Language of document : ECLI:EU:T:2014:1079

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 décembre 2014 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des cires de paraffine – Coordination et hausses des prix – Fixation des prix – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Droits de la défense – Preuve de l’infraction – Prescription »

Dans l’affaire T‑550/08,

Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes U. Itzen, J. Ziebarth, avocats, et M. S. Thomas, professeur,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Antoniadis et M. R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision C (2008) 5476 final de la Commission, du 1er octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie), en ce qu’elle concerne la requérante, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à celle-ci,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

 Procédure administrative et adoption de la décision attaquée

1        Par la décision C (2008) 5476 final, du 1er octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a constaté que la requérante Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG (ci-après « Tudapetrol »), avait, avec d’autres entreprises, enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), en participant à une entente sur le marché des cires de paraffine dans l’EEE et sur le marché allemand du gatsch.

2        Les destinataires de la décision attaquée sont les sociétés suivantes : Eni SpA, Esso Deutschland GmbH, Esso Société anonyme française, ExxonMobil Petroleum and Chemical BVBA et Exxon Mobil Corp. (ci-après, prises ensemble, « ExxonMobil »), H&R ChemPharm GmbH, la H&R Wax Company Vertrieb GmbH et Hansen & Rosenthal KG (ci-après, prises ensemble, « H&R »), Tudapetrol, MOL Nyrt., Repsol YPF Lubricantes y Especialidades SA, Repsol Petróleo SA et Repsol YPF SA (ci-après, prises ensemble, « Repsol »), Sasol Wax GmbH, Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol Ltd (ci-après, prises ensemble, « Sasol »), Shell Deutschland Oil GmbH, Shell Deutschland Schmierstoff GmbH, Deutsche Shell GmbH, la Shell International Petroleum Company Ltd, The Shell Petroleum Company Ltd, Shell Petroleum NV et The Shell Transport and Trading Company Ltd (ci-après, prises ensemble, « Shell »), RWE Dea AG et RWE AG (ci-après, prises ensemble, « RWE »), ainsi que Total SA et Total France SA (ci-après, prises ensemble, « Total ») (considérant 1 de la décision attaquée).

3        Les cires de paraffine sont fabriquées en raffinerie à partir de pétrole brut. Elles sont utilisées pour la production de produits tels que des bougies, des produits chimiques, des pneus et des produits automobiles, ainsi que pour les industries du caoutchouc, de l’emballage, des adhésifs et du chewing-gum (considérant 4 de la décision attaquée).

4        Le gatsch est la matière première nécessaire à la fabrication des cires de paraffine. Il est produit dans les raffineries en tant que sous-produit de la production d’huiles de base à partir de pétrole brut. Il est également vendu aux clients finaux, par exemple aux producteurs de panneaux de particules (considérant 5 de la décision attaquée).

5        La Commission a commencé son enquête après que Shell Deutschland Schmierstoff l’a informée, par lettre du 17 mars 2005, de l’existence d’une entente en la saisissant d’une demande d’immunité en vertu de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 ») (considérant 72 de la décision attaquée).

6        Les 28 et 29 avril 2005, la Commission a procédé, en application de l’article 20, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), à des vérifications sur place dans les locaux de « H&R/Tudapetrol », d’Eni, de MOL, ainsi que dans ceux appartenant aux sociétés des groupes Sasol, ExxonMobil, Repsol et Total (considérant 75 de la décision attaquée).

7        Entre le 25 et le 29 mai 2007, la Commission a adressé une communication des griefs aux sociétés figurant au point 2 ci-dessus, dont la requérante (considérant 85 de la décision attaquée). Par lettre du 14 août 2007, la requérante et les sociétés appartenant au groupe H&R ont envoyé une réponse conjointe à la communication des griefs.

8        Les 10 et 11 décembre 2007, la Commission a organisé une audition au cours de laquelle les sociétés appartenant au groupe H&R et Tudapetrol ont été représentées conjointement (considérant 91 de la décision attaquée).

9        Dans la décision attaquée, au vu des preuves dont elle disposait, la Commission a estimé que les destinataires, constituant la majorité des producteurs de cires de paraffine et de gatsch au sein de l’EEE, avaient pris part à une infraction unique, complexe et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE, qui couvrait le territoire de l’EEE. Cette infraction consistait en des accords ou en des pratiques concertées portant sur la fixation des prix et sur l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial affectant les cires de paraffine (ci-après le « volet principal de l’infraction »). En ce qui concerne RWE (par la suite Shell), ExxonMobil, MOL, Repsol, Sasol et Total, l’infraction affectant les cires de paraffine concernait également la répartition de clients ou de marchés (ci-après le « deuxième volet de l’infraction »). En outre, l’infraction commise par RWE, ExxonMobil, Sasol et Total portait également sur le gatsch vendu aux clients finals sur le marché allemand (ci-après le « volet gatsch de l’infraction ») (considérants 2, 95, 328 et article 1er de la décision attaquée).

10      Les pratiques infractionnelles se sont matérialisées lors de réunions anticoncurrentielles appelées « réunions techniques » ou parfois réunions « Blauer Salon » par les participants et lors des « réunions gatsch » dédiées spécifiquement aux questions relatives au gatsch.

11      Le montant des amendes infligées en l’espèce a été calculé sur la base des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), en vigueur au moment de la notification de la communication des griefs aux sociétés figurant au point 2 ci-dessus.

12      La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81, paragraphe l, [CE] et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, pendant les périodes indiquées, à un accord continu et/ou une pratique concertée dans le secteur des cires de paraffine dans le marché commun et, à partir du 1er janvier 1994, dans l’EEE :

[…]

Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG : du 24 mars 1994 au 30 juin 2002 ;

H&R Wax Company Vertrieb GmbH : du 1er janvier 2001 au 28 avril 2005 ;

Hansen & Rosenthal KG : du 1er janvier 2001 au 28 avril 2005 ;

H&R ChemPharm GmbH : du 1er juillet 2001 au 28 avril 2005 ;

[…]

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er :

Eni SpA : 29 120 000 EUR ;

Esso Société anonyme française : 83 588 400 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

ExxonMobil Petroleum and Chemical BVBA et ExxonMobi1 Corporation pour 34 670 400 EUR dont conjointement et solidairement avec Esso Deutschland GmbH pour 27 081 600 EUR ;

Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG : 12 000 000 EUR ;

Hansen & Rosenthal KG conjointement et solidairement avec H&R Wax Company Vertrieb GmbH : 24 000 000 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

H&R ChemPharm GmbH pour 22 000 000 EUR ;

MOL Nyrt. : 23 700 000 EUR ;

Repsol YPF Lubricantes y Especialidades SA conjointement et solidairement avec Repsol Petróleo SA et Repsol YPF SA : 19 800 000 EUR ;

Sasol Wax GmbH : 318 200 000 EUR,

dont conjointement et solidairement avec

Sasol Wax International AG, Sasol Holding in Germany GmbH et Sasol [Ltd] pour 250 700 000 EUR ;

Shell Deutschland Oil GmbH, Shell Deutschland Schmierstoff GmbH, Deutsche Shell GmbH, Shell International Petroleum Company Limited, The Shell Petroleum Company Limited, Shell Petroleum NV et The Shell Transport and Trading Company Limited : 0 EUR ;

RWE-Dea AG conjointement et solidairement avec RWE AG : 37 440 000 EUR ;

Total France SA conjointement et solidairement avec Total SA : 128 163 000 EUR. »

 Liens entre le groupe H&R et Tudapetrol

13      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré ce qui suit :

« (22)      Le groupe [H&R] est actif à l’échelle mondiale dans les produits pétroliers. Tudapetrol […] était une entreprise de commercialisation et de distribution de cires de paraffine et de gatsch pour H&R. L’enquête a révélé que H&R et Tudapetrol sont deux entreprises distinctes et indépendantes. Cependant, en raison des liens personnels étroits existants (comme expliqué plus en détail ci-après, un des associés de Tudapetrol, [M. H.], était aussi employé par H&R), ainsi que des relations entretenues par H&R et Tudapetrol en matière de distribution, les deux entreprises sont désignées ci-après par ‘H&R/Tudapetrol’. Le groupe H&R/Tudapetrol est principalement établi sur deux sites allemands, Hambourg et Salzbergen.

(23)      L’entrée de H&R/Tudapetrol sur le marché de la paraffine a eu lieu le 24 mars 1994, lorsque Hansen & Rosenthal KG a racheté, dans le cadre d’une acquisition conjointe, une raffinerie (SRS GmbH) de lubrifiants à Salzbergen (Allemagne) qui appartenait à Wintershall AG, une filiale de BASF, et l’a transformée en une entreprise de production.

(24)      La raffinerie de Salzbergen (SRS GmbH) est gérée par H&R Chemisch-Pharmazeutische Spezialitäten GmbH, une filiale à 100 % de H&R ChemPharm GmbH. H&R ChemPharm GmbH est, à son tour, une filiale détenue à 100 % par H&R Wasag AG. Le principal actionnaire de H&R Wasag AG est H&R Beteiligung GmbH (le reste des actions a été réparti entre plusieurs actionnaires). H&R Beteiligung GmbH est, à son tour, détenue par H&R Wax Company Vertrieb GmbH, une filiale détenue à 100 % par Hansen & Rosenthal KG (la société faîtière de H&R).

(25)      À l’origine, les cires de paraffine et le gatsch étaient distribués par Tudapetrol, une entreprise indépendante (les ‘Komplementäre’ [commandités, general partners] sont [MM. HA., HAN et H.], et le ‘Kommanditist’ [commanditaire] est [M. HANS.]. Le 1er mai 2000, la distribution a été transférée à H&R Wax Company Vertrieb Komplementär GmbH & Co. KG et, depuis le 1er janvier 2001, la distribution est gérée par H&R Wax Company Vertrieb […] Il ressort toutefois de l’enquête que, même si Tudapetrol a quitté en grande partie le domaine de la paraffine le 1er mai 2000, elle a conservé quelques clients [achetant des produits de la paraffine] […]

(28)      Les personnes qui étaient responsables de la gestion des activités du groupe H&R/Tudapetrol dans le domaine des cires de paraffine et du gatsch, qui représentaient H&R/Tudapetrol ou étaient au courant des arrangements décrits dans la présente décision attaquée sont […] :

[M. H.] : stagiaire chez SRS, 1994-1997 ; département des ventes et du marketing de [Tudapetrol], 1997-2002 ; responsable des ventes chez H&R Wax Company Vertrieb GmbH de 2001 à ce jour ; [Geschäftsführer (gérant)] depuis 2002 de H&R Wax Company Vertrieb GmbH ;

[M. G.] : gestionnaire de produits chez SRS GmbH, 1994-2001 ; gestionnaire de produits chez H&R Management & Service GmbH/H&R ChemPharm GmbH de 2001 à ce jour (en 2002, H&R Management & Service GmbH a été rebaptisée H&R ChemPharm GmbH) ; responsable des ventes pour Tudapetrol […], 1999-2000 ; responsable des ventes pour H&R Wax Company Vertrieb GmbH de 2001 à ce jour ;

[M. W.] : responsable des ventes pour Tudapetrol […], 1994-1998 ; conseiller pour Tudapetrol […], 1999 ; responsable des ventes pour SRS GmbH (depuis juillet 2001, employé chez H&R Management & Service GmbH, qui a été rebaptisée H&R Chem-Pharm GmbH en 2002), 2000-2001 ; avant 1994, responsable des ventes chez Wintershall AG.

(29)      Dans la présente décision attaquée, et sauf indication contraire, les entreprises du groupe Hansen & Rosenthal/Tudapetrol qui ont participé à l’entente sont désignées sous le nom de ‘H&R/Tudapetrol’. »

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 décembre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 juin 2009, la requérante a introduit une demande en référé tendant, en substance, au remboursement provisoire de l’amende qu’elle a payée en vertu de la décision attaquée, sans constitution de garantie bancaire, et ce jusqu’au prononcé d’une décision définitive dans l’affaire au principal.

16      Par ordonnance du 30 juin 2009, Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen/Commission (T‑550/08 R, non publiée au Recueil), le président du Tribunal a rejeté ladite demande en référé en réservant les dépens.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, il a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions et à produire certains documents. Les parties ont répondu aux questions dans le délai imparti et ont produit certains documents. Cependant, la Commission a indiqué qu’elle ne pouvait produire ni la copie ni le transcript de certaines déclarations confidentielles déposées dans le cadre de son programme de clémence.

18      Par ordonnance du 27 mars 2012, adoptée en vertu, d’une part, de l’article 24, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et, d’autre part, de l’article 65, sous b), et de l’article 66, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal (troisième chambre) a ordonné que la Commission produise les transcriptions ou copies des déclarations mentionnées au point 17 ci-dessus. Ces documents pouvaient être consultés par les avocats de la requérante au greffe du Tribunal avant l’audience.

19      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 avril 2012.

20      Eu égard aux liens factuels avec les affaires T‑540/08, Esso e.a./Commission, T‑541/08, Sasol e.a./Commission, T‑543/08, RWE et RWE Dea/Commission, T‑544/08, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, T‑548/08, Total/Commission, T‑551/08, H&R ChemPharm/Commission, T‑558/08, Eni/Commission, T‑562/08, Repsol YPF Lubricantes y especialidades e.a./Commission, et T‑566/08, Total Raffinage et Marketing/Commission, ainsi qu’à la proximité des questions juridiques soulevées, le Tribunal a décidé de ne prononcer l’arrêt dans la présente affaire qu’à la suite des audiences dans lesdites affaires connexes, dont la dernière a eu lieu le 3 juillet 2013.

21      Dans l’affaire au principal, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée en ce qu’elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, réduire de manière appropriée le montant de l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité, y compris la demande subsidiaire ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

23      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Au titre du premier moyen, la requérante avance qu’elle n’a pas commis d’infraction. Le second moyen est tiré de la prescription.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’infraction commise par la requérante

24      Le premier moyen se divise en trois branches. La première branche est tirée d’une violation des articles 81 CE et 253 CE. La deuxième banche est tirée de la violation des droits de la défense de la requérante. La troisième branche est tirée de l’absence de participation de la requérante à l’infraction.

 Sur la première branche, tirée d’une violation des articles 81 CE et 253 CE

25      La requérante fait observer que, alors que la Commission l’a considérée comme une entreprise « distincte et indépendante » du groupe H&R (considérant 22 de la décision attaquée), dans la décision attaquée, lors de l’examen des preuves de l’infraction, la Commission a cependant traité les deux entreprises en cause de manière indifférenciée, en les désignant sous le nom de « H&R/Tudapetrol ».

26      En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a violé son obligation de motivation et l’article 81 CE en ne présentant pas, dans la décision attaquée, une motivation séparée en ce qui concerne le comportement prétendument infractionnel de Tudapetrol et celui des sociétés appartenant au groupe H&R.

27      En particulier, elle considère que si H&R (y compris la H&R Wax Company Vertrieb et H&R ChemPharm), d’une part, et elle-même, d’autre part, sont deux entreprises distinctes, la Commission doit établir que chacune de ces entreprises a participé, de manière individuelle et autonome, à la totalité de l’infraction à l’article 81 CE en cause en l’espèce. Or, dans la décision attaquée, la Commission aurait omis de procéder à une telle démonstration.

28      La requérante critique également, s’agissant de la période allant du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002, l’établissement par la Commission d’une responsabilité parallèle d’elle-même, d’une part, et de Hansen & Rosenthal ou de la filiale de cette dernière, la H&R Wax Company Vertrieb, d’autre part, ainsi que de H&R ChemPharm à partir du 1er juillet 2001.

29      La question de savoir si et dans quelle mesure la requérante peut être tenue pour responsable d’une infraction à l’article 81 CE aux côtés de H&R n’apparaîtrait pas dans les motifs de la décision attaquée en raison du « point de vue unitaire » adopté par la Commission. S’agissant de la référence, par la Commission, à la participation de trois des employés de la requérante aux réunions prétendument anticoncurrentielles, telle qu’elle figure dans l’annexe de la décision attaquée et dans les notes en bas de page de celle-ci, la requérante considère que sa participation à l’entente ne peut pas être établie par un tel renvoi global à ces personnes. En vertu de l’article 253 CE, la Commission aurait dû expliquer les motifs de la mise en cause de la responsabilité de la requérante dans le corps de la décision attaquée de manière univoque, de sorte qu’il ne soit pas nécessaire de rechercher cette motivation dans des notes en bas de page figurant à l’annexe de la décision attaquée. En tout état de cause, la référence à M. H. par la Commission ne serait pas utile à la démonstration de cette dernière, puisque, étant employé simultanément par H&R, ses activités ne pourraient précisément pas être exclusivement rattachées à la requérante. Les explications contenues dans le mémoire en défense ne sauraient pallier l’insuffisance de motivation selon la jurisprudence applicable.

30      Au regard de ce qui précède, la requérante conclut que la décision attaquée viole l’article 81 CE ou, en tout état de cause, l’article 253 CE.

31      En premier lieu, il convient d’examiner le grief de la requérante tiré d’une insuffisance de motivation.

32      Il convient de rappeler, à cet égard, que la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêts de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 146).

33      Ainsi, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si ladite décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec. p. I‑11177, point 145, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 462).

34      La motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief. L’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure la visant devant les instances de l’Union (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22; Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 33 supra, point 463, et Elf Aquitaine/Commission, point 32 supra, point 149).

35      Il est de jurisprudence constante que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, points 166 et 178).

36      Lorsque, comme en l’espèce, une décision d’application des règles de l’Union en matière du droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision attaquée, doivent supporter la charge de cette infraction (voir, en ce sens, arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 32 supra, point 152, et la jurisprudence citée).

37      Premièrement, en l’espèce, il y a lieu de relever que, au considérant 22 de la décision attaquée, la Commission a précisé que l’utilisation de la dénomination commune « H&R/Tudapetrol » était justifiée en raison des liens personnels étroits entre la requérante et le groupe H&R ainsi que des relations entretenues par ces dernières en matière de distribution.

38      S’agissant des liens personnels, il ressort du considérant 28 de la décision attaquée que chacune des trois personnes ayant participé aux réunions anticoncurrentielles (à savoir MM. H., G. et W.) était employée, durant les diverses périodes en cause, par Tudapetrol et par le groupe H&R. De plus, M. H. était simultanément commandité de Tudapetrol et, à partir de 2001 et encore au moment de l’adoption de la décision attaquée, responsable des ventes pour la H&R Wax Company Vertrieb. En outre, M. G. était, entre 1999 et 2000, simultanément gestionnaire de produits chez SRS GmbH (une société appartenant au groupe H&R) et responsable des ventes pour Tudapetrol.

39      En ce qui concerne les liens commerciaux entre H&R et Tudapetrol, la Commission a précisé, au considérant 22 de la décision attaquée, que cette dernière était une entreprise de commercialisation et de distribution de cires de paraffine et de gatsch pour H&R.

40      Dès lors, il y a lieu de constater que les motifs pour lesquels la Commission a souvent traité Tudapetrol avec le groupe H&R sous la dénomination commune « H&R/Tudapetrol » ressortent clairement de la décision attaquée.

41      Deuxièmement, il convient d’examiner si la décision attaquée contient une motivation suffisante quant au comportement mis à la charge, respectivement, des sociétés du groupe H&R et de Tudapetrol.

42      Au considérant 106 de la décision attaquée, la Commission a décrit le fonctionnement des volets de l’infraction concernant les cires de paraffine (le volet principal et le deuxième volet de l’infraction). Ainsi, les représentants des entreprises participantes se sont régulièrement rencontrés au sein de « réunions techniques ». Ces réunions étaient « toujours divisées en deux parties : une discussion initiale portant sur des questions techniques, suivie par des discussions de nature anticoncurrentielle concernant, entre autres, la fixation de prix, la répartition des marchés et de la clientèle (dans certains cas), et l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial telles que les politiques de prix actuelles et futures, les clients, les capacités de production et les volumes de ventes ».

43      Aux considérants 381 et 610 et à la note en bas de page n° 625 de la décision attaquée, la Commission a établi séparément, à l’égard de Tudapetrol, d’une part, et des sociétés appartenant au groupe H&R, d’autre part, le début, la fin et la durée de la participation à l’infraction. Aux termes de la décision attaquée, Tudapetrol a ainsi participé à l’infraction du 24 mars 1994 au 30 juin 2002, soit pendant huit ans et trois mois. La participation de Hansen & Rosenthal et de la H&R Wax Company Vertrieb a duré du 1er janvier 2001 au 28 avril 2005, soit pendant quatre ans et trois mois. H&R ChemPharm a participé à l’infraction du 1er juillet 2001 au 28 avril 2005. La Commission a également précisé que, lors de la définition de la durée de participation, l’élément déterminant était les périodes durant lesquelles MM. W., H. et G. occupaient des fonctions dans les sociétés tenues pour responsables de l’infraction et la présence connue desdites personnes aux réunions techniques. La Commission a renvoyé à cet égard à l’annexe de la décision attaquée.

44      Dans l’annexe de la décision attaquée, la Commission a identifié les 22 réunions techniques auxquelles, selon les preuves disponibles, « H&R/Tudapetrol » avait pris part au cours de la période de participation à l’infraction retenue à l’égard de Tudapetrol (du 24 mars 1994 au 30 juin 2002). Dans les notes en bas de page se référant à 20 de ces réunions [à savoir toutes les réunions, sauf celles des 30 et 31 octobre 1997 à Hambourg et des 26 et 27 juin 2001 à Paris (France)], la Commission a identifié l’employé de Tudapetrol ayant participé à la réunion et a précisé l’élément de preuve démontrant sa présence.

45      Quant à la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997 à Hambourg, la Commission cite des éléments de preuve au soutien de la présence de « H&R/Tudapetrol » à cette réunion. S’il est exact que l’annexe de la décision attaquée ne précise pas le nom de l’employé de Tudapetrol y ayant participé, il convient de relever que, selon ladite annexe, « H&R/Tudapetrol » a été représentée à sept réunions techniques entre 1994 et 1998 par M. W. Il ressort d’ailleurs également de la réponse du 18 décembre 2006 de Sasol à la demande de renseignements de la Commission, communiquée à la requérante avant l’adoption de la décision attaquée, que, selon la perception de Sasol, après le 24 mars 1994, M. W. a assisté aux réunions techniques jusqu’à son départ en retraite en 1999. Ainsi, il ressort de la décision attaquée, lue dans le contexte de son adoption, que la participation à la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997 à Hambourg a été mise à la charge de la requérante sur la base des indications de la présence de « H&R/Tudapetrol » à cette réunion, du fait que « H&R/Tudapetrol » était représentée aux réunions techniques de cette époque par M. W. et du fait que ce dernier était employé par Tudapetrol, en qualité de responsable des ventes.

46      En ce qui concerne la réunion des 26 et 27 juin 2001 à Paris, la Commission a précisé les éléments de preuve soutenant sa conclusion quant à la présence de « H&R/Tudapetrol » à cette réunion au considérant 163 de la décision attaquée et dans la note en bas de page n° 143 de l’annexe de ladite décision. Elle a également indiqué dans l’annexe de la décision attaquée que « H&R/Tudapetrol » était présente à chacune des quatorze réunions techniques entre le 13 avril 1999 et le 5 juin 2002 et a précisé que, au cours de treize réunions, « H&R/Tudapetrol » était toujours représentée, notamment par M. H. Il ressort d’ailleurs également de la réponse du 18 décembre 2006 de Sasol à la demande de renseignements de la Commission, communiquée à la requérante avant l’adoption de la décision attaquée, que, selon la perception de Sasol, après le départ à la retraite de M. W. en 1999, M. H. a participé aux réunions techniques. Au considérant 28 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que M. H. était employé dans le département des ventes et du marketing de Tudapetrol entre 1997 et 2002. Ainsi, il ressort de la décision attaquée, lue dans le contexte de son adoption, que la participation à la réunion technique des 26 et 27 juin 2001 à Paris a été mise à la charge de la requérante sur la base de l’indication de la présence de « H&R/Tudapetrol » à cette réunion, du fait que « H&R/Tudapetrol » était représentée aux réunions techniques de cette époque notamment par M. H. et du fait que ce dernier était employé par Tudapetrol durant ladite époque.

47      Ainsi, il ressort clairement de la décision attaquée, lue dans le contexte de son adoption, que seules les réunions techniques où la présence de « H&R/Tudapetrol » était indiquée dans la documentation à la disposition de la Commission et auxquelles au moins un des employés de Tudapetrol participait ont été mises à la charge de cette dernière.

48      Troisièmement, il convient néanmoins d’examiner la période allant du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002, pour laquelle la Commission a retenu à la fois la responsabilité de Tudapetrol, d’une part, et de Hansen & Rosenthal et de la H&R Wax Company Vertrieb, d’autre part, ainsi que la période allant du 1er juillet 2001 au 30 juin 2002, pour laquelle la responsabilité de H&R ChemPharm a également été retenue.

49      À cet égard, il y a lieu de rappeler (voir point 43 ci-dessus) que, lors de la définition de la durée de participation à l’infraction, l’élément déterminant était les périodes durant lesquelles MM. W., H. et G. occupaient des fonctions dans les sociétés tenues pour responsables de l’infraction. Or, la Commission a indiqué dans l’annexe de la décision attaquée que, lors des réunions techniques ayant eu lieu durant la période allant du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002, l’entité « H&R/Tudapetrol » était représentée par MM. G. et H. Elle a également précisé, au considérant 28 de la décision attaquée, que M. G. était, durant cette période, responsable des ventes pour H&R Wax Company Vertrieb et gestionnaire de produits chez la H&R ChemPharm, tandis que M. H. était à la fois employé au département des ventes et du marketing de Tudapetrol (1997-2002) et responsable des ventes chez la H&R Wax Company Vertrieb (depuis 2001 et encore au moment de l’adoption de la décision attaquée).

50      Dès lors, il ressort clairement de la décision attaquée que la Commission a seulement mis à la charge des sociétés concernées les périodes infractionnelles durant lesquelles leurs employés respectifs prenaient part aux réunions techniques et que la raison de l’établissement d’une responsabilité parallèle durant la période allant du 1er janvier 2001 au 30 juin 2002 était que les personnes participant à ces réunions occupaient des fonctions tant chez Tudapetrol que dans les sociétés appartenant au groupe H&R.

51      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que la décision attaquée, lue dans son ensemble et dans le contexte de son adoption, contient une motivation suffisante quant aux faits constituant l’infraction qui ont été mis à la charge de la requérante et qu’elle permet de les distinguer des faits mis à la charge des sociétés appartenant au groupe H&R.

52      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel il ne saurait être requis qu’elle recherche les motifs de la décision attaquée dans les notes en bas de page et dans les annexes de celle-ci, la motivation devant ressortir du corps du texte de la décision attaquée.

53      En effet, eu égard au large volume d’informations et d’appréciations soutenant la décision d’infliger des amendes à une multitude de sociétés dont chacune est en droit de disposer d’une motivation suffisante en ce qui concerne les éléments la concernant, il ne saurait être reproché à la Commission que celle-ci organise la motivation de la décision en plusieurs niveaux. En particulier, la Commission ne viole aucune règle de droit en ne reprenant dans le corps du texte que les considérations principales fondant sa décision ainsi que les considérations avancées à l’égard des arguments spécifiques soulevés par les entreprises poursuivies dans leurs réponses à la communication des griefs, et en présentant les informations ou considérations explicatives et les renvois aux preuves dans les notes en bas de pages ou dans une annexe de ladite décision.

54      Il convient d’ajouter que la Commission a déjà utilisé la dénomination commune « H&R/Tudapetrol » dans la communication des griefs, notamment dans le contexte de l’examen des preuves et dans le tableau récapitulatif indiquant la présence aux réunions techniques particulières des entreprises participantes, alors que la durée de la participation à l’infraction a été établie séparément pour H&R et Tudapetrol. Cependant, la requérante n’a pas remis en cause cette approche dans la réponse à la communication des griefs qu’elle a déposée conjointement avec les sociétés appartenant au groupe H&R, malgré le fait que la communication des griefs était adressée séparément à chaque société. De surcroît, dans ladite réponse, H&R et Tudapetrol ont également systématiquement utilisé la dénomination « H&R/Tudapetrol » dans leur argumentation, à l’exception du point 2.7.2, qui contient un passage dans lequel il était allégué que l’infraction commise par Tudapetrol était prescrite, puisque celle-ci avait prétendument cessé ses activités relatives aux cires de paraffine le 1er mai 2000. Dans ces conditions, la requérante ne saurait valablement reprocher à la Commission de ne pas avoir produit une motivation plus explicite quant aux aspects en cause.

55      En second lieu, il convient d’examiner le grief tiré d’une violation de l’article 81 CE.

56      Premièrement, il y a lieu d’examiner l’utilisation de la dénomination commune « H&R/Tudapetrol » par la Commission dans la décision attaquée.

57      À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer que la Commission s’est référée, dans la décision attaquée, aux liens personnels entre Tudapetrol et H&R, lesquels ne sont pas contestés par la requérante.

58      En outre, il ressort des extraits des notes et comptes rendus dont disposait la Commission et des déclarations des participants à l’entente, repris dans la décision attaquée, ainsi que du dossier contenant l’ensemble des preuves auquel la requérante avait accès avant l’adoption de la décision attaquée, que les autres participants à l’infraction se sont souvent référés à une entité commune « SRS/Tudapetrol » ou « H&R/Tudapetrol », ou ont autrement associé Tudapetrol et les sociétés appartenant au groupe H&R dans le contexte du comportement infractionnel. Par conséquent, il convient de relever que l’utilisation fréquente par la Commission de la dénomination commune « H&R/Tudapetrol » correspond également à la perception des autres participants à l’entente.

59      Ensuite, la Commission s’est également référée à la relation verticale entre le groupe H&R et la requérante.

60      Il n’est pas contesté par la requérante qu’elle était « une entreprise de commercialisation et de distribution de cires de paraffine et de gatsch pour H&R », de sorte qu’il existait un lien vertical entre les deux entreprises. Il ressort de ce lien vertical que les deux entreprises ont partagé un intérêt commercial visant à maximiser les bénéfices sur les produits en cires de paraffine produits ou commercialisés par elles. Cet intérêt était servi par la participation à l’infraction en cause, qui avait notamment pour objet la fixation des prix permettant ainsi des marges bénéficiaires excédant celles qui auraient pu résulter d’une libre concurrence. De plus, les cires de paraffine vendues par Tudapetrol ayant été produites par le groupe H&R, ledit lien vertical pouvait renforcer l’impression des autres participants à l’entente selon laquelle ces deux entreprises étaient étroitement liées, de sorte qu’ils les percevaient comme une seule entité, ce qui ressort d’ailleurs des documents à la disposition de la Commission.

61      Il s’ensuit que la Commission a pu, à bon droit, mentionner le lien vertical entre Tudapetrol et le groupe H&R parmi les éléments justifiant l’utilisation de la dénomination commune « H&R/Tudapetrol » dans certaines parties de la décision attaquée.

62      Enfin, il y a lieu de rappeler que les sociétés appartenant au groupe H&R et la requérante ont présenté conjointement leur réponse à la communication des griefs. Dès lors, la Commission a suivi une approche logique en présentant les arguments soulevés par ces dernières comme étant ceux de « H&R/Tudapetrol ».

63      Par conséquent, eu égard aux liens personnels entre les deux entreprises, à la perception des autres participants à l’entente ainsi qu’à la relation verticale entre Tudapetrol et H&R et à la réponse conjointe à la communication des griefs, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas violé l’article 81 CE lorsqu’elle a utilisé la dénomination commune « H&R/Tudapetrol » lors de l’examen de certains aspects de l’infraction.

64      Deuxièmement, il convient de rappeler que la Commission n’a mis à la charge de la requérante que les réunions techniques auxquelles au moins une personne occupant une fonction chez Tudapetrol avait participé, selon son appréciation de la documentation à sa disposition (voir points 38 à 47 ci-dessus). Or, la présence d’un employé ou d’autres représentants aux réunions anticoncurrentielles est un élément factuel qui permet à la Commission d’établir la responsabilité d’une entreprise pour une infraction à l’article 81 CE. En effet, selon la jurisprudence, le pouvoir de la Commission de sanctionner une entreprise lorsqu’elle a commis une infraction ne suppose que l’action infractionnelle d’une personne qui est généralement autorisée à agir pour le compte de l’entreprise (arrêts du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 277, non annulé sur ce point, et du 15 décembre 2010, E.ON Energie/Commission, T‑141/08, Rec. p. II‑5761, point 258 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 97).

65      Dès lors, en utilisant la dénomination commune « H&R/Tudapetrol » dans certaines parties de l’appréciation figurant dans la décision attaquée, mais en ayant toutefois indiqué que la participation aux réunions techniques était mise à la charge de la requérante en raison de la présence de ses employés auxdites réunions, la Commission n’a pas violé l’article 81 CE.

66      La requérante n’ayant démontré ni une violation de l’obligation de motivation ni une violation de l’article 81 CE, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche, tirée de la violation des droits de la défense

67      La requérante soutient que la motivation de la décision attaquée ne différenciant pas les actes mis à sa charge de ceux imputés à H&R, elle ne lui permet pas d’identifier le comportement matériel qui lui est reproché. Dès lors, ses possibilités de produire des preuves à décharge seraient limitées. Étant tenue pour coresponsable de tous les comportements du groupe H&R antérieurs au 30 juin 2002, elle devrait dès lors, afin de prouver son innocence, contester tous les griefs matériels soulevés à l’encontre des sociétés appartenant audit groupe.

68      Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense exige que l’entreprise concernée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction (arrêts de la Cour Musique Diffusion française e.a./Commission, point 64 supra, point 10 ; du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 66, et du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 44).

69      Le règlement n° 1/2003 prévoit, à son article 27, paragraphe 1, l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et de faire valoir utilement leur défense avant que celle-ci n’adopte une décision définitive. Une telle communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit communautaire qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure (arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, Rec. p. I‑7191, point 35, et arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, Rec. p. II‑2149, point 135).

70      Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’égard de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de la concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’égard de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard (voir arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, point 69 supra, point 36, et la jurisprudence citée).

71      En particulier, la communication des griefs doit préciser sans équivoque la personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes, elle doit être adressée à cette dernière et elle doit indiquer en quelle qualité cette personne se voit reprocher les faits allégués (arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, point 69 supra, point 137 ; voir également, en ce sens, arrêt Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, point 69 supra, points 37 et 38).

72      En premier lieu, à cet égard, il convient de relever que, par lettre du 29 mai 2007, la Commission a adressé une communication des griefs à la requérante.

73      Au point 104 de la communication des griefs, la Commission a déjà produit le tableau, figurant au considérant 124 et à l’annexe de la décision attaquée, précisant, selon ses informations, les réunions auxquelles l’entité « H&R/Tudapetrol » avait participé.

74      La Commission a également précisé, au points 2 et 257 de la communication des griefs ainsi qu’à la note en bas de page n° 493 sous ledit point 257, qu’elle entendait retenir la responsabilité de la requérante pour la période allant du 24 mars 1994 au 30 juin 2002 pour une infraction à l’article 81 CE consistant en des accords ou des pratiques concertées portant sur la fixation des prix et sur l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial affectant le marché des cires de paraffine. La Commission y a également indiqué que, lors de la définition de la durée de participation à l’infraction, l’élément déterminant était les périodes durant lesquelles MM. W., H. et G. occupaient des fonctions dans les sociétés retenues comme responsables de l’infraction. Au point 31 de la communication des griefs, la Commission a déjà précisé les durées de l’emploi et les fonctions occupées par ces trois personnes, de la même façon qu’au considérant 28 de la décision attaquée. En outre, dans les développements figurant sous le titre « 4.2. Informations détaillées concernant les réunions techniques », sont indiqués les éléments de preuve pris en compte par la Commission pour chacune des réunions techniques.

75      Il ressort dès lors clairement de la communication des griefs que les seules réunions techniques qui ont été prises en compte et mises à la charge de Tudapetrol ont été celles auxquelles un de ses employés avait participé. Dès lors, la requérante ne saurait valablement prétendre que la communication des griefs ne lui permettait pas d’identifier le comportement qui lui était reproché et qu’elle devait, afin de prouver son innocence, contester tous les griefs matériels soulevés à l’encontre de H&R.

76      À titre surabondant, il y a lieu de rappeler que la requérante et les sociétés du groupe H&R ont répondu conjointement à la communication des griefs, malgré le fait qu’une communication des griefs a été adressée séparément à chacune des sociétés. En outre, Tudapetrol et les sociétés du groupe H&R ont utilisé dans leur réponse la dénomination commune « H&R/Tudapetrol ». La requérante n’a pas fait valoir que cette dénomination la mettait dans l’impossibilité de se défendre contre les griefs soulevés contre elle seule.

77      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

 Sur la troisième branche, tirée d’un défaut de participation de la requérante à l’infraction

78      La requérante fait valoir qu’elle n’a participé à aucune infraction à l’article 81 CE. La Commission n’aurait pas, sur le plan formel, correctement administré la preuve d’une telle infraction. De plus, un examen supplémentaire des éléments de preuve ferait apparaître qu’aucune infraction n’a été démontrée à l’encontre de la requérante. Les différentes réunions invoquées et les documents pris en compte à cet égard dans le cadre de l’administration de la preuve ne permettraient pas de conclure que la requérante a participé à une entente.

79      Par ailleurs, la Commission n’aurait pas tenu compte, lors de l’appréciation des preuves, du fait qu’elle n’a pas tenu la requérante pour responsable de deux volets de l’infraction unique, à savoir de la répartition des clients et des marchés (deuxième volet de l’infraction) et du volet concernant le marché allemand du gatsch (volet gatsch de l’infraction). Seul le volet principal de l’infraction, c’est-à-dire la fixation de prix et l’échange d’informations commercialement sensibles sur le marché des cires de paraffine, aurait été retenu à son égard au vu du considérant 328 de la décision attaquée. Dès lors, la requérante estime que l’administration de la preuve par la Commission aurait dû être élaborée de manière plus précise, afin d’identifier les preuves la concernant et d’éviter que les éléments de preuve susceptibles d’établir des infractions commises seulement par des tiers ne fussent retenus contre elle.

80      S’agissant de l’examen, dans la décision attaquée, des réunions prétendument anticoncurrentielles auxquelles la requérante aurait pris part pendant la période allant du 24 mars 1994 au 30 juin 2002, la requérante soutient que la Commission n’a pas apporté la preuve d’une infraction à l’article 81 CE commise par elle. Elle présente à ce titre une analyse détaillée concernant chacune des réunions.

–       Sur les notions d’accord et de pratique concertée

81      Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, CE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

82      Pour qu’il y ait accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 256, et du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 199).

83      Il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même de la restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations (arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, Rec. p. II‑3355, point 45 ; voir également, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 82 supra, points 151 à 157 et 206).

84      La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 115, et Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 158).

85      À cet égard, l’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature à soit influer le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’opérateur économique concerné est décidé à tenir lui-même sur le marché ou qu’il envisage d’adopter, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence (arrêt Heineken Nederland et Heineken/Commission, point 83 supra, point 47 ; voir également, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 84 supra, points 116 et 117).

–       Sur les principes d’appréciation des preuves

86      Selon la jurisprudence, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence de faits constitutifs d’une infraction (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58 ; voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, Rec. p. II‑3567, point 59, et la jurisprudence citée).

87      S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel, il est de jurisprudence constante que, lorsque le Tribunal est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, il doit exercer, de manière générale, un contrôle entier afin de savoir si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies (voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer/Commission, T‑41/96, Rec. p. II‑3383, point 62, et la jurisprudence citée).

88      Dans ce contexte, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende (arrêts du Tribunal Dresdner Bank e.a./Commission, point 86 supra, point 60, et du 12 juillet 2011, Hitachi e.a./Commission, T‑112/07, Rec. p. II‑3871, point 58).

89      En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, lequel fait partie des droits fondamentaux qui constituent des principes généraux du droit de l’Union. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 88 supra, point 59 ; voir également, en ce sens, arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 86 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

90      Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence de l’infraction. Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par elle ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 86 supra, points 62 et 63, et la jurisprudence citée).

91      Les indices invoqués par la Commission dans la décision attaquée afin de prouver l’existence d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE par une entreprise doivent être appréciés non pas isolément, mais dans leur ensemble (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 185, et la jurisprudence citée).

92      Il convient de relever également que, en pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et où plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas activement coopéré avec elle. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite de fixation de prix a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées en ce qui concerne le fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation pour autant qu’elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 203).

93      En ce qui concerne les moyens de preuve qui peuvent être invoqués pour établir l’infraction à l’article 81 CE, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II-2395, point 72, et Hitachi e.a./Commission, point 88 supra, point 64).

94      Quant à la valeur probante des différents éléments de preuve, le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (arrêt Dalmine/Commission, point 93 supra, point 72).

95      Selon les règles générales en matière de preuve, la crédibilité, et, partant, la valeur probante d’un document, dépend de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et de son contenu (arrêts du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 1053 et 1838, et Hitachi e.a./Commission, point 88 supra, point 70).

96      Lorsque la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l’existence d’une infraction, il suffit à ces dernières de démontrer l’existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une violation des règles communautaires de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 92 supra, point 186).

97      En revanche, dans les cas où la Commission s’est fondée sur des preuves documentaires, il incombe aux entreprises concernées non pas de présenter simplement une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 92 supra, point 187). Une telle administration des preuves ne viole pas le principe de présomption d’innocence (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, point 181).

98      Compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont elle pourrait disposer devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices, qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 68 supra, points 55 à 57 ; voir également arrêt Dresdner Bank e.a./Commission, point 86 supra, points 64 et 65, et la jurisprudence citée).

99      Lors de l’appréciation de la valeur probante des preuves documentaires, il convient d’accorder une grande importance à la circonstance qu’un document a été établi en liaison immédiate avec les faits (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T‑157/94, Rec. p. II‑707, point 312, et du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, point 181) ou par un témoin direct de ces faits (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 92 supra, point 207).

100    L’absence de date ou de signature d’un document ou le fait qu’il soit mal écrit ne lui enlève pas toute force probante, en particulier lorsque son origine, sa date probable et son contenu peuvent être déterminés avec suffisamment de certitude (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, FNCBV/Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 124 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 86).

101    Il ressort du principe de libre administration des preuves que, même si l’absence de preuves documentaires peut s’avérer pertinente dans le cadre de l’appréciation globale du faisceau d’indices invoqué par la Commission, à elle seule, elle n’a pas pour conséquence de permettre à l’entreprise concernée de mettre en cause les allégations de la Commission en présentant une explication alternative des faits. Tel est seulement le cas lorsque les preuves présentées par la Commission ne permettent pas d’établir l’existence de l’infraction sans équivoque et sans qu’une interprétation soit nécessaire (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 88 supra, point 65 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 74).

102    En outre, aucune disposition ni aucun principe général du droit communautaire n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises auxquelles il est reproché d’avoir participé à l’entente. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires à l’article 81 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec sa mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 92 supra, point 192, et Hitachi e.a./Commission, point 88 supra, point 67).

103    Une valeur probante particulièrement élevée peut être reconnue aux déclarations qui, premièrement, sont fiables, deuxièmement, sont faites au nom d’une entreprise, troisièmement, proviennent d’une personne tenue par l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette entreprise, quatrièmement, vont à l’encontre des intérêts du déclarant, cinquièmement, proviennent d’un témoin direct des circonstances qu’elles rapportent et, sixièmement, ont été fournies par écrit, de manière délibérée et après mûre réflexion (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 88 supra, point 71 ; voir également, en ce sens, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 92 supra, points 205 à 210).

104    Toutefois, la déclaration d’une entreprise à laquelle il est reproché d’avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises concernées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve, étant entendu que le degré de corroboration requis peut être moindre, du fait de la fiabilité des déclarations en cause (arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 92 supra, points 219 et 220, et Hitachi e.a./Commission, point 88 supra, point 68).

105    En outre, bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, étant donné qu’il est possible que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et à maximiser celle des autres, il n’en reste pas moins que le fait de demander à bénéficier de la communication sur la coopération de 2002 en vue d’obtenir une immunité ou une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés en ce qui concerne la participation des autres membres de l’entente. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération de 2002 (arrêt Hitachi e.a./Commission, point 88 supra, point 72 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 novembre 2006, Peróxidos Orgánicos/Commission, T‑120/04, Rec. p. II‑4441, point 70).

106    En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité. Ainsi, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables (arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 92 supra, points 211 et 212 ; du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 166, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 59).

107    La jurisprudence précitée est applicable, par analogie, à l’article 53 de l’accord EEE.

–       Sur la décision attaquée

108    Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que la Commission a estimé, au considérant 2 de la décision attaquée, sous le titre « Résumé de l’infraction », que les destinataires de ladite décision avaient pris part à une infraction unique, complexe et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE. Le volet principal de cette infraction consistait « en des accords ou des pratiques concertées portant sur la fixation de prix et l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial » concernant les cires de paraffine. Ce volet principal était le seul composant de l’infraction auquel Tudapetrol a pris part selon la décision attaquée. Certaines autres entreprises visées par la décision attaquée participaient également aux autres volets de l’infraction, à savoir « la répartition de clients et/ou de marchés » en ce qui concerne les cires de paraffine (le deuxième volet de l’infraction) ainsi que « le gatsch vendu aux clients finals allemands » (le volet gatsch de l’infraction).

109    Dans la décision attaquée, sous les titres « 4. Description des évènements » et « 4.1. Principes de base et fonctionnement de l’entente », la Commission a décrit, aux considérants 106 et suivants de ladite décision, le contenu des pratiques de fixation de prix de la façon suivante :

« […]

(106)      Les réunions techniques ont toujours été divisées en deux parties : une discussion initiale portant sur des questions techniques, suivie par des discussions de nature anticoncurrentielle concernant, entre autres, la fixation de prix, la répartition des marchés et de la clientèle (dans certains cas), et l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial telles que les politiques de prix actuelles et futures, les clients, les capacités de production et les volumes de ventes.

(107) Les discussions concernant les prix et les augmentations de prix potentielles avaient généralement lieu à la fin des réunions techniques. Généralement, Sasol examinait les discussions concernant les prix, mais ensuite les prix et les stratégies de politique de prix étaient discutés par tous les participants sous la forme d’un tour de table […] Les discussions concernaient à la fois les augmentations de prix et les prix indicatifs pour des clients spécifiques et les augmentations de prix générales, ainsi que les prix minima et les prix indicatifs pour l’ensemble du marché […] Les augmentations de prix étaient normalement convenues en chiffres absolus et pas en pourcentages (par exemple, 60 [euros] par tonne pour les cires de paraffine entièrement raffinées) […] Les prix minima n’étaient pas seulement convenus lorsqu’il existait un accord d’augmentation de prix, mais aussi lorsqu’une augmentation de prix n’était pas réalisable (par exemple, en période de baisse de prix) […]

[…]

(109) Les représentants des entreprises s’échangeaient, par ailleurs, des informations commercialement sensibles et révélaient leur stratégie générale […]

(110) Les entreprises, à l’exception de MOL, étaient représentées par des responsables qui avaient le pouvoir de déterminer la stratégie de prix de leur entreprise respective et de fixer des prix pour des clients particuliers […]

(111) Lors de la plupart des réunions techniques, les discussions sur les prix concernaient généralement les cires de paraffine et rarement seulement les différentes sortes de cire de paraffine […] (comme les cires de paraffine entièrement raffinées, les cires de paraffine semi-raffinées, les mélanges de cires/spécialités, les cires de paraffine solides ou les hydrocires). Il était de plus clair pour toutes les entreprises que les prix pour toutes les sortes de cire de paraffine augmenteraient du même montant ou du même pourcentage […]

      […]

(113)      Le résultat des réunions techniques était généralement mis en œuvre par l’annonce des augmentations de prix aux clients ou l’annulation des formules tarifaires existantes […] Les cas occasionnels de tricherie ou de non-application étaient débattus lors des réunions suivantes [voir, par exemple, les considérants (149) et (157)]. Généralement, une des entreprises représentées prenait l’initiative et commençait à augmenter ses prix. Généralement, il s’agissait de Sasol, mais celle-ci demandait parfois à un autre participant de commencer. Peu après l’annonce à la clientèle, par une entreprise, de son intention d’augmenter les prix, les autres fournisseurs suivaient le mouvement et annonçaient aussi des augmentations de prix […] Les personnes représentant les entreprises lors des réunions techniques informaient les autres des démarches entreprises pour appliquer les résultats des réunions techniques. Ces informations étaient transmises oralement […] ou par l’envoi d’une copie des annonces d’augmentation de prix ou d’annulation de prix concernées à une ou à l’ensemble des autres entreprises [participantes]. La Commission a en effet découvert que de telles annonces étaient échangées entre les parties. Un échantillon de quelque 150 lettres de ce type a été identifié comme ayant été échangé dans les six semaines après les réunions techniques […] Il a également été déclaré que, selon un accord, les entreprises représentées ne devaient pas profiter de l’application d’une augmentation de prix convenue pour augmenter leur propre part de marché […] Cette déclaration n’a pas été contestée dans les réponses à la communication des griefs. »

110    Sous le titre « 4.2. Informations détaillées concernant les réunions techniques », la Commission a d’abord présenté dans la décision attaquée un tableau récapitulatif indiquant le lieu, la date des réunions techniques et les entreprises présentes (considérant 124 de la décision attaquée). Elle a ensuite examiné les preuves disponibles concernant chacune des réunions techniques (considérants 126 à 177 de la décision attaquée).

111    Sous les titres « 5. Application de l’article 81 [CE] en l’espèce » et « 5.3. Nature de la violation en l’espèce », la Commission a précisé dans la décision attaquée les principes régissant la qualification des comportements anticoncurrentiels applicables :

« 5.3.1. Principes

[…]

(205) [D]ans le cas d’une infraction complexe de longue durée, il n’est pas nécessaire que la Commission la qualifie [d’accord ou de pratique concertée]. Les notions d’accord [ou] de pratique concertée sont vagues et peuvent se chevaucher. Le comportement anticoncurrentiel peut fort bien avoir varié à un moment ou un autre, ou ses mécanismes peuvent avoir été adaptés ou renforcés afin de tenir compte de l’évolution de la situation. En effet, une telle distinction pourrait même s’avérer impossible, dans la mesure où une infraction peut présenter simultanément les caractéristiques de chacune des formes de comportement prohibé, alors que, considérées isolément, certaines de ses manifestations pourraient être définies comme relevant précisément de l’une plutôt que de l’autre forme. Il serait toutefois artificiel de subdiviser, dans l’analyse, ce qui constitue clairement la mise en œuvre de comportements ayant un seul et unique objectif global en plusieurs formes distinctes d’infractions. Une entente peut ainsi constituer à la fois un accord et une pratique concertée. L’article 81 [CE] ne prévoit pas de qualification spécifique pour une infraction complexe du type de celle décrite dans la présente décision […]

(206) En présence d’une pluralité de membres d’une entente dont le comportement anticoncurrentiel est susceptible d’être qualifié, sur la durée, d’accord ou de pratique concertée (infractions complexes), la Commission n’a pas besoin d’évaluer précisément à quelle catégorie chaque type de comportement appartient […] »

112    Ensuite, toujours sous le titre « 5.3. Nature des violations en l’espèce », la Commission a décrit dans la décision attaquée le contenu de l’infraction comme suit :

« 5.3.2. Application

(210) Il est établi par les faits décrits au chapitre 4 de la présente décision que l’ensemble des entreprises faisant l’objet de la présente procédure ont participé à des activités collusoires concernant les cires de paraffine et, pour les sociétés identifiées au considérant (2), le gatsch, […] et qu’elles ont régulièrement participé à des réunions lors desquelles les éléments suivants étaient débattus :

1)      la fixation de prix [;]

2)      […] la répartition de clients et/ou la répartition de marchés [;]

3)      la divulgation et l’échange d’informations commercialement sensibles, en particulier sur les clients, la tarification, les capacités de production et les volumes de ventes […]

5.3.2.2. Fixation des prix

(240) Les considérants (98), (107), (126), (128), (131), (133), (135), (137), (139), (140), (142), (145), (147), (149), (152), (153), (156), (157), (163), (168), (174), (176) et (177) démontrent que les entreprises en cause fixaient des tarifs minima et convenaient d’augmentations tarifaires (‘fixation de prix’).

(241) ExxonMobil, Repsol, Sasol et Shell ont confirmé l’existence de pratiques de fixation de prix [voir considérant (107)] et confirmé à nouveau cette information lors de leur audition ainsi que dans leur réponse écrite à la communication des griefs. »

–       Appréciation globale des preuves soutenant l’existence d’une infraction commise par la requérante

113    En premier lieu, il convient de relever que plusieurs entreprises ont admis que, lors des réunions techniques, les prix des cires de paraffine avaient été discutés dans le but général de s’entendre sur leur niveau.

114    En particulier, selon la déclaration de Sasol du 12 mai 2005, en général, les réunions techniques donnaient lieu à une activité collusoire, dans la mesure où il y était discuté d’augmentations et de réductions des prix des cires de paraffine et que des informations sur les prix bruts et les planifications en matière de capacités y étaient échangées.

115    Selon la déclaration de Repsol du 19 mai 2005, une discussion sur les niveaux de prix des cires de paraffine appliqués par les participants faisait partie des réunions techniques.

116    Shell a déclaré que toutes les réunions techniques concernaient la fixation des prix. Selon sa déclaration du 14 juin 2006, depuis au moins l’année 1999, quand son représentant ayant témoigné a commencé à participer aux réunions techniques, les prix des cires de paraffine n’ont jamais été décidés unilatéralement, mais ont toujours été arrêtés par les concurrents lors des réunions techniques.

117    En outre, les mêmes entreprises ont également affirmé, dans les mêmes déclarations, que, lors de plusieurs réunions techniques, les participants s’étaient effectivement mis d’accord sur les prix minimaux ou sur les augmentations de prix, parfois même sur les mesures d’augmentation.

118    Il y a lieu de souligner que, notamment dans les déclarations mentionnées aux points 114 à 116 ci-dessus, les entreprises ont également fait référence à la participation des entités SRS, « SRS/Tudapetrol », « H&R/Tudapetrol » ou Hansen & Rosenthal aux réunions techniques et ont indiqué les noms des employés de Tudapetrol qui étaient présents auxdites réunions. À titre d’exemple, dans sa déclaration du 12 mai 2005, Sasol mentionne, pour la période allant de 1993 à 2003, Hansen & Rosenthal parmi les participants réguliers aux réunions « Blauer Salon », représentée par M. W., puis par MM. H. et G., qui étaient employés de la requérante (voir considérant 28 de la décision attaquée, citée au point 13 ci-dessus). Il convient de souligner que, dans ses déclarations, Sasol n’a pas distingué Tudapetrol de Hansen & Rosenthal. De plus, dans sa déclaration du 18 décembre 2006, Sasol a même affirmé que M. W. était l’un des pères fondateurs des réunions « Blauer Salon », c’est-à-dire des réunions techniques. Or, M. W. a représenté la requérante aux réunions techniques entre 1994 et 1999.

119    Par ailleurs, il y a lieu de relever que la Commission a fait référence aux déclarations mentionnées aux points 114 à 116 ci-dessus aux considérants 107 et 113 de la décision attaquée.

120    Les déclarations en cause ont été faites sur la base des témoignages des personnes ayant participé aux réunions techniques, après mûre réflexion, et incriminent également les entreprises au nom desquelles elles ont été faites. De plus, les déclarations concordent quant aux grandes lignes de la description de l’infraction, ce qui contribue encore à augmenter leur fiabilité. Ainsi, au sens de la jurisprudence citée au point 103 ci-dessus, elles sont particulièrement fiables.

121    En deuxième lieu, force est de constater que les déclarations mentionnées aux points 114 à 116 ci-dessus sont corroborées par des notes manuscrites contemporaines des réunions techniques que la Commission a retrouvées lors des inspections, auxquelles la requérante avait accès durant la procédure administrative et dont une partie est citée notamment aux considérants 132 à 134, 139, 141, 145, 147, 153, 156, 157, 163 de la décision attaquée, et qui se réfèrent aux réunions auxquelles Tudapetrol était présente. À cet égard, il y a lieu d’ajouter que, ainsi que la Commission l’a retenu au considérant 215 de la décision attaquée, les notes de MOL ont été préparées durant les réunions par la personne y assistant et leur contenu est structuré et relativement détaillé. Dès lors, la valeur probante de ces notes est très élevée. En ce qui concerne les comptes rendus « Blauer Salon » de Sasol, il s’agit de documents datant de l’époque et ayant été rédigés in tempore non suspecto, soit peu après chaque réunion technique. Même si la personne qui les a rédigés n’était pas présente aux réunions techniques, elle s’est fondée sur les informations obtenues d’un participant. Dès lors, la valeur probante de ces comptes rendus est élevée.

122    En troisième lieu, il y a lieu de relever que, selon la décision attaquée, durant la période de participation à l’infraction (allant du 24 mars 1994 au 30 juin 2002), la requérante a assisté à 22 réunions techniques, auxquelles elle était représentée par un ou plusieurs de ses employés chargés de la commercialisation des cires de paraffine. Il y a lieu de relever que la requérante ne conteste sa participation qu’à l’égard des réunions techniques des 22 et 23 février 1996 et des 26 et 27 juin 2001. Ainsi, la requérante ne conteste pas avoir participé à 20 réunions sur 35 ayant eu lieu durant la période de sa participation à l’infraction (voir, à cet égard, points 45 et 46 ci-dessus).

123    Or, s’agissant d’accords de nature anticoncurrentielle qui se manifestent, comme en l’espèce, lors de réunions d’entreprises concurrentes, la Cour a déjà jugé qu’une infraction à l’article 81 CE était constituée lorsque ces réunions avaient pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visaient, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, pour prouver la participation de ladite entreprise à l’entente. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, point 68 supra, point 81, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 47).

124    La raison qui sous-tend cette règle est que, ayant participé à ladite réunion sans se distancier publiquement de son contenu, l’entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à son résultat et qu’elle s’y conformerait (arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 68 supra, point 82, et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, point 124 supra, point 48).

125    Les principes dégagés par cette jurisprudence trouvent également à s’appliquer aux réunions donnant lieu aux pratiques concertées, telles que définies par la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus.

126    Or, en l’espèce, la requérante n’allègue pas s’être publiquement distanciée du contenu des réunions anticoncurrentielles. Elle prétend qu’elle était présente pour discuter de questions techniques. Néanmoins, elle n’a pas fourni de preuves démontrant que son représentant aurait systématiquement quitté les réunions techniques après la fin des discussions concernant les questions techniques. Elle n’a soumis aucune preuve ni aucun indice démontrant sa distanciation au regard du contenu anticoncurrentiel des réunions ou démontrant qu’elle y avait participé dans une optique différente de celle des autres participants. Au contraire, ainsi qu’il a été relevé au point 118 ci-dessus, Sasol a déclaré que M. W., qui a représenté la requérante aux réunions techniques entre 1994 et 1999, était l’un des pères fondateurs des réunions « Blauer Salon ».

127    En quatrième lieu, il y a lieu de rappeler qu’une entreprise peut être tenue pour responsable d’une entente globale, même s’il est établi qu’elle n’a participé directement qu’à un ou à plusieurs des éléments constitutifs de celle-ci, dès lors, d’une part, qu’elle savait, ou devait nécessairement savoir, que la collusion à laquelle elle participait, en particulier au travers de réunions régulières organisées pendant plusieurs années, s’inscrivait dans un dispositif d’ensemble destiné à fausser le jeu normal de la concurrence, et, d’autre part, que ce dispositif recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente. De même, le fait que différentes entreprises aient joué des rôles différents dans la poursuite d’un objectif commun n’élimine pas l’identité d’objet anticoncurrentiel et, partant, d’infraction, à condition que chaque entreprise ait contribué, à son propre niveau, à la poursuite de l’objectif commun (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 92 supra, point 370, et la jurisprudence citée).

128    Premièrement, il convient de relever que, dès lors que la requérante a participé à la majorité des réunions pendant la durée de l’infraction, son absence à certaines réunions ne saurait affecter le bien-fondé de l’appréciation de la Commission.

129    Deuxièmement, il convient d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels, dans le cas de certaines réunions techniques, la Commission n’a pas réussi à reconstruire le contenu des discussions, de sorte que ces réunions pouvaient concerner uniquement les volets de l’infraction – la répartition des clients et les arrangements concernant le gatsch – pour lesquels sa responsabilité n’a pas été retenue.

130    Tout d’abord, il convient de relever que la Commission dispose de preuves démontrant qu’au moins une discussion sur les prix des cires de paraffine était généralement menée pendant les réunions techniques. En particulier, dans sa déclaration du 12 mai 2005, Sasol a affirmé que, en général, les réunions techniques donnaient lieu à une activité collusoire, dans la mesure où il y était « discuté d’augmentations et de réductions de prix » et que des informations sur les prix bruts et les planifications en matière de capacités y étaient échangées. Selon la déclaration de Repsol du 19 mai 2005, une discussion sur les niveaux de prix appliqués par les participants faisait partie des réunions techniques. Shell a déclaré que toutes les réunions techniques concernaient la fixation des prix (voir également points 114 à 116 ci-dessus). La Commission a fait référence auxdites déclarations de Sasol, de Repsol et de Shell au considérant 107 de la décision attaquée, et elles ont été mises à la disposition de la requérante dans le cadre de la procédure administrative.

131    Ensuite, il convient d’ajouter que, au considérant 240 de la décision attaquée, la Commission a précisé que les preuves démontrant que les entreprises en cause fixaient des tarifs minimaux et convenaient d’augmentations tarifaires figuraient notamment aux considérants 98, 107, 133, 139, 145, 147, 153, 156, 157 et 163 de la décision attaquée. De surcroît, la Commission a indiqué aux considérants 134, 141 et 165 de la décision attaquée que les participants à ces réunions techniques avaient échangé des informations commerciales sensibles quant aux cires de paraffine, relatives, notamment, au niveau des prix. Ces considérants contiennent de nombreuses citations des notes de MOL et des comptes rendus « Blauer Salon » de Sasol, témoignant d’échanges d’informations sur les prix, de la volonté d’augmenter ou de stabiliser les prix, voire, dans certains cas, de hausses de prix convenues, et sont complétés par les références aux déclarations d’entreprises.

132    Dès lors, il convient de conclure que, en général, la décision attaquée contient une démonstration étayée quant à la responsabilité de la requérante au titre de l’infraction.

133    Les arguments avancés par la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

134    En premier lieu, il y a lieu de noter que les explications alternatives présentées par la requérante concernent à chaque fois une réunion technique particulière. Ainsi, elles ne sont pas susceptibles de constituer une explication alternative plausible en ce qui concerne l’ensemble des preuves réunies par la Commission et qui ont permis à cette dernière d’établir l’existence d’une infraction unique et continue.

135    En deuxième lieu, une grande partie de l’argumentation de la requérante concerne la prétendue absence d’accord fixant les prix des cires de paraffine. Or, une telle argumentation est privée de pertinence.

136    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, il peut être considéré qu’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même de restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations. Dès lors, aux fins de l’application de l’article 81 CE en l’espèce, la Commission n’avait pas besoin de démontrer que les participants s’étaient effectivement mis d’accord sur des niveaux de prix déterminés ou sur des mesures spécifiques et chiffrées d’augmentation. Il suffisait de démontrer une concordance de volontés entre les participants dans le but de fixer ou d’aligner les prix. Or, la requérante n’avance aucun argument spécifique pour réfuter les déclarations de Sasol, de Repsol et de Shell selon lesquelles le but des réunions techniques était la fixation des prix.

137    Ensuite, la Commission dispose d’un ensemble de preuves irréfutables dont il ressort que les participants ont régulièrement échangé des informations sur leurs prix et sur les hausses prévues lors de réunions techniques, et ce pendant plus de douze ans, y compris durant la période de participation de Tudapetrol. Pourtant, la requérante n’a pas fourni d’explications cohérentes à ces activités, de nature à priver de sa plausibilité l’affirmation de la Commission selon laquelle la raison d’être de ces pratiques était notamment la fixation de prix. Au contraire, la longue durée pendant laquelle les réunions anticoncurrentielles concernant les prix se sontsystématiquement tenues constitue en soi un indice de ce que les participants avaient l’objectif d’harmoniser leurs politiques de prix, en substituant sciemment une coopération entre eux aux risques du marché.

138    De plus, selon la jurisprudence citée au point 85 ci-dessus, l’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’opérateur économique concerné est décidé à tenir lui-même sur le marché ou qu’il envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. Or, la requérante ne conteste ni la prise de contact ni l’échange d’informations sensibles lors des réunions techniques.

139    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que les arguments de la requérante, en général, ne sont pas de nature à compromettre la validité de l’appréciation de la Commission telle qu’elle figure dans la décision attaquée. Dans les développements qui suivent, le Tribunal examinera certaines réunions techniques particulières afin de vérifier l’établissement, par la Commission, du début et de la fin de la participation de la requérante à l’infraction ainsi que la constatation selon laquelle les réunions techniques en cause concernaient effectivement le volet principal de l’infraction, mis à la charge de la requérante.

–       Sur les arguments de la requérante concernant certaines réunions techniques particulières

140    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la décision attaquée, le début de la participation de Tudapetrol à l’infraction a été fixé au 24 mars 1994, c’est-à-dire à la date à laquelle Hansen & Rosenthal a racheté l’activité cires de paraffine (SRS GmbH) de Wintershall. À la même date, M. W., auparavant employé de Wintershall, est devenu responsable des ventes de Tudapetrol.

141    Il convient de souligner que, en tant que représentant de Wintershall, M. W. avait déjà participé aux réunions techniques antérieures. Selon la décision attaquée (considérants 126, 128 et 131), lors des réunions des 3 et 4 septembre 1992, des 23 et 24 novembre 1992 et du 25 octobre 1993, les participants ont échangé des informations sur les prix ou se sont mis d’accord sur leur niveau. En outre, il convient de noter que, selon une déclaration de Sasol, M. W. était l’un des pères fondateurs des réunions « Blauer Salon », au cours desquelles ont eu lieu des discussions visant à fixer le niveau des prix. Selon la même déclaration, lors de la réunion technique du 25 octobre 1993, les participants ont effectivement fixé le niveau des prix.

142    Il s’ensuit que M. W. avait parfaitement connaissance, dès le début de sa prise de fonctions auprès de la requérante, le 24 mars 1994, du fait que les réunions techniques donnaient lieu à des discussions anticoncurrentielles visant à fixer le niveau des prix des cires de paraffine.

143    En premier lieu, il convient d’examiner les arguments de la requérante en ce qui concerne la réunion technique du 24 juin 1994 à Budapest (Hongrie) (considérant 132 de la décision attaquée).

144    La requérante ne conteste pas la présence à cette réunion de M. W., employé par elle à cette époque. Cependant, elle soutient que la note de MOL relative à cette réunion technique se réfère uniquement à des questions techniques, aux quantités produites attendues et à des hausses de prix. Or, seule une entente sur les prix est reprochée à la requérante. De même, l’échange d’informations sur l’entretien d’usines n’aurait pas eu pour effet une restriction ou une distorsion de la concurrence, mais aurait été, au contraire, justifié en raison des livraisons croisées de cires de paraffine entre les participants à l’entente.

145    Il convient de relever que la note de MOL, établie lors de cette réunion technique, à laquelle la Commission se réfère au considérant 132 de la décision attaquée, indique qu’un échange d’informations commercialement sensibles, telles que les volumes de production attendus et les augmentations de prix appliquées par certains participants, a eu lieu lors de ladite réunion. Selon cette note, Tudapetrol a indiqué que ses volumes de vente pour l’année concernée s’élevaient à 32 000 tonnes, dont 25 % étaient vendus (ou à vendre) aux fabricants de bougies. Dans le passage de la note de MOL relatif à Tudapetrol, il est mentionné ce qui suit :

« [I]ls ont augmenté à partir du 15 mai -> pour les fabricants de bougie[ ;] aussi pour les blenders (Fuller 1er août [marks allemands (DEM)] 50/t). »

146    Ainsi, il ressort des éléments de preuve retenus par la Commission que les participants, y compris la requérante, ont échangé des informations commerciales sensibles relatives aux cires de paraffine et même au niveau des prix, volet de l’infraction pour lequel la requérante a été tenue pour responsable.

147    Par conséquent, la requérante n’ayant pas démontré qu’elle s’était distanciée du contenu anticoncurrentiel de la réunion technique du 24 juin 1994, la Commission n’a pas commis d’erreur en mettant à sa charge la participation à ladite réunion.

148    En deuxième lieu, s’agissant de la réunion des 7 et 8 septembre 1995 à Strasbourg (France) (considérant 137 de la décision attaquée), la Commission a examiné en détail le contenu d’une note de MOL et un compte rendu « Blauer Salon » de Sasol et s’est appuyée sur les déclarations de certaines entreprises participant à l’entente. Au considérant 240 de la décision attaquée, elle a considéré que les participants à cette réunion technique fixaient des tarifs minimaux ou convenaient d’augmentations tarifaires.

149    Selon la requérante, la Commission n’a pas démontré que les indications relatives aux prix, apparaissant dans la note de MOL et dans le compte rendu « Blauer Salon » de Sasol, étaient fondées sur un accord ou une pratique concertée. La déclaration de Sasol ne serait qu’une déclaration unilatérale. Les pièces invoquées par la Commission ne contiendraient aucune indication de prix concernant la requérante.

150    Il y a lieu de relever que la note de MOL contient les indications suivantes :

« 11. Schümann DEM 970, - prix min.

[…]

13. Total DEM 920,- -> a augmenté de 950 DM,- -> 970 DM,- prévu avant la fin de l’année

[…]

15. nous augmentons à 900 »

151    Le compte rendu « Blauer Salon » de Sasol indique :

« Prix en augmentation au 1/1.9[6]?

Tendance négative

Dea + Tuda :

en principe oui, mais trop de marchandises sur le marché

Total (Mobil/BP)

augmentation possible ?? Mais l’objectif est de stabiliser

Repsol

oui

Hongrie - T. Todt

pour le moment ‘aucun commentaire’ - aigre, car sept 95 % env. 1000 t accepté à ICI/Eikal/Vollmar/Gasda/Bolsius »


152    Sasol a confirmé que les participants, interrogés lors de la réunion pour donner leur avis, ont révélé leur intention d’augmenter les prix au 1er janvier 1996.

153    Dès lors, l’affirmation de la Commission selon laquelle les participants à cette réunion ont « échangé des informations sur leur future politique de prix et ont discuté et fixé des augmentations de prix ainsi que des prix minima[ux] » repose sur un ensemble de preuves particulièrement cohérent. La déclaration de Sasol dissipe toute incertitude s’agissant de l’existence d’un concours des volontés sur une hausse des prix. Le seul fait que le niveau de l’augmentation et celui des prix minimaux variaient d’une entreprise à l’autre est sans incidence sur la description de cette réunion comme ayant donné lieu à un accord de fixation de prix, l’expression « fixation de prix » n’impliquant pas l’application d’un prix unique par tous les participants.

154    La requérante n’avance aucun argument au soutien de son allégation selon laquelle la mention « Dea + Tuda : en principe oui, mais trop de marchandises sur le marché », qui figure dans le compte rendu « Blauer Salon », ne concerne que Dea. En effet, il ressort d’une lecture objective de ce passage que les participants ont discuté de l’augmentation des prix au 1er janvier 1996. Dea et Tudapetrol ont marqué leur accord de principe avec l’augmentation, mais noté qu’il y avait « trop de marchandises sur le marché », ce qui est un facteur pertinent du point de vue de l’augmentation de prix prévue. Le fait qu’aucun prix ne soit indiqué à côté du nom de la requérante ne saurait constituer un élément à décharge. En effet, selon la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, aux fins de l’application de l’article 81 CE en l’espèce, la Commission n’avait pas besoin de démontrer que les participants s’étaient effectivement mis d’accord sur des niveaux de prix déterminés ou sur des mesures spécifiques et chiffrées d’augmentation. Il lui suffisait de démontrer qu’il y avait une concordance des volontés entre les participants quant au but de fixer ou d’aligner les prix.

155    Ainsi, les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est appuyée démontrent la participation de la requérante à un accord ou à une pratique concertée visant à la fixation des prix des cires de paraffine.

156    Par conséquent, la Commission n’a commis aucune erreur en mettant à la charge de la requérante cette réunion technique.

157    En troisième lieu, s’agissant de la réunion technique des 22 et 23 février 1996 à Budapest (considérant 139 de la décision attaquée), la Commission s’est appuyée sur une note de MOL qui contient les indications « Paraffine – tous les niveaux de qualité – même prix DEM 108 ; Petit/grand client – même prix DEM 108 [;] cire d’immersion DEM 1 200-1 250 ». Selon les termes dudit considérant, cela démontre que les entreprises participantes se sont mises d’accord sur le prix des cires de paraffine.

158    La requérante se borne à contester la présence de M. W., en évoquant l’absence de note de frais de déplacement.

159    Cet argument ne saurait être retenu. En effet, la première ligne de la note de MOL indique « ’96 II. 23 – [W./GO./HE./SE./KU.] ». Or, la date et le nom des participants ont habituellement été repris en haut de la première page des notes de MOL. L’argument de la requérante tiré de l’absence de note de frais de déplacement ne saurait prospérer. En effet, selon la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus, les éléments de preuve à la disposition de la Commission sont pour la plupart fragmentaires et épars et doivent pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. En l’espèce, après un examen objectif de la note de MOL et étant donné l’absence de preuve contraire apportée par la requérante, il y a lieu de confirmer la constatation de la Commission selon laquelle M. W. était présent à cette réunion technique.

160    Au demeurant, même si la requérante n’avance pas d’argument quant au contenu de cette réunion technique, il convient de relever que la note de MOL contient des indications sans équivoque quant à une fixation de prix des cires de paraffine. Sasol et Repsol ont confirmé, indépendamment l’une de l’autre, la nature anticoncurrentielle de cette réunion technique.

161    Ainsi, la Commission a correctement établi, au considérant 240 de la décision attaquée, que, lors de cette réunion technique, les entreprises en cause fixaient des tarifs minimaux et convenaient d’augmentations tarifaires.

162    La requérante n’ayant pas démontré qu’elle s’était distanciée du contenu anticoncurrentiel de cette réunion technique, la Commission l’a correctement retenue à sa charge.

163    En quatrième lieu, il convient d’examiner les arguments de la requérante en ce qui concerne la réunion des 30 et 31 octobre 1997, à proximité de Paris (considérant 145).

164    La requérante conteste sa participation à une restriction de concurrence déduite du symbole « √ » figurant dans un compte rendu « Blauer Salon » de Sasol, repris dans la note 63 de l’annexe de la décision attaquée. Au contraire, selon elle, les éléments de preuve réunis par la Commission démontrent qu’elle n’a pas pris part à un accord sur les prix lors de cette réunion, puisque les deux tableaux concernant cette réunion ne se confirment mutuellement que dans la mesure où il est question d’indications relatives à MOL, à Total et à Agip (aujourd’hui Eni) (considérant 145 de la décision attaquée).

165    De même, en ce qui concerne la requérante, le compte rendu « Blauer Salon » ne contiendrait ni prix ni date. La Commission admettrait que ledit compte rendu peut être incomplet en ce qui concerne la requérante, ce dont celle-ci déduit que la Commission se fonde sur des spéculations. La note de MOL ne mentionnerait aucun nom d’entreprise dans le tableau évoqué par la Commission. Il s’agirait d’indications internes à l’entreprise qui ne prouvent pas l’existence d’un accord entre entreprises. Il en irait de même de l’autre tableau auquel la Commission se réfère. Le fait que les deux documents proviennent de MOL ne permettrait pas de conclure que ces informations ont été partagées avec d’autres entreprises.

166    De plus, dans un passage de la note de MOL au sujet de l’augmentation des prix, seule SRS, qui fait partie du groupe H&R, serait mentionnée et non la requérante. Contrairement à la position de la Commission selon laquelle la désignation « SRS » correspond à la requérante, celle-ci estime que le fait que les différents documents ne mentionnent pas constamment « SRS/Tudapetrol », mais opèrent une distinction entre les deux va à l’encontre de l’approche unitaire de la Commission.

167    Il convient de relever que le compte rendu « Blauer Salon » relatif à la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997 indique ce qui suit :

 

« Date

Augmentation

Prix min.

√ SCHS, D

   

√ Dea, D

   

√ SRS-Tuda, D

   

√ MOL, HU

1.1.

  

√ Total, F

1.1.

DEM 10,-

DEM 120

Mobil-Bp, F

   

√ Repsol, E

   

√ Agip, I

1.1.

DEM 10 »

 


168    Sasol a déclaré qu’il ressortait de ce compte rendu que tous les participants s’étaient engagés à augmenter les prix de 10 à 12 marks allemands (DEM) par 100 kg, que Total et Agip avaient souhaité augmenter les prix de 10 DEM et que cela devait conduire à un prix minimal de 120 DEM par 100 kg, au moins pour Total.

169    Les niveaux et les dates d’augmentations sont entièrement confirmés par deux notes relatives à cette réunion, retrouvées dans les locaux de MOL.

170    Le Tribunal considère que la requérante n’a invoqué aucun argument convaincant face à cet ensemble cohérent de preuves détaillées témoignant d’un accord visant à fixer les prix.

171    Le fait que, dans le compte rendu « Blauer Salon », ni la date ni le prix ne soient indiqués à côté de « SRS-Tuda » est sans pertinence. D’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 98 ci-dessus, les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. D’autre part, pour l’établissement de la participation de la requérante à une infraction, il suffit que la réunion ait un contenu anticoncurrentiel et que la requérante y soit présente sans se distancier de son contenu. Or, l’existence d’un accord visant à la fixation des prix ressort de l’indication des dates des augmentations prévues et des mesures chiffrées de l’augmentation figurant à côté des noms des entreprises MOL, Agip et Total.

172    En tout état de cause, la note de MOL indique également la date de l’augmentation prévue à côté de la mention « SRS ». L’argument de la requérante selon lequel SRS appartient au groupe H&R, une entreprise séparée, ne saurait compromettre la valeur de cette preuve en ce qui concerne la requérante. Il convient de rappeler que, au début de la note de MOL, son auteur a utilisé la dénomination commune « SRS/Tudapetrol », que, aux yeux des autres participants, Tudapetrol et SRS relevaient de la même entité, notamment en raison des liens personnels étroits existant entre elles, et que, en tout état de cause, Tudapetrol était la société commercialisant les cires de paraffine produites par SRS. De plus, il est plausible de penser que, lors de la prise de notes pendant une réunion, l’auteur se concentre sur les éléments pertinents au regard de la politique commerciale de sa société et utilise des formes abrégées pour se référer aux autres participants [voir également, à cet égard, la dénomination « Tuda », souvent utilisée dans les notes, « SchS » pour Schümann-Sasol, ou « spanyolok » (les espagnols) pour Repsol et Rylesa].

173    La conclusion de la Commission selon laquelle, lors de la réunion des 30 et 31 octobre 1997, un prix minimal de 1 200 DEM par tonne a été fixé, au moins pour certains participants, est encore confirmée par une note de MOL relative à la réunion des 5 et 6 mai 1998 et qui comporte la mention « Repsol – prix min. 1 180 DEM (incapable de vendre à 1 200) ». L’explication la plus cohérente à cette mention est que Repsol ne pouvait pas appliquer le prix convenu lors de la réunion précédente et a indiqué le prix minimal qu’il lui paraissait possible d’appliquer.

174    Dès lors, il convient de juger que la Commission a démontré à suffisance de droit que les participants avaient fixé les prix des cires de paraffine lors de la réunion des 30 et 31 octobre 1997 et qu’elle a correctement mis cette réunion technique à la charge de la requérante.

175    En cinquième lieu, il convient d’examiner les arguments de la requérante concernant la réunion des 27 et 28 octobre 1999 à Munich (Allemagne) (considérant 156 de la décision attaquée).

176    À cet égard, la Commission disposait d’un compte rendu « Blauer Salon » de Sasol, contenant les observations suivantes :

 

« Augmentation

Présent : Total

par 15/1.2000 + Ffr 2 300 = DEM 6,85

Présent : Repsol

 

Présent : SRS-Tuda

par 10/1.2000

Présent : Dea

par 17/1.2000 selon [M. B. de Dea]

+ 8,50 DEM

Présent : SCHS

par 15/1.2000

Absent : MOL

par 1/2.2000 (alt DEM 110.- flü ffr)

+ 6 DEM, - selon [M. T.] 10/1

Absent : Mobil

 

Esso, F

par 1/2.2000 + 40 $,- (selon [M. M.] 19/1)

Kuwait, NL par ? + 8 DEM,- [selon le département comptabilité] 24/1

Généralement pour toutes les industries

- Liquide

+ DEM 7-9,- %kg (en aucun cas moins de 6 DEM)

- Solide 

+ 11 DEM,- % kg »


177    Au considérant 156 de la décision attaquée, la Commission a interprété de la façon suivante cette note, en prenant en compte les explications de Sasol :

« Cette note montre que Total, Repsol, H&R/Tudapetrol (‘SRS‑Tuda’), Dea et Sasol se sont engagées à augmenter les prix en janvier 2000 [...] Total devait augmenter les prix le 15 janvier 2000 de 2 300 [francs français (FRF)], H&R/Tudapetrol le 10 janvier 2000, Dea le 17 janvier 2000 de 8,50 DEM et Sasol le 15 janvier 2000. Pour les sociétés qui n’étaient pas présentes, MOL est signalée pour une augmentation, le 1er janvier 2000, de 6 DEM. Esso devait augmenter le 1er février 2000 de 40 USD et Kuwait de 8 DEM à une date non connue […] Ces trois derniers éléments d’information ont été obtenus par Sasol après la réunion technique, lors de contacts bilatéraux, et, selon Sasol, ajoutés au document le 7 décembre 1999 […] Ceci est démontré par les passages ‘selon’ avec un nom et une date. Sasol a appelé les représentants de ces sociétés à la date mentionnée et a reçu les informations concernant l’augmentation de prix. »

178    La requérante fait valoir que le fait que des prix différents aient été mentionnés dans le compte rendu « Blauer Salon » montre qu’il n’existait pas d’accord ou de concertation entre les entreprises à ce propos et que ces dernières ne souhaitaient d’ailleurs pas aboutir à un tel accord. Même si, théoriquement, un accord sur des prix différents était possible, la Commission n’aurait pas démontré en l’espèce que toutes les entreprises concernées s’étaient mises d’accord sur des prix différents.

179    À cet égard, il suffit de relever que l’interprétation de la requérante n’est pas compatible avec la déclaration de Sasol, confirmant que le compte rendu témoigne de l’engagement de Total, de Repsol, de « H&R/Tudapetrol » (« SRS‑Tuda »), de Dea et de Sasol d’augmenter les prix en janvier 2000. Le fait que les chiffres d’augmentation varient n’a aucune incidence sur l’établissement d’un accord visant à fixer les prix, étant donné qu’il suffisait de démontrer l’existence d’une concordance de volontés entre les participants quant au but de fixer ou d’aligner les prix. En tout état de cause, il est plausible de penser que les participants se sont engagés à des augmentations différentes, parce que les prix de départ étaient différents et que chacun devait apprécier le niveau d’augmentation qu’il pouvait encore justifier et appliquer à l’égard de ses clients.

180    De même, l’explication la plus plausible à l’absence de données chiffrées à côté des noms de certaines entreprises parmi celles représentées à la réunion, eu égard à la déclaration de Sasol, est que le niveau d’augmentation était commun à ces entreprises, à savoir 6,85 DM.

181    Dès lors, la Commission a démontré à suffisance de droit l’existence d’un accord de fixation des prix pour ce qui est de la réunion en cause. À défaut de distanciation publique à l’égard du contenu anticoncurrentiel de la réunion, la seule présence de la requérante à cette réunion suffit pour mettre celle-ci à sa charge. Par ailleurs, il existe des indications (en particulier la date à côté de la dénomination « SRS-Tuda ») selon lesquelles la requérante s’est elle-même engagée à augmenter les prix.

182    Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur en mettant à la charge de la requérante la réunion technique des 27 et 28 octobre 1999.

183    En sixième lieu, il convient d’examiner les arguments de la requérante concernant la réunion des 26 et 27 juin 2001 à Paris (considérant 163 de la décision attaquée).

184    La requérante conteste sa participation à cette réunion technique. Elle fait valoir que la Commission se fonde sur une note de M. O., qui n’a pas personnellement participé à cette réunion. La note contiendrait également des dates erronées en ce qui concerne la réunion, et la Commission ne pourrait identifier la personne qui l’a paraphée. Ainsi, ce document ne constituerait aucune preuve directe ou indirecte d’une participation de la requérante. L’absence de la requérante à cette réunion serait étayée par le fait que la Commission n’a pas présenté de note de frais de voyage comme élément de preuve. En tout état de cause, le contenu de la note en question ne ferait pas apparaître que la réunion a donné lieu à des concertations illégales.

185    La requérante conteste que « SRS-Tuda » soit mentionnée à l’annexe B.19 du mémoire en défense, invoquée par la Commission (réponse de Sasol Wax du 18 décembre 2006 à une demande de renseignements de la Commission). Il y serait seulement question de Hansen & Rosenthal. Elle conteste l’argument de la Commission selon lequel ladite note devrait être lue en combinaison avec l’annexe B.27 du mémoire en défense (réponse de Sasol Wax du 18 décembre 2006 à une demande de renseignements de la Commission) contenant l’explication de la note de M. O., « SRS-Tuda (prédécesseur de Hansen & Rosenthal) ». Selon la requérante, cela ne peut pas signifier qu’elle était également représentée, puisque « Tuda » n’est pas le prédécesseur de Hansen & Rosenthal. Une déclaration objectivement fausse ne saurait devenir exacte du fait qu’elle émane d’un témoin ayant bénéficié de la communication sur la coopération de 2002. Seule SRS pourrait être envisagée en tant que « prédécesseur » de Hansen & Rosenthal.

186    En ce qui concerne le contenu de la réunion, la requérante fait valoir que la note évoquée par la Commission (annexe A 4.29 de la requête) ne reflète que des conclusions unilatérales de leur auteur et n’apporte pas la preuve d’une concertation. Cela serait confirmé par les explications de Sasol (annexe B.27 du mémoire en défense) selon lesquelles « l’intention d’augmenter les prix était dans le rapport des conclusions atteintes lors du ‘Blauer Salon’ ». Ni la note en question ni les explications de Sasol n’indiqueraient que ces conclusions ont été atteintes en commun, au sens d’une entente illicite. La Commission présumerait une concertation illicite in dubio contra reum.

187    Tout d’abord, il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante visant à contester sa présence à cette réunion.

188    À cet égard, il y a lieu de relever que le compte rendu « Blauer Salon » comporte en tête de sa première page les mentions suivantes :

« 29/6.01

SchS/Total/DEA/SRS-Tuda/Esso/Mobil-Exxon

‘no’ MOL = separate »

189    En outre, dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission, Sasol a précisé que « M. O. avait résumé les résultats de la réunion ‘Blauer Salon’ ayant eu lieu les 27 et 28 juin 2001, communiqués par M. K. » et que « [l]es participants étaient Sasol, Total, Dea, SRS‑Tuda (prédécesseur de Hansen & Rosenthal) et ExxonMobil ».

190    Il convient également de rappeler (voir point 46 ci-dessus) que « H&R/Tudapetrol » a été représentée, entre le 13 avril 1999 et le 5 juin 2002, notamment par M. H., employé de la requérante. La requérante ne conteste pas la présence de M. H. à treize des quatorze réunions techniques de cette période.

191    Il y a lieu enfin de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus, les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. Ainsi, en l’espèce, eu égard aux éléments de preuve présentés par la Commission, le seul fait qu’elle n’ait pas présenté d’attestations de frais de voyage ne saurait compromettre la constatation selon laquelle la requérante était présente à la réunion en cause.

192    Ensuite, quant au contenu des discussions tenues lors de cette réunion technique, le compte rendu « Blauer Salon » de Sasol contient les remarques suivantes :

« En juillet :

annuler les prix des clients spéciaux le plus vite possible

[…]

 

Fin août

annuler tous les prix au 30/9.01.

 

Au 1/10.01 + 7 €,- »


193    Selon le considérant 163 de la décision attaquée, « ceci montre que les personnes représentant les entreprises sont convenues d’une augmentation des prix pour la paraffine […] de 7 EUR au 1er octobre 2001, précédée, pendant la seconde moitié de l’année jusqu’au 30 septembre, par une annulation de tous les arrangements existant en matière de prix ».

194    La requérante ne saurait valablement prétendre que la réponse de Sasol du 18 décembre 2006 à la demande de renseignements de la Commission ne va pas dans le sens de cette interprétation et ne reflète que les conclusions unilatérales de son auteur. Selon cette réponse, « [M. O.] note le résultat de la réunion Blauer Salon [des 26 et 27] juin 2001 » et « [l]’intention d’augmenter les prix était une information qui reflétait les conclusions atteintes lors de la réunion ». Dès lors que la déclaration mentionne des conclusions auxquelles les participants sont parvenus lors de la réunion concernant une hausse de prix, il convient de retenir que la déclaration en cause démontre l’existence d’un accord de fixation des prix. En effet, Sasol n’aurait eu aucun intérêt à aggraver sa situation en présentant les impressions ou propositions personnelles de l’auteur du compte rendu « Blauer Salon » comme étant les conclusions auxquelles les participants étaient arrivés lors de la réunion technique.

195    Dès lors, il convient de constater qu’un accord de fixation des prix a été atteint lors de cette réunion, laquelle a correctement été mise à la charge de la requérante par la Commission, dès lors qu’elle y était présente et qu’elle ne s’en est pas distanciée.

196    En septième lieu, il convient d’examiner les arguments de la requérante relatifs à la réunion technique des 21 et 22 février 2002 à Budapest (considérant 165 de la décision attaquée).

197    La requérante fait valoir que la note d’Eni citée par la Commission dans la décision attaquée ne constituerait pas un indice de l’existence d’une concertation sur les prix lors de cette réunion.

198    En ce qui concerne le contenu de la note d’Eni, la Commission a cité le passage suivant dans la décision attaquée :

« La réunion qui a eu lieu dans un climat très transparent a confirmé – prenant également en compte les différences des marchés individuels et les différentes stratégies en ce qui concerne les produits et le marché – la possibilité d’augmenter les recettes en accord avec les actions que nous avons déjà adoptées. Par conséquent, nous pouvons continuer les actions en cours concernant la révision des cadres contractuels et des prix relatifs qui impliquent naturellement nos principaux clients et distributeurs de paraffine. »

199    Selon la décision attaquée, le contenu de cette note montre que des discussions ont eu lieu sur les niveaux de prix. Il convient de confirmer cette interprétation. En effet, le fait que la note d’Eni mentionne la révision des prix comme étant la démarche à continuer à la lumière des discussions menées lors de la réunion indique que les participants y ont échangé des informations sur les prix. Cela est d’ailleurs confirmé par la demande de clémence de Shell du 30 mars 2005, qui fait figurer la réunion technique en cause sur la liste intitulée « Aperçu des réunions et communications concernant les prix »

200    Eu égard à ces considérations, la requérante ne peut pas sérieusement contester que cette réunion relevait du volet principal de l’infraction.

201    Au demeurant, la requérante fait valoir que le fait que cette note indique H&R, entreprise dont elle ne faisait pas partie, démontrerait que les participants faisaient une distinction entre le groupe H&R et elle, de sorte que le contenu éventuellement anticoncurrentiel de la réunion ne pourrait être retenu à sa charge.

202    Cet argument ne saurait prospérer. Ainsi qu’il a déjà été constaté au point 58 ci-dessus, en raison des liens personnels et commerciaux étroits entre le groupe H&R et Tudapetrol, les participants se sont souvent référés aux deux entreprises comme à une seule entité, notamment sous la dénomination « H&R/Tudapetrol », « SRS/Tudapetrol » ou « SRS-Tuda ». Il convient aussi de relever que Tudapetrol était chargée de la commercialisation des cires de paraffine produites par SRS.

203    Ainsi, dans les diverses notes et comptes rendus, principalement dans ceux ayant été préparés au cours des réunions ou destinés à un usage interne dans une des entreprises, les participants ont souvent usé de dénominations courtes, le cas échéant ne mentionnant que « SRS », « H&R » ou « Tuda ». À cet égard, il est révélateur que, dans le compte rendu « Blauer Salon » relatif à la réunion technique des 30 et 31 octobre 1997 (point 167 ci-dessus), M. O. utilise le terme « SRS-Tuda », alors que, à l’époque, seul M. W., employé de Tudapetrol, et non de SRS, participait aux réunions techniques. De plus, la note de MOL (à laquelle il est fait référence au point 169 ci-dessus), contenant un tableau identique à celui du compte rendu « Blauer Salon » dans lequel « SRS-Tuda » figure, mentionne uniquement SRS. Il ressort clairement, notamment de ces indications, que les participants n’ont pas distingué Tudapetrol de SRS ou de H&R en ce qui concerne la participation aux arrangements conclus lors des réunions techniques. La requérante n’apporte aucune preuve démontrant qu’il en allait autrement dans le cas de la note d’Eni.

204    De même, l’absence de mention du nom d’une entreprise dans un document relatif à un accord ne conduit pas à nier sa participation à celui-ci, dès lors qu’elle a déjà été prouvée par d’autres documents et que cette absence de mention ne saurait donner un éclairage différent aux preuves documentaires utilisées par la Commission pour établir sa participation à l’accord (arrêt du Tribunal du 11 décembre 2003, Ventouris/Commission, T‑59/99, Rec. p. II‑5257, point 91).

205    Dès lors, la Commission a retenu à juste titre, en s’appuyant sur la présence non contestée à cette réunion de M. H., employé de Tudapetrol à l’époque, que cette dernière participait à la réunion en cause.

206    Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur en mettant cette réunion technique à la charge de la requérante.

207    En huitième et dernier lieu, il convient d’examiner les arguments de la requérante concernant la réunion technique du 5 juin 2002 à Budapest, soit la dernière réunion à laquelle sa participation a été établie dans la décision attaquée (considérant 166 de la décision attaquée).

208    Au considérant en cause, la Commission a indiqué que « H&R/Tudapetrol » avait participé à ladite réunion et que le contenu de celle-ci n’avait pas pu être confirmé.

209    La requérante ne conteste pas la participation de M. H. à cette réunion technique, lequel était à l’époque son employé.

210    Cependant, elle relève que la Commission ne prétend pas que ladite réunion technique avait un contenu anticoncurrentiel, de sorte qu’elle ne saurait être retenue à son égard.

211    Le Tribunal considère que cet argument de la requérante est dénué de pertinence. En effet, la Commission a démontré l’existence d’une infraction complexe, unique et continue dans le cadre de laquelle s’inscrivaient les réunions techniques régulières. La participation de la requérante au volet principal de l’infraction, c’est-à-dire aux « accords ou aux pratiques concertées portant sur la fixation des prix et l’échange et la divulgation d’informations sensibles sur le plan commercial » relatives aux cires de paraffine, a été amplement démontrée par la Commission par des déclarations d’entreprises fiables et concordantes et par un ensemble de preuves documentaires dont une partie a été examinée aux points 140 à 200 ci-dessus.

212    Selon le considérant 606 de la décision attaquée, « [p]our Tudapetrol, la date de fin de sa responsabilité est fixée au 30 juin 2002, lorsqu’il a été mis un terme à l’emploi en son sein de ses représentants aux réunions techniques ».

213    Or, même à supposer que la réunion technique du 5 juin 2002 n’ait eu aucun contenu anticoncurrentiel, la période de participation de la requérante à l’infraction ne saurait être réduite pour cette raison.

214    En effet, selon la jurisprudence, il ne peut être conclu à la cessation définitive de l’appartenance d’une entreprise à une entente que si elle s’est distanciée publiquement de son contenu (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 241).

215    En outre, la Cour a jugé que c’était bien la compréhension qu’avaient les autres participants à une entente de l’intention de l’entreprise concernée qui était déterminante pour apprécier si cette dernière avait entendu se distancier de l’accord illicite (arrêt de la Cour du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 120).

216    Or, en l’espèce, la requérante n’allègue pas s’être publiquement distanciée de l’entente selon la perception des autres participants.

217    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de juger que la Commission a, à bon droit, considéré que la requérante avait participé au volet principal de l’infraction entre le 24 mars 1994 et le 30 juin 2002 et, dès lors, de rejeter la troisième branche du premier moyen.

218    Dès lors, il convient de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré de la prescription

219    La requérante invoque une violation de l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003. Selon elle, depuis le 28 avril 2000 au moins, aucune participation à l’infraction ne pouvait plus être retenue à son égard. Les vérifications de la Commission effectuées les 28 et 29 avril 2005 n’auraient, par conséquent, pas eu pour effet d’interrompre la prescription, puisque le délai de prescription prévu par l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1/2003 était déjà écoulé en ce qui la concerne.

220    Conformément à l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, le pouvoir d’infliger des amendes conféré à la Commission en vertu de l’article 23 est soumis à un délai de prescription de cinq ans.

221    L’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 dispose :

« La prescription court à compter du jour où l’infraction a été commise. Toutefois, pour les infractions continues ou répétées, la prescription ne court qu’à compter du jour où l’infraction a pris fin. »

222    L’article 25, paragraphe 3, du même règlement dispose :

« La prescription en matière d’imposition d’amendes […] est interrompue par tout acte de la Commission ou d’une autorité de concurrence d’un État membre visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction. L’interruption de la prescription prend effet le jour où l’acte est notifié à au moins une entreprise ou association d’entreprises ayant participé à l’infraction. »

223    En l’espèce, il y a lieu de considérer que la décision d’inspection, notifiée le 28 avril 2005 et adressée notamment à la requérante, constitue le premier acte interrompant la prescription.

224    Il y a lieu de rappeler que la durée d’une infraction constitue tant un élément intégrant et indissociable de toute constatation d’infraction qu’une des conditions régissant la prescription de la poursuite d’une infraction continue (voir arrêt Peróxidos Orgánicos/Commission, point 105 supra, point 21).

225    Le respect par la Commission des règles de prescription implique qu’elle détermine correctement la période durant laquelle la requérante a participé à l’infraction. Par conséquent, il y a lieu de vérifier si la Commission a démontré à suffisance de droit que la participation de la requérante à l’infraction avait perduré à tout le moins jusqu’au 28 avril 2000, soit cinq ans avant la notification de la décision ordonnant les inspections.

226    En premier lieu, la requérante allègue avoir cédé ses activités « paraffine », qui sont concernées en l’espèce au titre de l’infraction poursuivie, à la H&R Wax Company Vertrieb Komplementär GmbH & Co. KG le 1er mai 2000 et n’avoir ensuite conservé que quelques rares clients.

227    À cet égard, il y a lieu de relever que ces arguments de la requérante sont sans pertinence, dans la mesure où le transfert en cause est intervenu le 1er mai 2000, c’est-à-dire moins de cinq ans avant la notification de la décision ordonnant les inspections. En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a indiqué au considérant 616 de la décision attaquée, et comme la requérante l’a elle-même reconnu, elle a conservé certains clients achetant des cires de paraffine.

228    En second lieu, au même considérant 616 de la décision attaquée, la Commission a également constaté que M. H. avait continué à assister aux réunions techniques après le 1er mai 2000 et qu’il avait été employé par Tudapetrol jusqu’au 30 juin 2002, de sorte qu’il y avait lieu de considérer celle-ci comme responsable de l’infraction jusqu’au 30 juin 2002.

229    La requérante conteste cette constatation, en faisant valoir que la Commission n’a pas apporté la preuve de sa participation à l’entente après le 31 mars 2000, soit parce qu’aucune participation de sa part à une réunion n’a pu être démontrée, soit parce que la Commission n’a pas été en mesure de fournir des indications quant au contenu des réunions en cause.

230    Cet argument manque en fait. Ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier moyen, la Commission a correctement établi la participation de la requérante au volet principal de l’infraction entre le 24 mars 1994 et le 30 juin 2002 (voir point 217 ci-dessus).

231    Par conséquent, il convient de rejeter le second moyen et, dès lors, le recours, en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée.

232    S’agissant de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal conclut que la requérante n’a démontré aucune erreur ni aucune irrégularité dans la décision attaquée qui justifierait la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée. Il estime également que, au regard de toutes les circonstances de l’espèce, en particulier de la gravité et de la durée de l’infraction commise par la requérante, le montant de l’amende infligée à cette dernière est approprié.

233    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

234    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tudapetrol Mineralölerzeugnisse Nils Hansen KG supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2014.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure administrative et adoption de la décision attaquée

Liens entre le groupe H&R et Tudapetrol

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de l’absence d’infraction commise par la requérante

Sur la première branche, tirée d’une violation des articles 81 CE et 253 CE

Sur la deuxième branche, tirée de la violation des droits de la défense

Sur la troisième branche, tirée d’un défaut de participation de la requérante à l’infraction

– Sur les notions d’accord et de pratique concertée

– Sur les principes d’appréciation des preuves

– Sur la décision attaquée

– Appréciation globale des preuves soutenant l’existence d’une infraction commise par la requérante

– Sur les arguments de la requérante concernant certaines réunions techniques particulières

Sur le second moyen, tiré de la prescription

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.