Language of document : ECLI:EU:T:2006:322

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

17 octobre 2006 (*)

« Fonctionnaires – Recrutement – Agents temporaires – Lecteurs d’arrêts – Article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents – Acte faisant grief – Lien de confiance »

Dans l’affaire T‑406/04,

André Bonnet, demeurant à Saint-Pierre-de-Vassols (France), représenté par Me H. de Lépinau, avocat,

partie requérante,

contre

Cour de justice des Communautés européennes, représentée par M. M. Schauss, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande en annulation des actes du 11 février et du 4 mars 2004 de la Cour de justice mettant fin, en ce qui concerne le requérant, à la procédure d’engagement au poste de lecteur d’arrêts auprès du président de la Cour et de la décision portant nomination au poste en cause, ainsi que, d’autre part, une demande en indemnité,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, faisant fonction de président, N. J. Forwood et S. Papasavvas, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Selon l’article 2 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA ») :

« Est considéré comme agent temporaire, au sens du présent régime :

[…]

c)      l’agent engagé en vue d’exercer des fonctions auprès d’une personne remplissant un mandat prévu par les traités instituant les Communautés, ou le traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, ou auprès d’un président élu d’une institution ou d’un organe des Communautés […] et qui n’est pas choisi parmi les fonctionnaires des Communautés ;

[…] »

2        Selon l’article 7 de la décision de la Cour de justice du 25 janvier 1995 relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut des fonctionnaires à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») ainsi que par le RAA à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagements (ci-après l’« AHCC »), applicable à l’époque des faits :

« Les pouvoirs prévus à l’égard des autres agents des Communautés européennes par le [RAA] sont exercés dans les conditions suivantes :

1.      La Cour est habilitée à décider de l’engagement […] et de la fin de l’engagement des agents temporaires engagés pour exercer les fonctions de référendaire auprès d’un membre de la Cour.

[…] »

3        Selon l’article 1er de la décision de la Cour de justice du 27 juin 1995 modifiant la décision de la Cour de justice du 25 janvier 1995, les dispositions spécifiques de la décision du 25 janvier 1995 relatives aux fonctionnaires chargés des fonctions de lecteur sont supprimés. Cette suppression a pour effet, ainsi que l’indique le troisième considérant de la décision du 27 juin 1995, d’assimiler aux référendaires les agents chargés des fonctions de lecteur d’arrêts (ci-après les « lecteurs d’arrêts ») et, ainsi, de transférer les pouvoirs dévolus à l’AIPN ou à l’AHCC concernant ces fonctions du comité administratif de la Cour à la Cour elle-même.

 Antécédents du litige

4        Le 6 novembre 2003, la Cour de justice a émis un appel à candidatures, diffusé par le biais des ministères de la Justice français et belge ainsi que du Conseil d’État français, en vue de constituer une « liste de réserve de lecteurs d’arrêts pour la cellule des lecteurs d’arrêts du cabinet du président [de la Cour] ». Le requérant, membre de l’ordre juridictionnel administratif français, a fait acte de candidature.

5        Selon le requérant, par appel téléphonique du 3 février 2004, le chef de cabinet du président de la Cour de justice l’a informé de ce qu’il était retenu pour le poste de lecteur d’arrêts à pourvoir le 1er mars 2004. Par télécopie du 4 février 2004, adressée au secrétaire général du Conseil d’État français, le président de la Cour de justice (ci‑après le « président de la Cour ») a informé ce dernier du fait que son choix s’était porté sur le requérant et a sollicité une mise en disponibilité rapide de celui-ci.

6        Par télécopie du 6 février 2004, le chef de cabinet a informé le requérant de ce que le président de la Cour était en train de reconsidérer la situation en ce qui concernait le recrutement au poste en cause et que, contrairement aux indications données précédemment, il lui était demandé d’interrompre les démarches requises pour son détachement.

7        Par télécopie du 11 février 2004, le chef de cabinet a informé le requérant de ce que le président de la Cour avait été amené à « revenir sur sa décision du 3 février 2004 et à écarter [sa] candidature » au motif, d’une part, que ce dernier « a[vait] reçu un dossier, datant du 2 février 2004, transmis par le Conseil d’État et contenant plusieurs candidatures de magistrats administratifs français qui [avaient] manifesté leur intérêt à occuper un poste de référendaire, y compris pour exercer les fonctions de lecteur d’arrêts » et, d’autre part, que « ni dans le curriculum vitae joint à [sa] lettre de candidature ni lors des entretiens qu[’il avait eus] le vendredi 30 janvier 2004 […][le requérant n’[avait] mentionné [...] diverses activités extrajudiciaires entraînant [son] exposition à la vie publique de [son] pays ».

8        Par lettre du 2 mars 2004 adressée au président de la Cour, le requérant a saisi la Cour de justice d’une réclamation préalable au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») visant au retrait de la « révocation du 11 février 2004 » et à la communication des informations évoquées dans cette « révocation ».

9        Par télécopie du 4 mars 2004, le chef de cabinet a confirmé au requérant la bonne réception de son courrier du 2 mars 2004 et a refusé de prendre position sur les points de vue qui y étaient exprimés. Il a également refusé de communiquer les informations demandées.

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 avril 2004, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation des actes du 11 février et du 4 mars 2004 ainsi qu’à l’obtention d’une indemnité. Par ordonnance du 9 juillet 2004, ces demandes ont été rejetées comme manifestement irrecevables au motif que le recours n’avait pas été précédé d’une procédure précontentieuse régulière au sens des articles 90 et 91 du statut (ordonnance du Tribunal du 9 juillet 2004, Bonnet/Cour de justice, T‑132/04, non publiée au Recueil).

11      Eu égard au silence gardé par l’administration, la réclamation du requérant a été implicitement rejetée le 2 juillet 2004, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

 Procédure

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 octobre 2004, le requérant a introduit le présent recours.

13      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité la défenderesse à déposer des extraits des procès-verbaux des réunions générales de la Cour de justice, tenues entre le 30 janvier 2004 et le 11 février 2004, limités à leur partie relative aux nominations individuelles (« III – Affaires administratives ; liste B ») et lui a posé par écrit des questions, en l’invitant à y répondre lors de l’audience.

14      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 mars 2006.

15      Lors de cette audience, le requérant a expressément renoncé à son deuxième chef de conclusions visant à faire juger que son recrutement devait prendre ses pleins effets à compter du 1er mars 2004. Il a invité le Tribunal à demander la production in extenso des procès-verbaux nos 6/04 et 7/04 déposés par la défenderesse, du procès-verbal portant nomination relative au poste à pourvoir et des informations évoquées dans la télécopie du 11 février 2004. La défenderesse a offert de produire les procès-verbaux demandés.

16      Par lettre du 23 mars 2006, le requérant a invité le Tribunal à demander à la défenderesse, d’une part, de produire un procès-verbal afférent à une décision d’engagement de lecteur d’arrêts antérieure au mois de février 2004 et, d’autre part, de fournir des explications sur la provenance des informations relatives à une plainte déposée au pénal par M. Bonnet et évoquée lors de l’audience par la défenderesse.

17      Par lettre du 4 avril 2006, la défenderesse a déposé une copie complète des procès-verbaux nos 6/04, 7/04 et 12/04, dont les informations autres que celles relatives à la partie « III – Affaires administratives ; liste B » ont été occultées.

18      Les lettres du 23 mars et du 4 avril 2006 ont été communiquées aux parties, qui ont pris position sur celles-ci.

19      Le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé de rejeter les demandes de production de documents et d’explications ultérieures. En conséquence, la procédure orale a été clôturée.

 Conclusions des parties

20      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions du 11 février et du 4 mars 2004 ainsi que la décision implicite de rejet de sa réclamation et la décision de nomination relative au poste à pourvoir ;

–        condamner la Cour de justice à lui payer une somme de 100 000 euros au titre de son préjudice moral ainsi qu’une somme de 5 000 euros par mois à compter du 1er mars 2004 et jusqu’à sa prise de fonctions effective ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la décision du Tribunal ne rendrait pas inévitable sa prise de fonctions effective, condamner la Cour de justice à payer à ce dernier la somme totale de 260 000 euros, avec intérêts de droit à compter de la présente demande ;

–        en tout état de cause, condamner la Cour de justice aux dépens.

21      La Cour de justice conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement irrecevable en ce qu’il est dirigé contre les lettres du 11 février et du 4 mars 2004 ;

–        rejeter les demandes en annulation comme manifestement non fondées ;

–        rejeter la demande en indemnité en partie comme manifestement non fondée et en partie comme manifestement irrecevable ;

–        condamner le requérant à supporter ses propres dépens.

 En droit

1.     Sur les demandes en annulation

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

22      Le requérant fait valoir que la télécopie du 4 février 2004 du président de la Cour au secrétaire général du Conseil d’État ne peut être regardée que comme un acte créateur de droits. On ne saurait envisager que le président de la Cour se soit engagé auprès du requérant et auprès du Conseil d’État sans avoir obtenu au préalable l’aval de la Cour de justice. Certes, le requérant n’aurait pas été formellement nommé dans son emploi, mais il aurait eu un droit effectif à être nommé (arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Bories e.a./Commission, T‑331/00 et T‑115/01, RecFP p. I‑A‑309 et II‑1479). À cet égard, le requérant avance que l’absence d’acte formel qui lui ait été directement notifié s’explique par la rapidité du recrutement. À titre subsidiaire, le pouvoir de proposition étant, en la matière, prépondérant, il engage son titulaire. Par conséquent, les décisions des 11 février et 4 mars 2004 s’analysent nécessairement comme le retrait d’un acte créateur de droit et donc comme un acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

23      La défenderesse rappelle que la Cour de justice, statuant en réunion générale, est la seule autorité habilitée à conclure des contrats en ce qui concerne les lecteurs d’arrêts. Or, cette dernière n’aurait jamais pris de décision visant à l’engagement du requérant, ni le 3 février 2004 ni à une autre date. De plus, aucun écrit n’aurait été établi aux fins de l’engagement du requérant. La télécopie du 4 février 2004 serait donc un acte purement préparatoire, uniquement motivée par le souci de mettre la Cour de justice en mesure de bénéficier des services d’un lecteur d’arrêts le plus rapidement possible. Dès lors, les télécopies du 11 février et du 4 mars 2004 ne sauraient être considérées comme ayant opéré le retrait d’un acte créateur de droit et ne sauraient être qualifiées d’actes faisant grief. En conséquence, le recours devrait être déclaré irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre ces dernières télécopies.

24      La défenderesse, en réponse à la thèse subsidiaire du requérant selon laquelle il avait acquis un droit à être proposé, fait valoir que, en cas de perte du lien de confiance, il est justifié que la personne ne bénéficiant plus de cette confiance ne soit pas proposée à l’AHCC.

 Appréciation du Tribunal

25      La défenderesse excipe, en premier lieu, de l’irrecevabilité du premier chef de conclusions visant à voir annuler l’acte du 11 février 2004, au motif que cet acte ne saurait être qualifié d’acte faisant grief.

26      Il convient, au préalable, d’éclaircir les circonstances factuelles de l’affaire et de vérifier, notamment, si, comme le prétend le requérant, une décision d’engagement le concernant a été retirée par l’acte du 11 février 2004.

27      Il doit être rappelé que, en vertu des décisions de la Cour de justice des 25 janvier et 27 juin 1995, la Cour de justice, statuant en réunion générale, est seule habilitée à procéder à l’engagement d’un lecteur d’arrêts. Or, il ressort des procès‑verbaux des réunions générales tenues durant la période pertinente, produits à la demande du Tribunal, que la Cour de justice n’a été saisie d’aucune proposition de nomination concernant l’emploi en cause. En conséquence, le requérant ne peut se prévaloir d’aucune décision d’engagement ni, partant, d’une décision de retrait de cet engagement ou d’une décision de licenciement.

28      Il doit également être rappelé que, selon une pratique constante, la Cour de justice statue sur l’engagement d’un référendaire exclusivement sur proposition du membre de la juridiction auprès de qui celui-ci est appelé à exercer ses fonctions. En l’occurrence, les lecteurs d’arrêts étant rattachés au président de la Cour, il appartient à ce dernier de présenter à la Cour de justice une proposition d’engagement pour ce poste.

29      À cet égard, il ressort clairement de la télécopie du 4 février 2004, adressée par le président de la Cour à l’administration d’appartenance du requérant, et de la télécopie du 11 février 2004, adressée par le chef de cabinet du président de la Cour au requérant, que le président de la Cour avait décidé, le 3 février 2004, de proposer la candidature du requérant en vue de pourvoir le poste en cause. De même, selon les termes de la télécopie du 11 février 2004, le président de la Cour est revenu sur cette décision et a écarté la candidature du requérant.

30      Eu égard au fait que l’exercice du pouvoir de proposition par le président de la Cour constitue un préalable nécessaire au recrutement d’un lecteur d’arrêts, il convient de vérifier si la décision datant, au plus tard, du 11 février 2004 constitue un acte faisant grief au requérant.

31      Selon une jurisprudence constante, seuls les actes produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et individuellement les intérêts des intéressés en modifiant, de façon caractérisée, leur situation juridique peuvent être considérés comme leur faisant grief (arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, Commission/Alvarez Moreno, C‑373/04 P, non publié au Recueil, point 42, et voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 3 décembre 1992, Moat/Commission, C‑32/92 P, Rec. p. I‑6379, point 9).

32      Il convient de rappeler que toute procédure formelle de nomination ou d’engagement à un poste relevant du statut ou du RAA donne lieu à l’adoption d’un acte modifiant de façon caractérisée la situation juridique d’une personne ayant fait acte de candidature à la suite de l’ouverture de cette procédure, que ce soit la décision de nomination ou d’engagement adoptée à son égard par l’AIPN ou par l’AHCC, ou que ce soit la décision portant rejet de sa candidature adoptée par l’une de ces autorités ou par l’un des organes prévus par la procédure de recrutement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, points 38, 39 et 50, et ordonnance du Tribunal du 29 juin 2005, Pappas/Comité des régions, T‑254/04, non encore publiée au Recueil, point 46).

33      En règle générale, l’engagement d’un référendaire, auquel sont assimilés les lecteurs d’arrêts, ne donne pas lieu à l’ouverture d’une procédure de recrutement. En effet, cet engagement se réalise exclusivement par la proposition d’un nom unique par le membre concerné et par l’acceptation ou le rejet de ce nom par la Cour de justice. Aucun texte juridique ne vient encadrer ce pouvoir de proposition. Ainsi, le membre concerné choisit librement la personne qu’il entend proposer, selon la méthode qu’il juge appropriée. Il s’ensuit que, en l’absence d’ouverture formelle d’une procédure, il n’existe pas de candidature autre que celle présentée par le membre concerné. En conséquence, une candidature spontanée à un tel poste conserve obligatoirement un caractère informel. Dès lors, une telle candidature ne peut pas donner lieu à une décision juridique de rejet. Il en résulte que le rejet d’une telle candidature ne constitue pas un acte faisant grief.

34      Néanmoins, en l’espèce, par son appel à candidatures du 6 novembre 2003, en vue de constituer une liste de réserve de lecteurs d’arrêts auprès du président de la Cour, la Cour de justice a ouvert formellement une procédure de recrutement en vue de pourvoir à ces postes.

35      Or, selon une jurisprudence constante, l’appel à candidatures a pour fonction de fixer le cadre de légalité au regard duquel l’AHCC procédera à l’examen comparatif des mérites des candidats. En particulier, les conditions fixées dans un appel à candidatures lancé par l’AHCC, y compris celui librement émis par l’administration, s’imposent à elle (arrêts du Tribunal du 20 septembre 2001, Coget e.a./Cour des comptes, T‑95/01, RecFP p. I‑A‑191 et II‑879, point 58, et du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil, T‑116/03, RecFP p. I‑A‑339 et II‑1541, points 64 et 65 ; ordonnance Pappas/Comité des régions, point 32 supra, point 46).

36      Il en résulte que la Cour de justice s’est librement imposé, alors qu’elle n’y était pas tenue, une procédure officielle de recrutement l’obligeant, au minimum, à recevoir les candidatures formelles des candidats avant une date limite de dépôt, à vérifier l’adéquation de ces candidatures au profil du poste défini dans l’appel, à inscrire les candidats retenus sur une liste de réserve et, conformément à la pratique constante de la Cour de justice, à confier au président de la Cour, auprès de qui les lecteurs d’arrêts sont rattachés, la tâche de sélectionner un nom sur cette liste afin de le proposer à la Cour de justice, statuant en réunion générale.

37      À cet égard, la Cour de justice ne saurait prétendre que cet appel n’était exclusif d’aucune autre voie de sélection. En effet, les institutions sont effectivement tenues au respect des procédures internes qu’elles ont volontairement édictées sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement en cas de non‑respect (arrêts de la Cour du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, 190/82, Rec. p. 3981, point 20, et du Tribunal du 28 janvier 1992, Speybrouck/Parlement, T‑45/90, Rec. p. II‑33, point 69).

38      Il résulte de ce qui précède que les personnes ayant formellement fait acte de candidature à la suite de l’appel du 6 novembre 2003 bénéficient du statut de candidat dans le cadre d’une procédure formelle de recrutement (voir point 32 ci‑dessus). Il s’ensuit que, en cas de rejet de leur candidature à tout stade de la procédure, elles voient leur situation juridique modifiée de façon caractérisée. Cette décision de rejet constitue une mesure fixant définitivement, à leur égard, la position de l’institution au terme de cette procédure et constitue ainsi un acte leur faisant grief.

39      En conséquence, la décision datant, au plus tard, du 11 février 2004 et mettant fin à la procédure de recrutement du requérant en vue de pourvoir au poste en cause constitue un acte lui faisant grief (ci‑après la « décision du 11 février 2004 »). Partant, le requérant est recevable à attaquer cette décision.

40      La défenderesse excipe, en second lieu, de l’irrecevabilité du premier chef de conclusions visant à voir annuler l’acte du 4 mars 2004.

41      Il doit être rappelé que la télécopie du 4 mars 2004, adressée au requérant par le chef de cabinet du président de la Cour, fait suite à une lettre du 2 mars 2004 du requérant au président, expressément qualifiée par son auteur de réclamation préalable au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Il a été jugé, dans l’ordonnance Bonnet/Cour de justice, point 10 supra (point 13), que cette télécopie du 4 mars 2004 ne pouvait en aucun cas valoir décision de rejet de la réclamation déposée par le requérant.

42      Pour autant que la télécopie du 4 mars 2004 rappelle le contenu de la décision du 11 février 2004, cet acte constitue un acte purement confirmatif et n’est, dès lors, pas attaquable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission, 23/80, Rec. p. 3709, point 18, et voir ordonnance du Tribunal du 27 juin 2000, Plug/Commission, T‑608/97, RecFP p. I‑A‑125 et II‑569, point 23, et la jurisprudence citée).

43      Pour autant que cette télécopie porte refus de communiquer au requérant, malgré la demande de ce dernier, les informations évoquées dans la décision du 11 février 2004, il doit être relevé que le seul moyen du présent recours pouvant se rapporter plus ou moins directement à cet aspect est le deuxième moyen, relatif, notamment, au défaut de motivation de la décision du 11 février 2004 ainsi qu’à la violation des droits de la défense du requérant lors de l’adoption de cette dernière décision, et doit donc être examiné dans ce cadre. Pour autant que cette télécopie puisse être considérée comme une décision autonome faisant grief au requérant, il suffit de constater que le recours contre cette décision est irrecevable, soit en raison de l’absence de procédure précontentieuse régulière si ce recours devait être fondé sur l’article 91 du statut (ordonnance Bonnet/Cour de justice, point 10 supra, point 12), soit en raison de sa tardiveté si ce recours devait être fondé sur l’article 230 CE.

44      Il résulte de ce qui précède que le requérant est recevable à attaquer la décision du 11 février 2004 mettant fin à la procédure d’engagement en ce qui le concerne.

 Sur le fond

45      Le requérant invoque quatre moyens, tirés, respectivement, de l’incompétence du signataire de la décision du 11 février 2004, de la violation des formes substantielles, d’erreurs de droit et d’un détournement de pouvoir.

 Observations liminaires

46      Selon une jurisprudence constante, l’étendue du contrôle du Tribunal sur les décisions prises en matière de procédure de recrutement se limite, compte tenu du pouvoir d’appréciation conféré à l’AIPN ou à l’AHCC, à l’examen de la régularité des procédures utilisées par l’administration, à l’examen du respect de l’obligation de motivation, à la vérification de l’exactitude matérielle des faits sur lesquels l’administration s’est fondée pour prendre sa décision, à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation, d’erreur de droit et de détournement de pouvoir qui pourraient entacher la décision administrative (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Parlement/Reynolds, C‑111/02 P, Rec. p. I‑5475, point 59, et arrêt Hectors/Parlement, point 32 supra, point 51 ; arrêts du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 56, et du 28 octobre 2004, Lutz Herrera/Commission, T‑219/02 et T‑337/02, RecFP p. I‑A‑319 et II‑1407, point 59).

47      Cependant, dans le cadre d’une procédure de recrutement à un poste relevant de l’article 2, sous c), du RAA, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, compte tenu des objectifs qui sous-tendent cette procédure, la confiance mutuelle est un élément essentiel des contrats de tous les agents temporaires visés à cette disposition (arrêt Speybrouck/Parlement, point 37 supra, point 94 ; arrêt du Tribunal du 14 juillet 1997, B/Parlement, T‑123/95, RecFP p. I‑A‑245 et II‑697, point 72, et voir, en ce sens, arrêt Parlement/Reynolds, point 46 supra, point 55).

48      À cet égard, il convient de rejeter les arguments du requérant selon lesquels l’emploi de lecteur d’arrêts ne suppose pas l’existence d’un lien de confiance, en raison de la nature technique de ses fonctions qui résulterait notamment des termes de l’appel à candidatures. En toute hypothèse, le caractère technique des fonctions exercées dans le cadre d’un emploi relevant de l’article 2, sous c), du RAA n’entraîne, en aucun cas, l’absence de nécessité d’un lien de confiance (arrêt B/Parlement, point 47 supra, points 71 et 72).

49      Certes, la nature du lien de confiance unissant un lecteur d’arrêts et le président de la Cour est forcément différente de celle du lien unissant un membre de la juridiction et son référendaire, ne serait-ce que parce qu’un lecteur d’arrêts prête son concours à tous les membres et à leurs cabinets. Il n’en demeure pas moins qu’un tel lien de confiance doit exister non seulement entre les membres de la juridiction et les lecteurs d’arrêts, mais également entre le président de la Cour et les lecteurs d’arrêts. En effet, le président de la Cour, en accordant officiellement sa confiance au lecteur d’arrêts lors de son engagement, engage sa responsabilité à cet égard auprès des autres membres de la juridiction.

50      Or, l’existence d’un rapport de confiance ne se fonde pas sur des éléments objectifs et échappe, par nature, au contrôle juridictionnel. Sur ce point, le Tribunal ne saurait, en aucun cas, substituer son appréciation à celle de l’autorité compétente (arrêt B/Parlement, point 47 supra, point 73).

51      Cette impossibilité de contrôler l’existence ou la perte d’un lien de confiance s’étend en partie au contrôle des motifs avancés pour justifier l’inexistence ou la perte de ce lien. Ainsi que la Cour l’a jugé, lorsque la confiance mutuelle est rompue, « pour quelque raison que ce soit », la personne en cause n’est plus en mesure d’assurer ses fonctions (voir, par analogie, arrêt Parlement/Reynolds, point 46 supra, point 56).

52      Néanmoins, exceptionnellement, lorsqu’une procédure formelle de recrutement à un poste relevant de l’article 2, sous c), du RAA a été ouverte, l’étendue normale du contrôle juridictionnel en matière de procédure de recrutement (voir point 46 ci-dessus) implique que le juge communautaire soit en mesure de contrôler si la décision de rejet d’une candidature s’inscrit dans le cadre d’une procédure régulière, si elle respecte l’obligation de motivation, si elle est fondée sur des faits exacts, ou si elle constitue un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, non encore publié au Recueil, point 96). De même, sans substituer son appréciation à celle de l’auteur de l’acte, le juge communautaire est en mesure de vérifier si l’absence ou la perte d’un lien de confiance est effectivement invoquée et si le motif éventuellement avancé à cet égard ne viole pas, par sa substance, les droits fondamentaux.

53      Il convient donc d’examiner les moyens avancés par le requérant à l’aune de ce contrôle juridictionnel applicable en matière de procédure de recrutement d’un agent temporaire relevant de l’article 2, sous c), du RAA.

 Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence du signataire de la décision du 11 février 2004

54      Le requérant fait valoir que les télécopies des 6 et 11 février 2004 et la télécopie du 4 mars 2004 sont signées par le chef de cabinet du président de la Cour, alors que ce dernier, en l’absence de délégation régulière, ne pouvait retirer la décision du 3 février 2004 sans excéder les limites de sa compétence.

55      À la demande de production de la décision du 11 février 2004 faite par le Tribunal, la Cour a répondu qu’il n’existait pas d’écrit formalisant cette décision.

56      Le Tribunal relève, au préalable, que la décision du 4 mars 2004 est postérieure à la décision définitive mettant fin à la procédure de recrutement en ce qui concerne le requérant. La question de son auteur est donc sans importance à cet égard.

57      S’agissant des télécopies des 6 et 11 février 2004, effectivement signées par le chef de cabinet du président de la Cour, il ressort de ces télécopies que son auteur y écrit au nom de ce dernier et n’assume personnellement, par les termes utilisés, aucune des informations qu’il communique au requérant. Par exemple, dans la télécopie du 11 février 2004, le chef de cabinet expose, notamment : « Monsieur le président a été amené à revenir sur sa décision du 3 février 2004 et à écarter votre candidature. » Rien n’indique, dans le dossier, que, ce faisant, le chef de cabinet se serait substitué au président. À cet égard, il convient de relever que c’est ce chef de cabinet qui a informé le requérant, les 3 et 4 février 2004, que sa candidature avait été retenue, sans que le requérant en tire la conclusion que son interlocuteur était l’auteur de la décision du 3 février 2004. Il s’ensuit que, s’agissant tant de la décision du 3 février 2004 que des télécopies des 6 et 11 février 2004, le chef de cabinet du président de la Cour a agi en tant que porte‑parole de ce dernier et non en tant qu’auteur de ces textes.

58      En conséquence, le Tribunal considère que les télécopies des 6 et 11 février 2004 étaient de nature informative et avaient pour objet de communiquer au requérant la décision effectivement prise par le président de la Cour. Dès lors, le moyen tiré de l’incompétence du chef de cabinet du président de la Cour manque en fait et doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des formes substantielles

59      Par la première branche du présent moyen, tirée d’un défaut d’authentification, le requérant fait valoir qu’il est constant que la décision de recrutement a été précédée d’un entretien et a été signée par le président de la Cour. Le principe de parallélisme des formes aurait impliqué une même procédure pour l’adoption de la lettre de retrait.

60      Le Tribunal relève, au préalable, que, à la suite de sa demande de production de la décision du 3 février 2004 et de la décision du 11 février 2004, la Cour a affirmé qu’il n’existait pas d’écrits relatifs à ces décisions.

61      Il doit être considéré que l’absence de décision formelle signée par le président de la Cour et portant rejet de la candidature du requérant, datant, au plus tard, du 11 février 2004, ne constitue pas un défaut d’authentification de cette décision. D’une part, aucun texte relatif à la procédure de recrutement n’obligeait le président de la Cour à formaliser, par une décision écrite individuelle, son choix d’écarter l’un ou l’autre des candidats. D’autre part, une telle obligation ne peut certainement pas découler du principe de parallélisme des formes, puisque le requérant s’est trouvé dans une situation identique à celle ayant suivi la décision du 3 février 2004, à savoir l’absence de toute décision écrite lui ayant été transmise.

62      S’agissant de l’absence d’entretien préalable à l’adoption de la décision du 11 février 2004, il suffit de rappeler que le simple fait que le requérant ait été reçu par le président de la Cour avant l’adoption de la décision du 3 février 2004 ne crée aucun droit, en l’absence de texte, à un tel entretien avant l’adoption de la décision adverse. En effet, si la logique voulait que le président de la Cour s’assure personnellement de l’existence d’un lien de confiance aux fins de l’engagement du requérant par le biais d’un entretien, un tel besoin n’apparaît pas pour constater la perte de ce lien de confiance. Cette analyse est corroborée par l’arrêt Parlement/Reynolds, point 46 supra (points 56 et 60), dans lequel la Cour a accueilli le moyen du pourvoi selon lequel il n’y avait pas lieu, pour l’administration, d’entendre l’intéressé avant d’adopter à son égard une décision mettant fin à son détachement auprès d’un groupe politique, au motif que ce groupe pouvait unilatéralement mettre fin à l’engagement de l’intéressé.

63      En conséquence, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

64      Par la deuxième branche du présent moyen, tirée d’un défaut de motivation, le requérant fait valoir que la décision du 11 février 2004 fait mention d’informations reçues sans apporter d’éléments permettant de déterminer la nature de ces informations.

65      La défenderesse fait valoir que les raisons ayant conduit le président de la Cour à ne pas proposer le requérant au poste en cause ont été clairement exposées dans les télécopies des 11 février et 4 mars 2004.

66      Aux termes de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, applicable par analogie aux agents temporaires conformément à l’article 11 du RAA, toute décision faisant grief doit être motivée.

67      Cette obligation de motivation a pour but à la fois de permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de la légalité de la décision attaquée et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si cette décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité (voir arrêt du Tribunal du 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, RecFP p. I‑A‑49 et II‑223, point 49, et la jurisprudence citée). L’étendue de l’obligation de motivation doit, dans chaque cas, être appréciée en fonction des circonstances concrètes de l’espèce (arrêt de la Cour du 13 décembre 1989, Prelle/Commission, C‑169/88, Rec. p. 4335, point 9).

68      Contrairement à ce qu’expose la défenderesse, cette obligation de motivation n’est pas limitée s’agissant d’une décision relative à l’engagement ou au licenciement relatif à un emploi relevant de l’article 2, sous c), du RAA ou de l’article 37, sous a), deuxième tiret, du statut (arrêt Hectors/Parlement, point 32 supra, point 40, et arrêt Reynolds/Parlement, point 52 supra, point 96). Ainsi, la Cour a annulé une décision du Tribunal au motif que ce dernier avait considéré, à tort, que le caractère discrétionnaire d’une décision relative à un poste relevant de ces dispositions justifiait de limiter cette obligation de motivation au respect des conditions légales applicables (arrêt Hectors/Parlement, point 32 supra, point 51).

69      En l’espèce, il convient de constater que la télécopie du 11 février 2004 a exposé les deux motifs qui ont amené le président de la Cour à revenir sur sa décision du 3 février 2004, à savoir, d’une part, l’arrivée de nouvelles candidatures et, d’autre part, l’omission, dans le curriculum vitæ du requérant, de la mention des activités extrajudiciaires de ce dernier entraînant son exposition à la vie publique de son pays (voir point 7 ci-dessus).

70      Le fait que les activités extrajudiciaires dont il est question ne soient pas définies dans la télécopie du 11 février 2004 ne constitue pas un défaut de motivation. En effet, s’agissant des informations reçues par le président de la Cour relatives à ces activités extrajudiciaires, le texte de cette télécopie renvoie clairement, à cet égard, à un article du journal Le Monde, duquel il ressort sans équivoque, premièrement, que le requérant avait été tête de liste à une élection municipale sous l’étiquette d’un parti politique et, deuxièmement, qu’il dirigeait une association ayant pour objet la défense de certaines valeurs. Contrairement aux dires du requérant, aucun élément du dossier ne laisse supposer que d’autres éléments auraient été pris en compte.

71      Ces motifs, ainsi que les activités extrajudiciaires publiques dont il a été fait état, sont également ceux constamment discutés par le requérant dans ses écrits.

72      En conséquence, le requérant a été mis en mesure de comprendre pleinement les deux motifs qui fondaient la décision du 11 février 2004. Il en résulte que le présent grief relatif au défaut de motivation doit être rejeté comme non fondé.

73      Par la troisième branche du présent moyen, tirée de la violation des droits de la défense, le requérant expose que le fait de n’avoir eu aucun entretien à la suite de la lettre du 6 février 2004 l’informant de la suspension de son recrutement, ni aucun écrit, lui permettant de contester les imputations éventuelles retenues à son égard, constitue une violation caractérisée des droits de la défense et du caractère contradictoire que doit nécessairement revêtir toute procédure de retrait d’une décision créatrice de droits. De plus, l’administration ne pourrait opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces qui ne lui ont pas été communiquées précédemment (article 26 du statut).

74      La défenderesse avance qu’aucune imputation n’a été retenue à l’encontre du requérant, dès lors que c’est le silence gardé sur ses activités extrajudiciaires qui a compromis la confiance du président de la Cour et nullement le contenu de ces activités. Par ailleurs, le requérant aurait été traité sur un pied d’égalité avec les autres candidats qui n’ont pas non plus été consultés sur l’établissement ou non d’un lien de confiance avec eux.

75      Il convient au préalable de rappeler qu’aucun des textes encadrant la procédure de recrutement en l’espèce, notamment l’appel à candidatures, ne prévoyait d’entretien avec les candidats au poste en cause. En particulier, l’article 26 du statut, applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du RAA – selon lequel l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces devant figurer à son dossier personnel si ces pièces ne lui ont pas été communiquées avant classement –, n’a pas vocation à s’appliquer dans le cadre d’une procédure de recrutement lors de laquelle, par définition, les candidats ne disposent pas encore de dossier personnel au sens de l’article 26 du statut. Le requérant ne dispose pas, dès lors, d’un droit à se voir communiquer ou à commenter les informations litigieuses en vertu d’un texte régissant la procédure de recrutement.

76      Il ne peut pas non plus se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constituerait un principe fondamental de droit communautaire et devrait être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 6 décembre 1994, Lisrestal e.a./Commission, T‑450/93, Rec. p. II‑1177, point 42). En effet, une procédure de recrutement n’est en aucun cas assimilable à une procédure ouverte à l’encontre d’une personne.

77      Cependant, il convient de déterminer si les circonstances particulières de l’espèce fondent un droit spécifique du requérant à être entendu avant le rejet de sa candidature.

78      Il est certain que la décision mettant fin à la procédure d’engagement du requérant est fondée, d’une part, sur des informations qu’il n’a pas pu commenter et dont il conteste à la fois l’usage et, partiellement, le bien-fondé et, d’autre part, sur le fait qu’il a omis de fournir ces informations, obligation également contestée.

79      Cependant, la Cour a jugé que, lorsque la confiance mutuelle est rompue pour quelque raison que ce soit, il est de bonne administration de mettre fin à la relation de travail fondée sur cette confiance mutuelle. Il en résulte que l’adoption d’une décision mettant fin à ce type de rapport d’emploi ne suppose pas d’entendre l’intéressé au préalable (voir, en ce sens, arrêt Parlement/Reynolds, point 46 supra, points 58 à 60 ; voir également, s’agissant de l’impossibilité, en l’absence de réglementation interne explicite, d’une procédure de conciliation dans le cadre de l’article 2, sous c) du RAA, arrêt B/Parlement, point 47 supra, points 34 et 35).

80      En l’espèce, le caractère discrétionnaire de la décision du président de la Cour de proposer, ou non, un candidat à l’engagement rend sans objet la faculté pour l’intéressé d’être entendu avant l’adoption d’une décision contraire, dès lors que le président de la Cour est seul à même de déterminer, en ce qui le concerne, l’existence ou la persistance d’un lien de confiance.

81      Quant au défaut de communication d’« écrits lui permettant de se défendre », il ne peut constituer une violation des droits de la défense du requérant dès lors que ce dernier ne disposait pas du droit de les commenter.

82      En conséquence, les droits de la défense du requérant n’ont pas été violés. Dès lors, la troisième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

83      Toutes les branches du deuxième moyen étant rejetées, ce moyen doit l’être dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit

–       Arguments des parties

84      Le requérant expose que la lettre du 11 février 2004 est fondée sur un double motif, à savoir, d’une part, sur le fait que le président de la Cour a reçu de nouvelles candidatures et, d’autre part, sur le fait que le requérant a dissimulé ses activités extrajudiciaires, rendant ainsi impossible le rapport de confiance entre lui et le président de la Cour.

85      Le requérant considère que ce premier motif constitue une atteinte aux droits acquis et une violation des principes de non‑rétroactivité et de sécurité juridique. Le dépôt des candidatures pour le poste en cause aurait été clos depuis le 31 décembre 2003. L’arrivée de candidatures postérieurement à cette date n’aurait pas pu entrer encore en ligne de compte dans le cadre d’une procédure de dépôt qui était close. De plus, ces candidatures n’auraient nullement visé le poste en cause, mais des postes de référendaires au sein des cabinets devant être créés en raison de l’élargissement. En indiquant que le candidat finalement retenu avait déposé sa candidature dans le délai fixé, la défenderesse n’expliquerait pas alors pourquoi le président de la Cour aurait invoqué un motif erroné et superflu.

86      Le requérant fait valoir que le second motif constitue une violation des principes de respect de la vie privée et de neutralité politique. En premier lieu, le président de la Cour admettrait s’être fondé sur des informations relatives à l’ancienne participation du requérant à la vie politique ainsi que son action privée au sein d’une association dont l’objet est la défense de certaines valeurs, informations recoupées avec un article du journal Le Monde. Or, le président de la Cour aurait ainsi commis une erreur de droit en tenant compte d’informations occultes et non communiquées à l’intéressé en violation de l’article 26 du statut (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Kenny/Cour de justice, T‑302/02, RecFP p. I‑A‑235 et II‑1137, point 30). En deuxième lieu, le rapport de confiance invoqué par le président de la Cour étant fondé sur le caractère confidentiel inhérent aux tâches de référendaire, le président de la Cour émettrait une opinion inacceptable et infondée, laissant penser que le requérant serait susceptible de manquer à l’obligation du secret professionnel. En dernier lieu, le requérant n’aurait commis aucune faute ou indélicatesse en ne faisant pas part de ses activités extrajudiciaires. D’une part, le requérant aurait cessé toute activité politique depuis deux ans. Il a précisé, lors de l’audience, qu’il avait informé son administration d’origine de sa volonté d’abandonner toute activité politique. D’autre part, l’action menée par le requérant en tant que président d’une association relèverait d’une activité privée, morale et religieuse. En outre, les médias n’auraient rien publié depuis plus de deux ans sur cette association et l’article en cause serait postérieur aux entretiens d’embauche.

87      La défenderesse estime que l’appel à candidatures n’était exclusif d’aucune autre voie de sélection et que la date mentionnée ne pouvait entraîner l’exclusion des candidats ayant fait acte de candidature postérieurement à celle-ci. En tout état de cause, la candidature finalement retenue au poste en cause a été déposée avant l’expiration du délai fixé.

88      S’agissant de la violation des principes de respect de la vie privée et de neutralité politique, la défenderesse considère que ces griefs reposent sur une méprise. Le président de la Cour aurait estimé qu’un lien de confiance faisait défaut du fait du silence gardé par le requérant sur ses activités extrajudiciaires entraînant son exposition à la vie publique de son pays. Or, l’existence d’un rapport de confiance échapperait, par sa nature, au contrôle juridictionnel (arrêt B/Parlement, point 47 supra, point 73). Par ailleurs, pour autant qu’il est reproché au président de la Cour d’avoir pris en compte un dossier occulte, la défenderesse souligne son inexistence.

–       Appréciation du Tribunal

89      En ce qui concerne le premier motif pris, dans la décision du 11 février 2004, de l’arrivée de nouvelles candidatures, il convient de rappeler que les institutions sont tenues au respect des procédures internes qu’elles ont volontairement édictées sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement en cas de non‑respect (voir la jurisprudence citée aux points 35 et 37 ci-dessus).

90      Il est constant que l’appel à candidatures a fixé comme date limite de dépôt des candidatures le 31 décembre 2003. Dès lors, la prise en compte de candidatures déposées postérieurement à cette date constitue une violation de la procédure de recrutement édictée afin de pourvoir aux postes en cause.

91      À cet égard, la défenderesse ne peut pas faire valoir que les candidatures ainsi prises en compte tardivement correspondaient à des candidatures déposées en temps voulu, mais auprès des administrations nationales chargées de diffuser cet appel, et transmises tardivement à la Cour de justice. En effet, l’appel à candidatures précise que ces dernières doivent être adressées à la division du personnel de la Cour de justice. Ainsi, même à supposer exactes les affirmations de la défenderesse, ces candidatures transmises tardivement auraient également violé la procédure de recrutement.

92      En ce qui concerne le second motif, pris de la dissimulation par le requérant de ses activités extrajudiciaires, il est nécessaire, au préalable, de retracer précisément le raisonnement qui a été opposé au requérant afin de justifier, en tant que motif principal, la décision du 11 février 2004. En premier lieu, cette décision fait état de la prise de connaissance, par le président de la Cour, du fait que le requérant menait des activités extrajudiciaires l’exposant à la vie publique, activités ayant fait l’objet d’un article dans la presse nationale. En deuxième lieu, l’omission de la mention de ces activités, tant dans le curriculum vitæ du requérant que lors de ses entretiens avec le chef de cabinet du président de la Cour, puis avec le président de la Cour, est qualifiée d’étonnante, dès lors que le requérant avait mentionné diverses activités extraprofessionnelles sans importance, telles que la poésie, la musique classique et l’aéronautique. En troisième lieu, il y est rappelé que l’exercice de la fonction de lecteur d’arrêts ne peut reposer que sur un rapport de pleine confiance. En dernier lieu, il est précisé que la décision du président de la Cour est totalement étrangère à tout jugement de valeur par rapport au contenu de ces activités. Il est enfin conclu que le fait d’avoir passé sous silence ces activités rendait, d’emblée, impossible l’établissement d’un rapport de pleine confiance.

93      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, lorsqu’une procédure formelle de recrutement à un poste relevant de l’article 2, sous c), du RAA a été ouverte, le juge communautaire est en mesure, nonobstant l’impossibilité de contrôler l’existence ou la perte d’un lien de confiance, de vérifier si l’absence ou la perte d’un lien de confiance est effectivement invoquée et si le motif éventuellement avancé à cet égard ne viole pas, par sa substance, les droits fondamentaux (voir point 52 ci‑dessus).

94      En premier lieu, il convient de constater que le président de la Cour a effectivement fondé sa décision du 11 février 2004 sur l’absence de lien de confiance l’unissant au requérant.

95      En deuxième lieu, il y a lieu de relever que l’emploi de lecteur d’arrêts, en ce qu’il relève de l’article 2, sous c), du RAA, est fondé sur l’existence d’un lien de confiance. L’absence ou la perte de ce lien de confiance justifie, à suffisance de droit, le non‑recrutement ou le licenciement de l’intéressé.

96      En troisième lieu, il doit être rappelé que les principes de neutralité politique et de respect de la vie privée, invoqués par le requérant, gouvernent le recrutement et le déroulement de la carrière des fonctionnaires et agents temporaires de la Communauté (article 24 bis, article 26, quatrième alinéa, et article 27, deuxième alinéa, du statut). Il y a lieu également de souligner que le respect de ces principes s’impose tant à l’administration qu’aux fonctionnaires et agents. En particulier, le statut impose aux fonctionnaires de s’abstenir de toute expression publique d’opinion qui puisse porter atteinte à la dignité de la fonction, et l’obtention d’une fonction publique élective par un fonctionnaire peut amener l’administration à décider que l’intéressé devra demander un congé pour convenance personnelle (articles 12 et 15 du statut, applicables aux agents temporaires en vertu de l’article 11 du RAA).

97      Il doit également être relevé que, afin de donner sa confiance à un candidat aux fonctions de lecteur d’arrêts, le président de la Cour peut estimer nécessaire d’être informé préalablement de tout élément important de son curriculum vitæ, en particulier de ses activités publiques. En effet, dès lors que l’objectif est d’établir un lien de confiance, qui comprend nécessairement un aspect personnel, des événements non professionnels mais néanmoins importants relatifs à un candidat doivent figurer dans son curriculum vitæ.

98      Or, il est constant que le requérant a manifesté publiquement ses opinions politiques et morales en se portant candidat, en tant que chef de file, à une élection politique locale et en dirigeant une association active, notamment judiciairement, dans la lutte pour un certain ordre moral. Ces manifestations publiques ont eu suffisamment d’échos pour faire l’objet d’un article dans la presse nationale.

99      En l’espèce, d’une part, il importe de noter que la décision du 11 février 2004 n’est pas fondée sur des motifs politiques ou moraux. En effet, dans la télécopie du 11 février 2004, il est expressément précisé que la décision du président de la Cour est totalement étrangère à tout jugement de valeur par rapport au contenu de ces activités. Ainsi, le président de la Cour a limité la prise en compte des activités en cause au caractère public de celles-ci.

100    D’autre part, les manifestations d’opinions publiques émises par le requérant et ses activités publiques constituent des éléments suffisamment importants pour que leur mention s’impose dans son curriculum vitæ. À cet égard, le requérant ne peut se retrancher derrière les principes de neutralité politique et de respect de la vie privée pour justifier la dissimulation de ses activités extrajudiciaires alors même qu’il mène ou a mené ces activités avec une certaine ampleur, entraînant ainsi son exposition à la vie publique. Par ailleurs, le requérant ne peut se prévaloir du fait qu’il aurait cessé toute activité politique, car il appartenait au président de la Cour d’apprécier la question de savoir si la cessation de ces activités politiques, à une date assez récente, en 2001, faisait disparaître le besoin d’être informé de ces activités.

101    Dans ce contexte, il convient de reconnaître la responsabilité du requérant au titre de l’omission d’informer le président de la Cour de ses activités publiques. En effet, le requérant ne devait pas ignorer le caractère intuitu personae du poste en cause, qui l’obligeait à informer pleinement le président de la Cour de sa situation. À cet égard, le requérant était conscient de l’importance des informations en cause, puisqu’il a jugé bon, par le passé, d’informer son administration juridictionnelle d’appartenance de sa décision de ne plus solliciter de mandat électif. De surcroît, en évoquant, dans son curriculum vitæ, des activités extrajudiciaires sans réel intérêt et en ne mentionnant pas d’autres activités qui avaient une signification objectivement beaucoup plus importante dans le cadre de la conclusion d’un contrat fondé sur l’intuitu personae, le requérant a participé à la perte de confiance du président de la Cour.

102    Par ailleurs, le requérant n’a pas établi l’existence d’informations utilisées par le président de la Cour autres que celles figurant dans l’article de presse en cause et qui lui auraient été cachées (voir points 70 ci-dessus et 114 ci‑après). En conséquence, l’allégation selon laquelle il existerait un dossier occulte concernant le requérant doit être rejetée.

103    Il résulte de ce qui précède que le second motif avancé dans la décision du 11 février 2004 est légitime au regard des principes de neutralité politique et de respect de la vie privée dès lors, d’une part, que ce motif est avancé dans le cadre du recrutement à un emploi relevant de l’article 2, sous c), du RAA et, d’autre part, que les activités politiques et morales en cause ont fait l’objet d’expressions publiques fortes de la part de l’intéressé.

104    Le second motif de la décision du 11 février étant suffisant, en droit, pour fonder cette décision, le premier motif de cette décision apparaît comme surabondant. Dès lors, l’irrégularité du premier motif ne saurait entraîner l’annulation de cette décision (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C‑122/01 P, Rec. p. I‑4261, point 17, et arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 146).

105    En conséquence, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

–       Arguments des parties

106    Le requérant fait valoir un faisceau d’indices afin de démontrer le détournement de pouvoir commis par le président de la Cour. Premièrement, le secret qui aurait entouré l’ensemble du processus de retrait serait inexplicable. Ainsi, le requérant ne saurait toujours pas qui a adressé des informations concernant ses activités politiques et morales au président de la Cour et n’a toujours pas reçu communication de ces informations.

107    Deuxièmement, le motif tiré de l’arrivée de nouvelles candidatures serait fallacieux, la personne finalement retenue pour le poste en cause faisant partie des candidats déjà sélectionnés.

108    Troisièmement, il ressortirait des discussions entre des membres de l’ordre juridictionnel administratif français et la Cour de justice ainsi que de l’entretien du 12 février 2004 entre le requérant et le chef de cabinet du président de la Cour qu’une fausse rumeur – selon laquelle le revirement dans la nomination était dû au fait que les membres de la Cour de justice n’avaient pas été consultés – aurait été diffusée volontairement par la Cour de justice.

109    Quatrièmement, plusieurs éléments, dont la référence constante aux activités extrajudiciaires du requérant dans les écrits de la Cour de justice, montreraient que c’est la nature de ces activités qui est à l’origine du retrait de sa nomination et non l’absence de mention de ces activités dans son curriculum vitæ. Or, le requérant aurait cessé sa participation à la vie politique depuis deux ans. Son action au sein d’une association luttant contre la pornographie et la pédophilie ne pourrait, de quelque manière que ce soit, porter atteinte à l’exercice de ses fonctions, fonctions par ailleurs purement techniques, sans participation à la décision et sans visibilité « extérieure ». Le grief qui lui est fait illustrerait un danger particulièrement grave pour la liberté d’opinion : ainsi, tout dirigeant d’une association privée susceptible de faire un jour l’objet d’un article de presse devrait déclarer cette activité préalablement à toute candidature à un emploi juridictionnel ou public, alors même qu’elle serait sans rapport avec l’exercice des fonctions sollicitées.

110    Cinquièmement, dans la lettre du 4 mars 2004, le président de la Cour a clos ses propos de manière inutilement blessante et ironique en écrivant qu’il ne découragerait pas le requérant de suivre le chemin de la justice, chemin que le requérant connaîtrait parfaitement pour l’avoir emprunté à plusieurs reprises. De plus, l’existence de recours nationaux menés par le requérant et relatifs à son accession au grade de président du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel n’est connue de personne si ce n’est du Conseil d’État, du ministre de la Justice et de quelques membres de la cour administrative d’appel de Lyon. Il apparaîtrait donc que, parmi les informations transmises au président de la Cour, figurerait une information confidentielle de ce type.

111    La défenderesse estime que les éléments présentés par le requérant sont des suppositions et ne constituent pas des éléments objectifs, pertinents et concordants indiquant que la décision de ne pas engager le requérant a été prise dans un but autre que celui de s’attacher les services d’une personne répondant aux exigences de l’emploi et avec laquelle un rapport de confiance mutuelle pouvait être établi. Elle avance que la circonstance que le requérant avait cessé ses activités politiques est sans pertinence dès lors que la nature de ces activités et les périodes durant lesquelles elles ont été exercées n’ont joué aucun rôle.

–       Appréciation du Tribunal

112    Selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir a une portée précise qui se réfère à l’usage de ses pouvoirs par une autorité administrative dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt de la Cour du 5 juin 2003, O’Hannrachain/Parlement, C‑121/01 P, Rec. p. I‑5539, point 46 ; arrêt du Tribunal du 12 juin 1997, Krämer/Commission, T‑104/96, RecFP p. I‑A‑151 et II‑463, point 67).

113    Il ne ressort pas des indices avancés par le requérant que le président de la Cour aurait poursuivi un autre but que celui de s’assurer la collaboration d’une personne ayant sa confiance.

114    Premièrement, ainsi que cela a été constaté ci-dessus, le requérant a eu connaissance de toutes les informations que le président de la Cour lui reproche d’avoir omis dans son curriculum vitæ. Ces informations s’étant avérées exactes et objectives, le fait que la première source de ces informations n’ait pas été révélée au requérant ne signifie pas qu’un dossier occulte ou que des motifs occultes aient amené le président de la Cour à adopter la décision du 11 février 2004. En particulier, le secret maintenu sur cette source d’information peut s’expliquer simplement par le désir compréhensible de confidentialité de cette source.

115    Deuxièmement, il pourrait paraître étonnant que la décision du président de la Cour de proposer l’engagement du requérant, et donc de clore, de facto, la procédure de recrutement, soit remise en cause en raison, notamment, de l’arrivée de nouvelles candidatures, qui plus est au vu de la circonstance postérieure selon laquelle le candidat finalement retenu avait déposé sa candidature en temps voulu au regard de l’appel à candidatures. Toutefois, la seule signification logique de ce motif réside dans la volonté du président de la Cour de ne plus engager le requérant et de relancer la procédure de sélection en vue de pourvoir au poste en cause, y compris au regard de nouvelles candidatures, ce qui est conforme au but poursuivi par le président de la Cour. L’irrégularité de cette prise en compte de nouvelles candidatures au regard de l’appel à candidatures ne constitue pas un indice de ce que le président de la Cour aurait cherché à poursuivre un autre but que celui officiellement recherché.

116    Troisièmement, la rumeur dont fait état le requérant – selon laquelle le revirement du président de la Cour serait dû au fait que ses pairs n’avaient pas été consultés – repose sur ses seules allégations et ne trouve aucun autre appui dans le dossier relatif à cette affaire. De plus, à supposer cette rumeur fondée, elle ne constituerait pas un indice de détournement de pouvoir, puisque le président de la Cour pouvait légitimement consulter les autres membres de la Cour de justice sur la question avant d’adopter sa décision du 11 février 2004, y compris en ce qui concerne l’existence d’un lien de confiance (voir point 49 ci-dessus).

117    Quatrièmement, le fait que soient évoquées, indirectement, les activités politiques et morales du requérant ne signifie pas que la décision de ne plus proposer le requérant au recrutement repose sur des motifs politiques ou religieux. En effet, il est clairement reproché au requérant de ne pas avoir fait état de ces activités alors qu’elles entraînaient, dans le passé et actuellement, son exposition à la vie publique, et non pas d’avoir pratiqué les activités en cause. Ainsi que le démontre l’article de presse auquel la télécopie du 11 février 2004 fait référence, cette exposition à la vie publique est suffisamment importante pour faire l’objet, à tout le moins, d’une mention dans la presse nationale.

118    Quant à la question de savoir si la nature des activités ayant entraîné cette exposition a pesé de manière décisive sur la décision du président, ainsi que le prétend le requérant, la télécopie du 11 février 2004 souligne que cette décision est totalement étrangère à tout jugement de valeur sur le contenu de ces activités.

119    Cinquièmement, l’allégation du requérant selon laquelle les recours ainsi évoqués dans la télécopie du 4 mars 2004 feraient référence au contentieux professionnel personnel qu’il a mené contre son institution d’appartenance, contentieux dont le président de la Cour aurait été informé, selon le requérant, de façon occulte, ne repose que sur ses propres affirmations. Le seul contentieux répétitif dont il est fait état dans le dossier est celui mené par l’association que préside le requérant, tel qu’exposé dans l’article du journal Le Monde.

120    En conclusion, les éléments avancés par le requérant ne constituent pas des indices pertinents et concordants démontrant que la décision du 11 février 2004 a été prise à des fins autres que celles de s’assurer la collaboration d’une personne avec laquelle un lien de confiance existe et persiste. En particulier, tous les éléments avancés reposent soit sur de pures allégations, soit sur une analyse subjective mais non étayée des éléments du dossier.

121    En conséquence, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Conclusions sur les demandes en annulation

122    L’ensemble des moyens du requérant, visant tous à l’annulation de la décision du 11 février 2004, ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter la demande en annulation de cette décision comme non fondée.

123    S’agissant de la demande en annulation de la décision de nomination relative au poste à pourvoir, il convient de rappeler, au préalable, que la décision du 11 février 2004 est légale en raison du rejet de la demande en annulation qui y est afférente. Cette décision mettant fin à la procédure de recrutement en cause en ce qui concerne le requérant, celui-ci ne peut plus prétendre obtenir ledit emploi. Or, selon une jurisprudence constante, un fonctionnaire ou un candidat qui ne peut pas valablement prétendre à un poste vacant n’a aucun intérêt légitime à voir annuler la nomination d’un autre candidat à ce poste (arrêt de la Cour du 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, Rec. p. 2323, point 29 ; arrêt du Tribunal du 28 février 1992, Moretti/Commission, T‑51/90, Rec. p. II‑487, point 22). En conséquence, en l’absence d’intérêt légitime, la demande en annulation de la décision de nomination relative à l’emploi en cause doit être déclarée irrecevable.

2.     Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

124    Selon le requérant, il est établi qu’il a été privé d’une nomination dûment intervenue. En tout état de cause, si, par impossible, le Tribunal estimait le contraire, le président de la Cour aurait commis une triple faute, en usurpant un pouvoir de nomination dévolu à la Cour de justice, en lui laissant croire qu’il avait été retenu et nommé et en retirant sa proposition de nomination sans le mettre en mesure de présenter ses observations. En outre, le recours à des informations cachées ainsi que la violation de la procédure fixée par l’appel à candidatures seraient, eux aussi, constitutifs d’une faute.

125    Le requérant expose avoir subi un très important préjudice moral et avoir été gravement affecté par le comportement inadmissible de la Cour de justice, au point d’en être physiquement atteint. La position qu’il occupait dans la juridiction où il exerçait étant devenue difficile, il aurait demandé à être muté auprès d’une autre juridiction. Ce préjudice moral ne saurait être évalué à moins de 100 000 euros.

126    Par ailleurs, le requérant soutient qu’il aurait dû être recruté pour une durée au moins égale à celle du mandat en cours du président, soit 32 mois au minimum. Ainsi, le préjudice subi représenterait la différence entre sa rémunération actuelle et celle qui aurait dû lui être versée durant cette période, soit 160 000 euros.

127    La défenderesse estime que le requérant n’a pas établi qu’elle avait illégalement retiré une nomination dûment intervenue. Si, par impossible, le Tribunal devait retenir la thèse du requérant, il devrait considérer que le contrat a aussitôt été résilié. Par ailleurs, le requérant n’indiquerait pas en quoi son changement d’affectation professionnelle constituerait un préjudice. De plus, ce serait le requérant lui-même qui aurait sollicité sa mutation, nonobstant le fait qu’il reconnaît qu’il bénéficiait du soutien de ses pairs. Le lien de causalité entre les ennuis de santé qu’il invoque et l’acte attaqué ne serait nullement établi. Enfin, le préjudice allégué trouverait sa cause non dans un acte de la Cour de justice, mais dans le fait qu’il a tu ses activités extraprofessionnelles entraînant une exposition à la vie publique de son pays.

 Appréciation du Tribunal

128    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions tenant à l’illégalité du comportement reproché à l’organe communautaire, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, Ortega Urretavizcaya/Commission, T‑587/93, RecFP p. I‑A‑349 et II‑1027, point 77, et du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 76).

129    Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 14 ; arrêt du Tribunal du 6 décembre 2001, Emesa Sugar/Conseil, T‑43/98, Rec. p. II‑3519, point 59).

130    Le requérant invoque cinq éléments fautifs spécifiques dans le cadre de sa demande en indemnité.

131    S’agissant, premièrement, de la privation alléguée d’un engagement dûment conclu, il suffit de rappeler qu’il a été constaté ci-dessus qu’il n’existe aucune décision d’engagement du requérant au poste en cause (voir point 27 ci-dessus). En conséquence, aucune privation de cet engagement n’a pu intervenir. Dès lors, la faute alléguée n’existe pas.

132    S’agissant, deuxièmement, de la circonstance selon laquelle le président de la Cour aurait laissé croire à tort au requérant qu’il avait été retenu et nommé, cette circonstance n’est pas avérée. D’une part, rien n’indique que la teneur des conversations téléphoniques entre le chef de cabinet du président de la Cour et le requérant, les 3 et 4 février 2004, aurait amené ce dernier à se croire définitivement engagé. D’autre part, il n’est pas allégué que le requérant aurait eu connaissance de la télécopie du 4 février 2004 adressée à son administration d’appartenance avant réception de la télécopie du 6 février 2004 dans laquelle le chef de cabinet du président de la Cour lui demandait de suspendre toutes ses démarches. À cet égard, il doit être relevé que la copie de la télécopie du 4 février 2004 fournie par le requérant en annexe de sa requête fait apparaître que cette copie n’a été reçue que le 10 février 2004, ainsi que l’indiquent le tampon de réception et l’en-tête de transmission y figurant. En outre, le requérant ne pouvait considérer avoir été nommé dès lors qu’il ne possédait aucune décision écrite formalisant ce choix ni, d’ailleurs, de contrat d’engagement. Une prudence légitime aurait dû le conduire à attendre la formalisation de cet engagement avant de mettre à exécution ses démarches en vue de son entrée en fonctions.

133    S’agissant, troisièmement, du retrait de la proposition d’engagement sans mettre en mesure le requérant de présenter ses observations, il suffit de rappeler qu’il a été jugé que les droits de la défense du requérant n’avaient pas été violés (voir points 76 à 82 ci-dessus). En conséquence, la faute alléguée n’existe pas.

134    S’agissant, quatrièmement, du recours allégué à un dossier occulte, il suffit également de rappeler que la faute alléguée se confond entièrement avec celle examinée aux points 70 et 114 ci-dessus et que l’inexistence d’une telle faute doit être constatée pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées.

135    S’agissant, cinquièmement, de la violation de la procédure fixée par l’appel à candidatures, il a été constaté que la décision du 11 février 2004 est fondée, à suffisance de droit, sur le motif de la perte du lien de confiance (voir point 104 ci‑dessus).

136    Il résulte de ce qui précède qu’aucun des éléments invoqués par le requérant ne permet d’établir l’existence d’une illégalité susceptible d’engager la responsabilité de la Communauté.

137    En conséquence, la demande en indemnité doit être rejetée.

 Sur les dépens

138    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, applicable par analogie aux candidats à une fonction publique communautaire, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chacune des parties supportera ses propres dépens.



Meij

Forwood

Papasavvas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 octobre 2006.

Le greffier

 

       Le président faisant fonction

E. Coulon

 

      A. W. H. Meij

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédure

Conclusions des parties

En droit

1.  Sur les demandes en annulation

Sur la recevabilité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le fond

Observations liminaires

Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence du signataire de la décision du 11 février 2004

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des formes substantielles

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Conclusions sur les demandes en annulation

2.  Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens



* Langue de procédure : le français.