Language of document : ECLI:EU:T:2013:162

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

10 avril 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale PATRIZIA ROCHA – Marque nationale verbale antérieure ROCHAS – Refus d’enregistrement par la division d’opposition – Irrecevabilité du recours formé devant la chambre de recours – Article 60 du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑360/11,

Fercal ‑ Consultadoria e Serviços, Ldª, établie à Lisbonne (Portugal), représentée par Me A. J. Rodrigues, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Parfums Rochas SAS, établie à Paris (France),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 8 avril 2011 (affaire R 2355/2010-2), relative à une procédure d’opposition entre Parfums Rochas SAS et Fercal ‑ Consultadoria e Serviços, Ldª,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 14 décembre 2011,

vu l’ordonnance du Tribunal du 15 mai 2012 rejetant la demande d’intervention de Parfums Rochas SAS comme étant tardive,

vu la décision du 11 juillet 2012 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 mars 2009, la requérante, Fercal ‑ Consultadoria e Serviços, Ldª, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal PATRIZIA ROCHA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 25/2009, du 6 juillet 2009.

5        Le 6 octobre 2009, Parfums Rochas SAS a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque nationale verbale antérieure ROCHAS, enregistrée en France sous le numéro 1436306, pour des produits relevant des classes 2, 3, 14, 16, 18, 21, 25, 26 et 34.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 207/2009.

8        Par décision du 27 septembre 2010 (ci-après la « décision de la division d’opposition »), la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

9        Le même jour, cette décision a été notifiée, par télécopie, à la requérante et à Parfums Rochas.

10      Le 28 novembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Le mémoire exposant les motifs du recours, portant la date du 27 janvier 2011, a été déposé auprès de l’OHMI par la requérante le 2 février 2011.

12      Le 17 février 2011, le greffe des chambres de recours de l’OHMI a informé la requérante que ce mémoire risquait d’être déclaré irrecevable et l’a invitée à présenter ses observations et éventuelles pièces avant le 17 mars 2011.

13      Le 7 mars 2011, la requérante a déposé ses observations.

14      Par décision du 8 avril 2011, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours comme irrecevable. En particulier, elle a considéré que le mémoire exposant les motifs du recours, bien que daté du 27 janvier 2011, a été reçu par courrier le 2 février 2011, soit après la date d’expiration du délai de quatre mois suivant la notification de la décision de la division d’opposition figurant à l’article 60 du règlement n° 207/2009.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision du 8 avril 2011, et, par conséquent, connaître du recours formé contre la décision de la division d’opposition.

16      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 60 du règlement n° 207/2009 ainsi que des articles 61 à 65 et 70 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1).

18      Elle soutient, en substance, avoir agi dans le délai imparti, dès lors que le mémoire exposant les motifs de son recours a été envoyé, par la poste, le 27 janvier 2011, la veille du jour d’expiration dudit délai, et que ce mémoire est parvenu à l’OHMI le 2 février 2011, étant donné qu’il a été envoyé un week-end.

19      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante.

20      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 60 du règlement n° 207/2009, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de la date de la notification de la décision.

21      En outre, il découle de la règle 49, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 notamment que, si le recours ne remplit pas les conditions prévues à l’article 60 du règlement n° 207/2009, la chambre de recours le rejette comme irrecevable à moins qu’il n’ait été remédié, avant l’expiration du délai correspondant fixé à l’article 60 du règlement n° 207/2009, à toutes les irrégularités constatées.

22      La règle 70 du même règlement dispose :

« 1. Tout délai est exprimé en années, en mois, en semaines ou en jours.

2. Le délai commence à courir le jour suivant la date de l’événement qui fait courir le délai, qu’il s’agisse d’un acte de procédure ou de l’expiration d’un délai antérieur. Sauf disposition contraire, lorsque l’acte de procédure est une notification, la réception du document notifié constitue l’événement qui fait courir le délai.

[…]

4. Lorsqu’un délai est exprimé en un ou plusieurs mois, il expire, dans le mois à prendre en considération, le jour ayant le même quantième que le jour où l’événement en question a eu lieu. Lorsque le jour de l’événement était le dernier jour d’un mois ou que le mois à prendre en considération ne compte pas de jour ayant un quantième identique, le délai considéré expire le dernier jour de ce mois. »

23      En l’espèce, il convient de relever, en premier lieu, que l’événement qui fait courir le délai pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours est, conformément à l’article 60 du règlement n° 207/2009, la notification de la décision de la division d’opposition, qui a eu lieu le 27 septembre 2010. Le dies a quo est donc le 27 septembre 2010 et le délai a commencé à courir, en application de la règle 70 du règlement n° 2868/95, le lendemain de la notification pour expirer le jour portant le même quantième que le dies a quo, à savoir le 27 janvier 2011 [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 septembre 2008, Neurim Pharmaceuticals (1991)/OHMI – Eurim-Pharm Arzneimittel (Neurim PHARMACEUTICALS), T‑218/06, Rec. p. II‑2275, points 62 et 63, et du 17 mars 2011, Jiménez Sarmiento/OHMI – Oxygène sport international (Q), T‑455/09, non publié au Recueil, point 30]. C’est donc à tort que la requérante prétend que le délai a expiré le 28 janvier 2011.

24      En deuxième lieu, force est de constater que la circonstance que le mémoire exposant les motifs du recours a été envoyé, par courrier, le 27 janvier 2011 est sans pertinence, dès lors que seule la réception dudit mémoire à l’OHMI est à prendre en compte.

25      L’article 60 du règlement n° 207/2009 doit, en effet, être interprété en ce sens que la date à prendre en compte pour le respect du délai fixé par cette disposition pour le dépôt du mémoire exposant les motifs du recours est non pas celle de l’envoi dudit mémoire à l’OHMI, mais celle de sa réception par celui-ci.

26      À cet égard, il convient de souligner, premièrement, que cette interprétation est confirmée par le libellé même de l’article 60 du règlement n° 207/2009. Ce dernier fait en effet expressément référence au « dépôt » du mémoire et non à son envoi. Ladite interprétation est également confirmée par la jurisprudence, laquelle rappelle qu’un requérant désirant introduire un recours devant la chambre de recours a l’obligation, sous peine de voir son recours rejeté comme irrecevable, de « déposer », dans le délai prévu, un mémoire exposant les motifs de son recours « auprès de l’OHMI » [arrêt du Tribunal du 16 mai 2011, Atlas Transport/OHMI – Atlas Air (ATLAS), T‑145/08, non encore publié au Recueil, point 40].

27      Deuxièmement, bien que ni le règlement n° 207/2009 ni le règlement n° 2868/95 ne comportent de disposition équivalente à l’article 43, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, aux termes duquel seule la date du dépôt au greffe est prise en considération au regard des délais de procédure, l’interprétation selon laquelle c’est la date de dépôt à l’OHMI qui est à prendre en compte est conforme à l’économie générale de ces deux règlements, dont de nombreuses dispositions particulières prévoient que, au regard des délais de procédure, la date à attribuer à un acte est celle de sa réception, et non celle de son envoi. Il en va ainsi, par exemple, de la règle 70, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, aux termes de laquelle, en cas de notification d’un acte de procédure faisant courir un délai, la « réception » du document notifié fait courir le délai. Il en va de même de la règle 72 du règlement n° 2868/95, aux termes de laquelle, si un délai expire un jour où on ne peut « déposer » de documents auprès de l’OHMI, le délai est prorogé jusqu’au premier jour où les documents peuvent être « déposés », et de la règle 80, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, aux termes de laquelle la date de « réception » de la nouvelle transmission ou de l’original d’un document est réputée être la date de « réception » de la communication originale, lorsque celle-ci s’est avérée déficiente [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 15 mars 2011, Ifemy’s/OHMI – Dada & Co. Kids (Dada & Co. kids), T‑50/09, Rec. p. II‑945, point 67].

28      Troisièmement, cette interprétation est la plus à même de satisfaire à l’exigence de sécurité juridique. Elle garantit en effet une détermination claire et un respect rigoureux des points de départ et du terme du délai visé par l’article 60 du règlement n° 207/2009 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Dada & Co. Kids, précité, point 69).

29      Quatrièmement, cette interprétation satisfait également à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire, en ce qu’elle permet des modalités identiques de computation des délais pour toutes les parties, quels que soient leur domicile ou leur nationalité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Dada & Co. Kids, précité, point 70).

30      Cinquièmement, s’agissant de l’affirmation selon laquelle le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu le 2 février 2011, étant donné qu’il a été envoyé un week-end, force est de constater qu’elle est sans pertinence au regard des considérations qui précèdent, dont il ressort que c’est la date de réception et non d’envoi dudit mémoire qui doit être prise en compte. Elle est de surcroît erronée, étant donné que ce mémoire a été envoyé le 27 janvier 2011, qui était un jeudi.

31      En troisième et dernier lieu, il doit être souligné que la circonstance que, lorsque la requérante a souhaité envoyer le mémoire exposant les motifs du recours par télécopieur, celui-ci serait tombé en panne et que, par conséquent, elle a envoyé ce mémoire par courrier n’est pas invoquée dans le cadre du présent recours. Ladite circonstance a en effet été évoquée uniquement dans le cadre des observations de la requérante communiquées à l’OHMI le 7 mars 2011. Au surplus, aucun élément du dossier ne permet d’étayer la réalité du dysfonctionnement allégué, la requérante ayant procédé par pure affirmation dans le cadre desdites observations.

32      En l’espèce, dès lors que le mémoire exposant les motifs du recours a été reçu par l’OHMI le 2 février 2011, force est de constater qu’il a été déposé après l’expiration, le 27 janvier 2011, du délai de quatre mois fixé par l’article 60 du règlement n° 207/2009.

33      Il en résulte que c’est à bon droit que l’OHMI a déclaré le recours de la requérante irrecevable, conformément à l’article 49, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009.

34      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de la demande de la requérante visant à ce que le Tribunal connaisse du recours formé contre la décision de la division d’opposition.

 Sur les dépens

35      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI, conformément à ses conclusions.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté

2)      Fercal ‑ Consultadoria e Serviços, Ldª est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Vadapalas

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 avril 2013.

Signatures


* Langue de procédure : le portugais.