Language of document : ECLI:EU:T:2014:554

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

18 juin 2014(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale RIPASSA – Marque nationale verbale antérieure VINO DI RIPASSO – Motif relatif de refus – Article 75 du règlement (CE) n° 207/2009 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑595/10,

Cantina Broglie 1 Srl, établie à Peschiera del Garda (Italie), représentée par Me A. Rizzoli, avocat, admise à se substituer à M. Alberto Zenato,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Camera di Commercio, Industria, Artigianato e Agricoltura di Verona, établie à Vérone (Italie),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 30 septembre 2010 (affaire R 63/2010-1), relative à une procédure d’opposition entre la Camera di Commercio, Industria, Artigianato e Agricoltura di Verona et M. Alberto Zenato,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 18 avril 2011,

vu les ordonnances de suspension de la procédure des 7 juillet 2011, 16 février et 13 juillet 2012,

vu l’ordonnance du 24 mars 2014 autorisant une substitution de parties,

à la suite de l’audience du 26 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er avril 1996, M. Alberto Zenato, a présenté une demande d’enregistrement de la marque communautaire verbale RIPASSA à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

3        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 23/1998, du 30 mars 1998.

4        Le 27 mai 1998, Masi Agricola SpA, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque RIPASSA pour tous les produits visés dans la demande d’enregistrement. Masi Agricola a ensuite cédé la marque antérieure sur laquelle l’opposition était fondée à la Camera di Commercio, Industria, Artigianato e Agricoltura di Verona (chambre de commerce, de l’industrie, de l’artisanat et de l’agriculture de Vérone).

5        L’opposition était fondée sur la marque verbale antérieure VINO DI RIPASSO faisant l’objet de l’enregistrement italien n° 528778, en date du 22 avril 1988, renouvelé le 13 avril 2008 sous le numéro n° 1334125, pour les « vins », relevant de la classe 33.

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

7        Par décision du 2 novembre 2009, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que, même si les produits visés par les marques en conflit étaient identiques, les différences entre ces marques sur les plans visuel, phonétique et conceptuel suffisaient à écarter le risque de confusion et a jugé inutile de se prononcer sur la question de l’usage sérieux de la marque antérieure.

8        Le 31 décembre 2009, la Camera di Commercio, Industria, Artigianato e Agricoltura di Verona a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 30 septembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et a renvoyé le dossier à cette dernière pour la poursuite de la procédure. La chambre de recours a estimé, contrairement à la division d’opposition, que les marques en conflit devaient être considérées comme très similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel et que, puisqu’elles couvraient des produits identiques (vins) ou très similaires (boissons alcooliques), il existait un risque de confusion. Elle a donc renvoyé le dossier à la division d’opposition afin que celle-ci examine la question de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

10      Le 7 avril 2011, la chambre de recours a adopté une décision rectificative. La chambre de recours a expliqué que son intention, dans la décision attaquée, n’était pas de procéder elle-même à une vérification approfondie du risque de confusion, mais, après avoir constaté que, à première vue, les conditions objectives relatives à l’existence de ce risque étaient satisfaites, de déléguer cette vérification à la division d’opposition. Par conséquent, la chambre de recours a remplacé, dans la décision attaquée, l’expression selon laquelle il « existait » un risque de confusion par l’expression qu’il « pourrait exister » un tel risque.

11      À la suite d’un transfert de la marque demandée, la requérante, Cantina Broglie 1 Srl, a été admise à se substituer à M. Zenato dans le cadre de la présente procédure.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        confirmer la décision de la division d’opposition ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure devant la chambre de recours.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée en ce qui concerne la similitude des marques en conflit et renvoyer l’affaire devant l’OHMI pour examen de la preuve de l’usage ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Lors de l’audience, la requérante a renoncé à son deuxième chef de conclusions et l’OHMI a renoncé à son deuxième chef de conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009 et de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

16      Par son premier moyen, tiré de la violation de l’article 75 du règlement n° 207/2009, la requérante fait valoir que la décision attaquée est dépourvue de motivation. Notamment, la chambre de recours aurait affirmé que les marques en conflit étaient très similaires sans fournir d’explication.

17      L’OHMI reconnaît que la chambre de recours a fourni une motivation très succincte concernant la similitude des signes en conflit et l’existence d’un risque de confusion. Cependant, cette circonstance ne saurait justifier l’annulation de la décision attaquée, la chambre de recours ayant intentionnellement procédé à une appréciation sommaire étant donné qu’il appartenait à la division d’opposition de procéder à une vérification approfondie de l’existence des conditions nécessaires pour établir un risque de confusion.

18      En vertu de l’article 75 du règlement n° 207/2009, les décisions de l’OHMI doivent être motivées. L’obligation de motivation ainsi consacrée a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, tel qu’interprété par une jurisprudence constante, selon laquelle la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, points 64 et 65, et arrêt du Tribunal du 25 octobre 2012, riha/OHMI – Lidl Stiftung (VITAL&FIT), T‑552/10, non publié au Recueil, point 18].

19      En outre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée ; arrêt de la Cour du 17 octobre 2013, Isdin/OHMI et Bial-Portela, C‑597/12 P, non encore publié au Recueil, point 19).

20      Il convient également de rappeler que, afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, il y a lieu de déterminer leurs degrés de similitudes visuelle, phonétique ainsi que conceptuelle et, le cas échéant, d’évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêts OHMI/Shaker, point 19 supra, point 36, et Isdin/OHMI et Bial-Portela, point 19 supra, point 20).

21      En l’espèce, force est de constater que, dans la décision attaquée, la chambre de recours se contente d’affirmer que les marques en conflit sont très similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, sans fournir aucune explication sur les motifs l’ayant conduit à cette conclusion. Ainsi, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas effectué une analyse de la similitude des signes en conflit, exigée par la jurisprudence citée aux points 19 et 20 ci-dessus, et qu’elle n’a pas expliqué comment elle était parvenue à une conclusion inverse de celle retenue par la division d’opposition s’agissant de la similitude des signes.

22      Or, il convient de rappeler que la chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition au motif que, contrairement à ce qu’avait conclu cette dernière, les signes en conflit étaient similaires et que, étant donné que les produits en cause étaient identiques ou similaires, les conditions pour établir l’existence d’un risque de confusion semblaient donc réunies.

23      Dès lors, il y a lieu de conclure que la simple affirmation de l’existence d’une similitude entre les signes en conflit, sans aucune explication relative à l’examen de la comparaison de ces signes, ne permet pas à la requérante de connaître les justifications ayant conduit la chambre de recours à annuler la décision de la division d’opposition, ni au Tribunal d’exercer son contrôle sur la décision attaquée.

24      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de l’OHMI selon lequel la requérante était en mesure de comprendre la position de la chambre de recours concernant la comparaison des signes en conflit dans la mesure où, d’une part, la similitude des signes est évidente et, d’autre part, la requérante a présenté, dans son second moyen, des « contre-arguments à l’égard de la position de la chambre de recours ».

25      En effet, d’une part, l’OHMI ne saurait affirmer que la similitude entre les signes en conflit était évidente, dans la mesure où la division d’opposition avait considéré que les différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en conflit suffisaient à écarter le risque de confusion. D’autre part, la requérante ignorant les motifs pour lesquels la chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit, elle présente seulement dans sa requête les motifs pour lesquels elle considère que ces signes ne sont pas similaires. Elle ne pouvait contester de manière efficace la position de la chambre de recours selon laquelle la conclusion de la division d’opposition sur ce point était erronée. Même à supposer que la similitude entre les signes en conflit soit évidente, la chambre de recours ne pouvait se dispenser de procéder à leur comparaison ni se dispenser d’expliquer en quoi le raisonnement de la division d’opposition était manifestement erroné.

26      Par ailleurs, l’OHMI ne saurait invoquer, lors de l’audience, la motivation concernant la comparaison des signes en conflit figurant dans la décision de la division d’opposition. En effet, en l’espèce, la chambre de recours a adopté une solution distincte de celle de la division d’opposition quant à la similitude des signes en conflit et a annulé la décision de la division d’opposition. Or, selon la jurisprudence, ce n’est que lorsque la chambre de recours entérine la décision de l’instance inférieure de l’OHMI dans son intégralité, que cette décision ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision de la chambre de recours a été adoptée, contexte qui est connu des parties et qui permet au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité quant au bien‑fondé de l’appréciation de la chambre de recours [arrêts du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 47, et du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, non encore publié au Recueil, point 43].

27      Il ressort de ce qui précède que la chambre de recours n’a pas respecté l’obligation de motivation énoncée à l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009 et que, partant, le premier moyen doit être accueilli.

28      Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner le second moyen soulevé par la requérante.

 Sur les dépens

29      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

30      L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

31      En outre, la requérante conclut à la condamnation de l’OHMI aux dépens qu’elle a exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, l’OHMI ayant succombé en ses conclusions, il y a également lieu de le condamner aux dépens exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 30 septembre 2010 (affaire R 63/2010-1) est annulée.

2)      L’OHMI est condamné aux dépens, y compris ceux exposés dans la procédure devant la chambre de recours.

van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juin 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.