Language of document : ECLI:EU:C:2021:782

ARRÊT DE LA COUR (assemblée plénière)

30 septembre 2021 (*)

Table des matières


I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Le traité FUE

2. Le statut

3. Le règlement no 2290/77

4. La directive 2008/118/CE

5. Le règlement (UE, Euratom) no 883/2013

6. Les règles internes adoptées par la Cour des comptes

a) Le règlement intérieur

b) La décision no 1-2003

c) La décision no 7-2004

d) La décision no 33-2004

e) Le code de conduite de 2004

f) La décision no 19-2009

g) La décision no 66-2011

h) Le code de conduite de 2012

i) Les modalités d’application du règlement intérieur

B. Le droit luxembourgeois

II. Les faits à l’origine du litige

III. Les enquêtes et les procédures engagées

A. Les mesures préliminaires adoptées par la Cour des comptes

B. L’enquête de l’OLAF

C. L’engagement de la présente procédure au sein de la Cour des comptes

D. La procédure pénale engagée par les autorités luxembourgeoises

IV. Les conclusions des parties

V. Sur la demande de suspension de la présente procédure

A. Argumentation des parties

B. Appréciation de la Cour

VI. Sur la demande d’ordonner la production de certains documents

A. Argumentation des parties

B. Appréciation de la Cour

VII. Sur la demande de retrait d’un document du dossier

A. Argumentation des parties

B. Appréciation de la Cour

VIII. Sur le recours

A. Sur la recevabilité du recours

1. Sur l’incompatibilité alléguée de la présente procédure avec le droit à une protection juridictionnelle effective

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

2. Sur l’irrégularité alléguée de l’enquête de l’OLAF

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

3. Sur l’irrégularité alléguée de la procédure suivie au sein de la Cour des comptes pour autoriser l’introduction du présent recours

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

4. Sur le retard allégué avec lequel le recours de la Cour des comptes a été introduit

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

B. Sur les griefs

1. Sur le quatrième grief, tiré de l’exercice non déclaré et illégal d’une activité politique et d’une activité de gérance d’une société civile immobilière

a) Sur la première branche du quatrième grief, tirée de l’exercice non déclaré et illégal d’une activité politique

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

b) Sur la seconde branche du quatrième grief, tirée de l’exercice non déclaré et illégal d’une activité de gérance d’une société civile immobilière

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

2. Sur le premier grief, tiré de l’usage abusif des ressources de la Cour des comptes pour financer des activités sans lien ou incompatibles avec ses fonctions de membre de cette institution

a) Sur la recevabilité du premier grief

1) Sur l’exercice par la Cour des comptes de son pouvoir d’appréciation

i) Argumentation des parties

ii) Appréciation de la Cour

2) Sur la présentation de la requête et sur la recevabilité du tableau produit en annexe du mémoire en réplique

i) Argumentation des parties

ii) Appréciation de la Cour

b) Sur le bien-fondé du premier grief

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

i) Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

ii) Sur les frais de mission et les indemnités journalières

– Sur le séjour à Crans-Montana

– Sur le séjour à Cuba

– Sur les relations entretenues avec des responsables et des mouvements politiques

– Sur les relations avec des responsables d’opérateurs économiques privés

– Sur les relations avec des organismes représentatifs et des associations

– Sur la conduite d’une activité extérieure autorisée

– Sur la participation à des parties de chasse

– Sur les autres missions mentionnées par la Cour des comptes

iii) Sur les frais de représentation et de réception

– Sur les frais de représentation liés aux relations avec des responsables politiques

– Sur les frais de représentation liés aux relations avec d’autres personnes

– Sur les frais se rapportant aux réceptions organisées au domicile de M. Pinxten

iv) Sur l’utilisation de la voiture de fonction et sur le recours au service d’un chauffeur

– Sur les frais de transport engagés en dehors des missions de M. Pinxten

– Sur les frais de transport engagés à l’occasion des missions de M. Pinxten

– Sur l’utilisation de la voiture de fonction sans recours aux services d’un chauffeur

3. Sur le deuxième grief, tiré de l’usage abusif et illégal de privilèges fiscaux

a) Sur la première branche du deuxième grief, tirée de la conservation et de l’utilisation d’une carte de carburant par un enfant de M. Pinxten alors qu’il n’était plus membre du foyer de celui-ci

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

b) Sur la seconde branche du deuxième grief, tirée de l’utilisation d’une carte de carburant pour acheter des carburants destinés à des véhicules appartenant à des tiers

1) Argumentation des parties

2) Appréciation de la Cour

4. Sur le troisième grief, tiré de fausses déclarations de sinistre à l’assurance dans le cadre de prétendus accidents impliquant le véhicule de fonction et le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

5. Sur le cinquième grief, tiré d’une situation de conflit d’intérêts créée par M. Pinxten dans le cadre d’une relation avec le dirigeant d’une entité auditée

a) Argumentation des parties

b) Appréciation de la Cour

C. Sur la déchéance du droit à pension ou d’autres avantages en tenant lieu

1. Argumentation des parties

2. Appréciation de la Cour

IX. Sur la demande d’indemnisation introduite par M. Pinxten

A. Argumentation des parties

B. Appréciation de la Cour

Sur les dépens

« Article 286, paragraphe 6, TFUE – Violation des obligations découlant de la charge d’un membre de la Cour des comptes européenne – Déchéance du droit à pension – Droit à une protection juridictionnelle effective – Régularité de l’enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) – Procédure interne à la Cour des comptes – Activité incompatible avec les fonctions de membre de la Cour des comptes – Frais de mission et indemnités journalières – Frais de représentation et de réception – Utilisation de la voiture de fonction – Recours au service d’un chauffeur – Conflit d’intérêts – Proportionnalité de la sanction »

Dans l’affaire C‑130/19,

ayant pour objet un recours au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE, introduit le 15 février 2019,

Cour des comptes européenne, représentée initialement par M. C. Lesauvage ainsi que par Mmes J. Vermer et É. von Bardeleben, puis par M. C. Lesauvage, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Karel Pinxten, représenté par Me L. Levi, avocate,

partie défenderesse,

LA COUR (assemblée plénière),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, faisant fonction de président, MM. J.‑C. Bonichot, A. Arabadjiev, M. Vilaras, E. Regan, M. Ilešič, L. Bay Larsen (rapporteur) et N. Piçarra, présidents de chambre, M. T. von Danwitz, Mme C. Toader, MM. M. Safjan, D. Šváby, S. Rodin, F. Biltgen, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos, P. G. Xuereb, Mme L. S. Rossi et M. I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : Mme V. Giacobbo, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 septembre 2020,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 décembre 2020,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Cour des comptes européenne demande à la Cour de constater que M. Karel Pinxten a cessé de satisfaire aux obligations découlant de sa charge et de prononcer, en conséquence, la sanction prévue à l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      Le traité FUE

2        L’article 285 TFUE dispose :

« La Cour des comptes assure le contrôle des comptes de l’Union [européenne].

Elle est composée d’un ressortissant de chaque État membre. Ses membres exercent leurs fonctions en pleine indépendance, dans l’intérêt général de l’Union. »

3        L’article 286, paragraphes 1, 3, 4 et 6, TFUE est libellé comme suit :

« 1.      Les membres de la Cour des comptes sont choisis parmi des personnalités appartenant ou ayant appartenu dans leur État respectif aux institutions de contrôle externe ou possédant une qualification particulière pour cette fonction. Ils doivent offrir toutes garanties d’indépendance.

[...]

3.      Dans l’accomplissement de leurs devoirs, les membres de la Cour des comptes ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucun organisme. Ils s’abstiennent de tout acte incompatible avec le caractère de leurs fonctions.

4.      Les membres de la Cour des comptes ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, exercer aucune activité professionnelle, rémunérée ou non. Ils prennent, lors de leur installation, l’engagement solennel de respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages.

[...]

6.      Les membres de la Cour des comptes ne peuvent être relevés de leurs fonctions ni déclarés déchus de leur droit à pension ou d’autres avantages en tenant lieu que si la Cour de justice constate, à la demande de la Cour des comptes, qu’ils ont cessé de répondre aux conditions requises ou de satisfaire aux obligations découlant de leur charge. »

4        L’article 287, paragraphe 2, TFUE énonce :

« La Cour des comptes examine la légalité et la régularité des recettes et dépenses et s’assure de la bonne gestion financière. Ce faisant, elle signale en particulier toute irrégularité.

[...] »

2.      Le statut

5        L’article 11, second alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO 2004, L 124, p. 1, ci-après le « statut »), prévoit :

« Le fonctionnaire ne peut accepter d’un gouvernement ni d’aucune source extérieure à l’institution à laquelle il appartient, sans autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination, une distinction honorifique, une décoration, une faveur, un don, une rémunération, de quelque nature qu’ils soient, sauf pour services rendus soit avant sa nomination, soit au cours d’un congé spécial pour service militaire ou national, et au titre de tels services. »

6        L’article 2, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut précise, à son premier alinéa :

« Est considéré comme enfant à charge, l’enfant légitime, naturel ou adoptif du fonctionnaire ou de son conjoint, lorsqu’il est effectivement entretenu par le fonctionnaire. »

7        L’article 25 de l’annexe IX du statut prévoit :

« Lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive. »

3.      Le règlement no 2290/77

8        L’article 7 du règlement (CEE, Euratom, CECA) no 2290/77 du Conseil, du 18 octobre 1977, portant fixation du régime pécuniaire des membres de la Cour des comptes (JO 1977, L 268, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 1293/2004 du Conseil, du 30 avril 2004 (JO 2004, L 243, p. 26) (ci‑après le « règlement no 2290/77 »), disposait :

« Le membre de la Cour des comptes appelé, dans l’exercice de ses fonctions, à se déplacer hors du lieu de travail provisoire de la Cour bénéficie :

a)      du remboursement de ses frais de voyage ;

b)      du remboursement de ses frais d’hôtel (chambre, service et taxes, à l’exclusion de tous autres frais) ;

c)      d’une indemnité, par journée entière de déplacement, égale à 105 % du taux d’indemnité journalière de mission prévue au [statut]. »

4.      La directive 2008/118/CE

9        L’article 12 de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12), est libellé comme suit :

« 1.      Les produits soumis à accise sont exonérés du paiement de l’accise lorsqu’ils sont destinés à être utilisés :

a)      dans le cadre de relations diplomatiques ou consulaires ;

b)      par les organismes internationaux reconnus comme tels par les autorités publiques de l’État membre d’accueil ainsi qu’aux membres de ces organismes, dans les limites et sous les conditions fixées par les conventions internationales instituant ces organismes ou par les accords de siège ;

[...]

2.      Les exonérations susvisées sont applicables dans les conditions et limites fixées par l’État membre d’accueil. Les États membres peuvent accorder l’exonération par un remboursement de l’accise. »

5.      Le règlement (UE, Euratom) no 883/2013

10      L’article 1er, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), est ainsi rédigé :

« En vue de renforcer la lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique [...], l’Office européen de lutte antifraude [OLAF], exerce les compétences d’enquête conférées à la Commission [européenne]

[...] »

11      L’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement no 883/2013 prévoit :

« 1.      Dans les domaines visés à l’article 1er, l’[OLAF] effectue les enquêtes administratives au sein des institutions, des organes et des organismes [...]

Ces enquêtes internes sont menées conformément aux conditions prévues par le présent règlement et par les décisions que chaque institution, organe ou organisme adopte.

2.      Pour autant que les dispositions mentionnées au paragraphe 1 soient respectées :

a)      l’[OLAF] a accès sans préavis et sans délai à toute information pertinente, y compris aux informations figurant dans des bases de données, détenue par les institutions, organes et organismes, ainsi qu’aux locaux de ceux-ci. [...] L’[OLAF] peut prendre copie et obtenir des extraits de tout document et du contenu de tout support d’informations que les institutions, organes et organismes détiennent [...]

[...] »

12      L’article 5, paragraphes 1 à 3, de ce règlement énonce :

« 1.      Le directeur général peut ouvrir une enquête lorsqu’il existe des soupçons suffisants, pouvant aussi être fondés sur des informations fournies par un tiers ou sur des informations anonymes, qui laissent supposer l’existence d’actes de fraude, de corruption ou d’autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union. [...]

2.      [...]

La décision d’ouvrir une enquête interne est prise par le directeur général, agissant de sa propre initiative ou à la demande de l’institution, de l’organe ou de l’organisme au sein duquel l’enquête devra être effectuée ou à la demande d’un État membre.

3.      Tant que le directeur général étudie l’opportunité d’ouvrir une enquête interne à la suite d’une demande visée au paragraphe 2 et/ou tant que l’[OLAF] conduit une enquête interne, les institutions, organes et organismes concernés n’ouvrent pas d’enquête parallèle sur les mêmes faits, sauf s’il en a été convenu autrement avec l’[OLAF]. »

13      L’article 7, paragraphe 2, dudit règlement dispose :

« Les membres du personnel de l’[OLAF] effectuent leurs tâches sur production d’une habilitation écrite dans laquelle sont indiquées leur identité et leur qualité. Le directeur général délivre une telle habilitation indiquant l’objet et le but de l’enquête ainsi que les bases juridiques pour effectuer ces enquêtes et les pouvoirs d’enquête en découlant. »

14      L’article 9, paragraphe 4, du même règlement précise :

« Sans préjudice de l’article 4, paragraphe 6, et de l’article 7, paragraphe 6, une fois que l’enquête a été achevée et avant que les conclusions se rapportant nommément à une personne concernée n’aient été tirées, cette dernière se voit accorder la possibilité de présenter ses observations sur les faits la concernant.

[...] »

15      L’article 11, paragraphe 4, du règlement no 883/2013 est libellé comme suit :

« Les rapports et recommandations élaborés à la suite d’une enquête interne et tout document utile y afférent sont transmis à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné. Cette institution, cet organe ou cet organisme donne aux enquêtes internes les suites, notamment disciplinaires et judiciaires, que leurs résultats appellent, et en rend compte à l’[OLAF], dans un délai qui est fixé dans les recommandations accompagnant le rapport ainsi que sur demande de l’[OLAF]. »

6.      Les règles internes adoptées par la Cour des comptes

a)      Le règlement intérieur

16      L’article 4 du règlement intérieur de la Cour des comptes (ci-après le « règlement intérieur ») prévoit :

« 1.      Lorsque la Cour [des comptes] estime, statuant à la majorité des membres qui la composent, que les informations qui lui sont soumises sont susceptibles d’établir qu’un membre a cessé de répondre aux conditions requises ou de satisfaire aux obligations découlant de sa charge (article 286, paragraphe 6, [TFUE]), elle charge le président [...] de préparer un rapport préliminaire.

2.      Le rapport préliminaire est transmis, accompagné de pièces justificatives, à tous les membres, y compris au membre concerné, lequel transmet en réponse ses observations écrites dans un délai raisonnable fixé par le président ou, si le président est le membre concerné, par le membre prenant rang après lui.

3.      Le membre concerné est également invité à présenter oralement ses explications devant la Cour [des comptes].

4.      La décision de saisir la Cour de justice pour relever le membre concerné de ses fonctions et/ou de le déclarer déchu de son droit à pension ou d’autres avantages en tenant lieu est prise, à bulletin secret, à la majorité des quatre cinquièmes des membres de la Cour [des comptes]. Le membre concerné ne participe pas au vote. »

17      L’article 23 du règlement intérieur est ainsi rédigé :

« Il est établi un procès-verbal de chaque séance de la Cour [des comptes]. »

18      L’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur dispose :

« Sans préjudice de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 7, paragraphe 2, les autres décisions sont acquises à la majorité des membres présents à la séance de la Cour [des comptes]. Toutefois, la Cour [des comptes] peut, sur proposition d’un membre, déclarer, à la majorité des membres présents à la séance, qu’une question déterminée dont elle est saisie sera décidée à la majorité des membres qui composent la Cour [des comptes]. »

b)      La décision no 1-2003

19      L’article 1er de la décision no 1-2003 de la Cour des comptes, du 16 janvier 2003, relative aux frais de missions des Membres de la Cour, applicable à l’époque des faits visés par le présent recours (ci-après la « décision no 1-2003 »), précisait :

« Les engagements juridiques (c’est-à-dire les ordres de mission) relatifs aux frais de mission doivent être sollicités le plus tôt possible. L’ordonnateur, pour les frais de mission des Membres, est le Président de la Cour [des comptes]. [...] »

20      L’article 3 de cette décision était ainsi rédigé :

« Au cours de leurs missions, les Membres peuvent se déplacer en voiture de service, par avion, par chemin de fer ou en bateau. »

21      L’article 5 de ladite décision disposait :

« Le remboursement des frais de mission est demandé dès que possible après le retour du Membre. Les frais d’hôtel (à l’exclusion des repas) sont remboursables. »

22      L’article 6 de la même décision était libellé comme suit :

« Les missions qui durent moins de douze heures sur un même jour donnent lieu au paiement de la moitié de l’indemnité journalière y afférente. Dans tous les autres cas, l’indemnité journalière est versée dans son intégralité. »

c)      La décision no 7-2004

23      L’article 2 de la décision no 7-2004 de la Cour des comptes, du 22 avril 2004, concernant les frais de représentation et de réception de ses Membres, applicable à l’époque des faits visés par le présent recours (ci-après la « décision no 7-2004 »), énonçait :

« Au début de chaque exercice et après consultation des Membres, les crédits sont partagés en deux parties :

[...]

–        Une deuxième partie, dite B, sera réservée aux dépenses de représentation et de réception à caractère général que les Membres encourent en leur qualité de Membre d’une institution. Le remboursement de ces dépenses s’effectuera à la fin de chaque trimestre sur la base de déclarations y afférentes auxquelles sont jointes les quittances ou autres justifications écrites jugées équivalentes et indiquant, la date de l’invitation, le nombre des invités et la qualité de l’invité principal. [...] »

24      L’article 6 de cette décision prévoyait :

« Pour les réceptions à domicile, la Cour [des comptes] rembourse les frais encourus à concurrence des pièces justificatives produites. »

25      Ladite décision était accompagnée d’une note à l’attention des Membres de la Cour des comptes, du 22 avril 2004, comportant des « suggestions concernant les frais de représentation et de réception » (ci-après la « note du 22 avril 2004 »). Aux termes de cette note :

« [...]

Les frais de représentation sont essentiellement destinés à favoriser les relations extérieures de la Cour [des comptes].

Les Membres représentent la Cour [des comptes] notamment lorsqu’ils entretiennent, dans l’intérêt de la Cour [des comptes], des relations professionnelles avec des personnes exerçant des fonctions au sein de l’Union [...], des États membres ou d’autres pays.

[...]

Les dépenses relatives à chaque manifestation doivent être fonction de l’importance de celle-ci et de la qualité des participants.

Lorsque les Membres représentent la Cour [des comptes] leur conjoint/partenaire peut également être amené à participer à la manifestation. Les invités peuvent également être accompagnés.

Les amis ou relations personnelles doivent faire l’objet d’invitations privées.

[...]

Des orientations en la matière sont fournies à l’annexe 1.

Les dépenses doivent être déclarées de manière claire et succincte au moyen de l’annexe 2. »

26      L’annexe 1 de ladite note précisait que « la représentation/les réceptions à l’extérieur de la Cour [des comptes] doivent en règle générale concerner des personnes exerçant des fonctions de premier plan au sein de l’Union [...], des États membres ou d’autres pays » et que les dépenses relatives aux frais de représentation/réception à la résidence privée du Membre « ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire à cette fin, y compris les arrangements floraux ».

27      Cette annexe énonçait également que, « [l]orsque la liste des invités, outre les personnes externes à l’institution, comprend des agents de la Cour [des comptes], il convient de maintenir un juste équilibre entre les deux catégories » et que « les amis personnels et les membres de la famille (à l’exception des conjoints/partenaires) doivent faire l’objet d’invitations privées aux frais du Membre ».

d)      La décision no 33-2004

28      L’article 1er de la décision no 33-2004 de la Cour des comptes, du 15 juin 2004, concernant la gestion et l’utilisation du parc automobile de la Cour des comptes européenne, applicable à l’époque des faits visés par le présent recours jusqu’à l’entrée en vigueur de la décision no 19-2009 de la Cour des comptes, du 20 avril 2009, concernant la gestion et l’utilisation du parc automobile de la Cour des comptes européenne (ci-après la « décision no 33-2004 »), disposait :

« Des voitures de fonction sont mises à la disposition permanente des Membres et du Secrétaire général de la Cour [des comptes], pour leurs déplacements dans le cadre de leurs fonctions. »

29      L’article 4 de cette décision était libellé comme suit :

« La Cour [des comptes] prend en charge, outre le coût de la location, les frais occasionnés par l’utilisation du véhicule par les Membres et le Secrétaire général dans l’exercice de leurs fonctions.

Sont considérés comme déplacements dans l’exercice des fonctions :

–        les déplacements sous couvert d’un ordre de mission,

–        les autres déplacements liés à l’exercice des fonctions évalués forfaitairement à 15 000 km/an. »

30      L’article 5 de ladite décision était ainsi rédigé :

« Lorsque les Membres ou le Secrétaire général utilisent la voiture de fonction pour les déplacements autres que ceux visés à l’article 4, les frais correspondant[s] (péages, frais de carburant et coût supplémentaire éventuel de location liés à un dépassement global de 45 000 km/an prévu au contrat-cadre) sont à leur charge. »

31      L’article 6 de la même décision prévoyait :

« Les chauffeurs bénéficient du remboursement des frais de mission [...] lorsqu’ils conduisent les Membres ou le Secrétaire général dans leurs déplacements dans l’exercice des fonctions. »

32      La décision no 33-2004 était accompagnée d’un document intitulé « Commentaires relatifs à la décision no 33-2004 concernant la gestion et l’utilisation du parc automobile de la Cour des comptes » (ci-après les « commentaires relatifs à la décision no 33-2004 »).

33      Aux termes des commentaires relatifs à la décision no 33-2004 concernant l’article 4 de cette décision :

« Sont considérés comme “autres déplacements liés à l’exercice des fonctions”

–        les trajets domicile (sur le lieu d’affectation)/lieu de travail,

–        les trajets lieu d’affectation/résidence et aéroport,

–        les obligations protocolaires intervenant dans un périmètre réduit et non couverts par un ordre de mission,

–        les cas de force majeure (maladie, contrôles médicaux, impossibilité de conduire, etc.). »

e)      Le code de conduite de 2004

34      L’article 4 du code de conduite applicable aux Membres de la Cour des comptes, adopté par cette institution le 16 décembre 2004 (ci-après le « code de conduite de 2004), énonçait :

« 1.      Les Membres de la Cour [des comptes] se consacrent pleinement à l’accomplissement de leur mandat. Ils ne peuvent exercer aucune fonction politique. Ils s’abstiennent de toute activité professionnelle extérieure, et de toute autre activité extérieure incompatible avec leur devoir de disponibilité dans l’exercice de leurs fonctions.

[...]

3.      Les Membres déclarent leurs activités extérieures [...] »

f)      La décision no 19-2009

35      Le libellé des articles 1er et 4 à 6 de la décision no 19-2009 reprenait celui des articles correspondants de la décision no 33-2004.

36      L’article 7 de la décision no 19-2009 disposait :

« La présente décision annule et remplace la décision no 33-2004. Elle entre en vigueur à la même date que le nouveau contrat-cadre interinstitutionnel qui régit les voitures en location. »

37      La décision no 19-2009 était accompagnée d’un document intitulé « Commentaires relatifs à la décision no 19-2009 concernant la gestion et l’utilisation du parc automobile de la Cour des comptes » (ci-après les « commentaires relatifs à la décision no 19-2009 »).

38      Le libellé des commentaires relatifs à la décision no 19-2009 concernant l’article 4 de cette décision reprenait celui du commentaire relatif à l’article 4 de la décision no 33-2004 figurant dans les commentaires relatifs à cette dernière décision.

g)      La décision no 66-2011

39      L’article 1er de la décision no 66-2011 de la Cour des comptes, du 26 octobre 2011, portant établissement de lignes directrices de la Cour des comptes européenne en matière d’éthique, énonce :

« Les lignes directrices en matière d’éthique ci-jointes sont applicables à la Cour des comptes [...] »

40      Les lignes directrices en matière d’éthique jointes à ladite décision (ci-après les « lignes directrices en matière d’éthique »), prévoient :

« [...]

2.2.      Nous devons gérer les ressources de la Cour [des comptes] de manière légale, régulière et conforme aux principes de la bonne gestion financière. La Cour [des comptes] doit faire office de modèle en matière de gestion financière : ses ressources doivent être gérées en parfaite conformité avec les dispositions du règlement financier et avec toute autre règle applicable ; ses objectifs doivent être atteints de manière économique, efficiente et efficace.

[...]

3.3.      Nous devons éviter tout conflit d’intérêts, réel ou apparent. Cela pourrait se produire, par exemple, en cas d’appartenance à des organisations politiques, à un bureau politique ou à des conseils d’administration, ou en cas d’intérêts financiers dans des entités auditées. Nous devons être particulièrement attentifs à ce genre de situation et à la manière dont elle pourrait être perçue par des tiers.

3.4.      Nous ne devons entretenir avec l’entité auditée aucune relation susceptible de compromettre notre indépendance. Celle-ci pourrait être affectée notamment par des relations familiales et/ou personnelles avec des membres du personnel de l’entité auditée, relations qui pourraient influencer les résultats de nos travaux. Avant le début de la mission d’audit, nous devons apprécier l’incidence potentielle de ces relations et informer notre supérieur ; la Cour [des comptes] a établi une procédure annuelle de confirmation à cet effet.

[...]

3.7.      Nous ne devons exercer des activités extérieures que dans le cadre établi par le statut et sans jamais négliger notre devoir de loyauté envers la Cour [des comptes]. Nous devons nous abstenir de toute activité susceptible de porter atteinte à la réputation de la Cour [des comptes], de mettre en doute notre impartialité ou d’interférer avec notre travail.

[...] »

h)      Le code de conduite de 2012

41      L’article 2, paragraphes 1, 2 et 4, du code de conduite applicable aux membres de la Cour des comptes, adopté par cette institution le 8 février 2012 (ci-après le « code de conduite de 2012 »), était ainsi rédigé :

« 1.      Les membres évitent toute situation susceptible de donner lieu à un conflit d’intérêts. Ils ne doivent pas intervenir sur des questions dans lesquelles ils ont un intérêt personnel, notamment familial ou financier, susceptible de porter atteinte à leur impartialité. [...]

2.      Les membres de la Cour [des comptes] déclarent tous les intérêts financiers et éléments de patrimoine susceptibles de donner lieu à un conflit d’intérêts dans l’exécution de leurs tâches, que ce soit sous la forme de participations financières individualisées dans le capital d’une entreprise, en particulier des actions, ou sous toute autre forme de participation, par exemple des obligations convertibles en actions ou des certificats d’investissement. [...] Tout bien immobilier détenu soit directement, soit par l’intermédiaire d’une société immobilière, doit être déclaré, à l’exception des résidences réservées à l’usage exclusif du propriétaire ou de sa famille.

[...]

4.      Lors de leur entrée en fonction, les membres présentent au président de la Cour [des comptes] la déclaration prévue aux paragraphes précédents en utilisant le formulaire de l’annexe. [...] La déclaration doit être révisée en cas de modifications importantes. Une nouvelle déclaration doit alors être présentée. [...] »

42      L’article 4 du code de conduite de 2012 disposait :

« 1.      Les membres de la Cour [des comptes] se consacrent à l’accomplissement de leur mandat. Ils ne peuvent exercer aucune fonction politique.

2.      Les membres s’abstiennent de toute activité professionnelle extérieure, et de toute autre activité extérieure incompatible avec l’exercice de leurs fonctions.

[...]

6.      Les membres mentionnent leurs activités extérieures, à l’exception des activités mentionnées au paragraphe 4, dans la déclaration d’intérêts visée à l’article 2. »

i)      Les modalités d’application du règlement intérieur

43      Au cours des deux mandats de M. Pinxten en tant que membre de la Cour des comptes, des modalités d’application du règlement intérieur ont été définies successivement par la décision no 92-2004 de la Cour des comptes, du 8 décembre 2004, par la décision no 26-2010 de la Cour des comptes, du 11 mars 2010, et par la décision no 38-2016 de la Cour des comptes, du 2 juin 2016 (ci-après les « modalités d’application du règlement intérieur »). Ces décisions ont chacune été amendées avant d’être abrogées.

44      Les dispositions pertinentes pour la présente procédure n’ont pas été substantiellement modifiées durant cette période.

45      L’article 5 des modalités d’application du règlement intérieur était libellé comme suit :

« 1.      Les membres s’abstiennent de toute activité professionnelle extérieure et de toute autre activité extérieure qui est incompatible avec les principes d’indépendance et de disponibilité dans l’exercice de leurs fonctions définies à l’article 286, paragraphes 3 et 4, [...] TFUE.

2.      À cet effet, toute activité extérieure effective ou envisagée sera appréciée au regard de chacun des critères généraux suivants :

a)      pas d’atteinte à l’image de la Cour [des comptes] en ce qui concerne son impartialité ;

b)      pas de conflit d’intérêts ;

c)      pas de charge excessive au niveau de l’emploi du temps ;

d)      pas de gain pécuniaire. »

46      L’article 6, paragraphes 1 et 2, des modalités d’application du règlement intérieur prévoyait :

« 1.      Dans un délai maximal de trente jours ouvrables à compter de sa prise de fonctions, chaque membre déclare au président de la Cour [des comptes] ses activités extérieures, en les décrivant aussi précisément que possible au regard de chacun des quatre critères figurant à l’article 5, paragraphe 2, ci-dessus.

2.      Toute activité extérieure nouvelle différente de celle indiquée au paragraphe 1 ci-dessus [...] doit, sans délai, faire l’objet d’une déclaration au président de la Cour [des comptes] [...] »

47      L’article 8, premier alinéa, des modalités d’application du règlement intérieur énonçait :

« Les réunions tenues dans le cadre de la procédure prévue à l’article 4 du règlement intérieur sont des séances restreintes au sens de l’article 49 des présentes modalités d’application. »

48      L’article 39, paragraphe 1, des modalités d’application du règlement intérieur précisait :

« Étant responsable du secrétariat de la Cour [des comptes], le secrétaire général a notamment la responsabilité de dresser les projets de procès-verbaux des réunions de la Cour [des comptes] [...] Il assiste le président en ce qui concerne la préparation des réunions de la Cour [des comptes], le respect des procédures et la bonne exécution des décisions du collège. »

49      L’article 49, paragraphe 3, des modalités d’application du règlement intérieur disposait :

« Sauf décision contraire arrêtée lors d’une précédente réunion de la Cour [des comptes] ou de la chambre, les séances restreintes sont tenues en l’absence de tout interprète ou agent de la Cour [des comptes] »

50      L’article 50, paragraphe 1, des modalités d’application du règlement intérieur était ainsi rédigé :

« Les projets de procès-verbaux des séances de la Cour [des comptes] sont établis par le secrétaire général ou par toute autre personne désignée à cet effet. Ils sont transmis aux membres dans les plus brefs délais et approuvés par la Cour [des comptes] lors d’une séance ultérieure. »

B.      Le droit luxembourgeois

51      Le règlement ministériel du 18 mars 2010, portant publication de la loi belge du 22 décembre 2009 relative au régime général d’accise transposant la directive 2008/118 et abrogeant la directive 92/12/CEE en la matière (ci-après le « règlement ministériel du 18 mars 2010 »), dispose, à son article 1er :

« La loi belge du 22 décembre 2009 relative au régime général d’accise est publiée au Mémorial pour être exécutée au Grand-Duché de Luxembourg. »

52      L’article 13 de la loi belge du 22 décembre 2009, relative au régime général d’accise, applicable au Luxembourg en vertu de l’article 1er du règlement ministériel du 18 mars 2010, est ainsi rédigé :

« Dans le cadre de la procédure inhérente à l’exonération de l’accise qui leur est accordée, les diplomates, fonctionnaires consulaires, forces armées et organismes visés à l’article 20, [points 7 à 12], de la loi générale du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises sont habilités à recevoir en provenance d’autres États membres des produits soumis à accise en suspension de droits d’accise [...] »

53      L’article 20, point 7, de la loi générale belge du 18 juillet 1977, sur les douanes et accises, prévoit :

« Franchise des droits d’accise est accordée aux conditions et dans les limites éventuelles, dont les quantités raisonnables, à déterminer par le Roi, à moins qu’une convention internationale ou un accord de siège n’en dispose autrement :

[...]

7°      pour les quantités raisonnables de marchandises qui sont destinées à l’usage personnel – en ce compris l’usage par les membres de leur famille qui font partie de leur ménage – des agents diplomatiques et des fonctionnaires consulaires de carrière, des membres du personnel administratif et technique des missions diplomatiques et des employés consulaires, en fonction dans le pays, pour autant que les intéressés ne soient pas ressortissants ou résidents permanents de la Belgique et qu’ils n’y exercent aucune activité professionnelle ou commerciale pour leur profit personnel ».

54      L’article 1er, sous c) et f), du règlement grand-ducal du 7 février 2013, concernant les franchises et exonérations de la taxe sur la valeur ajoutée accordées aux missions diplomatiques et aux postes consulaires, ainsi qu’aux agents diplomatiques, aux fonctionnaires consulaires et aux agents de chancellerie (ci-après le « règlement grand-ducal du 7 février 2013 »), est libellé comme suit :

« Pour l’application des dispositions du présent règlement on entend par :

[...]

c)      agents diplomatiques : les chefs des missions diplomatiques, les ministres-conseillers, conseillers, secrétaires et attachés des missions diplomatiques, pour autant que les intéressés ne sont pas ressortissants ou résidents permanents du Grand-Duché de Luxembourg et n’y exercent aucune activité privée de caractère lucratif ;

[...]

f)      usage personnel des agents diplomatiques, des fonctionnaires consulaires et des agents de chancellerie : l’utilisation directe, effective et exclusive à l’intérieur du pays, pour les besoins propres et privés de ces agents et fonctionnaires ainsi que de celui des membres de leur famille qui font partie de leur ménage, pour autant que ces derniers ne sont pas ressortissants ou résidents permanents du Grand-Duché de Luxembourg et n’y exercent aucune activité privée de caractère lucratif ».

55      L’article 4, paragraphe 1, de ce règlement grand-ducal précise :

« Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services d’un montant hors taxe de 240 euros au moins chacune, y inclusivement celles dont le lieu se situe dans un autre État membre, effectuées au bénéfice d’agents diplomatiques, de fonctionnaires consulaires et d’agents de chancellerie dont le Grand-Duché de Luxembourg est le pays d’accueil [...] »

II.    Les faits à l’origine du litige

56      M. Pinxten a été membre de la Cour des comptes du 1er mars 2006 au 30 avril 2018, en accomplissant deux mandats.

57      Durant ses mandats, il a été affecté à la chambre III de cette institution, en charge de l’audit des dépenses de l’Union en matière de relations extérieures, d’élargissement et d’aide humanitaire. À compter du 4 avril 2011 et jusqu’au terme de son dernier mandat, M. Pinxten a exercé la fonction de doyen de cette chambre III.

58      Après un avis favorable du comité chargé d’apprécier les activités extérieures des membres de la Cour des comptes, M. Pinxten a été autorisé, par décision du 30 avril 2015, à exercer la présidence de la Stichting Behoud Natuur en Leefmilieu Vlaanderen (Fondation flamande pour la conservation de la nature et de l’environnement, Belgique) (ci-après la « SBNL‑V »).

59      Au cours de ses mandats, M. Pinxten disposait d’une voiture de fonction et d’une carte de carburant permettant de mettre à la charge de la Cour des comptes le carburant destiné à cette voiture. Il bénéficiait également, à sa demande, de deux cartes de carburant supplémentaires.

60      Entre l’année 2006 et le mois de mars 2014, la Cour des comptes mettait à la disposition de M. Pinxten un chauffeur. À partir du mois d’avril 2014, M. Pinxten pouvait solliciter la mise à disposition d’un chauffeur affecté au « pool des chauffeurs » placé sous la responsabilité du directeur des finances de la Cour des comptes.

61      Par ailleurs, au cours de ses mandats, M. Pinxten a bénéficié du remboursement de frais de représentation et de réception, de divers frais engagés au cours de missions autorisées, à sa demande, par le président de la Cour des comptes, ainsi que du paiement d’indemnités journalières relatives à ces missions.

III. Les enquêtes et les procédures engagées

A.      Les mesures préliminaires adoptées par la Cour des comptes

62      La Cour des comptes indique que, au cours de l’année 2016, des informations portant sur plusieurs irrégularités graves imputées à M. Pinxten lui sont parvenues. Le 18 juillet 2016, le secrétaire général de cette institution a informé oralement M. Pinxten de la dénonciation intervenue à son propos.

63      Les services de la Cour des comptes ont, au cours de l’été 2016, procédé à une analyse des missions de M. Pinxten et de celles des chauffeurs de cette institution pour lesquels il a établi des ordres de mission, en vue d’identifier d’éventuelles irrégularités. Plusieurs courriers ont, par la suite, été échangés entre ces services et M. Pinxten, à propos de l’irrégularité alléguée de certaines missions de celui-ci ou de ces chauffeurs. Ces échanges n’ont pas abouti au remboursement, par M. Pinxten, des sommes réclamées par la Cour des comptes.

64      Le 26 juillet 2016, la Cour des comptes aurait été informée que M. Pinxten avait commis une fraude à l’assurance au cours de l’année 2011, à la suite d’un accident entre sa voiture de service et sa voiture personnelle. Le 1er septembre 2016, le secrétaire général de cette institution a signalé oralement ces allégations à M. Pinxten. Par une note du même jour, ce dernier a soutenu que l’accident en cause résultait d’une collision entre sa voiture de fonction, conduite par le chauffeur affecté à son cabinet, et sa voiture privée, conduite par son fils.

B.      L’enquête de l’OLAF

65      Le 14 octobre 2016, le secrétaire général de la Cour des comptes a, sur instruction du président de cette institution, transmis à l’OLAF un dossier portant sur les activités de M. Pinxten ayant entraîné des dépenses possiblement indues à la charge du budget de l’Union.

66      Le 31 mars 2017, le directeur général de l’OLAF a formellement notifié au président de la Cour des comptes l’ouverture d’une enquête au sujet d’éventuelles irrégularités, impliquant M. Pinxten et affectant les intérêts financiers de l’Union, dans l’utilisation des actifs de la Cour des comptes et dans les missions effectuées ou autorisées en violation des règles applicables.

67      Le 22 septembre 2017, M. Pinxten a été informé par l’OLAF de l’ouverture de cette enquête et de son statut de « personne concernée » aux fins de celle-ci.

68      Le 20 novembre 2017, l’OLAF a procédé à une inspection des locaux au cabinet de M. Pinxten et a recueilli, à cette occasion, divers documents. Après une première analyse de ceux-ci, l’OLAF a, le 15 décembre 2017, informé M. Pinxten que l’objet de l’enquête avait été étendu à de possibles conflits d’intérêts et à d’autres violations des articles 285 et 286 TFUE ainsi que des dispositions du code de conduite de 2012.

69      M. Pinxten a été entendu oralement par les enquêteurs de l’OLAF le 22 décembre 2017. Après s’être vu communiquer, par l’OLAF, un résumé des faits établis au terme de l’enquête, M. Pinxten a transmis à l’OLAF, le 15 mai 2018, des observations écrites.

70      Le 2 juillet 2018, la Cour des comptes a reçu le rapport final de l’OLAF clôturant l’enquête (ci-après le « rapport de l’OLAF »). Ce rapport conclut, à l’égard de M. Pinxten, à un abus des ressources de la Cour des comptes dans le cadre d’activités étrangères à ses fonctions, à un abus de cartes de carburant, à un abus du contrat d’assurance automobile de sa voiture de service, à des absences injustifiées, à un défaut de déclaration d’activités extérieures, à la transmission d’informations confidentielles et à l’existence de conflits d’intérêts.

71      Au regard des constats opérés dans ledit rapport, l’OLAF a recommandé à la Cour des comptes d’engager des poursuites disciplinaires contre M. Pinxten, d’adopter les mesures appropriées pour assurer le recouvrement de 472 869,09 euros, correspondant aux frais indûment pris en charge par la Cour des comptes, et d’envisager le recouvrement de 97 954,52 euros, correspondant au salaire versé pour les périodes d’absences injustifiées de M. Pinxten.

72      Par ailleurs, estimant que certains des faits révélés par l’enquête pouvaient constituer des infractions pénales, l’OLAF a transmis des informations et ses recommandations aux autorités judiciaires luxembourgeoises.

C.      L’engagement de la présente procédure au sein de la Cour des comptes

73      Le 3 juillet 2018, le président de la Cour des comptes a transmis aux membres de cette institution une copie du rapport de l’OLAF et des recommandations émises par cet organisme.

74      Le 5 octobre 2018, le président de la Cour des comptes a adressé un rapport préliminaire aux membres de cette institution. Ce rapport recommandait à ladite institution de demander à la Cour « d’examiner les faits tels qu’ils ont été établis et de déterminer si M. Pinxten a failli aux obligations découlant de sa charge ». Ledit rapport et le rapport de l’OLAF ont été communiqués le même jour à M. Pinxten. Les annexes du rapport de l’OLAF lui ont, en outre, été transmises le 17 octobre 2018.

75      Le 19 novembre 2018, M. Pinxten a transmis à la Cour des comptes des observations écrites. Le 26 novembre 2018, il a été auditionné par les membres de cette institution dans le cadre d’une séance restreinte.

76      Le 29 novembre 2018, au cours d’une séance restreinte, la Cour des comptes a décidé de renvoyer le cas de M. Pinxten à la Cour en application de l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

D.      La procédure pénale engagée par les autorités luxembourgeoises

77      Au regard des informations transmises par l’OLAF, le procureur d’État près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg (Luxembourg) a, par lettre du 1er octobre 2018, demandé à la Cour des comptes de lever l’immunité de juridiction de M. Pinxten. Le 15 novembre 2018, cette institution a fait droit à cette demande.

IV.    Les conclusions des parties

78      La Cour des comptes demande à la Cour :

–        de rejeter la demande de M. Pinxten visant à ce que la Cour sursoie à statuer ;

–        de constater que M. Pinxten a cessé de satisfaire aux obligations découlant de sa charge au titre des articles 285 et 286 TFUE ainsi que des règles prises en application de ceux-ci ;

–        de prononcer, en conséquence, la sanction prévue à l’article 286, paragraphe 6, TFUE, la Cour des comptes s’en remettant à la sagesse de la Cour pour en déterminer la portée ;

–        de déclarer irrecevables les conclusions indemnitaires présentées par M. Pinxten, et

–        de condamner M. Pinxten aux dépens.

79      M. Pinxten demande à la Cour :

–        d’inviter la Cour des comptes à produire le rapport d’audit interne, pour la période allant de l’année 2012 à l’année 2018, des frais de mission des membres de la Cour des comptes et de l’utilisation des véhicules officiels par tous ces membres et à préciser les mesures prises à la suite de ce rapport ainsi qu’à produire toute note portant sur les pressions exercées à l’égard de l’auditeur interne ;

–        de rejeter la demande de la Cour des comptes ;

–        de condamner la Cour des comptes au paiement de 50 000 euros en réparation du préjudice moral subi par lui, et

–        de condamner la Cour des comptes aux dépens.

V.      Sur la demande de suspension de la présente procédure

A.      Argumentation des parties

80      M. Pinxten souligne qu’une procédure pénale est en cours au Luxembourg. Dans ce contexte, l’adage « le pénal tient le disciplinaire en l’état » ou, à tout le moins, le principe de bonne administration commanderaient à la Cour de ne pas se prononcer avant les autorités pénales luxembourgeoises.

81      Une suspension du traitement de la présente procédure permettrait ainsi à la fois de ne pas affecter la position de M. Pinxten dans le cadre des poursuites pénales engagées au Luxembourg et d’assurer une prise en compte des faits établis par les autorités pénales luxembourgeoises, lesquelles disposeraient de pouvoirs d’investigation plus importants que la Cour.

82      La Cour des comptes s’oppose à cette demande.

B.      Appréciation de la Cour

83      Il convient de relever, tout d’abord, qu’aucune disposition du droit de l’Union ne prévoit qu’une procédure engagée devant la Cour au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE doit être suspendue lorsqu’une procédure pénale portant, en tout ou en partie, sur les mêmes faits a été engagée.

84      Certes, l’article 25 de l’annexe IX du statut dispose que, lorsqu’un fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation disciplinaire n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive.

85      Toutefois, les procédures se rapportant à la violation, par un membre de la Cour des comptes, des obligations découlant de sa charge relèvent d’une voie de droit autonome, prévue à l’article 286, paragraphe 6, TFUE, et ces procédures ne sont donc pas régies par les règles relatives à la procédure disciplinaire énoncées par le statut (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, point 118).

86      Il importe, ensuite, de souligner que, comme M. l’avocat général l’a relevé au point 78 de ses conclusions, la procédure prévue à l’article 286, paragraphe 6, TFUE a une fonction propre, en tant qu’elle vise à garantir le bon fonctionnement des institutions européennes, qui se distingue de celle d’une procédure pénale nationale.

87      Enfin, il découle de la jurisprudence de la Cour que, dans le cadre de la procédure prévue à cette disposition, la Cour n’est pas liée par la qualification juridique des faits effectuée dans le cadre de la procédure pénale et il lui appartient dans la plénitude de son pouvoir d’appréciation de rechercher si les faits reprochés au membre de la Cour des comptes concerné constituent un manquement aux obligations découlant de sa charge (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, point 121).

88      Une éventuelle suspension de la présente procédure dans l’attente de l’issue de la procédure pénale engagée au Luxembourg n’est ainsi pas nécessaire dès lors que, en tout état de cause, l’issue de cette procédure n’est pas de nature à limiter l’étendue des appréciations que la Cour est tenue d’effectuer en vue de statuer sur le présent recours.

89      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande de suspension de la présente procédure présentée par M. Pinxten.

VI.    Sur la demande d’ordonner la production de certains documents

A.      Argumentation des parties

90      M. Pinxten avance que la Cour des comptes a procédé à un audit interne complet, pour la période allant de l’année 2012 à l’année 2018, des frais de mission des membres de cette institution et de l’utilisation des véhicules officiels par ces membres.

91      Dans son mémoire en duplique, il demande à la Cour d’ordonner, en tant que mesure d’instruction, à la Cour des comptes de produire le rapport établi à l’issue de cet audit interne et de décrire les mesures prises à la suite de ce rapport. Une telle mesure d’instruction permettrait, selon M. Pinxten, d’éclairer la Cour sur l’évaluation de sa situation par le service d’audit interne de la Cour des comptes, sur l’existence d’irrégularités commises par d’autres membres de cette institution ainsi que sur le traitement réservé, par ladite institution, à ces irrégularités.

92      En outre, M. Pinxten soutient que l’indépendance de l’auditeur interne a été menacée par le secrétaire général de ladite institution et qu’il serait utile à la Cour de se voir communiquer toute note relative à cette situation, en vue de pouvoir déterminer comment les griefs formulés contre M. Pinxten doivent être appréciés.

B.      Appréciation de la Cour

93      À titre liminaire, il importe de rappeler que la Cour est seule compétente pour apprécier la pertinence d’une demande tendant à la production de documents par rapport à l’objet du litige et la nécessité des documents sollicités aux fins de statuer sur ledit litige (voir, en ce sens, ordonnance du 3 mars 2020, Commission/Pologne, C‑791/19 R, non publiée, EU:C:2020:147, point 9 et jurisprudence citée).

94      À cet égard, il convient d’observer, en premier lieu, qu’il incombe à la Cour, en vue de statuer sur le présent recours, de déterminer la portée des obligations découlant de la charge de membre de la Cour des comptes et d’apprécier, sur la base des preuves fournies par les parties, si une violation de ces obligations par M. Pinxten doit être considérée comme étant établie.

95      Dans ces conditions, à supposer même que le rapport d’audit interne mentionné par M. Pinxten comprenne effectivement une appréciation de la régularité du comportement de celui-ci, il n’en demeure pas moins que la position retenue, à cet égard, par un organe interne de la Cour des comptes n’est pas de nature à constituer un élément déterminant pour statuer sur le recours de cette institution.

96      En deuxième lieu, il importe de rappeler que la présente procédure porte, de manière exclusive, sur les irrégularités reprochées à M. Pinxten par la Cour des comptes.

97      Or, la circonstance que des irrégularités comparables ou plus graves aient été commises par d’autres membres de cette institution, à la supposer établie, n’implique pas que le comportement de M. Pinxten aurait été régulier ou que ce comportement pourrait être considéré comme satisfaisant aux obligations découlant de sa charge, au sens de l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

98      En troisième lieu, au regard des fonctions qui incombent à la Cour dans le cadre de la présente procédure, telles qu’elles ressortent du point 94 du présent arrêt, l’existence éventuelle d’un conflit au sein de la Cour des comptes à propos de la réalisation d’un audit interne postérieur à l’expiration du second mandat de M. Pinxten en tant que membre de cette institution est dénuée de pertinence pour le traitement du recours de ladite institution.

99      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que les motifs avancés par M. Pinxten à l’appui de sa demande de production de documents n’établissent pas l’intérêt que pourraient revêtir ces documents pour la présente procédure et que cette demande doit, dès lors, être rejetée.

VII. Sur la demande de retrait d’un document du dossier

A.      Argumentation des parties

100    La Cour des comptes sollicite le retrait du dossier d’une copie d’un courriel du président de cette institution adressé, le 13 février 2019, aux autres membres de celle-ci et à son secrétaire général, produit par M. Pinxten à l’annexe B.10 de son mémoire en défense (ci-après le « courriel du 13 février 2019 »).

101    Elle fait valoir qu’il s’agit d’un courriel strictement confidentiel, adressé aux seuls membres de la Cour des comptes à une date postérieure à l’expiration du second mandat de M. Pinxten en tant que membre de cette institution. Elle en déduit que ce document a nécessairement été obtenu de façon irrégulière, ce qui porte atteinte, notamment, au droit au respect de la confidentialité des communications dont bénéficie la Cour des comptes.

102    M. Pinxten soutient que cette demande de retrait du dossier du courriel du 13 février 2019 doit être rejetée.

103    À cet égard, il avance, tout d’abord, qu’il n’a pas obtenu ce courriel de façon irrégulière. Il estime, ensuite, que ledit courriel n’était pas réellement confidentiel, dès lors que les règles de conduite de la Cour des comptes excluent l’envoi d’informations confidentielles par courrier électronique et qu’un tel courriel est reçu par l’ensemble des membres des cabinets des destinataires. Enfin, le caractère confidentiel d’un document ou le fait qu’il a été obtenu irrégulièrement ne justifierait pas son retrait du dossier lorsque celui-ci est nécessaire pour que la Cour se prononce, ce qui serait le cas en l’espèce.

B.      Appréciation de la Cour

104    Il convient de rappeler que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre appréciation des preuves, dont il découle que la recevabilité d’un élément de preuve produit en temps utile ne peut être contestée devant les juridictions de l’Union qu’en se fondant sur le fait que celui-ci a été obtenu irrégulièrement (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 65 et jurisprudence citée).

105    Dans ce contexte, la Cour a déjà décidé de retirer un document du dossier d’une affaire au motif, notamment, qu’il existait un doute sur la question de savoir si la partie qui s’en prévalait l’avait obtenu par des moyens légitimes (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle Erling e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, EU:C:1981:311, point 16).

106    La même solution a été retenue s’agissant d’un avis juridique élaboré, en vue d’un usage interne, par une administration nationale qui n’avait ni communiqué celui-ci à la partie qui s’en prévalait, ni autorisé la communication de cet avis à cette partie (ordonnance du 23 mars 2007, Stadtgemeinde Frohnleiten et Gemeindebetriebe Frohnleiten, C‑221/06, EU:C:2007:185, points 19 à 23).

107    En outre, la Cour a jugé qu’un avis juridique émis par le service juridique d’une institution qui n’a pas été obtenu de manière régulière auprès de celle-ci par la partie qui s’en prévalait doit être écarté du dossier, sauf si un intérêt public supérieur justifie la production de cet avis juridique par cette partie (voir, en ce sens, ordonnance du 29 janvier 2009, Donnici/Parlement, C‑9/08, non publiée, EU:C:2009:40, points 17 à 23).

108    En l’espèce, si M. Pinxten conteste formellement l’allégation de la Cour des comptes selon laquelle il s’est nécessairement procuré le courriel du 13 février 2019 de façon irrégulière, il ne fournit aucune explication quant à la manière dont il s’est procuré ce courriel et il se contente de souligner que ledit courriel était accessible à de nombreux agents de la Cour des comptes.

109    Or, le courriel du 13 février 2019 constitue une communication interne entre les membres de la Cour des comptes qui se présente explicitement comme ayant un caractère strictement confidentiel.

110    Il est, en outre, constant que ce courriel n’a pas été envoyé à M. Pinxten, celui-ci n’étant plus membre de la Cour des comptes à compter du 30 avril 2018.

111    Dès lors, il y a lieu de considérer qu’il existe un doute sur la question de savoir si M. Pinxten a obtenu par des moyens légitimes ledit courriel.

112    Par ailleurs, M. Pinxten se prévaut du courriel du 13 février 2019 en vue d’établir que d’autres membres de la Cour des comptes ont bénéficié d’un traitement plus favorable que celui dont il a fait l’objet.

113    Néanmoins, à supposer que d’autres membres de cette institution aient effectivement bénéficié, de la part de celle-ci, d’un traitement plus favorable, en ce qui concerne les irrégularités qu’ils auraient commises dans le cadre de leurs fonctions, que celui réservé à M. Pinxten, cette circonstance n’est, en tout état de cause, pas susceptible de démontrer que ce dernier n’a pas méconnu les obligations découlant de sa charge au sens de l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

114    Il résulte, de surcroît, de la jurisprudence constante de la Cour que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêts du 10 novembre 2011, The Rank Group, C‑259/10 et C‑260/10, EU:C:2011:719, point 62, ainsi que du 13 septembre 2017, Pappalardo e.a./Commission, C‑350/16 P, EU:C:2017:672, point 52).

115    Il s’ensuit que M. Pinxten n’a pas démontré la présence d’un intérêt public supérieur qui serait susceptible de justifier la production du document en cause.

116    Par conséquent, il y a lieu de faire droit à la demande de la Cour des comptes de retirer du dossier le courriel du 13 février 2019 figurant à l’annexe B.10 du mémoire en défense.

VIII. Sur le recours

A.      Sur la recevabilité du recours

117    M. Pinxten a présenté, à titre liminaire, quatre arguments visant à contester la recevabilité du présent recours tirés, respectivement, de l’incompatibilité de la procédure prévue à l’article 286, paragraphe 6, TFUE avec le droit à une protection juridictionnelle effective, de l’irrégularité de l’enquête de l’OLAF, de l’irrégularité de la procédure suivie au sein de la Cour des comptes pour autoriser l’introduction de ce recours et du retard excessif avec lequel ledit recours a été introduit.

1.      Sur l’incompatibilité alléguée de la présente procédure avec le droit à une protection juridictionnelle effective

a)      Argumentation des parties

118    Par son premier argument d’irrecevabilité, M. Pinxten fait valoir que, dans le cadre de la présente procédure, son droit au juge ne sera pas respecté et qu’il ne pourra pas bénéficier d’un double degré de juridiction, en violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 2 du protocole no 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

119    Si la Cour a déjà rejeté un argument tiré de l’absence d’un double degré de juridiction dans l’arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson (C‑432/04, EU:C:2006:455), elle aurait omis de relever qu’elle intervient en l’espèce en tant qu’autorité disciplinaire, et non en tant que juridiction.

120    Partant, si l’action de la Cour des comptes devait être examinée dans le cadre défini à l’article 286, paragraphe 6, TFUE, M. Pinxten serait privé de toute forme de protection juridictionnelle, ce qui impliquerait que cette disposition ne saurait fonder l’action de la Cour des comptes.

121    La Cour des comptes estime que ce moyen est irrecevable, en tant qu’il demande en réalité à la Cour de constater l’invalidité d’une disposition du droit primaire. En tout état de cause, ledit moyen aurait déjà été rejeté dans l’arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson (C‑432/04, EU:C:2006:455).

b)      Appréciation de la Cour

122    À titre liminaire, en ce qui concerne l’absence d’un double degré de juridiction, il suffit de rappeler que l’impossibilité d’exercer un recours contre la décision de la Cour dans la procédure prévue à l’article 286, paragraphe 6, TFUE ne constitue pas une carence de nature à porter atteinte au droit du membre ou de l’ancien membre concerné de la Cour des comptes à une protection juridictionnelle effective telle que garantie à l’article 47 de la Charte (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, points 112 et 113).

123    En outre, étant donné que M. Pinxten soutient que son argument se distingue de celui examiné par la Cour dans l’arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson (C‑432/04, EU:C:2006:455), en tant qu’il fait état d’un défaut complet de protection juridictionnelle et non d’une violation du droit à un double degré de juridiction, il convient de souligner que la Cour statue dans la présente procédure, après avoir entendu M. Pinxten, en tant que tribunal indépendant et impartial établi par les traités UE et FUE, et non comme une autorité administrative statuant en matière disciplinaire.

124    Dès lors, l’examen par la Cour, en premier et dernier ressort, des griefs tirés d’une violation alléguée, par M. Pinxten, des obligations découlant de sa charge de membre de la Cour des comptes suffit à assurer à celui‑ci une protection juridictionnelle effective.

2.      Sur l’irrégularité alléguée de l’enquête de l’OLAF

a)      Argumentation des parties

125    Par son deuxième argument d’irrecevabilité, M. Pinxten soutient que le recours de la Cour des comptes est fondé sur le rapport de l’OLAF et que ce rapport a été établi au terme d’une procédure irrégulière.

126    En premier lieu, l’OLAF aurait étendu illégalement le champ de son enquête.

127    En effet, il découlerait de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 883/2013 qu’une inspection des locaux d’une institution doit être menée sur la base d’un mandat écrit mentionnant les activités de l’enquête autorisée dont le champ a été défini par une décision d’ouverture d’enquête.

128    L’OLAF ne pourrait, dès lors, procéder à une inspection ayant pour objet ou pour effet de découvrir d’éventuelles infractions dont il n’avait pas connaissance et qui dépassent le champ de l’enquête menée. En l’espèce, l’OLAF n’aurait donc pas pu valablement étendre le champ de son enquête en se fondant sur l’analyse des données recueillies lors de l’inspection du cabinet de M. Pinxten.

129    En deuxième lieu, l’OLAF aurait violé le droit à la vie privée de M. Pinxten. D’une part, cet office n’aurait pas confirmé s’être abstenu d’avoir saisi la correspondance entre M. Pinxten et son défenseur, laquelle serait couverte par le secret professionnel. D’autre part, l’OLAF aurait saisi des dossiers privés et explicitement présentés comme tels, qui auraient porté, en particulier, sur la participation de l’intéressé à des chasses et sur la location d’un appartement dont il est propriétaire.

130    En troisième lieu, l’OLAF n’aurait pas respecté les droits de la défense de M. Pinxten.

131    Premièrement, le résumé des faits présentés à M. Pinxten avant l’adoption du rapport de l’OLAF aurait été extrêmement bref, les tableaux qui l’accompagnaient auraient été peu intelligibles et les pièces justificatives y afférentes n’auraient pas été communiquées en temps utile.

132    Deuxièmement, ce rapport serait basé sur une série de faits et d’entretiens dont M. Pinxten n’aurait pas été informé lorsqu’il a été entendu par l’OLAF.

133    Troisièmement, l’exercice de ses droits de la défense aurait été purement formel, dans la mesure où les arguments avancés en défense ne seraient, sous réserve de rares exceptions, pas discutés, mais seraient simplement reproduits à la fin du rapport.

134    Quatrièmement, l’ancienne assistante de M. Pinxten n’aurait pas reçu de procès-verbal à la suite de son audition, alors que l’OLAF aurait été tenu de lui en remettre une copie, ce qui confirmerait que l’OLAF n’a pas enquêté à charge et à décharge.

135    La Cour des comptes estime que le moyen tiré de l’irrégularité de l’enquête de l’OLAF est inopérant car le rapport de cet office n’est pas l’élément déterminant sur lequel se fonde la saisine de la Cour.

136    À titre subsidiaire, ce moyen serait non fondé.

137    En premier lieu, la Cour des comptes soutient que rien n’interdit à l’OLAF d’étendre la portée d’une enquête et qu’il doit pouvoir procéder à une telle extension quand des soupçons sérieux sont révélés à la suite d’une inspection des locaux d’une institution. Au demeurant, l’enquête en cause aurait été étendue à des soupçons étroitement connexes à son champ initial.

138    En deuxième lieu, le droit à la vie privée de M. Pinxten aurait été respecté. D’une part, aucun élément produit par celui-ci ne démontrerait que l’OLAF s’est fondé sur un document couvert par la confidentialité des relations entre un avocat et son client. D’autre part, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 883/2013 autoriserait l’OLAF à accéder sans délai à toute information détenue par les institutions et à prendre copie de tout document détenu par celles-ci. Il jouirait ainsi d’une marge d’appréciation et ne pourrait pas voir ses attributions limitées par la circonstance que certains documents sont présentés comme étant « privés ».

139    En troisième lieu, il appartiendrait à M. Pinxten d’établir que la procédure en cause aurait pu aboutir à un résultat différent si la violation alléguée de ses droits de la défense ne s’était pas produite, ce qu’il n’aurait pas fait. En tout état de cause, en l’espèce, l’OLAF se serait conformé à ses obligations en transmettant un résumé des faits suffisant pour le mettre en mesure de présenter ses observations, ce que M. Pinxten aurait d’ailleurs fait. De surcroît, ce dernier aurait aussi eu l’occasion de présenter sa défense au cours de la procédure interne à la Cour des comptes, sur la base de l’ensemble du rapport de l’OLAF. Par ailleurs, l’OLAF n’aurait pas été tenu de remettre à l’ancienne assistante de M. Pinxten un procès-verbal, car elle était entendue comme témoin.

b)      Appréciation de la Cour

140    À titre liminaire, il convient d’examiner l’argument de la Cour des comptes selon lequel il n’est pas nécessaire d’apprécier la régularité de l’enquête de l’OLAF, dans la mesure où le rapport de l’OLAF n’est pas l’élément déterminant sur lequel se fonde la saisine de la Cour au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

141    À cet égard, il importe de relever que les cinq griefs présentés par la Cour des comptes à l’appui de son recours reprennent des constats opérés par l’OLAF dans son rapport.

142    En vue de démontrer le bien-fondé de ces griefs, la Cour des comptes présente des éléments de preuve qui sont, en grande partie, constitués de documents saisis par l’OLAF lors de son enquête et repris à l’annexe de son rapport. L’annexe A.37 de la requête, à laquelle la Cour des comptes renvoie très largement dans ses écritures, est d’ailleurs explicitement présentée comme étant composée des « [a]nnexes [du] rapport de l’OLAF transmis le 2 juillet 2018 au Président de la Cour des comptes ».

143    De surcroît, en réponse à des questions posées par la Cour sur la raison pour laquelle la Cour des comptes avait révisé son appréciation initiale sur la régularité des frais de mission, de représentation et de réception ainsi que des indemnités journalières payés à M. Pinxten, cette institution a exposé que sa nouvelle appréciation était fondée sur les éléments saisis par l’OLAF durant son enquête.

144    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la recevabilité du présent recours ne dépend pas de la régularité de l’enquête de l’OLAF.

145    Cela étant, une éventuelle irrégularité de cette enquête serait susceptible d’impliquer que tout ou partie des éléments de preuve présentés par la Cour des comptes à l’appui de son recours ont été recueillis en violation des règles de droit applicables, ce qui imposerait à la Cour de déterminer si cette irrégularité a des conséquences sur la recevabilité de ces éléments dans le cadre de la présente procédure.

146    Partant, il est nécessaire, avant de se prononcer sur les griefs avancés par la Cour des comptes, d’apprécier le bien-fondé des arguments de M. Pinxten relatifs à l’irrégularité de l’enquête de l’OLAF.

147    S’agissant, en premier lieu, de l’extension prétendument illégale de l’objet de l’enquête de l’OLAF, il convient de souligner que l’OLAF peut, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous a), du règlement no 883/2013, avoir accès à toute information pertinente détenue par les institutions de l’Union ainsi qu’aux locaux de celles-ci.

148    En application de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, ce pouvoir ne peut être exercé que dans le cadre d’une enquête interne et doit l’être conformément aux conditions prévues par ledit règlement.

149    Or, en vertu de l’article 5, paragraphe 1, du même règlement, le directeur général de l’OLAF peut ouvrir une enquête lorsqu’il existe des soupçons suffisants qui laissent supposer l’existence d’actes de fraude, de corruption ou d’autres activités illégales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union.

150    En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 883/2013 énonce que les agents de l’OLAF effectuent une inspection des locaux d’une institution après la production d’une habilitation écrite indiquant, en particulier, l’objet et le but de l’enquête ainsi que les bases juridiques pour effectuer ces enquêtes et les pouvoirs d’enquête en découlant.

151    Il s’ensuit, d’une part, qu’une inspection des locaux d’une institution menée par l’OLAF sans que celui-ci dispose préalablement d’éléments permettant valablement de soupçonner l’existence d’activités illégales relevant de sa compétence serait irrégulière et, d’autre part, qu’une telle inspection doit viser à recueillir des preuves relatives aux activités illégales soupçonnées (voir, par analogie, arrêt du 25 juin 2014, Nexans et Nexans France/Commission, C‑37/13 P, EU:C:2014:2030, point 37).

152    En revanche, il ne découle pas des articles 4, 5 et 7 du règlement no 883/2013 qu’il serait interdit à l’OLAF de prendre en considération des éléments découverts incidemment lors d’une inspection régulière des locaux d’une institution, qui révèlent l’existence d’activités illégales relevant de sa compétence dont il n’avait pas connaissance avant cette inspection et qui diffèrent des activités illégales sur lesquelles portait initialement l’enquête dans le cadre de laquelle ladite inspection a été menée.

153    De surcroît, l’interprétation des règles régissant les activités de l’OLAF proposée par M. Pinxten serait de nature à conférer, en pratique, une impunité aux auteurs d’activités illégales découvertes à l’occasion d’une enquête de l’OLAF, sans qu’une telle conséquence soit nécessaire pour éviter un usage abusif des pouvoirs d’enquête confiés à cet organisme ou pour préserver les droits de la défense de la personne concernée, ce qui créerait un risque de contrarier la réalisation de l’objectif de renforcement de la lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union mentionné à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 883/2013.

154    Par conséquent, lorsqu’une inspection régulière des locaux d’une institution conduit l’OLAF à découvrir incidemment des éléments de nature à faire naître des soupçons suffisants qui laissent supposer l’existence d’activités illégales relevant de sa compétence qui diffèrent de celles sur lesquelles portait initialement l’enquête dans le cadre de laquelle cette inspection a été menée, il appartient à l’OLAF, s’il entend enquêter à ce propos afin de vérifier l’exactitude ou de compléter les informations dont il a eu incidemment connaissance au cours de cette inspection, d’ouvrir une nouvelle enquête (voir, par analogie, arrêts du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, EU:C:1989:379, point 19, ainsi que du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 301) ou, le cas échéant, d’étendre l’objet initial de son enquête, si les activités illégales incidemment découvertes sont suffisamment liées à celles qui faisaient l’objet de l’enquête initiale pour justifier qu’elles fassent l’objet d’une même procédure d’enquête.

155    En l’espèce, M. Pinxten ne conteste ni le caractère régulier de la décision d’ouvrir une enquête interne prise par le directeur général de l’OLAF à la suite de la transmission d’informations par la Cour des comptes, ni celui de l’inspection des locaux de cette institution menée par l’OLAF, le 20 novembre 2017, dans le cadre de cette enquête.

156    En outre, il ne soutient pas que les éléments découverts par l’OLAF lors de cette inspection n’étaient pas de nature à faire naître des soupçons suffisants qui laissaient supposer l’existence d’activités illégales relevant de la compétence de l’OLAF.

157    Partant, la circonstance que la décision de l’OLAF d’étendre l’objet de l’enquête, initialement ouverte au sujet d’éventuelles irrégularités, impliquant M. Pinxten et affectant les intérêts financiers de l’Union, dans l’utilisation des actifs de la Cour des comptes et dans les missions effectuées ou autorisées en violation des règles applicables, à de possibles conflits d’intérêts et à d’autres violations des articles 285 et 286 TFUE ainsi que des dispositions du code de conduite de 2012 soit fondée sur des éléments découverts lors de l’inspection menée le 20 novembre 2017 ne saurait impliquer l’irrégularité de cette décision.

158    En deuxième lieu, en ce qui concerne les arguments tirés d’une atteinte au droit à la vie privée de M. Pinxten, il importe de relever que, au regard de l’objet de la présente procédure, il incombe en l’espèce à la Cour de se prononcer non pas sur toute atteinte à ce droit qu’aurait pu commettre l’OLAF au cours de son enquête, mais uniquement sur les atteintes alléguées audit droit qui se rapporteraient au recueil d’éléments de preuve présentés par la Cour des comptes à l’appui du présent recours. En effet, des irrégularités procédurales éventuellement commises par l’OLAF lors de la collecte d’éléments de preuve ne seraient, en tout état de cause, susceptibles d’influer sur l’examen du présent recours que dans la mesure où celui-ci s’appuie sur les éléments de preuve illégalement obtenus par l’OLAF.

159    À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, de constater que M. Pinxten n’identifie, parmi les éléments de preuve produits par la Cour des comptes, aucun document qui serait couvert par le principe de confidentialité des relations entre un avocat et son client.

160    Partant, le fait que l’OLAF n’ait pas confirmé n’avoir saisi aucun élément de la correspondance entre M. Pinxten et son conseil, à le supposer établi, est dénué de pertinence en l’espèce.

161    Ensuite, s’agissant des éléments de preuve relatifs à la participation de M. Pinxten à des parties de chasse, il y a lieu de relever que la Cour des comptes a produit devant la Cour des documents se rapportant à cette activité qui sont directement liés à plusieurs missions effectuées en tant que membre de la Cour des comptes.

162    Or, nonobstant la conservation de ces documents dans un classeur explicitement désigné comme « privé », ceux-ci ne sauraient, en raison de leur lien avec de telles missions, être considérés comme se rapportant aux activités menées par M. Pinxten à titre purement privé.

163    En outre, il découle du constat opéré au point 158 du présent arrêt qu’il n’est pas nécessaire, aux fins de la présente procédure, de se prononcer sur l’allégation de M. Pinxten selon laquelle l’OLAF aurait également emporté ou copié une série de documents se rapportant à des parties de chasse qui n’étaient pas couvertes par des ordres de mission.

164    Enfin, il convient certes de constater que la lettre, datée du 20 novembre 2014, adressée par M. Pinxten à la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité en vue de lui proposer de louer un appartement à Bruxelles (Belgique) se rapportait à la gestion des biens privés de M. Pinxten et que le versement au dossier de l’OLAF d’une copie de cette lettre constitue donc une limitation au droit de celui-ci au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte.

165    Cependant, l’utilisation de cette lettre par l’OLAF est restreinte et encadrée par la loi, dans la mesure où elle ne peut être utilisée que dans le cadre de l’enquête de l’OLAF et des procédures diligentées à la suite de cette enquête.

166    Par conséquent, les arguments présentés par M. Pinxten ne sont pas de nature à établir, aux fins de la présente procédure, que l’OLAF a porté atteinte, de manière illicite, à son droit au respect de la vie privée.

167    En troisième lieu, s’agissant de l’atteinte alléguée aux droits de la défense de M. Pinxten, il importe de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte dispose que le droit à une bonne administration comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre.

168    Ce principe est mis en œuvre à l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013, lequel prévoit que l’OLAF doit en principe, une fois que l’enquête a été achevée et avant que les conclusions se rapportant nommément à une personne concernée n’aient été tirées, accorder à cette dernière la possibilité de présenter ses observations sur les faits la concernant.

169    En outre, la Cour a jugé, dans le cadre d’une procédure analogue à celle prévue à l’article 286, paragraphe 6, TFUE concernant un membre de la Commission, qu’il était nécessaire de vérifier si le membre de la Commission concerné avait été informé, en temps utile, des griefs qui lui étaient reprochés et s’il avait eu la possibilité d’être entendu (arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, point 105). Une telle obligation est d’ailleurs également prévue à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement intérieur.

170    Dans ces conditions, s’il incombe tant à l’OLAF qu’à la Cour des comptes de se conformer à leurs obligations respectives, le respect du droit d’être entendu du membre ou de l’ancien membre concerné de cette institution doit, aux fins de la procédure prévue à l’article 286, paragraphe 6, TFUE, être apprécié de façon globale, dès lors qu’il ne saurait être exclu que ce membre ou cet ancien membre ait pu se voir offrir, par la Cour des comptes, une possibilité suffisante d’être entendu sur des éléments qu’il n’aurait pas pu effectivement commenter avant l’adoption du rapport de l’OLAF.

171    En l’espèce, il est constant que M. Pinxten a été entendu oralement par l’OLAF le 22 décembre 2017, que plusieurs échanges écrits ont eu lieu entre l’OLAF et le conseil de M. Pinxten et que ce dernier a pu, à la suite de la communication d’un résumé des faits établis au terme de l’enquête, adresser à l’OLAF un document écrit destiné à réfuter les allégations énoncées dans ce résumé.

172    Par la suite, M. Pinxten a reçu communication, le 5 octobre 2018, du rapport de l’OLAF et du rapport préliminaire adressé aux membres de la Cour des comptes par le président de cette institution. Il a pu prendre position sur ces rapports à la fois par la transmission d’observations écrites et lors d’une audition devant cette institution.

173    Dans ce contexte, s’il soutient que l’enquête de l’OLAF était entachée de quatre irrégularités distinctes, visées aux points 131 à 134 du présent arrêt, lesquelles l’auraient empêché d’être entendu effectivement par l’OLAF, il ne présente aucun argument visant à établir qu’il n’a pas été en mesure de s’exprimer de manière suffisante, devant la Cour des comptes, sur certains éléments retenus contre lui avant l’adoption du rapport de l’OLAF.

174    Dans ces conditions, il apparaît que les arguments présentés par M. Pinxten ne sont pas susceptibles de démontrer, aux fins de la présente procédure, que ses droits de la défense ont été méconnus.

175    Il s’ensuit que l’ensemble des arguments de M. Pinxten tirés de l’irrégularité de l’enquête de l’OLAF doivent être rejetés et qu’il n’est donc pas nécessaire, en vue de statuer sur le présent recours, de déterminer si des éléments de preuve obtenus de manière illégale peuvent être invoqués dans le cadre de la procédure prévue à l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

3.      Sur l’irrégularité alléguée de la procédure suivie au sein de la Cour des comptes pour autoriser l’introduction du présent recours

a)      Argumentation des parties

176    Par son troisième argument d’irrecevabilité, M. Pinxten fait valoir, en premier lieu, que son audition par la Cour des comptes a été conduite, malgré ses protestations, en présence du secrétaire général et du chef du service juridique de cette institution, alors que l’article 49, paragraphe 3, des modalités d’application du règlement intérieur exigeait que l’audition d’un membre de ladite institution préalable à l’introduction d’un recours au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE soit menée en l’absence de tout interprète ou agent de cette institution.

177    Or, la présence des agents en cause aurait pu influencer les débats, au regard notamment de la responsabilité du secrétaire général de la Cour des comptes dans l’insuffisance du contrôle exercé par cette institution et du rôle « étonnant » du chef du service juridique de celle-ci pendant l’enquête.

178    M. Pinxten estime, en second lieu, qu’un nombre insuffisant de membres de la Cour des comptes ont voté en faveur de l’introduction du présent recours.

179    En effet, l’article 4, paragraphe 4, du règlement intérieur exigerait une majorité des quatre cinquièmes de ces membres, soit vingt-trois d’entre eux, pour autoriser l’introduction d’un recours au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE. Or, seuls vingt-deux desdits membres auraient voté en faveur de l’introduction du présent recours.

180    Si deux membres de la Cour des comptes se sont récusés, cette circonstance serait indifférente. Dès lors que l’article 4, paragraphe 4, du règlement intérieur imposerait une majorité calculée par rapport au nombre total de ces membres, la situation des membres de la Cour des comptes qui se sont récusés serait comparable à celle des membres de cette institution qui se sont abstenus.

181    La Cour des comptes s’interroge sur le caractère opérant des arguments de M. Pinxten relatifs à la décision de saisir la Cour du présent recours, en tant que cette décision ne saurait être assimilée à l’acte de saisine de cette dernière, ainsi que l’indique l’ordonnance du 9 septembre 2005, Commission/Cresson (C‑432/04, non publiée, EU:C:2005:539).

182    En tout état de cause, le secrétaire général de la Cour des comptes participerait à l’ensemble des réunions de cette institution, en vue d’établir un procès-verbal, conformément à l’article 23 du règlement intérieur et à l’article 39 des modalités d’application du règlement intérieur. En outre, l’article 50, paragraphe 1, de ces modalités d’application aurait permis à la Cour des comptes de désigner une personne chargée d’établir le projet de procès-verbal. Cette compétence aurait été exercée, le 12 février 2015, pour charger de cette tâche le chef de son service juridique.

183    Par ailleurs, la majorité exigée pour introduire un recours au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE devrait être calculée sur la base du nombre total des membres de la Cour des comptes, à l’exception du membre concerné et de ceux qui ont décidé de se récuser. Certes, le cas des membres de cette institution se trouvant dans une situation de conflit d’intérêts ne serait pas prévue par le règlement intérieur. Pour autant, si ces membres étaient considérés comme s’abstenant, ils participeraient, de facto, au processus décisionnel dont ils devraient être exclus.

b)      Appréciation de la Cour

184    À titre liminaire, il y a lieu de souligner que la Cour doit, lorsqu’elle est saisie d’une exception d’irrecevabilité tirée de la violation des règles régissant l’adoption, par la Cour des comptes, de la décision d’introduire un recours au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE, statuer sur cette exception avant d’examiner, le cas échéant, le bien-fondé de ce recours.

185    Une telle exception d’irrecevabilité ne saurait être écartée en se fondant sur le constat opéré au point 4 de l’ordonnance du 9 septembre 2005, Commission/Cresson (C‑432/04, non publiée, EU:C:2005:539), selon lequel, dans le cadre d’un recours fondé sur l’article 213, paragraphe 2, CE, la décision de la Commission de saisir la Cour ne peut être assimilée à l’acte de saisine de cette dernière.

186    En effet, ce constat, qui visait uniquement à établir que la Cour n’était saisie que des éléments repris dans ce recours et qu’elle n’était donc pas appelée à prendre en considération les motifs qui avaient amené la Commission à estimer opportun de saisir la Cour, n’implique aucunement que l’irrégularité éventuelle d’une décision d’introduire ledit recours est dépourvue de conséquences sur la recevabilité de celui‑ci.

187    Partant, il y a lieu d’examiner les arguments de M. Pinxten relatifs à l’irrégularité alléguée de la procédure suivie au sein de la Cour des comptes pour autoriser l’introduction du présent recours.

188    S’agissant, en premier lieu, du déroulement de l’audition de M. Pinxten devant la Cour des comptes, il convient de relever qu’il ressort de l’article 4, paragraphes 1, 3 et 4, du règlement intérieur que, lorsque cette institution estime que les informations qui lui sont soumises sont susceptibles d’établir que l’un de ses membres a cessé de répondre aux conditions requises ou de satisfaire aux obligations découlant de sa charge, celui-ci est invité à présenter oralement ses explications devant cette institution, avant que celle-ci ne décide s’il y a lieu de saisir la Cour afin qu’il soit relevé de ses fonctions ou déclaré déchu de son droit à pension ou d’autres avantages en tenant lieu.

189    L’article 8 des modalités d’application du règlement intérieur précisait que les réunions tenues dans le cadre de la procédure prévue à l’article 4 du règlement intérieur sont des séances restreintes au sens de l’article 49 de ces modalités d’application.

190    De telles séances étaient, conformément à l’article 49, paragraphe 3, desdites modalités d’application, tenues en l’absence de tout interprète ou agent de la Cour des comptes, sauf décision contraire arrêtée lors d’une précédente réunion de cette institution.

191    Il découle de ces dispositions que l’audition de M. Pinxten aurait dû se dérouler en la présence des seuls membres de la Cour des comptes.

192    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la Cour des comptes selon lequel la présence du secrétaire général de cette institution lors de cette audition était néanmoins justifiée, dans la mesure où il appartenait à celui-ci d’établir le procès-verbal de la séance restreinte durant laquelle ladite audition avait été menée et d’assister le président de ladite institution.

193    Certes, l’article 23 du règlement intérieur dispose qu’il est établi un procès-verbal de chaque séance de la Cour des comptes. En outre, l’article 39, paragraphe 1, des modalités d’application de ce règlement prévoyait que le secrétaire général de la Cour des comptes a notamment la responsabilité de dresser les projets de procès-verbaux des réunions de cette institution et d’assister le président de ladite institution en ce qui concerne la préparation des réunions de celle-ci et le respect des procédures. De même, l’article 50, paragraphe 1, de ces modalités d’application précisait qu’un projet de procès-verbal de chaque séance de la Cour des comptes est établi par le secrétaire général de cette institution ou par toute autre personne désignée à cet effet.

194    Toutefois, il ne découle pas des dispositions mentionnées au point précédent que le secrétaire général de la Cour des comptes devait nécessairement être présent lors de la séance restreinte de cette institution au cours de laquelle a eu lieu l’audition de M. Pinxten en vue d’établir le procès-verbal de cette séance, dès lors qu’un membre de la Cour des comptes aurait pu, en tant que de besoin, être désigné, en application de l’article 50, paragraphe 1, desdites modalités d’application, pour établir le procès-verbal de la même séance.

195    Par ailleurs, il importe de souligner que l’article 49, paragraphe 3, des modalités d’application du règlement intérieur constituait une règle spéciale dérogeant aux modalités ordinaires d’organisation des séances de la Cour des comptes en vue, notamment, d’assurer une discussion entièrement libre entre les membres de cette institution.

196    Partant, les règles investissant le secrétaire général de la Cour des comptes d’une fonction générale d’assistance du président de cette institution ne sauraient justifier la présence de ce secrétaire général lors d’une séance restreinte de ladite institution, d’autant plus que l’article 49, paragraphe 3, des modalités d’application du règlement intérieur prévoyait une procédure spécifique permettant d’autoriser la présence d’un agent de la même institution lors d’une séance restreinte, procédure à laquelle il n’est pas prétendu que la Cour des comptes a eu recours en l’espèce.

197    Dans ces conditions, la présence du chef du service juridique de la Cour des comptes lors de la séance restreinte en cause ne pouvait pas non plus être justifiée par la fonction d’élaboration des projets de procès-verbaux des séances de la Cour des comptes qui lui aurait été confiée, selon cette institution, par une décision adoptée le 12 février 2015 sur le fondement de l’article 50, paragraphe 1, des modalités d’application du règlement d’intérieur.

198    Il ressort d’ailleurs de la transcription de cette séance restreinte que le président de la Cour des comptes avait justifié la présence du chef du service juridique de cette institution non par cette fonction, mais en se référant à son rôle de conseil.

199    S’il découle de ce qui précède que la présence du secrétaire général et du chef du service juridique de la Cour des comptes lors de la séance restreinte de cette institution au cours de laquelle a eu lieu l’audition de M. Pinxten était irrégulière, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’une telle irrégularité ne pourrait s’avérer décisive que pour autant que M. Pinxten parvienne à démontrer que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure menée au sein de la Cour des comptes aurait pu aboutir à un résultat différent [voir, par analogie, arrêts du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 76, et du 4 juin 2020, C.F. (Contrôle fiscal), C‑430/19, EU:C:2020:429, point 35 ainsi que jurisprudence citée].

200    Or, M. Pinxten reste en défaut d’établir en quoi la présence de ces agents de la Cour des comptes, qui, ainsi qu’il ressort de la transcription de l’enregistrement de cette séance restreinte, ne se sont pas exprimés au cours de ladite séance, a pu influer sur le déroulement de la même séance ou, a fortiori, sur la décision finalement arrêtée par cette institution.

201    En particulier, si M. Pinxten fait valoir que la responsabilité du secrétaire général de la Cour des comptes pourrait être engagée en raison des carences du contrôle qu’il lui appartenait d’assurer sur les dépenses de cette institution, force est de constater que la séance restreinte en cause visait exclusivement à permettre à M. Pinxten de prendre position sur les faits qui lui étaient reprochés.

202    En outre, les critiques exprimées contre l’attitude du chef du service juridique de la Cour des comptes au cours de l’enquête sont essentiellement étayées par un projet de lettre prétendument dicté par le chauffeur de M. Pinxten et produit par ce dernier, mais dont il est constant qu’il n’est pas signé par ce chauffeur. M. Pinxten n’a donc pas établi à suffisance de droit que la présence du chef du service juridique de la Cour des comptes lors de la séance restreinte en cause aurait pu, du fait de l’attitude dudit agent, influer sur le déroulement de cette séance.

203    S’agissant, en second lieu, du vote intervenu au sein de la Cour des comptes pour décider d’introduire le présent recours, l’article 4, paragraphe 4, du règlement intérieur dispose que cette décision devait être prise, à bulletin secret, à la majorité des quatre cinquièmes des membres de cette institution.

204    Si cette disposition prévoit également que le membre concerné de la Cour des comptes ne participe pas au vote, cette règle est dépourvue de pertinence en l’espèce, dès lors que ladite décision a été adoptée à une date à laquelle M. Pinxten n’était plus membre de cette institution.

205    Dès lors, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 90 de ses conclusions, la comparaison des termes employés respectivement à l’article 4, paragraphe 4, du règlement intérieur et à l’article 25, paragraphe 3, de celui-ci démontre que la majorité exigée pour adopter une telle décision devait être calculée sur la base du nombre total de membres de la Cour des comptes, et non sur celle du nombre des membres de cette institution présents lors de la séance concernée de ladite institution.

206    Cela étant, l’article 41, paragraphe 1, de la Charte énonce, notamment, que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.

207    Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’il incombe aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union de se conformer à l’exigence d’impartialité, dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

208    En vue d’assurer le respect de cette exigence, les membres de la Cour des comptes qui ne sont pas en mesure de participer de manière impartiale à la procédure relative au renvoi éventuel de l’un des membres ou de l’un des anciens membres de cette institution devant la Cour, notamment en raison des liens personnels qu’ils entretiennent avec le membre ou l’ancien membre concerné, doivent pouvoir s’assurer qu’ils n’exerceront aucune influence sur l’issue de cette procédure et doivent disposer, à cette fin, de la possibilité de se récuser.

209    Or, si l’article 4, paragraphe 4, du règlement intérieur était interprété comme impliquant que la majorité exigée à cette disposition est calculée sans retrancher du nombre total des membres de la Cour des comptes le nombre de ces membres qui se sont récusés, leur décision de se récuser produirait, de fait, une influence potentiellement déterminante sur l’issue de la procédure prévue à ladite disposition.

210    De surcroît, au regard de la majorité exigée à la même disposition, une telle interprétation de celle-ci rendrait, en pratique, l’engagement de cette procédure extrêmement difficile, voire impossible, lorsqu’un certain nombre de membres de cette institution ont jugé devoir se récuser.

211    Partant, il convient d’interpréter l’article 4, paragraphe 4, du règlement intérieur, en conformité avec l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, en ce sens que la majorité des quatre cinquièmes des membres de la Cour des comptes que prévoit cette première disposition doit être calculée sur la base du nombre total des membres de cette institution qui pouvaient légalement participer au vote en cause sans porter atteinte à l’exigence d’impartialité.

212    En l’espèce, il est constant que deux membres de la Cour des comptes se sont récusés en vue d’assurer le respect de cette exigence, pour des motifs qui n’ont fait l’objet d’aucune contestation.

213    Par conséquent, le vote de 22 membres de la Cour des comptes exprimé en faveur de l’introduction du présent recours était suffisant pour atteindre la majorité exigée à l’article 4, paragraphe 4, du règlement intérieur.

214    Il s’ensuit que les arguments de M. Pinxten tirés de l’irrégularité de la procédure suivie au sein de la Cour des comptes pour autoriser l’introduction du présent recours doivent être rejetés.

4.      Sur le retard allégué avec lequel le recours de la Cour des comptes a été introduit

a)      Argumentation des parties

215    Par son quatrième argument d’irrecevabilité, M. Pinxten considère que la Cour des comptes a méconnu le principe du respect d’un délai raisonnable, inscrit à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, en remettant en cause la régularité de demandes de paiement qu’il avait introduites depuis l’année 2006, alors que cette institution disposait, dès l’introduction de ces demandes, de toutes les informations utiles pour s’assurer que lesdites demandes étaient légitimes ou pour décider de rechercher des clarifications.

216    Le principe de sécurité juridique exigerait, par analogie avec les règles prévues par la réglementation financière de l’Union et la jurisprudence de la Cour y relative, qu’une institution procède à la communication d’une note de débit dans un délai ne dépassant normalement pas cinq ans à compter du moment où cette institution était en mesure de faire valoir sa créance, ce délai pouvant toutefois être réduit ou allongé selon les circonstances.

217    Il ne serait en outre pas nécessaire, en l’espèce, de démontrer une incidence du dépassement du délai raisonnable sur le contenu d’un acte de l’Union, puisque le présent recours ne vise pas à l’annulation d’un tel acte. Dans ce contexte, il y aurait lieu de considérer que la Cour des comptes est forclose pour tous les griefs antérieurs de plus de trois ans, ou à tout le moins de plus de cinq ans, à compter du 5 octobre 2018, date de présentation du rapport préliminaire du président de cette institution aux membres de celle-ci.

218    Selon la Cour des comptes, la saisine de la Cour est intervenue dans un délai raisonnable. En effet, elle n’aurait été en mesure d’engager cette procédure qu’après la réception du rapport de l’OLAF, soit le 2 juillet 2018. Au regard de l’ampleur des irrégularités alléguées, un délai de huit mois à compter de cette date ne serait pas excessif. En outre, les règles relatives à la prescription en matière de récupération de créances ne seraient pas transposables à la présente procédure.

b)      Appréciation de la Cour

219    Il découle de la jurisprudence de la Cour que la Cour des comptes doit s’attacher à ne pas retarder indéfiniment l’introduction d’un recours au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE, afin de respecter l’exigence fondamentale de sécurité juridique et afin de ne pas violer les droits de la défense de la personne concernée en augmentant les difficultés rencontrées pour réfuter les arguments présentés dans ce recours (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, point 90).

220    Néanmoins, dès lors que cette disposition ne fixe pas un délai précis, le caractère raisonnable du délai devant être respecté par la Cour des comptes ne saurait être fixé par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié dans chaque cas d’espèce en fonction des circonstances de la cause, notamment de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire et du comportement des parties en présence (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX–II, EU:C:2013:134, points 28 et 29).

221    En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 104 de ses conclusions, la présomption réfragable selon laquelle un délai de plus de cinq ans à compter des faits en cause serait déraisonnable, consacrée par la Cour au point 105 de l’arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement (C‑566/14 P, EU:C:2016:437), et à laquelle se réfère M. Pinxten, ne saurait être appliquée dans le cadre de la présente procédure.

222    En effet, cette présomption trouve sa source dans les règles relatives au recouvrement des créances de l’Union (voir, en sens, arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, points 101 à 103).

223    Or, même lorsqu’un recours au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE est, pour partie, fondé sur un grief tiré d’un abus des ressources de la Cour des comptes, il n’en demeure pas moins qu’un tel recours n’a pas pour objet d’obtenir le remboursement de paiements effectués au profit du membre concerné de cette institution qu’elle estimerait indus.

224    Dès lors, il y a lieu de déterminer si le recours de la Cour des comptes a été introduit dans un délai raisonnable au regard de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 220 du présent arrêt.

225    En l’espèce, il convient certes de relever que les faits les plus anciens reprochés à M. Pinxten datent de l’année 2006, soit plus de douze ans avant l’introduction du présent recours.

226    S’il ressort, en outre, du dossier dont dispose la Cour qu’un contrôle plus strict de la Cour des comptes sur les demandes de paiement présentées par ses membres aurait pu lui permettre de déceler plus tôt à tout le moins une partie importante des irrégularités alléguées à l’égard de M. Pinxten, il n’en demeure pas moins que le réexamen systématique de la situation de celui-ci a été justifié par les éléments mis en lumière lors de l’enquête de l’OLAF.

227    Or, le recours de la Cour des comptes au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE est fondé sur la combinaison de l’ensemble des éléments dont cette institution a disposé à l’issue de ce réexamen systématique. Il n’est, en conséquence, pas établi que la Cour des comptes aurait pu décider, en l’absence des informations recueillies par l’OLAF, d’introduire le présent recours.

228    Par ailleurs, à la suite de la réception, au cours de l’année 2016, d’informations mettant en cause M. Pinxten, la Cour des comptes a conduit, au cours de cette même année, une enquête interne. À compter de la transmission à la Cour des comptes, le 27 octobre 2016, par le directeur de l’OLAF de l’information selon laquelle celui-ci étudiait l’opportunité d’ouvrir une enquête et jusqu’à la remise de son rapport à la Cour des comptes, le 2 juillet 2018, cette institution ne pouvait pas, conformément à l’article 5, paragraphe 3, du règlement no 883/2013, poursuivre ses investigations, sauf s’il en avait été convenu autrement avec l’OLAF. Dès la réception de ce rapport, la Cour des comptes a engagé la procédure en plusieurs étapes prévue à l’article 4 du règlement intérieur, procédure qui s’est déroulée du 12 juillet au 29 novembre 2018.

229    Il s’ensuit que la Cour des comptes a réagi rapidement à la réception d’informations relatives à des irrégularités prétendument commises par M. Pinxten et qu’elle a, par la suite, conduit les procédures relevant de ses attributions avec une célérité certaine, alors même que l’article 286, paragraphe 6, TFUE n’avait encore jamais été appliqué et que le rapport de l’OLAF faisait état d’un très grand nombre d’irrégularités commises par M. Pinxten.

230    Par conséquent, s’il appartiendra à la Cour de justice de tenir compte, le cas échéant, du délai écoulé entre certains des faits en cause et la formulation de griefs précis par la Cour des comptes en vue d’apprécier dans quelle mesure il peut être attendu de M. Pinxten qu’il présente des explications ou des preuves supplémentaires relatives à ces faits, il ne saurait être considéré que l’introduction du présent recours est intervenue, de manière générale, à l’issue d’un délai déraisonnable ou que la Cour des comptes est forclose à se prévaloir, aux fins de la présente procédure, de certaines des irrégularités dénoncées dans ce recours.

231    Il y a lieu, dès lors, de rejeter les arguments de M. Pinxten tirés du retard avec lequel le présent recours a été introduit.

232    Aucun des quatre arguments relatifs à la recevabilité du recours n’ayant été accueilli, il y a lieu de constater que le présent recours est recevable.

B.      Sur les griefs

233    À l’appui de son recours, la Cour des comptes fait valoir cinq griefs, tirés, premièrement, de l’usage abusif des ressources de cette institution, deuxièmement, de l’usage abusif et illégal de privilèges fiscaux, troisièmement, de fausses déclarations de sinistre à l’assurance, quatrièmement, de l’exercice non déclaré et illégal de certaines activités, ainsi que, cinquièmement, de la création d’une situation de conflit d’intérêts.

234    Afin d’examiner ces griefs, il importe de préciser que l’article 286, paragraphe 6, TFUE permet à la Cour des comptes de demander à la Cour de relever des membres de cette institution de leurs fonctions ou de les déchoir de leur droit à pension ou d’autres droits en tenant lieu, lorsque ces membres ont cessé de répondre aux conditions requises ou de satisfaire aux obligations découlant de leur charge.

235    La nature de ces obligations est notamment précisée aux articles 285 et 286 TFUE.

236    Il incombe ainsi à ces membres, conformément à l’article 285 TFUE, d’exercer leurs fonctions en pleine indépendance, dans l’intérêt général de l’Union.

237    En outre, il ressort de l’article 286, paragraphe 3, TFUE que les membres de la Cour des comptes doivent, notamment, s’abstenir de tout acte incompatible avec le caractère de leurs fonctions.

238    L’article 286, paragraphe 4, TFUE interdit, par ailleurs, à ces membres l’exercice de toute activité professionnelle, rémunérée ou non, pendant la durée de leurs fonctions, en vue notamment d’assurer la disponibilité desdits membres dans l’exercice de ces fonctions. Cette disposition précise également que lesdits membres doivent s’engager solennellement à respecter, pendant la durée de leurs fonctions et après la cessation de celles-ci, les obligations découlant de leur charge, notamment des devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après cette cessation, de certaines fonctions ou de certains avantages.

239    Ces derniers devoirs n’étant cités qu’à titre d’exemples, la notion d’« obligations découlant de leur charge », au sens de l’article 286, paragraphe 6, TFUE, doit être entendue de façon large. Compte tenu des hautes responsabilités qui leur sont confiées, il importe que les membres de la Cour des comptes observent les normes les plus rigoureuses en matière de comportement et fassent prévaloir à tout moment l’intérêt général de l’Union non seulement sur les intérêts nationaux, mais également sur des intérêts personnels (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, points 70 et 71).

240    Dans cette perspective, les obligations des membres de la Cour des comptes énoncées par le droit primaire sont reprises et concrétisées dans les normes adoptées par cette institution, auxquelles ces membres sont tenus de se conformer rigoureusement.

241    En particulier, les membres de la Cour des comptes doivent observer scrupuleusement les obligations de déclaration prévues par ces normes, en vue de garantir le respect de l’article 286, paragraphes 3 et 4, TFUE, et assurer ainsi une information complète de cette institution quant aux demandes visant à engager des ressources de ladite institution, notamment au titre de frais de mission, de représentation et de réception.

242    En cas de doute concernant la portée précise des obligations découlant de leur charge, il incombe aux membres de la Cour des comptes de s’adresser aux services compétents de cette institution en vue de dissiper ce doute.

243    Cela étant, si les membres de la Cour des comptes doivent veiller à se comporter de manière irréprochable, il n’en résulte pas que le moindre écart par rapport aux normes s’imposant à eux puisse être condamné au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE. L’existence d’un manquement d’un certain degré de gravité est requise à cette fin (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, point 72).

244    L’examen des cinq griefs présentés par la Cour des comptes doit donc viser à déterminer si le dossier dont dispose la Cour permet d’établir, à l’égard de M. Pinxten, un manquement d’une certaine gravité aux obligations découlant de la charge d’un membre de cette institution, telles que définies par le droit primaire et précisées par les normes adoptées par ladite institution.

245    Il appartient, à cette fin, à la Cour d’examiner l’ensemble des éléments de preuve qui lui ont été soumis tant par la Cour des comptes, à qui il appartient d’établir l’existence du manquement qu’elle impute à M. Pinxten, que par ce dernier. La Cour doit notamment apprécier l’exactitude matérielle et la fiabilité de ces éléments, afin de déterminer si ceux-ci sont suffisants pour constater un manquement d’un certain degré de gravité au sens de l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

1.      Sur le quatrième grief, tiré de l’exercice non déclaré et illégal d’une activité politique et d’une activité de gérance d’une société civile immobilière

246    Par son quatrième grief, la Cour des comptes fait valoir que M. Pinxten a manqué à ses obligations de désintéressement, d’indépendance, d’impartialité, d’engagement, d’intégrité, de responsabilité, d’exemplarité et de transparence en exerçant de manière irrégulière, au cours de ses mandats, deux activités extérieures.

247    Dès lors que l’usage abusif des ressources de la Cour des comptes qui fait l’objet du premier grief se rapporte, pour partie, à des engagements de ressources de cette institution, présentés par celle-ci comme liés à ces activités extérieures, il convient d’examiner le quatrième grief en premier lieu.

248    À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 238 du présent arrêt, les membres de la Cour des comptes ne doivent pas, en application de l’article 286, paragraphe 4, TFUE, exercer une activité professionnelle, rémunérée ou non, pendant la durée de leurs fonctions.

249    En outre, en vue notamment de garantir, conformément à l’article 285 TFUE, l’indépendance de ces membres et d’assurer, en application de l’article 286, paragraphe 3, TFUE, que lesdits membres s’abstiennent de tout acte incompatible avec le caractère de leurs fonctions, les règles adoptées par la Cour des comptes, que les mêmes membres doivent, ainsi qu’il a été relevé au point 241 du présent arrêt, observer scrupuleusement, précisent dans quelles conditions ceux-ci peuvent exercer une activité extérieure pendant la durée de leurs fonctions.

250    Ainsi, le point 3.7 des lignes directrices en matière d’éthique prévoit que les membres de la Cour des comptes ne doivent exercer des activités extérieures que dans le cadre établi par le statut et doivent s’abstenir de toute activité susceptible de porter atteinte à la réputation de cette institution, de mettre en doute leur impartialité ou d’interférer avec leur travail.

251    L’article 4, paragraphe 1, du code de conduite de 2004 et l’article 4, paragraphes 1 et 2, du code de conduite de 2012 énonçaient que les membres de la Cour des comptes se consacrent à l’accomplissement de leur mandat, qu’ils ne peuvent exercer aucune fonction politique et qu’ils s’abstiennent de toute activité professionnelle extérieure ainsi que de toute autre activité extérieure incompatible avec l’exercice de leurs fonctions.

252    L’article 5, paragraphe 1, des modalités d’application du règlement intérieur disposait que les membres de la Cour des comptes s’abstiennent de toute activité professionnelle extérieure et de toute autre activité extérieure incompatible avec les principes d’indépendance et de disponibilité dans l’exercice de leurs fonctions.

253    L’article 5, paragraphe 2, de ces modalités d’application précisait que toute activité extérieure effective ou envisagée doit être appréciée au regard de quatre critères généraux se rapportant à l’absence, respectivement, d’atteinte à l’image de la Cour des comptes en ce qui concerne son impartialité, de conflit d’intérêts, de charge excessive au niveau de l’emploi du temps et de gain pécuniaire.

254    Par ailleurs, sur un plan procédural, l’article 4, paragraphe 3, du code de conduite de 2004, l’article 4, paragraphe 6, du code de conduite de 2012 ainsi que l’article 6, paragraphes 1 et 2, des modalités d’application du règlement intérieur instituent une obligation de déclaration au président de la Cour des comptes de toute activité extérieure non seulement lors de la prise de fonction d’un membre de cette institution, mais également durant le reste de son mandat.

255    Il ressort de ce qui précède qu’il convient, aux fins de statuer sur le quatrième grief, d’apprécier si M. Pinxten a satisfait aux obligations de déclarer toute activité extérieure et de s’abstenir d’exercer une activité extérieure incompatible avec ses fonctions en ce qui concerne les deux activités extérieures qui font l’objet des première et seconde branches de ce grief.

a)      Sur la première branche du quatrième grief, tirée de l’exercice non déclaré et illégal d’une activité politique

1)      Argumentation des parties

256    Par la première branche de son quatrième grief, la Cour des comptes soutient que M. Pinxten a exercé une activité politique intense alors qu’il était membre de cette institution. Il aurait ainsi participé à de nombreuses réunions du bureau du parti politique Open VLD (ci-après le « parti politique en cause »), qui plus est en qualité de membre doté d’un droit de vote jusqu’à l’année 2008.

257    Cette activité n’aurait été ni déclarée ni autorisée par la Cour des comptes et elle serait, en tout état de cause, incompatible avec les fonctions de membre de cette institution.

258    M. Pinxten nie avoir eu une quelconque activité politique lorsqu’il était membre de la Cour des comptes. S’il a bien assisté à certaines réunions du parti politique en cause, il s’agirait de réunions du bureau « étendu » de ce parti, auxquelles auraient également participé des parlementaires dudit parti et durant lesquelles M. Pinxten n’aurait pas disposé d’un droit de vote, dans la mesure où il n’aurait pas été un membre élu de ce bureau. Sa participation à ces réunions aurait eu pour but de promouvoir les activités de la Cour des comptes et de maintenir des relations professionnelles avec des responsables politiques nationaux.

2)      Appréciation de la Cour

259    En premier lieu, il convient de relever que l’allégation de la Cour des comptes selon laquelle M. Pinxten aurait participé aux réunions du bureau du parti politique en cause en tant que membre doté d’un droit de vote, jusqu’à l’année 2008, ne saurait être regardée comme établie, dès lors que le dossier dont dispose la Cour ne comprend aucune preuve appuyant cette allégation.

260    S’agissant, en second lieu, de la participation de M. Pinxten, à partir de l’année 2008, aux réunions du bureau du parti politique en cause sans disposer d’un droit de vote, la Cour des comptes produit, notamment, un courriel envoyé le 24 novembre 2008 par le directeur politique de ce parti et assurant à M. Pinxten qu’il sera systématiquement invité aux réunions du bureau dudit parti ainsi que des procès-verbaux de ces réunions faisant état de la participation de M. Pinxten à au moins 30 desdites réunions entre le 9 mars 2009 et le 26 avril 2010.

261    Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 182 de ses conclusions, il ressort également de ces procès-verbaux que les réunions du bureau du parti politique en cause auxquelles M. Pinxten a participé avaient pour objet de débattre de questions variées relevant des politiques belge et européenne.

262    En outre, bien que les procès-verbaux des réunions du bureau du parti politique en cause postérieures au 26 avril 2010 ne figurent pas dans le dossier dont dispose la Cour, il résulte d’une série d’éléments issus de ce dossier que la participation de M. Pinxten à ces réunions s’est poursuivie après cette date.

263    En particulier, il ressort d’échanges de courriels datés du mois de mai 2012 que M. Pinxten s’inquiétait de ne plus recevoir d’invitations pour participer aux réunions du bureau du parti politique en cause et qu’il lui a été répondu qu’il s’agissait d’un problème technique. L’intérêt de M. Pinxten pour ces réunions est également indiqué par un échange de courriels datés du mois de janvier 2016, dans lesquels celui-ci se plaignait que les invitations auxdites réunions lui parvenaient trop tardivement pour qu’il puisse s’organiser afin d’y assister.

264    Des courriels envoyés au mois de septembre 2014 ainsi qu’aux mois de septembre et d’octobre 2015 confirment, de surcroît, la participation de M. Pinxten à certaines des réunions du bureau du parti politique en cause.

265    Par la suite, plusieurs courriels datés des années 2016 et 2017 établissent que les invitations à de telles réunions continuaient d’être transmises à M. Pinxten, alors que les pièces relatives à plusieurs missions effectuées par celui-ci indiquent sa participation à au moins quatre de ces réunions durant ces deux années.

266    Par ailleurs, lors de son audition devant la Cour des comptes puis lors de l’audience, M. Pinxten a reconnu avoir participé de manière régulière aux réunions du bureau « étendu » du parti politique en cause, à raison d’environ huit à dix réunions par an en moyenne.

267    Il résulte de ces éléments que M. Pinxten a, durant l’essentiel de ses deux mandats à la Cour des comptes, exercé une activité politique active, manifestée notamment par la participation directe et régulière à un organe de direction d’un parti politique national.

268    L’argument de M. Pinxten selon lequel il participait à ces réunions en tant qu’invité ou en tant qu’observateur, au même titre que des parlementaires du parti concerné, sans avoir été élu à cette fin ni disposer d’un droit de vote, n’est pas de nature à remettre en cause cette appréciation.

269    En effet, la présence régulière à des réunions de direction d’un parti politique, même sans droit de vote, offre une réelle possibilité, notamment à travers la participation aux débats menés dans cette enceinte, d’influencer l’activité politique de ce parti. La similarité entre le statut des parlementaires du parti concerné et celui de M. Pinxten, en ce qui concerne la participation aux réunions en cause, dont celui-ci se prévaut, conforte d’ailleurs le rattachement de cette participation à une activité politique.

270    Or, outre que cette activité n’a aucunement été déclarée par M. Pinxten, il y a lieu de constater qu’une telle activité est clairement incompatible avec les fonctions de membre de la Cour des comptes.

271    En effet, en plus du temps nécessaire pour se rendre et pour assister, durant des jours ouvrables, à des réunions politiques, alors que le membre concerné est tenu à une obligation de disponibilité, une activité de cet ordre porte atteinte à l’indépendance de celui-ci et peut, lorsqu’elle est connue, nuire à l’image que se fait le public de l’impartialité de la Cour des comptes.

272    Une telle activité est donc incompatible avec les obligations instituées par le droit primaire et elle est également contraire aux normes adoptées par la Cour des comptes mentionnées aux points 250 à 253 du présent arrêt. L’exercice d’une fonction politique est, en particulier, explicitement interdit par les codes de conduite de 2004 et de 2012, alors que le point 3.3 des lignes directrices en matière d’éthique fait état de la nécessité d’éviter tout conflit d’intérêts qui pourrait se produire en cas d’appartenance à un bureau politique.

273    Il importe de souligner que le maintien d’une activité politique par un membre de la Cour des comptes durant l’essentiel de la durée de ses mandats constitue une infraction d’une particulière gravité aux obligations les plus élémentaires découlant de sa charge.

274    La gravité de la violation de ces obligations est encore accentuée, en l’espèce, par la circonstance que M. Pinxten ne pouvait en aucun cas ignorer le caractère irrégulier de son comportement, dès lors que le comité chargé d’apprécier les activités extérieures des membres de la Cour des comptes avait rejeté, lors de son entrée en fonction, sa demande de conserver le titre de bourgmestre de la commune d’Overpelt (Belgique), en se fondant, notamment, sur une note du 10 mai 2006 du service juridique de cette institution soulignant que les membres de celle-ci ne peuvent exercer aucune fonction politique.

275    Par conséquent, la première branche du quatrième grief est fondée.

b)      Sur la seconde branche du quatrième grief, tirée de l’exercice non déclaré et illégal d’une activité de gérance d’une société civile immobilière

1)      Argumentation des parties

276    Par la seconde branche de son quatrième grief, la Cour des comptes soutient que M. Pinxten a créé, au cours de l’année 2016, une société privée, dont il tirait des revenus, destinée à exploiter un vignoble en Côte-d’Or (France).

277    Cette activité n’aurait été ni déclarée ni autorisée par la Cour des comptes et elle serait, en tout état de cause, incompatible avec les fonctions de membre de cette institution, en tant qu’il s’agit d’une activité professionnelle lucrative.

278    Selon M. Pinxten, la société évoquée par la Cour des comptes est une société civile immobilière qui n’exerce pas une activité commerciale et qui se limite à percevoir un loyer pour un bien reporté dans sa déclaration d’intérêts. Elle constituerait donc simplement une forme de propriété immobilière tout à fait transparente.

2)      Appréciation de la Cour

279    Il résulte du dossier dont dispose la Cour que M. Pinxten a effectivement occupé la fonction de gérant d’une société civile immobilière depuis la création de cette société, durant l’année 2016, et jusqu’au terme de son second mandat.

280    M. Pinxten et son épouse détenaient 97 % des parts de ladite société civile immobilière , les 3 % restants étant détenus par leurs trois enfants.

281    En outre, il ressort des actes notariés et des courriels produits par la Cour des comptes que, le 12 septembre 2016, la même société civile immobilière a acquis plusieurs parcelles qui ont immédiatement été données à bail rural en vue de leur exploitation par un tiers.

282    Or, il y a lieu de constater, s’agissant de la compatibilité de la fonction ainsi exercée par M. Pinxten avec ses fonctions, qu’aucun des principes régissant le statut des membres de la Cour des comptes ne s’oppose à la détention, directe ou indirecte, de biens immobiliers ou à la perception de revenus locatifs afférents à de tels biens.

283    Il découle d’ailleurs de l’article 2, paragraphe 2, du code de conduite de 2012, qui soumettait au même régime déclaratif la détention de « tout bien immobilier [...] soit directement, soit par l’intermédiaire d’une société immobilière », que les normes internes de la Cour des comptes prévoyaient explicitement la possibilité d’une détention directe ou indirecte de biens immobiliers par ses membres.

284    Dès lors qu’il n’est ni allégué ni a fortiori établi que la société civile immobilière en cause ait engagé une activité allant au-delà de la gestion des parcelles agricoles mentionnées au point 281 du présent arrêt, il apparaît que, en tant que gérant de cette société, M. Pinxten a uniquement été appelé à administrer ces parcelles que ladite société n’exploitait pas directement, comme il aurait été appelé à le faire s’il avait détenu directement lesdites parcelles.

285    Dans ces conditions, et en l’absence d’autres éléments susceptibles d’établir le bien-fondé du reproche fait à M. Pinxten par la Cour des comptes à cet égard, l’activité de gérant d’une société civile immobilière familiale exercée par celui-ci n’apparaît pas de nature à porter atteinte aux principes d’indépendance et d’impartialité, à réduire sa disponibilité ou à lui procurer des revenus supérieurs à ceux qu’il aurait pu obtenir en tant que propriétaire des biens détenus par cette société.

286    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la Cour des comptes, cette activité ne saurait être considérée comme constituant une activité incompatible avec les fonctions de membre de la Cour des comptes.

287    S’agissant de la question de savoir si M. Pinxten s’est conformé à son obligation de déclaration d’une telle activité, il découle de l’article 2, paragraphes 2 et 4, du code de conduite de 2012 qu’il incombait à un membre de la Cour des comptes ayant acquis, au cours de son mandat, par l’intermédiaire d’une société immobilière, un bien immobilier qui ne constitue pas une résidence réservée à son usage exclusif, de présenter une nouvelle déclaration de ses intérêts financiers et des éléments de son patrimoine mentionnant ce bien.

288    Au regard de l’existence de cette obligation déclarative spécifique, relative à la détention de biens immobiliers, et de la référence opérée dans ce contexte, par le code de conduite de 2012, aux sociétés immobilières, il y a lieu de considérer qu’une déclaration d’intérêts financiers et des éléments du patrimoine d’un membre de la Cour des comptes mentionnant le bien détenu par l’intermédiaire d’une société immobilière était suffisante pour permettre à ce membre de la Cour, lorsqu’il occupe la fonction de gérant de cette société, de satisfaire à ses obligations déclaratives à l’égard de cette institution.

289    Au demeurant, dès lors, d’une part, que la fonction de gérant d’une société civile immobilière n’est pas incompatible en tant que telle avec les fonctions de membre de la Cour des comptes et, d’autre part, qu’un éventuel conflit d’intérêts lié à cette fonction procéderait par nature de la détention du bien en cause et non de l’exercice même de ladite fonction, la déclaration supplémentaire de celle-ci en tant qu’activité extérieure dans le cadre de la procédure visée au point 254 du présent arrêt n’est pas nécessaire pour permettre à la Cour des comptes de vérifier que ses membres respectent les obligations découlant de leur charge.

290    En l’espèce, il n’est pas contesté que les parcelles agricoles détenues par la société civile immobilière en cause ont effectivement été mentionnées dans une nouvelle déclaration d’intérêts financiers et des éléments du patrimoine présentée par M. Pinxten à la suite de l’acquisition de ces parcelles.

291    Par conséquent, la seconde branche du quatrième grief doit être rejetée comme étant non fondée.

292    Dès lors, il convient d’accueillir ce grief en partie.

2.      Sur le premier grief, tiré de l’usage abusif des ressources de la Cour des comptes pour financer des activités sans lien ou incompatibles avec ses fonctions de membre de cette institution

a)      Sur la recevabilité du premier grief

293    M. Pinxten a présenté deux arguments visant à contester la recevabilité du premier grief tirés, respectivement, de l’absence d’exercice par la Cour des comptes de son pouvoir d’appréciation et de défauts formels de présentation de la requête ainsi que de l’irrecevabilité du tableau présenté en annexe du mémoire en réplique.

1)      Sur l’exercice par la Cour des comptes de son pouvoir d’appréciation

i)      Argumentation des parties

294    M. Pinxten soutient que la Cour des comptes s’est contentée de se référer au rapport de l’OLAF sans analyser celui-ci et, notamment, sans indiquer avec précision en quoi chacune des dépenses critiquées serait irrégulière. Cette institution aurait ainsi omis d’exercer le pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 286, paragraphe 6, TFUE. Cette carence serait aggravée par la circonstance que la Cour des comptes ne réclame finalement à M. Pinxten qu’environ 27 % du montant retenu par l’OLAF, sans expliquer les raisons pour lesquelles elle reprend néanmoins à son compte l’ensemble des reproches adressés à M. Pinxten dans le rapport de l’OLAF.

295    La Cour des comptes considère qu’il lui incombait d’analyser le rapport de l’OLAF et de s’y référer. Elle aurait, néanmoins, procédé à sa propre analyse des faits en cause, comme le montreraient d’ailleurs le rapport préliminaire et la requête.

ii)    Appréciation de la Cour

296    Il résulte de l’article 286, paragraphe 6, TFUE que seule la Cour des comptes peut engager la procédure prévue à cette disposition.

297    Il appartient donc à cette institution d’apprécier si les éléments dont elle dispose quant au comportement adopté par le membre ou l’ancien membre concerné de ladite institution sont suffisants pour justifier l’engagement de cette procédure. L’article 4 du règlement intérieur prévoit d’ailleurs une procédure interne visant à permettre l’adoption d’une décision éclairée de la même institution à cet égard.

298    En outre, l’existence d’un rapport de l’OLAF relatif au comportement du membre ou de l’ancien membre concerné de la Cour des comptes ne saurait restreindre la marge d’appréciation dont cette institution dispose à cet égard, dès lors qu’il découle de l’article 11, paragraphe 4, du règlement no 883/2013 qu’il incombe à l’institution à laquelle un tel rapport est transmis de déterminer les suites qu’il convient de donner à ce rapport et aux recommandations qui l’accompagnent.

299    En l’espèce, ainsi qu’il ressort notamment des points 188 à 214 du présent arrêt, la procédure prévue à l’article 4 du règlement intérieur a été mise en œuvre, ce qui a permis à la Cour des comptes de décider d’introduire le présent recours en tenant compte de l’ensemble des éléments dont elle disposait, y compris le rapport de l’OLAF.

300    Dans ces conditions, la circonstance que la requête soit très largement fondée sur les constats opérés dans le rapport de l’OLAF ne saurait remettre en cause la recevabilité du premier grief, la Cour des comptes n’étant aucunement tenue de s’écarter de ces constats.

301    Au demeurant, la Cour des comptes n’a pas repris, dans sa requête, l’ensemble des reproches énoncés dans le rapport de l’OLAF. Ainsi, elle n’a, en particulier, pas formulé de griefs tirés d’absences non justifiées de M. Pinxten et a, en outre, écarté l’analyse de l’OLAF quant à l’irrégularité de certaines des missions de M. Pinxten.

302    Il s’ensuit que l’argument de M. Pinxten tiré de l’absence d’exercice par la Cour des comptes de son pouvoir d’appréciation doit être écarté.

2)      Sur la présentation de la requête et sur la recevabilité du tableau produit en annexe du mémoire en réplique

i)      Argumentation des parties

303    M. Pinxten soutient que la Cour des comptes n’a pas satisfait à son obligation, en tant qu’autorité de poursuite, d’établir les faits en prouvant que chacune des dépenses critiquées au titre du premier grief est effectivement irrégulière.

304    Une telle démonstration ne pourrait pas être apportée par un renvoi de principe et automatique au rapport de l’OLAF et à ses nombreuses annexes, un tel renvoi étant irrecevable. De même, cette institution ne pourrait pas valablement soutenir son argumentation en renvoyant au tableau figurant à l’annexe C.1 du mémoire en réplique, d’autant plus que ce tableau serait postérieur à sa décision de saisir la Cour.

305    Selon la Cour des comptes, la requête est suffisamment motivée. Elle présenterait ainsi des exemples représentatifs des manquements reprochés à M. Pinxten tout en reprenant chaque grief et en produisant, en annexe, un tableau plus détaillé. À la suite de la transmission, le 4 février 2019, d’observations de M. Pinxten, la Cour des comptes aurait, en outre, procédé à un nouvel examen de chacune des dépenses et aurait établi un tableau joint à sa décision du 11 avril 2019 portant constatation de créance et de recouvrement.

ii)    Appréciation de la Cour

306    À titre liminaire, il convient de relever que l’allégation de M. Pinxten selon laquelle la Cour des comptes resterait en défaut d’établir les faits sur lesquels s’appuie le premier grief doit être appréciée au stade de l’examen du bien-fondé de ce grief, et non à celui de l’examen de sa recevabilité.

307    Pour le reste, s’agissant, en premier lieu, de la présentation de la requête, il importe de rappeler que, en application de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 120, sous c), de son règlement de procédure, la requête doit notamment indiquer l’objet du litige, les conclusions du requérant ainsi que les moyens et les arguments invoqués.

308    Le respect de cette obligation doit permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un tel recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien qu’elle n’omette de statuer sur un grief.

309    Dans le cadre d’un recours formé en application de l’article 286, paragraphe 6, TFUE, la Cour des comptes doit donc présenter les griefs de façon cohérente et précise, afin de permettre au membre ou à l’ancien membre concerné de la Cour des comptes d’appréhender exactement la nature de la violation des obligations découlant de sa charge qui lui est reprochée, condition nécessaire pour que ce membre ou cet ancien membre puisse faire valoir utilement ses moyens de défense et pour que la Cour puisse vérifier l’existence de la violation alléguée.

310    S’il est vrai que le corps de la requête peut, à cette fin, être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés des pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête elle-même (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

311    Partant, il n’appartient pas à la Cour de rechercher et d’identifier, dans les annexes de la requête, les griefs et les arguments qu’elle pourrait considérer comme constituant le fondement du recours (voir, par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

312    En l’espèce, la requête de la Cour des comptes contient un exposé général du premier grief dans lequel sont notamment présentées les catégories de situations dans lesquelles les ressources de cette institution ont, selon elle, été utilisées abusivement par M. Pinxten.

313    Cet exposé est complété par des annexes très volumineuses auxquelles la requête renvoie de manière répétée.

314    À cet égard, il convient certes de relever que les modalités des renvois à ces annexes opérés dans la requête sont critiquables, en tant que la Cour des comptes appuie fréquemment son argumentation sur un renvoi insuffisamment précis à l’annexe A.37 de la requête, laquelle est composée de nombreux documents, présentés souvent de manière désordonnée, et comprend plusieurs milliers de pages.

315    Si cette pratique ne permet pas à la Cour de disposer d’une analyse précise et détaillée, il n’en demeure pas moins que la requête permet tout de même d’appréhender la nature du premier grief présenté par la Cour des comptes et les arguments qu’elle entend faire valoir pour établir l’irrégularité du comportement de M. Pinxten.

316    Dès lors, il y a lieu de considérer que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels le présent recours est fondé ressortent, de manière suffisante, du texte de la requête et que les multiples renvois aux annexes de la requête n’ont donc pas pour objet de pallier une carence de celle-ci à cet égard.

317    En ce qui concerne, plus spécifiquement, la production par la Cour des comptes du tableau figurant à l’annexe A.47 de la requête, il convient de relever que ce tableau permet à cette institution d’étayer et de compléter la requête en décrivant, de manière exhaustive et précise, les situations concrètes dans lesquelles se seraient produites les irrégularités qui sont mentionnées, au titre du premier grief, dans la requête.

318    Ce tableau permet, en outre, d’assurer une continuité avec la procédure administrative préalable, au cours de laquelle les mêmes références étaient utilisées, tant par la Cour des comptes que par M. Pinxten, pour identifier les situations en cause.

319    Au demeurant, au regard du grand nombre de situations concrètes visées par le premier grief, une présentation complète de celles-ci dans le corps de la requête était, de fait, difficilement envisageable.

320    Or, une telle contrainte formelle ne saurait imposer à la Cour des comptes de renoncer à présenter à la Cour l’ensemble des faits concourant, selon elle, à établir les violations, par M. Pinxten, des obligations découlant de sa charge.

321    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la présentation du premier grief dans la requête permet à M. Pinxten d’exercer ses droits de la défense, comme il l’a d’ailleurs fait de manière détaillée au cours de la procédure devant la Cour, et à cette dernière de se prononcer sur le bien-fondé de ce grief.

322    Il s’ensuit que les défauts formels de présentation de la requête ne permettent pas de considérer que le premier grief est, en tout ou en partie, irrecevable.

323     S’agissant, en second lieu, de l’allégation selon laquelle le tableau produit à l’annexe C.1 du mémoire en réplique est irrecevable en tant qu’il a été établi postérieurement à la requête et présenté au stade du mémoire en réplique, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 127 du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. En outre, l’article 128, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans le mémoire en réplique à l’appui de leur argumentation, en motivant le retard apporté à la présentation de ces éléments.

324     À cet égard, il y a lieu de constater que le tableau produit à l’annexe C.1 du mémoire en réplique constitue une nouvelle présentation du tableau figurant à l’annexe A.47 de la requête, destinée à faciliter l’identification des éléments de preuve relatifs à chacune des situations visées dans ce tableau et à prendre en considération les arguments présentés par M. Pinxten dans son mémoire en défense.

325    Dès lors qu’il n’est pas établi que le tableau produit à l’annexe C.1 du mémoire en réplique comprend des griefs nouveaux ou qu’il renvoie à des preuves qui n’avaient pas été présentées en annexe de la requête, il ne saurait être considéré, en application des articles 127 ou 128 du règlement de procédure, comme étant, en tout ou en partie, irrecevable.

b)      Sur le bien-fondé du premier grief

1)      Argumentation des parties

326    Par son premier grief, la Cour des comptes avance que, en utilisant abusivement les ressources de cette institution, M. Pinxten a manqué à ses obligations de désintéressement, d’indépendance, d’impartialité, d’engagement, d’intégrité, de responsabilité, d’exemplarité et de transparence.

327    En premier lieu, la Cour des comptes reproche à M. Pinxten d’avoir demandé le remboursement de frais de mission et le paiement d’indemnités journalières pour des activités dénuées de lien avec ses fonctions.

328    La Cour des comptes souligne, à cet égard, qu’il découlait de l’article 7 du règlement no 2290/77 et de la décision no 1-2003 que ce remboursement et ce paiement ne pouvaient être opérés que pour des tâches que l’institution chargeait un membre d’accomplir et qui étaient relatives à l’exercice de ses fonctions.

329    Or, M. Pinxten aurait, premièrement, demandé le remboursement de frais de mission et le paiement d’indemnités journalières pour des activités de divertissement, à savoir des activités de détente, telles qu’un séjour dans la station de montagne de Crans-Montana (Suisse), des activités de loisirs, en particulier des parties de chasse, des voyages touristiques, à l’instar d’un voyage à Cuba, ou encore des réceptions et des mariages de ses amis.

330    Deuxièmement, M. Pinxten aurait sollicité des remboursements et des paiements pour des activités concernant ses intérêts patrimoniaux, notamment dans le cadre de l’achat d’un vignoble.

331    Troisièmement, M. Pinxten aurait effectué des missions pour des activités incompatibles avec ses fonctions, telles que des activités dans le cadre du parti politique en cause, dont la réalité serait démontrée tant par la fréquence des rencontres avec les membres de ce parti que par les éléments recueillis par l’OLAF.

332    Quatrièmement, M. Pinxten aurait introduit des « missions sans indemnités » pour des activités qu’il admet être sans lien avec ses fonctions, en vue de s’assurer que le kilométrage de la voiture de fonction relatif à ses missions ne soit pas comptabilisé dans le plafond annuel des 15 000 km dont le dépassement était mis à sa charge.

333    Si M. Pinxten justifie de nombreuses missions par la réception d’une invitation formelle, cette justification ne saurait être retenue, dès lors, d’une part, que ce caractère formel, notamment le fait qu’une invitation se réfère à la qualité de membre de la Cour des comptes de son destinataire, pourrait être une marque de politesse n’établissant pas un lien avec ses fonctions de membre de la Cour des comptes et, d’autre part, qu’il serait établi que, dans certains cas, l’invitation en cause avait été sollicitée par M. Pinxten. De même, la position ou le titre des personnes rencontrées à l’occasion d’une mission ne constitueraient pas un motif valable car ils ne suffiraient pas à établir le caractère officiel de l’événement. Le président de la Cour des comptes serait d’ailleurs chargé d’assurer la représentation extérieure de cette institution, avec l’assistance, à compter de l’année 2016, des membres chargés des relations institutionnelles et du contrôle de qualité de l’audit.

334    En deuxième lieu, la Cour des comptes avance que M. Pinxten a indiqué, dans les décomptes trimestriels de ses frais de représentation et de réception, des dépenses qui avaient un caractère privé ou qui étaient incompatibles avec ses fonctions.

335    Or, il ressortirait de l’article 2 de la décision no 7-2004 que le remboursement des frais de représentation était limité aux dépenses que les membres de la Cour des comptes encouraient en cette qualité et que les amis ou les relations personnelles devaient faire l’objet d’invitations privées.

336    La Cour des comptes souligne, en particulier, que M. Pinxten a organisé une série de dîners à sa résidence dont les liens avec ses fonctions de membre de cette institution ne sont pas établis et qui doivent, au regard des termes d’une lettre datée du 28 avril 2015 et adressée au Premier ministre du Royaume de Belgique pour l’inviter à un tel dîner (ci-après la « lettre du 28 avril 2015 »), être regardés comme ayant pour objet réel de rassembler des amis de M. Pinxten.

337    En troisième lieu, M. Pinxten aurait utilisé sa voiture de fonction et eu recours aux services de chauffeurs de la Cour des comptes pour des activités étrangères ou incompatibles avec ses fonctions, y compris dans des cas où il n’était pas en mission.

338    Or, il découlerait des articles 1er et 4 de la décision no 33-2004 que la Cour des comptes ne devait prendre en charge les frais occasionnés par l’utilisation de la voiture de fonction que dans l’exercice des fonctions des membres de cette institution. Tel aurait été le cas, en vertu de ces dispositions, lorsque les déplacements en cause étaient couverts par un ordre de mission ou, dans une limite de 15 000 km par an, pour certains déplacements spécifiques considérés comme liés à l’exercice des fonctions. En outre, les membres de la Cour des comptes auraient pu avoir recours aux services d’un chauffeur seulement pour leurs déplacements dans l’exercice des fonctions.

339    L’état de santé de M. Pinxten n’aurait pas été de nature à justifier un usage des chauffeurs de la Cour des comptes pour des déplacements privés. Au demeurant, le certificat médical faisant état de la contre-indication de la conduite sur des longues distances n’aurait été établi que le 31 octobre 2016.

340    Selon la Cour des comptes, les dispositions réglementaires applicables sur toute la période litigieuse auraient été claires, précises, prévisibles et parfaitement connues de M. Pinxten. Elles auraient, de manière constante, exclu tout paiement relatif à des activités privées ou à des activités incompatibles avec la qualité de membre de la Cour des comptes. Dans ce contexte, M. Pinxten ne saurait faire porter la responsabilité de ses propres manquements à la Cour des comptes, qui aurait disposé de mécanismes de contrôle internes appropriés.

341    Aucune violation du principe de protection de la confiance légitime ne pourrait être retenue ici, dès lors que le silence de l’administration ou des paiements indus ne devraient pas être considérés comme des assurances précises, inconditionnelles et concordantes.

342    En tout état de cause, une pratique irrégulière ne saurait créer une confiance légitime. Or, la validation, par le président de la Cour des comptes, des ordres de mission émis par M. Pinxten aurait été fondée sur des informations ne permettant pas de comprendre que ceux-ci ne concernaient pas des tâches relatives à l’exercice de ses fonctions. Le consentement de ce président aurait ainsi été vicié par les omissions volontaires ou le dol de la part de M. Pinxten.

343    M. Pinxten conclut au rejet du premier grief.

344    Il se prévaut, en premier lieu, des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

345    Il fait valoir, à cet égard, que les normes applicables, jusqu’à l’année 2018, au sein de la Cour des comptes ne définissaient pas les notions de « mission », d’« exercice des fonctions » ou encore « d’intérêt de la Cour des comptes ». Le seul texte utile à cette date aurait été les commentaires relatifs à l’article 4 de la décision no 33‑2004, lesquels montreraient que l’exercice des fonctions doit être appréhendé de manière large.

346    En outre, M. Pinxten aurait systématiquement communiqué au président de la Cour des comptes les informations exigées par la décision no 1‑2003. Il l’aurait aussi informé de son recours à un chauffeur pour des raisons de santé, concrétisé par la déclaration de « missions sans indemnités ». Il aurait, de surcroît, répondu à toutes les questions qui ont pu lui être adressées par les services de la Cour des comptes. Au regard de la pratique transparente qu’il aurait ainsi suivie, il ne saurait être tenu responsable des carences du contrôle de ces services qui ne lui ont pas permis de déceler d’éventuelles erreurs.

347    Dans ce contexte, M. Pinxten aurait reçu, à travers les autorisations accordées et la pratique de la Cour des comptes, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources fiables, pendant plus de dix ans, créant l’attente légitime que les paiements opérés étaient réguliers. Le recours de la Cour des comptes méconnaîtrait donc le principe de protection de la confiance légitime.

348    En second lieu, les appréciations portées par la Cour des comptes dans le cadre de son premier grief seraient entachées d’une série d’erreurs manifestes.

349    La Cour des comptes aurait ainsi, à la suite de l’OLAF, remis en cause l’objet de nombreuses missions et se serait fondée sur ce qu’elle considère être l’« objet réel » de ces missions, sans fournir d’explications quant aux pièces qui justifiaient son approche.

350    M. Pinxten fait valoir, en particulier, qu’il n’a jamais exercé d’activité politique pendant ses mandats de membre de la Cour des comptes. Il aurait rencontré des membres du parti politique en cause en tant que membre de la Cour des comptes et en vue, notamment, d’assurer la promotion des travaux de cette institution. De même, les missions exercées au sein de la SBNL-V auraient contribué à faire connaître les travaux de la Cour des comptes auprès des parties prenantes.

351    S’agissant des parties de chasse, M. Pinxten indique que ses missions au château de Chambord (France) se plaçaient dans le cadre de journées européennes réunissant des personnalités européennes de premier plan. De manière plus générale, la circonstance qu’une réunion officielle soit accompagnée d’éléments plus informels ne saurait remettre en cause son lien avec les fonctions d’un membre de la Cour des comptes.

352    La mission à Crans-Montana aurait été autorisée par le président de la Cour des comptes sans exiger aucune information complémentaire. Elle aurait permis à M. Pinxten de participer au « Forum de Crans-Montana », dont l’objet serait de réunir des personnalités de premier plan pour des discussions d’ordre général. Le défendeur aurait d’ailleurs appris l’existence de ce forum par le président de la Cour des comptes.

353    Le voyage à Cuba aurait également été justifié, avec l’accord du président de la Cour des comptes, par la volonté de rencontrer des acteurs locaux, sachant que la nature du régime cubain aurait imposé de prendre des contacts une fois sur place. L’organisation du voyage aurait, en outre, été compliquée par le manque de coopération de la délégation de l’Union à Cuba.

354    Les visites médicales, pour lesquelles il n’aurait perçu aucune indemnité, feraient partie des cas, visés à l’article 4 de la décision no 33‑2004, dans lesquels le recours à un chauffeur est autorisé.

355    Par ailleurs, M. Pinxten apporte des précisions détaillées concernant une série de missions dont l’objet aurait été décrit de manière incorrecte dans la requête ou au sujet desquelles la Cour des comptes aurait formulé des allégations de fait inexactes.

356    Quant aux frais de représentation et de réception, M. Pinxten souligne, en se fondant sur la décision no 7-2004 et sur des communications de la Cour des comptes, qu’il était dans l’intérêt de cette institution que ses membres nourrissent des contacts avec des acteurs de premier plan. Aucune règle n’aurait interdit que des activités de représentation soient dirigées vers des personnes déjà connues, seuls les amis personnels et les membres de la famille devant être invités de façon privée.

357    Il s’oppose à cet égard à l’approche défendue par la Cour des comptes selon laquelle les activités de représentation incombaient uniquement à son président. Cette approche ne correspondrait pas à la pratique de cette institution ou à ses objectifs stratégiques et ne serait pas cohérente avec le fait que ses membres soient autorisés à exposer des frais de représentation.

358    Les missions ordonnées aux chauffeurs par M. Pinxten seraient soit liées aux missions de ce dernier, soit justifiées par l’article 4 de la décision no 33-2004 et par l’article 4 de la décision no 19-2009. L’administration de la Cour des comptes aurait d’ailleurs été parfaitement informée des activités des chauffeurs concernés.

2)      Appréciation de la Cour

359    À titre liminaire, il importe de relever que le premier grief porte sur plusieurs centaines de reproches distincts relatifs à autant de situations de fait dans lesquelles les ressources de la Cour des comptes ont, selon cette dernière, été engagées de manière abusive à la demande de M. Pinxten.

360    Dans ces conditions, en vue de permettre une analyse complète de ces reproches d’une manière intelligible par les parties, ceux-ci seront identifiés en se référant à la numérotation établie par la Cour des comptes, à des fins de recouvrement, qui est proposée dans le tableau figurant à l’annexe A.47 de la requête et reprise dans le tableau figurant à l’annexe C.1 du mémoire en réplique.

361    Il convient de rappeler, à cet égard, qu’il incombe à la Cour de se prononcer sur le premier grief, sur la base des éléments de preuve mis à sa disposition et au regard des critères établis à l’article 286, paragraphe 6, TFUE, en vue de déterminer si les irrégularités alléguées sont susceptibles d’être qualifiées de violation des obligations découlant de la charge de membre de la Cour des comptes au sens de cette disposition.

362    Partant, bien que la Cour des comptes ait adressé à M. Pinxten, le 11 avril 2019, une décision portant constatation de créance et de recouvrement relative aux irrégularités alléguées qui font l’objet du premier grief, la position adoptée par la Cour, dans le cadre de la présente procédure, sur ce grief ne porte pas sur la détermination de sommes dont M. Pinxten serait éventuellement redevable et est donc sans préjudice de l’appréciation qui devra être portée sur cette décision dans le cadre du recours en annulation contre celle-ci introduit, devant le Tribunal de l’Union européenne, par M. Pinxten.

363    Avant d’examiner successivement les reproches de la Cour des comptes se rapportant, premièrement, aux frais de mission et aux indemnités journalières, deuxièmement, aux frais de représentation et de réception ainsi que, troisièmement, à l’utilisation de la voiture de fonction et au recours au service d’un chauffeur, il convient d’apprécier l’argument de M. Pinxten selon lequel le premier grief méconnaît le principe de protection de la confiance légitime.

i)      Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

364    Il y a lieu de souligner que, même si M. Pinxten se prévaut formellement tant du principe de sécurité juridique que de celui de protection de la confiance légitime, son argumentation se rapporte en réalité exclusivement au second de ces principes, comme le confirme d’ailleurs la reformulation de cette argumentation figurant dans le mémoire en duplique.

365    Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime suppose que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont été fournies à l’intéressé par les autorités compétentes de l’Union (arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 144 ainsi que jurisprudence citée).

366    L’applicabilité de ce principe doit, d’emblée, être écartée en ce qui concerne les ressources engagées par la Cour des comptes au titre des frais de représentation et de réception ainsi que de l’utilisation de la voiture de fonction et du recours au service d’un chauffeur.

367    D’une part, conformément à la jurisprudence de la Cour, des paiements tels que ceux opérés au titre des frais de représentation et de réception ne sauraient, en l’absence de tout autre élément pertinent et même lorsqu’une longue période s’est écoulée entre ces paiements et la remise en cause de leur régularité, faire naître, au regard de leur bénéficiaire, une confiance légitime dans le fait que lesdits paiements ne pouvaient plus être remis en cause (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 79).

368    Or, la pratique de la Cour des comptes consistant à procéder au remboursement de frais de représentation et de réception, sur la base des éléments fournis par M. Pinxten, sans solliciter davantage d’informations et sans contester le bien-fondé de ses demandes de remboursement, ne saurait suffire à établir que cette institution a fourni à celui-ci des assurances précises, inconditionnelles et concordantes quant à la régularité de ces demandes.

369    D’autre part, l’utilisation, par M. Pinxten, de sa voiture de fonction ou le recours au service d’un chauffeur n’a fait l’objet d’aucune décision explicite de la Cour des comptes et il n’a été fait état devant la Cour d’aucune autre forme de prise de position spécifique de la Cour des comptes quant à la pratique devant être suivie par M. Pinxten à cet égard.

370    Partant, à supposer que la Cour des comptes ait laissé perdurer en la matière, comme le soutient M. Pinxten, des pratiques dont elle ne pouvait ignorer l’existence, cette circonstance ne saurait, en tout état de cause, suffire à établir que cette institution a fourni à celui-ci des assurances précises, inconditionnelles et concordantes à ce propos.

371    En revanche, les ordres de mission émis explicitement, à la demande de M. Pinxten, par le président de la Cour des comptes constituent des assurances suffisantes, au sens de la jurisprudence citée au point 365 du présent arrêt, pour que celui-ci puisse, en principe, fonder une confiance légitime dans la régularité des missions concernées.

372    Cela étant, il importe, tout d’abord, de relever qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’un justiciable ne saurait se prévaloir d’une confiance légitime dans le maintien d’une situation caractérisée par une fraude (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2017, Santogal M-Comércio e Reparação de Automóveis, C‑26/16, EU:C:2017:453, point 76 et jurisprudence citée).

373    Ensuite, au regard de l’obligation incombant aux membres de la Cour des comptes, ainsi qu’il ressort du point 241 du présent arrêt, d’observer scrupuleusement les obligations de déclaration prévues par les normes adoptées par la Cour des comptes en vue d’assurer une information complète de cette institution quant aux demandes visant à engager les ressources de ladite institution, un ordre de mission émis sur la base d’une demande omettant des informations essentielles pour permettre au président de la même institution d’apprécier la régularité de la mission en cause ne saurait, même en l’absence de fraude, fonder la confiance légitime du membre concerné dans cette régularité.

374    Enfin, le principe de protection de la confiance légitime ne peut pas être invoqué par une personne qui s’est rendue coupable d’une violation manifeste de la réglementation en vigueur (arrêts du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas, C‑96/89, EU:C:1991:213, point 30 ainsi que du 14 juillet 2005, ThyssenKrupp/Commission, C‑65/02 P et C‑73/02 P, EU:C:2005:454, point 41 et jurisprudence citée).

375    Il s’ensuit, premièrement, que M. Pinxten ne peut pas se prévaloir d’une confiance légitime fondée sur des ordres de mission obtenus de manière frauduleuse ou, même en l’absence d’intention frauduleuse établie, sur des ordres de mission émis par le président de la Cour des comptes sur la base d’une demande omettant des informations essentielles pour permettre à celui-ci d’apprécier la régularité de la mission en cause.

376    Pour autant, contrairement à ce que soutient la Cour des comptes, il ne saurait être considéré que les autorisations octroyées à M. Pinxten qui sont remises en cause dans le cadre du premier grief ont systématiquement été accordées sur la base de telles informations. Au contraire, il ressort du dossier dont dispose la Cour que de nombreuses demandes d’autorisation de missions décrivaient de manière claire et transparente un objet que la Cour des comptes considère désormais comme étant, en tant que tel, irrégulier.

377    Deuxièmement, dans les cas où un ordre de mission émis par le président de la Cour des comptes, à la demande de M. Pinxten, est manifestement irrégulier, sans pour autant avoir été obtenu de manière frauduleuse ou sur la base d’une demande comprenant des informations incomplètes, le principe de protection de la confiance légitime ne saurait exclure la possibilité, pour la Cour, de constater que M. Pinxten, en sollicitant cette autorisation, puis en s’en prévalant pour obtenir un paiement, a violé les obligations découlant de sa charge.

378    Une telle approche découle d’ailleurs de l’obligation des membres de la Cour des comptes, rappelée au point 239 du présent arrêt, d’observer les normes les plus rigoureuses en matière de comportement.

379    En effet, lorsque l’irrégularité d’une mission apparaît de manière manifeste, elle ne pouvait pas raisonnablement avoir été ignorée de M. Pinxten. Ce dernier ne pouvait, dans de telles conditions, solliciter une autorisation ou s’en prévaloir sans chercher, de fait, à profiter d’une tolérance existante pour des pratiques irrégulières ou des carences du contrôle pratiqué au sein de la Cour des comptes.

380    En revanche, au regard des considérations qui précèdent, la Cour des comptes ne saurait valablement, aux fins de la présente procédure, reprocher à M. Pinxten d’avoir bénéficié du paiement de frais de mission ou d’indemnités journalières au titre d’une mission autorisée par le président de la Cour des comptes, sur la base d’une demande qui ne présentait pas un caractère frauduleux et qui n’omettait pas d’information essentielle, et dont l’irrégularité n’apparaît pas de manière manifeste.

381    Dans ces conditions, la question de savoir si les ordres de mission émis, à la demande de M. Pinxten, par le président de la Cour des comptes étaient de nature à fonder une confiance légitime de l’intéressé dans la régularité des missions concernées doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas, fondée, notamment, sur la comparaison du motif annoncé dans la demande d’autorisation et de l’objet réel de la mission, tel qu’il résulte des preuves présentées à la Cour. Cette appréciation se confond avec l’examen au fond du premier grief invoqué par la Cour des comptes.

382    Par ailleurs, si M. Pinxten se prévaut également de l’imprécision des règles applicables aux membres de la Cour des comptes, cet argument ne saurait justifier le rejet du premier grief dans son ensemble.

383    Certes, il y a lieu de constater que les règles applicables aux situations qui font l’objet du premier grief sont marquées par une certaine indétermination tenant, notamment, à l’absence de précision quant aux situations dans lesquelles une mission peut être autorisée, aux pièces devant être fournies à l’appui d’une demande d’autorisation de mission ou encore aux conditions dans lesquelles une invitation adressée à un tiers peut être reliée à la qualité de membre de la Cour des comptes, en particulier en ce qui concerne les motifs de représentation admissibles et les éléments devant être produits pour justifier la réalité du motif invoqué.

384    Cette indétermination implique que les organes compétents de la Cour des comptes disposaient d’une large marge d’appréciation pour déterminer si le paiement de frais de mission, d’indemnités journalières ou de frais de représentation et de réception était justifié.

385    La Cour devra donc tenir compte, au cas par cas, lorsqu’elle apprécie la régularité du comportement de M. Pinxten ou, a fortiori, le caractère manifestement irrégulier de ce comportement, de cette marge d’appréciation.

386    En revanche, l’indétermination relative des règles pertinentes ne saurait suffire à établir, de manière générale, que les allégations de la Cour des comptes relatives à l’usage abusif de ses ressources par M. Pinxten ne sont pas fondées.

ii)    Sur les frais de mission et les indemnités journalières

387    À l’époque des faits sur lesquels porte le présent recours, le régime des frais de mission et des indemnités journalières était prévu, dans le cadre posé aux articles 285 à 287 TFUE, à l’article 7 du règlement no 2290/77, qui prévoyait le remboursement de ces frais et le paiement de ces indemnités lorsque le membre concerné de la Cour des comptes était appelé, dans l’exercice de ses fonctions, à se déplacer hors du lieu de travail de cette institution.

388    S’agissant des fonctions incombant aux membres de la Cour des comptes, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 285 TFUE, la mission première de cette institution est d’assurer le contrôle des comptes de l’Union. À cet effet, elle est appelée, conformément à l’article 287, paragraphes 1 et 2, TFUE, à examiner la légalité et la régularité de la totalité des recettes et des dépenses de l’Union et de s’assurer d’une bonne gestion financière.

389    Le régime applicable aux frais de mission et aux indemnités journalières était précisé par la décision no 1‑2003.

390    L’article 1er de cette décision énonçait, d’une part, que les ordres de mission devaient être sollicités le plus tôt possible et, d’autre part, que l’ordonnateur compétent pour les frais de mission des membres était le président de cette institution.

391    L’article 3 de ladite décision autorisait les déplacements en voiture de service dans le cadre d’une mission, alors que les articles 5 et 6 de la même décision prévoyaient, respectivement, le remboursement des frais de mission et le paiement d’indemnités journalières.

392    Partant, une demande de remboursement de frais de mission ou de paiement d’indemnités journalières doit être considérée comme étant irrégulière s’il est établi que l’activité effectivement menée sous couvert de l’ordre de mission en cause ne peut pas être rattachée à l’exercice des fonctions de M. Pinxten. Au vu des considérations figurant aux points 371 à 381 du présent arrêt, cette irrégularité pourra être prise en compte aux fins de la présente procédure soit lorsque l’ordre de mission a été obtenu de façon frauduleuse ou sur la base d’une demande omettant une information essentielle, soit lorsque l’absence de lien entre cette activité et ces fonctions présente un caractère manifeste.

393    Il convient encore, avant d’apprécier de manière détaillée la régularité de chacune des missions qui font l’objet du premier grief, d’examiner l’argument de la Cour des comptes selon lequel M. Pinxten aurait reconnu, lors de son audition par l’OLAF, que l’ensemble des missions présentées explicitement, dans les demandes d’ordre de mission, comme étant des « missions sans indemnités » étaient dépourvues de tout lien avec ses fonctions.

394    Il ressort du procès-verbal de cette audition que M. Pinxten a uniquement déclaré qu’il recourrait à une telle présentation de ces demandes, dans un souci de transparence, quand une mission « avait un objectif lié à [sa] fonction mais également un aspect privé » ou quand il éprouvait « un doute sur l’opportunité » de la mission en fonction de l’objet et de l’importance de l’activité en cause.

395    Dès lors que cette position a été réitérée devant la Cour, il y a lieu d’examiner les missions présentées explicitement par M. Pinxten comme étant des « missions sans indemnités » de la même manière que les autres missions qui font l’objet du premier grief.

–       Sur le séjour à Crans-Montana

396    Il est constant que M. Pinxten a résidé dans la station de montagne de Crans-Montana, avec son épouse, du 22 au 25 août 2013, afin de participer aux sessions d’été du « Forum de Crans-Montana », dans le cadre de la mission visée à la ligne no 252.

397    Cette mission a justifié le remboursement de frais d’inscription et d’hôtel ainsi que le paiement d’indemnités journalières, les frais propres au séjour de l’épouse de M. Pinxten n’ayant pas été acquittés par la Cour des comptes.

398    La demande d’autorisation de ladite mission indiquait que celle‑ci visait à participer aux sessions d’été du « Forum de Crans-Montana », une organisation non gouvernementale suisse. Cette demande était accompagnée d’une brève note interne, signée par M. Pinxten, qui précisait que ces sessions constituaient une occasion de discuter des questions actuelles de la politique internationale avec des dirigeants venus du monde entier. L’ordre de mission a été émis sur la base de ces éléments, sans solliciter d’informations supplémentaires relatives, par exemple, au programme de cet événement.

399    À cet égard, il y a certes lieu de relever que la circonstance qu’une mission permette la participation d’un membre de la Cour des comptes à un événement qui comprend, de manière accessoire, une activité pouvant relever du tourisme ou des loisirs n’implique pas nécessairement que cette mission est dénuée de lien avec les fonctions de ce membre lorsque cet événement est néanmoins principalement centré sur des activités d’ordre professionnel.

400    Cependant, l’événement en cause était décrit par ses organisateurs, dans un prospectus produit par la Cour des comptes, comme étant entièrement consacré aux contacts, à l’amitié, à de plaisantes randonnées et à des rencontres informelles. Cette description est confirmée par le programme détaillé de cet événement, qui comprend uniquement des activités de loisirs, en particulier des randonnées et une soirée animée.

401    Un courriel des organisateurs dudit événement, daté du 29 mai 2013, indique également que les sessions d’été du « Forum de Crans-Montana » présentent un caractère informel qui les distinguent des autres sessions de ce forum.

402    En outre, si M. Pinxten soutient devant la Cour que ces sessions d’été présentaient une véritable dimension professionnelle, celui-ci ne produit pas d’éléments de preuve permettant d’appuyer cette allégation.

403    Partant, le seul fait que la participation auxdites sessions d’été puisse éventuellement favoriser des rencontres et des échanges avec des responsables internationaux, ce qui n’a au demeurant pas été démontré, n’est pas de nature à établir l’existence d’un lien réel entre la mission en cause et les fonctions de M. Pinxten.

404    Cette mission doit, dès lors, être considérée comme étant manifestement irrégulière.

405    Dans ces conditions, la circonstance que le président de la Cour des comptes ait transmis aux membres de cette institution des informations relatives au « Forum de Crans-Montana », ce que cette institution ne conteste pas, est indifférente, dès lors qu’elle est susceptible, tout au plus, d’indiquer que ladite mission a été autorisée par ladite institution en pleine connaissance de cause, ce qui ne saurait suffire, conformément à la jurisprudence rappelée au point 374 du présent arrêt, à fonder une confiance légitime de M. Pinxten susceptible de s’opposer à la prise en compte de son irrégularité manifeste aux fins de la présente procédure.

–       Sur le séjour à Cuba

406    Il n’est pas contesté que M. Pinxten a séjourné à Cuba, avec son épouse, du 30 mars au 14 avril 2015, ce qui a justifié, au titre de la mission visée à la ligne no 343, le remboursement, notamment, de frais de transport et de logement ainsi que le paiement d’indemnités journalières, les frais propres au séjour de l’épouse de M. Pinxten n’ayant pas été acquittés par la Cour des comptes.

407    Cette mission a été autorisée par la Cour des comptes à la suite de la remise, par M. Pinxten, d’un complément d’informations demandé par le président de cette institution, dont il ressortait que l’objectif de ladite mission était de recueillir des informations sur les relations entre l’Union et Cuba, à travers des contacts avec la société civile locale et des visites à des projets financés par l’Union.

408    Il y a lieu de déterminer si les éléments de preuve dont dispose la Cour permettent d’établir le bien-fondé de l’allégation de la Cour des comptes selon laquelle le séjour de M. Pinxten à Cuba a été effectué à des fins essentiellement privées.

409    À cet égard, il ressort d’un programme établi par le cabinet de M. Pinxten et saisi par l’OLAF que le séjour en cause était dédié, de manière presque exclusive, à des activités de tourisme.

410    Les seuls éléments de ce programme qui pourraient éventuellement être rattachés aux fonctions exercées par M. Pinxten étaient constitués par une rencontre avec l’ambassadeur de l’Union à Cuba, le 31 mars 2015, un déjeuner avec cet ambassadeur en présence du responsable du programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et de l’ambassadeur du Royaume de Belgique à Cuba, le 2 avril 2015, ainsi qu’une rencontre avec ce dernier ambassadeur, le 3 avril 2015.

411    Les informations fournies à l’OLAF par l’ambassadeur de l’Union à Cuba indiquent cependant que le déjeuner du 2 avril 2015 avait été organisé par pure courtoisie et qu’il ne s’agissait pas d’un déjeuner de travail. Cet ambassadeur a également précisé que le séjour de M. Pinxten ne pouvait, en tout état de cause, pas être considéré comme étant de nature professionnelle, dès lors qu’il est exclu de réaliser un tel séjour à Cuba en étant muni d’un visa touristique.

412    Ce dernier élément a été confirmé à l’OLAF par un autre membre de la délégation de l’Union à Cuba, qui a, en outre, précisé que M. Pinxten n’avait pas tenu compte d’avertissements reçus quant aux dates inappropriées de son séjour et que les discussions menées avec celui-ci étaient dépourvues de tout caractère technique.

413    Or, il y a lieu de constater que M. Pinxten reste en défaut de contester utilement les preuves présentées par la Cour des comptes en vue d’établir que son séjour à Cuba était dédié, de manière presque exclusive, à des activités de tourisme ou, a fortiori, de soumettre à la Cour d’autres pièces susceptibles d’appuyer sa position, selon laquelle son séjour à Cuba avait effectivement un objet lié à ses fonctions.

414    En particulier, s’il se réfère à la qualité des différents responsables avec lesquels il a pu avoir des échanges au cours de ce séjour, il apparaît que ces personnes ont, pour la plupart, été rencontrées lors du déjeuner à l’ambassade de l’Union à Cuba, lequel, ainsi qu’il ressort du point 411 du présent arrêt, ne présentait pas le caractère d’un déjeuner de travail.

415    La fiabilité des informations fournies sur ce point par M. Pinxten est d’ailleurs d’autant plus réduite que, parmi les responsables cités, figure un « homme d’affaires » qui est, en réalité, le propriétaire du logement loué par M. Pinxten au cours de son séjour.

416    En ce qui concerne la circonstance, invoquée par M. Pinxten dans une note remise après sa mission au président de la Cour des comptes, selon laquelle certaines visites ont dû être annulées à la dernière minute, cette allégation n’est pas de nature à expliquer l’absence d’une réelle dimension professionnelle de son séjour à Cuba.

417    D’une part, il ressort des éléments du dossier relatifs à la préparation de ce séjour que celui-ci était envisagé, à l’origine, comme un séjour purement touristique.

418    Il importe notamment de mentionner, à cet égard, des courriels adressés, les 28 et 29 janvier 2015, par l’assistante de M. Pinxten à l’ambassadeur de l’Union à Cuba, dans lesquels celle-ci précise que M. Pinxten souhaite prendre des renseignements en vue d’un voyage privé dans ce pays qu’il n’a jamais visité, sans mentionner aucunement une quelconque finalité professionnelle du séjour envisagé.

419    D’autre part, les démarches entreprises avant le voyage à Cuba pour organiser des activités susceptibles d’être liées aux fonctions de M. Pinxten au sein de la Cour des comptes ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère privé de son séjour dans ce pays.

420    En particulier, il apparaît que ces démarches ont été accomplies très tardivement, ce qui est difficilement compatible avec l’organisation d’une mission d’étude dans un pays tiers, tel que Cuba, où l’intéressé entendait se rendre pour la première fois. Il ressort ainsi des courriels dont dispose la Cour que le PNUD n’a été contacté que le 18 mars 2015 et qu’aucun programme officiel n’était fixé le 19 mars 2015, soit moins de deux semaines avant le départ de M. Pinxten pour Cuba.

421    En outre, tant les ambassadeurs de l’Union et du Royaume de Belgique à Cuba que les agents du PNUD dans ce pays avaient clairement indiqué à M. Pinxten, dans des courriels produits par la Cour des comptes, qu’il était difficile d’envisager de combiner des activités d’ordre tant professionnel que touristique dans ledit pays, que toute visite officielle devait être notifiée par avance aux autorités cubaines et réalisée en étant muni d’un visa approprié et qu’il était très improbable de pouvoir rencontrer des responsables cubains dans un cadre informel.

422    M. Pinxten ne peut donc pas valablement prétendre qu’il ignorait, lors de son départ pour Cuba, que son séjour dans ce pays tiers n’était pas réellement de nature à permettre la réalisation d’activités liées à ses fonctions de membre de la Cour des comptes.

423    Au vu de l’ensemble de ces éléments, bien que l’absence de contrôle supplémentaire ex ante et ex post pour une mission engageant des fonds importants mérite d’être relevée, il n’en demeure pas moins que les éléments fournis à la Cour des comptes avant et après la mission visée à la ligne no 343 étaient largement trompeurs, quant à l’objet réel du séjour de M. Pinxten à Cuba, et que cette mission doit être considérée comme étant irrégulière, en tant que ce séjour était dénué de lien avec les fonctions de M. Pinxten.

424    Il s’ensuit qu’il y a également lieu de juger irrégulière la mission mentionnée à la ligne no 341, qui avait pour objet de rencontrer diverses personnalités en vue de préparer le séjour à Cuba.

–       Sur les relations entretenues avec des responsables et des mouvements politiques

425    De nombreuses missions de M. Pinxten ayant conduit au remboursement de frais de mission ou au paiement d’indemnités journalières qui sont dénoncées par la Cour des comptes comme étant irrégulières, dans le cadre du premier grief, se rapportaient à des rencontres avec des responsables politiques.

426    En vue de statuer sur ces missions, il est nécessaire de déterminer si de telles rencontres pouvaient, en principe, constituer l’objet de missions des membres de la Cour des comptes.

427    À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 387 du présent arrêt, la législation de l’Union applicable à l’époque des faits visés par le présent recours prévoyait que les missions des membres de la Cour des comptes devaient se rapporter à des déplacements « dans l’exercice des fonctions » de ces membres.

428    Or, il y a lieu de considérer que, comme le soutient M. Pinxten, l’exercice des fonctions d’un membre de la Cour des comptes peut comprendre des activités protocolaires, visant notamment à faire connaître et à promouvoir les travaux de celle-ci ainsi qu’à entretenir, dans l’intérêt de l’institution, des relations avec des responsables de premier plan.

429    De telles activités protocolaires peuvent concerner plus fréquemment les responsables issus du même État membre que le membre concerné de la Cour des comptes, en raison notamment de l’existence éventuelle de contacts antérieurs à l’entrée en fonction de celui-ci, de facilités pratiques, notamment d’ordre linguistique, ou encore d’une meilleure connaissance des enjeux nationaux qui peuvent entourer la réception des travaux de la Cour des comptes.

430    La Cour des comptes disposait d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer dans quelle mesure et dans quelles conditions des missions de ses membres se rapportant à des rencontres avec des responsables politiques pouvaient être autorisées en vue d’assurer la réalisation de telles activités protocolaires, pour autant que de telles missions n’aient pas pour objet réel de mener une activité politique, laquelle est, ainsi qu’il ressort du point 272 du présent arrêt, incompatible avec les fonctions d’un membre de la Cour des comptes.

431    S’il ressort du point 383 du présent arrêt que les règles internes de la Cour des comptes relatives aux missions de ses membres ne comportaient pas de décision claire arrêtée par cette institution à ce sujet, des indications utiles quant à la doctrine suivie au sein de cette institution peuvent être déduites des règles relatives aux frais de représentation et de réception.

432    En effet, l’importance que la Cour des comptes accordait aux relations entretenues par ses membres avec des responsables politiques transparaît de la note du 22 avril 2004, laquelle précisait que « les membres représentent la Cour [des comptes] notamment lorsqu’ils entretiennent, dans l’intérêt de la Cour [des comptes], des relations professionnelles avec des personnes exerçant des fonctions au sein de l’Union [...], des États membres ou d’autres pays ».

433    De même, tant la stratégie 2013-2017 de la Cour des comptes que sa stratégie de communication et de relations avec les parties prenantes adoptée le 12 décembre 2013 faisaient état de la nécessité, pour la Cour des comptes, d’assurer des relations avec différents acteurs dont les autorités politiques nationales et européennes en charge du contrôle de l’utilisation des fonds de l’Union. Le second de ces documents énonçait, de surcroît, que les relations avec les parlements nationaux devaient être assurées par les membres et leur cabinet.

434    La pratique suivie par la Cour des comptes en ce qui concerne les missions de M. Pinxten confirme que celle-ci avait exercé sa marge d’appréciation dans le sens de l’admission, en principe, d’un lien entre les missions destinées à rencontrer des responsables politiques nationaux et les fonctions de ses membres.

435    Tout d’abord, au cours de ses deux mandats, plusieurs dizaines de missions de M. Pinxten ont été autorisées alors que leur seul objet était de rencontrer un responsable politique belge.

436    Ensuite, lors du premier réexamen des missions de M. Pinxten assuré par les services de la Cour des comptes avant l’enquête de l’OLAF, ces missions n’ont aucunement été identifiées comme des missions potentiellement problématiques devant faire l’objet de justifications supplémentaires.

437    Enfin, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, en dehors des missions qui sont dénoncées comme étant irrégulières dans le cadre du premier grief, d’autres missions de M. Pinxten ayant pour objet de rencontrer des personnalités politiques belges demeurent, du point de vue de la Cour des comptes, tout à fait régulières.

438    Au vu de ce qui précède, les missions autorisées, de manière transparente, en vue de rencontrer des responsables politiques ne sauraient, de manière générale, être considérées comme étant, du fait de leur objet, manifestement irrégulières.

439    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argument de la Cour des comptes selon lequel la représentation de cette institution était assurée par son président et par ses membres chargés des relations institutionnelles et du contrôle de qualité de l’audit.

440    D’une part, cet argument est directement contredit par les documents émis par cette institution mentionnés au point 433 du présent arrêt. D’autre part, ledit argument n’est pas non plus cohérent avec le fait que la décision no 7‑2004 prévoyait que l’ensemble des membres de ladite institution peuvent bénéficier des frais de représentation et de réception encourus en leur qualité de membre.

441    Par conséquent, il y a lieu d’apprécier si les explications et les preuves présentées par la Cour des comptes établissent, pour chacune des missions dont l’objet se rapportait à une rencontre avec un responsable politique, un motif permettant de considérer que la mission en cause ne visait pas un objectif protocolaire légitime.

442    Dans cette perspective, il apparaît, en premier lieu, que plusieurs missions présentées par M. Pinxten comme ayant pour objet de rencontrer des responsables politiques belges peuvent être directement reliées à l’activité politique de celui-ci incompatible avec ses fonctions, dont la réalité a été constatée lors de l’examen du quatrième grief, en tant qu’elles visaient, en réalité, à lui permettre de participer à une réunion du bureau du parti politique en cause.

443    De telles missions, qui ont été autorisées sur le fondement de demandes omettant des informations essentielles et qui étaient, en réalité, liées à une activité incompatible avec les fonctions d’un membre de la Cour des comptes, ne sauraient être regardées comme étant régulières.

444    Un constat de cet ordre peut être opéré pour les missions visées aux lignes nos 54, 60, 61, 70, 81, 84, 85, 88 et 94, dès lors que la Cour des comptes produit des procès-verbaux attestant de la présence de M. Pinxten à des réunions du bureau du parti politique en cause au cours de ces missions, réunions dont les demandes d’autorisation de mission ne faisaient toutefois pas état.

445    La circonstance que la mission visée à la ligne no 94 avait pour objet non seulement de rencontrer des personnalités politiques belges, mais également de participer à une réunion au Parlement européen ne saurait établir la régularité de cette mission, dans la mesure où les procès-verbaux dressés respectivement par le parti politique en cause et par le Parlement européen établissent que M. Pinxten n’a participé qu’à la réunion organisée par ce parti.

446    Les missions mentionnées aux lignes nos 95, 396, 410, 413 et 414 doivent également être considérées comme ayant eu pour objet réel de permettre à M. Pinxten de participer à des réunions du bureau du parti politique en cause, au regard des indications figurant dans l’agenda de M. Pinxten et dans des courriels échangés avec des responsables de ce parti. Il en va de même pour les missions visées aux lignes nos 299 et 369, sur la seule base des mentions claires pouvant être relevées dans cet agenda.

447    Bien qu’elles n’aient pas pour objet annoncé de rencontrer une personnalité politique belge, plusieurs missions doivent, par analogie, être mentionnées ici, en tant qu’elles ont permis la participation de M. Pinxten aux réunions du bureau du parti politique en cause et doivent, pour ce motif, être considérées comme étant, pour partie, irrégulières.

448    Tel est le cas des missions visées aux lignes nos 39, 45 et 86. Alors que ces trois missions avaient pour objet annoncé de rencontrer des opérateurs économiques privés ou des responsables associatifs, la Cour dispose de procès-verbaux de réunions du bureau du parti politique en cause faisant état de la présence de M. Pinxten à ces réunions aux dates correspondant à celles desdites missions.

449    De même, la mission mentionnée à la ligne no 68, même si elle portait également sur une activité de représentation dont la régularité n’est pas contestée, doit être considérée comme étant partiellement irrégulière, en tant que M. Pinxten a participé, pendant le temps dévolu à cette mission, à une réunion du bureau du parti politique en cause, ainsi qu’en atteste le procès-verbal de cette réunion.

450    En deuxième lieu, une série de missions effectuées par M. Pinxten visaient à participer à des activités ou à des réceptions organisées par le parti politique en cause autres que les réunions de son bureau.

451    Ainsi, au regard des invitations reçues par M. Pinxten et des mentions figurant dans son agenda, il apparaît que, sous couvert de motifs officiels tirés de rencontres avec des personnalités politiques belges, les missions visées aux lignes nos 120, 175, 221 et 365 visaient à participer aux journées parlementaires du parti politique en cause, les missions mentionnées aux lignes nos 207, 298 et 381 ainsi que, pour partie, la mission citée à la ligne no 229, aux réceptions de Nouvel An de ce parti, la mission visée à la ligne no 258 à la visite d’une ville destinée aux membres dudit parti, ou encore les missions mentionnées aux lignes nos 260 et 289, respectivement, à une journée d’étude et à un congrès du même parti.

452    Des activités du même ordre ont, en outre, parfois été menées sur la base d’autres motifs que la rencontre de personnalités politiques belges.

453    Ainsi, il ressort, tout d’abord, de l’agenda de M. Pinxten que la mission no 69, présentée comme visant à participer à un « congrès », se rapportait au congrès du parti politique en cause.

454    Ensuite, si la mission visée à la ligne no 275 était justifiée par une invitation d’une personne dont les fonctions ne sont pas indiquées, une facture produite par la Cour des comptes et une mention dans cet agenda établissent qu’elle avait pour objet réel de participer à un « café politique » organisé par ce parti politique.

455    Enfin, il y a lieu de constater, sur la base dudit agenda et d’un courriel d’une assistante de M. Pinxten daté du 25 juillet 2017, que, sous couvert d’une invitation du groupe politique ALDE au Parlement européen, les missions visées aux lignes nos 308 et 416 visaient à participer aux journées parlementaires du parti politique en cause.

456    Quant à la mission mentionnée à la ligne no 269, dont l’objet officiel était « Invitation formelle, Ministre d’État, Herman de Croo Centrum », celle-ci doit également être rattachée à l’activité politique de M. Pinxten, dès lors que cette mission concernait une visite à une institution qui se présente comme ayant été créée pour rendre hommage à l’ancien président du parti politique en cause.

457    Les missions mentionnées aux points 451 à 456 du présent arrêt doivent être regardées comme étant inséparables de l’activité politique de M. Pinxten qui fait l’objet de la première branche du quatrième grief et comme étant, pour ce motif, manifestement irrégulières.

458    La circonstance que les événements organisés par le parti politique en cause qui font l’objet de certaines de ces missions n’avaient pas, a priori, pour but de discuter de la ligne politique de ce parti, mais présentaient plutôt une dimension festive n’est pas de nature à remettre en cause cette appréciation, dès lors que le lien de ceux-ci avec un mouvement politique au sein duquel il exerçait une activité incompatible avec ses fonctions ne permettait pas à M. Pinxten d’y participer sans méconnaître son obligation d’indépendance.

459    Partant, le fait que certaines desdites missions ont été autorisées sur la base d’une demande décrivant de manière suffisamment transparente leur objet est dépourvu de pertinence aux fins de la présente procédure.

460    En revanche, dans le cas de la mission visée à la ligne no 34, la circonstance que l’agenda de M. Pinxten indique que celui-ci devait participer à la réception du Nouvel An du parti politique en cause le 19 janvier 2009 n’est pas de nature à démontrer que son arrivée à Bruxelles à cette date, alors que cette mission avait pour objet de participer à une réunion du Parlement européen le lendemain matin, était manifestement détachable de l’objet annoncé de ladite mission, dès lors qu’un tel choix pouvait se justifier pour des raisons pratiques.

461    De même, si la Cour des comptes mentionne, à propos de la mission mentionnée à la ligne no 74, la participation de M. Pinxten à une réunion du bureau du parti politique en cause, il ressort de l’ordre de mission que cette mission n’a débuté que plusieurs heures après la tenue de cette réunion.

462    En troisième lieu, d’autres missions ayant pour objet annoncé de rencontrer des responsables politiques belges ne peuvent, au regard du dossier dont dispose la Cour, être reliées à des réunions ou à d’autres activités organisées par le parti politique en cause.

463    Certes, dans la plupart des cas, les responsables politiques mentionnés dans les ordres de ces missions sont présentés par la Cour des comptes, de manière crédible, comme appartenant à ce parti politique.

464    Cependant, les liens étroits constatés entre M. Pinxten et le parti politique en cause ne sauraient suffire, dans le cadre de la présente procédure, pour établir une présomption permettant de déduire systématiquement le caractère manifestement irrégulier d’une mission visant à rencontrer un responsable politique en raison du seul fait que ce dernier est un membre de ce parti politique.

465    En effet, au regard, notamment, du rôle important joué par ledit parti dans la vie politique belge et des relations dont pouvait légitimement disposer M. Pinxten au sein de celui-ci en raison de ses activités antérieures à son entrée en fonction, l’organisation d’un certain nombre de missions protocolaires visant des responsables politiques appartenant au même parti ne saurait être regardée comme dépourvue de plausibilité.

466    Si la Cour des comptes fait valoir devant la Cour qu’elle ignorait l’appartenance partisane de ces responsables politiques avant l’enquête de l’OLAF, cet argument ne saurait suffire à démontrer que les demandes de M. Pinxten revêtaient un caractère frauduleux ou omettaient de mentionner une information essentielle, d’autant plus que les missions en cause concernaient le plus souvent un petit nombre de personnes dont l’appartenance politique était de notoriété publique et que plusieurs de ces missions visaient à rencontrer des responsables politiques explicitement identifiés comme occupant, notamment, les fonctions de « chef de parti ».

467    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Cour des comptes n’a pas satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe dans les cas où elle propose à la Cour de constater l’irrégularité d’une mission en se fondant sur la seule circonstance que le responsable politique visé dans l’ordre de mission en cause était membre du parti politique en cause, sans présenter aucune preuve permettant de démontrer que cette mission ne répondait pas aux critères appliqués au sein de la Cour des comptes, à l’époque pertinente, pour admettre la régularité d’une mission protocolaire.

468    Une telle situation peut être relevée pour une série de missions dans lesquelles M. Pinxten a été autorisé à rencontrer un responsable politique occupant des fonctions de premier plan, qu’il s’agisse d’un membre du Parlement européen, dans les missions visées aux lignes nos 19, 301, 330, 355 et 402, ainsi que, pour partie, dans la mission visée à la ligne no 296, d’un membre d’un gouvernement belge, dans les missions mentionnées aux lignes nos 43, 66, 92, 97, 169, 211, 215, 248, 303, 352 et 395 ainsi que, pour partie, dans les missions citées aux lignes nos 118, 326 et 339, ou encore d’un membre du Parlement belge, dans les missions visées aux lignes nos 41, 59, 171, 203, 204, 208, 211, 238, 313, 331, 334, 336, 346, 354 ainsi que, pour partie, dans la mission mentionnée à la ligne no 326.

469    Cette solution doit aussi s’imposer pour les missions visées aux lignes no 1 et 7, qui visaient à rencontrer un membre d’un cabinet ministériel.

470    S’agissant des missions citées aux lignes no 319 et 320, le membre d’un cabinet ministériel visé dans l’ordre de mission n’est pas décrit par la Cour des comptes comme appartenant au parti politique en cause. Cette institution estime néanmoins que ces missions devraient être rattachées à une activité politique ou privée, du fait de leur lien avec le domaine des transports. Cet élément est toutefois insuffisant pour établir le caractère manifestement irrégulier desdites missions.

471    En quatrième lieu, la logique retenue en ce qui concerne les missions ayant pour objet de rencontrer des responsables politiques occupant des fonctions de premier plan ne saurait être transposée à des missions visant à rencontrer des personnes qui avaient occupé de telles fonctions, mais qui les avaient quittées à la date de la mission en cause, dès lors qu’une telle rencontre doit, sauf circonstances spécifiques, être considérée comme manifestement dépourvue d’intérêt d’ordre protocolaire pour la Cour des comptes.

472    De même, une rencontre avec un responsable politique local doit, sauf circonstances particulières, être considérée comme ne présentant manifestement pas de lien avec l’exercice des fonctions d’un membre de la Cour des comptes.

473    Sur la base de ces critères, et en l’absence de production par M. Pinxten d’éléments de nature à démontrer l’existence de circonstances particulières, les missions visées aux lignes nos 15 et 253 doivent être considérées comme étant manifestement irrégulières, puisqu’il ressort de l’objet même de ces missions, tel que déclaré par M. Pinxten, que celles-ci visaient à rencontrer, respectivement, un ancien ministre et un ancien membre du Parlement belge.

474    En ce qui concerne la mission mentionnée à la ligne no 232, il importe de constater que la qualité de « ministre d’État », qui est attribuée à la personne devant être rencontrée dans le cadre de cette mission, constitue un titre honorifique qui n’implique pas l’exercice actuel d’une fonction politique de premier plan. Le motif d’une telle mission apparaît donc trompeur et celle-ci doit, en tout état de cause, être considérée comme étant manifestement irrégulière.

475    Pareillement, la participation à une réception organisée par la commune d’Overpelt, qui faisait pour partie l’objet de la mission visée à la ligne no 378, doit également être regardée comme étant manifestement dépourvue de lien avec les fonctions d’un membre de la Cour des comptes.

–       Sur les relations avec des responsables d’opérateurs économiques privés

476    Plusieurs des missions ayant conduit au remboursement de frais de mission ou au paiement d’indemnités journalières qui font l’objet du premier grief se rapportaient aux relations entretenues par M. Pinxten avec des responsables d’opérateurs économiques privés.

477    Le régime juridique des missions des membres de la Cour des comptes ayant pour objet de rencontrer de tels responsables doit être distingué de celui des missions se rapportant aux relations entretenues avec des responsables politiques.

478    En effet, dans la mesure où, en application de l’article 285 TFUE, la Cour des comptes a pour fonction d’assurer le contrôle des comptes de l’Union, les relations entretenues avec les opérateurs économiques privés peuvent présenter un intérêt moindre pour cette institution que celles entretenues avec les responsables publics.

479    Ce constat est corroboré par le fait que la note du 22 avril 2004 ne mentionne pas comme suggestion d’usage régulier des frais de représentation et de réception des membres de la Cour des comptes des invitations adressées à des responsables d’opérateurs économiques privés.

480    Les documents destinés à établir la stratégie de communication de la Cour des comptes, cités au point 433 du présent arrêt, ne se réfèrent pas non plus à ces responsables comme constituant des parties prenantes auxquelles cette institution souhaite s’adresser pour assurer la promotion de ses travaux.

481    L’argument de M. Pinxten selon lequel les missions destinées à rencontrer des responsables d’opérateurs économiques privés seraient justifiées par la nécessité d’échanger des idées avec des acteurs du monde économique en vue de nourrir les débats au sein de la Cour des comptes ne saurait, dans ce contexte, établir un lien suffisant avec les fonctions d’un membre de cette institution pour justifier l’engagement des ressources de celle-ci.

482    Par conséquent, bien que la plupart des missions destinées à rencontrer des responsables d’opérateurs privés aient été autorisées par la Cour des comptes sur la base de demandes tout à fait transparentes de M. Pinxten, ce dernier ne pouvait ignorer que, sauf circonstances spécifiques susceptibles d’établir un lien particulier entre les activités respectives de l’opérateur privé concerné et de cette institution, un tel motif n’était manifestement pas de nature à caractériser un lien suffisant avec l’exercice de ses fonctions de membre de ladite institution.

483    Dans ce contexte, il convient, en premier lieu, de considérer comme étant manifestement irrégulières les missions justifiées par une invitation adressée par un responsable d’un opérateur économique privé de dimension multinationale.

484    Cette conclusion s’impose, en particulier, en ce qui concerne les missions visées aux lignes nos 33 et 104, qui étaient liées à des invitations émanant de responsables de groupes industriels, la mission citée à la ligne no 45, qui avait pour objet un déjeuner avec une personne décrite par M. Pinxten comme étant membre de divers conseils d’administration, et la mission mentionnée à la ligne no 325, qui avait pour objet une rencontre avec un dirigeant d’une banque d’affaires.

485    De même, bien que les allégations de la Cour des comptes relatives à l’objet réel des missions visées aux lignes nos 257 et 259 n’apparaissent pas établies au regard du dossier dont dispose la Cour, celles-ci doivent néanmoins être regardées comme étant manifestement irrégulières, en tant qu’elles visaient à répondre aux invitations envoyées, respectivement, par un cabinet international d’avocats et par un opérateur d’électricité.

486    Tel est également le cas de la mission mentionnée à la ligne no 74, qui était justifiée par une invitation d’un responsable d’un groupe d’assurances et qui avait pour objet, au vu des informations découlant de l’agenda de M. Pinxten, d’assister à un concert.

487    Les missions citées aux lignes nos 75 et 307 ainsi que, pour partie, la mission visée à la ligne no 86 doivent aussi être regardées comme étant manifestement irrégulières, en tant qu’elles visaient à rencontrer le dirigeant d’un groupe postal, d’autant plus que des courriels fournis par la Cour des comptes permettent d’établir que M. Pinxten a servi d’intermédiaire pour ce dirigeant dans une affaire d’aides d’État.

488    En deuxième lieu, l’irrégularité manifeste qui s’attache, en principe, aux missions visant à rencontrer des responsables d’opérateurs économiques privés vaut, a fortiori, pour les missions liées à des opérateurs économiques privés locaux.

489    Tel est le cas, tout d’abord, des missions visées aux lignes nos 73, 76, 251 et 295, lesquelles étaient destinées à rencontrer les responsables de sociétés d’experts comptables de la région d’origine de M. Pinxten, ainsi que de la mission mentionnée à la ligne no 130, qui avait pour objet de rencontrer le responsable de diverses entreprises de cette région.

490    De même, la mission citée à la ligne no 82 ainsi que, pour partie, les missions visées aux lignes nos 121 et 310 doivent être regardées comme étant manifestement irrégulières, dès lors que des rencontres répétées avec un promoteur immobilier actif dans la région d’origine de M. Pinxten apparaissent comme étant dépourvues de tout rapport avec ses fonctions au sein de la Cour des comptes.

491    Il est indifférent, à cet égard, que cette institution reste en défaut de démontrer le bien-fondé de l’allégation selon laquelle M. Pinxten aurait rencontré ce promoteur immobilier en raison de son intérêt pour un projet immobilier précis.

492    Ensuite, des célébrations locales organisées par des opérateurs économiques privés telles que l’anniversaire d’une société portuaire anversoise, qui fait l’objet de la mission visée à la ligne no 363, ou l’inauguration d’une ligne d’embouteillage dans une usine, qui a justifié la mission mentionnée à la ligne no 390, ne sauraient manifestement être regardées comme étant liées aux fonctions de M. Pinxten au sein de la Cour des comptes.

493    Enfin, les missions visées aux lignes nos 100, 239, 283, 287, 359 et 406 doivent également être considérées comme étant manifestement irrégulières pour le même motif, dès lors qu’elles étaient destinées à rencontrer un homme d’affaires belge décrit par M. Pinxten, lors de son audition par l’OLAF, comme étant l’administrateur d’un groupe dont il est actionnaire et comme un « ami de longue date ». L’engagement des ressources de la Cour des comptes pour financer de telles missions démontre une confusion entre les intérêts de cette institution et les intérêts privés de M. Pinxten, d’autant plus qu’il ressort des documents soumis à la Cour que celui-ci assurait une fonction de conseil auprès de cet homme d’affaires, en ce qui concerne les relations de ce dernier avec la Commission.

494    En revanche, en troisième lieu, il ne saurait être considéré que des missions destinées à échanger avec des responsables de cabinets internationaux d’audit sont manifestement irrégulières.

495    En effet, dès lors que les tâches concrètes réalisées par ces cabinets sont, pour partie, comparables à celles confiées aux membres et aux agents de la Cour des comptes et que cette institution est conduite à collaborer avec lesdits cabinets, il ne saurait être exclu que les membres de ladite institution puissent réaliser des missions visant à entretenir des relations professionnelles avec les mêmes cabinets.

496     La Cour des comptes a d’ailleurs reconnu, au cours de la présente procédure, l’existence de contacts réguliers entre les agents de cette institution et ceux des cabinets d’audit internationaux.

497    Si ladite institution fait valoir que ces contacts doivent être encadrés par des marchés publics ou prendre place dans des activités de formation, force est de constater que de tels principes ne sont pas prévus par les règles internes dont fait état la même institution et ne correspondent pas à sa pratique, telle qu’elle ressort des ordres de mission de M. Pinxten.

498    Il s’ensuit que les missions visées aux lignes nos 47, 103, 161, 210 et 277 qui visaient, de manière transparente, à permettre la participation de M. Pinxten à un événement organisé par un cabinet d’audit international à destination des responsables des institutions européennes ne sauraient être regardées comme étant manifestement irrégulières.

499    Il en va de même s’agissant de la mission mentionnée à la ligne no 237 ainsi que, pour partie, des missions visées aux lignes nos 373 et 374, en tant que ces missions avaient pour objet de rencontrer des responsables de cabinets internationaux d’audit. La circonstance que la mission citée à la ligne no 157 et, pour partie, la mission mentionnée à la ligne no 339, qui avaient un objet du même ordre, aient pris place au siège respectivement d’un cercle privé et d’une grande entreprise ne saurait suffire, en l’absence d’informations supplémentaires, à justifier une conclusion différente s’agissant de ces missions.

500    Quant à la mission visée à la ligne no 199, qui visait également à rencontrer le responsable d’un cabinet international d’audit, la Cour des comptes soutient qu’elle avait pour objet réel de discuter d’une offre d’emploi pouvant intéresser un enfant de M. Pinxten.

501    Les pièces produites par cette institution ne permettent toutefois pas de démontrer, à suffisance de droit, que cette rencontre avait été organisée à cette fin ou qu’elle portait principalement sur les intérêts familiaux de M. Pinxten ni, partant, d’établir l’irrégularité manifeste de cette mission. Certes, il ressort de courriels communiqués par ladite institution que la personne rencontrée lors de ladite mission a reçu, après son entretien avec M. Pinxten, le curriculum vitae de l’un des enfants de ce dernier et a fait part de perspectives d’emploi potentielles pour cet enfant. Néanmoins, la justification fournie par M. Pinxten, selon laquelle un déjeuner de travail peut s’accompagner de discussions plus informelles relatives, notamment, à la situation familiale des convives susceptibles d’expliquer ces courriels, n’apparaît pas dépourvue de plausibilité.

–       Sur les relations avec des organismes représentatifs et des associations

502    Quarante missions ayant conduit au remboursement de frais de mission ou au paiement d’indemnités journalières dénoncées comme étant irrégulières par la Cour des comptes au titre du premier grief se rapportaient à des activités de M. Pinxten liées à des organismes représentatifs ou à des associations.

503    De telles missions se placent dans une situation intermédiaire entre les missions relatives aux relations avec des responsables politiques et celles relatives aux relations avec des responsables d’opérateurs économiques privés.

504    Ainsi, bien que les organismes représentant la société civile n’étaient pas mentionnés dans les règles de la Cour des comptes régissant les frais de représentation et de réception ou dans les documents définissant la stratégie de communication de cette institution dont dispose la Cour, ces organismes sont néanmoins susceptibles d’exprimer des positions relatives au fonctionnement des institutions qui peuvent être prises en compte par la Cour des comptes lors de la rédaction de rapports portant sur ce fonctionnement.

505    Dans ces conditions, il ne saurait être entièrement exclu que la Cour des comptes puisse valablement estimer, dans des cas particuliers, que des missions liées à de tels organismes doivent être rattachées à l’exercice des fonctions de ses membres.

506    Cependant, l’examen de la pratique suivie par M. Pinxten, telle qu’elle transparaît des ordres de mission pertinents, permet de conclure que, malgré l’octroi répété d’autorisations par la Cour des comptes sur une base généralement transparente, celui-ci ne pouvait pas ignorer que ses missions liées à des organismes représentatifs ou à des associations ne présentaient manifestement pas d’intérêt réel pour cette institution.

507    Tout d’abord, ainsi qu’il ressort du point 502 du présent arrêt, M. Pinxten a réalisé, au cours de ses mandats, plusieurs dizaines de missions de ce type.

508    Il apparaît, ensuite, que ces missions ont été menées de façon presque systématique auprès d’organismes locaux dont le champ d’action se limitait au Limbourg ou aux Flandres (Belgique).

509    Enfin, lesdites missions ont en réalité été menées auprès d’un nombre très limité d’acteurs, qui ont reçu des visites répétées de M. Pinxten.

510    Or, dans la mesure où le lien indirect entre les activités de la Cour des comptes et les organismes représentatifs ou les associations ne permet d’envisager la régularité de telles missions que dans des cas particuliers, il ne saurait manifestement être considéré qu’il était dans l’intérêt de la Cour des comptes d’assurer, de manière répétée, la promotion de ses travaux auprès d’acteurs locaux ou des échanges de vues avec de tels acteurs.

511    À ce titre, les missions visées aux lignes nos 48, 132, 170, 192, 209, 217, 224, 228, 242, 256, 271, 292, 304, 305, 318, 328, 353, 361, 380 et 398 ainsi que, pour partie, la mission mentionnée à la ligne no 155 doivent être considérées comme étant manifestement irrégulières, dès lors qu’elles avaient pour objet d’entretenir des relations avec la Vlaams netwerk van ondernemingen Limburg (chambre de commerce et d’industrie du Limbourg, Belgique), à travers des rencontres avec ses dirigeants ou la participation à des réunions annuelles, des réceptions de Nouvel An, des fêtes d’été et d’autres activités sociales organisées par cet organisme.

512    La même conclusion s’impose pour les missions citées aux lignes nos 83, 174, 219 et 311 ainsi que, pour partie, pour la mission visée à la ligne no 118, qui étaient relatives à des invitations émanant d’une fédération patronale du Limbourg, et pour les missions mentionnées aux lignes nos 131, 227, 261 ainsi que, pour partie, pour les missions visées aux lignes nos 326 et 378, qui avaient pour objet la participation à des réunions d’un groupement des entreprises du secteur industriel actives à Overpelt.

513    Bien que la mission visée à la ligne no 93 et, pour partie, la mission mentionnée à la ligne no 310 se rapportaient à des organismes du Limbourg qui n’ont fait l’objet que d’une mission unique, à savoir une association d’insertion professionnelle et un groupement informel de dirigeants locaux, le contexte décrit dans les points 506 à 509 du présent arrêt permet de les considérer également comme étant manifestement irrégulières.

514    Cette analyse doit être transposée aux missions visées aux lignes nos 154 et 230, qui se rapportaient à un organisme ayant pour objet de promouvoir les intérêts flamands à Bruxelles, ainsi qu’aux missions citées aux lignes nos 134 et 135, lesquelles avaient pour objet la participation à la réception de Nouvel An d’un fonds d’investissement de la Région flamande.

515    En revanche, le rôle important reconnu aux fédérations d’entreprises ayant une portée nationale implique que les missions mentionnées aux lignes nos 137 et 143, qui visaient à rencontrer le président de la fédération des entreprises belges, ainsi que la mission visée à la ligne no 290 et, pour partie, la mission citée à la ligne no 155, relatives à la participation à des forums organisés par cette fédération, ne doivent pas être regardées comme étant manifestement irrégulières.

–       Sur la conduite d’une activité extérieure autorisée

516    Ainsi qu’il ressort du point 58 du présent arrêt, par une décision du 30 avril 2015, la Cour des comptes a autorisé M. Pinxten à mener une activité extérieure compatible avec ses fonctions de membre de cette institution consistant à occuper le poste de président de la SBNL-V.

517    Cette fondation était décrite, dans la demande ayant conduit à cette décision, comme une organisation sans but lucratif destinée à promouvoir la contribution des propriétaires fonciers à la biodiversité et à la bonne gestion écologique en Belgique.

518    Une activité extérieure étant, par définition, distincte des fonctions exercées par un membre de la Cour des comptes au sein de cette institution, elle ne saurait donner lieu à la conduite de missions en cette qualité de membre.

519    L’irrégularité de missions directement liées à une activité extérieure autorisée doit, en outre, être considérée comme étant manifeste, dès lors qu’elle découle de la nature même d’une telle activité.

520    Il y a lieu de déterminer, sur la base de ces considérations, si certaines des missions autorisées par la Cour des comptes relèvent, en réalité, de l’activité extérieure exercée par M. Pinxten.

521    Partant, si la mission visée à la ligne no 368 et, pour partie, la mission mentionnée à la ligne no 392 ont été autorisées par la Cour des comptes sur la base d’une demande tout à fait transparente, elles doivent être regardées comme étant manifestement irrégulières en tant qu’elles avaient pour objet de répondre à une invitation de la SBNL-V, à laquelle se référait leur ordre de mission.

522    En plus de ces deux missions, les missions citées aux lignes nos 323, 360, 385 et 405 ainsi que, pour partie, la mission visée à la ligne no 392 peuvent être reliées à l’activité extérieure autorisée de M. Pinxten consistant en la présidence de cette fondation.

523    En effet, la mission mentionnée à la ligne no 405 et, pour partie, la mission visée à la ligne no 385 se rapportaient à une rencontre avec le responsable d’un fonds assurant le financement du principal prix remis chaque année par la SBNL-V.

524    S’agissant des missions citées aux lignes nos 323 et 360 ainsi que, pour partie, des missions mentionnées aux lignes nos 385 et 392, celles-ci concernaient soit une activité organisée par l’European Landowners Organisation (Organisation européenne des propriétaires fonciers, ci‑après l’« ELO »), soit une rencontre avec un responsable de cette organisation, à une date à laquelle M. Pinxten était président de la SBNL-V.

525    Or, alors que M. Pinxten ne fournit pas d’explication précise quant au lien entre l’ELO et ses fonctions de membre de la Cour des comptes, il ressort du dossier dont dispose la Cour que cette organisation est étroitement liée à la SBNL-V.

526    Ainsi, il découle, tout d’abord, de la description de l’objet de la SBNL‑V mentionnée au point 517 du présent arrêt que celle-ci et l’ELO ont toutes deux pour objet la défense des intérêts des propriétaires fonciers.

527    Ensuite, le responsable de l’ELO rencontré par M. Pinxten dans le cadre de missions autorisées par la Cour des comptes avait signé, en tant que secrétaire général de la SBNL-V, le document remis par M. Pinxten à cette institution pour être autorisé à occuper le poste de président de cette fondation. Il résulte également d’un procès-verbal produit par la Cour des comptes que ce responsable de l’ELO a siégé à l’assemblée générale de la SBNL-V.

528    Enfin, des courriels figurant dans le dossier dont dispose la Cour établissent l’existence d’autres liens entre la SBNL-V et l’ELO, tels que la participation de cette dernière à la procédure d’autorisation de l’activité extérieure susmentionnée ou à la préparation de la remise du principal prix octroyé chaque année par la SBNL-V.

529    Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que les missions mentionnées au point 524 du présent arrêt sont manifestement irrégulières.

530    Cette appréciation doit être transposée à la mission mentionnée à la ligne no 296, dès lors que celle-ci visait, pour partie, à permettre à M. Pinxten de rencontrer des dirigeants de l’ELO et de la SBNL-V peu avant sa nomination comme président de cette fondation.

531    Par ailleurs, dans le cas de la mission visée à la ligne no 393, même si la participation à l’assemblée générale du conseil international de la chasse à Bruxelles était clairement annoncée dans l’ordre de mission, il importe de relever que M. Pinxten était présenté, dans le programme de cette assemblée générale, comme étant non seulement membre de la Cour des comptes, mais également président de la SBNL-V et qu’il était indiqué, dans ce programme, qu’il prononcerait quelques mots de bienvenue « au nom de la Belgique ».

532    De surcroît, il résulte d’échanges de courriels préalables à cette mission que M. Pinxten devait, à l’origine, prononcer un discours commun avec un ministre belge et que sa participation à ladite assemblée générale avait été préparée, notamment, par l’ELO.

533    Partant, il y a lieu de constater que l’intervention de M. Pinxten devant l’assemblée générale du conseil international de la chasse doit être reliée à ses fonctions de président de la SBNL-V et non à sa qualité de membre de la Cour des comptes, ce qui implique que la mission citée à la ligne no 393 doit être regardée comme étant manifestement irrégulière.

534    En revanche, bien qu’elle soit explicitement liée à l’ELO, la mission visée à la ligne no 128 ne saurait être considérée comme étant manifestement irrégulière de ce seul fait, dès lors qu’elle s’est déroulée plusieurs années avant que M. Pinxten ne soit autorisé à devenir président de la SBNL-V.

535    Dans ces conditions, la participation, sur la base d’un ordre de mission transparent, à une conférence organisée au Parlement européen en lien avec une organisation représentative de dimension européenne ne saurait être reprochée à M. Pinxten.

536    Il en va de même pour les missions mentionnées aux lignes nos 411 et 412, qui se rapportaient à des événements organisés respectivement par l’association « Friends of the Countryside » (amis de la campagne) et par la Fondation wallonne pour la conservation des habitats, dès lors que la Cour des comptes fonde ses reproches sur des liens supposés entre ces organismes et la SBNL-V qui ne sont pas appuyés par des éléments de preuve transmis à la Cour.

–       Sur la participation à des parties de chasse

537    Onze missions ayant conduit au remboursement de frais de mission ou au paiement d’indemnités journalières faisant l’objet du premier grief avaient, selon la Cour des comptes, pour objet réel de permettre à M. Pinxten de participer à des parties de chasse.

538    Il ressort du dossier dont dispose la Cour que M. Pinxten a effectivement pratiqué la chasse au cours de ces diverses missions.

539    Or, il importe de relever que l’ensemble desdites missions ont été autorisées sur la base de demandes présentées par M. Pinxten se référant à une invitation reçue ou à une activité envisagée sans comporter aucune référence à la chasse.

540    Par conséquent, dès lors que la circonstance qu’une mission implique de participer à une partie de chasse constitue une information essentielle pour apprécier sa régularité, M. Pinxten ne peut, au regard des considérations figurant aux points 372 et 374 du présent arrêt, se prévaloir valablement d’une confiance légitime dans le maintien de l’autorisation des missions en cause et il ne saurait donc être exigé de la Cour des comptes qu’elle démontre le caractère manifeste de l’irrégularité de celles-ci.

541    Dans ce contexte, s’il est évident que la participation à une partie de chasse ne présente, en tant que telle, aucun rapport avec l’exercice des fonctions d’un membre de la Cour des comptes, il importe de rappeler qu’il ressort des points 399 et 428 du présent arrêt, d’une part, qu’une mission d’un membre de cette institution peut valablement autoriser la participation de celui-ci à un événement d’ordre essentiellement professionnel qui comprend également une activité accessoire de loisir et, d’autre part, qu’une mission d’un tel membre peut être justifiée par un objectif protocolaire.

542    Par conséquent, en vue d’apprécier la régularité des missions de M. Pinxten impliquant sa participation à une partie de chasse, il y a lieu de déterminer si ces missions se rapportaient effectivement à un événement essentiellement d’ordre professionnel ou si elles présentaient une véritable dimension protocolaire.

543    À cet égard, une telle mission ne saurait, en premier lieu, être considérée comme étant régulière quand elle a simplement pour objet officiel de répondre à une invitation d’une personne dont les fonctions ne présentent pas de rapport étroit avec les activités de la Cour des comptes.

544    Les missions visées aux lignes nos 309, 327 et 366 doivent donc être regardées comme étant irrégulières, en tant que le seul motif présenté pour les justifier tient à une invitation par une personne dont la qualité ne ressort pas de l’ordre de mission et n’a pas été clarifiée au cours de la présente procédure.

545    Il en va de même pour les missions mentionnées aux lignes nos 329 et 377, dans la mesure où celles-ci faisaient suite à une invitation par un responsable de l’ELO et étaient donc liées, tout au plus, à l’activité extérieure autorisée de M. Pinxten.

546    Par ailleurs, l’intérêt que peuvent présenter, pour la Cour des comptes, les relations professionnelles entretenues avec les cabinets internationaux d’audit ne saurait suffire à justifier la mission citée à la ligne no 321, laquelle était présentée comme visant à répondre à une invitation d’un responsable d’un tel cabinet, dès lors qu’il ressort des pièces produites par la Cour des comptes que cette mission avait pour seul objet la participation à une partie de chasse organisée par ce responsable.

547    En deuxième lieu, les missions visées aux lignes nos 337 et 386 ainsi que, pour partie, la mission mentionnée à la ligne no 229 se distinguent des autres missions liées à des parties de chasse en tant qu’elles étaient présentées comme visant à participer à des « journées des institutions européennes » organisées au château de Chambord.

548    Il convient de constater, sur la base d’une attestation rédigée par le directeur du domaine national de Chambord et d’éléments saisis par l’OLAF, en particulier un courriel du 13 janvier 2012 évoquant une « battue européenne » et une liste des participants à l’un des événements en cause, qu’il apparaît, contrairement à ce que soutient la Cour des comptes, que des événements regroupant des personnes occupant des postes de responsabilité au sein des institutions européennes ont bien été organisés au château de Chambord aux dates concernées par ces missions.

549    Cela étant, aucun des documents saisis par l’OLAF ou produits par M. Pinxten ne démontre que ces événements auraient présenté une quelconque dimension professionnelle. Au contraire, les programmes saisis par l’OLAF ne prévoient que l’organisation de « traques », de repas et d’« honneurs aux gibiers ».

550    En outre, ni la demande d’autorisation des missions en cause ni d’autres pièces soumises à la Cour ne contiennent d’éléments indiquant que lesdits événements étaient organisés par un organisme avec lequel la Cour des comptes aurait un intérêt à entretenir des relations ou par le responsable d’un tel organisme. Or, en l’absence de tels éléments, ou, au demeurant, d’allégation de M. Pinxten à ce propos, ces mêmes événements ne sauraient justifier l’organisation de missions à des fins protocolaires.

551    Partant, les missions visées aux lignes nos 337 et 386 ainsi que, pour partie, la mission mentionnée à la ligne no 229 doivent être regardées comme étant irrégulières.

552    En troisième lieu, le motif des missions visées aux lignes nos 315 et 371 se rapportait à des invitations provenant, respectivement, des services de la couronne belge et d’un membre de la famille royale belge.

553    Il ressort du dossier dont dispose la Cour que M. Pinxten a effectivement été invité par la famille royale belge à participer à des « chasses royales » à Ciergnon (Belgique).

554    Toutefois, en l’absence, dans le dossier dont dispose la Cour, d’éléments susceptibles d’établir le bien-fondé de l’allégation de M. Pinxten selon laquelle ces chasses revêtiraient, au sein du Royaume de Belgique, une dimension protocolaire notable, la seule circonstance que les invitations présentées émanent de la famille royale belge doit être considérée comme insuffisante pour établir un lien avec l’exercice des fonctions d’un membre de la Cour des comptes.

555    Il s’ensuit que l’irrégularité des missions visées aux lignes nos 315 et 371 doit être regardée comme étant établie.

–       Sur les autres missions mentionnées par la Cour des comptes

556    Une série de missions ayant conduit au remboursement de frais de mission ou au paiement d’indemnités journalières faisant l’objet du premier grief n’entrent pas dans les catégories déjà examinées et leur régularité doit donc être appréciée au cas par cas.

557    Les reproches de la Cour des comptes doivent, concernant quatorze de ces missions, être écartés comme étant non fondés.

558    En premier lieu, en l’absence de toute précision de la Cour des comptes quant au motif de l’irrégularité alléguée, la mission visée à la ligne no 310 ne saurait être regardée comme étant manifestement irrégulière, en tant qu’elle se rapportait, en partie, à une visite dans une université.

559    De même, en ce qui concerne la mission visée à la ligne no 347, la rencontre avec un responsable de la Banque nationale de Belgique ainsi qu’avec un parlementaire belge et un avocat, qui occupe également des fonctions au sein de cette banque, ne peut être qualifiée de manifestement irrégulière sur la seule base de l’allégation de la Cour des comptes selon laquelle cette mission était « sans lien avec les fonctions de M. Pinxten » et de la circonstance que ce parlementaire était membre du parti politique en cause.

560    En deuxième lieu, dans plusieurs cas, les preuves présentées par la Cour des comptes sont insuffisantes pour établir l’irrégularité que cette institution fait valoir.

561    Tout d’abord, s’agissant des missions visées aux lignes nos 57 et 391, qui avaient pour objet des réunions avec un membre de la Commission, il n’est pas contesté qu’une telle réunion pouvait, en principe, être rattachée à l’exercice des fonctions d’un membre de la Cour des comptes.

562    Or, d’une part, le bien-fondé de l’allégation de cette institution selon laquelle la mission mentionnée à la ligne no 57 était, en réalité, liée à l’organisation d’un festival de musique intéressant M. Pinxten à titre privé n’est pas établi.

563    En effet, cette mission s’est déroulée le 13 juillet 2009, alors que les courriels relatifs à ce festival produits par la Cour des comptes portent sur une subvention pour l’année 2011 et datent des mois de septembre et d’octobre 2011. De surcroît, le rapport entre ladite mission et cette subvention apparaît d’autant moins plausible que le membre concerné de la Commission n’a été chargé de la culture qu’à compter du 10 février 2010.

564    D’autre part, la Cour des comptes ne produit aucune pièce spécifique au soutien de l’allégation selon laquelle la mission visée à la ligne no 391 concernait un « déjeuner privé ».

565    La circonstance, au demeurant non démontrée, que le membre concerné de la Commission serait un partenaire de chasse de M. Pinxten ne saurait, en tant que telle, permettre d’établir le caractère privé du déjeuner en cause. Le fait qu’un responsable de l’ELO aurait aussi participé à ce déjeuner n’est pas non plus de nature à établir le bien-fondé de la position de la Cour des comptes, d’autant plus qu’il n’est pas contesté que la liste des convives à ce déjeuner, qui se tenait au siège de la Commission, n’a pas été établie par M. Pinxten.

566    Ensuite, si la Cour des comptes ne conteste pas la justification de la participation de M. Pinxten à une cérémonie de rentrée au Collège d’Europe à Bruges (Belgique), qui constituait l’objet de la mission mentionnée à la ligne no 63, elle fait cependant valoir que M. Pinxten n’avait pas assisté à cette cérémonie.

567    À cet égard, il y a toutefois lieu de considérer que l’extrait d’un site Internet produit par la Cour des comptes n’apparaît pas suffisant pour établir l’absence de M. Pinxten à ladite cérémonie, au regard tant de la nature de ce document, qui ne saurait être assimilé à un procès-verbal comportant une liste de présence, que des termes employés dans ledit document, qui montrent que celui-ci ne cite qu’une partie des personnalités présentes à la même cérémonie.

568    En outre, s’il est établi que M. Pinxten a, à la date à laquelle la mission en cause avait lieu, déjeuné à Bruxelles, les preuves produites par la Cour des comptes ne permettent pas d’établir l’heure de ce déjeuner.

569    Enfin, cinq missions liées à des rencontres avec des diplomates, qui pouvaient en principe être reliées aux fonctions d’un membre de la Cour des comptes siégeant dans la chambre chargée des relations extérieures de l’Union, sont décrites comme ayant présenté un caractère privé sans que cette allégation soit établie à suffisance de droit.

570    Ainsi, dans le cas de la mission visée à la ligne no 56, la Cour des comptes avance qu’un déjeuner avec un consul de la Fédération de Russie était lié à une intervention menée en faveur d’un couple belge souhaitant adopter un enfant dans ce pays.

571    Or, les pièces produites à cet égard par la Cour des comptes, qui sont postérieures de plusieurs mois à la date de cette mission et qui ne se réfèrent ni à ce déjeuner ni à un quelconque fait intervenu antérieurement, ne permettent pas d’établir avec certitude que celle-ci aurait eu un objet indépendant des fonctions de M. Pinxten.

572    Les missions visées aux lignes nos 138, 196 et 382 avaient trait, de manière tout à fait transparente pour les deux dernières, à la participation de M. Pinxten à un « dîner diplomatique » se tenant, chaque année, à Bruxelles.

573    Étant donné qu’il n’est pas contesté que ce dîner rassemble un grand nombre de diplomates belges, celui-ci paraît en principe susceptible de constituer une occasion de procéder à des échanges de vues sur des sujets intéressant la Cour des comptes ainsi qu’à faire connaître et à promouvoir les travaux de celle-ci auprès de hauts responsables nationaux.

574    Dans ces conditions, la circonstance que ledit dîner soit organisé par un organisme ayant pour objet de promouvoir les intérêts flamands à Bruxelles n’est pas, à elle seule, suffisante pour établir le bien-fondé de l’allégation de la Cour des comptes selon laquelle le même dîner aurait pour objectif « de permettre aux entrepreneurs flamands de rencontrer des diplomates belges en poste à l’étranger ». Les missions en cause ne sauraient, dès lors, être regardées comme étant manifestement irrégulières.

575    Quant au déjeuner avec l’ambassadeur du Royaume de Belgique en France, qui faisait l’objet de la mission visée à la ligne no 284, si la Cour des comptes soutient que ce déjeuner présentait un caractère privé en se prévalant d’une relation amicale liant cet ambassadeur à M. Pinxten et de l’identité des autres convives, il y a lieu de constater que ce caractère n’est pas démontré en l’absence de tout élément de preuve susceptible de renseigner la Cour sur l’objet dudit déjeuner et alors que la seule existence d’une telle relation n’est, en tout état de cause, pas suffisante pour exclure que le même déjeuner ait pu revêtir une dimension professionnelle.

576    En troisième lieu, la participation aux funérailles du père d’une assistante de M. Pinxten, qui constituait l’objet de la mission visée à la ligne no 335, laquelle a été autorisée par le président de la Cour des comptes sur la base d’informations communiquées de façon transparente, peut être rattachée à l’exercice des fonctions d’un membre de cette institution, dont il peut raisonnablement être attendu qu’il apporte son soutien personnel lors d’une telle occasion à l’un de ses proches collaborateurs au sein de ladite institution.

577    En quatrième et dernier lieu, les reproches concernant les missions mentionnées aux lignes nos 102, 293 et 294 doivent être écartés en tant que les irrégularités imputées à M. Pinxten par la Cour des comptes peuvent être considérées comme constituant des erreurs excusables de celui-ci.

578    Ainsi, l’irrégularité dénoncée de la mission visée à la ligne no 102 tient à un défaut de déclaration d’un repas offert pour un montant d’une trentaine d’euros, sans qu’aucun élément ne permette de considérer qu’un tel incident isolé ne soit pas un simple oubli.

579    S’agissant des missions citées aux lignes nos 293 et 294, bien que l’allégation de la Cour des comptes selon laquelle ces missions auraient été maintenues malgré l’annulation de la rencontre qui les justifiait apparaisse fondée, au vu d’une mention figurant dans l’agenda de M. Pinxten, l’existence d’une fraude à cet égard n’est pas établie, dès lors que, à l’heure prévue initialement pour l’exécution desdites missions, s’est tenu un déjeuner déclaré à la Cour des comptes.

580    En revanche, 31 des missions mentionnées au point 556 du présent arrêt peuvent, en partie ou en totalité, valablement être reprochées à M. Pinxten dans le cadre de la présente procédure.

581    En premier lieu, une visite à un centre médical local, dans le cadre de la mission mentionnée à la ligne no 286, en vue de participer à une cérémonie célébrant le vingtième anniversaire de sa création, ne peut manifestement pas être rattachée aux fonctions de membre de la Cour des comptes.

582    En deuxième lieu, plusieurs des missions visées par le premier grief visaient à rencontrer une personne dont la qualité n’est pas précisée dans l’ordre de mission et n’a pas été expliquée clairement par M. Pinxten au cours de la présente procédure.

583    Bien que l’émission d’un ordre de mission, puis le remboursement de frais de mission ou le paiement d’indemnités journalières dans de tels cas démontrent une absence notable de contrôle de la part de la Cour des comptes, il n’en demeure pas moins qu’une mission visant à rencontrer une personne ne présentant pas de lien identifiable avec cette institution doit être considérée comme étant manifestement irrégulière.

584    Ainsi, s’agissant de la mission visée à la ligne no 49, si la Cour des comptes n’établit pas le lien qu’elle allègue entre la personne visée dans l’ordre de mission en cause et l’organisation d’un festival de musique, il y a lieu de constater qu’aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne permet d’identifier les fonctions qu’occuperait cette personne.

585    Les missions mentionnées aux lignes nos 39, 234, 235, 297, 348 et 389 doivent également être qualifiées de manifestement irrégulières, en tant qu’elles visaient à rencontrer des personnes dont la qualité n’est pas précisée, tout comme la mission citée à la ligne no 79, qui était seulement justifiée en se référant à une « invitation formelle ».

586    La même conclusion s’impose en ce qui concerne la mission visée à la ligne no 306, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’allégation de la Cour des comptes selon laquelle la personne concernée par cette mission était un notaire, et, pour partie, la mission mentionnée à la ligne no 347, indépendamment du bien-fondé de l’argument de cette institution reliant cette mission à une réception de mariage.

587    Pareillement, les missions citées aux lignes nos 40, 44, 262 et 351 ainsi que, pour partie, la mission visée à la ligne no 86 doivent être regardées comme étant manifestement irrégulières, dès lors qu’elles se rapportaient à des rencontres avec des personnes simplement désignées respectivement, comme étant un « directeur », un « baron », un « juriste et auditeur », un « magistrat » et un « maître ».

588    En troisième lieu, certaines missions qui visaient à rencontrer une personne dont la qualité pourrait éventuellement présenter un lien suffisant avec la Cour des comptes doivent néanmoins être regardées comme ayant été autorisées sur la base d’une demande omettant une information essentielle et comme étant irrégulières, dans la mesure où cette institution présente des éléments de preuve permettant d’établir que l’objet de la rencontre en cause était d’ordre privé.

589    Tel est le cas de la mission visée à la ligne no 108, qui se rapportait à une réunion avec un membre de la Commission, dès lors qu’il ressort de courriels échangés pour préparer cette réunion que celle-ci avait trait aux orientations qu’un organisme représentatif souhaitait faire valoir auprès de la Commission.

590    La mission mentionnée à la ligne no 122 est étroitement liée à la mission visée à la ligne no 108, en tant qu’elle visait à rencontrer le dirigeant de cet organisme représentatif et qu’un courriel reçu le lendemain de cette rencontre montre qu’elle avait le même objet que cette dernière mission.

591    Le dîner avec un amiral, qui faisait l’objet de la mission visée à la ligne no 280, ne peut clairement pas être rattaché aux fonctions de M. Pinxten au sein de la Cour des comptes, dans la mesure où des courriels saisis par l’OLAF démontrent que ce dîner était organisé par un opérateur économique privé en vue, notamment, de remercier M. Pinxten pour l’aide qu’il lui aurait fournie en vue de la signature d’un contrat dans le domaine de la défense.

592    Dans le cas de la mission citée à la ligne no 404, si l’objet du déjeuner organisé avec un membre du gouvernement belge n’est pas connu, la circonstance qu’un courriel du 10 mai 2016 indique que celui-ci a été invité par M. Pinxten et par sa belle-fille permet d’établir le caractère privé de ce déjeuner.

593    En quatrième lieu, les missions se rapportant à une activité de loisirs ou participant de relations amicales doivent, au vu des considérations énoncées au point 399 du présent arrêt, être considérées comme manifestement irrégulières lorsqu’elles sont dépourvues de rapport avec un événement centré sur des activités d’ordre professionnel.

594    À ce titre, il convient de mentionner la mission visée à la ligne no 80, qui se rapportait à une rencontre avec le directeur d’une institution culturelle, et la mission mentionnée à la ligne no 322, qui, sous couvert d’une invitation par un opérateur économique privé, avait pour objet réel, au regard des indications figurant dans l’agenda de M. Pinxten, de permettre à celui-ci d’assister à la représentation d’un opéra.

595    Malgré la transparence des ordres de mission en cause, la mission no 101, qui visait la participation à la garden-partie de l’orchestre royal de chambre de Wallonie (Belgique), ainsi que les missions visées aux lignes nos 288, 345 et 394, qui étaient liées à une participation à un festival de musique, ne sauraient manifestement être rattachées aux fonctions d’un membre de la Cour des comptes, sans que la circonstance que ce festival s’adressait aux « jeunes Européens » puisse justifier une solution opposée.

596    Cette conclusion s’impose d’autant plus s’agissant de la mission mentionnée à la ligne no 364 qui a permis une brève visite à un festival dédié à la culture écossaise, sur la base d’un ordre de mission mentionnant uniquement une invitation formelle de la représentation flamande.

597    Bien qu’elle se rapportât à une cérémonie se déroulant dans un cadre universitaire, la mission citée à la ligne no 99 ne peut pas non plus être rattachée aux fonctions de M. Pinxten, dans la mesure où les documents produits par la Cour des comptes indiquent que cette cérémonie avait pour but d’honorer des artistes et qu’elle s’achevait par un concert.

598    Par ailleurs, il est constant que la mission visée à la ligne no 202 se rapportait à la participation de M. Pinxten au mariage d’un enfant du juge belge à la Cour.

599    L’objet de cette mission n’était pas décrit de manière claire dans l’ordre de mission, qui se référait simplement à une invitation formelle de ce juge, sans préciser que celle-ci se rapportait à une cérémonie familiale.

600    Or, la qualité des personnes en cause ne saurait permettre d’établir la régularité de la mission mentionnée à la ligne no 202.

601    Ce raisonnement doit être transposé à la mission citée à la ligne no 300 et, pour partie, à la mission visée à la ligne no 362, dès lorsqu’il ressort de l’agenda de M. Pinxten que ces missions concernaient les mariages d’enfants de personnalités belges.

iii) Sur les frais de représentation et de réception

602    Durant les deux mandats de M. Pinxten, le remboursement des frais de représentation et de réception exposés par les membres de la Cour des comptes était régi par la décision no 7-2004.

603    L’article 2 de cette décision prévoyait le remboursement des dépenses de représentation et de réception à caractère général que ces membres « encourent en leur qualité de Membre d’une institution ».

604    Cet article disposait, en outre, que ce remboursement est effectué sur présentation de déclarations qui indiquent la date de l’invitation, le nombre des invités ainsi que la qualité de l’invité principal et auxquelles sont jointes les quittances ou d’autres justifications écrites jugées équivalentes.

605    L’article 6 de ladite décision énonçait, par ailleurs, que les frais encourus pour les réceptions à domicile sont remboursés à concurrence des pièces justificatives produites.

606    Il découle de ces dispositions que le remboursement des frais de représentation et de réception était subordonné, d’une part, à la présentation de pièces justificatives et, d’autre part, à la condition que ces frais aient été encourus en qualité de membre de la Cour des comptes.

607    La notion de « frais de représentation et de réception » était précisée dans la note du 22 avril 2004, laquelle complétait la décision no 7-2004.

608    Il importe, à cet égard, de relever que, s’il découle de l’objet de cette note que celle-ci ne produisait pas, en tant que telle, d’effets obligatoires, il n’en demeure pas moins qu’il incombait aux membres de la Cour des comptes, afin de se conformer à leur obligation de se comporter de manière irréprochable rappelée au point 243 du présent arrêt, de tenir dûment compte des principes énoncés dans ladite note.

609    Or, il résulte, tout d’abord, de la note du 22 avril 2004 que les frais de représentation et de réception étaient essentiellement destinés à favoriser les relations extérieures de la Cour des comptes et que les membres de celle-ci la représentaient, notamment, lorsqu’ils entretenaient, dans l’intérêt de cette institution, des relations professionnelles avec des personnes exerçant des fonctions au sein de l’Union, des États membres ou de pays tiers.

610    Cette note indiquait, ensuite, que les dépenses relatives à chaque manifestation devaient être fonction de l’importance de celle-ci et de la qualité des participants.

611    Enfin, ladite note prévoyait que les conjoints et les partenaires des membres de la Cour des comptes ainsi que de leurs invités pouvaient être amenés à participer aux manifestations pour lesquelles des frais de représentation et de réception étaient engagés. En revanche, les amis ou les relations personnelles de ces membres devaient faire l’objet d’invitations privées, ce qui implique que les frais relatifs à leur invitation devaient être supportés par lesdits membres.

612    L’annexe 1 de la note du 22 avril 2004 fournissait des orientations supplémentaires relatives aux frais de représentation et de réception.

613    Il ressort, en particulier, de cette annexe que les frais engagés à l’extérieur de la Cour des comptes devaient, en règle générale, concerner des personnes exerçant des fonctions de premier plan au sein de l’Union, des États membres ou des pays tiers et que les dépenses engagées à la résidence privée d’un membre de la Cour des comptes ne devaient pas excéder ce qui était nécessaire à cette fin.

614    L’annexe 2 de cette note était constituée d’un formulaire permettant de déclarer des frais de représentation et de réception en précisant la date, l’heure, le type et le motif de la manifestation ainsi que le nombre et la qualité des participants.

615    Il résulte des points 609 à 614 du présent arrêt que le motif de la représentation ou de la réception et la qualité de la personne invitée ou des personnes invitées constituaient les principaux critères utilisés dans la note du 22 avril 2004 et dans son annexe 1 pour concrétiser la condition énoncée à l’article 2 de la décision no 7-2004 selon laquelle de tels frais peuvent être remboursés s’ils ont été engagés en tant que membre de la Cour des comptes.

616    Les seules informations substantielles devant, conformément à la décision no 7‑2004 et à l’annexe 2 de la note du 22 avril 2004, être fournies en vue d’obtenir le remboursement de ces frais se rapportaient également à ces deux éléments.

617    La justification de l’engagement de frais de représentation et de réception dont M. Pinxten a sollicité le remboursement doit donc être appréciée en se fondant sur lesdits éléments.

618    Cependant, s’agissant de la charge de la preuve, il y a lieu de considérer que, lorsque les relations professionnelles entretenues avec une personne apparaissent, au regard de la qualité de cette dernière, susceptibles de présenter un intérêt pour la Cour des comptes, une invitation adressée à cette personne doit être considérée comme régulière, sauf si la Cour des comptes a présenté des éléments permettant d’établir le caractère privé de cette invitation.

–       Sur les frais de représentation liés aux relations avec des responsables politiques

619    L’analyse exposée aux points 427 à 438 du présent arrêt au sujet des paiements relatifs aux frais de mission et aux indemnités journalières au titre de missions se rapportant à des rencontres avec des responsables politiques vaut également en ce qui concerne le remboursement de frais de représentation liées à de telles rencontres.

620    En effet, d’une part, il ressort explicitement de la note du 22 avril 2004 que les frais concernant les personnes exerçant des fonctions de premier plan au sein de l’Union, des États membres ou des pays tiers, parmi lesquelles figurent les responsables politiques exerçant des fonctions importantes, constituaient des dépenses acceptables en tant que frais de représentation.

621    D’autre part, si l’engagement de frais de représentation ne supposait pas l’octroi d’autorisations préalables, il n’en demeure pas moins que le remboursement systématique de tels frais lorsqu’ils étaient liés à des invitations adressées par M. Pinxten à des responsables politiques identifiés clairement en cette qualité démontre que la Cour des comptes avait exercé la marge d’appréciation dont elle dispose en ce sens qu’il était dans son intérêt que ses membres entretiennent des relations professionnelles avec de tels responsables.

622    Partant, les demandes formulées par M. Pinxten tendant au remboursement de frais de représentation engagés au titre d’invitations adressées à des responsables politiques ne peuvent, en principe, lui être reprochées, sauf si les pièces produites par la Cour des comptes établissent que l’invitation en cause était détachable des fonctions de celui-ci.

623    Contrairement à ce que soutient la Cour des comptes, un tel caractère détachable des fonctions ne saurait, pour les motifs exposés aux points 464 à 467 du présent arrêt, être présumé du seul fait que la personne invitée est membre du parti politique en cause.

624    Dans ces conditions, en l’absence de présentation par la Cour des comptes de motifs ou de preuves d’irrégularité supplémentaires, doivent être considérées comme étant régulières les demandes de remboursement des frais de représentation engagés au titre d’invitations adressées à des membres du Parlement européen, visées aux lignes nos 2, 14, 19, 24, 65, 257, 314, 323, 338, 350, 357, 382 et 408, à des membres du gouvernement belge, auxquelles se rapportaient les lignes nos 12, 23, 27, 57 et 168, ou encore à des membres du Parlement belge, mentionnées aux lignes nos 23, 116, 117, 168, 171, 183, 184, 190, 194, 204, 218, 236, 276, 293, 294, 336, 354, 358, 367 et 381.

625    Bien que moins centrales, les fonctions occupées par un membre du cabinet du chef d’un groupe politique au Parlement européen ou de celui d’un membre du gouvernement belge sont suffisamment importantes pour justifier la régularité des remboursements sollicités par M. Pinxten dans les cas cités aux lignes nos 27, 63, 150 et 168. Il en va de même s’agissant d’une invitation adressée au chef de cabinet du Roi des Belges, visée à la ligne no 339.

626    En ce qui concerne les frais visés aux lignes nos 89 et 111, le fait que les invitations en cause aient été adressées à des membres du gouvernement belge durant une période de congé n’est pas de nature à établir l’irrégularité des demandes de remboursement formulées à leur propos, dès lors que la liberté dont dispose un membre de la Cour des comptes pour se rendre dans son État membre d’origine pendant de telles périodes implique que celles-ci sont particulièrement favorables aux représentations destinées à entretenir des relations professionnelles avec des responsables de cet État membre.

627    En outre, dans la mesure où l’article 2 de la décision no 7-2004 n’exigeait que l’indication de l’invité principal en vue de justifier l’engagement de frais de représentation, la présence d’un invité supplémentaire, dont la qualité ne justifierait pas à elle seule une telle dépense, lors d’un dîner avec un parlementaire national ou d’un déjeuner avec un membre du gouvernement belge, visés respectivement aux lignes nos 90 et 281, n’est pas suffisante pour établir l’irrégularité de l’ensemble de la demande de remboursement des frais de représentation en cause.

628    Par ailleurs, la présence du conjoint de M. Pinxten et de ceux de ses invités lors d’un dîner avec des membres du Parlement européen, auquel se rapportait la ligne no 370, ne saurait démontrer le caractère privé de ce dîner, dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 611 du présent arrêt, la note du 22 avril 2004 autorisait explicitement une telle pratique.

629    En revanche, en premier lieu, pour les raisons indiquées aux points 471 et 472 du présent arrêt, des frais de représentation ne sauraient, en principe, être valablement engagés en lien avec des invitations adressées à d’anciens responsables politiques de premier plan ayant quitté leurs fonctions ou à des responsables politiques locaux.

630    Une telle irrégularité doit, en particulier, être constatée s’agissant des frais de représentation mentionnés aux lignes nos 15, 152, 201 et 253, lesquels se rapportaient à des invitations adressées à d’anciens membres du Parlement belge ou du gouvernement belge.

631    Il en va de même pour les frais visés à la ligne no 341, relative à un dîner avec un ancien ministre, qui faisait également l’objet d’une mission dont l’irrégularité a été constatée au point 424 du présent arrêt.

632    En outre, la circonstance que l’engagement des frais mentionnés à la ligne no 302 a été motivé par un dîner auquel étaient invités des élus locaux permet d’établir l’irrégularité de la demande de remboursement de ces frais.

633    En deuxième lieu, certaines demandes de remboursement de frais de représentation formulées à la suite d’invitations adressées par M. Pinxten à des responsables politiques doivent être considérées comme étant irrégulières en tant que les circonstances entourant ces invitations permettent de les relier directement à l’activité politique exercée par M. Pinxten qui fait l’objet de la première branche du quatrième grief.

634    Tel est le cas pour les demandes de remboursement relatives aux frais mentionnés aux lignes nos 16, 20 et 29, en tant que celles-ci se rapportaient à des invitations adressées à des personnes présentées par M. Pinxten comme occupant des fonctions au sein du parti politique en cause et dont rien n’indique qu’elles auraient exercé, par ailleurs, des responsabilités politiques de premier plan.

635    La demande de remboursement des frais visés à la ligne no 70, lesquels correspondaient à un déjeuner avec un membre du cabinet d’un commissaire européen, doit être également considérée comme étant irrégulière, dès lors que ce déjeuner a été organisé à la suite d’une réunion du bureau du parti politique en cause et qu’il ressort du procès-verbal de cette réunion que tant ce commissaire que M. Pinxten y avaient assisté.

636    Il en va de même pour les demandes de remboursement des frais cités aux lignes nos 34, 54, 84, 85 et 88 qui concernaient toutes des invitations adressées à des responsables politiques belges, membres du parti politique en cause, en marge de réunions ou d’événements festifs organisés par ce parti politique auxquels il est établi que M. Pinxten a participé.

637    Le remboursement, comme frais de représentation, du paiement, mentionné à la ligne no 275, d’une « contribution » qui permettait, au vu des mentions figurant sur la facture relative à celle-ci, de participer à un « café politique » organisé par le parti politique en cause doit, lui-aussi, être considéré comme étant irrégulier en raison de son lien direct avec l’activité politique exercée par M. Pinxten.

–       Sur les frais de représentation liés aux relations avec d’autres personnes

638    S’agissant des frais de représentation liés aux relations avec d’autres personnes que des responsables politiques, il importe de relever que, en l’absence de toute référence explicite, dans les actes de la Cour des comptes relatifs au remboursement de tels frais, aux responsables d’opérateurs économiques privés, d’organismes représentatifs ou d’associations, les principes énoncés aux points 476 à 515 du présent arrêt en ce qui concerne les frais de mission et les indemnités journalières doivent être appliqués, mutatis mutandis, pour apprécier le rapport avec les fonctions de M. Pinxten des frais de représentation engagés à la suite d’invitations adressées à de tels responsables.

639    Sur cette base, il y a lieu de constater que, dans dix cas se rapportant à des invitations adressées à d’autres personnes que des responsables politiques, la Cour des comptes n’est pas parvenue à démontrer que les demandes de remboursement de frais de représentation formulées par M. Pinxten portaient sur des frais qui n’avaient pas été encourus en sa qualité de membre de la Cour des comptes.

640    Ainsi, s’agissant des frais visés à la ligne no 17, une invitation adressée à un haut responsable administratif chargé de présider un comité à la direction du Service public fédéral – Finances (Belgique) doit, en l’absence de preuves du caractère privé de cette invitation, être regardée comme entrant dans cette catégorie.

641    Au regard de la qualité des personnes en cause, cette conclusion s’impose également en ce qui concerne les frais de représentation visés aux lignes nos 35, 373 et 374, lesquels se rapportaient à des invitations adressées au recteur d’une université et à une personne exerçant des responsabilités au sein d’une organisation internationale.

642    Il en va de même en ce qui concerne les frais visés aux lignes nos 28 et 290, dans la mesure où des invitations adressées respectivement au directeur d’un groupement représentatif de dimension européenne et à un responsable d’un cabinet international d’audit pouvaient, sur la base des considérations figurant aux points 495 à 497 et 515 du présent arrêt, être reliées aux fonctions d’un membre de la Cour des comptes.

643    En outre, au regard des considérations énoncées au point 638 du présent arrêt, les demandes de remboursement des frais relatifs au déjeuner et aux dîners mentionnés aux lignes nos 56, 138, 284 et 382 doivent être considérées comme étant régulières, dès lors qu’il a été constaté aux points 570 à 575 du présent arrêt que l’irrégularité des missions au cours desquelles ces frais ont été engagés n’avait pas été établie par la Cour des comptes.

644    Par ailleurs, les frais engagés en relation avec le dîner avec le chef de cabinet d’un membre de la Commission visé à la ligne no 98 doivent, en principe, au regard des fonctions exercées par l’invité, être considérés comme étant encourus en qualité de membre de la Cour des comptes.

645    Les éléments produits à cet égard par la Cour des comptes ne sont pas suffisants pour établir le bien-fondé de son allégation selon laquelle ce dîner aurait eu un caractère privé.

646    D’une part, si cette institution se prévaut d’un échange de courriels du 20 mai 2010, il y a lieu de constater qu’il ressort de cet échange que les questions ponctuelles qui y étaient mentionnées ont été réglées avant ce dîner et qu’aucun élément n’indique qu’elles auraient constitué l’objet dudit dîner.

647    D’autre part, l’argument de la Cour des comptes selon lequel le coût du dîner en cause impliquait une violation, par la personne invitée, des obligations s’imposant à elle en vertu de l’article 11 du statut n’est, en tout état de cause, pas de nature à établir le caractère privé de ce dîner.

648    En revanche, dans 26 cas se rapportant à des invitations adressées à d’autres personnes que des responsables politiques, les demandes de remboursement de frais de représentation présentées par M. Pinxten doivent être considérées comme étant irrégulières.

649    En effet, au regard des constats déjà opérés aux points 484, 487, 489 et 493 du présent arrêt quant à l’irrégularité des missions visées aux lignes nos 45, 251, 283, 287, 307 et 325, en tant qu’elles avaient pour objet de rencontrer des responsables d’opérateurs économiques privés, les frais de représentation engagés dans le cadre de ces missions, dont le remboursement a été demandé par M. Pinxten, ne sauraient être regardés comme ayant été encourus en qualité de membre de la Cour des comptes.

650    Doivent également être considérées comme étant irrégulières les demandes de remboursement liées aux frais de représentation mentionnés aux lignes nos 13, 79, 115, 154, 178 et 318, qui se rapportaient à des invitations adressées à des responsables d’opérateurs économiques ou d’organismes représentatifs.

651    En outre, les frais de représentation engagés dans le cadre d’une activité extérieure autorisée ne sauraient, par définition, être considérés comme ayant été encourus en qualité de membre de la Cour des comptes.

652    Or, le dîner visé à la ligne no 385 doit être rattaché à la fonction de président de la SBNL-V exercée par M. Pinxten en tant qu’activité extérieure autorisée, dès lors, d’une part, que la qualité de l’invité à ce dîner indiquée dans la déclaration de frais renvoie à ses fonctions au sein du fonds assurant le financement du principal prix remis chaque année par la SBNL-V et, d’autre part, qu’un échange de courriels du 2 février 2016 permet d’établir que ledit dîner avait pour objet de discuter de l’organisation du concours de « L’arbre européen de l’année », lequel présente un lien direct avec le champ d’action de la SBNL-V.

653    Au regard des liens entre la SBNL-V et l’ELO relevés aux points 525 à 528 du présent arrêt, les frais de représentation visés à la ligne no 409, qui se rapportaient à un dîner offert au secrétaire général de l’ELO, doivent également être rattachés à l’activité de M. Pinxten au sein de la SBNL-V.

654    L’irrégularité d’une demande de remboursement de frais de représentation doit aussi être constatée quand celle-ci ne précisait pas clairement la qualité de l’invité et qu’aucune information supplémentaire n’a été fournie par M. Pinxten à ce sujet au cours de la présente procédure.

655    Une telle irrégularité doit être admise en ce qui concerne les frais de représentation mentionnés aux lignes nos 39, 262 et 297, sur la base des constats déjà opérés aux points 585 et 587 en ce qui concerne l’irrégularité des missions au cours desquelles ces frais ont été engagés.

656    La qualité de « directeur d’étude » ou de « directeur », utilisée pour un même invité dans les demandes de remboursement de frais de représentation auxquelles renvoient les lignes nos 21 et 40, ne saurait non plus suffire à démontrer que ces frais ont été encourus en qualité de membre de la Cour des comptes. Il en va de même pour les qualités de « Dr Pr » et de « Dr » employées dans les demandes de remboursement portant sur les frais de représentation mentionnés aux lignes nos 37, 254 et 255.

657    Bien que la qualité des invités soit indiquée avec précision dans les demandes de remboursement des frais de représentation visés aux lignes nos 36 et 42, le rapport avec les fonctions de M. Pinxten d’invitations adressées au directeur d’une institution culturelle ou à un procureur ne saurait, pour autant, être considéré comme étant établi.

658    Les preuves fournies par la Cour des comptes permettent, par ailleurs, d’établir le caractère privé de certaines invitations adressées à des personnes dont la qualité aurait pu, en principe, justifier l’engagement de frais de représentation.

659    Tel est le cas s’agissant de l’invitation adressée à l’ambassadeur du Royaume de Belgique en France qui fait l’objet de la ligne no 268, dès lors qu’elle se rapportait à un dîner organisé dans un restaurant voisin d’un domaine viticole et alors que plusieurs courriels indiquent que le déplacement de M. Pinxten ainsi que de son invité dans la région avait pour objet de visiter ce domaine viticole.

660    Le caractère privé de l’invitation adressée à un membre du gouvernement belge à laquelle se rapportait la ligne no 404 doit aussi être considéré comme étant établi, au regard des constats opérés au point 592 du présent arrêt.

–       Sur les frais se rapportant aux réceptions organisées au domicile de M. Pinxten

661    Au cours de ses deux mandats en tant que membre de la Cour des comptes, M. Pinxten a organisé dix réceptions à sa résidence pour lesquelles il a formulé des demandes de remboursement de frais de réception qui sont décrites par la Cour des comptes, dans le cadre de la présente procédure, comme étant irrégulières.

662    Ainsi qu’il ressort du point 605 du présent arrêt, l’article 6 de la décision no 7-2004 prévoyait que les frais encourus pour les réceptions à domicile sont remboursés à concurrence des pièces justificatives produites.

663    En l’espèce, l’irrégularité alléguée par la Cour des comptes ne tient ni au caractère excessif des frais dont M. Pinxten a demandé le remboursement au titre des réceptions organisées à son domicile, ni à une insuffisance des pièces justificatives produites à cet égard, mais tient uniquement au caractère supposément privé de ces réceptions.

664    Étant donné que les règles internes de la Cour des comptes n’énonçaient pas de critère spécifique relatif aux réceptions organisées au domicile d’un membre de cette institution, les frais générés par une telle réception doivent être considérés comme ayant été encourus en qualité de membre de ladite institution lorsque cette réception a permis d’assurer, dans l’intérêt de la même institution, des relations professionnelles avec les personnes invitées à ladite réception.

665    Ainsi qu’il ressort du point 618 du présent arrêt, l’existence d’un tel intérêt pour la Cour des comptes doit, aux fins de la présente procédure, être appréciée, en principe, sur la base de la qualité des personnes invitées aux réceptions organisées au domicile de M. Pinxten.

666    Il résulte des orientations figurant à l’annexe 1 de la note du 22 avril 2004 que ces invités devaient être, notamment, des personnes exerçant des fonctions de premier plan au sein de l’Union, des États membres ou des pays tiers. Dans l’hypothèse où des agents de la Cour des comptes figuraient parmi lesdits invités, un juste équilibre devait être assuré entre ces agents et les personnes extérieures à cette institution.

667    En outre, dès lors qu’il ressort de ces orientations que les amis personnels et les membres de la famille du membre de la Cour des comptes, à l’exception de son conjoint ou de son partenaire, devaient faire l’objet d’une invitation privée, les frais se rapportant à l’invitation de telles personnes à une réception au domicile d’un membre de cette institution ne pouvaient pas valablement être remboursés par ladite institution.

668    Par ailleurs, il y a lieu de considérer, pour les raisons indiquées au point 627 du présent arrêt, que la circonstance que l’article 2 de la décision no 7-2004 accordait un rôle prépondérant à la « qualité de l’invité principal » implique que la présence, à une réception organisée au domicile d’un membre de la Cour des comptes, d’un ou de plusieurs invités dont la qualité n’aurait pas, en tant que telle, pu justifier l’engagement de frais de réception n’est pas de nature à établir que cette réception était, dans son ensemble, dénuée de lien avec les fonctions de ce membre.

669    Les règles internes de la Cour des comptes n’établissant pas clairement le régime applicable à de tels invités, lorsqu’ils n’étaient ni des amis personnels ni des membres de la famille du membre concerné de cette institution, la formulation d’une demande de remboursement des frais ne distinguant pas ces invités des autres, mais comportant des informations complètes sur la qualité des divers invités ne saurait être regardée, en tant que telle, comme pertinente aux fins d’apprécier l’existence d’une violation, par M. Pinxten, des obligations découlant de sa charge.

670    Dans ce contexte, il y a lieu de relever, en premier lieu, que les demandes de remboursement de frais de réception émises par M. Pinxten comportaient, en règle générale, des informations précises sur chacune des personnes invitées aux réceptions organisées à son domicile et fournissaient donc plus d’informations que ce que requérait l’article 2 de la décision no 7-2004.

671    La Cour des comptes était donc en mesure d’apprécier, en toute connaissance de cause, la régularité des frais de réception faisant l’objet de ces demandes lorsqu’elle s’est prononcée sur celles-ci.

672    En deuxième lieu, en application des règles internes de la Cour des comptes, la présence systématique, lors des réceptions en cause, du conjoint de M. Pinxten et de ceux des personnes invitées ne saurait constituer une irrégularité ou indiquer que ces réceptions présentaient un caractère privé.

673    Il convient, en troisième lieu, d’examiner la pertinence de la lettre du 28 avril 2015.

674    Selon la Cour des comptes, les termes de cette lettre permettent d’établir, de manière générale, que les réceptions organisées au domicile de M. Pinxten servaient en réalité à réunir ses amis et ne présentaient donc aucun rapport avec ses fonctions de membre de cette institution.

675    Certes, dans ladite lettre, M. Pinxten évoquait le fait qu’il invitait régulièrement « un certain nombre d’amis à partager un dîner informel chez [lui] » qui regroupait « une ou deux personnalités politiques de premier plan, ainsi que quelques amis qui occupent une position élevée dans le milieu des entreprises » en vue de « passer une soirée agréable, détendue et utile en bonne compagnie ». Les invités auraient ainsi fait « tous partie de [son] cercle personnel » et le dîner aurait offert l’occasion d’une « soirée sympathique, chaleureuse, passionnante avec des personnalités flamandes triées sur le volet ». La même lettre énumérait finalement les noms des personnes qui pourraient être invitées au dîner envisagé.

676    Cependant, il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’aucune des demandes de remboursement de frais de réception figurant dans le dossier dont dispose la Cour ne portait sur un dîner auquel aurait participé le Premier ministre du Royaume de Belgique et les autres personnes mentionnées dans la lettre du 28 avril 2015.

677    Il s’ensuit que cette lettre se référait à un dîner qui n’a pas été organisé ou, à tout le moins, qui n’a pas fait l’objet d’une demande de remboursement considérée comme étant irrégulière par la Cour des comptes.

678    Ensuite, si ladite lettre comprenait une description générale des dîners organisés par M. Pinxten à son domicile, force est de constater que cette description ne correspond pas réellement aux éléments qui ressortent des demandes de remboursement transmises par la Cour des comptes, dans la mesure où la liste des personnes invitées à ces dîners ne se limitait pas à des « personnalités flamandes » et comprenait fréquemment une ou plusieurs personnes exerçant des responsabilités au sein des institutions européennes.

679    Enfin, les termes « amis » et « cercle personnel », qui pourraient à première vue laisser penser que les dîners organisés par M. Pinxten à son domicile étaient de nature privée, ne doivent pas nécessairement être compris dans un sens littéral, dès lors que la lettre du 28 avril 2015 avait manifestement pour but de présenter sous un jour séduisant les dîners organisés par M. Pinxten et non pas de décrire la pratique effectivement suivie par celui-ci.

680    Force est d’ailleurs de constater que le destinataire de cette lettre ne paraît pas lui-même être un ami de M. Pinxten et que la circonstance que près de 40 personnes différentes aient été invitées à l’un ou à l’autre de ces dîners est difficilement compatible avec une lecture littérale des termes « amis » et « cercle personnel ».

681    Il découle de ce qui précède que la lettre du 28 avril 2015 ne saurait suffire à démontrer que l’ensemble des réceptions organisées par M. Pinxten à son domicile présentaient un caractère privé.

682    En quatrième lieu, il apparaît que, dans huit cas, qui sont visés aux lignes nos 22, 55, 110, 160, 216, 243, 245 et 279, les qualités de la plupart des invités à une réception organisée à la résidence de M. Pinxten étaient de nature à démontrer que celui-ci pouvait légitimement chercher à entretenir, dans l’intérêt de la Cour des comptes, des relations professionnelles avec ceux-ci.

683    Ainsi, figuraient parmi ces invités des personnes exerçant des responsabilités de premier plan au sein des institutions européennes, à savoir des membres du Parlement européen, de la Commission, de la Cour et de la Cour des comptes, et au sein des États membres, tels que des membres du Parlement belge, du gouvernement belge et du cabinet du Roi des Belges ainsi que des ambassadeurs ou des hauts fonctionnaires.

684    En revanche, les invités de la réception visée à la ligne no 123 ne présentent pas un lien suffisant avec la Cour des comptes pour considérer que les frais relatifs à cette réception ont été encourus par M. Pinxten en tant que membre de cette institution.

685    En effet, si un membre du Parlement belge faisait certes partie de ces invités, les autres convives exerçaient tous des fonctions au sein d’opérateurs économiques privés. Il importe, de surcroît, de souligner que, parmi ceux-ci, figuraient notamment l’homme d’affaires belge décrit par M. Pinxten comme étant un « ami de longue date » et mentionné au point 493 du présent arrêt ainsi qu’un dirigeant d’un groupe dont M. Pinxten était administrateur avant son entrée en fonction comme membre de la Cour des comptes.

686    La même conclusion s’impose s’agissant de la réception visée à la ligne no 376. En effet, en plus d’un membre de la Commission, les quatre autres personnes invitées, avec leurs conjoints respectifs, au dîner en cause exerçaient toutes leur fonction au sein d’opérateurs économiques privés ou d’organismes représentatifs. En outre, il y a lieu de relever que l’homme d’affaires cité au point précédent et un responsable de l’ELO, dont le lien avec l’activité extérieure autorisée exercée par M. Pinxten a déjà été relevé, faisaient partie de ces personnes.

iv)    Sur l’utilisation de la voiture de fonction et sur le recours au service d’un chauffeur

687    Au cours des deux mandats de M. Pinxten en tant que membre de la Cour des comptes, l’utilisation des voitures de fonction et le recours au service de chauffeurs étaient régis, successivement, par la décision no 33-2004, puis par la décision no 19-2009.

688    Les dispositions de ces décisions qui revêtent une pertinence pour la présente affaire étaient, en substance, similaires.

689    L’article 1er de chacune desdites décisions énonçait que des voitures de fonction sont mises à la disposition permanente des membres de la Cour des comptes, pour leurs déplacements dans le cadre de leur fonction.

690    L’article 4, premier alinéa, de la décision no 33-2004 et l’article 4, premier alinéa, de la décision no 19-2009 prévoyaient que la Cour des comptes prend en charge, outre le coût de la location, les frais occasionnés par l’utilisation du véhicule par les membres de cette institution dans l’exercice de leurs fonctions.

691    L’article 4, second alinéa, de chacune de ces décisions disposait que sont considérés comme des déplacements dans l’exercice des fonctions les déplacements sous couvert d’un ordre de mission et les autres déplacements liés à l’exercice des fonctions, lesquels sont évalués forfaitairement à 15 000 km par an.

692    La notion d’« autres déplacements dans l’exercice des fonctions » était précisée dans les commentaires relatifs à la décision no 33-2004 et dans les commentaires relatifs à la décision no 19-2009. Il résultait de ces commentaires qu’étaient considérés comme de tels déplacements les trajets entre le domicile sur le lieu d’affectation et le lieu de travail, les trajets entre le lieu d’affectation ou de résidence et un aéroport, les trajets nécessaires pour les obligations protocolaires intervenant dans un périmètre réduit et non couvertes par un ordre de mission ainsi que « les cas de force majeure (maladie, contrôles médicaux, impossibilité de conduire, etc.) ».

693    L’article 5 de la décision no 33-2004 et l’article 5 de la décision no 19‑2009 prévoyaient que, lorsque les membres de la Cour des comptes utilisent la voiture de fonction pour d’autres déplacements que ceux visés à l’article 4 de chacune de ces décisions, les frais correspondants, à savoir les frais se rapportant aux péages, au carburant et au coût supplémentaire éventuel de location, sont à leur charge.

694    Partant, si les membres de la Cour des comptes pouvaient utiliser leur voiture de fonction tant pour les déplacements dans l’exercice de leurs fonctions que pour des déplacements d’ordre privé, le régime applicable aux frais générés respectivement par ces deux types d’utilisation différait.

695    Par ailleurs, l’article 6 de la décision no 33-2004 et l’article 6 de la décision no 19-2009 disposaient que les chauffeurs bénéficient du remboursement de leurs frais de mission lorsqu’ils conduisent les membres de la Cour des comptes dans leurs déplacements dans l’exercice de leurs fonctions.

696    Bien qu’il ne ressorte pas du libellé de ces articles que ceux-ci avaient pour objet de définir, de manière générale, les conditions dans lesquelles un membre de la Cour des comptes pouvait avoir recours au service d’un chauffeur, il découle desdits articles qu’un ordre de mission ne pouvait être établi pour un chauffeur, afin qu’il conduise un membre de cette institution, que pour autant que le déplacement du membre concerné constituait un « déplacement dans l’exercice des fonctions », au sens de l’article 4 de la décision no 33-2004 et de l’article 4 de la décision no 19-2009.

697    L’établissement irrégulier d’un ordre de mission pour un chauffeur, visant à ce qu’il conduise un membre de la Cour des comptes pour d’autres types de déplacements, était susceptible de générer des coûts importants pour la Cour des comptes, dans la mesure, notamment, où il impliquait que ce chauffeur pouvait bénéficier du remboursement de ses frais de mission ainsi que du paiement d’indemnités journalières.

698    Or, il est constant que, dans le cadre de l’organisation mise en œuvre au sein de la Cour des comptes jusqu’au 5 octobre 2016, il incombait à un membre de cette institution de signer les ordres de mission des chauffeurs dont il utilisait les services.

699    En l’espèce, les missions de chauffeur dont la Cour des comptes dénonce l’irrégularité ont eu lieu avant cette date et ont été autorisées par M. Pinxten.

700    Dès lors que M. Pinxten était appelé à déterminer les tâches du chauffeur affecté à son cabinet, en tant que supérieur hiérarchique, et à signer les ordres de mission des chauffeurs, en tant qu’ordonnateur, il relevait des obligations découlant de sa charge d’établir ces ordres de mission dans le respect des règles applicables et, en particulier, de ne pas ordonner de missions visant à le conduire pour un déplacement dénué de lien avec l’exercice de ses fonctions.

–       Sur les frais de transport engagés en dehors des missions de M. Pinxten

701    Dans 90 cas, les ordres de mission de chauffeur signés par M. Pinxten ne portaient pas sur des trajets couverts par un ordre de mission de celui-ci.

702    En premier lieu, 81 de ces missions avaient, selon la Cour des comptes, pour objet de conduire M. Pinxten.

703    Dès lors que lesdites missions ne portaient pas sur des trajets couverts par un ordre de mission de M. Pinxten, leur régularité ne peut être établie, conformément aux articles 4 et 6 de la décision no 33-2004 et à ces mêmes articles de la décision no 19-2009, que si le déplacement en cause pouvait être qualifié d’« autres déplacements liés à l’exercice des fonctions ».

704    À cet égard, M. Pinxten fait notamment valoir que ses déplacements devaient être qualifiés ainsi, de manière générale, en tant que son état de santé ne lui permettait pas de conduire sa voiture de fonction sur de longues distances.

705    Certes, il y a lieu de constater que les commentaires relatifs à la décision no 33-2004 et les commentaires relatifs à la décision no 19‑2009 prévoyaient qu’un déplacement peut être considéré comme lié à l’exercice des fonctions en raison d’un cas de force majeure et citaient, parmi les cas de force majeure, la « maladie » et l’« impossibilité de conduire ».

706    Cependant, les certificats médicaux produits par M. Pinxten devant l’administration de la Cour des comptes ne sont, à cet égard, pas suffisants pour établir que celui-ci aurait été, pour des raisons médicales, incapable de conduire sur de longues distances pendant la période pertinente.

707    En effet, le premier de ces certificats médicaux, daté du 5 décembre 2008, précise uniquement que M. Pinxten doit utiliser un siège adapté lorsqu’il reste longuement dans une voiture.

708    Quant au second desdits certificats médicaux, daté du 31 octobre 2016, il indique que, en raison du « problème médical » de M. Pinxten qui progresse lentement avec le temps, il est, à partir de ce jour, fortement recommandé que ce dernier s’abstienne de conduire une voiture sur des trajets dépassant une heure ou 100 km. Ce second certificat médical n’apporte donc aucune information quant à son état de santé à l’époque où ont été ordonnées les missions litigieuses.

709    Il s’ensuit que M. Pinxten ne saurait se prévaloir valablement de son état de santé pour justifier les ordres de mission de chauffeur qu’il a établis.

710    Dans ce contexte, les missions d’un chauffeur de la Cour des comptes se rapportant à des trajets durant lesquels M. Pinxten n’était pas lui-même couvert par un ordre de mission peuvent être divisées en trois groupes.

711    Premièrement, dans douze cas, la mission du chauffeur concerné a consisté à conduire M. Pinxten pour un motif inconnu ou clairement détachable de ses fonctions.

712    Ainsi, dans le cadre des missions de chauffeur visées aux lignes nos 149, 166, 182, 189, 193 et 198, le chauffeur concerné s’est rendu à Bruxelles en train pour ramener M. Pinxten à Luxembourg en voiture, sans qu’aucune justification soit fournie, à l’origine ou lors de la présente procédure, quant à la raison pour laquelle celui-ci était à Bruxelles.

713    À l’inverse, les missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 78, 212, 342 et 384 consistaient à emmener M. Pinxten à Bruxelles en voiture depuis Luxembourg, sans motif professionnel allégué, le chauffeur concerné repartant ensuite à Luxembourg en train.

714    Par ailleurs, la mission de chauffeur visée aux lignes nos 254 et 255 avait pour objet de conduire M. Pinxten à Overpelt à un dîner qui, ainsi qu’il a été constaté au point 656 du présent arrêt, ne peut pas être rattaché à ses fonctions de membre de la Cour des comptes.

715    En outre, la mission de chauffeur mentionnée à la ligne no 64, en ce qu’elle est reliée à un déplacement de M. Pinxten à une réunion du bureau du parti politique en cause tenue à Bruxelles, ne saurait être regardée comme étant régulière. Le fait que les documents produits par cette institution indiquent que le chauffeur concerné était dans un train à l’heure de cette réunion et qu’il n’est arrivé à Bruxelles que postérieurement ne modifie en rien cette appréciation, celui-ci s’étant rendu dans cette ville pour conduire M. Pinxten à la suite de ladite réunion.

716    Aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne permet donc d’établir que les missions de chauffeur visées aux points 712 à 715 du présent arrêt se rapportaient à des déplacements liés à l’exercice des fonctions de M. Pinxten. Ces missions doivent, dès lors, être considérées comme étant irrégulières.

717    En revanche, si le motif allégué par la Cour des comptes de la mission de chauffeur mentionnée à la ligne no 38, à savoir aller chercher M. Pinxten sur son lieu de vacances, serait de nature à établir l’irrégularité de cette mission, il y a lieu de relever que celui-ci nie avoir autorisé une telle mission et que la Cour des comptes n’a pas établi que cette mission avait effectivement eu lieu, le dossier dont dispose la Cour ne comprenant pas d’ordre de mission signé de sa main.

718    Deuxièmement, 57 missions de chauffeur ont pour objet un trajet entre la ville de Luxembourg, siège de la Cour des comptes, et la commune d’Overpelt, lieu d’origine de M. Pinxten.

719    Ainsi, les missions de chauffeur visées aux lignes nos 107, 126, 144 à 146, 148, 156, 158, 165, 179, 180, 188, 213, 220, 231, 238, 240, 241, 244, 246, 263 à 265, 267, 270, 272, 273, 278, 291, 293, 294, 296, 305, 312, 316, 340, 356, 372, 375, 388, 399 et 400 consistaient à conduire M. Pinxten, depuis Luxembourg vers Overpelt, le chauffeur concerné retournant le lendemain à Luxembourg en train.

720    À l’inverse, dans les missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 112, 136, 140, 206 et 387, le chauffeur concerné se rendait en train à Overpelt en vue de conduire M. Pinxten à Luxembourg.

721    D’autres trajets entre Luxembourg et Overpelt, indépendamment de toute mission de M. Pinxten, peuvent être relevés dans les missions de chauffeur visées aux lignes nos 77, 109, 127, 226, 233, 285, 324, 349, 378 et 383, suivant des modalités variées, telles qu’un aller-retour en voiture de fonction ou un trajet vers Overpelt avec une étape à Bruxelles.

722    Ces diverses missions de chauffeur ne sauraient être reliées à un déplacement de M. Pinxten dans l’exercice de ses fonctions.

723    En particulier, si les commentaires relatifs à la décision no 33-2004 et les commentaires relatifs à la décision no 19-2009 indiquent que, parmi les « autres déplacements liés à l’exercice des fonctions », figuraient les trajets entre le domicile et le lieu de travail, ces commentaires indiquaient clairement, et de surcroît en italique, que le domicile mentionné doit se situer « sur le lieu d’affectation », ce qui implique que les trajets entre le lieu d’affectation et le lieu d’origine ne devaient pas être considérés comme des « autres déplacements liés à l’exercice des fonctions », au sens de l’article 4 de la décision no 33-2004 et de l’article 4 de la décision no 19-2009.

724    Certes, ainsi que le souligne M. Pinxten, l’administration de la Cour des comptes était nécessairement informée de la pratique, suivie par celui-ci pendant des années, consistant à recourir au service d’un chauffeur pour se rendre à son lieu d’origine, au regard des nombreux paiements dont ont bénéficié, à ce titre, les chauffeurs concernés et de l’achat, par cette administration, des billets de train utilisés par ces chauffeurs dans ce cadre.

725    Cependant, la tolérance ainsi démontrée pour cette pratique ne saurait permettre à M. Pinxten d’échapper à sa responsabilité à cet égard, alors que, ainsi qu’il ressort du point 369370 du présent arrêt, elle n’est pas de nature à faire naître une confiance légitime dans le caractère régulier de ladite pratique et que M. Pinxten ne pouvait, au demeurant, pas ignorer l’incompatibilité de la même pratique avec les règles internes de la Cour des comptes.

726    Il convient encore de préciser, à propos des missions de chauffeur relatives à des trajets vers ou depuis Overpelt, que, s’il ne saurait être entièrement exclu, au regard de l’imprécision de la formulation des ordres de mission en cause, que certaines de ces missions aient eu pour objet unique d’amener à M. Pinxten sa voiture de fonction, afin qu’il puisse en disposer sur son lieu d’origine, un tel objet n’aurait servi que les intérêts privés de M. Pinxten et ne saurait être considéré comme étant régulier.

727    Troisièmement, la régularité de onze missions de chauffeur est partiellement contestée par la Cour des comptes en tant que ces missions comportaient un trajet entre Overpelt et un lieu où s’est déroulée une mission de M. Pinxten.

728    Une telle situation apparaît effectivement dans les missions de chauffeur visées aux lignes nos 62, 181, 191 et 336, dans lesquelles le chauffeur concerné a conduit M. Pinxten à Overpelt à l’issue de l’une de ses missions, ainsi que dans les missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 173 et 366, dans lesquelles le chauffeur concerné est allé chercher M. Pinxten à Overpelt pour l’emmener au lieu où devait se dérouler une mission de celui-ci.

729    Il convient également d’assimiler à ces cas la mission de chauffeur visée à la ligne no 195, dans laquelle la Cour des comptes admet que M. Pinxten a accompli, à Bruxelles, une tâche relevant de ses fonctions, sans toutefois être couvert par un ordre de mission, avant que le chauffeur affecté à son cabinet ne le conduise à Overpelt.

730    Or, même dans le cas où la régularité de la mission de M. Pinxten n’est aucunement contestée, il y a lieu de constater qu’un trajet de celui-ci entre Overpelt et le lieu où s’est déroulée cette mission n’est pas couvert par son ordre de mission.

731    Il s’ensuit que ce trajet ne saurait être considéré comme un « déplacement sous couvert d’un ordre de mission », au sens de l’article 4 de la décision no 33-2004 et de l’article 4 de la décision no 19‑2009.

732    Étant donné que, au regard des considérations figurant aux points 709 et 723 du présent arrêt, un tel trajet ne constitue pas non plus un « autre déplacement lié à l’exercice des fonctions », au sens de ces articles, les missions de chauffeur visées aux points 728et 729 du présent arrêt doivent être considérées comme étant irrégulières en tant qu’elles comportent un trajet vers ou depuis Overpelt.

733    Ce raisonnement doit être transposé, mutatis mutandis, à la mission de chauffeur visée à la ligne no 124, dans laquelle le chauffeur concerné a conduit M. Pinxten à Overpelt depuis l’aéroport de Francfort‑sur‑le‑Main (Allemagne), à la suite d’une mission de plusieurs jours s’étant déroulée à Macao (République populaire de Chine).

734    En effet, si les commentaires relatifs à la décision no 33-2004 et les commentaires relatifs à la décision no 19-2009 mentionnaient, parmi les « autres déplacements liés à l’exercice des fonctions », les trajets entre le lieu d’affectation ou de résidence et un aéroport, ceux-ci ne visent aucunement les trajets entre le lieu d’origine et un aéroport.

735    En revanche, l’irrégularité des missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 176, 317, 373 et 374 ne saurait être considérée comme étant établie, dès lors que le dossier dont dispose la Cour ne comprend pas les ordres de mission de M. Pinxten auxquelles se réfère la Cour des comptes et ne permet donc pas d’établir que les trajets contestés n’étaient pas couverts, de manière justifiée, par ces ordres de mission.

736    En second lieu, neuf des missions du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten dont l’irrégularité est dénoncée par la Cour des comptes avaient un objet autre que conduire celui-ci.

737    À cet égard, il convient certes de relever que la réalisation de telles missions par un chauffeur n’était pas explicitement envisagée dans la réglementation interne de la Cour des comptes dont dispose la Cour.

738    Pour autant, l’article 6 de la décision no 33-2004 et l’article 6 de la décision no 19-2009 ne sauraient être interprétés comme impliquant l’irrégularité des missions de cet ordre, dès lors que ces articles ne régissaient que les missions des chauffeurs ayant pour objet de conduire les membres de la Cour des comptes ou le secrétaire général de cette institution.

739    Partant, il ne saurait être exclu que les ordres de mission signés par M. Pinxten relatifs à des missions du chauffeur affecté à son cabinet ayant un autre objet que de le conduire puissent être considérés comme étant réguliers, pour autant que ces missions servaient effectivement les intérêts de la Cour des comptes.

740    Tel pourrait être le cas, en principe, pour des missions du chauffeur concerné visant à assurer le transport de documents.

741    Il ressort d’ailleurs du dossier dont dispose la Cour que plusieurs missions du chauffeur concerné ayant un tel objet étaient initialement reprochées à M. Pinxten, mais que la Cour des comptes a finalement renoncé à dénoncer leur irrégularité dans le cadre du présent recours.

742    Cela étant, dès lors qu’un transport de documents assuré par un chauffeur de la Cour de comptes doit avoir pour objet de contribuer à la réalisation des tâches de celle-ci et qu’il ne saurait conduire à engager exagérément les ressources de cette institution par un transport sur de longues distances, un tel transport ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, intervenir entre le lieu de travail et le lieu d’origine de l’un des membres de cette institution.

743    Si cette institution soutient que les missions présentées comme visant à transporter des documents sur lesquelles porte le premier grief avaient, en réalité, eu un autre objet, il y a lieu de constater, d’une part, qu’elle ne précise pas, sauf dans un cas, quel aurait été cet objet et, d’autre part, que le chauffeur concerné a confirmé, lors de son audition par l’OLAF du 3 octobre 2017, avoir accompli des missions consistant à transporter des documents puis à les ramener, après signature, au siège de la Cour des comptes.

744    Dans ces conditions, l’irrégularité des missions de chauffeur mentionnées aux lignes no 172, 222 et 249 doit être considérée comme étant établie, dès lors qu’il est constant que ces missions avaient pour objet d’apporter des documents au lieu d’origine de M. Pinxten.

745    Quant à la mission de chauffeur visée à la ligne no 141, si le bien-fondé de l’allégation de la Cour des comptes selon laquelle cette mission était liée à un accident n’est pas démontré, il n’en demeure pas moins que, dans la mesure où il ressort de l’ordre de cette mission que le chauffeur concerné était appelé à apporter des documents à Overpelt, ladite mission doit être considérée comme étant irrégulière.

746    S’agissant de la mission de chauffeur mentionnée à la ligne no 250, si la Cour des comptes allègue que, sous couvert d’un transport de documents, cette mission avait en réalité pour objet de transporter des bouteilles de champagne en vue du mariage d’un enfant de M. Pinxten, ce dernier dément formellement cette allégation.

747    À cet égard, il n’est pas nécessaire, pour la Cour, de déterminer si les éléments de preuve présentés à l’appui de ladite allégation sont suffisants pour démontrer son bien-fondé. En effet la mission de chauffeur mentionnée à la ligne no 250 devrait, en tout état de cause, être considérée comme étant irrégulière même si elle avait réellement pour objet de transporter des documents, en tant qu’il ressort de l’ordre de mission du chauffeur concerné qu’il devait se rendre à Overpelt, lieu d’origine de M. Pinxten.

748    En dehors des missions relatives à des transports de documents, la mission de chauffeur visée à la ligne no 247 visait, selon M. Pinxten, à emmener sa voiture de fonction à un garage en vue de procéder à son entretien.

749    À cet égard, l’argument de la Cour des comptes selon lequel cette justification ne saurait être retenue dans la mesure où l’entretien de cette voiture était assuré par un garage situé dans une autre ville ne peut, en l’absence de toute pièce appuyant cet argument, être retenu.

750    En revanche, la mission de chauffeur visée à la ligne no 129, dont il est constant qu’elle avait pour objet d’aller chercher l’épouse de M. Pinxten à Overpelt afin qu’elle puisse participer à un dîner officiel organisé par la Cour des comptes à Luxembourg, ne peut être regardée comme ayant été conduite dans l’intérêt de cette institution.

751    De même, l’irrégularité de la mission de chauffeur mentionnée à la ligne no 197 doit être considérée comme étant établie, dès lors qu’il ressort des déclarations du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten lors de son audition du 16 octobre 2017 par l’OLAF et d’une attestation d’enlèvement que, dans le cadre de cette mission, le chauffeur concerné est allé chercher une voiture neuve qui avait été commandée par M. Pinxten pour son usage privé.

752    Par ailleurs, bien que l’irrégularité de la mission de chauffeur citée à la ligne no 142 ne soit pas contestée, cette irrégularité ne saurait être reprochée à M. Pinxten dans le cadre de la présente procédure.

753    À cet égard, il convient de relever qu’il est constant que, à l’occasion de cette mission, le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten s’est rendu, en Suisse, sur le lieu de vacances de ce dernier.

754    Si les parties sont en désaccord quant à l’objet précis de cette mission, l’affirmation de M. Pinxten selon laquelle ladite mission visait, en accord avec le responsable des chauffeurs de la Cour des comptes, à récupérer la voiture de fonction à la suite d’un accident correspond, en substance, aux déclarations du chauffeur concerné lors de son audition par l’OLAF du 16 octobre 2017.

755    En outre, il est établi que, après avoir été informé d’une possible irrégularité de la mission du chauffeur en cause, M. Pinxten a sollicité l’administration de la Cour des comptes, au cours de l’année 2011, afin de rembourser les sommes qui auraient indûment été mises à la charge de cette institution à l’occasion de cette mission et que ces sommes ont été déduites de son salaire.

–       Sur les frais de transport engagés à l’occasion des missions de M. Pinxten

756    Les autres ordres de mission de chauffeur signés par M. Pinxten dénoncés comme étant irréguliers par la Cour des comptes dans le cadre de la présente procédure portaient sur des trajets couverts par un ordre de mission de celui-ci.

757    Or, une mission d’un chauffeur visant à conduire M. Pinxten pour un trajet couvert par un ordre de mission de ce dernier doit, en principe, être considérée comme étant régulière, en application des articles 4 et 6 de la décision no 33-2004 et des mêmes articles de la décision no 19‑2009.

758    Néanmoins, il en est autrement en ce qui concerne une telle mission d’un chauffeur s’il est établi, dans le cadre défini aux points 387 à 392 du présent arrêt, que la mission de M. Pinxten à laquelle la mission de ce chauffeur se rapportait était, selon les cas, irrégulière ou manifestement irrégulière.

759    Dès lors, il y a lieu de considérer que les ordres de mission d’un chauffeur signés par M. Pinxten en vue d’être conduit au cours de l’une de ses missions qui a été déclarée, selon les cas, irrégulière ou manifestement irrégulière, lors de l’examen mené aux points 396 à 601 du présent arrêt, doivent également être considérés comme étant irréguliers, caractérisant ainsi un abus de ressources.

760    Pour le reste, il apparaît, en premier lieu, que, dans trois cas, l’irrégularité de missions de chauffeur visées par le premier grief n’apparaît pas établie, dans la mesure où les missions de M. Pinxten auxquelles elles se rapportaient ne sauraient être considérées comme étant irrégulières, sur la base des éléments dont dispose la Cour.

761    Tel est le cas pour les missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 3, 31 et 281, dès lors que les missions correspondantes de M. Pinxten avaient pour objet de rencontrer des responsables politiques membres du gouvernement belge ou d’un cabinet ministériel, le caractère peu transparent de l’ordre de la mission visée à la ligne no 281 n’étant pas suffisant pour impliquer l’irrégularité de celle-ci.

762    À l’inverse, en deuxième lieu, 31 missions du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten doivent être regardées comme étant irrégulières, en tant qu’elles se rapportaient à des missions de celui-ci qui n’ont pas encore été examinées dans le présent arrêt, mais qui n’apparaissent pas être liées à l’exercice des fonctions de M. Pinxten, en application des critères retenus aux points 396 à 601 du présent arrêt.

763    Ainsi, la mission de chauffeur visée à la ligne no 344, qui impliquait de conduire M. Pinxten depuis l’aéroport de Francfort-sur-le-Main à la suite de son voyage à Cuba, se rapportait à une mission irrégulière de M. Pinxten.

764    Il en va de même pour la mission de chauffeur mentionnée à la ligne no 133, dès lors que la mission correspondante de M. Pinxten était officiellement destinée à rencontrer le président du parti politique en cause et permettait en pratique à M. Pinxten, au vu des mentions figurant dans son agenda, de participer à la réception de Nouvel An de ce parti politique.

765    Les missions de chauffeur visées aux lignes nos 115, 163, 164, 177 et 178 doivent également être regardées comme étant irrégulières en tant qu’elles visaient à conduire M. Pinxten à des rencontres avec des responsables d’opérateurs économiques privés, tout comme les missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 18 et 114, qui étaient liées à des missions de M. Pinxten ayant pour objet de rencontrer l’homme d’affaires belge décrit par M. Pinxten comme étant un « ami de longue date » et mentionné au point 493 du présent arrêt.

766    Les critères dégagés en ce qui concerne les relations avec les responsables d’organismes représentatifs et d’associations impliquent d’écarter la régularité des missions de chauffeur visées aux lignes nos 32 et 121, qui correspondaient à des missions de M. Pinxten visant, respectivement, à assister à la réception de Nouvel An de la chambre de commerce et d’industrie du Limbourg et à un événement organisé par une fondation qui serait active dans le domaine de la recherche médicale.

767    M. Pinxten a aussi eu recours au service d’un chauffeur dans le cadre de missions qui se rapportaient, en réalité, à des activités familiales ou de loisirs.

768    Tel est le cas pour les missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 36 et 268, pour les raisons indiquées aux points 657 et 659 du présent arrêt, pour la mission de chauffeur visée à la ligne no 225, qui avait pour objet réel de permettre à M. Pinxten d’assister à un opéra, ainsi que pour la mission de chauffeur citée à la ligne no 53, laquelle correspondait à une mission de M. Pinxten présentée simplement comme une visite dans une université belge, mais dont l’agenda de celui-ci indique qu’elle visait à assister à la remise du diplôme de l’un de ses enfants.

769    En outre, au regard des considérations figurant au point 554 du présent arrêt, la participation à une chasse royale que permettaient les missions mentionnées aux lignes nos 67 et 223 implique l’irrégularité des ordres de mission du chauffeur concerné visant à conduire M. Pinxten dans ce cadre.

770    D’autres missions du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten se rapportaient à des missions de celui-ci qui apparaissent directement liées aux intérêts patrimoniaux de M. Pinxten.

771    D’une part, la mission de chauffeur no 404 visait ainsi à conduire M. Pinxten à un rendez-vous avec un notaire à Dijon (France), lequel était chargé, comme le démontrent des courriels produits par la Cour des comptes, d’acquérir le bien immobilier mentionné lors de l’examen de la seconde branche du quatrième grief et de mettre en place les instruments juridiques destinés à permettre la gestion de ce bien.

772    D’autre part, une série de missions du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten peuvent être reliées au projet immobilier dit « Kaïros », dans lequel il apparaît, au vu d’une série de courriels figurant dans le dossier dont dispose la Cour, que M. Pinxten avait envisagé d’investir.

773    En effet, outre la mission de chauffeur visée à la ligne no 113, qui correspondait à une mission dont l’objet officiel est « Kaïros », les missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 51 et 205 visaient à conduire M. Pinxten à des rencontres avec des personnes identifiées respectivement, dans des lettres datées des 10 avril 2012 et 9 février 2012, comme l’ancien responsable de ce projet immobilier et comme un architecte ayant assisté M. Pinxten lors de la réception de travaux en lien avec ledit projet.

774    Par ailleurs, les missions de chauffeur visées aux lignes nos 25, 26, 50, 139, 266 et 397 doivent être regardées comme étant irrégulières, en tant qu’elles correspondaient à des missions de M. Pinxten dont l’objet était insuffisamment précis, puisqu’il se référait, selon les cas, à un « dîner formel », à des personnes dont la qualité est inconnue ou encore à un « consultant ».

775    Une telle absence de précision doit également être relevée pour les missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 46, 52, 159 et 162, en tant que ces missions visaient à conduire M. Pinxten lors de visites à un établissement d’enseignement secondaire et à un établissement d’enseignement supérieur dispensant des formations artistiques, sans que les motifs justifiant de tels visites soient indiqués dans le dossier dont dispose la Cour.

776    En troisième lieu, il convient d’examiner les missions de chauffeur visées aux lignes nos 106, 151, 153, 167, 214 et 330, qui avaient pour objet de conduire M. Pinxten dans le cadre de missions de ce dernier se rapportant à des rendez-vous médicaux.

777    Les missions en cause de M. Pinxten ne sauraient être considérées comme étant liées à l’exercice de ses fonctions de membre de la Cour des comptes, dès lors qu’il n’est ni allégué, ni a fortiori établi que ces rendez-vous auraient eu trait à des visites médicales obligatoires en cette qualité.

778    Cependant, il y a lieu de relever que M. Pinxten n’a pas réclamé, au titre de ces missions, le remboursement de frais de mission ou le paiement d’indemnités journalières. Les seuls coûts impliqués, pour la Cour des comptes, par lesdites missions tenaient donc à l’utilisation de la voiture de fonction et au recours au service d’un chauffeur.

779    Or, d’une part, les commentaires relatifs à la décision no 33-2004 et les commentaires relatifs à la décision no 19-2009 présentent une ambiguïté notable en ce qui concerne la possibilité de considérer un trajet destiné à se rendre à un rendez-vous médical comme un « autre déplacement lié à l’exercice des fonctions », au sens de l’article 4 de chacune de ces décisions.

780    En effet, dans l’énumération des « cas de force majeure » pouvant être considérés comme un tel déplacement figuraient les « contrôles médicaux ».

781    Certes, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour, établie dans différents domaines du droit de l’Union, que la notion de force majeure doit être entendue dans le sens de circonstances étrangères à celui qui l’invoque, anormales et imprévisibles, dont les conséquences n’auraient pu être évitées malgré toutes les diligences déployées (arrêt du 25 janvier 2017, Vilkas, C‑640/15, EU:C:2017:39, point 53 et jurisprudence citée).

782    Si l’emploi du concept de « force majeure » implique dès lors normalement un caractère imprévisible, le texte tant des commentaires relatifs à la décision no 33-2004 que des commentaires relatifs à la décision no 19-2009 recélait, à cet égard, une incohérence, puisque la notion de « contrôles médicaux » exclut toute dimension d’urgence ou d’imprévisibilité.

783    D’autre part, si le recours à un chauffeur dans le cadre d’un « autre déplacement lié à l’exercice des fonctions » n’exige pas, par définition, que le membre concerné de la Cour des comptes soit en mission, force est de constater que, en sollicitant de manière transparente une autorisation de cette institution pour se rendre, dans le cadre d’une mission, à un rendez-vous médical, M. Pinxten a permis à celle-ci de procéder à un contrôle préalable et de s’opposer, si elle l’estimait approprié, à l’usage des ressources de la Cour des comptes qu’il envisageait.

784    Au vu de ces deux éléments, l’irrégularité des missions de M. Pinxten et du chauffeur affecté à son cabinet mentionnées au point 776 du présent arrêt ne présente pas un caractère manifeste qui permettrait de la reprocher à M. Pinxten dans le cadre de la présente procédure.

785    Ce raisonnement ne saurait toutefois être transposé à la mission de chauffeur visée à la ligne no 363, qui est également censée correspondre à une mission de M. Pinxten visant à se rendre à un rendez-vous médical, dès lors que la destination inscrite dans l’ordre de mission du chauffeur concerné ne correspond pas à celle qui figure sur l’ordre de mission de M. Pinxten.

786    En quatrième lieu, dix missions du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten étaient liées à des missions de celui-ci qui n’ont pas entraîné le remboursement de frais de mission ou le paiement d’indemnités journalières et dont le principe même n’est pas utilement remis en cause, mais dont la régularité est contestée en tant qu’elles incluaient un ou plusieurs trajets depuis ou vers Overpelt, lieu d’origine de M. Pinxten.

787    Une telle situation peut être relevée dans les missions de chauffeur mentionnées aux lignes nos 200, 214, 274, 280, 281, 313, 333, 355, 369 et 401.

788    Ces cas se distinguent de ceux examinés aux points 727 à 735 du présent arrêt, dans la mesure où le trajet passant par Overpelt était clairement annoncé dans les ordres de mission correspondants de M. Pinxten et qu’il avait donc été approuvé préalablement par la Cour des comptes.

789    Néanmoins, en l’absence d’activité liée aux fonctions de M. Pinxten prenant place à Overpelt, un ordre de mission ne pouvait pas valablement prévoir un ou plusieurs trajets depuis ou vers cette ville.

790    La circonstance qu’une mission de M. Pinxten avait été autorisée le même jour ne saurait, en particulier, justifier d’ajouter, pour convenances personnelles, un tel trajet à son ordre de mission, en entraînant des coûts supplémentaires pour la Cour des comptes.

791    Bien que les missions concernées de M. Pinxten aient été autorisées sans aucune forme de fraude ou d’omission, leur irrégularité doit être regardée comme étant manifeste, au regard du régime général clairement établi pour les déplacements vers le lieu d’origine, lesquels ne sauraient être valablement couverts par un ordre de mission.

–       Sur l’utilisation de la voiture de fonction sans recours aux services d’un chauffeur

792    Par son premier grief, la Cour des comptes reproche également à M. Pinxten d’avoir procédé à des déclarations de mission irrégulières, sans recourir aux services d’un chauffeur, à la seule fin que des déplacements privés soient, en ce qui concerne les coûts relatifs à l’utilisation de la voiture de fonction, soumis au régime applicable aux déplacements dans l’exercice des fonctions.

793    Certes, en vertu de l’article 5 de la décision no 33-2004 et de l’article 5 de la décision no 19-2009, M. Pinxten était appelé à acquitter les frais inhérents aux déplacements privés réalisés en utilisant la voiture de fonction et, en particulier, à assumer un coût supplémentaire de location en cas de dépassement du maximum prévu par le contrat de location de 45 000 km par an. Une surestimation des distances parcourues dans le cadre de déplacements liés à l’exercice de ses fonctions était donc de nature à présenter un intérêt financier pour lui.

794    En outre, il ressort des ordres de mission de M. Pinxten produits par la Cour des comptes que, dans de nombreux cas, la voiture de fonction était utilisée pour mener à bien les déplacements réalisés à l’occasion de ces missions.

795    Le dossier dont dispose la Cour ne comprend toutefois aucune évaluation de l’ampleur de la surdéclaration des déplacements réalisés à titre professionnel qui permettrait d’apprécier le caractère délibéré de cette pratique ou la gravité de celle-ci.

796    De surcroît, les missions de M. Pinxten évoquées à l’appui du premier grief n’impliquant ni le remboursement de frais de mission ou le paiement d’indemnités journalières ni le recours aux services d’un chauffeur apparaissent tout à fait marginales.

797    Partant, si une surdéclaration des déplacements réalisés à titre professionnel est sans aucun doute irrégulière, il n’apparaît pas utile, aux fins de la présente procédure, de déterminer si la Cour des comptes pouvait valablement imputer une telle pratique à M. Pinxten.

798    Pour les mêmes raisons, il n’est pas nécessaire d’examiner le reproche de la Cour des comptes, relatif aux missions mentionnées aux lignes nos 147, 187 et 330, selon lequel la conservation, par M. Pinxten, de son véhicule de fonction aurait entraîné un trajet en train du chauffeur qui aurait dû être évité.

799    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de constater que le premier grief est, pour partie, fondé.

3.      Sur le deuxième grief, tiré de l’usage abusif et illégal de privilèges fiscaux

800    Par son deuxième grief, la Cour des comptes soutient que, en utilisant abusivement et illégalement les cartes de carburant mises à sa disposition, M. Pinxten a manqué à ses obligations d’intégrité, d’exemplarité et de désintéressement.

801    À titre liminaire, il importe de relever qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour que des cartes de carburant sont mises à la disposition des membres de la Cour des comptes et de certains membres de leur famille en vue de leur permettre d’acquérir des carburants vendus à un prix négocié par cette institution et sans avoir à acquitter d’accise ou de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

802    Partant, bien qu’un usage irrégulier d’une telle carte de carburant n’implique pas de dépenses particulières pour la Cour des comptes, il n’en demeure pas moins qu’il constitue un abus des exonérations fiscales consenties à cette institution, portant atteinte aux ressources des États membres ainsi que de l’Union.

803    Il convient donc, aux fins de statuer sur le deuxième grief, de déterminer si les allégations et les éléments de preuve présentés par la Cour des comptes permettent d’établir que M. Pinxten a utilisé de façon irrégulière des cartes de carburant mises à sa disposition, ainsi que le soutient la Cour des comptes par les première et seconde branches de ce grief.

a)      Sur la première branche du deuxième grief, tirée de la conservation et de l’utilisation d’une carte de carburant par un enfant de M. Pinxten alors qu’il n’était plus membre du foyer de celui-ci

1)      Argumentation des parties

804    Par la première branche de son deuxième grief, la Cour des comptes avance que M. Pinxten a laissé l’un de ses enfants conserver et utiliser une carte de carburant après le 1er septembre 2012, date à partir de laquelle celui-ci n’était plus considéré comme étant l’un des enfants à charge de M. Pinxten.

805    Ce dernier aurait ainsi méconnu les règles pertinentes, établies notamment par la directive 2008/118, le règlement grand-ducal du 7 février 2013 et le règlement ministériel du 18 mars 2010, en faisant bénéficier d’exonérations fiscales une personne qui n’était pas membre de son foyer. La seule circonstance que cet enfant a continué à résider avec lui au Luxembourg, ce qui ne serait au demeurant pas démontré, n’impliquerait pas qu’il pouvait toujours bénéficier des exonérations fiscales en cause.

806    Selon M. Pinxten, l’enfant en cause a fait partie de son foyer jusqu’en 2018, dès lors que cette qualité ne se confond pas avec celle d’enfant à charge et que cet enfant résidait avec lui jusqu’au mois de février 2018. Le fait qu’il ait occupé un emploi durant cette période serait dénué de pertinence en l’espèce.

2)      Appréciation de la Cour

807    Tout d’abord, il n’est pas contesté qu’une carte de carburant mise à la disposition par la Cour des comptes a été conservée par l’enfant en cause après le 1er septembre 2012, bien que la date à laquelle cette situation a pris fin ne ressorte pas clairement du dossier dont dispose la Cour.

808    Il résulte, ensuite, d’une note communiquée par la Cour des comptes que cet enfant n’était plus, à compter de cette date, considéré comme étant un enfant à charge de M. Pinxten, au sens de l’article 2 de l’annexe VII du statut, aux fins du versement de l’allocation pour enfant à charge, en raison de la fin des études dudit enfant et du début de l’exercice, par celui-ci, d’une activité lucrative.

809    Enfin, l’allégation de M. Pinxten selon laquelle le même enfant aurait continué à résider à son domicile doit être regardée comme établie, au vu, d’une part, d’une déclaration de résidence légale au Luxembourg datée du 27 novembre 2011 et, d’autre part, d’un certificat de résidence principale émanant de l’administration belge faisant état d’une inscription aux registres de la population de Bruxelles à compter du 9 février 2018.

810    Dans ce contexte, il importe de relever que la Cour des comptes ne fait état d’aucune règle interne de cette institution qui définirait les conditions dans lesquelles un membre de la famille de l’un des membres de ladite institution peut disposer d’une carte de carburant.

811    Toutefois, la conservation et l’utilisation d’une carte de carburant par l’enfant en cause, après le 1er septembre 2012, doit tout de même être regardée comme étant irrégulière s’il ressort des règles régissant les exonérations fiscales, applicables lors de l’utilisation d’une telle carte, qu’un enfant d’un membre de la Cour des comptes qui n’était plus considéré comme étant un enfant à charge de ce membre, au sens de l’article 2 de l’annexe VII du statut, mais qui continuait néanmoins de résider avec ledit membre, ne pouvait pas bénéficier de ces exonérations fiscales.

812    S’agissant de l’exonération du paiement de l’accise, l’article 12, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2008/118 prévoit que les produits soumis à accise sont exonérés du paiement de celle-ci lorsqu’ils sont destinés à être utilisés dans le cadre de relations diplomatiques ou consulaires ou encore par les organismes internationaux reconnus comme tels par les autorités publiques de l’État membre d’accueil ainsi que par les membres de ces organismes, dans les limites et sous les conditions fixées par les conventions internationales instituant ces organismes ou par les accords de siège.

813    L’article 12, paragraphe 2, de cette directive prévoit que les exonérations du paiement de l’accise visées à cet article sont applicables dans les conditions et les limites fixées par l’État membre d’accueil.

814    Cette disposition est mise en œuvre à l’article 1er du règlement ministériel du 18 mars 2010, qui énonce que la loi belge du 22 décembre 2009 relative au régime général d’accise est publiée au Mémorial pour être exécutée au Grand-Duché de Luxembourg.

815    Si la Cour des comptes ne précise pas quelle disposition de cette loi est, selon elle, applicable en l’espèce, il y a lieu de relever que l’article 13 de ladite loi se réfère à une exonération de l’accise au profit des diplomates, des fonctionnaires consulaires, des forces armées et des organismes visés à l’article 20, points 7 à 12, de la loi générale belge du 18 juillet 1977 sur les douanes et accises.

816    Il résulte de l’article 20, point 7, de cette loi générale, tel qu’il est applicable au Luxembourg, qu’une franchise des droits d’accise est accordée, sous certaines conditions, pour les quantités raisonnables de marchandises qui sont destinées à l’usage personnel, y compris l’usage par les membres de leur famille qui font partie de leur ménage, des agents diplomatiques et des fonctionnaires consulaires, en fonction au Luxembourg, pour autant que les intéressés ne soient pas ressortissants ou résidents permanents du Grand-Duché du Luxembourg et qu’ils n’y exercent aucune activité professionnelle ou commerciale pour leur profit personnel.

817    En ce qui concerne la TVA, il résulte de la combinaison des articles 1er et 4 du règlement grand-ducal du 7 février 2013 que les agents diplomatiques et les fonctionnaires consulaires peuvent bénéficier d’une exonération de TVA pour l’utilisation directe, effective et exclusive à l’intérieur du Luxembourg de certains produits, pour les besoins propres et privés de ces agents et fonctionnaires ainsi que de ceux des membres de leur famille qui font partie de leur ménage, pour autant que ces derniers ne sont pas ressortissants ou résidents permanents du Grand-Duché de Luxembourg et n’y exercent aucune activité de caractère lucratif.

818    Si les dispositions pertinentes de droit luxembourgeois définissant les conditions d’application des exonérations d’accise et de TVA en cause visent les membres de la famille faisant partie du « ménage » du bénéficiaire principal des exonérations fiscales en cause, il ne ressort pas de ces dispositions que cette notion correspond à celle de « foyer », au sens du statut.

819    Or, en l’absence de production, par la Cour des comptes, d’éléments précis relatifs à la portée de la notion de « ménage » en droit luxembourgeois, il n’est pas démontré que l’enfant en cause, dont il n’est ni allégué ni a fortiori établi qu’il aurait exercé une activité lucrative au Luxembourg, ne pouvait plus bénéficier des privilèges fiscaux consentis aux membres de la famille d’un membre de la Cour des comptes.

820    La Cour des comptes reste donc en défaut de démontrer que la conservation et l’utilisation d’une carte de carburant par cet enfant après le 1er septembre 2012 aurait été irrégulière.

821    Il s’ensuit que la première branche du deuxième grief doit être rejetée comme étant non fondée.

b)      Sur la seconde branche du deuxième grief, tirée de l’utilisation d’une carte de carburant pour acheter des carburants destinés à des véhicules appartenant à des tiers

1)      Argumentation des parties

822    Par la seconde branche de son deuxième grief, la Cour des comptes fait valoir que les relevés relatifs à l’utilisation des cartes de carburant mises à la disposition de M. Pinxten comportent des anomalies montrant que celui-ci a permis à des tiers de se servir de ces cartes.

823    M. Pinxten soutient que seuls les membres de son foyer ont bénéficié des cartes de carburant fournies par la Cour des comptes. Les anomalies relevées par la Cour des comptes s’expliqueraient par des déplacements en famille avec plusieurs voitures et par l’usage de voitures de remplacement. S’il aurait été aisé de donner des explications précises à l’époque des faits, il ne serait pas possible d’apporter plus de clarifications en raison de l’écoulement du temps.

2)      Appréciation de la Cour

824    En l’espèce, il n’est pas contesté que, alors que les voitures dont disposaient M. Pinxten et les membres de sa famille étaient équipées de moteurs diesel, les cartes de carburant mises à leur disposition ont été utilisées pour acquérir non seulement du diesel, mais également de l’essence.

825    En particulier, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 169 de ses conclusions, il ressort des relevés relatifs à l’usage de ces cartes de carburant au cours des années 2016 et 2017 que lesdites cartes ont été utilisées à au moins douze reprises pour acquérir de l’essence.

826    Or, dans la mesure où les exonérations fiscales qui s’appliquent lors de l’utilisation d’une carte de carburant mise à la disposition d’un membre de la Cour des comptes ne doivent bénéficier qu’à ce membre ou à certains membres de sa famille, une telle carte doit être utilisée exclusivement pour approvisionner en carburant les véhicules dont disposent ces personnes.

827    Ces acquisitions d’essence ont été expliquées par M. Pinxten, lors de son audition par l’OLAF puis au cours de la présente procédure, par l’utilisation ponctuelle de voitures de remplacement.

828    Cependant, étant donné que M. Pinxten a été informé de l’existence de soupçons relatifs aux anomalies en cause lors de son audition par l’OLAF, intervenue le 22 décembre 2017, puis dans le rapport préliminaire de la Cour des comptes, qui lui a été communiqué le 5 octobre 2018, il peut être raisonnablement attendu de M. Pinxten qu’il fournisse des éléments susceptibles d’appuyer son argument selon lequel ces anomalies trouvent leur origine dans l’utilisation répétée de voitures de remplacement aux cours des années 2016 et 2017.

829    Or, force est de constater que M. Pinxten n’a produit aucun élément à l’appui de cet argument.

830    Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir la seconde branche du deuxième grief et donc d’accueillir, en partie, ce grief.

4.      Sur le troisième grief, tiré de fausses déclarations de sinistre à l’assurance dans le cadre de prétendus accidents impliquant le véhicule de fonction et le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten

a)      Argumentation des parties

831    Par son troisième grief, la Cour des comptes reproche à M. Pinxten d’avoir manqué à ses obligations d’intégrité, d’exemplarité et de désintéressement en bénéficiant d’indemnisations de la part d’une compagnie d’assurances sur la base de fausses déclarations signées, à la demande de M. Pinxten, par le chauffeur affecté à son cabinet.

832    D’une part, il aurait bénéficié d’une indemnisation pour un incident qui est prétendument survenu au mois de janvier 2010 et à l’occasion duquel le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten aurait roulé sur une valise appartenant à ce dernier dans laquelle se seraient trouvés une bouteille de vin et plusieurs vêtements. Il ressortirait néanmoins des déclarations de ce chauffeur que cet incident n’a jamais eu lieu.

833    D’autre part, M. Pinxten aurait bénéficié d’une indemnisation à la suite d’une déclaration relative à un accident intervenu le 17 janvier 2011. Cependant, cette déclaration aurait fait état d’un accident survenu à Bruxelles entre sa voiture privée conduite par l’un de ses enfants et sa voiture de fonction conduite par le chauffeur affecté à son cabinet, alors que le dommage en cause résulterait d’un accrochage en France et que M. Pinxten aurait conduit cette dernière voiture.

834    M. Pinxten n’aurait apporté aucun élément démontrant que les faits déclarés à la compagnie d’assurances étaient exacts. Si les déclarations à cette compagnie ont été signées par le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten, ce dernier aurait dû empêcher ce chauffeur d’agir de la sorte puisqu’il aurait eu connaissance de la situation réelle. En ne le faisant pas, il aurait forcé son subordonné à commettre une infraction pénale dont il aurait été le commanditaire ou le complice.

835    Par ailleurs, la Cour des comptes estime que les témoignages du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten sont probants, au regard de leur caractère concordant et du fait qu’ils ont été formulés par une personne s’exposant à des poursuites pénales et disciplinaires de leur fait.

836    M. Pinxten soutient que les déclarations à la compagnie d’assurances reflètent bien la réalité.

837    Il ressortirait des déclarations à l’OLAF du responsable des chauffeurs de la Cour des comptes que son service s’occupait de gérer les problèmes d’accidents avec la compagnie d’assurances. En outre, aucune des déclarations recueillies ne ferait état d’une intervention de M. Pinxten dans ces dossiers.

838    De surcroît, les déclarations du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten ne seraient pas fiables au regard des contradictions qu’elles comportent et des circonstances les entourant. Il est ainsi soutenu que le chauffeur a fait l’objet de pressions de la part du chef du service juridique de la Cour des comptes, lequel l’aurait interrogé à trois reprises et l’aurait poussé, sans succès, à signer une dénonciation lui ouvrant le statut de lanceur d’alerte.

b)      Appréciation de la Cour

839    S’agissant, en premier lieu, de l’accident qui se serait produit le 17 janvier 2011, le constat d’accident adressé à la compagnie d’assurances énonce que les deux véhicules entrés en collision étaient conduits, respectivement, par l’enfant concerné de M. Pinxten et par le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten, lesquels ont signé ce constat.

840    À cet égard, il convient certes de relever que certains éléments de preuve indirecte apparaissent de nature à appuyer l’allégation de la Cour des comptes selon laquelle les faits rapportés dans ledit constat sont inexacts.

841    Tout d’abord, après avoir soutenu au cours de son audition durant l’enquête interne de la Cour des comptes qu’il conduisait effectivement la voiture de fonction de M. Pinxten lors de l’accident en cause, le chauffeur affecté au cabinet de ce dernier a soutenu de manière constante, au cours de ses trois auditions par l’OLAF, qu’il n’était pas présent lors de la collision entre les deux véhicules impliqués.

842    Ensuite, certains éléments indiquent que la compagnie d’assurances a reçu des informations incohérentes quant à l’identité du conducteur de la voiture de fonction en cause.

843    D’une part, il ressort d’un courriel interne à cette compagnie, daté du 28 janvier 2011, que l’un de ses agents avait été informé oralement, avant la réception du constat d’accident, que les véhicules impliqués étaient conduits par M. Pinxten et par son fils.

844    D’autre part, les réponses apportées par un agent de ladite compagnie aux questions qui lui ont été adressées par la Cour des comptes au cours des années 2017 et 2018 confirment que la même compagnie avait initialement été informée que M. Pinxten conduisait l’un des deux véhicules impliqués.

845    Il y a néanmoins lieu de relever que ces réponses contredisent les déclarations du chauffeur devant l’OLAF, dans la mesure où celui-ci a affirmé que deux constats d’accident différents avaient été envoyés à la compagnie d’assurances, alors que lesdites réponses précisent que cette dernière n’a reçu qu’un seul constat d’accident.

846    Enfin, il est constant que M. Pinxten a adressé à la compagnie d’assurances une lettre, datée du 11 janvier 2012, dans laquelle il précise qu’il a « eu un accrochage avec [s]a voiture de service » le 17 janvier 2011 et il critique la pratique de cette compagnie de refuser de prendre en charge les réparations d’un véhicule lorsque « deux personnes de la même famille » ont signé le constat d’accident.

847    Cependant, à supposer que ces éléments soient suffisants pour établir que le constat d’accident transmis par la Cour des comptes à la compagnie d’assurances comportait des informations erronées, le dossier dont dispose la Cour ne permet pas d’établir que ces fausses déclarations sont imputables à M. Pinxten.

848    Les seuls éléments produits par la Cour des comptes en vue d’établir cette imputabilité tiennent à une déclaration en ce sens du chauffeur concerné lors de son audition par l’OLAF du 7 décembre 2017 et à la réitération de cette position dans ses commentaires, datés du 20 avril 2018, sur le résumé des faits qui lui avait été transmis par l’OLAF.

849    Il importe toutefois de souligner que la position adoptée par le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten a largement varié au cours de l’enquête interne de la Cour des comptes, puis de l’enquête de l’OLAF.

850    Après avoir soutenu pendant l’enquête interne de la Cour des comptes qu’il conduisait effectivement la voiture de fonction lors de l’accident du 17 janvier 2011, le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten a, lors de sa première audition par l’OLAF, le 3 octobre 2017, affirmé qu’il ne pensait pas que M. Pinxten lui ait demandé de remplir le constat et qu’il avait un « vague souvenir » d’avoir reçu des instructions en ce sens du responsable des chauffeurs de la Cour des comptes.

851    Au cours de sa deuxième audition par l’OLAF, le 16 octobre 2017, le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten a précisé ne pas se souvenir si la demande de remplir le constat venait de ce responsable ou de M. Pinxten, mais penser « plutôt » qu’elle venait de ce dernier.

852    À l’occasion de sa troisième audition par l’OLAF, le 7 décembre 2017, il a assuré que, lors de son audition précédente, ses souvenirs étaient imprécis mais qu’il était désormais « formel » et que c’était « bien M. Pinxten qui [lui avait] demandé de faire ce nouveau constat ».

853    Or, il n’existe pas de raison d’accorder exclusivement foi aux dernières déclarations du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten.

854    En outre, les réponses apportées par un agent de la compagnie d’assurances aux questions qui lui ont été adressées par la Cour des comptes au cours des années 2017 et 2018 font état de contacts exclusifs avec le responsable des chauffeurs de la Cour des comptes, lequel aurait spontanément envisagé, une fois évoqué un possible refus de prise en charge des dommages causés à la voiture de fonction de M. Pinxten, une modification du nom des conducteurs impliqués.

855    Lors de son audition par l’OLAF, ce responsable a d’ailleurs écarté toute intervention de M. Pinxten à propos de l’accident en cause et il a fait état de l’existence d’une pratique systématique, connue de sa « hiérarchie », de fausses déclarations à l’assurance au sein du service des chauffeurs de la Cour des comptes, pratique à laquelle le chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten s’est également référé lors de son audition par l’OLAF du 16 octobre 2017.

856    Par ailleurs, il convient de souligner que les éléments dont fait état M. Pinxten dans sa lettre du 11 janvier 2012 tendent à indiquer qu’il n’avait pas connaissance du contenu du constat d’accident envoyé par la Cour des comptes à la compagnie d’assurances.

857    Au vu de l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de constater que les éléments présentés par la Cour des comptes ne sont pas suffisants pour établir que M. Pinxten peut être tenu responsable, dans le cadre de la présente procédure, d’une fausse déclaration à l’assurance relative à l’accident qui se serait produit le 17 janvier 2011.

858    En ce qui concerne l’incident survenu au mois de janvier 2010, les déclarations du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten lors de sa troisième audition par l’OLAF, le 7 décembre 2017, constituent le seul élément présenté par la Cour des comptes à l’appui de ses allégations, lesquelles sont fermement contestées par M. Pinxten.

859    Or, il résulte de ce qui précède que les déclarations devant l’OLAF du chauffeur affecté au cabinet de M. Pinxten ne peuvent se voir accorder, à elles seules, un poids décisif.

860    De surcroît, ce chauffeur n’a fait état de l’incident du mois de janvier 2010 que très tardivement dans la procédure, alors qu’il avait déjà eu l’occasion de faire état antérieurement d’irrégularités éventuelles commises par M. Pinxten qui n’auraient pas été connues de l’OLAF.

861    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le bien-fondé des allégations de la Cour des comptes relatives à l’incident du mois de janvier 2010 n’est pas établi.

862    Par conséquent, le troisième grief doit être écarté dans son ensemble.

5.      Sur le cinquième grief, tiré d’une situation de conflit d’intérêts créée par M. Pinxten dans le cadre d’une relation avec le dirigeant d’une entité auditée

a)      Argumentation des parties

863    Par son cinquième grief, la Cour des comptes fait valoir que, en entrant en relation avec le dirigeant d’une entité auditée, M. Pinxten a manqué à ses obligations de désintéressement, d’indépendance, d’impartialité, d’intégrité et d’exemplarité.

864    Il aurait, en effet, altéré son indépendance et son impartialité ou, à tout le moins, aurait donné une telle impression, en proposant un appartement privé à louer à la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, entité relevant des compétences de la chambre III de la Cour des comptes.

865    M. Pinxten souligne que la proposition relative à la location de son logement ne mentionnait pas sa qualité de membre de la Cour des comptes. Le seul élément lié à cette institution dans cette proposition aurait été constitué par son adresse de courrier électronique, qui aurait aussi été utilisée à des fins privées, faute de disposer d’une autre adresse de courrier électronique. Ladite proposition aurait par ailleurs correspondu aux conditions normales du marché.

b)      Appréciation de la Cour

866    Par une lettre datée du 20 novembre 2014, M. Pinxten a proposé à la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de lui louer un appartement à Bruxelles.

867    Il n’est pas contesté que celle-ci était la dirigeante d’une entité auditée par la Cour des comptes, et plus précisément par la chambre III de cette institution, dont M. Pinxten était le doyen à cette date.

868    Or, en vue de se conformer à l’obligation, prévue à l’article 285 TFUE, d’exercer leurs fonctions en pleine indépendance, dans l’intérêt général de l’Union, les membres de la Cour des comptes doivent veiller à éviter tout conflit d’intérêts.

869    Cette obligation est rappelée à l’article 2, paragraphe 1, du code de conduite de 2012 et au point 3.3 des lignes directrices en matière d’éthique. Le point 3.4 de ces lignes directrices prévoit, en outre, que les membres de la Cour des comptes ne doivent entretenir avec l’entité auditée aucune relation susceptible de compromettre leur indépendance.

870    En proposant au dirigeant d’une entité auditée d’entrer dans une relation d’ordre financier avec lui, M. Pinxten s’est exposé potentiellement à un conflit d’intérêts susceptible de remettre en cause son indépendance et son impartialité.

871    La circonstance que la lettre en cause ne mentionnait pas explicitement sa qualité de membre de la Cour des comptes est indifférente à cet égard.

872    En effet, outre que l’existence d’un lien entre M. Pinxten et la Cour des comptes pouvait être déduite de l’adresse de courrier électronique mentionnée dans cette lettre, il y a lieu de relever, d’une part, que la qualité de membre de cette institution de M. Pinxten était de notoriété publique et, d’autre part, que, en cas d’acceptation de la proposition formulée dans ladite lettre par sa destinataire, un conflit d’intérêts aurait, en tout état de cause, objectivement existé, même si cette dernière était restée dans l’ignorance des fonctions de M. Pinxten.

873    Par conséquent, le cinquième grief est fondé.

C.      Sur la déchéance du droit à pension ou d’autres avantages en tenant lieu

1.      Argumentation des parties

874    La Cour des comptes avance que les actes de M. Pinxten sont particulièrement graves et satisfont donc à la condition établie à cet égard dans l’arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson (C‑432/04, EU:C:2006:455).

875    En effet, ces actes porteraient atteinte aux valeurs fondamentales de l’Union, seraient intervenus très fréquemment, auraient causé un préjudice important à la Cour des comptes, seraient susceptibles d’une qualification pénale et procéderaient d’une intention dolosive manifestée par des pratiques de dissimulation.

876    La Cour des comptes s’en remet à la discrétion de la Cour pour déterminer la nature et l’ampleur de la sanction, en prenant en considération le principe de proportionnalité, le niveau élevé des responsabilités de M. Pinxten, l’atteinte à l’image de l’institution, le haut degré de gravité des manquements et l’ampleur du préjudice financier pour l’Union.

877    M. Pinxten soutient qu’il n’a pas manqué aux obligations découlant de sa charge, au sens de l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

878    Son comportement aurait été comparable à celui des autres membres de la Cour des comptes. S’il n’exclut pas avoir pu commettre certaines erreurs, celles-ci seraient marginales et auraient dû être corrigées par cette institution.

2.      Appréciation de la Cour

879    Il découle de l’appréciation qui précède que, si le troisième grief soulevé par la Cour des comptes doit être rejeté, les premier, deuxième, quatrième et cinquième griefs sont, en revanche, au moins partiellement fondés, de sorte que M. Pinxten doit être tenu pour responsable d’une série d’irrégularités.

880    En exerçant une activité non déclarée incompatible avec ses fonctions de membre de la Cour des comptes, en utilisant de manière abusive les ressources de cette institution et en agissant d’une manière susceptible de créer un conflit d’intérêts avec une personne auditée, M. Pinxten s’est rendu responsable de manquements d’un degré de gravité notable et a donc enfreint les obligations découlant de sa charge de membre de ladite institution, au sens de l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

881    La violation de ces obligations appelle, en principe, l’application d’une sanction en vertu de cette disposition (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, point 149).

882    En vertu de celle-ci, la Cour peut prononcer une sanction consistant en la démission d’office ou en la déchéance du droit à pension de l’intéressé ou d’autres avantages en tenant lieu. Cette démission ne pourra s’appliquer que dans le cas d’un manquement qui est commis et poursuivi lorsque le membre concerné de la Cour des comptes est encore en fonction. En revanche, la déchéance du droit à pension ou d’autres avantages en tenant lieu pourra trouver à s’appliquer notamment si le manquement est commis au cours du mandat de ce dernier et poursuivi après l’expiration de ce mandat, comme c’est le cas en l’espèce (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, point 73).

883    Plus précisément, étant donné qu’il ressort des informations fournies par les parties lors de l’audience que M. Pinxten bénéficie uniquement d’un droit à pension, ladite sanction doit porter sur ce droit et non sur d’autres avantages en tenant lieu.

884    En l’absence de précision, à l’article 286, paragraphe 6, TFUE, sur l’étendue de la déchéance du droit à pension visée à cette disposition, la Cour peut prononcer la déchéance totale ou partielle de celui-ci (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2006, Commission/Cresson, C‑432/04, EU:C:2006:455, point 73).

885    Cette sanction doit, toutefois, être proportionnée à la gravité des violations des obligations découlant de la charge de membre de la Cour des comptes constatées par la Cour.

886    Aux fins de déterminer la gravité des violations des obligations découlant de la charge de membre de la Cour des comptes constatées par la Cour, il y a lieu de tenir compte, en particulier, de la nature de ces violations, des circonstances dans lesquelles elles ont été commises, de l’importance du préjudice porté à l’intégrité, à la réputation ou aux intérêts de l’Union ainsi que du degré d’intentionnalité ou de négligence dans la commission desdites violations.

887    En vue d’assurer le respect du principe de proportionnalité, il est également nécessaire de prendre en considération l’ensemble des circonstances susceptibles d’aggraver ou, au contraire, d’atténuer la responsabilité de M. Pinxten.

888    Dans ce contexte, il importe, de surcroît, de tenir compte du fait que la déchéance totale ou partielle du droit à pension constitue une limitation du droit de propriété garanti à l’article 17 de la Charte, en ce qu’elle a pour effet de priver la personne concernée de la totalité ou d’une partie des droits à une pension de retraite que celle-ci a accumulés au cours de sa carrière professionnelle, ces droits étant, par ailleurs, destinés à contribuer à assurer la subsistance de cette personne à l’issue de cette carrière.

889    Il ressort d’ailleurs de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la CEDH, jurisprudence qu’il convient de prendre en considération en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, aux fins de l’interprétation de l’article 17 de celle-ci, en tant que seuil de protection minimale [arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruits sur terres agricoles), C‑235/17, EU:C:2019:432, point 72 et jurisprudence citée], qu’une sanction ayant pour effet de priver un individu de la totalité ou d’une partie d’une pension de retraite s’analyse nécessairement en une ingérence dans le droit de cette personne au respect de ces biens (voir, en ce sens, Cour EDH, 14 juin 2016, Philippou c. Chypre, CE:ECHR:2016:0614JUD007114810, § 65).

890    Une déchéance totale ou partielle du droit à pension doit aussi être considérée comme limitant le droit à la sécurité sociale et à l’aide sociale prévu à l’article 34 de la Charte.

891    Or, une série de circonstances sont de nature à établir que les irrégularités imputables à M. Pinxten présentent une gravité d’un degré particulièrement élevé.

892    En premier lieu, il découle des constats opérés lors de l’examen des premier, deuxième, quatrième et cinquième griefs présentés par la Cour des comptes que, au cours de ses deux mandats de membre de cette institution, M. Pinxten a méconnu de manière délibérée et répétée les règles applicables au sein de ladite institution, portant ainsi atteinte de manière systématique aux obligations les plus fondamentales découlant de sa charge.

893    En deuxième lieu, M. Pinxten a fréquemment tenté de dissimuler ces violations desdites règles, notamment en soumettant des demandes d’autorisation de missions omettant des informations essentielles quant à la réalité des activités envisagées dans le cadre des missions en cause ou présentant de manière trompeuse ces activités.

894    En troisième lieu, les irrégularités commises par M. Pinxten avaient, dans une large mesure, pour effet de contribuer à son enrichissement personnel, en engageant les ressources de la Cour des comptes pour financer ses activités privées.

895    En quatrième lieu, le comportement adopté par M. Pinxten a infligé à la Cour des comptes un préjudice important non seulement sur le plan financier, mais également en ce qui concerne son image et sa réputation.

896    En cinquième lieu, il importe de souligner que la Cour des comptes est, en application de l’article 287, paragraphe 2, TFUE, chargée d’examiner la légalité et la régularité des dépenses de l’Union ainsi que d’assurer la bonne gestion financière, notamment en signalant toute irrégularité.

897    Au regard de cette fonction spécifique, le point 2.2 des lignes directrices en matière d’éthique prévoit que la Cour des comptes doit faire office de modèle en matière de gestion financière et que ses ressources doivent être gérées en parfaite conformité avec les règles applicables.

898    Dès lors, si toutes les personnes auxquelles sont confiées de hautes fonctions au sein de l’Union doivent, ainsi que cela a été rappelé au point 239 du présent arrêt, observer les normes les plus rigoureuses en matière de comportement, la fonction spécifique qui incombe à la Cour des comptes accroît encore la gravité des irrégularités commises par M. Pinxten.

899    Toutefois, d’autres éléments sont susceptibles d’atténuer la responsabilité de M. Pinxten.

900    D’une part, M. Pinxten a acquis son droit à pension au titre du travail qu’il a effectué durant douze années de service au sein de la Cour des comptes.

901    Or, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que la qualité de ce travail ait été remise en cause, M. Pinxten ayant même été élu par ses pairs à la fonction de doyen de la chambre III de la Cour des comptes à compter de l’année 2011.

902    D’autre part, si les infractions commises par M. Pinxten aux obligations découlant de sa charge relèvent avant tout de choix personnels dont il ne pouvait pas ignorer l’incompatibilité avec les obligations les plus fondamentales découlant de sa charge, il n’en demeure pas moins que la perpétuation de ces irrégularités a été favorisée par l’imprécision des règles internes de cette institution et permise par les carences des contrôles mis en place par celle-ci.

903    En particulier, si la Cour des comptes doit, en principe, pouvoir se fier aux déclarations de ses membres, sans être tenue de vérifier systématiquement l’exactitude des informations qui y figurent, il résulte de l’examen du premier grief qu’un grand nombre de missions de M. Pinxten ont été autorisées malgré la fourniture par celui-ci d’informations clairement insuffisantes pour justifier cette autorisation, tandis que d’autres l’ont été alors qu’il ressortait de leur objet qu’elles étaient manifestement irrégulières. Des frais de représentation et de réception ont également été remboursés dans des conditions comparables.

904    De même, alors que l’irrégularité systématique du recours aux services de chauffeurs durant l’ensemble de ses deux mandats ne pouvait pas être ignorée de l’administration de la Cour des comptes, celle-ci n’a pas jugé utile de réagir, ne serait-ce qu’en signalant à M. Pinxten le caractère irrégulier de la pratique qu’il avait mise en place.

905    Au vu de l’ensemble de ces éléments, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en prononçant la déchéance de deux tiers du droit à pension de M. Pinxten à compter de la date de prononcé du présent arrêt.

IX.    Sur la demande d’indemnisation introduite par M. Pinxten

A.      Argumentation des parties

906    M. Pinxten demande à ce que la Cour des comptes soit condamnée au paiement d’une somme de 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral découlant du comportement de cette institution.

907    Ce préjudice procéderait notamment des communications successives opérées par la Cour des comptes. Ces communications auraient détruit la carrière et la réputation de M. Pinxten.

908    La Cour des comptes soutient que cette demande est irrecevable, dès lors qu’elle a été présentée devant une juridiction incompétente.

B.      Appréciation de la Cour

909    Il ressort des termes mêmes de l’article 286, paragraphe 6, TFUE que cette disposition institue une voie de droit spécifique dans laquelle la Cour est exclusivement appelée à déterminer si un membre de la Cour des comptes ou un ancien membre de cette institution a cessé de répondre aux conditions requises ou de satisfaire aux obligations découlant de sa charge.

910    Si la Cour doit se prononcer sur les griefs présentés, dans un recours au titre de cette disposition, par la Cour des comptes contre le membre ou l’ancien membre concerné de cette institution ainsi que, le cas échéant, sur les demandes procédurales accessoires à ce recours, elle n’est pas compétente pour statuer sur des conclusions dénuées de tout rapport avec ledit recours.

911    Partant, si M. Pinxten considère que la Cour des comptes lui a, par son comportement, causé un dommage et souhaite en obtenir réparation, il lui appartient d’engager une action autonome, en application des articles 268 et 340 TFUE, le Tribunal étant compétent pour se prononcer en première instance sur cette action, conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE. En revanche, il ne saurait valablement présenter une demande reconventionnelle à cette fin dans le cadre d’une procédure introduite au titre de l’article 286, paragraphe 6, TFUE.

912    Il s’ensuit que la Cour est incompétente pour se prononcer sur la demande en réparation présentée par M. Pinxten.

 Sur les dépens

913    L’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, de ce règlement prévoit toutefois que la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

914    La Cour des comptes a obtenu gain de cause entièrement sur son cinquième grief et, pour partie, sur ses premier, deuxième et quatrième griefs. En revanche, elle a succombé entièrement en ses deuxième et troisième griefs ainsi que, pour partie, en ses premier et quatrième griefs.

915    Cela étant, au regard de la nature de la présente procédure ainsi que du fait qu’il a été constaté que M. Pinxten avait, de manière répétée, porté atteinte gravement aux obligations découlant de sa charge de membre de la Cour des comptes, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que M. Pinxten supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Cour des comptes.

Par ces motifs, la Cour (assemblée plénière) déclare et arrête :

1)      La demande de M. Karel Pinxten de surseoir à statuer jusqu’à l’issue de la procédure pénale engagée par les autorités luxembourgeoises à la suite de la transmission, à ces autorités, du rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) relatif au cas no OC/2016/0069/A 1 est rejetée.

2)      La demande de M. Karel Pinxten d’ordonner à la Cour des comptes européenne de communiquer un rapport établi à l’issue d’un audit interne et les mesures prises à la suite de ce rapport ainsi que toute note de cette institution relative à d’éventuelles atteintes à l’indépendance de l’auditeur interne est rejetée.

3)      Le courriel du président de la Cour des comptes européenne adressé, le 13 février 2019, aux autres membres de cette institution et à son secrétaire général, produit par M. Karel Pinxten à l’annexe B.10 de son mémoire en défense, est retiré du dossier.

4)      M. Karel Pinxten a enfreint les obligations découlant de sa charge de membre de la Cour des comptes européenne, au sens de l’article 286, paragraphe 6, TFUE, en ce qui concerne :

–        l’exercice non déclaré et illégal d’une activité au sein de l’organe dirigeant d’un parti politique ;

–        l’usage abusif des ressources de la Cour des comptes pour financer des activités sans lien avec les fonctions de membre de cette institution dans la mesure constatée aux points 387 à 799 du présent arrêt ;

–        l’utilisation d’une carte de carburant pour acheter des carburants destinés à des véhicules appartenant à des tiers, et

–        la création d’un conflit d’intérêts dans le cadre d’une relation avec le responsable d’une entité auditée.

5)      M. Karel Pinxten est déclaré déchu de deux tiers de son droit à pension à compter de la date de prononcé du présent arrêt.

6)      Le recours est rejeté pour le surplus.

7)      La Cour est incompétente pour se prononcer sur la demande en réparation présentée par M. Karel Pinxten.

8)      M. Karel Pinxten est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Cour des comptes européenne.

Silva de Lapuerta

Bonichot

Arabadjiev

Vilaras

Regan

Ilešič

Bay Larsen

Piçarra

von Danwitz

Toader

Safjan

Šváby

Rodin

Biltgen

Jürimäe

Lycourgos

Xuereb

Rossi

 

      Jarukaitis      

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2021.

Le greffier

 

La Vice-présidente

A. Calot Escobar

 

R. Silva de Lapuerta


*      Langue de procédure : le français.