Language of document : ECLI:EU:T:2011:490

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

20 septembre 2011(*)

« Police sanitaire – Mise sur le marché des produits biocides – Recensement des substances actives sur le marché – Décision refusant de modifier certaines dispositions de la réglementation – Recours en carence – Obligation d’agir – Recours en annulation – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans les affaires jointes T‑400/04, T‑402/04 à T‑404/04,

Arch Chemicals, Inc., établie à Norwalk, Connecticut (États-Unis),

Arch Timber Protection Ltd, établie à Castleford, West Yorkshire (Royaume-Uni),

représentées par Mes K. Van Maldegem et C. Mereu, avocats,

parties requérantes dans l’affaire T‑400/04,

Rhodia UK Ltd, anciennement Rhodia Consumer Specialities Ltd, établie à Watford, Hertfordshire (Royaume-Uni), représentée par Mes K. Van Maldegem et C. Mereu, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑402/04,

Sumitomo Chemical (UK) plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Mes K. Van Maldegem et C. Mereu, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑403/04,

Troy Chemical Co. BV, établie à Vlaardingen (Pays-Bas), représentée par Mes K. Van Maldegem et C. Mereu, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑404/04,

contre

Commission européenne, représentée initialement par M. X. Lewis et Mme D. Recchia, puis par MM. P. Oliver et G. Wilms, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, à titre principal, une demande visant à faire constater la carence de la Commission en ce qu’elle s’est illégalement abstenue de modifier certaines dispositions du règlement (CE) n° 1896/2000 de la Commission, du 7 septembre 2000, concernant la première phase du programme visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux produits biocides (JO L 228, p. 6), et du règlement (CE) n° 2032/2003 de la Commission, du 4 novembre 2003, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 et modifiant le règlement n° 1896/2000 (JO L 307, p. 1), à titre subsidiaire, une demande d’annulation de la lettre de la Commission du 20 juillet 2004, refusant de faire droit aux demandes des requérantes et, d’autre part, à titre principal, une demande de réparation du préjudice que les requérantes auraient subi du fait de l’abstention d’agir de la Commission et, à titre subsidiaire, une demande de réparation du préjudice causé par la lettre de la Commission du 20 juillet 2004,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse et J. Schwarcz (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 décembre 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Le 16 février 1998, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté la directive 98/8/CE, concernant la mise sur le marché des produits biocides (JO L 123 p. 1). La directive 98/8 vise à instaurer un régime communautaire d’autorisation et de mise sur le marché aux fins d’utilisation des produits biocides.

2        Conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 98/8, les produits biocides sont définis comme des substances actives qui sont présentées sous la forme dans laquelle elles sont livrées à l’utilisateur, qui sont destinées à détruire, à repousser ou à rendre inoffensifs les organismes nuisibles, à en prévenir l’action ou à les combattre de toute autre manière, par une action chimique ou biologique.

3        L’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 98/8 prévoit que les États membres autorisent un produit biocide uniquement si sa ou ses substances actives sont énumérées aux annexes I ou I A et si les exigences fixées dans lesdites annexes sont satisfaites.

4        L’annexe I de la directive 98/8 contient la liste des substances actives et des exigences qui y sont relatives approuvées au niveau communautaire pour inclusion dans les produits biocides ; l’annexe I A se rapporte aux substances actives et aux exigences qui y sont relatives approuvées au niveau communautaire pour inclusion dans les produits biocides à faible risque ; l’annexe I B est relative aux substances de base et aux exigences qui y sont relatives approuvées au niveau communautaire.

5        L’article 11 de la directive 98/8 définit la procédure d’inscription d’une substance active aux annexes I, I A ou I B.

6        L’article 12, paragraphe 1, de la directive 98/8 prévoit que les informations transmises par le premier demandeur d’une autorisation de mise sur le marché d’un produit biocide, notamment celles portant sur la substance active contenue dans le produit biocide, ne peuvent être utilisées par les États membres au profit d’un deuxième demandeur ou d’un demandeur ultérieur.

7        L’article 16, paragraphes 2 et 3, de la directive 98/8, intitulé « Mesures transitoires », dispose :

« 2. Après l’adoption de la présente directive, la Commission entame un programme de travail de dix ans pour l’examen systématique de toutes les substances actives qui sont déjà sur le marché à la date visée à l’article 34, paragraphe 1, en tant que substances actives d’un produit biocide […] Un règlement adopté conformément à l’article 28, paragraphe 3, arrêtera toutes les dispositions nécessaires pour l’élaboration et la mise en œuvre du programme, y compris la fixation de priorités pour l’évaluation des différentes substances actives ainsi qu’un calendrier. Au plus tard deux ans avant l’achèvement du programme de travail, la Commission transmet au Parlement européen et au Conseil un rapport sur l’état d’avancement du programme.

[…]

3. Une fois qu’il a été décidé d’inscrire ou non une substance active à l’annexe I, I A ou I B, les États membres veillent à ce que les autorisations ou, le cas échéant, les enregistrements des produits biocides contenant cette substance active et répondant aux dispositions de la présente directive soient octroyés, modifiés ou annulés, selon le cas. »

8        Le 7 septembre 2000, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1896/2000, concernant la première phase du programme visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 (JO L 228, p. 6). Le règlement n° 1896/2000 vise à engager l’examen systématique de toutes les substances actives des produits biocides se trouvant déjà sur le marché à la date du 14 mai 2000, ces substances actives étant définies comme des substances actives existantes en vertu de l’article 2, sous a), dudit règlement. Ainsi qu’il est indiqué dans le considérant 2 du règlement n° 1896/2000, « [l]a première phase de ce programme d’examen a pour objet de permettre à la Commission de recenser les substances actives existantes des produits biocides et de spécifier celles qu’il convient d’évaluer en vue d’une éventuelle inscription à l’annexe I, à l’annexe I A ou à l’annexe I B de la directive [98/8] ».

9        En vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1896/2000, un règlement est adopté conformément à la procédure prévue à l’article 28 de la directive 98/8, dans lequel figure, notamment, une liste exhaustive des substances actives existantes pour lesquelles la Commission a accepté au moins une notification ou qui ont fait l’objet d’une « manifestation d’intérêt de la part des États membres » ou pour lesquelles les États membres, seuls ou collectivement, ont décidé de fournir des données nécessaires pour réaliser les évaluations en vue d’une éventuelle inscription à l’annexe I B de la directive 98/8.

10      L’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1896/2000 dispose :

« Sans préjudice des dispositions de l’article 16, paragraphe 1, 2 ou 3, de la directive, tous les producteurs d’une substance active figurant sur la liste visée au paragraphe 1, [sous] b), et tous les formulateurs de produits biocides contenant cette substance active peuvent mettre sur le marché ou continuer à commercialiser cette substance active en tant que telle ou dans des produits biocides, pour le ou les types de produits pour lesquels la Commission a accepté au moins une notification. »

11      Le 4 novembre 2003, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 2032/2003, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 et modifiant le règlement n° 1896/2000 (JO L 307, p. 1).

12      L’article 2 du règlement n° 2032/2003 introduit la notion de « participant », qu’il définit comme un producteur, un formulateur ou une association ayant présenté une notification qui a été acceptée par la Commission conformément à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1896/2000 ou un État membre ayant manifesté un intérêt conformément à l’article 5, paragraphe 3, dudit règlement.

13      L’article 3 du règlement n° 2032/2003, intitulé « Substances actives existantes identifiées et notifiées », dispose :

« 1. L’annexe I contient la liste exhaustive des substances actives existantes ayant été identifiées conformément à l’article 3, paragraphe 1, ou à l’article 5, paragraphe 2, du règlement [n° 1896/2000], ou pour lesquelles des informations équivalentes ont été fournies dans le cadre d’une notification présentée conformément à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement.

2. L’annexe II contient la liste exhaustive des substances actives existantes pour lesquelles :

a)      au moins une notification a été acceptée par la Commission ou

b)      un État membre a manifesté un intérêt […]

Cette liste précise, pour chaque substance active existante notifiée, le ou les types de produits pour lesquels une notification a été acceptée ou pour lesquels un État membre a manifesté un intérêt.

3. L’annexe III contient la liste des substances actives existantes ayant été identifiées, mais pour lesquelles aucune notification n’a été acceptée, ni aucun État membre n’a manifesté d’intérêt. »

14      L’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2032/2003 dispose :

« Sans préjudice de l’article 8 de la directive [98/8], la date à compter de laquelle les États membres, conformément à l’article 16, paragraphe 3, de la directive [98/8], annulent les autorisations ou enregistrements existants de produits biocides contenant les substances actives énumérées à l’annexe III et veillent à ce que ces produits ne soient plus mis sur le marché sur leur territoire est le 1er septembre 2006.

Dans le cas d’une substance active figurant à l’annexe II, le premier alinéa s’applique également à cette substance en association avec tout type de produit pour lequel aucune notification n’a été acceptée. »

15      L’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 2032/2003, intitulé « Examen des substances actives existantes notifiées », prévoit :

« Sans préjudice de l’article 8 du présent règlement, un demandeur qui n’est pas un participant et qui sollicite, conformément à l’article 11 de la directive [98/8], l’inscription à l’annexe I, I A ou I B de ladite directive d’une substance active existante ayant été notifiée ou pour laquelle un État membre a manifesté un intérêt, pour un type de produit spécifié à l’annexe V du présent règlement, présente un dossier complet dans les délais spécifiés à ladite annexe pour cette combinaison substance [active]/type de produit. »

16      Les dossiers déposés par les participants sont évalués par l’« État membre rapporteur », qui, conformément à l’article 10, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 2032/2003, ne tient compte des informations supplémentaires présentées par des personnes autres que le « participant » que si ces informations satisfont à certaines conditions.

17      L’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 2032/2003 dispose :

« Dans le cas d’une substance active existante qui, en dépit d’une recommandation d’inscription conformément à l’article 10, paragraphe 7, du présent règlement, continue de susciter des inquiétudes telles que visées à l’article 10, paragraphe 5, de la directive [98/8], la Commission peut, sans préjudice de l’article 12 de ladite directive, prendre en considération les résultats de l’évaluation réalisée pour d’autres substances actives existantes utilisées pour le même usage. »

18      L’article 13 du règlement n° 2032/2003, relatif à la « [s]uspension des procédures », prévoit :

« Lorsque la Commission présente, au sujet d’une substance active figurant à l’annexe II du présent règlement, une proposition au Parlement européen et au Conseil, au titre de la directive 76/769/CEE, visant à interdire sa mise sur le marché ou son utilisation, y compris à des fins biocides, dans certains ou dans tous les types de produits, les procédures prévues par le présent règlement concernant cette substance utilisée dans le ou les types de produits concernés peuvent être suspendues jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur la proposition. »

19      Le 4 décembre 2007, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1451/2007, concernant la seconde phase du programme de travail de dix ans visé à l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 (JO L 325, p. 3), qui, en vertu de son article 18, abroge le règlement n° 2032/2003.

 Faits à l’origine du litige

20      Les requérantes, Arch Chemicals, Inc. et Arch Timber Protection Ltd (affaire T‑400/04), Bactria Industriehygiene-Service Verwaltungs GmbH & Co. KG (affaire T‑401/04), Rhodia UK Ltd, anciennement Rhodia Consumer Specialities Ltd (affaire T‑402/04), Sumitomo Chemical (UK) plc (affaire T‑403/04) et Troy Chemical Co. BV (affaire T‑404/04), sont des producteurs et des vendeurs de substances actives biocides et de produits biocides contenant ces substances actives.

21      Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1896/2000, les requérantes ont notifié à la Commission un certain nombre de substances actives.

22      Les combinaisons « substance [active]/type de produit » notifiées ayant été acceptées par la Commission, conformément à l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1896/2000, lesdites substances actives figurent à l’annexe II du règlement n° 2032/2003 et les requérantes, conformément aux dispositions de l’article 2 du règlement n° 2032/2003, ont la qualité de participant au programme d’examen pour chacune de leurs combinaisons « substance [active]/type de produit » notifiées.

23      Les 19 et 20 janvier 2004, chacune des requérantes a adressé à la Commission une lettre dans laquelle elle lui demandait de protéger « les droits et les attentes légitimes » que lui conférait la directive 98/8, d’adopter les mesures nécessaires afin de mettre le cadre réglementaire en conformité avec les dispositions de la directive 98/8 et d’assurer une concurrence équitable entre participants et non-participants.

24      La Commission a répondu aux requérantes, par lettres datées des 29 janvier et 10 février 2004, en précisant que l’examen de leurs demandes nécessitait une « évaluation minutieuse ». En conséquence, elle considérait qu’un tel examen ne pouvait être effectué dans le délai de quinze jours sollicité par les requérantes.

25      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 17 février 2004 (affaires T‑75/04 à T‑79/04) (ci-après la « première série de recours »), les requérantes ont introduit, en vertu de l’article 230 CE, des recours visant à l’annulation de l’article 3, de l’article 4, paragraphe 2, de l’article 5, paragraphe 3, de l’article 10, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l’article 11, paragraphe 3, de l’article 13, de l’article 14, paragraphe 2, et de l’annexe II du règlement n° 2032/2003. De surcroît, elles excipaient, en vertu de l’article 241 CE, de l’illégalité, d’une part, de l’article 9, sous a), de l’article 10, paragraphe 3, de l’article 11 et de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 98/8 et, d’autre part, de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1896/2000. Enfin, elles demandaient, en vertu de l’article 288 CE, une réparation du préjudice subi à la suite de l’adoption du règlement n° 2032/2003.

26      Par lettre datée du 21 avril 2004, la Commission a informé les requérantes qu’elle considérait que la première série de recours concernait, pour l’essentiel, les mêmes dispositions que celles mises en cause dans les courriers des 19 et 20 janvier 2004 et que, en conséquence, elle estimait préférable, « pour des raisons de cohérence et de clarté », non de répondre auxdits courriers, mais de présenter ses arguments dans le cadre de la première série de recours.

27      Le 27 mai 2004, chacune des requérantes a adressé une nouvelle lettre à la Commission, dans laquelle elle réitérait sa demande tendant à ce que celle-ci intervienne et adopte les mesures nécessaires à la protection « de ses droits et de ses attentes légitimes » découlant de la directive 98/8.

28      Ainsi, les requérantes demandaient-elles à la Commission :

« –      de modifier l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1896/2000, dès lors qu’il va à l’encontre de la base juridique prévue par le traité CE et la directive 98/8 en autorisant les non-participants à débuter et/ou poursuivre la commercialisation des combinaisons substance active/type de produit notifiées par [elles], telles qu’inscrites à l’annexe II du règlement n° 2032/2003, ce qui est totalement contraire aux dispositions actuellement en vigueur de la directive 98/8 en matière de protection des données et crée une distorsion de concurrence, en violation du traité CE ;

–        en application de la protection des données organisée par la directive 98/8, de modifier l’article 4 du règlement n° 2032/2003, en exigeant des États membres qu’ils retirent toutes les autorisations de commercialisation de produits biocides en vigueur qu’ils ont accordées en vertu de leurs législations nationales aux sociétés parasites non-participantes, puisque ces dernières n’ont pas accès aux informations transmises par [elles], au titre de la directive 98/8, dans [leurs] dossiers de notification ou dans [leurs] dossiers complets acceptés, et dont la directive [98/8] impose la protection dans tous les États membres entre le 14 mai 2000 et le 14 mai 2010 ;

–        en application de la protection des données prévue par la directive 98/8, confirmer et imposer à tous les États membres le fait que les données de propriété industrielle incluses dans [leurs] notifications et dans les dossiers complets concernant chacune de [leurs] combinaisons substance active/type de produit notifiées en vue d’assurer leur inscription à l’annexe I (I A ou I B) au titre de la directive 98/8, bénéficieront également d’une protection effective dans toute l’Union européenne après leur inscription, de sorte que ces informations pourront alors être utilisées exclusivement à l’appui des demandes d’autorisation de mise sur le marché de [leurs] produits […] ou des demandes d’autorisation pour lesquelles [elles ont] octroyé une lettre d’accès ;

–        en application de la protection des données prévue par la directive 98/8, établir un lien transparent entre [elles], en [leur] qualité de participant, et les combinaisons substance active/type de produit qu’elle[s ont] notifiées et rendre nominative leur inscription à l’annexe I (I A ou I B), comme c’est le cas dans d’autres cadres réglementaires similaires, de sorte qu’après cette inscription, les États membres […] ne puissent accorder des autorisations pour des produits biocides que si [elles ont] délivré au demandeur une lettre d’accès à celles de [leurs] données protégées qui ont été utilisées pour assurer l’inscription de [leurs] combinaisons à l’annexe I (I A ou I B) et […] doivent annuler les autorisations pour les produits biocides pour lesquels [elles] retire[nt] l’accès à [leurs] données ;

–        assurer le respect [de leurs] droits et […] attentes légitimes, pour chacune des combinaisons substance active/type de produit pour lesquelles le statut de participant [leur] a été reconnu, et sur cette base, modifier le règlement n° 2032/2003 de manière à garantir que [premièrement] aucune évaluation comparative n’est effectuée entre [leurs] substances et d’autres substances bénéficiant d’une recommandation d’inscription à l’[a]nnexe I (I A ou I B), avant ladite inscription ; [deuxièmement] aucune préférence n’est accordée à une évaluation du risque fondée sur le danger, telle que définie par la directive 76/769, par rapport à l’évaluation du risque prévue par la directive 98/8 et [troisièmement] il n’est tenu compte d’aucune information présentée par des ‘demandeurs’ ou des tierces parties et contredisant ou supplantant la notification et les dossiers complets relatifs à [leurs] substances actives déposés par [elles] (l’ensemble de ces dispositions illicites ont été introduites par le règlement n° 2032/2003) ; et

–        en application de son devoir de bonne administration, prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les États membres disposent des cadres réglementaires et des ressources humaines appropriées pour pouvoir mettre correctement en œuvre la directive [98/8] en ce qui concerne la protection des droits dont [elles] bénéficie[nt] en [leur] qualité de participant[s] (par exemple, en matière de retrait des autorisations de produits au cours de la période de transition ou de développement de bases de données adaptées à la protection des données), y compris, le cas échéant, des mesures coercitives à l’encontre des États membres ».

29      Par lettre du 20 juillet 2004, la Commission a répondu aux requérantes que, dans la mesure où leurs demandes faisaient déjà l’objet de la première série de recours, elle ne prendrait aucune des mesures souhaitées tant que le Tribunal n’aurait pas décidé d’annuler ou de déclarer illégales les dispositions litigieuses de la directive 98/8, du règlement n° 1896/2000 et du règlement n° 2032/2003.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 1er octobre 2004, les requérantes ont introduit les présents recours.

31      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer les présents recours recevables et fondés ou, à titre subsidiaire, joindre la question de la recevabilité à l’examen au fond ou, à titre encore plus subsidiaire, réserver sa décision sur la qualité pour agir jusqu’à ce qu’un arrêt soit rendu dans la « procédure principale » ;

–        ordonner à la Commission de répondre à leurs demandes ;

–        ou, à titre subsidiaire, ordonner l’annulation de la lettre du 20 juillet 2004 ;

–        ordonner à la Commission de leur verser, à titre provisionnel, le montant d’un euro en réparation des dommages subis en raison de sa carence en ce qu’elle s’est abstenue de leur répondre ou, à titre subsidiaire, en raison de la lettre du 20 juillet 2004, ainsi que tous intérêts exigibles, en attendant que le montant précis du préjudice soit calculé et chiffré exactement ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours en carence comme irrecevables ;

–        rejeter les recours en annulation à l’encontre de sa lettre du 20 juillet 2004 comme irrecevables ou, à titre subsidiaire, comme non fondés ;

–        rejeter les recours en indemnité comme irrecevables ou, à titre subsidiaire, comme non fondés.

–        condamner les requérantes aux dépens ;

–        condamner les requérantes à supporter les frais qui auraient pu être évités, conformément à l’article 90 du règlement de procédure du Tribunal.

33      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 2008 et enregistrée sous la référence T‑120/08, les requérantes, conjointement, ont demandé l’annulation de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 4, de l’article 7, paragraphe 3, de l’article 14, paragraphe 2, second alinéa, de l’article 15, paragraphe 3, de l’article 17 et de l’annexe II du règlement n° 1451/2007. Elles ont également excipé de l’illégalité, d’une part, de l’article 9, sous a), de l’article 10, paragraphe 3, de l’article 11 et de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 98/8 et, d’autre part, de l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1896/2000.

34      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a, le 8 mai 2008, invité les parties à se prononcer sur les conclusions qu’il convenait de tirer de l’adoption du règlement n° 1451/2007 pour la suite de la présente procédure. Les requérantes et la Commission ont répondu le 26 mai 2008.

35      Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a, le 22 septembre 2009, invité les requérantes à se prononcer sur les conséquences qu’elles tiraient de sa décision de les autoriser, dans la première série de recours, à adapter leurs conclusions en annulation à la suite de l’adoption du règlement n° 1451/2007. Les requérantes ont indiqué souhaiter que la présente procédure se poursuive normalement.

36      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2009, Bactria Industriehygiene-Service Verwaltungs GmbH & Co. KG s’est désistée de l’ensemble du recours dans l’affaire T‑401/04. Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 16 décembre 2009, l’affaire T‑401/04 a été radiée du registre du Tribunal.

37      Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 6 août 2010, les affaires T‑400/04, T‑402/04 à T‑404/04 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

38      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

 En droit

 Sur l’étendue et sur l’objet du litige

39      D’une part, par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 décembre 2010, les requérantes ont déclaré se désister des recours en indemnité. La Commission n’a pas présenté d’observation sur ce point lors de l’audience. Le Tribunal prend donc acte de ce désistement.

40      D’autre part, bien que les conclusions de la requête visent à obtenir que le Tribunal ordonne à la Commission de répondre aux demandes des requérantes, ce qu’il ne pourrait faire, le Tribunal estime néanmoins que, dans les circonstances de l’espèce, lesdites conclusions peuvent être interprétées comme visant implicitement à obtenir la constatation de l’illégalité de l’abstention d’agir reprochée à la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 12 janvier 1994, White/Commission, T‑65/91, RecFP p. I‑A‑9 et II‑23, point 83).

 Sur le bien-fondé des conclusions en carence

 Arguments des parties

41      Les requérantes soutiennent que, sur le fondement du principe de bonne administration, la Commission avait l’obligation d’agir en réponse à leurs demandes du 27 mai 2004 en mettant en œuvre la directive 98/8 au moyen d’une réglementation qui ne lèse pas les droits et les attentes des parties intéressées. Dans cette mesure, la Commission aurait dû évaluer les effets négatifs des règlements en cause sur la situation juridique des requérantes et y remédier.

42      La Commission aurait également eu l’obligation d’agir en réponse aux demandes des requérantes, sur le fondement de l’article 24 de la directive 98/8. Ainsi, la Commission serait tenue de constater de quelle manière les États membres mettent en œuvre la directive 98/8 et de rédiger un rapport à ce sujet. Pour les requérantes, une telle obligation aurait dû conduire la Commission à répondre à leurs demandes en adoptant des dispositions impératives ou, à tout le moins, des lignes directrices ou des recommandations non contraignantes adressées aux États membres.

43      Les requérantes font valoir que l’article 211 CE constitue également la base juridique de l’obligation d’agir de la Commission, puisque celle-ci en a méconnu les dispositions en dépassant les limites fixées par la directive 98/8, notamment dans son article 16 et dans son article 28, paragraphe 3, pour organiser l’examen des combinaisons « substance [active]/type de produit ».

44      S’agissant des illégalités en raison desquelles les dispositions litigieuses devraient être modifiées, les requérantes renvoient notamment à leurs lettres du 27 mai 2004, par lesquelles elles mettaient la Commission en demeure d’apporter les modifications souhaitées. Elles rappellent toutefois brièvement les moyens qu’elles avancent au soutien des recours.

45      En premier lieu, les requérantes font valoir que l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1896/2000 s’écarte de la directive 98/8 dans la mesure où cet article permet à des non-participants de bénéficier de leurs notifications pour rester sur le marché et d’obtenir un avantage concurrentiel en ne supportant pas les coûts de notification pour obtenir la future autorisation. Une telle mesure a modifié les dispositions de la directive 98/8 en matière de protection des données, d’une manière qui n’est ni autorisée ni justifiée.

46      En deuxième lieu, les requérantes font valoir que l’article 3 et l’annexe II du règlement n° 2032/2003 devraient être modifiés de sorte que ladite annexe, qui contient la liste des substances actives devant être examinées lors de la seconde phase du programme d’examen, soit nominative. En effet, le fait de ne pas avoir recensé les participants dans le règlement n° 2032/2003 viole « les droits et les attentes légitimes » des requérantes de voir leurs combinaisons « substance [active]/type de produit » inscrites aux annexes I, I A ou I B et protégées des entreprises « parasites ».

47      En troisième lieu, les requérantes considèrent que l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 2032/2003, qui n’impose pas aux États membres d’annuler les autorisations de mise sur le marché des produits biocides détenues par des entreprises qui ne participent pas au programme d’examen, est contraire à l’article 12 de la directive 98/8 relatif à la protection des données.

48      En quatrième lieu, les requérantes font valoir que l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 2032/2003 ne trouve aucun fondement dans la directive 98/8 et qu’il introduit une discrimination entre les « participants » et les « demandeurs ». Selon elles, cette disposition est illégale en ce qu’elle contredit l’obligation de notification des combinaisons « substance [active]/type de produit » imposée par le règlement n° 1896/2000. Au surplus, cette disposition serait discriminatoire vis-à-vis des « participants », en permettant aux « demandeurs » de saisir l’État membre de leur choix pour l’examen de leurs dossiers complets.

49      En cinquième lieu, l’article 10, paragraphe 2, du règlement n° 2032/2003, qui habilite l’État membre rapporteur à prendre en considération les données fournies par des personnes autres que les participants, est contraire à la directive 98/8, laquelle n’autorise pas l’évaluation comparative des données.

50      En sixième lieu, l’article 11, paragraphe 3, du règlement n° 2032/2003, qui permet à la Commission de procéder à une évaluation comparative des combinaisons « substance [active]/type de produit » notifiées par les participants avant leur inscription aux annexes I, I A ou I B, ne trouve aucun fondement dans la directive 98/8 et va à l’encontre de l’article 10, paragraphe 5, de celle-ci.

51      En septième lieu, selon les requérantes, l’article 13 du règlement n° 2032/2003, qui habilite la Commission à suspendre ou à arrêter l’examen de combinaisons « substance [active]/type de produit » notifiées par les participants et à présenter une proposition au titre de la directive 76/769/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses (JO L 262, p. 201), visant à interdire la commercialisation ou l’utilisation desdites combinaisons, est contraire à l’évaluation des risques instaurée par la directive 98/8.

52      En huitième lieu, les requérantes considèrent que l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 2032/2003, qui supprime les trois premiers alinéas de l’article 4, paragraphe 4, du règlement n° 1896/2000, affaiblit rétroactivement l’une des conditions décisives qui les a empêchées de notifier certaines substances actives.

53      En neuvième lieu, les requérantes relèvent que la Commission a délibérément omis de s’assurer que les États membres appliqueraient la directive 98/8 sans préjudicier à leur situation. La Commission aurait, notamment, omis de prendre en considération l’interprétation avancée par certains États membres, suivant laquelle, lorsqu’une autorisation est octroyée pour un produit biocide contenant une substance active inscrite aux annexes I, I A ou I B, cette substance peut être remplacée par une substance active produite par un fabricant différent de celui qui a participé au programme d’examen, sans qu’il soit nécessaire à ce fabricant ou au titulaire de l’autorisation de prouver l’accès aux données protégées du participant au programme d’examen.

54      En dixième lieu, les requérantes soutiennent que la mise en œuvre de la directive 98/8 par la Commission est contraire aux principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité.

55      Les parties ayant été interrogées par le Tribunal, à l’audience, sur les normes qui fonderaient, en l’espèce, l’obligation d’agir de la Commission, cette dernière a répondu qu’une telle obligation d’agir ne résultait pas de l’article 24 de la directive 98/8.

 Appréciation du Tribunal

56      Il y a, tout d’abord, lieu de rappeler qu’il appartient au Tribunal d’apprécier si une bonne administration de la justice justifie, dans les circonstances de l’espèce, de se prononcer au fond sur le recours sans statuer sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission (arrêt de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52 ; arrêts du Tribunal du 19 octobre 2005, Cofradía de pescadores « San Pedro de Bermeo » e.a./Conseil, T‑415/03, Rec. p. II‑4355, point 32, et du 9 septembre 2010, CSL Behring/Commission et EMA, T‑264/07, non encore publié au Recueil, point 23). En l’espèce, il peut être statué au fond sans répondre aux fins de non-recevoir.

57      Pour statuer sur le bien-fondé des conclusions en carence, il y a lieu de vérifier si, au moment de la mise en demeure de la Commission au sens de l’article 232 CE, il pesait sur l’institution une obligation d’agir (arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, Gestevisión Telecinco/Commission, T‑95/96, Rec. p. II‑3407, point 71, et du 9 septembre 1999, UPS Europe/Commission, T‑127/98, Rec. p. II‑2633, point 34).

58      Selon les requérantes, la Commission avait l’obligation de modifier le règlement n° 1896/2000 et le règlement n° 2032/2003, sur le fondement tant du droit primaire que de la directive 98/8. S’agissant du droit primaire, elles invoquent l’article 211 CE, le principe de bonne administration et la nécessaire mise en œuvre de la directive 98/8 d’une manière qui ne porte pas atteinte à « leurs droits et à leurs attentes légitimes ». Par ailleurs, elles soutiennent que l’article 24 de la directive 98/8 imposerait à la Commission de constater de quelle manière les États membres mettent en œuvre ladite directive et de rédiger un rapport à ce sujet.

59      Les recours en carence sont, en l’espèce, fondés sur la prémisse selon laquelle, le règlement n° 1896/2000 et le règlement n° 2032/2003 étant illégaux, la Commission, mise en demeure, avait l’obligation de les modifier pour faire disparaître les illégalités dénoncées. Une telle circonstance ne saurait, à elle seule, fonder une obligation d’agir de l’institution saisie que si une disposition ou un principe général du droit communautaire prévoyait une telle obligation. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

60      En premier lieu, les requérantes invoquent l’article 211 CE pour soutenir que la Commission avait l’obligation de répondre à leur demande de modification du règlement n° 1896/2000 et du règlement n° 2032/2003. Certes cet article, en son premier tiret, prévoit que la Commission « veille à l’application des dispositions du […] traité ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci ». Pour autant, une telle disposition ne saurait fonder l’obligation pour la Commission de retirer ou de modifier un acte de portée générale, tel qu’un règlement, ni, en cas d’abstention d’agir de la part de celle-ci, la possibilité pour le demandeur de saisir le Tribunal pour faire constater l’illégalité de cette abstention. En effet, l’article 211, premier tiret, CE vise le pouvoir conféré à la Commission de faire respecter le droit communautaire par les institutions, les États membres et les tiers, et non celui de modifier un règlement existant, prérogative relevant du pouvoir de décision, lequel découle directement soit des dispositions pertinentes du traité, soit, s’agissant de la Commission, des actes par lesquels elle se serait vu accorder un tel pouvoir.

61      Par ailleurs, il résulte du texte même de l’article 232, troisième alinéa, CE que le juge de l’Union ne peut être saisi d’un recours en carence par une personne physique ou morale lorsqu’une institution a manqué d’adresser à celle-ci une recommandation ou un avis. En l’espèce, pour faire valoir qu’existait à la charge de la Commission une obligation de modifier le règlement n° 1896/2000 et le règlement n° 2032/2003, les requérantes ne sauraient donc utilement se prévaloir des dispositions de l’article 211, deuxième tiret, CE qui prévoient que la Commission « formule des recommandations ou des avis sur les matières qui font l’objet du présent traité, si celui-ci le prévoit expressément ou si elle l’estime nécessaire ».

62      Également sur le fondement de l’article 211 CE, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir méconnu les dispositions de son quatrième tiret, en s’étant abstenue d’agir en réponse à leur mise en demeure. L’article 211, quatrième tiret, CE prévoit que la Commission exerce les compétences que le Conseil lui confère pour l’exécution des règles qu’il établit. Il est certes vrai que, par l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8, le Parlement et le Conseil avaient donné compétence à la Commission pour arrêter toutes les dispositions nécessaires pour l’élaboration et la mise en œuvre du programme d’examen. Force est cependant de constater que la Commission a pris les actes d’exécution de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8 en adoptant le règlement n° 1896/2000 et le règlement n° 2032/2003, épuisant ainsi l’obligation d’agir qui résultait de cette disposition. La Commission n’est donc pas en situation de carence sur la base de l’article 211, quatrième tiret, CE.

63      En réalité, les requérantes font appel à cette disposition pour soutenir que les règlements adoptés par la Commission ne sont pas conformes aux règles sur le fondement desquelles ils ont été pris, à savoir non seulement l’article 16, paragraphe 2, de la directive 98/8, mais aussi d’autres dispositions de ladite directive, comme son article 28, paragraphe 3. Or une telle argumentation tend à faire valoir que, alors même que les mesures d’exécution résultant du pouvoir conféré à la Commission, par l’article 211, quatrième tiret, CE, auraient été adoptées, il serait possible de reprocher à la Commission de ne pas avoir accompli son obligation d’adopter un acte, au motif que ces mesures, ou certaines de leurs dispositions, seraient illégales, et ensuite de mettre en demeure l’institution de modifier lesdites mesures ou lesdites dispositions. Par un tel raisonnement, les requérantes vont au-delà de l’objet même du recours en carence, qui est de faire constater l’illégalité d’une abstention d’agir d’une institution, en cherchant, par ce recours, à faire constater l’illégalité de dispositions d’un règlement existant, contre lequel la voie du recours en annulation est ouverte.

64      En deuxième lieu, les requérantes font état de ce que la Commission avait l’obligation d’agir, et donc de modifier le règlement n° 1896/2000 et le règlement n° 2032/2003, en application du principe de bonne administration. Ainsi, la Commission aurait dû s’assurer que l’application de la directive 98/8 n’allait pas à l’encontre des objectifs de celle-ci, plus spécifiquement qu’elle n’affectait pas les droits et les attentes des parties intéressées.

65      D’une part, il convient de rappeler que le juge de l’Union prend en considération le principe de bonne administration pour déterminer si l’abstention d’agir de l’institution est illégale, car constitutive d’une violation de ce principe (arrêt de la Cour du 15 mars 1984, Tradax Graanhandel/Commission, 64/82, Rec. p. 1359, point 22, et arrêt du Tribunal du 8 juin 2000, Camar et Tico/Commission et Conseil, T‑79/96, T‑260/97 et T‑117/98, Rec. p. II‑2193, point 151). D’autre part, la jurisprudence retient la notion de bonne administration, dans le cadre du recours en carence, pour déterminer si l’examen auquel l’institution est tenue de procéder à la suite d’une invitation à agir, présentée en vertu de dispositions précises, est fait de manière diligente et impartiale, dans une durée raisonnable (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 62 ; arrêts du Tribunal Gestevisión Telecinco/Commission, point 57 supra, points 72 à 75, et du 10 mai 2006, Air One/Commission, T‑395/04, Rec. p. II‑1343, point 61).

66      Selon les requérantes, c’est, en substance, en raison de l’illégalité supposée des dispositions du règlement n° 1896/2000 et du règlement n° 2032/2003 que le principe de bonne administration aurait commandé à la Commission de répondre à leurs demandes de modification. Si, ainsi qu’il vient d’être rappelé au point précédent, le principe de bonne administration constitue une norme au regard de laquelle la légalité de l’action ou de l’inaction des institutions est examinée, il ne saurait constituer en lui-même le fondement d’une obligation d’agir à la charge de la Commission lorsque celle-ci est saisie d’une demande de modification d’un règlement, acte de portée générale. Ainsi qu’il a été relevé au point 60 ci-dessus, le possibilité de modifier un tel acte, relevant du pouvoir de décision des institutions, découle directement des dispositions pertinentes du traité ou, s’agissant de la Commission, des actes par lesquels elle a reçu un tel pouvoir.

67      En troisième lieu, la même conclusion devrait être opposée aux requérantes dans la mesure où il y aurait lieu de considérer qu’elles font état des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique comme fondement de l’obligation d’agir de la Commission. En effet, si ces principes, tout comme le principe de bonne administration, représentent des normes au regard desquelles le comportement supposé illégal de l’institution, à savoir l’abstention d’agir, doit être examiné, ils ne sauraient, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 66 ci-dessus, constituer les fondements d’une obligation pour la Commission de modifier un règlement.

68      En quatrième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission aurait été dans l’obligation d’agir en application de l’article 24 de la directive 98/8. Tenue, en vertu de cet article, de constater de quelle manière les États membres mettent en œuvre la directive 98/8 et de rédiger un rapport à ce sujet, la Commission aurait dû répondre à leur demande, en adoptant des dispositions impératives ou, à tout le moins, des lignes directrices ou des recommandations non contraignantes adressées aux États membres.

69      L’article 24 de la directive 98/8 dispose :

« Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour contrôler si les produits biocides mis sur le marché se conforment aux exigences posées par la présente directive.

Tous les trois ans à partir de la date visée à l’article 34, paragraphe 1, les États membres adressent à la Commission, au plus tard le 30 novembre de la troisième année, un rapport sur l’action qu’ils ont menée en la matière, accompagné d’informations sur les éventuels empoisonnements dus à des produits biocides. Dans un délai d’un an suivant la réception de ces informations, la Commission rédige et publie un rapport de synthèse. »

70      En vertu de ces dispositions, la Commission est tenue de rédiger et de publier un rapport dans un délai d’un an suivant la réception par elle d’informations provenant des États membres sur les dispositions nécessaires qu’ils ont prises pour contrôler si les produits biocides mis sur le marché se conforment aux exigences posées par la directive 98/8. La seule obligation imposée à la Commission par l’article 24 de la directive 98/8 est la présentation d’un rapport de synthèse. Par suite, l’article 24 ne peut en aucune manière fonder une obligation pour la Commission de modifier le règlement n° 1896/2000 et le règlement n° 2032/2003 en raison de prétendues illégalités affectant certaines de leurs dispositions.

71      Il résulte de ce qui précède que les requérantes n’ont pas démontré l’obligation d’agir de la Commission en vue de procéder aux modifications demandées du règlement n° 1896/2000 et du règlement n° 2032/2003.

72      Par conséquent, le recours en carence n’est pas fondé.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation

 Arguments des parties

73      La Commission soutient que les conclusions en annulation sont irrecevables, d’une part, parce que, lesdites conclusions ayant un objet et un effet identiques à ceux des recours en annulation de la première série de recours, elles sont une répétition de ces recours et, d’autre part, parce que la modification demandée aurait dû être adoptée sous la forme d’un acte de portée générale qui ne concernerait pas directement et individuellement les requérantes.

74      La Commission précise que les requérantes souhaitent essentiellement qu’elle adopte ou qu’elle propose une législation qui affecterait la situation juridique d’autres opérateurs et que la position juridique des requérantes ne serait pas concernée par de tels actes. En analysant chacun des moyens soulevés par les requérantes, elle entend démontrer que l’ensemble de l’argumentation venant au soutien des conclusions en annulation vise à faire adopter un acte qui concernerait d’autres opérateurs économiques que les requérantes. Par suite, celles-ci ne seraient pas directement et individuellement concernées par les modifications de la réglementation qu’elles demandent.

75      Les requérantes font valoir que la lettre du 20 juillet 2004 leur est adressée directement, qu’elle précise la position finale de l’institution sur leurs demandes et qu’elle a un caractère définitif. À l’exemple des décisions par lesquelles la Commission classe ou rejette une plainte ou encore ouvre une procédure en matière d’aides d’État, au titre de l’article 88, paragraphe 2, CE, dont les juridictions de l’Union ont confirmé le caractère définitif des mesures qu’elles contenaient et à l’encontre desquelles elles ont reconnu qualité pour agir aux personnes qui les contestaient, les requérantes considèrent que leurs demandes en annulation sont recevables.

76      Les requérantes font valoir qu’elles ont un intérêt à demander la modification des dispositions du cadre réglementaire, car ces dispositions affectent leur position sur le marché. Elles rappellent qu’elles opèrent sur le même marché que des entreprises qui n’ont pas notifié de combinaisons « substance [active]/type de produit » et que, en conséquence, elles ont un intérêt direct à ce que la réglementation assure que les différents opérateurs soient soumis aux mêmes conditions sur le marché pertinent.

77      Concernant leur qualité pour agir, d’une part, les requérantes rétorquent à l’argument de la Commission selon lequel les mesures sollicitées sont de portée générale qu’il est de jurisprudence constante que la portée générale d’une mesure n’exclut pas que des personnes aient intérêt à son annulation ou à sa modification.

78      Les requérantes soutiennent, d’autre part, que si la Commission devait, pour tenir compte de leur demande de protection accrue de leurs données, prendre un acte dont les destinataires seraient les États membres, cela n’exclurait pas qu’elles auraient un intérêt à l’adoption de telles mesures, lesquelles affecteraient directement leur position sur le marché et les droits à la protection des données que leur confère la directive 98/8.

 Appréciation du Tribunal

79      Il est de jurisprudence constante que, lorsqu’un acte de la Commission revêt un caractère négatif, il doit être apprécié en fonction de la nature de la demande à laquelle il constitue une réponse (arrêt de la Cour du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C‑15/91 et C‑108/91, Rec. p. I‑6061, point 22). En particulier, le refus opposé par une institution de l’Union de procéder au retrait ou à la modification d’un acte ne saurait constituer lui-même un acte dont la légalité peut être contrôlée, conformément à l’article 230 CE, que lorsque l’acte que l’institution refuse de retirer ou de modifier aurait pu lui-même être attaqué en vertu de cette disposition (arrêt du Tribunal du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a./Commission, T‑83/92, Rec. p. II‑1169, point 31 ; ordonnances du Tribunal du 15 mars 2004, Institouto N. Avgerinopoulou e.a./Commission, T‑139/02, Rec. p. II‑875, point 57, et du 15 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, Rec. p. II‑5839, point 64). Interrogées lors de l’audience sur les implications de l’arrêt Zunis Holding e.a./Commission (précité, point 31) en l’espèce, les requérantes ont répondu qu’elles étaient recevables à demander l’annulation de la lettre du 20 juillet 2004.

80      En premier lieu, il convient de relever que les requérantes souhaitaient que la Commission modifie l’article 6, paragraphe 2, du règlement n° 1896/2000. Or le recours en annulation du règlement n° 1896/2000 a été rejeté par le Tribunal comme irrecevable, la requérante n’étant pas individuellement concernée par les dispositions de ce règlement (ordonnance du Tribunal du 29 avril 2002, Bactria/Commission, T‑339/00, Rec. p. II‑2287, point 55). Dans cette ordonnance, il a notamment été jugé que le règlement n° 1896/2000 s’appliquait à des situations déterminées objectivement et produisait des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite et que, par conséquent, il revêtait, par sa portée générale, un caractère normatif et ne constituait pas une décision au sens de l’article 249 CE (ordonnance Bactria/Commission, précitée, point 46).

81      Par ailleurs, dans le cadre des présents recours, les requérantes sont, par rapport au règlement n° 1896/2000, dans la même situation que la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Bactria/Commission, point 80 supra. En effet, il s’agit de sociétés qui plaçaient sur le marché des produits biocides contenant des substances actives existantes, circonstance qui ne permet pas de les regarder comme individuellement concernées par le règlement n° 1896/2000 (voir, en ce sens, ordonnance Bactria/Commission, point 80 supra, point 48). En outre, il n’existait aucune disposition imposant à la Commission, avant l’adoption du règlement n° 1896/2000, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle des personnes comme les requérantes auraient eu le droit de faire valoir d’éventuels droits ou même d’être entendues (voir, en ce sens, ordonnance Bactria/Commission, point 80 supra, point 51). Il n’existait pas non plus une disposition qui imposait à la Commission de tenir compte des conséquences de l’acte qu’elle envisageait d’adopter sur la situation de certains particuliers (voir, en ce sens, ordonnance Bactria/Commission, point 80 supra, point 52). Enfin, une prétendue violation des droits de propriété, tels que protégés par l’article 12 de la directive 98/8, à la supposer établie, ne suffisait pas pour individualiser des opérateurs économiques tels que les requérantes par rapport à tout autre opérateur qui procédait à la notification d’une substance active existante (voir, en ce sens, ordonnance Bactria/Commission, point 80 supra, point 53).

82      Ainsi, il convient de constater que, placées dans la même situation que la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Bactria/Commission, précitée, par rapport au règlement n° 1896/2000, les requérantes ne sont, pas plus que cette dernière, recevables à en demander l’annulation, faute d’être individuellement concernées.

83      Par suite, en application de la jurisprudence citée au point 79 ci-dessus, les requérantes ne sont pas recevables à demander l’annulation de la lettre du 20 juillet 2004, en tant que la Commission y rejetait leur demande de modification du règlement n° 1896/2000.

84      En second lieu, en ce qui concerne les dispositions du règlement n° 2032/2003 dont la modification a été refusée par la Commission dans la lettre du 20 juillet 2004, elles ont toutes été contestées dans le cadre de la première série de recours. En effet, les requérantes ont explicitement demandé, dans les lettres du 27 mai 2004, la modification de l’article 4 du règlement n° 2032/2003. Il ressort nettement des lettres du 27 mai 2004 que, s’agissant de cette disposition, c’était son paragraphe 2 qu’il était demandé de modifier. Par ailleurs, les requérantes, sans avoir désigné les articles visés, sollicitaient également que la Commission amende l’article 3, l’article 5, paragraphe 3, l’article 10, paragraphe 2, deuxième alinéa, l’article 11, paragraphe 3, l’article 13 et l’annexe II, voire l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 2032/2003.

85      Le Tribunal a rejeté comme irrecevable la première série de recours, les requérantes n’étant individuellement concernées par aucune des dispositions mentionnées au point précédent (arrêt du Tribunal prononcé ce jour dans les affaires jointes Arch Chemicals e.a./Commission, T‑75/04, T‑77/04 à T‑79/04).

86      Par suite, en application de la jurisprudence citée au point 79 ci-dessus, les requérantes ne sont pas recevables à demander l’annulation de la lettre du 20 juillet 2004, en tant que la Commission y rejetait leur demande de modification du règlement n° 2032/2003.

87      Par conséquent, les conclusions en annulation de la lettre du 20 juillet 2004 doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur les dépens et les frais exposés par le Tribunal

88      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

89      En revanche, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner les requérantes, conformément à l’article 90, sous a), du règlement de procédure, à rembourser au Tribunal les frais qu’il a exposés et qui auraient pu être évités.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Arch Chemicals, Inc., Arch Timber Protection Ltd, Rhodia UK Ltd, Sumitomo Chemical (UK) plc et Troy Chemical Co. BV supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.