendre. Remontant en amont de la décision, il s'est limité à vérifier si cette situation s'était bel et bien produite (35). Lorsqu'il a constaté que c'était bien le cas, il a annulé la décision à l'égard de l'entreprise concernée (36). Lorsqu'il a, au contraire, constaté que l'entreprise ne s'était pas trouvée dans le cas de ne pas pouvoir se défendre, il a déclaré que le vice de forme entachant le traitement du dossier administratif était, en fin de compte, dénué d'importance.

40.
    L'arrêt Hercules Chemicals/Commission lui-même n'a d'ailleurs pas une portée différente. Une lecture attentive de son point 80 montre que l'élément décisif n'est pas le vice de forme considéré en soi, mais son incidence sur les droits de la défense, incidence qui peut être nulle si l'entreprise concernée elle-même ne démontre pas que l'impossibilité de prendre connaissance de certaines preuves à décharge l'a privée d'instruments qui lui auraient permis de convaincre la Commission de son innocence.

3)    L'absence d'un renversement indu de la charge de la preuve

41.
    L'approche que je viens d'examiner ne comporte aucun renversement de la charge de la preuve. Le principe qu'elle contient, qui relève de la procédure, est au service du droit fondamental à la présomption d'innocence, qui, lui, participe du fond. Il ne faut pas confondre l'un et l'autre.

42.
    La présomption d'innocence implique qu'aucune peine ne pourra être prononcée aussi longtemps que la culpabilité n'aura pas été démontrée. Par conséquent, c'est à celui qui formule l'accusation de prouver que celui qu'il met en cause s'est bel et bien rendu coupable des faits constitutifs de l'infraction et que les autres éléments, de fait et de droit, permettant de le déclarer responsable sont réunis. C'est à cet endroit que la présomption d'innocence et la charge de la preuve se rencontrent. La Commission a imputé certaines pratiques contraires à la concurrence aux entreprises requérantes et a utilisé différentes preuves pour corroborer son accusation. Elle a donc en principe respecté cette règle de procédure qu'est la charge de la preuve. Tout autre est la question de savoir si les documents qu'elle a utilisés sont susceptibles de mettre cette présomption à néant, mais il n'y a pas lieu de l'aborder en ce moment.

43.
    Plusieurs des entreprises condamnées ont formé un recours contre la décision qui les sanctionnait. C'est le cas, notamment, d'Unicem, qui demande son annulation au motif que la Commission l'a mise dans le cas de ne pas pouvoir se défendre en lui refusant l'accès à tous les documents du dossier et, en particulier, à ceux qui auraient permis de la disculper. Conformément au principe de la charge de la preuve, c'est donc à Unicem qu'il appartient d'accréditer les éléments de fait sur lesquels elle fonde sa demande. En premier lieu, il lui appartient de démontrer que la Commission ne lui a pas transmis tous les documents qu'elle a utilisés au cours de la procédure et, en second lieu, que cette absence de communication l'a mise dans une situation rendant sa défense impossible.

44.
    En d'autres termes, une fois que la Commission s'est acquittée de l'obligation qui était la sienne, c'était aux entreprises et aux associations inculpées qu'il appartenait de réfuter les preuves à charge en utilisant tous les moyens dont elles disposaient. Appliquant le critère d'appréciation qu'il avait défini aux points 241 et 247 de son arrêt, le Tribunal a estimé que le vice de forme que constituait le fait pour les requérantes de n'avoir pas eu accès à ces documents au cours de la procédure administrative n'avait pas eu d'incidence sur les droits de la défense.

45.
    Il a donc strictement appliqué le principe de la charge de la preuve en l'espèce. L'approche abstraite et formaliste d'Unicem ne saurait dès lors pas être suivie, car tout vice de procédure, si infime soit-il, entraînerait la nullité de la décision sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'impact qu'il aurait eu sur son bien-fondé. Admettre un tel point de vue entraînerait une paralysie administrative, incompatible avec le principe d'efficacité, sans fournir aucune garantie additionnelle pour les droits des administrés.

4)    L'absence de contradiction entre les points 263 et 264 de l'arrêt entrepris

46.
    L'opposition qu'Unicem croit discerner entre ces deux passages de l'arrêt querellé n'en est pas une.

47.
    Le Tribunal de première instance savait parfaitement que la décision n'était pas fondée sur «un parallélisme de comportement constaté sur le marché» (37), ce qui ôte toute pertinence aux documents susceptibles de fournir une explication économique différente du comportement des entreprises sanctionnées (38).

48.
    Cette approche donne tout son sens au critère appliqué par le Tribunal qui consiste à limiter l'éventail des preuves aptes à réduire à néant les appréciations de fait de la Commission à celles qui seraient contenues dans des «documents se rapportant directement à des infractions» dénoncées dans la décision (39). En d'autres termes, la règle conformément à laquelle les droits de la défense des parties requérantes ont été enfreints si l'accès à des éléments probatoires, non pas uniquement susceptibles de fournir des explications complémentaires ou différentes qui, pour respectables qu'elles soient, ne démentent pas les documents invoqués dans la décision, mais bien de nature à infirmer les preuves utilisées par la Commission (40) leur a été refusé au cours de la phase administrative est une règle correcte.

49.
    Un seul exemple suffit à le faire comprendre. La Commission a déduit de certains documents (41) que des accords anticoncurrentiels avaient été adoptés au cours des réunions des producteurs européens de ciment qui se sont tenues les 14 janvier 1983, 19 mars et 7 novembre 1984. Définir le niveau des exigences auxquelles il doit être satisfait en matière de violation des droits de la défense par référence aux preuves qui auraient pu infirmer le contenu de ces éléments probatoires me paraît raisonnable. Le Tribunal n'a d'ailleurs rien exigé d'autre lorsqu'il a parlé d'une «relation objective» avec un des griefs formulés dans la décision (42).

50.
    Si la Commission a estimé, en se basant sur les documents qui figuraient dans le dossier, que Cembureau et ses membres directs sont parvenus, au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, à un accord de respect des marchés nationaux et de régulation des ventes internationales, accord dont le contenu a été confirmé au cours des réunions du 19 mars et du 7 novembre 1984, seule l'impossibilité d'utiliser à sa décharge des éléments de preuve démentant que l'entente litigieuse avait été adoptée et ratifiée au cours de ces réunions, démontrant qu'elle ne participait pas à ces réunions ou prouvant que, bien qu'elle y ait assisté, elle s'était démarquée des décisions qui avaient été prises aurait pu porter atteinte aux droits de la défense de la requérante (43).

51.
    Dès l'instant où l'adoption et la ratification de l'accord au cours des réunions litigieuses avaient été démontrées, l'éventuelle utilisation d'éléments de preuve susceptibles d'apporter une explication économique différente au comportement d'Unicem était dénuée de pertinence et, par conséquent, le fait qu'elle n'y ait pas eu accès au cours de la phase administrative du dossier n'a pas pu violer ses droits de la défense. Une lecture attentive des points 1220 à 1225 de l'arrêt entrepris démontre que les documents qu'elle n'a pas pu consulter peuvent être qualifiés de «sans rapport» et n'auraient présenté aucun intérêt pour sa défense puisqu'ils ne sont pas de nature à réfuter les preuves directes utilisées dans la décision.

52.
    En d'autres termes, la Commission a déduit de certaines preuves (44) que les entreprises et les associations d'entreprises qu'elle avait décidé de sanctionner s'étaient rendues coupables des comportements anticoncurrentiels définis dans les sept premiers articles de la décision. Unicem a souhaité, à son tour, produire certains documents donnant une version différente des faits, mais la Commission lui a refusé l'accès à ces instruments de preuve. S'acquittant comme il se devait de son pouvoir juridictionnel, le Tribunal a remédié à cette situation et mis les parties litigantes en mesure de se défendre en mettant l'intégralité du dossier à la disposition des requérantes. Après les avoir entendues sur ce point précis, il a estimé que les documents en question n'étaient pas susceptibles de fournir une interprétation différente des événements.

53.
    Il n'est pas certain que tout document qu'elles auraient pu produire n'aurait pas suffi à jeter le doute sur l'appréciation opérée par la Commission, car le Tribunal a procédé de la même manière dans d'autres affaires, notamment dans les affaires Solvay/Commission et ICI/Commission (45).

54.
    Dans ces deux arrêts, il a fait droit aux recours respectifs parce qu'eu égard aux documents qui n'avaient pas été mis à la disposition des parties au cours de la phase précontentieuse, on ne pouvait exclure que «la Commission aurait retenu une infraction moins longue et moins grave et aurait, par conséquent, fixé une amende moins élevée» (46). Dans un autre arrêt, également dénommé ICI/Commission (47), qu'il a rendu le même jour, il a néanmoins rejeté un grief identique en substance au motif que le même vice de procédure qui était advenu dans cette affaire n'avait cependant pas porté atteinte à l'exercice des droits de la défense (48).

55.
    Ce dernier arrêt démontre que, pour le Tribunal, l'élément décisif est, et il ne pouvait pas en être autrement, que le vice de procédure ait une incidence négative sur la sphère des droits de la défense des sociétés visées par le dossier répressif. Le fait qu'il ait adopté une solution différente dans les affaires Solvay/Commission et ICI/Commission ainsi que dans la présente affaire repose sur une explication claire. Dans les deux premiers arrêts, il a contrôlé une décision par laquelle la Commission avait sanctionné les entreprises requérantes pour avoir participé à des pratiques concertées de répartition des marchés. Contrairement à l'affaire que je suis en train d'examiner aujourd'hui, le comportement de ces entreprises ne pouvait être démontré qu'au moyen de preuves indirectes, déduites essentiellement de leur comportement parallèle et passif (49). Dans une telle situation, les preuves à décharge qui n'avaient pas pu être utilisées au cours du traitement du dossier auraient pu, parce qu'elles étaient susceptibles de fournir une explication différente du comportement parallèle, avoir une influence sur la force probante de ces indices (50). La situation d'Unicem est différente. La part qu'elle a prise dans les comportements incriminés a pu être déterminée par la Commission au moyen de preuves directes et spécifiques (51), dont, selon l'appréciation souveraine du Tribunal, le contenu n'était pas démenti par les documents auxquels cette entreprise n'a pas pu avoir accès au cours de la phase administrative.

56.
    En résumé, les moyens du pourvoi déduits de la violation des droits de la défense pour défaut d'accès au dossier administratif doivent être rejetés comme étant non fondés.

B - Les griefs nationaux et leur abandon - Renvoi (quatrième et cinquième moyens) (52)

57.
    Le grief qu'Unicem articule dans le quatrième moyen est identique à celui qu'il invoque dans la cinquième branche du dixième moyen. D'autre part, le cinquième moyen soulève le même problème que la première branche du douzième moyen. C'est la raison pour laquelle j'analyserai ces deux moyens ultérieurement.

C - Le droit d'Unicem à ne pas témoigner contre elle-même (septième moyen) (53)

1)    La position des parties

58.
    Unicem prétend que le Tribunal de première instance a enfreint son droit à ne pas témoigner contre elle-même et qu'au point 733 de l'arrêt entrepris, il a méconnu la jurisprudence Orkem/Commission (54) en ce que la Commission ne peut pas se prévaloir des affirmations d'une entreprise inculpée impliquant une reconnaissance de l'infraction ni les utiliser comme preuve des agissements illicites d'une autre entreprise à peine de violer le principe d'égalité des armes et le principe de défense.

59.
    Elle ajoute que, lorsque le Tribunal déclare, au point 735 de son arrêt, que les entreprises contre lesquelles le dossier répressif avait été ouvert, et en particulier Cembureau, n'étaient pas obligées de répondre à une demande de renseignement qui leur avait été adressée conformément à l'article 11, paragraphe 1, du règlement n° 17, une telle affirmation est dénuée de pertinence parce que les informations la concernant n'ont pas été fournies en exécution de cette disposition-là, mais bien en application de l'article 14, paragraphe 2. Elle estime que l'exposé des motifs est erroné sur ce point.

60.
    La Commission estime que le Tribunal a donné une réponse exhaustive lorsqu'il a déclaré, en substance, qu'une déclaration par laquelle une partie met en cause d'autres entreprises sans s'impliquer personnellement ne peut pas être assimilée à une auto-incrimination. En outre, le fait pour une entreprise de répondre à une question qu'elle pourrait très bien laisser sans réponse n'équivaut pas à reconnaître les faits. Le raisonnement que le Tribunal a tenu dans l'arrêt entrepris est conforme à la jurisprudence communautaire et à celle de la Cour européenne des droits de l'homme. La thèse adverse proposée par Unicem entraîne un résultat absurde, à savoir l'annulation de tout témoignage relatif à l'existence d'une entente contraire à la concurrence.

2)    Un grief dénué de fondement

61.
    Le droit de ne pas témoigner contre soi-même et le droit de ne pas plaider coupable sont des garanties instrumentales du droit générique de se défendre, auquel ils assurent une couverture dans sa manifestation passive. Ils sont étroitement liés au principe de la présomption d'innocence. Ils confèrent la faculté d'inertie à leur titulaire et interdisent à l'accusateur toute mesure de coercition ou de contrainte visant à obtenir une déclaration de la défense, voire un aveu, exprès ou tacite (55).

62.
    C'est la raison pour laquelle «la Commission ne saurait imposer à l'entreprise l'obligation de fournir des réponses par lesquelles celle-ci serait amenée à admettre l'existence d'infractions dont il appartient à la Commission d'établir la preuve» (56). Cela étant, rien n'empêche cette entreprise de les donner volontairement.

63.
    Tels sont le sens et la portée des pouvoirs que le règlement n° 17 attribue à la Commission lorsqu'il l'habilite à recevoir des informations de la part des entreprises mises en cause, lesquelles sont tenues de les fournir, à l'exception des éléments susceptibles de les compromettre. Il en va de même des pouvoirs de vérification de cette institution.

64.
    Les preuves obtenues en violation de ces garanties ne sont pas valides et, par conséquent, ne peuvent pas être utilisées à l'encontre de l'accusé.

65.
    Les considérations qui précèdent démontrent l'absence de fondement du grief d'Unicem.

66.
    À aucun moment la requérante n'a affirmé que les données utilisées à son encontre auraient été inférées au départ de déclarations obtenues sous la contrainte, d'elle-même ou d'autres entreprises, ni que, comme je viens de le signaler, il existerait le moindre obstacle à l'utilisation d'informations fournies volontairement.

67.
    En outre, comme il apparaît au point 733 de l'arrêt entrepris, les données qui ont servi à inculper Unicem ne provenaient pas de celle-ci, mais bien d'autres entreprises. Le droit de ne pas témoigner contre soi-même et le droit de ne pas plaider coupable ont, comme je l'ai indiqué, un caractère réfléchi: l'accusé ne peut être contraint à s'avouer coupable ni par une déclaration expresse ni en fournissant des données qui le compromettraient. Ces droits sont cependant étrangers à toute idée de réciprocité. Rien n'empêche d'utiliser les déclarations d'un tiers à l'encontre d'un accusé, même si, le cas échéant, elles ne sauraient être employées au détriment de ce tiers (57).

68.
    La prétention d'Unicem que j'ai reproduite au point 58 des présentes conclusions souffre de deux défauts.

69.
    Le premier est un défaut à caractère théorique. Les droits qui retiennent ici mon attention sont des garanties fondamentales du citoyen confronté à la puissance publique exerçant le ius puniendi dans le cadre d'une procédure administrative répressive ou d'une procédure pénale. Il s'agit de droits visant à établir un équilibre là où il n'y en a pas: la puissance publique face aux citoyens, lesquels doivent rester à l'abri de coercitions abusives (58). Ils n'ont rien à voir avec le principe de l'égalité des armes, qui vise à préserver la symétrie initiale entre les parties litigantes se disputant leurs droits devant un tiers impartial appelé à trancher. Rien ne s'oppose donc à ce que les déclarations d'un accusé soient utilisées à l'encontre d'un autre.

70.
    Le second défaut tient à une raison pratique. Comme la Commission l'a signalé, la thèse de la requérante entraînerait l'impossibilité de démontrer des comportements tels que ceux qui sont en cause en l'espèce et impliquerait leur impunité. Dans l'arrêt Orkem/Commission, la Cour a elle-même souligné la nécessité de chercher un point d'équilibre garantissant à la fois l'efficacité de l'action de la Commission et les droits des entreprises à l'encontre desquelles a été ouverte une enquête, voire une procédure répressive. Tel est le sens des points 32 à 35 de cette décision.

71.
    Enfin, le Tribunal n'a pas commis l'erreur dont Unicem lui fait grief puisqu'au point 735 de son arrêt, il a déclaré que les données auxquelles il se réfère proviennent d'une inspection effectuée conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17. À supposer même qu'elle soit démontrée, une telle erreur serait en outre sans importance puisque le témoignage ne provenait pas d'Unicem, mais bien de Cembureau, qui était libre de répondre aux questions qui lui avaient été posées ou de les ignorer. La requérante ne conteste d'ailleurs pas ces deux affirmations, qu'on peut lire dans le passage précité de l'arrêt entrepris.

72.
    Ce moyen doit donc lui aussi être rejeté.

2.    Sur l'accord Cembureau et sur la participation d'Unicem à l'entente et aux mesures d'application (deuxième groupe de moyens)

73.
    Dans cette partie du pourvoi, Unicem fait grief au Tribunal d'avoir incorrectement motivé son arrêt, d'avoir enfreint des règles de droit et d'avoir commis des erreurs dans l'appréciation des éléments de preuve.

A - L'existence et la nature de l'accord Cembureau (neuvième moyen)

74.
    Unicem articule ce moyen en quatre branches, dont la première, déduite d'une appréciation erronée du marché pertinent, a déjà été rejetée par la Cour dans son ordonnance du 5 juin 2002 au motif qu'elle était manifestement infondée.

1)    Appréciation erronée des preuves documentaires directes (neuvième moyen, deuxième branche, première partie) (59)

a)    La position des parties

75.
    Selon la requérante, les documents cités par le Tribunal de première instance, qui avaient été versés au dossier administratif par la Commission, ne démontrent pas sa participation à l'accord Cembureau.

76.
    La Commission excipe de l'irrecevabilité du moyen en alléguant que la partie adverse ne reproche pas au juge a quo d'avoir dénaturé les éléments de preuve, mais cherche à obtenir le réexamen de ceux-ci par la Cour.

77.
    Pour Unicem, aucun des documents suivants ne démontre qu'elle a participé à l'entente:

i)    Les notes internes de Blue Circle

78.
    Ces notes concernent uniquement les importations au Royaume-Uni, de sorte que, même si elles démontraient l'existence d'un accord anticoncurrentiel, les effets de celui-ci n'affecteraient pas l'Europe entière, mais uniquement certains États.

ii)    La déclaration de M. Kalogeropoulos

79.
    Pour se former un jugement sur la déclaration que M. Kalogeropoulos aurait faite au cours de la réunion du conseil d'administration de la société Heracles, le Tribunal de première instance n'a pas jugé nécessaire qu'il justifie les difficultés que traversait l'entreprise. La référence que M. Kalogeropoulos a faite à un accord entre les cimenteries européennes ne comportait aucune mention de Cembureau.

iii)    La confession de Cembureau

80.
    Cet élément probatoire ne comporte aucune allusion à son éventuelle participation à l'entente.

iv)    La lettre de convocation à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983

81.
    Ce document porte sur l'opportunité de freiner les conséquences négatives des importations de ciment, mais le Tribunal de première instance n'a pas indiqué que l'exemple qu'il cite parmi les mesures dont l'adoption était évoquée concernerait les échanges entre la Belgique et les Pays-Bas, lesquels étaient réglés par un protocole.

v)    La ratification de l'accord Cembureau au cours de la réunion des chefs de délégation du 7 novembre 1984

82.
    Pour démontrer l'existence de l'accord Cembureau, la Commission utilise une phrase («obtenir un accord conclu entre les principaux exportateurs européens») qui ne démontre pas qu'un tel accord aurait déjà été conclu, mais, plus exactement, qu'il n'avait pas encore été adopté. Unicem ajoute qu'on pourrait tout au plus déduire de cette phrase qu'un pacte a été signé par les principaux producteurs européens de ciment, au nombre desquels Unicem ne figurait pas.

b)    De simples désaccords sur les faits

83.
    Quoiqu'elle s'emploie à démontrer le contraire, l'argumentation d'Unicem n'ébranle pas les constatations de fait qui sont à la base du litige. Elle exprime une manière différente d'aborder les faits qui, en aucune manière, ne démontre que le Tribunal aurait apprécié le corpus probatoire de manière arbitraire ou illogique.

84.
    Vu sous cet angle, le moyen est irrecevable. En tant qu'organe de cassation, la Cour ne doit pénétrer sur ce terrain que si une disposition ou un principe général du droit communautaire a été enfreint lors de l'obtention des preuves, si les règles relatives à la charge de la preuve ont été violées au cours de l'appréciation de celles-ci ou si ladite appréciation est illogique ou arbitraire et si, par conséquent, elle dénature les éléments probatoires. La Cour a uniquement le pouvoir de réparer la violation de droit que le Tribunal aurait commise, mais elle ne peut jamais établir les faits, sans préjudice de son pouvoir de contrôler la qualification juridique qui leur aurait été donnée (60).

85.
    Il convient de souligner la manière de procéder du Tribunal de première instance, qui a confirmé partiellement les conclusions que la Commission a tirées du matériel probatoire. Au départ de certaines preuves documentaires, qu'elle a qualifiées de directes (61), celle-ci a déduit qu'au cours de la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, un accord contraire à ce qui était alors l'article 85, paragraphe 1, du traité avait été adopté. Cet accord avait pour objet «le respect des marchés nationaux et la régulation des ventes entre pays: c'est-à-dire, la répartition des marchés». Il a été confirmé au cours de la réunion du 7 novembre 1984 (62). Unicem, membre direct de Cembureau, n'a assisté à aucune de ces deux réunions (63), mais la Commission a conclu, pour elle comme pour les associés indirects, qu'elle avait fait partie de l'entente du fait qu'elle avait participé à différentes mesures d'exécution (64).

86.
    Cette utilisation de la preuve par présomption est absolument licite (65). Elle consiste à déclarer démontrés certains faits compromettants en se fondant sur des conjectures basées sur la logique et la raison, sur le sens commun et sur l'expérience. Elle ne peut être utilisée qu'au départ d'événements établis permettant de considérer certains faits comme étant accrédités grâce à un processus mental conforme aux règles du bon sens.

87.
    Voici comment le Tribunal de première instance a procédé. Se fondant sur des faits établis (à savoir que différentes réunions avaient été organisées; que des accords anticoncurrentiels avaient été adoptés au cours de celles-ci et qu'Unicem avait participé à certaines mesures d'exécution), il a déclaré prouvé qu'une entente existait et qu'Unicem s'y était jointe. Cette idée est raisonnable et le Tribunal l'a d'ailleurs expliquée de manière adéquate dans l'arrêt entrepris.

88.
    Au contraire, analyser isolément chacun des éléments de preuve pour proposer une appréciation différente en dehors de tout contexte en soulignant les éventuelles contradictions entre les différents documents est hors de propos.

2)    La soi-disant contradiction dans les arguments du Tribunal relatifs à l'existence de l'accord Cembureau (neuvième moyen, deuxième branche, deuxième partie) (66)

a)    La position des parties

89.
    Unicem relève divers passages de l'arrêt entrepris (les points 996, 1048, 1049 et 4072) où apparaîtraient les contradictions, les imprécisions et les confusions dont le Tribunal se serait rendu coupable.

90.
    Pour la Commission, ce moyen est irrecevable parce qu'Unicem n'indique pas les passages de l'arrêt entrepris qui seraient entachés d'un défaut de motifs. La requérante confond et mélange les observations du Tribunal avec celles de la Commission elle-même, qui sont citées dans l'arrêt entrepris. Tel est le cas du point 4072. Pour le surplus, la Commission ne discerne aucune contradiction dans les autres passages épinglés dans ce moyen.

b)    Les points de l'arrêt entrepris cités dans le moyen ne comportent aucune contradiction

91.
    Je ne parviens pas à comprendre la position que la Commission a adoptée à propos de ce grief dès lors qu'Unicem a clairement identifié dans sa requête les points de l'arrêt qui contiendraient, selon elle, des motifs contradictoires.

92.
    On cherchera en vain la discordance ainsi incriminée. Comme elle l'a déjà fait dans le moyen précédent et à d'autres occasions tout au long de la requête introductive du pourvoi, Unicem propose une fois de plus une lecture partielle, unilatérale et fractionnée de l'arrêt entrepris.

93.
    Le fait que les participants aux réunions du 30 mai 1983 et du 10 juin 1985 n'ont pas discuté du commerce intracommunautaire du ciment et qu'il ne saurait dès lors pas être question d'une répartition des marchés nationaux (points 996 et 1048 de l'arrêt entrepris) n'est pas en contradiction avec le fait que l'accord Cembureau a bien été adopté au cours de la réunion du 13 janvier 1983 ni qu'il a été ensuite ratifié les 19 mars et 7 novembre 1984 (point 1049), comme le Tribunal l'a déclaré après avoir examiné les éléments de preuve qui avaient été mis à sa disposition. Ces passages ne sont pas davantage confus: la juridiction a estimé que certaines réunions (les trois citées en dernier lieu) avaient un objet illicite et d'autres non.

94.
    Au point 4072 de l'arrêt (67), le Tribunal ne fait que transcrire littéralement certains passages de la décision et analyser les éléments subjectifs de rattachement que la Commission a exposés dans celle-ci pour justifier le fait qu'elle avait qualifié l'accord Cembureau d'accord unique et continu. Selon elle, ces propos du Tribunal ne sont pas susceptibles d'être invoqués pour démontrer la contradiction de ses raisonnements ou la confusion de ses argumentations.

95.
    Unicem s'étonne que le Tribunal (mais il s'agit en réalité de la Commission) ait lié les situations bilatérales aux réunions «illicites» et non pas à celles qui n'avaient aucun lien avec un quelconque accord anticoncurrentiel. Manifester simplement sa perplexité sans émettre d'autres critiques ne suffit pas à jeter le doute sur la correction juridique de l'appréciation que le Tribunal a opérée au point 4072 de l'arrêt entrepris dans l'exercice du pouvoir d'évaluation des preuves qui lui a été attribué.

3)    La qualification de l'accord Cembureau d'accord unique (neuvième moyen, troisième branche) (68)

a)    La position des parties

96.
    Unicem fait grief au Tribunal de première instance d'avoir qualifié le principe Cembureau d'«accord unique». Selon elle, cette notion suppose un seul comportement ininterrompu, alors que les faits incriminés en l'espèce ne correspondent pas à un «comportement unique», mais bien à un «dessein délictueux unique». Il n'y a pas d'agissement un et ininterrompu parce que de longs intervalles de temps se sont écoulés entre les différentes réunions. Conformément à la jurisprudence communautaire (69), les quatorze mois qui séparent le 14 janvier 1983 du 19 mars 1984 excluent l'existence d'un accord unique.

97.
    La Commission rétorque que la requérante donne une lecture très «expéditive» et erronée de l'arrêt entrepris, aux points 1004 à 1027 duquel le Tribunal se réfère à toute une série d'éléments établis par les procès-verbaux et diverses notes relatives aux réunions. Ces éléments ne laissent place à aucun doute: la réunion qui a eu lieu en mars 1984 a été organisée dans le prolongement de celle qui s'était tenue en janvier 1983. L'arrêt invoqué par Unicem serait dénué de pertinence en l'espèce.

b)    Sur la notion d'accord unique et continu et sur son application à l'entente Cembureau

98.
    L'article 85 du traité interdit les accords entre entreprises et les décisions d'associations d'entreprises, y inclus les comportements qui constituent la mise en oeuvre de ces accords ou décisions, ainsi que les pratiques concertées, lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter le commerce intracommunautaire et qu'ils ont un objet ou un effet anticoncurrentiel. Il s'ensuit qu'une violation de cet article peut résulter non seulement d'un acte isolé, mais également d'une série d'actes ou bien encore d'un comportement continu (70). L'élément décisif est l'existence d'un élément subjectif commun et d'une même intention d'infraction qui réunit ces comportements (71).

99.
    Il est, en principe, légitime de qualifier d'infraction unique et continue l'ensemble des activités qui s'inscrivent dans un système de réunions périodiques ayant pour objectif commun le respect des marchés nationaux du ciment, objectif au service duquel sont adoptées, notamment, des mesures d'échange d'informations sur les prix ainsi que des manoeuvres de persuasion et des pressions exercées à l'encontre des importateurs qui menacent la stabilité des marchés.

100.
    Le fait qu'un des comportements, considéré isolément, soit une infraction autonome à l'article 85 du traité (72) et le fait qu'une entreprise n'ait pas participé à tous les éléments constitutifs de l'entente, qu'elle ait joué un rôle mineur (73) ou qu'elle n'ait pas appliqué les mots d'ordre (74) sont dépourvus de pertinence dans ce contexte.

101.
    C'est la raison pour laquelle, si une société commerciale participe à une infraction de ce type par des comportements qui lui sont propres et visent à réaliser l'objectif commun, elle est responsable, pour toute la période de son intervention, des comportements mis en oeuvre par d'autres opérateurs économiques dans le cadre de la même infraction. «Tel est, en effet, le cas lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu'elle était prête à en accepter le risque» (75).

102.
    Les notions d'«accord unique» et de «dessein délictueux unique» ne s'excluent pas mutuellement comme semble le croire la requérante. La seconde est une condition nécessaire de la première. S'il est vrai qu'un objectif punissable peut être poursuivi par différents comportements sans lien apparent, il n'en demeure pas moins que, lorsqu'à l'unicité de propos s'ajoute le fait que tous les actes isolés s'inscrivent dans un même plan d'action, il est légitime de parler d'un accord unique, sortissant ses effets de manière continue.

103.
    Le Tribunal consacre les points 4025 à 4417 de l'arrêt entrepris à justifier pourquoi il a qualifié le principe Cembureau d'accord unique et continu. Pour ce faire, il examine la participation de chacune des entreprises.

104.
    Unicem ne conteste pas ces raisonnements de l'arrêt, mais elle n'admet pas que le Tribunal puisse parler d'un comportement de ce type parce que quatorze mois se sont écoulés entre les deux premières réunions des chefs de délégation.

105.
    Aux points 1004 à 1027, le Tribunal explique de manière adéquate l'existence d'un même propos et d'un lien entre la réunion du 14 janvier 1983, au cours de laquelle l'accord Cembureau a été adopté, et la réunion du 19 mars de l'année suivante, au cours de laquelle il a été ratifié. Il se réfère à des documents démontrant que la continuité requise fait le lien entre ces deux rencontres: il s'agit du procès-verbal de la réunion du comité exécutif du 9 novembre 1983, de la communication adressée au président en vue de la réunion du 19 mars 1984 ainsi que de l'ordre du jour et des notes de la session. L'entreprise requérante n'a pas réfuté la pertinence de ces documents ni les appréciations de fait que le Tribunal a effectuées après les avoir analysés.

106.
    L'arrêt du Tribunal de première instance cité par Unicem (76) dans le raisonnement juridique qu'elle articule à l'appui de ce moyen ne contredit pas les appréciations qui précèdent pour la bonne et simple raison qu'il a trait à une hypothèse de fait différente, dans laquelle la Commission n'avait pas fourni la preuve du caractère continu de l'infraction.

107.
    Les raisonnements qui précèdent entraînent le rejet total du neuvième des moyens du pourvoi.

B - Les échanges périodiques d'informations sur les prix (dixième moyen) (77)

108.
    Unicem, que la Commission déclare responsable du comportement décrit à l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la décision, a divisé ce moyen en cinq branches. Dans chacune de celles-ci, elle dénonce un défaut de motifs de l'arrêt entrepris.

1)    La position des parties

a)    Exposé des motifs illogique (première branche)

109.
    La requérante considère que le raisonnement tenu par le Tribunal aux points 1651 et suivants de l'arrêt entrepris est illogique et impropre à établir sa responsabilité. Voici comment elle raisonne elle-même: a) comment les données que les entreprises ont échangées ont elles pu faciliter l'exécution de l'accord Cembureau puisqu'elles étaient publiques et pouvaient être obtenues de diverses sources? b) il y aura toujours des entreprises susceptibles d'utiliser à des fins douteuses les informations dont elles disposent par hasard, de sorte qu'il sera toujours illicite d'échanger des renseignements, ce qui est paradoxal; enfin c) le fait que ces informations aient été utilisées au cours des réunions des chefs de délégation ne démontre pas qu'elles présentent un lien, à des fins anticoncurrentielles, avec les réunions au cours desquelles les échanges licites d'informations ont eu lieu.

110.
    Unicem prétend de surcroît que les déclarations du Tribunal sur ce point contredisent un principe central du droit de la concurrence, conformément auquel toute violation de l'article 85 du traité implique que les informations échangées soient considérées comme des secrets professionnels.

111.
    La Commission lui rétorque que les points 1651 et 1652 de l'arrêt entrepris ne contiennent aucune appréciation à ce sujet parce que le Tribunal ne fait qu'y reprendre les explications qu'il avait fournies aux points 1639 à 1643 pour pouvoir qualifier les échanges d'informations de violations des règles de la concurrence dans le cadre de l'accord Cembureau. Après avoir analysé les documents cités par la Commission, le Tribunal explique au point 1644 que le troc de données était une mesure d'application de l'entente. Dans ce contexte, il résulte des points 1651 et 1652 que le fait, pour les entreprises italiennes, d'avoir estimé nécessaire de fournir une information disponible par ailleurs démontre qu'elles se conformaient aux décisions adoptées dans le cadre du principe Cembureau.

b)    Erreur dans l'exposé des motifs sur la licéité des échanges d'informations (deuxième branche)

112.
    Unicem a fait valoir en première instance qu'en admettant même que les informations qui avaient circulé entre les producteurs eussent été sensibles, leur échange n'aurait pu être prohibé que sur un marché oligopolistique, ce qui n'était pas le cas du secteur du ciment. Elle précise aujourd'hui que le Tribunal n'a pas correctement examiné cet argument et qu'il l'a compris de travers, croyant que la requérante aurait qualifié le marché en cause d'oligopole. Son exposé des motifs est dès lors erroné.

113.
    La Commission observe qu'il s'agit d'une erreur manifeste de rédaction qui n'invalide pas l'appréciation du Tribunal de première instance, pas même dans la version italienne de l'arrêt, dans laquelle celui-ci a souligné que l'idée d'Unicem selon laquelle les échanges d'informations auraient renforcé la concurrence sur le marché est démentie aux points 1630 à 1647.

114.
    Unicem rétorque que la négligence dont le Tribunal a fait preuve dans la rédaction de son arrêt, négligence dont elle n'a pas pu se rendre compte, viole ses droits de la défense puisqu'elle a formulé son moyen sur la base de la copie de l'arrêt qui lui a été notifiée. Si le Tribunal lui avait fourni un texte correct, elle aurait préparé son pourvoi de manière différente. Elle ajoute que la réponse de la Commission (qui prétend que l'erreur n'invalide pas les raisonnements du Tribunal) est dépourvue de pertinence puisque l'exposé des motifs de l'arrêt entrepris sur ce point est totalement incompréhensible et contraire à l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE).

115.
    La Commission fait valoir dans la duplique qu'elle ne comprend pas en quoi une inexactitude dépourvue de toute incidence sur le fond des prétentions de la requérante, qui ont été dûment rejetées par le Tribunal, pourrait avoir violé les droits de la défense d'Unicem.

c)    L'exposé des motifs concernant l'aptitude des échanges d'informations à faciliter l'accord Cembureau est illogique (troisième branche)

116.
    Unicem fait grief au Tribunal de n'avoir pas mis en doute la justification fournie par la Commission pour établir que des échanges d'informations, qui étaient pratiqués depuis 1981, seraient devenus des actes d'application de l'accord Cembureau à partir de 1984. Le raisonnement de la Commission ne contient aucune preuve, mais uniquement des présomptions. Le Tribunal a commis la même erreur.

117.
    La requérante ajoute qu'à l'instar de Cementir et d'Italcementi, elle n'a jamais exporté de ciment vers d'autres marchés communautaires et que l'hypothèse que le Tribunal avance au point 1725 de l'arrêt entrepris n'est donc fondée sur aucun élément de preuve. Elle prétend qu'un grief similaire peut être fait au point 1726. Qui plus est, conformément à une jurisprudence communautaire abondante, le corollaire auquel aboutissent la Commission et le Tribunal n'est pas la seule explication plausible de ce comportement: il s'agirait d'un simple soupçon dont la force probante est égale à celle des explications avancées dans leurs requêtes par les entreprises sanctionnées.

118.
    La Commission lui répond que les points 1725 à 1727 de l'arrêt entrepris ne peuvent pas être qualifiés d'illogiques.

d)    Exposé des motifs circulaire (quatrième branche)

119.
    Unicem soutient que le Tribunal a commis une erreur lorsqu'il a considéré que sa participation aux échanges d'informations sur les prix démontrait son implication dans l'accord Cembureau et que son intervention dans cette entente démontrait sa complicité dans ceux-ci (point 1698 de l'arrêt entrepris).

120.
    Le caractère circulaire du raisonnement paraît évident. Ni la Commission ni le Tribunal n'auraient fourni la moindre preuve du fait que les échanges d'informations auraient été illicites en soi. Si un tel comportement est licite et n'a été sanctionné que parce qu'il facilitait l'application de l'accord Cembureau, il ne pourrait pas être utilisé dans le même temps comme élément de preuve de l'«unicité» de l'entente.

121.
    La Commission signale que l'allégation de la requérante ne correspond pas aux observations formulées dans l'arrêt entrepris. Au point 1698 de celui-ci, le Tribunal indique que la participation d'Unicem à l'accord Cembureau à partir du 9 septembre 1986 est démontrée par les données énoncées aux points 4243 et 4247, où l'on peut lire que son intervention dans la création de la European Task Force et, ultérieurement, dans les mesures visant à empêcher Calcestruzzi d'importer du ciment en provenance de Grèce, mesures adoptées dans le cadre de cet accord, était la manifestation de son adhésion au principe Cembureau. Elle considère donc que le raisonnement du Tribunal n'est pas un raisonnement circulaire.

e)    L'exposé des motifs concernant la violation du principe de l'égalité de traitement est erroné (quatrième moyen et cinquième branche du dixième moyen)

122.
    Selon Unicem, le fait que les griefs déduits des échanges périodiques d'informations sur les prix n'ont pas été retenus à l'encontre d'autres entreprises italiennes, en particulier à l'encontre de l'Associazione Italiana Technico Economica del Cemento, ou qu'après l'avoir été ils ont été retirés à la suite de la décision d'abandonner les «griefs nationaux» viole son droit à l'égalité de traitement.

123.
    Le Tribunal aurait commis une erreur de droit manifeste, car il serait illogique qu'il ait méconnu une jurisprudence communautaire constante condamnant le comportement des associations «catégorielles» par le biais desquelles s'opèrent les échanges d'informations.

124.
    Se prévalant de l'ordonnance Unifruit Hellas/Commission (78), la Commission estime que ce moyen est irrecevable en ce qu'Unicem ne désigne pas les points de l'arrêt contre lesquels il est dirigé.

125.
    Elle observe, quant au fond, que c'est à bon droit que le Tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu de disculper Unicem, dont la responsabilité ne faisait aucun doute, bien que l'association n'ait pas été accusée de l'infraction visée à l'article 2, paragraphe 2, de la décision (79).

126.
    La requérante juge à peine vraisemblable que la Commission n'ait pas été en mesure d'identifier les points de l'arrêt entrepris contre lesquels son moyen est dirigé et qu'elle considère dès lors celui-ci comme étant irrecevable. En effet, ces points (à savoir les points 1700 à 1702) sont désignés dans la réplique.

2)    Unicem et les échanges périodiques d'informations sur les prix (les trois premières branches de ce moyen)

127.
    L'existence des échanges périodiques d'informations sur les prix est un fait que non seulement nul ne conteste, mais qui, de surcroît, ne peut pas, en tant que tel, être discuté en cassation. La participation d'Unicem à l'entente entre le 9 septembre 1986 et le 31 décembre 1988 (80) n'est pas davantage mise en question. La donnée décisive est que la Commission considère que cette pratique, à laquelle les entreprises se livraient depuis 1981, est devenue, à partir de 1984, une mesure d'application de l'accord Cembureau parce qu'elle en facilitait l'exécution (81).

128.
    Le Tribunal a considéré que cette déduction était correcte en ce qu'elle est fondée sur des faits parfaitement avérés et que nul ne conteste: 1) les réunions de chefs de délégation au cours desquelles les participants ont exprimé leurs préoccupations au sujet de la baisse sensible du niveau de certains prix et ont échangé des renseignements à ce sujet; 2) le tableau «Prix domestiques», visé au point 1646 de l'arrêt entrepris, qui a été diffusé au cours de la réunion des chefs de délégation du 30 mai 1983 (82) et 3) les échanges de renseignements eux-mêmes, échanges qui permettent objectivement d'indiquer la tendance des différents prix appliqués dans les pays où sont établis les membres de Cembureau (83) et fournissent donc des indications permettant de les situer à des niveaux dissuasifs (84). Le Tribunal déduit de ces éléments qu'à partir de la conclusion de l'accord du même nom le troc régulier d'informations a permis aux membres de Cembureau de mettre celui-ci en oeuvre plus aisément (85).

129.
    Dans ce contexte, le grief formulé par Unicem dans la première branche du dixième moyen perd toute consistance. Le point 1651 de l'arrêt entrepris, qui reproduit partiellement le point 47, paragraphe (14), deuxième tiret, des motifs de la décision, ne doit pas être lu isolément. Le fait que les données échangées étaient publiques n'empêche pas qu'en les diffusant Unicem entendait collaborer à l'entente et faciliter l'exécution de l'accord Cembureau. Qui plus est, un comportement licite en principe peut devenir illégal s'il est mis au service d'une entente restrictive de la concurrence (86).

130.
    Le grief d'Unicem présente en outre un aspect irrecevable. Il s'agit du passage dans lequel cette entreprise prétend que l'utilisation de données sur les prix au cours des réunions des chefs de délégation ne démontre pas l'existence d'un rapport à caractère anticoncurrentiel avec les réunions au cours desquelles les échanges licites ont eu lieu. Cette dimension du moyen concerne la preuve et, étant donné que la requérante conteste uniquement l'appréciation des faits opérée par le Tribunal de première instance, le moyen doit être rejeté sans plus.

131.
    Il résulte de ce qui précède que la troisième branche de ce moyen de cassation est, elle aussi, dénuée de fondement. Unicem fait grief à la Commission et au Tribunal d'avoir conclu «sans aucune preuve», en se fondant sur des «présomptions», qu'à partir de 1984 les échanges de données sur les prix ont été utilisés en vue de faciliter l'application de l'accord Cembureau. Elle se trompe cependant lorsqu'elle assimile «présomptions» et absence de preuves, car, comme je l'ai déjà indiqué au point 86 des présentes conclusions, les présomptions sont une technique adéquate pour accréditer des faits. Au point 128, j'ai exposé la procédure que le Tribunal a suivie pour pouvoir conclure que la décision est conforme au droit sur ce point. Ce grief de la requérante n'est donc pas de nature à ébranler le bien-fondé de l'arrêt entrepris.

132.
    Dans cette même troisième branche, Unicem déclare que l'exposé des motifs que le Tribunal a utilisé aux points 1725 à 1727 de l'arrêt entrepris pour rejeter sa thèse suivant laquelle sa participation aux échanges de renseignements ne pouvait pas restreindre la concurrence puisqu'elle n'exportait pas de ciment vers d'autres pays européens à l'époque est illogique. Une fois de plus, la requérante propose une lecture partielle, non intégrée, de la décision juridictionnelle qu'elle conteste. Dans ces trois passages, le Tribunal lui a fourni une réponse adéquate. Dès lors que son rôle dans les échanges d'informations avait été démontré et qu'il en résultait qu'à partir de 1984 ceux-ci avaient été mis au service de l'accord Cembureau sur le respect des marchés nationaux (points 1634 et suivants), le fait que les producteurs italiens n'exportaient pas de ciment vers d'autres États membres ne démontre pas qu'ils n'avaient aucun intérêt à faire circuler l'information en application du principe Cembureau. Lus de cette manière, en combinaison avec les autres parties de l'arrêt entrepris qui traitent de cette question, les raisonnements du Tribunal ne sont ni illogiques ni dépourvus de preuves. Les faits sur lesquels est fondée l'imputation ont été démontrés, et c'est la raison pour laquelle Unicem et les autres producteurs italiens ont tenté de justifier leur comportement d'un point de vue différent.

133.
    Unicem soutient, dans la première branche de ce moyen, que le droit de la concurrence connaît un principe essentiel conformément auquel des échanges d'informations ne peuvent entraîner une violation de l'article 85 du traité que s'il s'agit de secrets professionnels (87). Formulée de cette manière, cette déclaration est inexacte. S'il est vrai qu'en règle générale un accord d'échanges de renseignements entre concurrents n'est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité que si les informations qu'ils se fournissent réciproquement sont des secrets d'affaires (88), il existe néanmoins des exceptions. La situation examinée dans l'arrêt entrepris en est une.

134.
    La Commission n'a pas condamné les échanges d'informations sur les prix comme étant un comportement anticoncurrentiel autonome, mais uniquement en ce qu'ils facilitaient l'exécution de l'accord Cembureau. La fourniture réciproque d'indications sur les paramètres de formation des prix contribuait au respect des marchés nationaux parce qu'elle permettait à un producteur de dissuader un client extérieur potentiel de s'approvisionner auprès de lui en exigeant un prix nullement attrayant par rapport à celui que cet éventuel acheteur aurait pu obtenir auprès des entreprises de l'État membre dans lequel il est établi (89). Dans ces circonstances, le fait que les données échangées fussent secrètes était dénué de pertinence. L'élément décisif est leur aptitude à garantir l'accord Cembureau, c'est-à-dire à avoir une incidence sur le marché du ciment et à en éliminer l'incertitude (90). La connaissance générale d'une chose n'exclut pas d'emblée qu'elle puisse être utilisée à des fins contraires à la concurrence. Le mode de divulgation de l'information, la manière de la traiter, le moment auquel l'échange a lieu et le contexte dans lequel il se produit peuvent rendre illicite un accord de ce type qui ne devrait, en principe, pas compromettre la libre concurrence parce qu'il concerne des éléments qui ne sont pas qualifiés de secrets.

135.
    La deuxième branche du moyen part d'une prémisse erronée. Dans les différentes versions de l'arrêt entrepris, le Tribunal relate, au point 1680, qu'«Unicem [...] soutient que, dans un marché non oligopolistique [...]» (91). Seule la version italienne parle d'un marché oligopolistique. L'hypothèse qui sert d'appui factuel à ce moyen étant incorrecte, celui-ci se trouve automatiquement dénué de fondement.

136.
    Je ne parviens pas à comprendre comment cette circonstance peut avoir placé Unicem dans l'impossibilité de se défendre, sauf à admettre que ce qui la préoccupe, ce n'est pas tant la correction juridique de la décision judiciaire que l'existence de failles et d'éventuelles contradictions susceptibles de lui permettre de construire artificiellement des arguments sur lesquels fonder sa demande d'annulation. Cette manière de concevoir la fonction de la défense explique peut-être nombre des moyens qui constituent cette seconde partie du pourvoi: ils sont érigés sur des lectures partisanes de l'arrêt du Tribunal de première instance.

137.
    Dans les conclusions que j'ai présentées ce jour dans l'affaire Irish Cement/Commission (C-205/00 P), j'ai déclaré que les griefs déduits de l'exposé des motifs, avec ce qu'ils ont de systématique, sont inappropriés. Une décision de justice qui occupe pratiquement 1 700 pages du Recueil et contient 5 134 points, décision dans laquelle le Tribunal met en ordre, décante et systématise, à grand renfort d'esprit de synthèse, les raisonnements exposés par 41 parties requérantes afin de fournir à tout un chacun la réponse qu'il attend, peut être qualifiée de tout ce qu'on voudra, sauf d'être entachée d'un défaut de motifs. Il est évidemment possible que le Tribunal n'ait pas répondu de manière expresse à l'un ou l'autre argument isolé et que l'extrapolation d'un point déterminé, tiré de son contexte, peut révéler des contradictions apparentes, mais c'est précisément parce qu'il s'agit d'un texte unique et intégré que, dans de nombreux cas, la solution est inscrite de manière implicite dans les développements de l'argumentation (92). Dans ces circonstances, toute lecture partielle et morcelée de son contenu doit être écartée, même si elle est compréhensible du point de vue de l'exercice légitime des droits de la défense.

138.
    Les considérations qui précèdent tombent à point nommé parce que, même si la contradiction dénoncée par Unicem était réelle (ce qui est le cas dans la version italienne), le grief serait dénué de fondement. Comme la Commission le signale à bon escient, le point 1680 de l'arrêt entrepris doit être lu en combinaison avec les autres auxquels il est lié, en particulier les points 1639 à 1647, dans lesquels le Tribunal signale que les échanges avaient en réalité une finalité et des effets anticoncurrentiels. Quand bien même le marché européen du ciment aurait été «oligopolistique» (comme le dit, par erreur, la version italienne de l'arrêt entrepris), l'appréciation d'Unicem sur les effets positifs que les échanges d'informations sur les prix auraient eus pour la concurrence est démentie dans les passages de l'arrêt que je viens de citer.

139.
    Ainsi donc, les trois premières branches de ce dixième moyen doivent être rejetées comme irrecevables et non fondées.

3)    La participation d'Unicem aux échanges périodiques de données sur les prix n'a pas été utilisée comme preuve de son implication dans l'accord Cembureau (quatrième branche)

140.
    Unicem, qui était un membre direct de Cembureau, n'a pas participé aux réunions des chefs de délégation de 1983 et de 1984 au cours desquels l'accord homonyme a été adopté et confirmé (93). C'est la raison pour laquelle le Tribunal a examiné si, nonobstant son absence, elle avait apporté son consentement aux termes de l'accord par la mise en oeuvre de mesures d'application de l'entente. Au terme de cette analyse, il a conclu qu'Unicem avait participé à la constitution de la European Task Force (article 4, paragraphe 1, de la décision) (94), aux pratiques visant à détourner Calcestruzzi de ses fournisseurs grecs, en particulier de Titan [article 4, paragraphe 3, sous a)] (95) et à l'accord qui avait pour objet d'empêcher Calcestruzzi d'importer du ciment grec [article 4, paragraphe 3, sous b)] (96). La Commission, dans un premier temps, et le Tribunal de première instance, ensuite, ont déduit de sa participation à ces pratiques qu'elle était intervenue dans l'accord Cembureau à partir du 9 septembre 1986 (97).

141.
    À aucun moment, cependant, le Tribunal n'a affirmé que la participation de la requérante aux échanges d'informations sur les prix accréditait son adhésion à l'entente (98). En d'autres termes, la coopération d'Unicem aux mesures d'exécution sanctionnées aux paragraphes 1 et 3 de l'article 4 de la décision ont servi au Tribunal à la considérer comme étant partie à l'accord Cembureau (99) et c'est son adhésion à celui-ci qui explique son implication dans les échanges d'informations sur le prix (100). Le raisonnement circulaire dénoncé par Unicem n'en est donc pas un.

142.
    La quatrième branche du dixième moyen doit dès lors être rejetée elle aussi.

4)    Le principe de l'égalité de traitement (quatrième moyen et cinquième branche du dixième moyen)

143.
    La Commission prétend que ce grief est irrecevable, mais elle le fait avec un formalisme excessif, de sorte qu'à lui emboîter le pas, on prendrait le risque de porter atteinte au droit qui doit permettre à Unicem d'obtenir une protection judiciaire effective. S'il est vrai que l'entreprise requérante n'a pas indiqué dans son pourvoi les passages de l'arrêt entrepris contre lesquels ses critiques sont dirigées (101), il n'en demeure pas moins que le contenu du moyen permet à la Cour de les identifier même s'ils ne sont pas désignés par leurs numéros.

144.
    Cette branche du dixième moyen du pourvoi est cependant dénuée de fondement.

145.
    En premier lieu, Unicem met dans la bouche du Tribunal des affirmations qui ne figurent pas dans l'arrêt entrepris, à aucun endroit duquel la juridiction n'a déclaré que la requérante n'aurait pas pu démontrer que le fait de ne pas avoir imputé le même grief à l'Associazione Italiana Tecnico Economica del Cemento la plaçait, elle, dans une situation moins favorable. Le Tribunal s'est limité à reconnaître que le fait de ne pas incriminer l'association italienne ne réduisait pas les droits de la défense d'Unicem, laquelle, par le truchement de cette association, a pu avoir accès à des documents qui lui auraient permis de se justifier efficacement au cours de la procédure administrative (102). Il est donc inexact qu'on aurait exigé d'elle une preuve impossible: il s'agit tout simplement d'une affirmation qui n'a été ni contredite ni mise en doute.

146.
    Contrairement à ce qu'affirme la requérante dans la requête introductive du pourvoi, le Tribunal n'a pas non plus estimé que l'association serait vierge de toute responsabilité parce qu'elle se serait bornée à transmettre les données qui lui avaient été fournies par les producteurs de ciment. Il a simplement déclaré que le fait que ce groupement n'ait pas été incriminé n'exclut pas la responsabilité d'Unicem, laquelle «a été correctement établie» (103). C'est la raison pour laquelle rien n'autorise la requérante à prétendre que le Tribunal aurait méconnu une jurisprudence communautaire constante.

147.
    Toute partie invoquant un moyen déduit du principe d'égalité est tenue de fournir un terme de comparaison valide et de démontrer que la situation est similaire dans les deux cas, si bien que le traitement différent réservé à des parties se trouvant dans une situation comparable dénoterait un comportement discriminatoire et, par conséquent, condamnable.

148.
    Pour le surplus, l'égalité dans l'illégalité étant inconcevable, nul ne peut prétendre à l'impunité au seul motif qu'une autre personne, contre laquelle des charges auraient dû être retenues, n'a pas été incriminée.

149.
    Il faut donc rejeter le dixième moyen du pourvoi dans sa totalité.

C - La participation d'Unicem à l'accord relatif à la constitution de la Cembureau Task Force ou European Task Force (troisième branche du onzième moyen) (104)

150.
    Depuis l'ordonnance du 5 juin 2002, seule demeure sur pied la troisième branche de ce moyen, dans laquelle Unicem cherche à démontrer le caractère erroné des arguments que le Tribunal a utilisés pour prouver sa responsabilité dans l'infraction décrite à l'article 4, paragraphe 1, de la décision.

1)    La position des parties

151.
    Pour la requérante, le Tribunal a fondé son appréciation sur les «éléments constitutifs» de la European Task Force et sur la «proposition» de M. Albert, données grâce auxquelles il a pu considérer qu'elle savait que l'accord Cembureau et les pratiques concertées auxquelles elle avait participé faisaient partie d'une stratégie globale destinée à éliminer les importations.

152.
    Unicem répète avec insistance qu'elle ne peut avoir apporté son concours à la constitution de la European Task Force et qu'elle n'a pas assisté à la réunion du 9 septembre 1986. Elle en conclut que le Tribunal n'a absolument pas démontré qu'elle était consciente de participer à un accord anticoncurrentiel unique.

153.
    Selon elle, les mêmes arguments démontreraient qu'elle n'avait pas collaboré aux pratiques décrites aux paragraphes 2 et 3 de l'article 4 de la décision.

154.
    La Commission n'a pas répondu à ce moyen.

2)    Un moyen non fondé

155.
    Le Tribunal de première instance consacre les points 3740 à 3745 de son arrêt à rejeter les arguments d'Unicem avant de conclure que cette entreprise a participé à l'accord unique relatif à la European Task Force. Il se fonde en cela sur deux éléments: la requérante a participé aux éléments constitutifs du pacte (105) et elle a proposé que M. Albert, un de ses employés, fasse partie de deux des cinq groupes de travail (106).

156.
    Les raisons qui ont amené la Cour à rejeter, par son ordonnance du 5 juin passé (107), les deux premières branches de ce moyen comme étant non fondées dictent la même solution à l'égard de cette troisième branche, dans laquelle Unicem utilise comme point de départ une version des faits qui a été répudiée comme étant impertinente en cassation.

157.
    Une fois rejetée l'hypothèse sur laquelle la requérante fonde son approche, le grief est vidé de toute substance.

158.
    Reconnaître qu'Unicem savait qu'elle agissait dans le cadre d'une stratégie d'ensemble destinée à éliminer les importations en Europe occidentale, c'est-à-dire dans le cadre de l'entente relative à la European Task Force n'a rien d'erroné ni d'illogique si l'on tient compte de sa participation à divers éléments constitutifs de l'accord et de l'intervention d'un membre de son personnel dans deux groupes de travail, dans lesquels celui-ci a fait état des efforts consentis dans une action d'application du pacte (108).

D - Les mesures de protection du marché italien (douzième moyen)

159.
    Dans ce moyen, qu'elle articule en six branches, Unicem conteste l'analyse que le Tribunal a donnée des actions entreprises pour empêcher Calcestruzzi de s'approvisionner auprès des producteurs grecs et d'importer du ciment en provenance de la Grèce.

1)    L'abandon des éléments nationaux de la communication des griefs [cinquième moyen, première branche, du douzième moyen et troisième branche, point 1 (dans un de ses aspects), du douzième moyen] (109)

a)    La position des parties

160.
    Pour Unicem, l'abandon des griefs nationaux et l'«exhumation» de contrats et accords déjà contrôlés par l'autorité italienne compétente en matière de concurrence entraînent une double imputation de responsabilité pour un même fait en violation du principe non bis in idem

161.
    La Commission aurait utilisé ces contrats et accords pour démontrer qu'Unicem avait participé à l'entente Cembureau [article 4, paragraphe 2, sous b), de la décision] après avoir constaté qu'Italcementi, Cementir et Unicem étaient coupables d'avoir participé à un accord sur les contrats signés le 3 et le 15 avril 1987, contrats qui avaient pour objet d'empêcher Calcestruzzi d'importer du ciment grec.

162.
    Elle ajoute que les motifs que le Tribunal a exposés au point 3386 de son arrêt pour justifier le double examen des comportements nationaux sont non seulement peu convaincants, mais encore compliqués et fallacieux, car les contrats signés avec Calcestruzzi ont été examinés à l'échelon communautaire en raison de leur illicéité intrinsèque puisqu'aussi bien la Commission que le Tribunal les ont utilisés pour démontrer leur rapport avec l'accord Cembureau.

163.
    Unicem déduit de ce qui précède que le Tribunal a utilisé des motifs erronés pour démontrer l'absence de contradiction entre la décision d'abandonner «les parties nationales» des communications des griefs et l'appréciation des conventions passées avec Calcestruzzi.

164.
    La Commission rétorque que ce grief est irrecevable puisqu'il vise à obtenir un réexamen complet des arguments formulés par Unicem en première instance.

165.
    En ce qui concerne l'exposé des motifs erroné, j'estime que la contradiction dénoncée par la requérante n'existe pas.

166.
    Les appréciations que le Tribunal a portées sur la durée des contrats conclus par les fabricants italiens de ciment avec Calcestruzzi ne sont pas non plus contradictoires puisqu'il a fixé l'étendue chronologique de cette entente à une période débutant le 3 avril 1987, date de la signature des contrats, et prenant fin le 3 avril 1992, jour de leur expiration. La question précédente n'a rien à voir avec l'abandon des «griefs nationaux» étant donné que, comme le Tribunal l'a signalé aux points 445 à 447 de son arrêt, la partie internationale de la communication des griefs et la décision se réfèrent clairement aux contrats dans la perspective d'une entente prohibée parce qu'ils faisaient obstacle aux importations grecques vers l'Italie.

167.
    Selon la Commission, l'arrêt explique exhaustivement qu'Unicem a participé à l'infraction visée à l'article 1er de la décision entre le 9 septembre 1986 et le 3 avril 1992, date à laquelle l'accord des trois producteurs italiens visant à empêcher les importations grecques a pris fin.

b)    Un moyen recevable

168.
    La Commission se trompe lorsqu'elle conclut au rejet de ce moyen pour irrecevabilité, car Unicem ne se limite pas à reprendre les arguments qu'elle avait articulés en première instance, mais critique le Tribunal pour les avoir rejetés dans son arrêt.

169.
    C'est ainsi qu'elle lui reproche d'avoir commis une erreur en droit en ne reconnaissant pas que la Commission avait enfreint le principe non bis in idem et en utilisant des motifs contradictoires. Unicem ne fait donc pas un usage abusif de son droit de pourvoi.

c)    Le principe non bis in idem

170.
    Ce principe (110) interdit de sanctionner une même personne à plusieurs reprises pour un même comportement illicite en vue de protéger les mêmes biens juridiques dans la mesure où une telle répétition de sanctions entraînerait une réitération inadmissible dans l'exercice du ius puniendi (111).

171.
    L'application de ce principe est donc subordonnée à une règle de trois unités: identité de faits, unité de contrevenant et unité de bien juridique protégé (112).

172.
    Il ne fait aucun doute qu'il y a identité de contrevenant en l'espèce.

173.
    L'unité de bien juridique protégé ne fait aucun doute elle non plus. L'ensemble des règles qui garantissent la libre concurrence à l'intérieur de l'Union européenne ne permet pas de distinguer ressort communautaire et ressorts nationaux comme s'il s'agissait de compartiments cloisonnés. Il s'agit, dans l'un comme les autres, de protéger une concurrence libre et ouverte dans le marché commun. Si le premier l'envisage dans son ensemble et les seconds sous l'angle de leurs composantes distinctes, leur essence demeure la même. Sur ce point, les droits nationaux doivent transposer de manière adéquate les dispositions énoncées aux articles 81 CE et 82 CE et par le droit dérivé qui les met en oeuvre.

174.
    On observera, à la lecture des articles 2 (113) et 3 de la loi italienne n° 287/1990, du 10 octobre 1990, de protection de la concurrence et du marché (114), qu'il s'agit là d'une transcription quasi littérale des articles 81 CE et 82 CE, la seule différence étant que le législateur italien parle de «marché national» là où le traité parle de «marché communautaire». Comme je l'expliquerai plus tard, cette différence se cantonne aux adjectifs et n'a pas d'incidence substantielle.

175.
    Les autorités communautaires et nationales s'acquittent d'une tâche similaire et, lorsqu'elles répriment des comportements restrictifs de la concurrence, elles cherchent à protéger un seul et même bien juridique. La répartition de ces compétences a été tracée par la Cour dans les arrêts que j'ai cités à la note 111 des présentes conclusions.

176.
    Dans l'arrêt Wilhelm e.a., précité, la Cour a dit pour droit que: «alors que l'article 85 les envisage en raison des entraves qui peuvent en résulter pour le commerce entre les États membres, les législations internes, inspirées par des considérations propres à chacune d'elles, considèrent les ententes dans ce seul cadre» (115). En s'exprimant de la sorte, la Cour se référait à la double perspective, l'une globale et l'autre territorialement limitée, à laquelle j'ai fait allusion quelques lignes plus haut. Dans cette dernière hypothèse, lorsque l'activité collusoire ne dépasse pas les frontières d'un État membre, elle n'en cesse pas pour autant d'affecter le «jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun» (116). Le critère de l'étendue territoriale du comportement restrictif n'est pas substantiel, mais purement adjectif, dans la mesure où il n'affecte pas la nature de l'infraction, mais uniquement son intensité.

177.
    Lorsque la Commission poursuit et sanctionne un comportement contraire à l'article 81 CE et que les trois unités que j'ai évoquées plus haut sont rassemblées, l'autorité nationale compétente en matière de protection de la concurrence ne peut plus la punir à son tour. Il en va de même lorsque c'est l'instance nationale qui agit la première (117).

178.
    La solution, adoptée par la Cour dans l'arrêt Wilhelm e.a., qui consiste, pour la seconde autorité intervenante, à diminuer la sanction en réduisant le montant de l'amende infligée par la première instance répressive ne satisfait pas aux exigences du principe non bis in idem. Ce principe n'est pas une règle de procédure agissant comme un agent lénitif au service de la proportionnalité lorsqu'une personne est doublement jugée et condamnée pour un même comportement, mais bien une garantie fondamentale des droits des citoyens (118).

179.
    En réalité, dans l'arrêt susvisé, la Cour n'a pas appliqué le principe non bis in idem (119) parce qu'il s'agissait de «deux procédures parallèles, poursuivant des fins distinctes» (120), c'est-à-dire des procédures ayant pour objet de protéger des biens ou valeurs juridiques différents (121). Elles ne présentaient pas l'identité d'objectif protégé à laquelle l'application de la règle non bis in idem est subordonnée. Il résulte de cet arrêt que, pour la jurisprudence communautaire, «une exigence générale d'équité [...] implique qu'il soit tenu compte de toute décision répressive antérieure pour la détermination d'une éventuelle sanction» (122) même lorsque le principe susmentionné ne s'applique pas et que le cumul des sanctions est légitime.

180.
    Néanmoins, la troisième des unités requises, à savoir l'identité de faits, fait défaut (123).

181.
    Au point 3386 de l'arrêt entrepris, le Tribunal précise que la décision de l'Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato faisait référence aux contrats d'approvisionnement et aux conventions de coopération que les trois producteurs italiens (Unicem, Cementir et Italcementi) avaient conclus avec Calcestruzzi alors que l'intervention des autorités communautaires portait sur l'accord que les trois fabricants de ciment avaient passé entre eux pour amener Calcestruzzi à cesser d'importer du ciment en provenance de Grèce.

182.
    Italcementi conteste cet élément de fait affirmé par le Tribunal, mais un pourvoi n'est pas la voie adéquate pour le faire, car l'appréciation en fait opérée par le Tribunal ne peut pas être révisée au stade de la cassation.

183.
    En somme, les trois producteurs italiens de ciment avaient passé un accord qui avait pour but d'éviter que Calcestruzzi continue à importer du ciment grec en exécution, notamment, du contrat qu'elle avait signé en 1986 avec Titan. Ce pacte, qui se situait dans le cadre de la proposition commune de la European Task Force d'éliminer les importations de ciment en Europe occidentale, devait être complété, complément qui était, par ailleurs, son objectif ultime. S'il s'agissait d'éviter que Calcestruzzi continue à importer du ciment en provenance de Grèce et de l'amener à s'approvisionner auprès des fabricants italiens, respectant ainsi la règle du «chacun chez soi» inhérente au principe Cembureau, il était indispensable de réguler l'approvisionnement en ciment de ce producteur italien de béton conformément à l'objectif des contrats et conventions signés les 3 et 15 avril 1987.

184.
    Il s'agissait de deux comportements distincts. Le premier, qui avait pour objet d'empêcher Calcestruzzi d'importer du ciment en provenance de Grèce, avait une portée externe tandis que le second, à savoir l'accord passé entre les trois cimenteries et Calcestruzzi elle-même, avait une dimension strictement nationale. Les responsables du premier étaient Unicem, Italcementi et Cementir puisque la société productrice de béton apparaissait comme une victime alors que, dans le cas du second comportement litigieux, les quatre sociétés faisaient partie de l'entente. Le pacte conclu entre les trois fabricants de ciment pour exercer des pressions sur celui qui allait ensuite signer les contrats d'approvisionnement est une entente punissable en soi (124).

d)    L'exposé des motifs n'est pas contradictoire

185.
    Le grief national relatif à la République italienne avait trait aux contrats et aux conventions d'approvisionnement signés les 3 et 15 avril 1987 par Unicem, Italcementi, Cementir et Calcestruzzi. Dans le cadre de ces contrats, ces entreprises ont créé une filiale commune appelée Societá Italiana per le Promozioni ed Applicazioni del Calcestruzzo Spa (SIPAC) (125). Au moyen de ces accords, les trois producteurs s'engageaient à satisfaire tous les besoins de ciment du groupe Calcestruzzi et à consentir les réductions de prix qui y étaient prévues. De son côté, Calcestruzzi s'engageait à affecter la moitié de ces rabais à la filiale commune précitée, laquelle devait investir ces sommes dans des sociétés de béton prêt à l'emploi ou d'activités connexes, et à satisfaire au moins 80 % de ses besoins en ciment auprès d'Italcementi, d'Unicem et de Cementir ou auprès de sociétés désignées par elles. Les trois producteurs de ciment se sont réservé le droit de résiliation si les achats de ciment de Calcestruzzi auprès d'eux étaient inférieurs à 95 % des besoins de l'acheteur (126).

186.
    Dans la partie internationale de la communication des griefs, la Commission se référait à deux infractions liées aux mesures de protection du marché italien qui avaient été adoptées dans le cadre de la European Task Force ou Cembureau Task Force (127).

187.
    La première, plus générale, qui est sanctionnée par l'article 4, paragraphe 3, sous a), consiste en des pratiques concertées destinées à détourner Calcestruzzi, qui était alors le principal fabricant italien de béton prêt à l'emploi, de ses fournisseurs grecs de ciment et, en particulier, de Titan. Cette infraction a été imputée à Italcementi, à Unicem et à Cementir, ainsi qu'aux autres participants à l'entente susvisée (128).

188.
    La seconde, plus spécifique, résidait dans l'accord que les trois fabricants italiens avaient conclu pour que Calcestruzzi cesse d'importer du ciment en provenance de Grèce, cette entreprise ayant menacé d'importer 1,5 million de tonnes de ciment grec (129). Cette infraction, sanctionnée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), a été imputée uniquement aux trois producteurs cités plus haut (130).

189.
    En effet, la durée de l'infraction sanctionnée par l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision a été fixée sur la base de la durée des contrats et conventions passés avec Calcestruzzi. Dès l'instant où il avait été démontré (131), qu'Unicem, Italcementi et Cementir s'étaient entendues pour empêcher Calcestruzzi d'importer du ciment grec, accord dans le cadre duquel elles avaient passé les contrats d'approvisionnement avec celle-ci, il n'est ni contradictoire ni illogique de fixer la durée de cette entente par référence à la validité de ces conventions, qui en sont l'expression extérieure. Tel est le sens des points 3396, 4340 et concordants de l'arrêt entrepris.

190.
    Une affirmation telle que celle qui précède ne comporte aucune discordance par rapport au raisonnement que le Tribunal a tenu au point 4278 de l'arrêt entrepris. L'accord Cembureau de respect des marchés nationaux était un pacte global contraire à la concurrence que la majorité des producteurs communautaires de ciment ont appliqué. Toutes les entreprises sanctionnées ont participé à son adoption ou à sa mise en oeuvre, voire aux deux, au moyen de mesures à durée plus ou moins longue. La circonstance que les trois producteurs italiens l'aient respecté jusqu'au 3 avril 1992, alors que les autres fabricants avaient cessé de l'appliquer à l'époque, dénote uniquement que ces trois entreprises l'ont maintenu en vigueur plus longtemps que les autres entreprises.

191.
    En résumé, le cinquième moyen et la première branche du douzième doivent être rejetés comme étant non fondés.

2)    La participation d'Unicem à l'entente destinée à empêcher Calcestruzzi de s'approvisionner auprès des producteurs grecs - article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision - (deuxième branche du douzième moyen) (132)

a)    La position des parties

192.
    Unicem conteste l'appréciation que le Tribunal a donnée des preuves documentaires sur ce point (première branche du moyen) ainsi que la durée qu'il a retenue pour l'infraction (deuxième branche).

193.
    La Commission juge ce moyen irrecevable, d'une part, parce qu'il traite de l'appréciation des preuves par le Tribunal et, d'autre part, parce qu'il est impossible de connaître l'objet de la critique d'Unicem lorsqu'elle conteste la durée de l'infraction fixée par le Tribunal. Elle ajoute qu'aux points 3245 à 3254 de l'arrêt entrepris, la juridiction de première instance a correctement analysé les raisons de la participation de la société requérante à l'entente.

194.
    Unicem réplique que le Tribunal a dénaturé le sens des procès-verbaux des réunions du 17 juin et du 4 septembre 1986 ou alors que les motifs qu'il a exposés au point 2683 de l'arrêt entrepris sont contradictoires, car ils ne correspondent pas à la durée attribuée à l'infraction.

b)    Un moyen non fondé, qui n'affecte pas l'appréciation des faits

195.
    Ce moyen du pourvoi exprime le désaccord d'Unicem à l'égard de l'appréciation que le Tribunal a faite du corpus documentaire dont il disposait.

196.
    Il suffit de lire le point 4.2 de la requête en combinaison avec les points de l'arrêt entrepris cités par la Commission dans son mémoire en défense pour constater que ce que cherche Unicem, c'est obtenir de la Cour qu'elle lui donne raison sur sa version des faits, qui ne correspond pas à celle fournie par le Tribunal. De ce point de vue, le moyen est irrecevable.

197.
    Il est également infondé parce que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, le Tribunal n'a ni déformé les preuves ni exposé des motifs contradictoires ou erronés.

198.
    Une fois de plus, Unicem propose une lecture morcelée des fondations juridiques de l'arrêt entrepris. S'il est vrai qu'aux points 3245 à 3253 le Tribunal se réfère aux réunions du 6 et du 11 février 1987, auxquelles M. Albert, représentant d'Unicem, ne participait pas, il n'en est pas moins vrai qu'il cite également une autre réunion, celle du 9 septembre 1986, au cours de laquelle les participants ont reçu un compte rendu des réunions antérieures et de leur objet ainsi que de celle du 17 mars 1987, pendant laquelle le même M. Albert a fait un rapport des négociations que les producteurs italiens de ciment avaient menées avec le groupe Ferruzzi, auquel appartenait Calcestruzzi. Le Tribunal a également examiné les télex du 13 mai 1987 et du 2 septembre 1988. Il est possible que l'allusion à «un accord entre les producteurs italiens de ciment et le groupe Ferruzzi, qui permettait d'éviter une menace d'importation de ciment perçue comme catastrophique pour les prix» (133) n'a été faite qu'au cours de la réunion du 11 février 1987, mais cette circonstance ne modifie pas la situation. Même en faisant abstraction de cette réunion et de celle qui a eu lieu au cours du même mois, le Tribunal disposait d'éléments d'appréciation suffisants pour déclarer que la Commission était fondée à conclure qu'Unicem avait participé aux pratiques concertées qui visaient à détourner Calcestruzzi des producteurs grecs, et en particulier de Titan (134).

199.
    De surcroît, le Tribunal n'a pas commis la contradiction que la requérante dénonce dans son mémoire en réplique puisque, comme il résulte de la lecture des points 3245 à 3253 de l'arrêt entrepris, il n'a pas tenu compte des réunions qui ont eu lieu entre le 17 juin et le 4 septembre 1986.

200.
    Dans le grief au moyen duquel elle conteste la durée que le Tribunal a retenue pour l'infraction, la requérante se réfère, par inadvertance, aux échanges de renseignements, qui sont sanctionnés à l'article 2 de la décision. La Commission profite de cette erreur pour invoquer l'irrecevabilité du moyen. Or, il résulte du texte de cette partie de la requête, dans laquelle Unicem cite l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision administrative, que la requérante dirige son pourvoi contre la partie de l'exposé des motifs de l'arrêt entrepris dans laquelle le Tribunal a fixé la durée de sa participation aux faits, de sorte que cet aspect du moyen n'est pas irrecevable.

201.
    Il n'en faut pas moins le rejeter. Le Tribunal a retenu comme date du début de l'infraction pour Unicem le 9 septembre 1986, date à laquelle a eu lieu à Baden-Baden la réunion des chefs de délégation et des représentants de la European Task Force, alors qu'à l'article 4, paragraphe 3, sous a), de la décision la Commission avait indiqué le 17 juin 1986 comme date de départ. Si elle avait retenu le 15 mars 1987 comme moment où l'infraction a pris fin (135), c'est tout simplement par erreur puisque la réunion n'a pas eu lieu à cette date-là, mais bien deux jours plus tard. Le Tribunal de première instance ne pouvait cependant pas remédier à ce défaut sans commettre une incohérence et apporter un amendement qui aggraverait la situation de la requérante.

202.
    Ce moyen doit, par conséquent, être rejeté comme étant irrecevable et non fondé.

3)    L'accord relatif aux contrats et conventions signés en avril 1987 avec Calcestruzzi [article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision]

a)    La position des parties

i)    La preuve de la participation d'Unicem (troisième branche, point 2, du douzième moyen) (136)

203.
    Unicem attaque le point 3353 de l'arrêt entrepris au motif que le Tribunal n'aurait pas démontré que les participants à la réunion de la European Task Force du 17 mars 1987 connaissaient effectivement l'existence de cet accord et qu'ils l'avaient éventuellement approuvé ni qu'ils avaient connaissance d'une planification et d'une action communes.

204.
    Elle rappelle qu'au cours de la réunion du 17 mars 1987, seules des questions strictement licites ont été traitées et que son représentant, M. Albert, s'est limité à préciser, à la demande des participants, que la convention avec Ferruzzi, c'est-à-dire avec Calcestruzzi, n'avait pas encore été conclue.

205.
    La Commission soutient qu'il existe des preuves de l'existence de l'accord et elle renvoie aux points 3348 à 3386 de l'arrêt entrepris.

ii)    L'obligation de notifier les conventions avec Calcestruzzi (troisième branche, point 3, du douzième moyen) (137)

206.
    Unicem prétend qu'en confirmant que les conventions et contrats signés avec Calcestruzzi devaient être notifiés à la Commission, le Tribunal a commis une erreur d'interprétation de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17 parce que cette disposition exonère les accords qui ne portent ni sur des importations ni sur des exportations, même s'ils ont une incidence indirecte sur ces mouvements.

207.
    La Commission dit qu'elle n'est pas en mesure d'identifier le passage de la requête où Unicem aurait articulé ce grief et elle déclare qu'il s'agit là d'une question nouvelle, irrecevable en cassation. Elle ajoute que les accords signés avec Calcestruzzi ne sont pas couverts par l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17 parce qu'ils empêchaient l'importation en Italie d'une quantité relativement importante de ciment gris.

208.
    Dans la réplique, Unicem reconnaît qu'elle n'avait pas soulevé cette question devant le Tribunal de première instance, mais elle estime qu'elle peut être examinée d'office parce qu'il s'agit d'une question d'ordre public.

iii)    La durée de l'infraction (troisième branche, point 4, du douzième moyen) (138)

209.
    La requérante prétend qu'en déclarant que l'infraction visée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision a duré jusqu'au 3 avril 1992, le Tribunal de première instance a contredit le raisonnement qu'il avait tenu au point 4278 de son arrêt.

210.
    Pour la Commission, le texte de l'arrêt entrepris ne contient aucune discordance. Les trois producteurs italiens ont honoré l'accord Cembureau sur le respect des marchés nationaux jusqu'au 3 avril 1992, ce qui ne veut pas dire que d'autres entreprises européennes fabriquant du ciment l'auraient appliqué jusqu'à cette même date.

b)    Sur l'intervention d'Unicem

211.
    Une fois de plus, Unicem cherche à entraîner la Cour sur un terrain où elle n'a pas à pénétrer, à savoir l'appréciation du matériel probatoire. À cette fin, elle utilise un artifice qui consiste à isoler de son contexte un passage de l'arrêt entrepris. Elle prétend que l'existence de l'accord sanctionné à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision et de la preuve de la participation d'Unicem ne serait établie qu'au point 3353 de l'arrêt entrepris alors qu'en réalité le Tribunal a consacré à cette question 39 points de sa décision.

212.
    Unicem ne conteste pas que des contrats ont été signés avec Calcestruzzi les 3 et 15 avril 1987 ni qu'ils étaient le résultat ou l'objet de l'accord entre les trois producteurs italiens et Ferruzzi, auquel se réfèrent les télex déjà mentionnés dans les présentes conclusions (139). Par conséquent, les appréciations que contiennent les points 3356, 3360, 3361, 3367, 3372, 3377 et les autres points concordants de l'arrêt entrepris ne peuvent pas être qualifiées de non fondées.

213.
    Le fait que la société requérante n'ait pas assisté à la réunion de la European Task Force du 11 février 1987 n'a aucune importance. L'infraction sanctionnée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision n'est pas un accord à dimension européenne puisqu'il n'a été souscrit que par Cementir, Italcementi et Unicem. En d'autres termes, les contrats et conventions signés les 3 et 15 avril 1987 l'ont été en application de l'accord que ces trois fabricants avaient passé pour contrer une menace d'importation de 1,5 million de tonnes de ciment gris par Calcestruzzi (140), accord dont un compte rendu a été présenté au cours des réunions de la European Task Force du 11 février et du 17 mars 1987 (141). Dans ce contexte, les arguments de la requérante perdent tout leur poids parce que l'accord décrit dans la disposition précitée de la décision n'a pas été adopté au sein de ce groupement. Par conséquent, le fait de ne pas assister à une réunion, au cours de laquelle cet accord n'a pas été adopté même si son existence y a été signalée, est dépourvu de pertinence.

214.
    Unicem a beau prétendre tout ce qu'elle veut à propos du contenu de la réunion du 17 mars 1987, il n'en demeure pas moins que des informations sur l'état d'avancement des négociations avec Ferruzzi ont été fournies au cours de celle-ci (142). L'appréciation de cet élément de fait que le Tribunal opère aux points 3353 et suivants en combinaison avec les autres preuves dont il disposait n'est entachée d'aucun des vices qui pourraient justifier sa révision en cassation. Le grief d'Unicem est donc irrecevable sur ce point.

c)    Sur l'obligation de notification

215.
    Unicem reconnaît n'avoir pas soulevé cette question en première instance. Le débat qu'elle entend ouvrir aujourd'hui est dès lors irrecevable. Ainsi qu'il apparaît des articles 113, paragraphe 2, et 116, paragraphe 1, du règlement de procédure, les compétences dont la Cour dispose dans le cadre d'un pourvoi se limitent à l'appréciation de la solution légale que le Tribunal de première instance a donnée aux moyens invoqués par les parties. Les débats ne peuvent donc pas être élargis (143).

216.
    S'il est vrai qu'Italcementi avait soulevé le point relatif à la notification des contrats signés avec Calcestruzzi en première instance et que le Tribunal lui avait dûment répondu aux points 3380 à 3384 de l'arrêt entrepris, les procédures engagées par Unicem et Italcementi étaient distinctes et n'ont été jointes qu'aux fins de l'adoption de sa décision par la juridiction. C'est la raison pour laquelle Unicem ne peut pas phagocyter la demande d'Italcementi pour critiquer l'arrêt de première instance.

217.
    Pour le surplus, la controverse sur l'interprétation de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17 n'est pas d'ordre public, ce concept étant réservé aux questions qui, en raison de leur importance pour l'intérêt général, ne sont pas à la disposition des parties ni de la juridiction elle-même et doivent être examinées d'office in limine litis même lorsqu'elles n'ont pas été soumises à un débat.

218.
    La disposition précitée exonère de l'obligation de notification les accords auxquels ne participent que des entreprises d'un seul pays et qui «ne concernent [(144)] ni l'importation ni l'exportation entre États membres». Le libellé de cet article donne tort à Unicem et raison au Tribunal de première instance. Pour être exonérée, il n'est pas nécessaire que la pratique porte sur les importations et les exportations; il suffit qu'elle ait une incidence sur ces transactions extérieures. C'est pourquoi le comportement défini à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision est un accord sur les contrats et conventions signés avec Calcestruzzi en vue de la fourniture de ciment à celle-ci et qui visait ainsi à l'amener à cesser de l'importer de Grèce.

219.
    Le grief d'Unicem ne doit dès lors pas être accueilli sur ce point.

d)    Sur la durée de l'infraction - Renvoi

220.
    En dénonçant une contradiction dans les motifs que le Tribunal a exposés à propos de la durée de cette infraction, Unicem n'a fait que reproduire un grief qu'elle avait déjà formulé dans la première branche de ce même douzième moyen. C'est la raison pour laquelle je renvoie aux considérations que j'ai exposées aux points 185 à 190 plus haut.

4)    Les liens entre les mesures de défense du marché italien et la European Task Force et entre cette entente et le principe Cembureau [troisième branche, point 1 (dans le deuxième de ses aspects), et quatrième branche du douzième moyen] (145)

a)    La position des parties

i)    Sur le lien entre les mesures et l'entente European Task Force

221.
    Unicem prétend que le Tribunal s'est trompé lorsqu'il a qualifié le pacte relatif aux contrats et conventions signés avec Calcestruzzi d'acte d'exécution de l'accord European Task Force. Selon elle, ces contrats et conventions n'avaient pas pour objet de protéger le marché italien du ciment ni de bloquer les importations en provenance de Grèce, mais bien d'empêcher Calcestruzzi de s'approvisionner dans ce pays comme le démontrerait le fait que, durant la période de validité de ces contrats, les importations en provenance de Grèce ont augmenté de manière considérable.

222.
    La Commission soutient que ce moyen est irrecevable parce qu'il implique un réexamen des preuves. Il serait en outre non fondé parce qu'Unicem propose une lecture partielle de l'arrêt entrepris, lequel ne comporterait aucune contradiction ni erreur sur ce point.

ii)    Sur le lien entre la European Task Force et le principe Cembureau

223.
    Unicem prétend que, pour démontrer sa participation à l'entente globale Cembureau, le Tribunal de première instance a utilisé comme preuve: a) son intervention dans l'adoption de l'accord de constitution de la European Task Force, b) son implication dans les mesures de protection du marché italien, c) la candidature de M. Albert en vue d'une participation à certains groupes de travail et d) sa présence à la réunion du 17 mars 1987. Si elle n'a pas participé à l'acte de constitution et qu'il n'existe aucun lien entre les mesures de défense du marché italien et la European Task Force, si la désignation de M. Albert et la participation à la réunion susvisée ne démontrent rien, il n'est pas possible de parler d'une même fin anticoncurrentielle ni d'«unicité» de l'accord Cembureau.

224.
    La Commission déclare ce moyen irrecevable parce qu'il concerne exclusivement les faits. Indépendamment de ce qui précède, l'arrêt entrepris comporterait des éléments indiquant qu'il existait un lien entre les mesures adoptées par Unicem et l'accord Cembureau.

b)    Davantage sur l'idée du principe Cembureau en tant qu'«accord unique et continu» - Renvoi

225.
    Ce moyen du pourvoi a un aspect manifestement irrecevable. Les réflexions relatives à la valeur probante des éléments de fait dont le Tribunal de première instance a tenu compte pour conclure qu'Unicem avait participé à la constitution de la European Task Force et pour établir le lien entre les mesures de protection du marché italien et cette entente n'ont pas leur place dans ce pourvoi en cassation. J'y ai déjà répondu plus haut dans les présentes conclusions.

226.
    Unicem reconnaît que les contrats et conventions qu'elle a signés avec Calcestruzzi visaient à empêcher cette entreprise d'importer du ciment en provenance de Grèce, mais elle conteste qu'il s'agissait, par ce biais, de protéger le marché italien et de bloquer les importations en provenance de ce pays. Cet argument est contradictoire parce qu'en signant ces conventions les parties s'étaient entendues pour fournir à Calcestruzzi le ciment que le producteur grec Titan allait cesser de lui livrer après la suspension du contrat passé avec lui. Or, du fait de la quantité concernée (à savoir 1,5 million de tonnes), cette mesure serait catastrophique pour les prix en Italie, comme il résulte du procès-verbal manuscrit de la réunion de la European Task Force du 11 février 1987 (146). Il est évident que les parties cherchaient à défendre la stabilité des prix sur le marché italien, qui était menacée par les importations qui pouvaient provenir massivement de Grèce.

227.
    La circonstance qu'au cours des années durant lesquelles les contrats avec Calcestruzzi ont été en vigueur, les importations grecques ont augmenté ne contredit pas l'affirmation qui précède parce que, comme le Tribunal l'a indiqué à bon escient, Calcestruzzi a suspendu les livraisons de ciment convenues avec Titan et parce qu'un accord contraire à la libre concurrence est en soi condamnable, même s'il n'a pas pour effet de la restreindre en pratique (147).

228.
    Le Tribunal avait donc de bonnes raisons de qualifier l'accord sur les contrats et conventions avec Calcestruzzi de pacte supplémentaire dans la stratégie destinée à «éliminer les importations en Europe occidentale et, en particulier, [...] empêcher les importations de ciment grec dans les États membres» (148). Comme il l'indique aux points 3701 à 3706 de son arrêt, il avait également d'excellentes raisons de considérer que les comportements décrits à l'article 4 de la décision faisaient partie d'un accord unique et continu.

229.
    Ces prémisses ayant été posées, rien n'empêchait le Tribunal de considérer qu'après avoir constaté qu'ils avaient pour objectif commun le respect des marchés nationaux, les comportements précités, l'adoption du principe Cembureau et sa ratification ainsi que l'échange périodique de données sur le prix en vue de sa mise en oeuvre constituaient un accord «unique et continu». Cette conclusion est conforme à la jurisprudence de la Cour que j'ai citée aux points 98 à 102 plus haut et que le Tribunal a appliquée correctement aux points 4025 à 4417 de son arrêt.

230.
    Conformément aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter, comme étant soit irrecevables soit non fondées, les différentes branches du douzième moyen du pourvoi d'Unicem qui n'ont pas encore été rejetées par l'ordonnance du 5 juin 2002.

E - La participation d'Unicem à l'accord unique et continu Cembureau (treizième moyen)

231.
    Par ce moyen, qui est divisé en quatre branches, la société requérante conteste les appréciations que le Tribunal a faites à propos de sa participation à l'accord global Cembureau.

1)    L'élément objectif (première branche) (149)

a)    La position des parties

232.
    Unicem conteste les appréciations du Tribunal de première instance et prétend: 1) que les échanges périodiques de renseignements étaient licites et n'ont pas facilité l'exécution de l'accord Cembureau; 2) qu'elle n'a pas participé à l'élaboration de la convention sur la European Task Force et 3) qu'il n'a pas été démontré que les pactes sur Titan ni les contrats avec Calcestruzzi présentaient un lien avec la European Task Force et avec Cembureau.

233.
    Pour la Commission, Unicem critique ici l'évaluation des faits que le Tribunal a opérée à propos de la position de l'entreprise et rétorque qu'elle ne peut pas être soumise au contrôle de la Cour.

b)    Une répétition d'arguments - Renvois

234.
    Dans cette première branche du treizième moyen du pourvoi, Unicem ne fait que répéter des griefs qu'elle avait déjà exposés auparavant.

235.
    Mes propositions, visant toutes au rejet de ceux-ci, se trouvent à différents endroits des présentes conclusions. Pour ce qui est des échanges de renseignements sur les prix, on se reportera aux points 127 à 149. En ce qui concerne la participation d'Unicem à la constitution de la European Task Force, on verra les points 155 à 158. Enfin, j'ai exposé mes spéculations sur le lien entre les mesures de protection du marché italien et les ententes European Task Force et Cembureau aux points 225 à 229.

2)    L'élément subjectif (deuxième branche)

a)    La position des parties

236.
    La société requérante articule cette branche du moyen en quatre points.

i)    L'erreur de considérer Unicem comme un membre direct de Cembureau

237.
    Unicem voit une contradiction dans le texte de l'arrêt d'instance en ce que le Tribunal la compte au nombre des membres directs de Cembureau et l'assimile, dans le même temps, aux associés indirects. Elle prétend qu'elle n'est pas un membre direct parce qu'elle n'a assisté à aucune des réunions des chefs de délégation. Elle soutient, par ailleurs, qu'utiliser cette condition d'associé de premier ordre pour renforcer la preuve de sa participation à l'entente Cembureau ne repose sur aucun fondement.

238.
    Après avoir répété qu'Unicem met en cause les faits du litige, la Commission indique que la qualification de «membre direct» désigne les entreprises et les associations qui font partie de Cembureau. Bien qu'Unicem ait adhéré à ce groupe, elle y occupait néanmoins une position singulière parce qu'elle n'a assisté à aucune réunion des chefs de délégation.

239.
    Unicem réplique qu'elle ne discute pas sa position formelle dans le groupe Cembureau, mais l'insuffisance des motifs que le Tribunal a exposés pour démontrer l'élément subjectif, c'est-à-dire sa connaissance de la finalité anticoncurrentielle de l'entente et de ses mesures d'exécution. Pour la Commission, le Tribunal a démontré à suffisance de droit la présence de cet élément subjectif.

ii)    Le caractère illogique de l'affirmation selon laquelle Unicem «devait nécessairement savoir»

240.
    La requérante considère que la simple appartenance à une association ne démontre pas la connaissance de l'illicéité de l'accord conclu au sein de celle-ci. Pour d'autres membres directs de Cembureau, le Tribunal a conclu qu'il devait connaître l'illégalité de la pratique parce qu'ils avaient participé aux réunions où l'entente avait été adoptée et non pas du simple fait qu'ils appartenaient au groupement.

241.
    La Commission demande le rejet de ce moyen au motif qu'il serait non fondé parce qu'il concerne les faits et parce que le Tribunal a correctement motivé sa conclusion que les membres indirects et, a fortiori, les membres directs étaient au courant de la nature de l'accord.

iii)    Le défaut de motifs et le caractère inapproprié des critères utilisés pour les membres indirects dans le cas d'Unicem

242.
    Selon Unicem, le Tribunal n'a fourni aucune explication pour démontrer qu'elle aurait appliqué l'accord anticoncurrentiel en toute connaissance de cause. À l'égard des membres indirects, il a tenu compte du fait que les associations auxquelles ils appartenaient avaient assisté aux réunions des chefs de délégation de Cembureau au cours desquelles l'entente avait été adoptée et ratifiée, alors qu'Unicem n'y était représentée ni directement ni indirectement. De l'assimiler aux membres indirects pour ce qui est de l'élément subjectif est une erreur.

243.
    La Commission estime que la requérante propose une lecture partisane de l'arrêt entrepris, arrêt dans lequel le Tribunal reconnaît et analyse la position singulière qu'elle occupait au sein de Cembureau.

iv)    Autres indices utilisés par le Tribunal de première instance

244.
    Unicem critique les autres indices que les juges d'instance ont utilisés pour prouver qu'elle connaissait le caractère illicite de l'entente. Les rencontres avec des entreprises qui assistaient aux réunions des chefs de délégation ne démontrent pas qu'elle connaissait l'existence de l'accord Cembureau. Les contacts qu'elle entretenait avec Italcementi et Cementir dans le cadre de l'accord concernant Calcestruzzi ne prouvent pas qu'elle avait conscience d'adhérer à l'entente globale. Finalement, le télex du 13 mai 1987 n'apporte aucune preuve lui non plus.

245.
    La Commission estime que ce grief est irrecevable parce qu'il porte sur l'appréciation des preuves et elle rétorque que la requérante ne fournit aucun élément susceptible d'établir le caractère erroné de l'argumentation du Tribunal.

b)    Sur l'appréciation de la situation singulière d'Unicem dans l'entente Cembureau

246.
    L'irrecevabilité, que la Commission reprend comme ritournelle à l'encontre de ce moyen, est hors de propos dans ce cas-ci puisqu'Unicem ne met pas en doute l'exposé des faits du Tribunal, mais bien l'appréciation juridique qu'il en a donnée et les motifs qu'il a exposés à propos de sa participation à l'accord Cembureau, qu'il qualifie d'accord unique et continu.

247.
    Il n'empêche que les griefs d'Unicem sont dénués de fondement.

248.
    Dans son mémoire en réplique, elle corrige sa position initiale et ne conteste plus sa qualité de membre direct de Cembureau parce que celle-ci ne résulte pas de la participation à un nombre plus ou moins grand de réunions de chefs de délégation de l'association, mais bien de la condition formelle d'associé (150).

249.
    Unicem occupe cependant une position singulière dans l'entente, car, tout en étant membre direct de celle-ci, elle n'a assisté à aucune des réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord anticoncurrentiel a été adopté et ratifié. C'est la raison pour laquelle, pour démontrer qu'elle avait participé à l'infraction, le Tribunal a utilisé le même critère d'appréciation que celui qu'il avait appliqué aux entreprises et associations qualifiées de «membres indirects» (au motif qu'elles étaient représentées par les associations auxquelles elles appartenaient). Pour prouver la responsabilité de cette catégorie de contrevenants, il a tenu compte de leur coopération à une ou plusieurs des mesures d'exécution de l'accord.

250.
    Il n'est donc pas vrai que le Tribunal aurait tenu compte uniquement de la qualité de membre direct de Cembureau que possédait Unicem pour affirmer qu'elle connaissait l'existence et l'illicéité de l'entente.

251.
    La requérante a collaboré à diverses mesures d'exécution, coopérant, en particulier, à la constitution de la European Task Force, exerçant des pressions sur Calcestruzzi et cosignant l'accord visant à détourner cette entreprise de ses fournisseurs de ciment grecs. Le Tribunal en a dès lors conclu qu'elle était au courant de l'existence de l'entente globale et de son illicéité:

1)    parce qu'elle était membre direct de Cembureau (151);

2)    parce que la European Task Force et les mesures de protection du marché italien, qui visaient à supprimer les importations de ciment en Europe occidentale, avaient le même objectif de respect des marchés nationaux que l'accord Cembureau (152);

3)    parce que, dans le cadre de la constitution de la European Task Force, elle avait entretenu des contacts directs avec des représentants d'entreprises et d'associations qui avaient assisté aux réunions au cours desquelles le principe Cembureau avait été adopté et ratifié (153);

4)    parce qu'Italcementi et Cementir, avec lesquelles elle s'était liguée pour amener Calcestruzzi à cesser d'importer du ciment de Grèce, sont des membres directs de l'association, représentés aux réunions susvisées ou à certaine(s) d'entre elles (154), et

5)    parce que les termes mêmes du télex qu'Italcementi a adressé à Titan le 13 mai 1987 à propos de la réunion à laquelle cette dernière avait été convoquée pour y rencontrer les trois producteurs italiens le 24 du même mois à Luxembourg, réunion qui a eu lieu après l'assemblée générale de Cembureau, ne permettent pas d'autre conclusion (155).

252.
    Comme on peut le voir, Unicem prend de grandes libertés avec la réalité lorsqu'elle prétend qu'elle n'a été impliquée dans l'entente globale qu'au titre de sa condition de membre direct de l'association.

253.
    Il n'est pas plus conforme à la vérité qu'à l'instar d'autres membres de Cembureau, elle aurait été réputée responsable parce qu'elle avait été «indirectement» représentée aux réunions du 14 janvier 1983, du 19 mars et du 7 novembre 1984, par le truchement d'associations auxquelles elle n'appartenait pas. Il est inexact, en premier lieu, que de tels membres auraient été tenus pour responsables pour ce seul motif, car ils l'ont été également en raison de leur participation à une ou plusieurs des mesures d'application de l'entente. Il est également faux de dire que l'implication d'Unicem a été déduite inconsidérément des mêmes critères que ceux qui avaient servi à incriminer les membres indirects de Cembureau. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire les points 4102 à 4106, que je viens d'analyser, ainsi que les points 4243 à 4247. Le Tribunal a d'ores et déjà pratiqué dans son arrêt l'examen spécial et singulier que la société requérante réclame par le présent moyen.

254.
    Je ne vais pas rappeler ici que la preuve par indices est une preuve légitime et qu'elle est de nature à renverser la présomption d'innocence. Qu'il me suffise de préciser que le Tribunal a correctement utilisé cette voie en l'espèce afin de déclarer certains faits établis. Au départ de certaines données incontestées (à savoir les contacts avec des entreprises qui avaient assisté aux réunions des chefs de délégation, la participation à la constitution de la European Task Force, la collaboration avec Italcementi et Cementir dans la mise en oeuvre de mesures de protection du marché italien ainsi que le contenu du télex du 13 mai 1987), il s'est forgé la conviction qu'Unicem connaissait l'existence d'une entente globale et qu'elle avait contribué à la réalisation de ses objectifs par son intervention dans certaines pratiques et accords.

255.
    Au contraire, analyser isolément chacun des éléments de preuve pour proposer une appréciation différente en soulignant les éventuelles contradictions entre les différents documents n'a pas sa place ici, car une telle approche ignore la manière dont les juridictions procèdent pour établir les faits à travers les moyens de conviction qui leur ont été fournis: leur méthode comporte une appréciation d'ensemble du corpus documentaire et tient compte des rapports réciproques entre les différentes preuves.

256.
    Pour le surplus, la contradiction interne dénoncée par la requérante n'en est pas une. S'il est vrai qu'aux termes du point 4112 de l'arrêt entrepris, les contacts qu'Unicem entretenait, dans le cadre des pratiques collusoires franco-italiennes, avec des entreprises qui avaient participé à l'accord Cembureau ne démontrent pas qu'elle connaissait l'existence de l'entente, deux éléments différencient néanmoins la situation d'Unicem et celle de Buzzi (156): ils suppriment donc la contradiction apparente. Unicem n'a pas assisté aux réunions des chefs de délégation bien qu'elle fût membre direct de Cembureau; si Buzzi n'y a pas participé non plus, elle n'était, pour sa part, associée à ce groupement à aucun titre. De surcroît, les documents utilisés par la Commission pour démontrer que les pratiques collusoires franco-italiennes et l'accord Cembureau poursuivaient un même objectif ne contenaient aucun indice permettant de conclure que Buzzi avait connaissance de cet accord alors que, comme on l'a vu, ils en contenaient dans le cas d'Unicem.

3)    L'exposé des motifs (troisième branche)

a)    La position des parties

257.
    La requérante qualifie les motifs que la Commission a exposés à propos de la participation des entreprises à l'accord Cembureau de raisonnement tautologique parce qu'il déduit l'illicéité de certaines mesures, légitimes en soi, du fait qu'elles présentent un lien avec l'accord et parce qu'il se fonde ensuite sur ces pratiques pour démontrer l'existence du pacte global de respect des marchés nationaux. Le Tribunal aurait commis une erreur identique parce qu'il aurait conclu qu'Unicem avait adhéré à l'accord Cembureau du fait qu'elle avait participé à certaines mesures d'application de celui-ci (la requérante cite les points 1442 et 4066 de l'arrêt entrepris) alors que, dans d'autres parties de l'arrêt entrepris (qu'elle ne précise pas), il déduit son implication dans ces pratiques précisément de son adhésion au principe Cembureau.

258.
    Pour la Commission, ce moyen est irrecevable parce que, bien que la requérante utilise des arguments cohérents pour le fonder, elle n'identifie pas avec précision les éléments de l'arrêt entrepris contre lesquels il est dirigé.

259.
    Unicem réplique que les passages de l'arrêt entrepris qu'elle critique sont parfaitement signalés comme le démontre le fait que la Commission se soit défendue sur le fond. Elle cite, à titre d'exemple, le point 1698.

b)    L'inexistence d'un raisonnement tautologique - Nouveau renvoi

260.
    Unicem n'a pas détaillé dans sa requête les passages de l'arrêt entrepris qui contiendraient un raisonnement tautologique. Lorsqu'elle a répondu plus tard, dans la réplique, au moyen d'irrecevabilité soulevé par la Commission, elle a contesté tous les points dans lesquels le Tribunal a exposé les motifs qui l'avaient amené à conclure qu'Unicem avait participé aux mesures d'application de l'accord Cembureau. Elle y a cité, comme exemple, le point 1698, qui a trait aux échanges périodiques de renseignements sur les prix. Cette référence ne permet cependant pas de remédier au défaut initial.

261.
    Un autre de ses silences est plus significatif. Pour justifier ce moyen, Unicem fait grief au Tribunal d'avoir déduit son implication dans les mesures d'exécution de son adhésion à l'entente Cembureau, mais elle ne désigne aucun point précis de l'arrêt entrepris à ce sujet pour la bonne et simple raison qu'il n'en existe aucun. Ce n'est pas sur le pied de son appartenance à Cembureau que les juges d'instance ont expliqué sa participation aux pratiques anticoncurrentielles (157).

262.
    Pour ce qui a trait à la référence qu'Unicem fait au point 1698, j'ai déjà expliqué qu'elle est dénuée de pertinence aux points 140 et 141 des présentes conclusions et j'ai réfuté l'accusation de raisonnement tautologique en indiquant que le Tribunal n'a pas utilisé la participation d'Unicem aux échanges d'informations sur les prix pour prouver qu'elle avait participé à l'entente Cembureau ni vice versa.

4)    La durée de l'infraction (quatrième branche)

a)    La position des parties

263.
    Unicem soutient avec insistance qu'il n'existe aucune preuve établissant qu'elle aurait participé à l'infraction décrite à l'article 4, paragraphe 1, de la décision avant le 17 mars 1987 et que, par conséquent, son éventuelle durée devrait se limiter à la période comprise entre cette date et le 31 mai 1988.

264.
    En ce qui concerne l'infraction sanctionnée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision, elle soutient que la date du 3 avril 1992 est incorrecte. Comme le Tribunal le reconnaît au point 4278 de l'arrêt entrepris, le fait que l'accord concernant Calcestruzzi soit demeuré en vigueur jusqu'à cette date ne signifie pas que l'accord Cembureau ait persisté jusqu'alors. À défaut de preuves documentaires directes, la fin de cette infraction devrait être fixée également à la date du 31 décembre 1988.

265.
    Pour la Commission, ce moyen est non seulement irrecevable, parce qu'il concerne l'appréciation des preuves, mais il est également non fondé. Pour ce qui est de l'accord de constitution de la European Task Force, elle renvoie au raisonnement qu'elle a tenu en réponse à la cinquième branche du onzième moyen, que la Cour a rejetée dans son ordonnance du 5 juin 2002.

b)    Le moyen est irrecevable; autre renvoi

266.
    La Cour a rejeté, comme étant manifestement irrecevable, les allégations d'Unicem relatives à la durée de l'infraction définie à l'article 4, paragraphe 1, de la décision. C'est la raison pour laquelle cette quatrième branche du treizième moyen doit également être rejetée pour la même raison. Je renvoie donc au point 167, lu en combinaison avec les points 159 et 160, de l'ordonnance du 5 juin 2002.

267.
    D'autre part, j'ai déjà examiné la durée de l'infraction sanctionnée à l'article 4, paragraphe 3, sous b), de la décision aux points 189 et 190 des présentes conclusions lorsque j'ai analysé l'absence de fondement du grief d'Unicem.

268.
    Il convient dès lors de rejeter le treizième moyen du pourvoi au motif qu'il est en partie recevable et en partie non fondé.

3.    Sur l'amende (troisième groupe de moyens)

269.
    La requérante consacre les moyens quatorze à vingt et un de son pourvoi à critiquer l'analyse que le Tribunal a consacrée à l'amende infligée par la Commission. Seuls le quatorzième, le quinzième et le dix-huitième de ces moyens sont parvenus jusqu'à la phase orale de la procédure puisque la Cour a rejeté les cinq autres par son ordonnance du 5 juin 2002 déjà plusieurs fois citée.

A - La position des parties

1)    Une amende unique pour les différentes infractions (quatorzième moyen)

270.
    Unicem considère qu'en confirmant la décision de la Commission, dans laquelle celle-ci a imposé une seule sanction pour la participation à l'accord unique Cembureau, le Tribunal a enfreint l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et violé les principes de proportionnalité et d'égalité.

271.
    La Commission ne trouve pas en première instance un grief tel que celui qu'Unicem invoque aujourd'hui. En pareil cas, le moyen serait irrecevable en ce qu'il soulève une question nouvelle. Conformément à la jurisprudence, le fait d'infliger une seule amende est conforme à la disposition dont Unicem invoque la violation parce que les différentes infractions s'inscrivent dans une stratégie d'ensemble cohérente.

272.
    La société requérante lui réplique qu'elle avait déjà exprimé ses doutes sur la condamnation à une amende unique devant le Tribunal de première instance et elle argumente que les principes d'égalité et de proportionnalité exigent qu'il soit tenu compte de la gravité des infractions commises et du rôle différent joué par chaque entreprise. Il ne s'agirait donc pas d'un nouveau moyen.

2)    Une amende unique indépendante du nombre d'infractions et de leur gravité (quinzième moyen)

273.
    Unicem déplore que le Tribunal ait réduit l'amende qui lui avait été infligée uniquement en fonction de la diminution de la durée de sa participation à l'entente Cembureau. Selon elle, il aurait également dû tenir compte du fait qu'elle n'a pas participé à d'autres infractions sanctionnées par la décision et prendre en considération la circonstance qu'elle n'a pas participé aux réunions au cours desquelles l'accord a été adopté et qu'elle n'est intervenue que de manière marginale dans les mesures d'exécution.

274.
    La Commission lui oppose l'irrecevabilité de ces griefs, qui seraient déduits des faits. Ils seraient en outre dénués de fondement, car, selon elle, le Tribunal a correctement soupesé la position relative d'Unicem dans l'entente Cembureau.

3)    Calcul erroné de l'amende en raison de l'erreur d'appréciation de la durée de l'infraction (dix-huitième moyen)

275.
    Selon Unicem, la sanction devrait être calculée en fonction d'une durée d'infraction nettement inférieure à celle qui est signalée dans l'arrêt entrepris, où elle s'étend du 17 mars 1987 au 31 décembre 1988.

276.
    La Commission renvoie à l'exposé qu'elle a fait à propos de la durée des infractions.

B - Le montant de l'amende et la durée de l'infraction - Un moyen non autonome

277.
    Il convient de préciser que la détermination du montant de l'amende en fonction de la durée de la participation d'Unicem à l'entente Cembureau est une question accessoire des moyens par lesquels cette entreprise conteste la durée de sa coopération aux différentes infractions et, par conséquent, à l'accord global. C'est la raison pour laquelle elle doit subir le même sort et être rejetée elle aussi.

C - Les critères utilisés par la Commission pour infliger les amendes

278.
    Pour comprendre les griefs qui précèdent, il convient de rappeler la structure du dispositif de la décision ainsi que les critères utilisés pour déterminer la sanction.

279.
    Dans la décision, la Commission distingue deux marchés, à savoir le marché du ciment gris et le marché du ciment blanc. En ce qui concerne le premier, elle condamne l'adoption de l'accord Cembureau, par lequel les participants sont convenus de respecter les marchés nationaux et de réguler les transferts de ciment d'un pays à un autre. Les articles 2 à 6 visent des comportements, bilatéraux ou multilatéraux, visant à exécuter cet accord «unique et continu» ou à en faciliter l'exécution ou encore à éliminer les obstacles susceptibles d'en contrecarrer l'efficacité, comme, par exemple, ce qu'il fut convenu d'appeler la «menace grecque». L'article 7, enfin, a trait à des comportements anticoncurrentiels sur le marché du ciment blanc.

280.
    La Commission a retenu des sanctions distinctes pour les infractions relatives à l'un et à l'autre marché (158).

281.
    En ce qui concerne le marché du ciment gris, le seul sur lequel des comportements anticoncurrentiels aient été imputés à Unicem, elle a décidé de ne pas sanctionner chaque comportement isolé et elle a infligé une amende globale à chaque entreprise en raison des rapports réciproques entre l'accord Cembureau et toutes ses mesures d'application (159). Cette manière de procéder est légitime et est fondée sur le pouvoir qu'a la Commission de se prononcer sur différentes infractions au moyen d'une seule décision (160).

282.
    Elle a en outre considéré que toutes les entreprises et associations destinataires de la décision s'étaient ralliées à l'accord Cembureau et elle a exposé les éléments qu'elle avait utilisés pour établir la participation de chacune d'entre elles. C'est ainsi que, dans le cas d'Unicem, elle a estimé qu'en tant que membre de Cembureau cette entreprise s'était ralliée à l'accord ou principe de respect des marchés nationaux dès les discussions qui devaient aboutir à son approbation et qu'elle a également participé à l'adoption de mesures et d'accords visant à le compléter pour contribuer à son application (161).

283.
    «Toutefois, elle a tenu compte, dans le cadre de cette constatation générale, du rôle joué par chaque entreprise dans la conclusion de l'accord» ou dans l'adoption des arrangements et mesures convenus pour compléter cet accord et le mettre en oeuvre. Elle a également tenu compte de la durée des uns et des autres (162).

284.
    Fidèle à cette approche, elle a isolé deux groupes d'entreprises et associations. D'une part, celles qui ont participé à l'accord Cembureau et, d'autre part, celles dont l'intervention avait été moins décisive et, par conséquent, d'une moindre gravité (163).

285.
    À l'intérieur de la première catégorie, la Commission a distingué trois sous-groupes: 1) le premier est constitué par les entreprises et associations qui ont participé de manière directe, en qualité de membres de Cembureau, à l'adoption de l'accord sur le respect des marchés nationaux et des mesures de protection directe de ces marchés, groupe dans lequel elle a inclus Unicem; 2) le deuxième sous-groupe comprend les sociétés qui, par le truchement de leurs principaux dirigeants, ont assumé la fonction de chefs de délégation auprès de Cembureau soit à l'époque où l'accord a été adopté soit pendant la période de sa mise en oeuvre et 3) le troisième et dernier groupe est composé des entreprises qui ont participé à des mesures d'application de l'accord visant à protéger directement les marchés domestiques (164).

286.
    Dans la seconde catégorie, elle a également établi trois types de responsables: 1) les entreprises qui ont uniquement aidé à canaliser les surplus de production vers les pays tiers; 2) celles qui, tout en ayant participé à des mesures d'application de l'accord visant à protéger directement les marchés domestiques, ont essayé de se soustraire à son application et 3) la société Ciments luxembourgeois SA qui, tout en étant membre direct de Cembureau et tout en ayant participé aux réunions des chefs de délégation au cours desquelles l'accord Cembureau ou principe homonyme a été convenu, n'a mis en oeuvre aucune mesure d'exécution (165).

287.
    La Commission a sanctionné les entreprises et associations de la première catégorie en leur infligeant une amende dont le montant correspondait à 4 % du chiffre d'affaires que chacune d'entre elles avait réalisé sur le marché du ciment gris au cours de l'année 1992. Le montant de l'amende imposée à celles de la seconde catégorie équivalait à 2,8 % du même paramètre (166).

288.
    Le Tribunal a partiellement fait droit au recours d'Unicem parce que, pour fixer le montant de l'amende qu'elle lui avait infligée, la Commission avait considéré que cette entreprise avait participé à l'entente Cembureau pendant 122 mois alors que la procédure avait permis d'établir que la durée réelle de sa participation n'était que de 67 mois (167). Fort de cet élément, le Tribunal a réduit proportionnellement le montant de l'amende (168).

289.
    La requérante fait grief à la manière de procéder du Tribunal d'être incompatible avec l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et d'enfreindre les principes d'égalité et de proportionnalité dans le calcul des amendes.

290.
    Formulé de cette manière, le moyen est irrecevable dans la mesure où le Tribunal y a répondu aux points 4965 à 4969 de l'arrêt entrepris, qui renvoient aux points 4753 à 4766. Unicem n'apporte aucun élément neuf dans ce moyen et n'ajoute rien qui n'ait fait l'objet d'un débat et d'une décision au cours de la procédure. Elle profite du fait que le Tribunal applique le même critère de quantification des amendes que la Commission pour réengager un débat qui, en réalité, n'est pas une critique dirigée contre l'arrêt lui-même, mais bien contre la décision administrative répressive.

D - Le respect des principes de proportionnalité et d'égalité

291.
    Ces griefs sont eux aussi infondés.

292.
    La sanction a une double finalité: elle est à la fois répressive et dissuasive. Elle vise à réprimer une conduite et à décourager leurs auteurs ou d'autres contrevenants éventuels d'adopter des comportements anticoncurrentiels. C'est la raison pour laquelle elle doit être à la fois appropriée et équilibrée de manière à punir la conduite incriminée et, dans le même temps, avoir valeur exemplaire.

293.
    En ce qui concerne le premier aspect, à savoir le rôle répressif de la sanction, celle-ci doit, en tant que corollaire du principe de proportionnalité des peines auquel j'ai fait allusion précédemment, être proportionnelle à la gravité de l'infraction et aux autres circonstances, subjectives et objectives, qui entourent chaque cas d'espèce. C'est la raison pour laquelle l'article 15, paragraphe 2, in fine, du règlement n° 17 dispose que le montant de l'amende est fixé en fonction de la gravité de l'infraction et, s'il y a lieu, de sa durée.

294.
    La Cour a dit pour droit que la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive des critères devant obligatoirement être pris en compte (169).

295.
    Je crois que cette appréciation doit être fondée sur trois critères principaux: la nature de l'infraction, son impact sur la concurrence et l'étendue géographique du marché affecté. Chacun de ces critères doit être envisagé sur un plan objectif, à savoir celui de l'infraction elle-même, et, sur un plan subjectif, celui de l'entreprise responsable (170).

296.
    C'est ainsi qu'il faut apprécier le contenu des comportements anticoncurrentiels, l'étendue du marché qui en est la victime et, plus particulièrement, la détérioration subie par l'ordre public économique, appréciation aux fins de laquelle des éléments tels que la durée de la pratique prohibée, la nature du marché en question, le nombre et l'intensité des mesures d'application mises en oeuvre ne sont pas négligeables.

297.
    Sur le plan subjectif, qui est celui des entreprises responsables, se présentent des circonstances telles que leur importance relative ou leur part de marché dans le secteur économique en cause ainsi que la récidive dans les comportements contraires à la concurrence.

298.
    L'obligation d'infliger une sanction proportionnelle à la gravité de l'infraction implique que, lorsqu'une infraction a été commise par plusieurs personnes (171), on examine la gravité relative de la participation de chacune d'entre elles en utilisant les règles que j'ai rappelées plus haut (172). Le principe d'égalité exige, en effet, que l'amende soit identique pour toutes les entreprises qui se trouvent dans la même situation et interdit d'infliger la même sanction à celles qui se trouvent dans des positions différentes.

299.
    C'est ce qu'a fait le Tribunal lorsqu'il a ratifié et appliqué les critères que la Commission avait utilisés pour fixer le montant des amendes. Ces critères ne correspondent pas à une classification arbitraire des sociétés et associations responsables. Bien au contraire, ils sont le résultat d'une analyse détaillée de la participation et du comportement de chacune d'entre elles. Je n'en veux pour preuve que les paragraphes (3), (5) et (9) du point 65 des motifs de la décision, laquelle, il ne faut pas l'oublier, comporte une première partie abondante dans laquelle les faits sont exposés et décrite la participation des différentes entreprises et associations visées par l'enquête.

300.
    Tous les comportements, qui ne sont évidemment pas tous identiques, poursuivaient un même objectif anticoncurrentiel, de sorte qu'aux fins de la sanction ils pouvaient être regroupés par gravité en une ou plusieurs catégories en fonction de leur incidence sur le marché et de leur effet sur la libre concurrence.

301.
    Cette façon de procéder ne comporte rien d'irrégulier puisque, comme je l'ai déjà signalé, la gravité d'une infraction est susceptible d'être appréciée en regard de l'atteinte portée à l'ordre public économique par les comportements litigieux. Comme le Tribunal l'a déclaré au point 4966 de l'arrêt entrepris, chacune des entreprises qui ont participé à l'accord Cembureau «a cherché à garantir le respect des marchés domestiques à travers le nombre de mesures jugé nécessaire en fonction, notamment, de ses intérêts commerciaux et de la situation géographique de son marché naturel. Le fait d'avoir pris part, en considération de ces éléments, à un nombre limité de mesures illicites ne traduit dès lors pas une adhésion moins forte à l'accord Cembureau et, donc, une responsabilité moins grave dans l'infraction sanctionnée». Par rapport au préjudice en termes de concurrence, la situation de chaque entreprise était la même.

302.
    Lorsqu'Unicem insinue que d'autres entreprises également classées dans le groupe de celles dont la responsabilité était la plus grande avaient participé de manière plus intense à l'entente, son grief est hors de propos même lorsqu'on considère que son intervention n'a pas été dolosive, mais bien négligente, parce que, du point de vue de la concurrence, les infractions commises par imprudence ne sont pas moins graves que les infractions commises de manière délibérée. Pour déterminer la gravité de l'infraction, le Tribunal n'était pas obligé de vérifier si elle avait été commise intentionnellement ou par négligence (173). En matière de concurrence, si la culpabilité est une prémisse à la sanction, le degré de culpabilité n'est pas un critère de fixation du montant de l'amende (174).

303.
    Pour la même raison, la circonstance que le Tribunal ait annulé certaines parties du dispositif de la décision au motif que la contribution d'Unicem aux comportements qui y étaient décrits n'avait pas été démontrée ne doit pas nécessairement être assortie d'une réduction de l'amende parce que l'élément décisif est la participation et l'adhésion continue à l'entente Cembureau par une collaboration à une ou plusieurs de ses mesures d'application visant à la protection directe des marchés nationaux (175).

304.
    Le fait que le Tribunal et avant lui la Commission aient pu commettre une erreur en classant Unicem dans le premier sous-groupe de la première catégorie d'entreprises alors qu'elle aurait dû l'être dans le troisième puisqu'elle n'était pas intervenue dans l'adoption de l'accord Cembureau est dénué de pertinence. Comme le signale l'institution défenderesse, l'élément déterminant en matière de sanction est le fait d'avoir fait partie de l'une ou de l'autre catégorie. En effet, la division de chacune de celle-ci en trois sous-groupes correspond à un objectif purement systématique puisqu'indépendamment de la subdivision dans laquelle elles ont été classées, toutes les entreprises reprises dans une catégorie se sont efforcées de garantir le respect des marchés nationaux avec la même intensité. Dans le cas des sociétés cataloguées dans la première catégorie du fait qu'elles avaient adhéré directement à l'accord Cembureau et avaient appliqué certaines mesures d'exécution, elles avaient exercé une influence directe sur le cloisonnement de ces marchés (176).

305.
    Il n'y a pas davantage violation du principe d'égalité si les sociétés prises pour la comparaison sont les sociétés du groupe «à moindre responsabilité». À l'appui de la distinction qu'elle a faite entre les deux catégories d'entreprises, la Commission a exposé un certain nombre de raisons, que le Tribunal n'a pas réfutées (177). Ces raisons répondent à un critère objectif et raisonnable, qui est l'incidence des comportements sur la concurrence et, en particulier, sur le cloisonnement des marchés domestiques. De cette manière, les comportements décrits aux articles 2, 3 et 4 de la décision ont été déclarés les plus graves dans la mesure où ils visaient à protéger directement ces marchés alors que ceux qui sont décrits aux articles 5 et 6, qui avaient eu «des effets moins directs» sur le cloisonnement (178), pouvaient être qualifiés de moins graves.

306.
    Par conséquent, si les critères de la Commission sont conformes aux principes qui président à l'imposition des amendes, la réduction que le Tribunal a opérée en suivant les mêmes règles les respectait également.

307.
    Eu égard aux considérations qui précèdent, les quatorzième et quinzième moyens doivent être rejetés comme étant irrecevables et non fondés.

308.
    L'échec de tous les moyens que la Cour n'avait pas encore écartés entraîne le rejet du pourvoi.

V - Les dépens

309.
    La Commission en ayant fait la demande, il convient de condamner Unicem aux dépens conformément aux dispositions combinées de l'article 122, premier alinéa, et de l'article 69, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour.

VI - Conclusion

310.
    Conformément aux réflexions qui précèdent, je propose à la Cour:

1)    de rejeter en totalité les moyens du pourvoi de Buzzi Unicem SpA qui n'ont pas été rejetés par l'ordonnance du 5 juin 2002;

2)    de confirmer l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (quatrième chambre élargie) du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission (T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T- 50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95), en ce qui concerne l'entreprise requérante et

3)    de condamner la requérante aux dépens.


1: -     Langue originale: espagnol.


2: -    T-25/95, T-26/95, T-30/95 à T-32/95, T-34/95 à T-39/95, T-42/95 à T-46/95, T-48/95, T-50/95 à T-65/95, T-68/95 à T-71/95, T-87/95, T-88/95, T-103/95 et T-104/95, Rec. p. II-491, ci-après l'«arrêt entrepris».


3: -    JO 1962, L 13, p. 204.


4: -    Affaire IV/33.126 et 33.322 - Ciment.


5: -    Points 2 et 3 de l'arrêt entrepris.


6: -    Points 3, 9 et 12 de l'arrêt entrepris.


7: -    Points 4 à 6 de l'arrêt entrepris.


8: -    JO L 343, p. 1.


9: -    Point 22 de l'arrêt entrepris.


10: -    Voir point 163 de l'arrêt entrepris, lu en combinaison avec les points 5 et 95.


11: -    Voir points 164 à 168 de l'arrêt entrepris.


12: -    Ciments luxembourgeois SA.


13: -    Points 169 et 170 de l'arrêt entrepris.


14: -    Il s'agit d'une erreur du Tribunal de première instance. L'article 5 de la décision ne vise pas Unicem.


15: -    Texte codifié publié au JO 2001, C 34, p. 1.


16: -    Moyen A.1.1.1 de la requête introductive du pourvoi.


17: -    Arrêt du 8 juillet 1999 (C-51/92 P, Rec. p. I-4235).


18: -    Moyen A.1.1.2.i) de la requête introductive du pourvoi.


19: -    Arrêt du 8 juillet 1999 (C-199/92 P, Rec. p. I-4287).


20: -    À l'exception des documents contenant des secrets commerciaux ou d'autres données confidentielles et des documents internes de la Commission.


21: -    Voir point 241 de l'arrêt entrepris.


22: -    Sur les droits de la défense dans les procédures d'application des règles de la concurrence, on consultera utilement l'article de Lenaerts, K., et Maselis I., intitulé «Le justiciable face à la Commission européenne dans les procédures de constatation d'infraction aux articles 81 et 82 CE», publié au Journal des tribunaux, n° 5973 (2000), p. 496 à 504. Tout aussi utile l'étude de Goossens, L., «Concurrence et droits de la défense: la phase administrative devant la Commission», parue au Journal des tribunaux. Droit européen, n° 52 (1998), p. 169 à 175, et n° 53 (1998), p. 200 à 204. Bien qu'il date quelque peu, l'article d'O. Due, ancien président de la Cour «Le respect des droits de la défense dans le droit administratif communautaire», publié dans les Cahiers de droit européen, nos 1 et 2 (1987), p. 383 à 396, n'a rien perdu de son intérêt.


23: -    JO L 354, p. 18. Ce règlement a remplacé le règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268), qui était en vigueur à l'époque où la procédure administrative a été engagée dans la présente affaire.


24: -    Voir, pour tous les autres et parmi les plus récents, l'arrêt Hercules Chemicals/Commission, déjà cité, points 75 et suiv.


25: -    L'arrêt contre lequel le présent pourvoi a été engagé en est un bon exemple (voir points 142 à 144 et 240).


26: -    Voir arrêts Cour eur. D. H., Engel e.a. c. Pays-Bas du 8 juin 1976, série A n° 22, pour les procédures disciplinaires militaires, et Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique du 23 juin 1981, série A n° 43, pour les procédures disciplinaires engagées par un ordre national des médecins.


27: -    JO 2000, C 364, p. 1.


28: -    Voir articles 47, deuxième alinéa, et 48, paragraphe 2.


29: -    Article 41, paragraphe 2, premier et deuxième tirets.


30: -    Tout comme le sont également le droit d'être entendu, le droit d'être informé des griefs formulés contre soi, le droit d'employer les moyens de preuve utiles à la défense ou, le cas échéant, le droit de bénéficier de l'aide d'un avocat.


31: -    Voir les conclusions que l'avocat général Mischo a présentées le 25 octobre 2001 dans les affaires C-244/99 P et C-251/99 P, points 331 et 125, respectivement, dans lesquelles la Cour a statué le 15 octobre 2002 (arrêt LVM e.a./Commission, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, ci-après l'«arrêt PVC II»).


32: -    À l'instar de l'historien, le juge reconstruit le passé. Pour s'acquitter de sa tâche, il doit réunir preuves et témoignages pour reproduire les faits tels qu'ils se sont passés. Sa neutralité lui interdit de se trouver dans la position des personnes sur lesquelles porte son examen; il doit au contraire la transcender. Sur les relations entre droit et histoire, on consultera utilement le livre de Ginzburg, C., El juez y el historiador (Consideraciones al margen del proceso Sofri), édition Anaya y Mario Muchnik, Madrid, 1993.


33: -    Point 34.


34: -    Points 78 et 79.


35: -    La Cour a appliqué le même critère dans l'arrêt PVC II, précité, points 315 et suiv., en particulier point 325.


36: -    Ce fut le cas de l'entreprise Cedest SA (T-38/95). Voir points 2211 et 2286 de l'arrêt entrepris.


37: -    Point 264 de l'arrêt entrepris.


38: -    Voir points 264 et 1116, en général. Pour ce qui est du cas particulier d'Unicem, on consultera les points 1220 à 1225.


39: -    Point 262 de l'arrêt entrepris.


40: -    Point 263 de l'arrêt entrepris.


41: -    Il s'agit des documents cités aux points 18, 19 et 45 des motifs de la décision.


42: -    Point 247 de l'arrêt entrepris.


43: -    Voir points 1416 et 1442 et suiv. de l'arrêt entrepris.


44: -    Il s'agit des documents énumérés aux points 18, 19 et 45 des motifs de la décision.


45: -    Arrêts du 29 juin 1995 (T-30/91, Rec. p. II-1775, et T-36/91, Rec. p. II-1847).


46: -    Points 98 et 108 respectivement.


47: -    T-37/91, Rec. p. II-1901.


48: -    Voir points 66 et 70.


49: -    Voir point 61 de l'arrêt Solvay/Commission et point 71 de l'arrêt ICI/Commission.


50: -    Voir points 98 et 108, respectivement, des arrêts.


51: -    Voir points 263 et 264 de l'arrêt entrepris.


52: -    Moyens A.1.4 et A.1.5 de la requête introductive du pourvoi.


53: -    Moyen A.1.7 de la requête introductive du pourvoi.


54: -    Arrêt du 18 octobre 1989 (374/87, Rec. p. 3283).


55: -    Sur le contenu de ces droits, on consultera utilement deux arrêts importants de la Cour européenne des droits de l'homme, à savoir les arrêts John Murray c. Royaume-Uni, du 8 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, § 40 et suiv., et Saunders c. Royaume-Uni, du 17 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, § 67 et suiv. La jurisprudence dégagée dans ces deux décisions a été suivie par la suite, notamment, dans les arrêts IJL, GMR et AKP c. Royaume-Uni, du 19 septembre 2000; Heaney et McGuinness c. Irlande, du 21 décembre 2000, et JB c. Suisse du 3 mai 2001.


56: -    Point 35 de l'arrêt Orkem/Commission, déjà cité.


57: -    Dans un autre contexte (analyse de sang ou d'urine), la Cour européenne des droits de l'homme a fait une déclaration pertinente pour la réponse qu'appelle l'argument d'Unicem: le droit à ne pas témoigner contre soi-même ne s'étend pas aux données qui existent indépendamment de la volonté de l'accusé (voir point 69 de l'arrêt Saunders c. Royaume-Uni, déjà cité). Ce droit n'offre donc aucune protection à l'égard des informations provenant de tiers.


58: -    Voir Cour eur. D.H., arrêts John Murray c. Royaume-Uni, point 45, et Saunders c. Royaume-Uni, point 68, déjà cités.


59: -    Moyen B.1.2 de la requête introductive du pourvoi (p. 26 à 29 du texte original italien).


60: -    Voir point 27 des conclusions que j'ai présentées le 3 mai 2001 dans l'affaire Ismeri Europa/Cour des comptes (arrêt du 10 juillet 2001, C-315/99 P, Rec. p. I-5281), ainsi que les arrêts que j'ai cités à la note 17 de ces conclusions, de même que le point 19 de l'arrêt Ismeri Europa/Cour des comptes. Parmi les décisions plus récentes de la Cour, on consultera l'arrêt du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission (C-280/99 P à C-282/99 P, Rec. p. I-4717, point 78).


61: -    Il s'agit des pièces indiquées aux points 18, 19 et 45. Pour ce qui est de l'arrêt entrepris, voir les points 861 et suiv. Plus particulièrement, en ce qui concerne les notes internes de Blue Circle, voir les points 875 à 901; à propos de la déclaration de M. Kalogeropoulos, voir les points 902 à 913; pour la confession de Cembureau, voir les points 914 à 919; pour la lettre de convocation à la réunion des chefs de délégation du 14 janvier 1983, voir les points 930 à 941, et en ce qui concerne la réunion du 7 novembre 1984, au cours de laquelle l'accord Cembureau a été confirmé, voir les points 1028 à 1046.


62: -    Voir point 45, paragraphe (9), des motifs de la décision et points 1003, 1046, 1086 et 1095 de l'arrêt entrepris.


63: -    Elle n'a pas davantage participé à celle du 19 mars 1984.


64: -    Voir points 1416, 1442, 3744, 3745 et 4243 à 4247 de l'arrêt entrepris.


65: -    Voir arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 96); Hüls/Commission, déjà cité, point 155, et Montecatini/Commission (C-235/92 P, Rec. p. I-4539, point 181).


66: -    Moyen B.1.2 de la requête introductive du pourvoi (p. 29 et 30 du texte original en langue italienne).


67: -    «Conclusions en annulation de la décision attaquée», XXII, A, 2.2.


68: -    Moyen B.1.3 de la requête.


69: -    Elle cite l'arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission (T-43/92, Rec. p. II-441).


70: -    Voir arrêt Commission/Anic Partecipazioni, déjà cité, point 81.


71: -    Voir arrêt Montecatini/Commission, déjà cité, point 195.


72: -    Voir point 81 de l'arrêt Commission/Anic Partecipazioni.


73: -    Sans préjudice de son incidence sur l'appréciation de la gravité de l'infraction et, partant, de l'intensité de la sanction (voir point 90 de l'arrêt cité à la note précédente).


74: -    Voir arrêt du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission (C-291/98 P, Rec. p. I-9991, point 50).


75: -    Point 83 de l'arrêt Commission/Anic Participazioni, déjà cité. Voir également le point 203.


76: -    Arrêt Dunlop Slazenger/Commission, déjà cité.


77: -    Moyen B.2 de la requête introductive du pourvoi.


78: -    Ordonnance du 5 février 1997 (C-51/95 P, Rec. p. I-727).


79: -    Elle cite l'arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeythiö e.a./Commission, dit «Pâte à papier II» (C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307, point 146).


80: -    Voir points 1698 et 4340 de l'arrêt entrepris.


81: -    Point 47, paragraphe (13), des motifs de la décision.


82: -    C'est par erreur que le Tribunal dit dans l'arrêt entrepris que cette diffusion a eu lieu au cours de la réunion du 14 janvier 1983. Au point 16, paragraphe (5), des motifs de la décision, en revanche, la Commission parle de la réunion du 30 mai 1983.


83: -    Voir point 1643 de l'arrêt entrepris.


84: -    Les échanges «permettaient effectivement à l'entreprise confrontée à la demande d'un client potentiel établi dans un autre pays membre de connaître le niveau général des prix en vigueur, à ce moment, dans ce pays et d'aligner ses prix à l'exportation en conséquence, pour dissuader ce client de se procurer du ciment en dehors de son pays et éviter ainsi de concurrencer les producteurs locaux» (point 1642 de l'arrêt entrepris).


85: -    Voir points 1644 à 1646 de l'arrêt entrepris.


86: -    Voir point 134 des conclusions que j'ai présentées ce jour même dans l'affaire Aalborg Portland/Commission (C-204/00 P). Voir également les points 1634 et 1638 de l'arrêt entrepris.


87: -    Avant-dernier alinéa du moyen B.2.1 de la requête introductive du pourvoi.


88: -    Voir le Septième rapport de la Commission sur la politique de la concurrence (Bruxelles-Luxembourg, avril 1978, p. 23).


89: -    Voir point 1642 de l'arrêt entrepris.


90: -    Voir arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 173 à 175).


91: -    Souligné par moi.


92: -    Voir points 126 et 127 desdites conclusions.


93: -    Voir points 1412, 1439 et 1697 de l'arrêt entrepris.


94: -    Ibidem, points 2682 et 2683.


95: -    Ibidem, points 3252 et 3253.


96: -    Ibidem, point 3396.


97: -    Ibidem, points 4244 et 4245.


98: -    Ibidem, point 4246.


99: -    Ibidem, points 4103, 4104 et 4244.


100: -    Ibidem, point 1698.


101: -    Elle l'a fait ultérieurement dans la réplique.


102: -    Voir point 1702 de l'arrêt entrepris.


103: -    Voir point 1701 de l'arrêt entrepris.


104: -    Moyen B.3.3 de la requête introductive du pourvoi.


105: -    Point 3741 de l'arrêt entrepris.


106: -    Point 3742 de l'arrêt entrepris.


107: -    Points 143, 144, 159 et 160.


108: -    Voir points 3741 et 3742 de l'arrêt entrepris.


109: -    Moyens A.1.5, B.4.1 et B.4.3.1 de la requête introductive du pourvoi.


110: -    Sur le principe non bis in idem, on consultera utilement les conclusions que j'ai présentées le 19 septembre 2001 dans les affaires Gözütok et Brügge, (C-187/01 et C-385/01), dans lesquelles la Cour n'a pas encore statué.


111: -    La Cour a déjà examiné l'éventualité d'une intervention redondante des autorités nationales de la concurrence et de la Commission dans son arrêt du 13 février 1969, Wilhelm e.a. (14/68, Rec. p. 1), dans lequel elle a déclaré que l'application parallèle du droit national ne peut pas porter préjudice à l'application pleine et uniforme, dans tout le marché commun, des règles communautaires en matière de pratiques collusoires et à l'effet des actes d'exécution de celles-ci (point 1 du dispositif). L'existence de compétences partagées est aujourd'hui un fait admis (voir la communication relative à la coopération entre la Commission et les juridictions nationales pour l'application des articles 85 et 86 du traité CEE, JO 1993, C 39, p. 6); de même qu'est reçue la règle donnant la primauté à la décision communautaire en cas d'interventions superfétatoires à propos d'une même pratique ou d'un même accord anticoncurrentiels (voir arrêts du 28 février 1991, Delimitis, C-234/89, Rec. p. I-935, et du 14 décembre 2000, Masterfoods et HB, C-344/98, Rec. p. I-11369).


112: -    Dans l'arrêt du 18 novembre 1987, Maizena (137/85, Rec. p. 4587), la Cour a dit pour droit qu'exiger deux cautions distinctes d'une même personne pour des faits identiques n'enfreignait pas le principe non bis in idem parce que ces deux cautions n'avaient pas la même finalité (points 22 et 23).


113: -    C'est pour s'être rendue coupable d'infractions à cette disposition qu'Unicem a été condamnée par la décision de l'Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato, déjà citée plus haut.


114: -    Gazzetta ufficiale della Repubblica italiana n° 240, du 13 octobre 1990.


115: -    Point 3.


116: -    Article 85 du traité.


117: -    Sur la sanction d'un même fait dans deux ordres juridiques différents, voir les considérations que j'ai exposées aux points 52 et suiv. des conclusions que j'ai présentées dans les affaires Gözütok et Brügge, précitées.


118: -    Voir article 4 du protocole n° 7 de la convention de Rome et article 50 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.


119: -    Voir Pralus, M., «Étude en droit pénal international et en droit communautaire d'un aspect du principe non bis in idem: non bis», dans Revue de science criminelle, juillet-septembre 1996, p. 553 à 574, en particulier, p. 558.


120: -    Point 11.


121: -    Je ne suis pas d'accord avec cette approche, car, comme je l'ai signalé plus haut, les autorités nationales et la Commission protègent des valeurs identiques lorsqu'elles sanctionnent une même conduite en application du droit de la concurrence, qu'il soit national ou communautaire.


122: -    Point 11.


123: -    Dans l'arrêt du 14 décembre 1972, Boehringer Mannheim/Commission (7/72, Rec. p. 1281), la Cour de justice a dit pour droit que le principe non bis in idem n'avait pas été enfreint parce que, «si les faits à la base des deux condamnations en cause trouvent leur origine dans un même ensemble d'accords, ils se distinguent cependant pour l'essentiel en ce qui concerne tant leur objet que leur localisation territoriale» (point 4).


124: -    Sont punissables les accords de répartition des marchés, indépendamment de la question de savoir s'ils produisent ensuite l'effet concret de restreindre la concurrence. Dans l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission, déjà cité, la Cour a condamné les accords qui ont pour objet ou pour effet d'influencer le marché (point 174; souligné par moi). Ce principe est aujourd'hui consacré par la jurisprudence de la Cour: «si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n'implique pas nécessairement que ce comportement produise l'effet concret de restreindre, d'empêcher ou de fausser la concurrence» (arrêt Hüls/Commission, déjà cité, point 165). Voir également l'arrêt du même jour Montecatini/Commission, déjà cité lui aussi, point 125.


125: -    Voir points 444 et 445 de l'arrêt entrepris.


126: -    Voir point 27, paragraphe (6) des motifs de la décision et point 3345 de l'arrêt entrepris.


127: -    À propos de ces infractions, voir points 3133 et suiv. de l'arrêt entrepris.


128: -    Sur l'existence de cette infraction, voir points 3138 et suiv. de l'arrêt entrepris.


129: -    Voir point 55, sous b), paragraphe (2), des motifs de la décision. Le raisonnement du Tribunal de première instance sur l'existence de cette infraction figure aux points 3345 et suiv. de l'arrêt entrepris.


130: -    Le raisonnement du Tribunal de première instance sur l'existence de cette infraction figure aux points 3345 et suiv. de l'arrêt entrepris.


131: -    Pour rappel, les faits de l'instance ne peuvent pas être vérifiés dans le cadre d'un pourvoi.


132: -    Moyen B.4.2 de la requête introductive du pourvoi.


133: -    Point 3248 de l'arrêt entrepris.


134: -    Point 3252 de l'arrêt entrepris.


135: -    Voir points 27, paragraphes (3) et (5), et 55, paragraphe (1), des motifs de la décision.


136: -    Moyen B.4.3.2 de la requête introductive du pourvoi.


137: -    Moyen B.4.3.3 de la requête introductive du pourvoi.


138: -    Moyen B.4.3.4 de la requête introductive du pourvoi.


139: -    Voir points 3345, 3353 et 3355 de l'arrêt entrepris.


140: -    Voir point 55, paragraphe (2), des motifs de la décision.


141: -    Voir points 3286 et 3347 de l'arrêt entrepris.


142: -    Voir point 27, paragraphe (5), des motifs de la décision.


143: -    Parmi les décisions les plus récentes de la Cour, voir l'ordonnance du 14 décembre 2001, Commission/Euroalliages e.a. [C-404/01 P(R), Rec. p. I-10367, point 53].


144: -    Souligné par moi.


145: -    Moyens B.4.3.1 et B.4.4 de la requête introductive du pourvoi.


146: -    Voir point 27, paragraphe (5), des motifs de la décision.


147: -    Voir points 3372 et 3373 de l'arrêt entrepris.


148: -    Voir point 53, paragraphe (9), des motifs de la décision.


149: -    Moyen B.5.1 de la requête introductive du pourvoi.


150: -    Voir point 15, paragraphe (2), des motifs de la décision.


151: -    Voir point 4104 de l'arrêt entrepris.


152: -    Voir point 4104, lu en combinaison avec les points 4050 à 4052.


153: -    Voir première partie du point 4105.


154: -    Voir seconde partie du point 4105.


155: -    Voir point 4106.


156: -    On se rappellera que l'entreprise requérante est le résultat de la fusion entre Unicem et Buzzi, qui ont agi séparément dans le cadre de la procédure administrative et devant le Tribunal de première instance.


157: -    En ce qui concerne son intervention dans la constitution de la European Task Force, voir les points 2678 à 2683 de l'arrêt entrepris; sur sa participation aux pressions exercées sur Calcestruzzi, voir les points 3246 à 3253; enfin, pour ce qui est de l'accord conclu avec Italcementi et Cementir afin que le producteur de béton cesse d'importer du ciment grec, les explications du Tribunal se trouvent aux points 3350 et suiv. de l'arrêt entrepris.


158: -    Voir point 65, paragraphe (7), des motifs de la décision.


159: -    Voir point 65, paragraphe (8), premier tiret, des motifs de la décision.


160: -    Voir arrêt Suiker Unie e.a./Commission, déjà cité, point 111. Pour ce qui est de la détermination du montant des amendes en cas d'infractions complexes, voir David, E. «La détermination du montant des amendes sanctionnant les infractions complexes: régime commun ou régime particulier?», Revue trimestrielle de droit européen, n° 36(3), juillet-septembre 2000, p. 511 à 545.


161: -    Voir motifs de la décision, point 65, paragraphe (3), sous a), et paragraphe (9), sous a), premier tiret.


162: -    Point 65, paragraphe (9), premier tiret, des motifs de la décision. Voir également le point 4950 de l'arrêt entrepris. La Commission «a fixé une amende globale pour chaque entreprise pour sa participation à l'accord ou principe Cembureau et aux mesures d'application de celui-ci» (point 65, paragraphe (8), second tiret).


163: -    Point 65, paragraphe (9), sous a) et b), des motifs de la décision.


164: -    Point 65, paragraphe (9), sous a), des motifs de la décision.


165: -    Point 65, paragraphe (9), sous b), des motifs de la décision.


166: -    Voir la lettre que la Commission a adressée au Tribunal le 7 juillet 1998, en particulier les paragraphes 2 et 3. Voir également les points 4738, 4957 et 4963 de l'arrêt entrepris.


167: -    Voir points 4807 à 4814 de l'arrêt entrepris, et plus particulièrement le huitième tiret de ce dernier point.


168: -    Voir point 4815 de l'arrêt entrepris, ainsi que le huitième tiret du point 19) de son dispositif.


169: -    Voir arrêts du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission (100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 120), et du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission (C-219/95 P, Rec. p. I-4411, point 33); voir également l'ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission (C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).


170: -    Dans son ouvrage cité précédemment, E. David affirme que «la gravité s'apprécie selon trois critères: la nature de l'infraction, son impact sur le marché lorsqu'il est mesurable et le marché géographique et à deux niveaux: ceux de l'infraction et de l'entreprise» (p. 522).


171: -    Les infractions à l'article 81 CE supposent, par définition, un comportement collectif.


172: -    Voir arrêts, déjà cités, Suiker Unie e.a./Commission, point 623, et Hercules Chemicals/Commission, point 110.


173: -    Voir ordonnance Spo e.a./Commission, déjà citée, points 55 et 57.


174: -    Conformément à la jurisprudence de la Cour, l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 traite de deux questions distinctes. D'une part, il détermine les conditions auxquelles la Commission peut infliger des amendes (conditions d'ouverture); parmi ces conditions figure celle qui a trait au caractère délibéré ou négligent de l'infraction (premier alinéa). D'autre part, il réglemente la détermination du montant de l'amende, lequel est fonction de la gravité et de la durée de l'infraction (second alinéa) (ordonnance Spo e.a./Commission, déjà cité, point 53, et arrêt Ferriere Nord/Commission, déjà cité également, point 32).


175: -    Voir points 4975 et 4976 de l'arrêt entrepris.


176: -    Voir points 4952 et 4966 de l'arrêt entrepris.


177: -    Voir point 65, paragraphe (9), des motifs de la décision et point 4968 de l'arrêt entrepris.


178: -    Point 4968, in fine, de l'arrêt entrepris.