Language of document : ECLI:EU:T:2006:151

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

7 juin 2006 (*)

« Recours en annulation – Concurrence – Règlement nº 17 – Règlement (CE) n° 2842/98 – Décision 2001/462/CE/CECA – Conseiller-auditeur – Acte produisant des effets juridiques – Recevabilité – Intérêt légitime – Qualité de demandeur ou de plaignant – Client final acheteur des biens ou des services – Accès aux communications des griefs – Informations confidentielles – Intérêt suffisant »»

Dans les affaires jointes T-213/01 et T-214/01,

Österreichische Postsparkasse AG, établie à Vienne (Autriche), représentée initialement par Mes M. Klusmann, F. Wiemer et A. Reidlinger, puis par Me H.-J. Niemeyer, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

Bank für Arbeit und Wirtschaft AG, établie à Vienne, représentée par Me H.-J. Niemeyer, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. S. Rating, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’annulation des décisions du conseiller-auditeur du 9 août 2001 et du 25 juillet 2001, respectivement, de transmettre à un parti politique autrichien (le Freiheitliche Partei Österreichs) les versions non confidentielles des communications des griefs relatives à la procédure d’application de l’article 81 CE concernant la fixation des tarifs bancaires (COMP/36.571-Österreische Banken),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 octobre 2004,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Règlement n° 17

1        L’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), dispose :

« 1. Si la Commission constate, sur demande ou d’office, une infraction aux dispositions de l’article [81] ou de l’article [82] du traité, elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d’entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée.

2. Sont habilités à présenter une demande à cet effet:

[…]

b)      Les personnes physiques ou morales qui font valoir un intérêt légitime. »

2        L’article 19, paragraphe 2, du règlement nº 17 prévoit que, « si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant demandent à être entendues, il doit être fait droit à leur demande ».

3        L’article 20 du règlement nº 17, relatif au secret professionnel, dispose, en son paragraphe 1, que les informations recueillies en application de diverses dispositions de ce règlement « ne peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été demandées » et, en son paragraphe 2, que, « sans préjudice des dispositions des articles 19 et 21, la Commission et les autorités compétentes des États membres ainsi que leurs fonctionnaires et autres agents sont tenus de ne pas divulguer les informations qu’ils ont recueillies en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel ».

 Règlement nº 2842/98

4        Le 22 décembre 1998, la Commission a adopté le règlement (CE) nº 2842/98 relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81] et [82] du traité CE (JO L 354, p. 18), qui a remplacé le règlement nº 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l’article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 17 (JO 127, p. 2268). Le règlement nº 2842/98 distingue, aux effets de la participation à une procédure d’infraction des parties autres que celles contre lesquelles la Commission a retenu des griefs, entre, d’une part, les « demandeurs ou plaignants », d’autre part, les « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » et, enfin, les « autres tiers ».

5        En ce qui concerne les demandeurs ou plaignants, les articles 6, 7 et 8 du règlement nº 2842/98 prévoient :

« Article 6

Lorsque la Commission, saisie d’une demande présentée en application de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 […], considère que les éléments qu’elle a recueillis ne justifient pas d’y donner une suite favorable, elle en indique les motifs au demandeur ou au plaignant et leur impartit un délai pour présenter par écrit leurs observations éventuelles.

Article 7

Lorsque la Commission retient des griefs concernant une question pour laquelle elle a été saisie d’une demande ou d’une plainte visée à l’article 6, elle envoie au demandeur ou au plaignant copie de la version non confidentielle des griefs et fixe le délai dans lequel celui-ci peut lui faire connaître son point de vue par écrit.

Article 8

La Commission peut, le cas échéant, donner aux demandeurs et plaignants qui en auront fait la demande dans leurs observations écrites l’occasion de lui faire connaître leur point de vue oralement. »

6        L’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 2842/98 précise :

«1. Si des parties autres que celles qui sont visées aux chapitres II [parties contre lesquelles la Commission a retenu des griefs] et III [demandeurs et plaignants] demandent à être entendues et justifient d’un intérêt suffisant, la Commission les informe par écrit de la nature et de l’objet de la procédure et fixe le délai dans lequel elles peuvent lui faire connaître leur point de vue par écrit.

2. La Commission peut, le cas échéant, inviter les parties visées au paragraphe 1 à développer leurs arguments lors de l’audition des parties contre lesquelles des griefs ont été retenus, si elles en font la demande dans leurs observations écrites. »

7        Enfin, l’article 9, paragraphe 3, du règlement nº 2842/98 dispose que la Commission peut donner « à tout autre tiers » l’occasion d’exprimer oralement son point de vue.

8        Concernant la confidentialité des informations recueillies dans le cadre de la procédure d’infraction, l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que les informations recueillies ne peuvent être communiquées lorsqu’elles contiennent des secrets d’affaires ou d’autres informations confidentielles, la Commission devant prendre toutes les dispositions appropriées en matière d’accès au dossier pour veiller à ce qu’elles ne soient pas divulguées.

 Décision 2001/462

9        Le 23 mai 2001, la Commission a adopté la décision 2001/462/CE, CECA relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence (JO L 162, p. 21), qui a abrogé la décision 94/810/CECA, CE de la Commission, du 12 décembre 1994, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans le cadre des procédures de concurrence devant la Commission (JO L 330, p. 67, ci-après la « décision 94/810 »).

10      L’article 1er de la décision 2001/462 précise que le conseiller-auditeur doit « veiller à l’exercice du droit d’être entendu dans le cadre des procédures de concurrence devant la Commission fondées sur les articles 81 [CE] et 82 [CE] ».

11      En outre, l’article 9, premier et deuxième alinéas, de la décision 2001/462, qui a remplacé l’article 5, paragraphes 3 et 4, de la décision 94/810 dont les termes étaient pratiquement identiques, dispose:

« Lorsqu’il est envisagé de divulguer une information susceptible de constituer un secret d’affaires d’une entreprise, l’entreprise concernée est informée par écrit des intentions et motifs de cette divulgation. Un délai est imparti à l’entreprise concernée pour lui permettre de présenter par écrit ses observations éventuelles.

Lorsque l’entreprise concernée s’oppose à la divulgation de l’information et que l’information est considérée comme non protégée et peut donc être divulguée, cette constatation est exposée dans une décision motivée, qui est notifiée à l’entreprise concernée. La décision précise le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée. Ce délai ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification. »

 Faits à l’origine des recours 

 Antécédents du litige

12      Les requérantes, l’Österreichische Postsparkasse AG (affaire T‑213/01) et la Bank für Arbeit und Wirtschaft AG (ci-après la « BAWAG », affaire T‑214/01), sont des établissements de crédit autrichiens.

13      Le 6 mai 1997, la Commission a eu connaissance d’un document intitulé « Lombard 8.5 » et a, à la lumière de ce document, engagé d’office une procédure d’infraction à l’article 81 CE contre les requérantes et six autres banques autrichiennes, conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17.

14      Par lettre du 24 juin 1997, un parti politique autrichien, le Freiheitliche Partei Österreichs (ci-après le « FPÖ »), a transmis à la Commission le document « Lombard 8.5 » et a sollicité l’ouverture d’une procédure d’enquête à l’encontre de huit banques autrichiennes − au nombre desquelles figure la requérante dans l’affaire T‑214/01, mais non la requérante dans l’affaire T‑213/01 − afin de faire constater une infraction aux articles 81 CE et 82 CE. Il a fondé sa demande sur le fait qu’en sa qualité de parti politique il avait pour mission de surveiller le libre accès au marché commun et la réalisation d’une concurrence non restreinte.

15      Par lettre du 26 février 1998, la Commission a informé le FPÖ, conformément à l’article 6 du règlement n° 99/63 (devenu article 6 du règlement nº 2842/98), de son intention de rejeter sa demande. La Commission a indiqué que seules les personnes ou les associations de personnes qui ont un intérêt légitime, au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17, étaient habilitées à présenter une demande et que, pour cela, le demandeur « [devait] être [affecté] ou être susceptible d’être affecté en tant qu’acteur économique par la restriction de concurrence ». Un intérêt général relatif à la protection de l’ordre juridique ne suffirait pas pour constituer un intérêt légitime à cet égard.

16      Le FPÖ a répondu, par lettre du 2 juin 1998, qu’il participait, en sa qualité de parti politique et par le biais de nombreux membres, à la vie économique courante, qu’il effectuait quotidiennement d’innombrables opérations bancaires et qu’il avait donc subi un préjudice économique du fait des pratiques dénoncées. Il justifierait donc d’un intérêt légitime au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17. Pour ces raisons, il a de nouveau demandé à participer à la procédure d’infraction et à avoir ainsi connaissance des griefs.

17      En juin 1998, la Commission a effectué des vérifications auprès de plusieurs établissements de crédit autrichiens, dont les requérantes.

18      Le 16 décembre 1998, les banques concernées par la procédure COMP/36.571 ont transmis à la Commission un exposé commun des faits, accompagné de 40 000 pages de pièces justificatives. Dans une note liminaire, elles ont demandé à la Commission de réserver un traitement confidentiel à cet exposé, en indiquant que « [l]a Commission [était] priée, en vertu de l’article 20 du règlement n° 17/62, de ne pas le divulguer aux tiers ».

19      Par lettres du 13 septembre 1999, la Commission a transmis aux requérantes une première communication des griefs, datée du 10 septembre 1999, dans laquelle elle leur reprochait d’avoir conclu des accords anticoncurrentiels avec d’autres banques autrichiennes portant sur les frais et les conditions applicables à la clientèle – particuliers et entreprises – et d’avoir ainsi enfreint l’article 81 CE.

20      Au début d’octobre 1999, la Commission a informé oralement les requérantes de son intention de transmettre la communication des griefs du 10 septembre 1999 au FPÖ, conformément à l’article 7 du règlement n° 2842/98.

21      Par lettres du 6 et du 12 octobre 1999, les requérantes se sont adressées à la Commission, en s’opposant à une telle transmission. Elles ont fait valoir que le FPÖ n’avait pas d’intérêt légitime au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et ne pouvait, dès lors, être qualifié de demandeur au sens de cette disposition. Elles ont, en outre, exposé leurs craintes de voir le FPÖ abuser des griefs à des fins politiques.

22      Par lettres du 5 novembre 1999, les services de la direction générale (DG) « Concurrence » ont répondu aux requérantes, en indiquant que le FPÖ était client de services bancaires et que, partant, il découlait de l’article 7 du règlement nº 2842/98 l’obligation de lui transmettre une version non confidentielle des griefs. Ces lettres faisaient parvenir aux requérantes une liste des passages de la communication des griefs du 10 septembre 1999 qui ne devaient pas être communiqués, laquelle prévoyait la suppression de certains noms et postes de personnes physiques et leur substitution par une description générique de leurs fonctions (ci-après la « liste 1 »). En outre, ces lettres indiquaient que l’annexe A de la communication des griefs, contenant la liste des références aux documents joints à celle-ci, et non les documents proprement dits, devait être transmise. Selon ces lettres, il était possible de s’adresser au conseiller-auditeur en cas de désaccord.

23      Par lettres des 17 et 18 novembre 1999, les requérantes se sont adressées au conseiller-auditeur afin de protester à nouveau contre la transmission annoncée de la communication des griefs du 10 septembre 1999 au FPÖ. À titre subsidiaire, les requérantes ont indiqué qu’il convenait de supprimer de la version de la communication des griefs à transmettre toutes les indications relatives à l’identité des entreprises concernées. La requérante dans l’affaire T‑213/01 a également demandé la suppression de toutes les informations sur les intérêts, les frais et les conditions commerciales appliquées par les banques.

24      Les 18 et 19 janvier 2000, une audition a eu lieu au sujet des comportements reprochés dans la communication des griefs du 10 septembre 1999. Le FPÖ n’a pas pris part à cette audition.

25      Par lettres du 21 novembre 2000, la Commission a notifié une communication des griefs complémentaire aux requérantes, dans laquelle elle leur reprochait d’avoir conclu des accords anticoncurrentiels avec d’autres banques autrichiennes portant sur des frais bancaires applicables à l’échange entre devises et euros.

26      Une deuxième audition a eu lieu le 27 février 2001, à laquelle le FPÖ n’a pas non plus assisté.

27      Par lettre du 13 mars 2001, le FPÖ a renouvelé sa demande en faisant valoir que la Commission lui avait annoncé, par lettres du 5 octobre 1999 et du 16 mars 2000, la transmission des versions non confidentielles des griefs, mais que cette transmission n’avait jamais eu lieu. Le FPÖ indiquait également n’avoir pas été informé des auditions et, partant, avoir été exclu des étapes essentielles de la procédure, ce qui violait son droit à être entendu et à participer à la procédure. Le FPÖ a donc réitéré sa demande de transmission des communications des griefs ainsi que des observations des banques concernées sur ces communications et a, en outre, sollicité de pouvoir formuler ses observations et de participer à une audience complémentaire.

28      Par lettres du 27 mars 2001, le conseiller-auditeur a fait savoir aux requérantes que le FPÖ avait réitéré sa demande d’obtenir les communications des griefs et qu’il avait l’intention d’y répondre favorablement. Concernant les informations confidentielles à supprimer de la communication des griefs du 10 septembre 1999, le conseiller-auditeur a joint la liste 1 et a, en outre, rejeté les demandes des requérantes, formulées dans leurs lettres du 17 et du 18 novembre 1999, relatives à la suppression de l’identité des banques. Le conseiller-auditeur a aussi rejeté la demande de la requérante dans l’affaire T‑213/01 concernant la suppression de certaines autres données. Concernant la communication complémentaire du 21 novembre 2000, sur laquelle les requérantes ne s’étaient pas encore exprimées, le conseiller-auditeur a transmis une liste de passages (ci-après la « liste 2 ») qui prévoyait la suppression de certains noms et postes de personnes physiques et sa substitution par une description de leurs fonctions. Il a informé les requérantes de la possibilité de présenter des observations à cet égard.

29      Par lettre du 18 avril 2001, la requérante dans l’affaire T‑214/01 s’est, à nouveau, opposée à la transmission des communications des griefs au FPÖ et a invité la Commission à préciser les raisons pour lesquelles elle s’estimait soudain obligée de faire droit à la demande de celui-ci. De même, par lettre du 24 avril 2001, la requérante dans l’affaire T‑213/01 a réitéré son opposition à cette transmission et, subsidiairement, a exposé que, au cas où il existerait une obligation de transmettre les griefs, la communication des griefs du 10 septembre 1999 devrait être totalement anonyme. Elle a en revanche indiqué que la communication des griefs du 21 novembre 2000 ne contenait pas des secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles, en dehors de celles que le conseiller-auditeur proposait de supprimer dans la liste 2. 

30      Par lettres du 5 juin 2001, le conseiller-auditeur a confirmé l’obligation de transmettre les griefs au FPÖ. S’agissant des informations confidentielles à protéger, le conseiller-auditeur a attiré l’attention de la requérante dans l’affaire T‑214/01 sur le fait qu’elle n’avait fait valoir dans son courrier précédent aucune observation concernant les informations contenues dans les listes 1 et 2 et que, par conséquent, il en déduisait qu’elle ne soulevait aucune objection juridique décisive à l’encontre de la transmission des versions non confidentielles des griefs au FPÖ. En ce qui concerne la requérante dans l’affaire T‑213/01, il lui a communiqué qu’il déduisait de son dernier courrier qu’elle donnait son accord au contenu des listes 1 et 2, hormis la question de l’anonymat de la communication des griefs du 10 septembre 1999. Le conseiller-auditeur lui a demandé par ailleurs de présenter des observations et l’a informée que, en cas de refus, une décision en vertu de l’article 5, paragraphe 4, de la décision 94/810 (devenu article 9, deuxième alinéa, de la décision 2001/462) serait adoptée.

31      Par lettre du 25 juin 2001, la requérante dans l’affaire T‑214/01 a, à nouveau, demandé au conseiller-auditeur de renoncer à cette transmission, et l’a prié de l’informer des suites de la procédure.

32      Par lettre du 25 juin 2001, la requérante dans l’affaire T‑213/01 a demandé à la Commission de clarifier l’état de l’affaire, en l’invitant notamment à prendre une décision susceptible de faire l’objet d’un recours.

 Décision litigieuse dans l’affaire T‑214/01

33      Par lettre du 25 juillet 2001, le conseiller-auditeur a adopté la décision clôturant, à l’égard de la requérante dans l’affaire T‑214/01, la procédure relative à la transmission des communications des griefs du 10 septembre 1999 et du 21 novembre 2000 au FPÖ (ci-après la « décision litigieuse dans l’affaire T‑214/01 »). Cette lettre est libellée comme suit :

« À la suite de votre lettre [du 25 juin 2001], j’ai une nouvelle fois examiné l’affaire et ses possibles conséquences juridiques. Je résume les résultats de cet examen comme suit:

1. Je maintiens ma thèse antérieure en ce qui concerne le droit du FPÖ de présenter une demande. Il a déjà été définitivement statué sur cette question par MM. Van Miert et Monti en 1999. Leur décision – qui est une mesure d’organisation de la procédure – me semble ne pas pouvoir faire l’objet d’un recours isolé, mais n’être tout au plus attaquable que dans le cadre d’une action engagée contre la décision de la Commission qui clôturera la procédure au principal.

2. La décision 2001/462 […] ne permet pas de retenir une solution contraire. L’article 9 de cette décision donne pouvoir au conseiller-auditeur de décider, au nom de la Commission, si certaines des informations contenues dans les pièces du dossier constituent des secrets d’affaires et sont ainsi protégées contre une divulgation. En revanche, le conseiller-auditeur n’est pas compétent pour statuer sur la question de savoir si une personne physique ou morale au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 est habilitée à présenter une demande visant à mettre fin à des infractions. Une telle compétence ne saurait davantage être fondée sur une application par analogie de l’article 9 de la décision 2001/462 […]

Eu égard aux considérations qui précèdent, j’ai le regret de rejeter comme irrecevable la demande que vous avez présentée au nom de la BAWAG, visant à ce que les griefs ainsi que les griefs complémentaires ne soient pas transmis au FPÖ.

Je vous prie de m’indiquer dans la semaine suivant la réception de cette lettre si vous envisagez d’introduire un recours dans cette affaire et de présenter une demande en référé. Les documents mentionnés ne seront en aucun cas transmis au FPÖ avant l’expiration de ce délai d’une semaine.

[…] »

 Décision litigieuse dans l’affaire T‑213/01

34      Par lettre du 9 août 2001, le conseiller-auditeur a adopté la décision clôturant, à l’égard de la requérante dans l’affaire T‑213/01, la procédure relative à la transmission des communications des griefs du 10 septembre 1999 et du 21 novembre 2000 au FPÖ (ci-après la « décision litigieuse dans l’affaire T‑213/01 »). Cette décision indique : « Après un nouvel examen des faits et des points de droit, nous décidons de trancher les questions sur lesquelles votre mandante et la Commission s’opposent dans le même sens que dans notre lettre du 5 [juin] 2001. »

35      En premier lieu, le conseiller-auditeur expose que c’est le membre de la Commission en charge de la concurrence qui décide de la qualité de demandeur d’un tiers au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17. La décision en faveur du FPÖ aurait déjà été prise au cours de l’année 1999 par M. Van Miert et confirmée ensuite par M. Monti, raison pour laquelle il n’y aurait pas lieu de soumettre de nouveau la question, en l’absence d’éléments factuels nouveaux (point 1 de la décision litigieuse). De plus, la reconnaissance au FPÖ de la qualité de demandeur constituerait un acte de procédure qui ne pourrait pas faire l’objet d’un recours distinct, les objections contre cet acte ne pouvant être formulées que dans le cadre d’un recours contre la décision de la Commission mettant fin à la procédure (point 2 de la décision).

36      En deuxième lieu, le conseiller-auditeur observe que la reconnaissance de la qualité de demandeur au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 comporte l’obligation de lui transmettre une version non confidentielle des griefs, conformément à l’article 7 du règlement n° 2842/98. Le fait que la procédure ait été ouverte d’office ou à la suite d’une demande formée au titre dudit article 3 n’aurait aucune importance à cet égard (point 2 de la décision). 

37      En troisième lieu, le conseiller-auditeur se prononce sur les informations à retirer des communications des griefs du 10 septembre 1999 et du 21 novembre 2000, afin de tenir compte des secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles (point 4 de la décision). Ainsi, il décide de supprimer toutes les données et informations figurant dans les listes 1 et 2 à propos desquelles la requérante dans l’affaire T‑213/01 avait donné son accord dans son dernier courrier. En revanche, le conseiller-auditeur considère que l’identité de cette dernière ne constitue pas un secret d’affaires ni une information confidentielle susceptible d’être protégée [point 4, sous a), de la décision]. De même, s’agissant des informations relatives à sa politique commerciale contenues dans la communication des griefs du 10 septembre 1999, le conseiller-auditeur indique qu’il n’est pas nécessaire d’effacer ces informations, car il s’agit de données chiffrées qui remontent à plusieurs années [point 4, sous b), de la décision].

38      Le conseiller-auditeur conclut « qu’il y a lieu de transmettre au FPÖ, en vue d’une prise de position dans l’affaire en cours COMP/36.571-Banques autrichiennes, la version actuelle adaptée de la communication des griefs du 10 septembre 1999 ainsi que de la communication complémentaire des griefs du 21 novembre 2000 » et que cette décision « est prise au titre de l’article 9, paragraphe 2, de la décision 2001/462 ». Le conseiller-auditeur demande, enfin, à la requérante de lui faire savoir, dans un délai d’une semaine après la notification de sa décision, si elle a l’intention d’introduire un recours à l’encontre de celle-ci ainsi que de demander une mesure provisoire contre son exécution, tout en précisant que la Commission ne transmettrait pas au FPÖ les communications des griefs susmentionnées avant l’expiration de ce délai.

 Procédure et conclusions des parties

39      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 19 septembre 2001, les requérantes ont introduit les présents recours en annulation contre les décisions litigieuses. 

40      Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont saisi le juge des référés de demandes visant, à titre principal, au sursis à l’exécution des décisions litigieuses et, à titre subsidiaire, à ce qu’il soit enjoint à la Commission de ne pas transmettre les communications des griefs du 10 septembre 1999 et du 21 novembre 2000, dans l’affaire COMP/36.571, au FPÖ.

41      Par ordonnance du 14 décembre 2001, le président de la cinquième chambre a ordonné, après avoir entendu les parties, la jonction des affaires T‑213/01 et T‑214/01.

42      Par ordonnances du 20 décembre 2001, Österreichische Postsparkasse/Commission (T‑213/01 R, Rec. p. II‑3967), et Bank für Arbeit und Wirtschaft/Commission (T‑214/01 R, Rec. p. II‑3993), le président du Tribunal a rejeté les demandes en référé des requérantes, en estimant que les conditions relatives à l’urgence n’étaient pas satisfaites et que la balance des intérêts ne penchait pas en faveur du sursis à l’exécution des décisions litigieuses, et a réservé les dépens.

43      En janvier 2002, la Commission a transmis au FPÖ les versions établies comme non confidentielles des communications des griefs.

44      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 12 février 2002, la requérante dans l’affaire T-214/01 a présenté un mémoire en observations dans la procédure au principal contenant des faits nouveaux dont elle avait pris connaissance après le dépôt de son mémoire en réplique. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 13 février 2002, la requérante dans l’affaire T‑213/01 s’est ralliée entièrement à ce mémoire en observations. Le 15 mars 2002, la Commission a présenté des observations sur ces documents.

45      Par lettres du 30 mars 2004 et du 16 juillet 2004, le Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité la Commission à produire certains documents et à répondre à des questions écrites. La Commission a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

46      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 octobre 2004.

48      La requérante dans l’affaire T‑213/01 conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du conseiller-auditeur du 9 août 2001;

–        condamner la Commission aux dépens.

49      La requérante dans l’affaire T‑214/01 conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du conseiller-auditeur du 25 juillet 2001 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

50      Dans les deux affaires, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter les recours comme irrecevables et, en tout état de cause, comme dépourvus de fondement ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 Sur la recevabilité

51      La Commission invoque trois moyens d’irrecevabilité, tirés, en premier lieu, de l’absence d’objet du litige en raison de la transmission effective des griefs au FPÖ, en deuxième lieu, de l’absence d’effets juridiques de l’acte attaqué sur les intérêts des requérantes et, en troisième lieu, de la tardiveté des recours.

 Sur le moyen tiré de l’absence d’objet du litige à la suite de la transmission effective des communications des griefs au FPÖ

52      La Commission fait valoir que les recours ont pour seul objet d’empêcher que soit transmise au FPÖ une version, quelle qu’elle soit, des communications des griefs et, à titre subsidiaire, les versions non confidentielles établies par le conseiller-auditeur. Or, les communications des griefs ont été transmises au FPÖ en janvier 2002. Les recours seraient donc devenus sans objet du fait de cette transmission, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure.

53      Le Tribunal rappelle qu’un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué (arrêt du Tribunal du 9 novembre 1994, Scottish Football/Commission, T‑46/92, Rec. p. II‑1039, point 14). Un tel intérêt n’existe que si l’annulation de l’acte est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (arrêt de la Cour du 24 juin 1986, Akzo Chemie/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, ci-après l’« arrêt Akzo », point 21).

54      À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 233 CE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures qu’implique l’exécution de l’arrêt. Ces mesures n’ont pas trait à la disparition de l’acte de l’ordre juridique communautaire, puisque cette disparition résulte de l’annulation même par le juge. Elles concernent notamment l’anéantissement des effets produits par l’acte en question et qui sont affectés par les illégalités constatées. L’annulation d’un acte qui a déjà été exécuté est toujours susceptible d’avoir des conséquences juridiques. En effet, l’acte a pu produire des effets juridiques pendant la période au cours de laquelle il a été en vigueur et ces effets n’ont pas nécessairement disparu en raison de l’annulation de l’acte. De même, l’annulation d’un acte peut permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est entaché ne se reproduise dans l’avenir. Pour ces raisons, un arrêt d’annulation est la base à partir de laquelle l’institution concernée peut être amenée à effectuer une remise en état adéquate de la situation du requérant ou à éviter d’adopter un acte identique (arrêt de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 32, et arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 41).

55      En l’espèce, le fait que les communications des griefs ont été transmises au FPÖ après l’introduction des recours, dont l’objet vise à contester la légalité des décisions sur la base desquelles cette transmission s’est effectuée, n’a pas pour effet de priver d’objet lesdits recours. En effet, l’éventuelle annulation des décisions litigieuses est susceptible par elle-même d’avoir des conséquences juridiques sur la situation des requérantes, notamment en évitant le renouvellement d’une telle pratique de la part de la Commission et en rendant illégale l’utilisation des communications des griefs qui auraient été irrégulièrement transmises au FPÖ (arrêt Akzo, point 21).

56      Les arguments de la Commission tirés de l’absence d’objet du litige à la suite de la transmission effective de communications des griefs au FPÖ doivent donc être rejetés.

 Sur le moyen tiré de l’absence d’effets juridiques des actes attaqués

 Arguments des parties

57      La Commission fait remarquer que la décision litigieuse dans l’affaire T‑213/01 ne contient qu’un seul acte décisionnel, à savoir la prise de position du conseiller-auditeur sur la confidentialité des informations contenues dans les communications des griefs à transmettre au FPÖ. En effet, le seul élément qui pourrait « entraîner des conséquences » pour la requérante serait la transmission de certains documents confidentiels à un demandeur ou à un tiers, ce qui relèverait de l’arrêt Akzo. Dans l’affaire T‑214/01, la décision litigieuse ne trancherait pas cette question, qui aurait déjà été réglée auparavant. En effet, la requérante, dans sa lettre du 18 avril 2001, aurait accepté que les versions des communications des griefs ne contiennent pas d’informations confidentielles. Selon la Commission, la décision litigieuse dans cette deuxième affaire porte uniquement sur le rejet du conseiller-auditeur de la demande de la requérante du 25 juin 2001 visant à ce que soit réexaminé le droit reconnu au FPÖ d’obtenir une version non confidentielle des communications des griefs. Or, cette décision serait dépourvue de tout effet juridique contraignant à l’égard de la requérante.

58      La Commission soutient que la reconnaissance de la qualité de demandeur du FPÖ n’a pas d’effets juridiques sur les requérantes, car, à supposer que la Commission ait pris une décision sur ce point, il s’agirait seulement d’une mesure d’organisation de la procédure qui ne pourrait faire l’objet d’un recours distinct du recours intenté contre la décision finale de constatation de l’infraction (arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑10/92 à T‑12/92 et T‑15/92, Rec. p. II‑2667, ci-après l’« arrêt Cimenteries », point 28).

59      De même, la Commission fait remarquer que le droit à la transmission des versions non confidentielles des communications des griefs au FPÖ résulte automatiquement de l’article 7 du règlement n° 2842/98. Les requérantes n’attaqueraient donc pas une décision les affectant directement, mais l’article 7 dudit règlement.

60      Les requérantes prétendent que les recours sont recevables, car ils sont dirigés contre des décisions qui produisent des effets juridiques contraignants et qui sont dès lors des actes attaquables.

61      Dans l’affaire T‑213/01, la transmission des communications des griefs au FPÖ affecterait le droit de la requérante au traitement confidentiel des secrets d’affaires et des autres informations confidentielles qui y seraient exposées, ce qui affecterait de manière irréversible sa situation juridique et pourrait, dès lors, faire l’objet d’un recours autonome (arrêt Akzo, et ordonnance du président du Tribunal du 1er décembre 1994, Postbank/Commission, T‑353/94 R, Rec. p. II‑1141, point 25).

62      Dans l’affaire T‑214/01, la décision litigieuse fixerait le point de vue du conseiller-auditeur sur la transmission des communications des griefs au FPÖ. Cette décision aurait été prise sur la base de la décision 2001/462, qui prévoirait que les décisions du conseiller-auditeur de communiquer les griefs à un tiers peuvent être attaquées. La communication d’une version même non confidentielle des griefs représenterait une nuisance irréversible pour l’entreprise concernée. De plus, la version de la communication des griefs du 10 septembre 1999 à transmettre au FPÖ comporterait, en tout état de cause, de nombreuses informations confidentielles couvertes par la garantie de la confidentialité, telles que les noms de personnes et des banques concernées par la procédure. L’ordonnance du président du Tribunal du 20 décembre 2001, rendue dans le cadre de la procédure de référé, aurait ainsi considéré que la mesure attaquée pouvait modifier la situation juridique de la requérante.

63      Les requérantes soutiennent que la reconnaissance de la qualité de demandeur au FPÖ, au titre de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17, et le droit du FPÖ à la transmission des griefs relèvent du contrôle juridictionnel. La Cour aurait énoncé, dans l’arrêt Akzo, que la transmission des griefs serait soumise à un tel contrôle non seulement quant à l’étendue des informations à protéger, mais également dans son principe. De plus, en raison de l’atteinte grave que la transmission des griefs pourrait porter aux droits à la présomption d’innocence et à la protection des données personnelles prévus aux articles 8 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « charte »), la reconnaissance de la qualité de demandeur d’un tiers ne pourrait relever du pouvoir d’appréciation de la Commission, mais serait soumise aux conditions de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 7 du règlement nº 2842/98, ce qui serait contrôlable devant le Tribunal.

 Appréciation du Tribunal

64      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 230 CE les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et arrêt Cimenteries, point 28).

65      En principe, les mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale ne constituent donc pas des actes attaquables. Il ressort toutefois de la jurisprudence que les actes pris au cours de la procédure préparatoire qui constituent en eux-mêmes le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de celle qui doit permettre à la Commission de statuer sur le fond et qui produisent des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci constituent également des actes attaquables (arrêt IBM/Commission, précité, points 10 et 11).

66      Ainsi, il ressort de la jurisprudence, d’une façon claire et non équivoque, que la décision de la Commission informant une entreprise mise en cause dans une procédure d’infraction de ce que les informations transmises par celle-ci ne sont pas couvertes par le traitement confidentiel garanti par le droit communautaire et peuvent donc être communiquées à un tiers plaignant produit des effets juridiques à l’égard de l’entreprise en question en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique en ce qu’elle lui refuse le bénéfice d’une protection prévue par le droit communautaire et revêt un caractère définitif et indépendant de la décision finale constatant une infraction aux règles de concurrence. De plus, la possibilité dont dispose l’entreprise d’intenter un recours contre la décision finale constatant une infraction aux règles de concurrence n’est pas de nature à lui donner une protection adéquate de ses droits en cette matière. D’une part, la procédure administrative peut ne pas aboutir à une décision de constatation d’infraction. D’autre part, le recours ouvert contre cette décision, si elle intervient, ne fournit de toute façon pas à l’entreprise le moyen de prévenir les effets irréversibles qu’entraînerait une communication irrégulière de certains de ses documents (arrêt Akzo, points 18 à 20). Une telle décision est donc susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

67      Les présents recours tendent à l’annulation des décisions du conseiller-auditeur du 25 juillet 2001 et du 9 août 2001 de transmettre au FPÖ les versions non confidentielles des communications des griefs relatives à la procédure d’application de l’article 81 concernant la fixation des tarifs bancaires (COMP/36.571 – Banques autrichiennes), et cela à l’encontre de la position des requérantes, qui étaient visées par ces communications et qui s’étaient opposées à leur transmission au FPÖ.

68      La réglementation applicable reconnaît aux tiers qui font valoir un intérêt légitime le droit d’obtenir la transmission d’une version non confidentielle de la communication des griefs, et ce afin de pouvoir faire connaître leur point de vue par écrit. Ainsi, l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 17 dispose que les personnes physiques ou morales qui font valoir un intérêt légitime sont habilitées à présenter une demande afin de faire constater par la Commission une infraction aux articles 81 CE et 82 CE. L’article 7 du règlement nº 2842/98 indique également que, lorsque la Commission retient des griefs concernant une question pour laquelle elle a été saisie d’une demande ou d’une plainte, elle envoie au demandeur ou au plaignant une copie de la version non confidentielle de la communication des griefs afin qu’il puisse lui faire connaître son point de vue par écrit.

69      Pour autant, il ressort de l’article 9, deuxième alinéa, de la décision 2001/462 que, lorsque l’entreprise mise en cause par une procédure d’infraction aux articles 81 CE et 82 CE s’oppose à la divulgation à un tiers d’une information susceptible de constituer un secret d’affaires, et que l’information est considérée par la Commission comme non protégée et qu’elle peut donc être divulguée, cette constatation est exposée dans une décision motivée qui est notifiée à l’entreprise concernée.

70      En l’espèce, la décision litigieuse dans l’affaire T‑213/01 met fin à la procédure de transmission au FPÖ de la « version actuelle adaptée » de la communication des griefs du 10 septembre 1999 ainsi que de la communication complémentaire des griefs du 21 novembre 2000. Cette décision rejette tant l’opposition de la requérante à la transmission au FPÖ de ces documents que le traitement confidentiel revendiqué par celle-ci en ce qui concerne certaines informations qu’ils contenaient. La décision litigieuse dans l’affaire T‑214/01, à son tour, rejette d’une manière définitive l’opposition de la requérante à la transmission des communications des griefs en cause au FPÖ. Les deux décisions ont été prises sur la base de l’article 9, deuxième alinéa, de la décision 2001/462, lequel prévoit que, lorsque l’entreprise concernée s’oppose à la divulgation d’une information et que le conseiller-auditeur considère celle-ci comme non protégée et pouvant donc être divulguée, cette constatation est exposée dans une décision motivée, qui est notifiée à l’entreprise concernée, la décision devant préciser le délai à l’expiration duquel l’information sera divulguée – délai qui ne peut être inférieur à une semaine à compter de la date de la notification. En l’occurrence, le conseiller-auditeur a demandé aux requérantes de l’informer, dans un délai d’une semaine, si elles envisageaient d’introduire un recours ou de présenter une demande en référé. Il est indiqué à cet égard que les communications des griefs susmentionnées ne seraient pas transmises au FPÖ avant l’expiration dudit délai.

71      Les décisions litigieuses constituent ainsi le terme ultime d’une procédure spéciale distincte de la procédure générale d’application de l’article 81 CE en fixant définitivement la position de la Commission sur la question de la transmission des versions non confidentielles des communications des griefs au FPÖ. Ces décisions impliquent nécessairement que soit reconnue, au préalable, la qualité de demandeur titulaire d’un intérêt légitime du FPÖ au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17, puisque c’est de cette qualité que découle le droit du FPÖ à la transmission des communications des griefs, en application de l’article 7 du règlement n° 2842/98.

72      En conséquence, les requérantes peuvent contester dans leurs recours tant la décision du conseiller-auditeur de transmettre la version non confidentielle des communications des griefs au FPÖ que l’élément indispensable qui est à la base de cette décision, à savoir la reconnaissance par la Commission de l’intérêt légitime du FPÖ, en application de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17. À défaut, les requérantes ne seraient pas en mesure d’empêcher que les griefs soulevés contre elles par la Commission soient portés à la connaissance d’un tiers ayant présenté une demande ou une plainte qui ne serait pas titulaire de l’intérêt légitime exigé par la réglementation communautaire, ou – dans l’hypothèse où cette transmission a déjà eu lieu – de demander que soit déclarée illégale l’utilisation par ledit tiers des informations en cause.

73      Il ressort de ce qui précède que le moyen d’irrecevabilité tiré de l’absence d’effets juridiques, respectivement, de la décision litigieuse dans l’affaire T‑214/01 et des prises de position du conseiller-auditeur contenues dans la décision litigieuse dans l’affaire T‑213/01 et relatives à la reconnaissance de la qualité de demandeur du FPÖ et au droit du FPÖ à la transmission des communications des griefs doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré du caractère tardif des recours

 Arguments des parties

74      La Commission soutient que les décisions litigieuses n’ont qu’un caractère confirmatif à propos de la reconnaissance de la qualité de demandeur du FPÖ et au droit de ce dernier à la transmission des communications des griefs. Les recours seraient, par conséquent, hors délai à cet égard.

75      Concernant la reconnaissance de la qualité de demandeur du FPÖ au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17, la Commission expose qu’elle a adopté une décision définitive sur ce point au cours de l’année 1999, en ayant informé les requérantes par lettres du 5 novembre 1999. Dans sa lettre du 27 mars 2001, le conseiller-auditeur se serait borné à confirmer que l’intérêt du FPÖ à présenter une demande avait été reconnu et aurait réitéré son explication à ce propos. En tout état de cause, même si la lettre du 27 mars 2001 contenait une décision à cet égard, la requérante ne l’aurait pas non plus attaquée. Enfin, les requérantes auraient elles-mêmes reconnu dans leurs requêtes que la décision litigieuse ne ferait que « confirmer » la position procédurale conférée au FPÖ par une décision antérieure.  

76      S’agissant du droit à la transmission des communications des griefs du FPÖ, la Commission soutient qu’elle aurait déjà prévenu les requérantes, oralement au début d’octobre 1999 puis par lettres du 5 novembre 1999, qu’elle comptait procéder conformément audit article 7 du règlement nº 2842/98. Par conséquent, même si la Commission avait adopté une « décision » concernant le droit du FPÖ à recevoir la communication des griefs et si celle-ci était un acte attaquable, la décision litigieuse ne ferait que la confirmer sur ce point et ne pourrait donc faire l’objet d’un recours.

77      Les requérantes soutiennent que les recours ne sont pas hors délai. Seules les décisions litigieuses fixeraient le point de vue définitif de la Commission concernant la qualité de plaignant du FPÖ et la transmission des communications des griefs à celui-ci, tous les courriers antérieurs du conseiller-auditeur et des services de la Commission constituant de simples mesures préparatoires. Partant, ces décisions mettant fin à la procédure de transmission des communications des griefs au FPÖ ne seraient pas des actes purement confirmatifs.

 Appréciation du Tribunal

78      Le Tribunal a jugé ci-dessus que les requérantes peuvent remettre en cause dans le cadre des présents recours contre les décisions finales qui mettent fin aux procédures spéciales de transmission des communications des griefs au FPÖ l’élément qui est à la base de ces décisions, à savoir la reconnaissance par la Commission de l’intérêt légitime et de la qualité de demandeur du FPÖ au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17, duquel découle son droit à recevoir la version non confidentielle des communications des griefs, conformément à l’article 7 du règlement n° 2842/98.

79      Dès lors, la Commission ne peut utilement soutenir que les requérantes auraient dû introduire un recours à l’encontre des différentes mesures intermédiaires prises dans le cadre de ces procédures de transmission des communications des griefs pour en déduire que les présents recours – introduits à l’encontre des décisions qui closent lesdites procédures – ne peuvent contester les mesures intermédiaires à partir desquels ces décisions ont été adoptées.

80      Il ressort de ce qui précède que le moyen d’irrecevabilité tiré du caractère tardif des recours doit être rejeté. 

 Sur le fond

81      Les requérantes invoquent sept moyens à l’appui de leurs recours. Les premier et deuxième moyens sont tirés de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 6 du règlement nº 2842/98 ainsi que d’un défaut de motivation. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe d’économie de procédure. Le quatrième moyen est fondé sur la violation des droits de la défense du fait de la transmission tardive des griefs au FPÖ. Le cinquième moyen est tiré de la forclusion du droit du FPÖ à intervenir dans la procédure. Le sixième moyen est pris de la violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 lu en combinaison avec l’article 287 CE, en ce que la transmission des griefs au FPÖ a violé leur droit à la confidentialité de leurs secrets d’affaires. Enfin, le septième moyen est pris de la violation du principe de confiance légitime.

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 6 du règlement nº 2842/98 ainsi que d’un défaut de motivation

82      Les requérantes font valoir que la décision du conseiller-auditeur de transmettre les communications des griefs au FPÖ est illégale dans la mesure où ce dernier ne peut être qualifié de demandeur au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 6 du règlement nº 2842/98.

83      À l’appui de leur thèse, les requérantes soutiennent, premièrement, qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la demande présentée par le FPÖ et l’ouverture de la procédure, deuxièmement, que le FPÖ ne justifie pas d’un intérêt légitime au sens desdites dispositions, troisièmement, que la Commission n’a pas vérifié ni motivé l’existence d’un tel intérêt pour le FPÖ.

 Sur la première branche, tirée de l’absence d’un lien de causalité entre la demande présentée par le FPÖ et l’ouverture de la procédure

–       Arguments des parties

84      Les requérantes font valoir que le FPÖ n’est pas un demandeur au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 6 du règlement nº 2842/98, au motif que sa demande n’est pas à l’origine de la procédure d’infraction. L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 17 établirait que les procédures seraient ouvertes « sur demande ou d’office ». Au cas où une procédure aurait été ouverte d’office, la décision de la Commission n’interviendrait plus « sur demande ». En l’espèce, le FPÖ n’aurait formulé sa demande que deux mois après l’ouverture d’une procédure d’office par la Commission. Par conséquent, le FPÖ ne pourrait obtenir le statut de demandeur au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17, ce parti pouvant tout au plus être qualifié de tiers disposant d’un intérêt suffisant au sens de l’article 19, paragraphe 2, du règlement 17 et de l’article 9, paragraphe 1, du règlement nº 2842/98.

85      Les requérantes soutiennent par ailleurs que la Commission méconnaît la différence entre une plainte formelle et la transmission informelle d’éléments d’une infraction. Or, seule une plainte formelle ferait naître des droits procéduraux.

86      La Commission conteste les arguments des requérantes, qu’elle qualifie d’erronés et de dépourvus de fondement. Il serait ainsi sans importance que la procédure ait été ouverte d’office ou à la suite d’une plainte formulée en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17. La procédure formelle d’infraction ne s’ouvrirait que par la communication des griefs et interviendrait bien après la reconnaissance d’un droit à présenter une demande. En l’espèce, la Commission aurait engagé la procédure d’infraction le 10 septembre 1999, quand elle a adopté la première communication des griefs, soit deux ans après la demande du FPÖ. En tout cas, au moment où le FPÖ a présenté sa demande, ce dernier aurait ignoré l’existence d’une quelconque procédure, car la Commission aurait gardé le secret des travaux préparatoires afin de s’assurer de l’effectivité des vérifications effectués en juin 1998.

87      Enfin, la distinction entre plaintes formelles et dénonciations non formelles, avancée par les requérantes, ne serait pas fondée. Le plaignant faisant valoir un intérêt légitime aurait des droits avant l’ouverture d’une procédure et même si une telle procédure n’était pas ouverte, comme le droit d’introduire un recours en annulation au titre de l’article 6 du règlement nº 17.

–        Appréciation du Tribunal

88      L’article 3, paragraphe 1, du règlement nº 17 dispose que, si la Commission constate, « sur demande ou d’office », une infraction aux dispositions de l’article 81 CE ou de l’article 82 CE, elle peut obliger par voie de décision les entreprises et les associations d’entreprises intéressées à y mettre fin.

89      Il ressort de l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 17 et des articles 6 et 7 du règlement nº 2842/98 que le « demandeur » est une personne physique ou morale qui, en faisant valoir un intérêt légitime à cet effet, demande à la Commission la constatation d’une infraction aux dispositions de l’article 81 CE ou de l’article 82 CE. Les dispositions précitées du règlement nº 2842/98 qualifient par ailleurs de « plaignant » à un tel demandeur aux effets de l’application des règlements (CEE) n° 1017/68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175, p. 1), n° 4056/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, déterminant les modalités d’application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (JO L 378, p. 4), et n° 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO L 374, p. 1). Aux termes desdites dispositions, les États membres sont également habilités, sans besoin pour autant d’invoquer un quelconque intérêt, à présenter de telles « demandes » ou « plaintes » visant à faire constater des infractions aux normes précitées du droit de la concurrence.

90      Les requérantes maintiennent, en substance, que, quand une procédure d’infraction est ouverte d’office, il n’y a plus lieu d’accorder à un tiers la qualité de demandeur. Cette thèse ne saurait pourtant être accueillie.

91      En effet, les règlements nº 17 et nº 2842/98 n’exigent pas, aux effets de la reconnaissance de la qualité de demandeur ou de plaignant, que la demande ou la plainte en cause se trouve à l’origine de l’ouverture par la Commission de la procédure d’infraction, et notamment de la phase d’enquête préalable de celle-ci. Les personnes physiques ou morales faisant valoir un intérêt légitime à faire constater par la Commission une infraction aux normes de concurrence peuvent donc présenter une demande ou une plainte à cet effet même une fois ouverte, d’office ou sur demande d’autrui, la phase d’enquête préalable de la procédure d’infraction. Autrement, des personnes ayant un tel intérêt légitime se verraient empêchées d’exercer pendant le déroulement de la procédure les droits procéduraux associés à la qualité de demandeur ou de plaignant.

92      La thèse des requérantes reviendrait à imposer aux tiers une condition additionnelle non prévue dans les règlements nº 17 et nº 2842/98. La reconnaissance de la qualité de demandeur ou de plaignant dépendrait non seulement de la présentation d’une demande ou du dépôt d’une plainte et de la justification d’un intérêt légitime à cet égard, mais également du fait que la Commission n’ait pas ouvert son enquête sur l’infraction dénoncée. Il convient de relever, en outre, que, compte tenu de ce que l’ouverture de l’enquête est normalement gardée secrète afin d’assurer l’effectivité des démarches à entreprendre, le tiers ayant un intérêt légitime ne sera pas, normalement, en mesure de savoir si la Commission a déjà ouvert ou non une enquête sur les accords ou les pratiques en cause.

93      Ainsi, il convient de noter que, en l’occurrence, la présentation de la demande du FPÖ a fait immédiatement suite à l’ouverture d’office de la procédure d’enquête. En effet, le FPÖ a présenté sa demande initiale le 24 juin 1997, soit sept semaines après l’engagement, le 6 mai 1997, de la procédure d’enquête. Il ne ressort pas du dossier que la Commission ait rendu publique l’ouverture de cette enquête.

94      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que le fait que l’enquête portant sur l’infraction prétendument commise par les requérantes ait été ouverte avant que le FPÖ n’ait présenté sa demande ne saurait empêcher la reconnaissance de la qualité de demandeur à ce dernier au sens de l’article 3 du règlement nº 17 et de l’article 6 du règlement nº 2842/98.

95      Enfin, quant à la différence entre une plainte formelle et la « transmission informelle d’éléments d’une infraction », invoquée par les requérantes, elle n’est pas pertinente aux fins des présentes affaires. En effet, il ressort du dossier que le FPÖ ne s’est pas limité, en l’occurrence, à fournir des renseignements à la Commission, mais a sollicité l’ouverture d’une enquête visant à faire constater une infraction aux articles 81 CE et 82 CE, à obliger les établissements bancaires concernés à mettre fin à celle-ci et à leur infliger des amendes.

96      Il s’ensuit que cette première branche doit être rejetée. 

 Sur la deuxième branche, tirée de la non-justification par le FPÖ d’un intérêt légitime au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17

–        Arguments des parties

97      Les requérantes soutiennent que le FPÖ ne peut être qualifié de demandeur, car l’intérêt économique invoqué par ce parti politique ne constitue pas un intérêt légitime au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17.

98      En premier lieu, elles allèguent que le fait d’être client de banques n’est qu’un simple prétexte et que l’intérêt du FPÖ est exclusivement politique. Le FPÖ prétendrait avoir accès aux communications des griefs à la seule fin de les exploiter politiquement. Les événements qui se seraient produits après la transmission des communications des griefs au FPÖ confirmeraient cette appréciation. Par conséquent, l’intérêt du FPÖ ne serait en aucun cas « légitime » au sens de l’article 3 du règlement nº 17.

99      En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que, en toute hypothèse, le seul fait d’être client de banques ne permet pas de reconnaître au FPÖ un intérêt légitime. L’intérêt légitime visé à l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 supposerait que le prétendu comportement anticoncurrentiel puisse affecter les intérêts économiques du demandeur, dans le sens qu’il doit opérer sur le marché concerné pour pouvoir faire valoir une atteinte personnelle. Ainsi, jusqu’à présent, la Commission aurait circonscrit la reconnaissance d’un tel intérêt légitime aux seules personnes physiques ou morales « affectées dans leurs activités commerciales » par un comportement anticoncurrentiel. Elle aurait même eu tendance à interpréter strictement la notion d’intérêt légitime, en refusant de reconnaître un tel intérêt aux concurrents qui n’étaient pas actifs sur le même marché en cause que l’entreprise concernée par la procédure. La position de la Commission dans le cas d’espèce constituerait donc un revirement radical dans sa pratique. En effet, ni la Commission ni le Tribunal n’auraient encore reconnu un intérêt légitime au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 aux clients finaux du commerce du détail, tels que les clients des banques. En ce sens, le renvoi effectué par la Commission à l’affaire des transbordeurs grecs (voir point 103, ci-après) serait trompeur, car, dans cette affaire, elle n’aurait pas autorisé la transmission des communications des griefs à des clients finaux.

100    En troisième lieu, les requérantes soutiennent qu’une interprétation plus large de l’intérêt légitime conduirait à ouvrir la voie à l’action populaire, ce qui entraînerait des conséquences dommageables. D’une part, la Commission serait contrainte d’examiner et de traiter une multitude de plaintes et, en outre, le fait que tout consommateur aurait droit à accéder aux griefs et à participer à l’audition ferait que les procédures seraient impossibles à mettre en œuvre avec diligence. Par ailleurs, cela pourrait entraîner des abus, notamment dans des procédures avec des répercussions sur le grand public, puisque n’importe qui pourrait accéder aux griefs du seul fait d’être client final..

101    D’autre part, une telle interprétation s’opposerait à la logique des règlements nº 17 et nº 2842/98. En distinguant entre les « demandeurs justifiant un intérêt légitime » (articles 6 et 7 du règlement nº 2842/98), les « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » (article 19, paragraphe 2, du règlement nº 17 et article 9, paragraphe 1, du règlement nº 2842/98) et les « autres tiers » (article 9, paragraphe 3, du règlement nº 2842/98), le législateur aurait établi une graduation selon l’intensité de l’atteinte portée aux intérêts économiques des tiers. Cette distinction serait dépourvue de sens si tout client final était considéré comme demandeur justifiant un intérêt légitime au sens de l’article 3 du règlement nº 17. Le client final aurait la possibilité de dénoncer les entreprises qu’il soupçonnerait d’ententes contraires au droit de la concurrence, et son intérêt à être intégré dans la procédure pourrait être sauvegardé, s’il justifiait un « intérêt suffisant », en se faisant auditionner et informer par la Commission sur le déroulement de la procédure, mais sans qualifier sa dénonciation de plainte au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et sans lui transmettre les communications des griefs. La protection des consommateurs par le droit de la concurrence ne pourrait donc pas aller jusqu’à leur reconnaître, par principe, un intérêt légitime si n’entrent pas en jeu des aspects supplémentaires.

102    La Commission conteste les arguments des requérantes comme étant dépourvus de fondement. Le FPÖ, en tant que bénéficiaire de services bancaires, serait concerné par l’entente présumée et dès lors, aurait un intérêt légitime à déposer une demande au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17, sans que son éventuel intérêt politique joue un rôle dans la reconnaissance de ce statut. Dans l’hypothèse ou le FPÖ aurait un intérêt légitime au sens de l’article 3 du règlement nº 17, la Commission ne saurait être tenue de vérifier l’existence d’autres motivations chez lui.

103    Concernant l’intérêt économique du FPÖ, la Commission fait valoir que la condition supplémentaire invoquée par les requérantes d’« être actif dans le domaine d’activité concernée » n’a aucun fondement juridique. Le droit de la concurrence viserait davantage à protéger le consommateur qui, pour cette raison, aurait un intérêt légitime à se plaindre s’il est concerné par un comportement sur le marché. La pratique de la Commission confirmerait d’ailleurs ce principe (voir, par exemple, sa décision 1999/271/CE, du 9 décembre 1998, relative à une procédure d’application de l’article 85 du traité CE (IV/34.466 − Transbordeurs grecs) (JO 1999, L 109, p. 24). Cela ne signifierait pas, pour autant, qu’elle assimilerait l’intérêt légitime de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 à un « intérêt populaire dont peut se prévaloir tout un chacun ». Tout client final n’aurait pas, par principe, un intérêt à présenter une demande, mais seulement les clients finaux directement concernés par l’entente. En l’espèce, la Commission aurait affirmé que le FPÖ n’était pas concerné par la procédure comme « tout un chacun », mais qu’il était directement affecté dans ses intérêts économiques en tant que client des services bancaires par une entente qui couvrait tous les aspects de ces services.

104    En outre, selon la Commission, la question des difficultés posées par des procédures administratives impliquant plusieurs plaignants et les arguments relatifs à l’acceptation de « plaintes populaires » n’auraient aucun lien avec l’intérêt légitime à présenter une demande conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17. Par ailleurs, les observations des requérantes sur les droits des tiers ayant un intérêt « suffisant » ne seraient pas applicables. Le règlement nº 2842/98 protégerait la position procédurale du plaignant, qui serait nettement meilleure que celle des autres tiers parties à la procédure.

105    Enfin, la Commission soutient que, en tout état de cause, la question de la reconnaissance de la qualité procédurale du FPÖ serait sans importance en l’espèce, car elle pourrait, en toute hypothèse, transmettre des versions non confidentielles des communications des griefs même à des personnes non concernées par la procédure, si elle l’estimait utile. Par conséquent, même si le Tribunal devait déclarer que le FPÖ n’avait pas d’intérêt légitime à présenter une demande au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17, il relèverait du pouvoir d’appréciation de la Commission de lui transmettre des versions non confidentielles des communications des griefs (ordonnance Postbank/ Commission, précitée, point 8).

–        Appréciation du Tribunal

106    Aux fins de la présente affaire, la participation à une procédure d’infraction des personnes physiques ou morales autres que les entreprises à l’encontre desquelles la Commission a retenu des griefs est régie par les règlements nº 17 et nº 2842/98. Ces règlements distinguent à cet égard entre, premièrement, le « demandeur ou plaignant ayant fait valoir un intérêt légitime », à qui la Commission envoie copie de la version non confidentielle des griefs, lorsqu’elle retient des griefs concernant une question pour laquelle elle a été saisie de la demande ou de la plainte en cause (article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 17 et articles 6 à 8 du règlement nº 2842/98) ; deuxièmement, le « tiers justifiant d’un intérêt suffisant », qui, s’il demande à être entendu, a droit à ce que la Commission l’informe par écrit de la nature et de l’objet de la procédure, ainsi qu’à faire connaître par écrit à celle-ci son point de vue (article 19, paragraphe 2, du règlement nº 17 et article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 2842/98) ; troisièmement, les « autres tiers », auxquels la Commission peut donner l’occasion d’exprimer oralement leur point de vue (article 9, paragraphe 3, du règlement nº 2842/98). Le législateur a ainsi établi une graduation, selon l’intensité de l’atteinte portée à leurs intérêts, dans la participation à une procédure d’infraction de ces différents tiers.

107    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que tout demandeur ou plaignant ayant fait valoir un intérêt légitime a droit à recevoir une version non confidentielle de la communication des griefs. S’agissant des tiers justifiant d’un intérêt suffisant, il ne saurait être exclu, conformément à l’article 9, paragraphe 1, du règlement nº 2842/98, que la Commission, si les circonstances de l’espèce le justifient, puisse, sans pour autant y être tenue, leur transmettre une version non confidentielle de la communication des griefs, afin qu’ils soient pleinement en mesure de lui faire parvenir utilement leur observations sur les prétendues infractions formant l’objet de la procédure en cause.

108    Au-delà des deux hypothèses décrites au point précédent, il n’est pas prévu, dans le cadre du règlement nº 17 et du règlement nº 2842/98, que la Commission transmette la communication des griefs à des personnes physiques ou morales autres que les entreprises à l’encontre desquelles ces griefs ont été retenus.

109    En l’occurrence, le FPÖ s’est vu attribuer par la Commission la condition de demandeur dans la procédure d’infraction engagée à l’encontre, parmi d’autres entreprises, des requérantes. Il se pose donc la question de savoir si le FPÖ avait un intérêt légitime au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17.

110    Dans sa lettre du 2 juin 1998, le FPÖ a soutenu qu’il avait été économiquement lésé, en tant que client final des services bancaires autrichiens, par l’entente dénoncée. Le fait que, dans sa première demande du 24 juin 1997, le FPÖ s’est prévalu d’un intérêt général, tel que la sauvegarde de l’ordre juridique, ne pouvait le priver de la possibilité de faire valoir par la suite, en vue de justifier un intérêt légitime au sens du règlement nº 17, sa condition de client des banques à l’encontre desquelles la procédure avait été engagée, ainsi que le préjudice de nature économique qu’il aurait prétendument subi des accords en question.

111    Les requérantes soutiennent toutefois, en substance, que le seul fait d’être un client final de services bancaires ne suffit pas à justifier l’existence d’un intérêt légitime, lequel n’existerait que pour le demandeur qui opère sur le marché concerné et qui est affecté dans ses activités commerciales par le prétendu comportement anticoncurrentiel.

112    Il importe de relever néanmoins que le Tribunal a déjà jugé qu’une association d’entreprises pouvait faire valoir un intérêt légitime à introduire une demande au sens de l’article 3 du règlement nº 17 même si elle n’était pas directement concernée, en tant qu’entreprise opérant sur le marché en cause, par le comportement dénoncé, à condition toutefois, notamment, que ledit comportement fût susceptible de léser les intérêts de ses membres (arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, BEMIM/Commission, T‑114/92, Rec. p. II‑147, point 28).

113    S’agissant plus particulièrement des clients finaux acheteurs de biens ou de services, la Commission soutient que sa pratique courante démontrerait que le consommateur a un intérêt légitime à se plaindre s’il est concerné par un comportement anticoncurrentiel sur le marché. Toutefois, en réponse aux questions du Tribunal, la Commission a elle-même admis qu’aucun consommateur final n’avait obtenu une version non confidentielle des griefs après qu’une décision sur son intérêt légitime ait été prise. Le FPÖ aurait donc été le premier client final auquel la Commission aurait reconnu un intérêt légitime au sens de l’article 3 du règlement nº 17 et donc le droit à la transmission de la communication des griefs.

114    Or, le Tribunal estime que rien ne s’oppose à ce qu’un client final acheteur de biens ou de services puisse satisfaire la notion d’intérêt légitime au sens de l’article 3 du règlement nº 17. En effet, le Tribunal considère qu’un client final qui justifie qu’il a été lésé ou qu’il est susceptible d’être lésé dans ses intérêts économiques du fait de la restriction de concurrence en cause a un intérêt légitime au sens de l’article 3 du règlement nº 17 pour déposer une demande ou une plainte afin de faire constater par la Commission une infraction aux articles 81 CE et 82 CE.

115    Il convient de rappeler à cet égard que les règles qui visent à assurer que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur ont pour finalité ultime d’accroître le bien-être du consommateur. En particulier, cette finalité ressort des termes de l’article 81 CE. En effet, si l’interdiction établie au paragraphe 1 de cette disposition peut être déclarée inapplicable à des ententes qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits en cause ou à promouvoir le progrès technique ou économique, cette possibilité, prévue à l’article 81, paragraphe 3, CE, est notamment soumise à la condition qu’une partie équitable du profit qui en résulte soit réservée aux utilisateurs desdits produits. Le droit et la politique de la concurrence ont ainsi un impact indéniable sur des intérêts économiques concrets de clients finaux acheteurs de biens ou de services. Or, la reconnaissance à de tels clients – qui font valoir qu’ils ont subi un préjudice économique du fait d’un contrat ou d’un comportement susceptible de restreindre ou de fausser la concurrence – d’un intérêt légitime à faire constater par la Commission une infraction aux articles 81 CE et 82 CE contribue à la réalisation des objectifs du droit de la concurrence.

116    Contrairement à ce que prétendent les requérantes, cette appréciation ne revient pas à vider de sa substance la notion d’intérêt légitime en lui conférant un sens excessivement large, ni n’ouvre la voie à une prétendue « action populaire ». En effet, admettre qu’un consommateur susceptible de justifier d’une atteinte à ses intérêts économiques résultant d’une entente qu’il dénonce puisse, à ce titre, avoir un intérêt légitime au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 n’équivaut pas à considérer que toute personne physique ou morale dispose d’un tel intérêt.

117    De même, les arguments des requérantes tirés de la multiplication des plaintes et des difficultés des procédures administratives qui dériveraient de la reconnaissance de la qualité de demandeur ou de plaignant à des clients finaux ne peuvent non plus être retenus. Comme l’affirme la Commission à juste titre, ces objections ne sauraient être valablement invoquées afin de restreindre la reconnaissance d’un intérêt légitime pour un client final qui justifie être lésé économiquement par la pratique anticoncurrentielle qu’il dénonce.

118    Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, et comme le relève la Commission, lorsque le demandeur justifie d’un intérêt légitime valable, celle-ci ne saurait être tenue de vérifier la possible existence d’autres motivations chez ce demandeur.

119    Par conséquent, il y a lieu de conclure que le FPÖ pouvait valablement invoquer sa condition de client de services bancaires en Autriche et le fait d’avoir été lésé dans ses intérêts économiques par des pratiques anticoncurrentielles, aux effets de justifier d’un intérêt légitime à présenter une demande visant à faire constater par la Commission que lesdites pratiques constituaient une infraction aux articles 81 CE et 82 CE.

120    Il y a donc lieu de rejeter cette deuxième branche, tirée de la prétendue inexistence d’un intérêt légitime, au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17, pour le FPÖ.

 Sur la troisième branche, tirée d’un défaut de vérification et de motivation par la Commission de l’existence d’un intérêt légitime du FPÖ

–       Arguments des parties

121    Les requérantes allèguent que la Commission n’a pas vérifié, ni motivé, que les conditions de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 7 du règlement nº 2842/98 étaient réunies dans le cas d’espèce. Ainsi, d’une part, la Commission n’aurait nullement démontré que le FPÖ justifiait un intérêt légitime, n’ayant pas vérifié s’il avait effectué des opérations bancaires auprès des banques concernées, quels services il aurait utilisé et pourquoi son intérêt irait au-delà d’un intérêt « suffisant » ou d’un intérêt « autre ». Le fait d’affirmer disposer de comptes bancaires ne suffirait pas à reconnaître à ce parti la qualité de demandeur, d’autant moins que cette circonstance était un fait déjà connu par la Commission quand elle a adopté la décision de rejet du 26 février 1998. D’autre part, la Commission n’aurait pas expliqué en quoi la dénonciation du FPÖ présentait les caractéristiques d’une demande au sens de l’article 3 du règlement nº 17 et n’aurait pas exposé non plus les raisons qui plaideraient en faveur de la reconnaissance d’un intérêt légitime du FPÖ dès lors qu’elle était initialement de l’avis contraire et que le FPÖ aurait renoncé à faire valoir son intérêt à participer à la procédure par son inactivité pendant plus de deux ans.

122    Les requérantes font aussi remarquer que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Cimenteries, la Commission avait distingué deux ordres de griefs selon le marché concerné et avait transmis différemment les griefs selon les marchés où se plaçaient les entreprises concernées (arrêt Cimenteries, points 4 à 7). La Commission aurait donc dû également établir et motiver, dans le cas d’espèce, l’intérêt économique du FPÖ au regard des différents marchés bancaires concernés. En outre, le conseiller-auditeur serait tenu de vérifier, avant de transmettre la communication des griefs, si le FPÖ disposait d’un intérêt légitime, au lieu de considérer que la question avait été déjà décidée par la lettre de la DG « Concurrence » de la Commission du 5 novembre 1999. En effet, non seulement le règlement nº 2842/98 ne fournirait aucun indice concernant le prétendu effet interne contraignant de ladite prise de position de la DG « Concurrence », mais les décisions nº 94/810 et nº 2001/462 sur le mandat du conseiller-auditeur auraient largement confié à ce dernier les questions relatives au droit d’être entendu [voir, notamment, l’article 4, paragraphes 1 et 2, sous b) de la décision nº 2001/462].

123    La Commission prétend que les critiques des requérantes sont inopérantes, puisque la reconnaissance de l’intérêt légitime du FPÖ est une simple mesure d’organisation de la procédure, qui ne produit pas d’effets juridiques à l’égard des requérantes. Partant, les affirmations touchant à la charge de la preuve ne seraient pas fondées, car cette question ne concernerait que la Commission et le demandeur, soit le FPÖ. En tout état de cause, la description du service bancaire concrètement utilisé par le FPÖ n’était pas nécessaire en l’espèce, car l’entente présumée couvrait tous les aspects du système bancaire autrichien.

–       Appréciation du Tribunal

124    En premier lieu, en ce qui concerne l’argument des requérantes tiré de l’obligation de vérification de l’intérêt légitime du FPÖ et de la charge de la preuve correspondante qui incomberait à la Commission à cet égard, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17, le tiers demandeur ou plaignant doit faire valoir l’existence pour lui d’un intérêt légitime à faire constater une infraction aux dispositions de l’article 81 CE ou de l’article 82 CE. La Commission est par conséquent soumise à une obligation de vérification de la satisfaction par le tiers de ladite condition.

125    En l’espèce, il résulte des courriers échangés entre la Commission et les requérantes au cours de la procédure administrative que la Commission a reconnu l’intérêt légitime du FPÖ en raison de sa condition de client de services bancaires en Autriche. Cependant, il ne ressort pas du dossier que la Commission ait demandé au FPÖ des documents susceptibles de démontrer qu’il était effectivement client des banques concernées par la procédure en cause et qu’il s’était vu appliquer des frais bancaires concertés sur ses comptes, en application des ententes en cause. En réponse aux questions du Tribunal, la Commission a confirmé cette circonstance, en reconnaissant qu’elle n’avait réalisé aucune vérification ni jugé nécessaire d’exiger la production effective des preuves offertes par le FPÖ concernant l’intérêt légitime de ce parti au sens dudit article 3 du règlement nº 17. La Commission a toutefois justifié sa position en affirmant qu’il était clair que le FPÖ était client des banques concernées et que, compte tenu de l’étendue desdites ententes, il était indéniable que les accords passés entre les banques « auraient nécessairement lésé du point de vue économique » le FPÖ et lui « auraient forcément porté préjudice ».

126    S’agissant de la condition de client de services bancaires du FPÖ, le Tribunal considère qu’il était tout à fait logique de considérer que, pour la gestion de ses activités, ce parti politique devait disposer de divers comptes bancaires et effectuait des opérations bancaires régulières en Autriche. En fait, les requérantes n’ont jamais contesté tout au long de la procédure administrative que le FPÖ faisait appel à des tels services bancaires.

127    En ce qui concerne l’étendue des pratiques dénoncées, il ressort de la communication des griefs du 10 septembre 1999 que les ententes objet de la procédure auraient concerné « toutes les prestations de service » typiquement fournies aux particuliers et aux entreprises par les banques universelles (dépôts, crédits, opérations de paiement, etc.) (point 10 de la communication des griefs) et que les accords conclus « étaient très complets dans leur contenu, institutionnalisés en grande partie ainsi qu’étroitement corrélés et ils couvraient l’ensemble du territoire autrichien ‘jusqu’au plus petit village’» (point 42 de la communication des griefs). En outre, selon cette communication des griefs, un très grand nombre de banques auraient participé aux pratiques en cause (point 383 de la communication des griefs). Ainsi, les destinataires de la communication des griefs auraient eu « un rôle important sur le marché bancaire autrichien en raison de leur taille » (point 383 de la communication des griefs). Il s’agirait des principales banques et groupes bancaires autrichiens, dont l’addition des parts de marché représenterait 99 % du marché autrichien (point 10 de la communication des griefs). De plus, il ressortirait de l’annexe A de cette communication des griefs, laquelle énumère toutes les entités bancaires ayant participé aux différentes réunions, que les établissements bancaires impliqués dans les ententes auraient été beaucoup plus nombreux que les huit destinataires des griefs.

128    Pour sa part, la communication des griefs du 21 novembre 2000 était adressée aux mêmes destinataires que la communication des griefs du 10 septembre 1999, pour ce qui est de l’entente relative à la fixation des taux d’échange des billets et de monnaies de la zone euro. Les mêmes considérations exposées ci-dessus quant à l’étendue de l’entente sont donc applicables à l’entente visée dans cette communication. 

129    Il s’ensuit que les pratiques imputées dans la procédure administrative en cause étaient largement répandues, couvrant tous les aspects du système bancaire autrichien ainsi que l’ensemble du territoire national autrichien. Dès lors, force est de constater que les accords imputés dans les communications des griefs risquaient nécessairement de léser économiquement le FPÖ, en tant que client des services bancaires autrichiens.

130    De surcroît, le Tribunal constate que, s’il est exact que la banque identifiée par la requérante lors de l’audience – soit celle appartenant au gouvernement du Land de Carinthie – comme la banque dans laquelle le FPÖ avait disposé de ses comptes n’était pas un des huit destinataires de la décision litigieuse, il n’en demeure pas moins que cette banque figurait parmi les entités bancaires indiquées dans l’annexe A de la communication des griefs du 10 septembre 1999, qui auraient habituellement participé aux réunions relatives aux ententes en cause.

131    Quant à l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû motiver expressément l’intérêt économique du FPÖ au regard de chacun des différents marchés bancaires concernés, il ne saurait être accueilli. En effet, la reconnaissance de la qualité de demandeur ou de plaignant d’un client final dépend, comme il a été indiqué, de la susceptibilité de celui-ci de subir un préjudice économique du fait des pratiques en cause, et non, partant, de sa participation sur chacun des marchés de produit objet de l’enquête de la Commission (voir points 112 et 114 ci-dessus). Au surplus, il convient de noter que les requérantes ne sauraient fonder leur argumentation sur la pratique suivie par la Commission dans la procédure administrative correspondant à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Cimenteries. Lors de celle-ci, la Commission avait distingué les comportements reprochés qui correspondaient au plan international de ceux relatifs à chaque marché national affecté, les chapitres de la communication des griefs concernant ces derniers n’étant envoyés qu’aux destinataires des griefs établis dans l’État membre en question (arrêt Cimenteries, point 6). Or, il convient de rappeler que la communication des griefs en cause dans les présentes affaires ne faisait référence qu’à un seul marché géographique, à savoir celui constitué par l’ensemble du territoire de l’Autriche.

132    Enfin, il convient de rejeter également la thèse des requérantes selon laquelle le conseiller-auditeur aurait dû lui-même vérifier si le FPÖ disposait d’un intérêt légitime avant de procéder à la transmission de la communication des griefs. En effet, conformément à l’article 7 du règlement nº 2842/98, la transmission au demandeur ou au plaignant de la communication des griefs découle nécessairement de la reconnaissance d’une telle qualité au tiers ayant un intérêt légitime. D’après la décision nº 2001/462, le conseiller-auditeur a uniquement pour mission d’assurer le bon déroulement de l’audition et de contribuer au caractère objectif tant de l’audition elle-même que de toute décision ultérieure (article 5), de connaître des demandes d’audition des tiers (articles 6 et 7) et des demandes d’accès au dossier (article 8), ainsi que de veiller à la non-divulgation d’informations protégées constitutives de secrets d’affaires des entreprises (article 9).

133    Il en résulte que, eu égard aux circonstances de l’espèce, la Commission n’a pas enfreint l’obligation de vérification de l’existence d’un intérêt légitime pour le FPÖ au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17.

134    En deuxième lieu, s’agissant du respect de l’obligation de motivation, il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 16, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63).

135    En l’espèce, il ressort du contexte dans lequel les décisions litigieuses ont été adoptées et, en particulier, du contenu des lettres du 5 novembre 1999 des services de la DG « Concurrence » et du 27 mars 2001 du conseiller-auditeur, qui indiquaient que le FPÖ était client des services bancaires, que les décisions litigieuses ont implicitement reconnu l’intérêt légitime du FPÖ au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 en raison de sa condition de client final des services bancaires autrichiens visés par les pratiques dénoncées.

136    Or, en l’occurrence, au vu des caractéristiques et de l’étendue des pratiques dénoncées, une telle motivation doit être considérée suffisante.

137    Le grief des requérantes ne peut donc être retenu.

138    Il résulte de ce qui précède que cette troisième branche, selon laquelle la Commission aurait manqué aux obligations de vérification et de motivation de l’existence d’un intérêt légitime pour le FPÖ, n’est pas fondée.

139    Les moyens tirés de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 6 du règlement nº 2842/98 ainsi que d’un défaut de motivation doivent donc être rejetés.

 Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens, tirés de la violation du principe d’économie de la procédure et des droits de la défense ainsi que de la forclusion du droit du FPÖ à intervenir dans la procédure

140    Les requérantes font valoir que, dans le cas où il existerait un éventuel droit du FPÖ à ce que la communication des griefs lui soit transmise, cette transmission à ce stade de la procédure, d’une part, serait illégale du fait de la forclusion du droit du FPÖ à intervenir dans celle-ci et, d’autre part, constituerait une violation du principe d’économie de la procédure et des droits de la défense.

 Sur la première branche, tirée de la forclusion du droit du FPÖ à intervenir dans la procédure

–        Arguments des parties

141    Les requérantes font valoir que, même si le droit à la transmission des communications des griefs et à participer à la procédure du FPÖ existait, ce droit serait forclos. Le FPÖ n’aurait entrepris, depuis le rejet de sa demande en février 1998, aucune démarche en vue d’obtenir sa participation à la procédure avant les auditions et, partant, par son désintérêt, il aurait renoncé à son droit.

142    En outre, les requérantes prétendent que, même si la communication tardive des griefs est imputable à la Commission, le principe de forclusion serait également applicable. La Commission n’aurait plus le droit de transmettre les griefs en vertu du principe général selon lequel l’autorité administrative doit exercer ses pouvoirs dans des délais raisonnables (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, Boehringer/Commission, 45/69, Rec. p. 769, point 6). À la différence des décisions de clôture sur le fond qui requièrent une instruction prolongée, la question d’accorder l’accès au dossier à des tiers aurait pu être examinée et décidée à tout moment, avant que les auditions n’aient eu lieu. À ce stade de la procédure, la Commission ne pourrait que refuser la participation du FPÖ, puisque les griefs auraient été envoyés aux banques concernées, les audiences auraient déjà eu lieu, les faits seraient établis et la procédure serait pratiquement close. Partant, cette transmission, dont la fonction essentielle serait celle de permettre au plaignant, avant l’audition, de contribuer à l’établissement des faits et de se préparer à l’audience, n’aurait déjà aucun sens.

143    La Commission estime que ces arguments sont dénués de pertinence. Le FPÖ n’aurait pas renoncé à ses droits, puisqu’il n’aurait pas eu connaissance de l’adoption des griefs. En outre, le FPÖ n’aurait pas perdu son droit à obtenir les griefs du fait qu’il n’aurait pas fait valoir son intérêt immédiatement et n’aurait pas participé aux auditions, car une personne qui aurait été reconnue comme demandeur pourrait intervenir aussi longtemps que la procédure n’aurait pas été achevée et que la Commission n’aurait pas envoyé d’avant-projet de décision au comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes. En l’espèce, la procédure ne serait pas achevée, puisque aucune décision définitive n’avait été adoptée et la Commission pourrait encore modifier, au vu des observations des parties, y compris le FPÖ, les griefs initialement articulés.

–        Appréciation du Tribunal

144    Il y a lieu de relever, en premier lieu, qu’il ressort de la lettre transmise par le FPÖ à la Commission en date du 13 mars 2001, que le FPÖ n’a pas été informé du déroulement de la procédure ni des dates des auditions. Ainsi, cette lettre expose que la Commission lui avait annoncé, par courriers du 5 octobre 1999 et du 16 mars 2000, qu’il recevrait une version non confidentielle des communications des griefs mais que, du fait qu’elle ne lui avait pas été transmise, le FPÖ avait contacté la Commission qui l’avait informé que les auditions avaient déjà eu lieu et que la procédure allait être close. Le FPÖ a alors demandé la transmission immédiate des griefs et la possibilité de formuler des observations et de participer à une audition orale complémentaire.

145    Par ailleurs, il résulte des lettres susmentionnées de la Commission du 5 octobre 1999 et du 16 mars 2000, produites par la Commission à la demande du Tribunal, que celle-ci avait notifié au FPÖ qu’il recevrait les griefs sans tarder, en indiquant même, dans le courrier du 5 octobre 1999, qu’ « [elle s’efforcerait] de [lui] faire parvenir ladite version non confidentielle au cours de la deuxième quinzaine de ce mois » et, dans le courrier du 16 mars 2000, qu’« il n’[avait] pas encore été possible de transmettre […] la version non confidentielle de la communication des griefs comme la direction générale de la concurrence l’avait prévu […] car il rest[ait] des questions relatives à des secrets d’affaires qui n’[avaient] pas encore été définitivement résolues ». Dès lors, il ne saurait être reproché audit parti de n’avoir entrepris aucune démarche en vue d’obtenir auparavant les griefs, car, au vu de ces annonces, le FPÖ pouvait valablement s’attendre à recevoir ladite transmission en vue d’exercer son droit d’être entendu et de participer à la procédure.

146    Par conséquent, la thèse des requérantes selon laquelle le FPÖ aurait renoncé à son droit à la transmission des griefs, ne saurait être accueillie.

147    Les requérantes allèguent que, en tout état de cause, à ce stade de la procédure le droit du FPÖ serait forclos et, partant, la Commission ne serait plus en droit de lui transmettre les communications des griefs.

148    Il y a lieu de relever que les règlements nº 17 et nº 2842/98 ne prévoient pas un délai spécifique pour qu’un tiers demandeur ou plaignant justifiant d’un intérêt légitime exerce son droit à recevoir les griefs et à être entendu dans le cadre d’une procédure d’infraction. Ainsi, les articles 7 et 8 du règlement nº 2842/98 se limitent à établir que la Commission transmet les griefs audit demandeur ou plaignant et fixe un délai dans lequel celui-ci peut faire connaître son point de vue par écrit, ce tiers pouvant aussi être entendu oralement s’il le demande. En outre, la décision 2001/462 permet d’entendre le demandeur ou le plaignant à n’importe quel moment de la procédure, en indiquant expressément, dans son article 12, paragraphe 4, que, compte tenu de la nécessité de veiller au respect du droit d’être entendu, le conseiller-auditeur peut « donner à des personnes, à des entreprises et à des associations de personnes ou d’entreprises l’occasion de présenter par écrit leurs observations éventuelles après l’audition », en fixant un délai pour sa présentation. Il s’ensuit que le droit d’un demandeur ou d’un plaignant à la transmission des griefs et à être entendu dans la procédure administrative de constatation d’une infraction aux articles 81 CE et 82 CE peut être exercé tant que la procédure est en cours.

149    En outre, l’article 10, paragraphe 3, du règlement nº 17 prévoit que le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes est consulté préalablement à toute décision consécutive à une procédure de constatation d’infractions aux articles 81 CE et 82 CE. Or, selon la jurisprudence, une telle consultation représente le dernier stade de la procédure avant l’adoption de la décision (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 35). Dès lors, aussi longtemps que le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes n’a pas donné l’avis prévu à l’article 10, paragraphe 6 du règlement nº 17 sur l’avant-projet de décision transmis par la Commission, le droit du demandeur ou du plaignant à recevoir les griefs et à être entendu ne saurait être considéré forclos. En effet, tant que le comité consultatif n’a pas rendu son avis, rien ne s’oppose à ce que la Commission puisse examiner les observations des tiers parties et puisse encore modifier, à la lumière de ces observations, sa position.

150    En l’espèce, il n’est pas contesté que, lors de l’adoption de la décision litigieuse, la Commission n’avait pas encore envoyé d’avant-projet de décision audit comité. Il en résulte que, au moment où la décision litigieuse a été prise, le droit du FPÖ à recevoir les griefs et à participer à la procédure n’était pas forclos.

151    Concernant, enfin, l’argument des requérantes selon lequel la Commission ne serait pas en droit de transmettre la communication des griefs, faute d’avoir adopté une décision dans un délai raisonnable, il y a lieu de relever, en premier lieu, que, en l’occurrence, l’opposition constante des requérantes à la transmission des griefs au FPÖ a été en grande mesure la cause du prolongement de la durée de la procédure de transmission des griefs. Or, les requérantes ne sauraient se prévaloir d’une situation qu’elles-mêmes ont contribué à créer. En deuxième lieu, il convient de constater que les requérantes n’ont pas prouvé que la procédure de transmission des griefs au FPÖ ait provoqué un retard quelconque dans l’adoption de la décision de constatation de l’infraction, susceptible de porter atteinte à leurs droits de la défense. En effet, les requérantes se limitent à invoquer des situations futures et hypothétiques, qui ne sauraient fonder une telle atteinte (voir point 162 ci-après).

152    Le grief tiré du dépassement du délai raisonnable ne peut donc, non plus, être accueilli. 

153    Au vu de ce qui précède, les arguments des requérantes tirés de la forclusion du droit de la FPÖ à intervenir dans la procédure doivent être rejetés. 

 Sur la deuxième branche, tirée de la violation du principe d’économie de la procédure et des droits de la défense

–       Arguments des parties

154    Les requérantes prétendent que la transmission des griefs à ce stade de la procédure viole le principe d’économie de procédure et leurs droits de la défense.

155    Selon les requérantes, la possibilité de transmettre les griefs à tout demandeur jusqu’au moment où l’avant-projet de décision clôturant la procédure est rédigé empêcherait la Commission de conduire avec diligence la procédure. En effet, si le tiers fournissait encore des informations il faudrait auditionner à nouveau les entreprises et la procédure serait retardée, en violation du principe d’économie de procédure. 

156    En outre, une transmission tardive entraînerait également une violation des droits de la défense des requérantes. Si la transmission des griefs ne conduisait pas à permettre au FPÖ d’exprimer son point de vue, il n’aurait pas été nécessaire de lui transmettre les griefs, une simple communication informelle sur l’état de la procédure étant suffisante. Si, en revanche, le FPÖ exprimait son point de vue et la Commission donnait de nouveau aux destinataires des griefs l’occasion de se défendre, la procédure serait indûment prolongée à l’encontre des intérêts des entreprises concernées, en les empêchant d’organiser leur défense. Si, enfin, la Commission n’accordait pas aux entreprises une nouvelle occasion de s’exprimer à la suite de l’intervention du FPÖ, les droits de la défense seraient également violés, car les entreprises ne pourraient prendre connaissance de cette intervention que dans le cadre d’un recours juridictionnel contre la décision ultérieure. Dès lors, accorder aux tiers le pouvoir d’influencer les procédures en choisissant le moment de leur intervention affecterait déraisonnablement leurs droits de la défense.

157    Enfin, selon les requérantes, la Commission n’aurait pas même expliqué pourquoi elle attendait de la transmission des griefs au FPÖ des éléments de preuve supplémentaires pour l’instruction, dès lors que, jusqu’alors, le FPÖ n’aurait fourni aucune contribution à l’éclaircissement des faits.

158    La Commission estime que ces arguments ne sont pas fondés. La transmission des griefs n’entraverait pas le déroulement normal de la procédure tant que la Commission n’aurait pas envoyé d’avant-projet de décision aux membres du comité consultatif, comme en l’espèce. En outre, l’article 7 du règlement nº 2842/98 protégerait les tiers ayant déposé une demande en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17, et cette position procédurale serait nettement meilleure que celle des autres tiers parties à la procédure. La Commission ne serait donc pas autorisée à restreindre le droit à être entendu de ce tiers.

–        Appréciation du Tribunal

159    Les arguments avancés par les requérantes ne peuvent être accueillis.

160    En ce qui concerne, d’abord, le grief tiré des exigences d’économie de la procédure, il y a lieu de rappeler que le droit du FPÖ à recevoir la communication des griefs ne saurait être considéré forclos tant que la procédure administrative est encore en cours et que le comité consultatif n’a pas encore reçu d’avant-projet de décision sur le fond. Dès lors, des considérations d’économie de procédure ne sauraient être valablement invoquées pour limiter le droit du demandeur ou du plaignant à recevoir la communication des griefs.

161    S’agissant, ensuite, de l’argument des requérantes tiré de la violation de leurs droits de la défense du fait de la transmission tardive des griefs au FPÖ, il y a lieu de constater qu’en l’espèce les requérantes n’invoquent que des situations futures et hypothétiques dans lesquelles leurs droits de la défense pourraient prétendument être violés du fait de la transmission tardive des griefs au FPÖ. Or, la protection des droits de la défense doit être appréciée au regard de la situation de fait et de droit existant à la date où la décision litigieuse a été prise (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7, et du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec. p. I‑3875, point 87). Elle ne saurait donc être évalué en fonction d’événements futurs et hypothétiques.

162    Partant, le grief tiré de la violation des droits de la défense n’est pas fondé.

163    Enfin, quant à l’argument avancé par les requérantes selon lequel la Commission n’aurait pas expliqué pourquoi elle attendait de la transmission des griefs au FPÖ des éléments de preuve additionnels à la procédure, il est dénué de pertinence. Les articles 7 et 8 du règlement nº 2842/98 ne font pas dépendre la transmission des griefs aux demandeurs ou aux plaignants qui remplissent les critères prévus à l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 du fait que ces tiers fournissent, par la suite, à la Commission des contributions à l’éclaircissement des faits en cause dans la procédure en cours.

164    Il en résulte que les arguments tirés de la violation du principe d’économie de procédure et des droits de la défense ne sont pas fondés.

165    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter dans son ensemble les troisième, quatrième et cinquième moyens invoqués par les requérantes.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 lu en combinaison avec l’article 287 CE, en ce que la transmission des griefs au FPÖ viole le droit à la confidentialité des secrets d’affaires

166    Les requérantes soutiennent que les décisions litigieuses sont illégales, puisque les communications des griefs à transmettre au FPÖ contiennent des secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles à l’égard dudit tiers, en violation de leurs droits à la confidentialité de leurs secrets d’affaires prévu à l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 lu en combinaison avec l’article 287 CE.

 Sur la recevabilité

–       Sur le respect des conditions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure

167    La Commission conteste la recevabilité de ce moyen, en faisant valoir que les requêtes dans les présentes affaires ne satisfont pas aux conditions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. Ainsi, dans l’affaire T‑213/01, la requérante se contenterait d’énumérer des principes de droit, sans indiquer les faits et les rattacher à une règle et sans avancer des raisons justifiant le caractère confidentiel des indications controversées. De même, dans l’affaire T‑214/01, la requérante se serait contentée d’une simple référence, dans sa réplique, « à un grand nombre d’informations » qui seraient couvertes par la confidentialité (point 44) et à des « preuves considérables » mises à la disposition de la Commission (point 49), sans citer un seul passage des communications des griefs dont elle pourrait demander un traitement confidentiel.

168    Le Tribunal rappelle que l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure prévoit que toute requête doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel. Il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable au regard dudit article, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20).

169    En ce qui concerne l’affaire T‑213/01, il ressort du libellé des points 18 et 29 de la requête que la requérante conteste le refus de la Commission de considérer que les indications relatives à l’identité et à l’étendue de la participation de la requérante dans l’entente, ainsi que les informations citées textuellement dans les communications des griefs extraites des documents annexés à celles-ci et pour lesquels la garantie de confidentialité avait été demandée (voir point 18 ci-dessus), méritent un traitement confidentiel. En outre, les raisons pour lesquelles la requérante estime que ces informations devraient revêtir un caractère confidentiel découlent à suffisance de droit de ses mémoires.

170    S’agissant de l’affaire T‑214/01, il importe de noter que la requérante a soutenu dans sa requête que la Commission est tenue de ne pas divulguer les informations qu’elle a recueillies et qui sont couvertes par le secret professionnel, en précisant que les communications des griefs comportent des secrets d’affaires et en faisant valoir que, en l’espèce, son droit à la non-divulgation des informations contenues dans les communications des griefs serait irrémédiablement violé en cas de transmission au FPÖ (voir requête, points 44 à 46). La requérante a notamment fait remarquer que la version « non confidentielle » des griefs préparée par le conseiller-auditeur n’avait été qu’insuffisamment rendue anonyme (voir requête, point 17). La requérante a par la suite précisé et développé ce grief dans sa réplique, en rappelant particulièrement que la Commission aurait dû supprimer des griefs tous les noms des personnes et des banques (voir points 44 à 49).

171    Il en résulte que les arguments avancés par les requérantes satisfont aux exigences établies par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

172    Ce moyen d’irrecevabilité doit donc être rejeté.

–       Sur le respect des conditions de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure

173    Dans l’affaire T‑213/01, la Commission conteste la recevabilité des arguments de la requérante relatifs à la confidentialité de l’ensemble des griefs à l’égard du FPÖ et à l’invocation des articles 8 et 48 de la charte, en raison de sa production tardive, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Dans l’affaire T‑214/01, elle fait valoir que les arguments avancés par la requérante dans sa réplique selon lesquels lesdites versions contiendraient des informations confidentielles constitueraient un moyen nouveau et, partant, tardif.

174    Le Tribunal rappelle que l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure interdit aux parties la production de moyens nouveaux en cours d’instance, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

175    En l’espèce, la requérante dans l’affaire T‑213/01 a fait valoir dans sa réplique que tous les griefs seraient confidentiels à l’égard du FPÖ, dans la mesure où ce parti politique ne justifierait pas d’un intérêt légitime au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17 et que, dès lors, il ne disposerait pas d’un fondement légal pour accéder aux communications des griefs. Dans le même sens, la requérante a invoqué les principes visés aux articles 8 et 48 de la charte afin de renforcer sa thèse, figurant dans la requête, selon laquelle, dans la mesure où le FPÖ ne posséderait pas un intérêt légitime au sens dudit article 3 du règlement nº 17 et, partant, ne remplirait pas la qualité de demandeur ou de plaignant, tout l’ensemble des griefs devrait être traité, en vertu de ces principes, comme confidentiel vis-à-vis du FPÖ. Or, le Tribunal considère que les arguments de la requérante se rattachent correctement aux éléments de droit qui se sont révélés pendant la procédure.

176    S’agissant de l’affaire T‑214/01, il suffit de noter que, comme il a été indiqué (voir point 170 ci-dessus), les arguments surmentionnés figurant dans la réplique ne font que préciser et développer le grief avancé par la requérante dans sa requête.

177    Il y a donc lieu de rejeter le moyen d’irrecevabilité tiré de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. 

 Sur le fond

–       Arguments des parties

178    Les requérantes soutiennent que la transmission des griefs au FPÖ viole l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 lu en combinaison avec l’article 287 CE, puisque les communications des griefs à transmettre à ce parti contiennent des secrets d’affaires et d’autres informations confidentielles.

179    Les requérantes font valoir, à titre principal, que toutes les informations contenues dans les griefs sont confidentielles à l’égard du FPÖ. En vertu des articles 8 et 48 de la charte, tous les griefs devraient être considérés confidentiels vis-à-vis des tiers qui ne disposeraient pas d’un fondement légitime prévu par la loi, afin de ne pas nuire à la présomption d’innocence. En l’espèce, la Commission n’aurait pas démontré que le FPÖ possédait un intérêt légitime et, partant, tout l’ensemble des griefs serait confidentiel. En outre, les griefs n’auraient pas été formulés à l’issue d’une procédure contradictoire et, partant, si le FPÖ y avait accès, il pourrait tirer des conséquences injustifiées et faire condamner d’avance les requérantes.

180    De plus, selon les requérantes, cette confidentialité serait particulièrement nécessaire vis-à-vis du FPÖ, car son activité ne serait pas de protéger ses propres intérêts en tant que client, mais uniquement de défendre des intérêts politiques. La Commission ne disposerait pas de moyens juridiques pour éviter que les griefs transmis ne fassent l’objet d’un abus, une action en responsabilité contre la Commission ne permettant pas de réparer une atteinte à la réputation des requérantes. Par conséquent, l’intérêt légitime de celles-ci à ce que les griefs soient gardés secrets devrait prévaloir sur un prétendu intérêt du FPÖ. En outre, les requérantes confirment que, après la transmission, le FPÖ a effectivement exploité les griefs à des fins politiques, en les fournissant à la presse et en donnant une image déformée de leur contenu et de leur signification. Ainsi, le 27 janvier 2002, le gouverneur du Land de Carinthie, membre et ancien président du FPÖ, M. J. Haider, aurait exposé dans un entretien télévisé le contenu des communications des griefs transmises par la Commission et aurait proféré des accusations contre les banques concernées. Ces reproches auraient ensuite été rapportés sur divers sites Internet, parmi eux, celui du FPÖ. Le 1er février 2002, M. Haider aurait réitéré ses accusations lors d’une conférence de presse. Ces déclarations auraient été reprises par les médias autrichiens qui auraient publié des articles citant littéralement des extraits de la communication des griefs du 10 septembre 1999. Les noms des requérantes auraient été cités à plusieurs reprises. Celles-ci se trouveraient donc, en raison de la condamnation exposée dans les médias, impuissantes face à la perte de confiance des clients.

181    Enfin, les requérantes prétendent que, étant donné que, en l’espèce, la transmission des griefs ne pouvait plus remplir sa fonction essentielle consistant à permettre au plaignant de se préparer à l’audition (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Postbank/Commission, T‑353/94, Rec. p. II-921, point 10), parce que celle-ci avait déjà eu lieu, la Commission a erronément effectué une mise en balance des intérêts en jeu, en ayant subordonné l’intérêt légitime des requérantes à ce que les griefs soient gardés entièrement secrets au respect formel d’un droit d’accès au dossier allégué par le FPÖ.

182    À titre subsidiaire, les requérantes prétendent que les versions prétendument non confidentielles des communications des griefs à transmettre au FPÖ contiennent bon nombre d’informations dont elles seraient en droit d’exiger la confidentialité.

183    Ainsi, d’une part, la requérante dans l’affaire T‑213/01 soutient que les informations contenues aux points 216, 218 et 219 de la communication des griefs du 10 septembre 1999, relatives au mode et à l’étendue de sa participation à l’entente, sont à traiter comme confidentielles au regard du FPÖ. L’affirmation de la Commission selon laquelle ces informations ne seraient pas des secrets d’affaires, car le FPÖ connaîtrait déjà l’identité de la requérante, ne serait pas exacte car le FPÖ ne l’aurait pas citée dans sa demande. D’autre part, les informations ressortant des documents transmis volontairement par la requérante et citées dans la communication des griefs seraient également confidentielles, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement nº 2842/98 et à la communication de la Commission relative aux règles de procédure interne pour le traitement des demandes d’accès au dossier dans les cas d’application des articles [81] et [82] CE, des articles 65 et 66 du traité CECA et du règlement (CEE) nº 4064/89 du Conseil (JO C 23, du 23 janvier 1997, p. 3). Or, la décision du conseiller-auditeur de ne pas transmettre ces documents ne suffirait pas à garantir leur confidentialité, car ils seraient littéralement reproduits dans la communication des griefs.

184    Dans l’affaire T‑214/01, la requérante fait remarquer que le conseiller-auditeur a erronément rejeté sa demande du 18 novembre 1999 de supprimer les noms des personnes et des banques concernées en considérant que seuls les secrets d’affaires bénéficieraient du traitement confidentiel. Elle ajoute que les communications des griefs contiennent de nombreuses autres informations couvertes par la garantie de la confidentialité.

185    La Commission estime que ces arguments sont dépourvus de tout fondement.

–       Appréciation du Tribunal

186    Les requérantes prétendent, à titre principal, que toutes les informations contenues dans les communications des griefs sont confidentielles vis-à-vis du FPÖ, car celui-ci ne justifie pas d’un intérêt légitime au sens de l’article 3, paragraphe 2, du règlement nº 17.

187    Ce grief ne saurait être accueilli. En effet, il a été jugé que le FPÖ disposait en l’occurrence d’un intérêt légitime à faire constater la prétendue infraction à l’article 81 CE, aux termes de l’article 3 du règlement nº 17 (voir points 110 à 118 ci-dessus). Partant, conformément à l’article 7 du règlement nº 2842/98, le FPÖ, en sa condition de demandeur, avait le droit de recevoir une version non confidentielle des communications des griefs.

188    Cette appréciation ne saurait être remise en cause ni par les arguments avancés par les requérantes concernant l’éventuelle exploitation abusive des griefs par le FPÖ ni en raison des faits qui se seraient produits après la transmission effective des griefs au FPÖ.

189    Premièrement, la Commission ne serait pas tenue de restreindre, sur la base de simples soupçons relatifs à une éventuelle utilisation abusive des griefs, le droit à la transmission des communications des griefs prévu à l’article 7 du règlement nº 2842/98 en faveur d’un tiers demandeur qui justifie valablement d’un intérêt légitime. Au surplus, il importe d’observer qu’en l’espèce la Commission a attiré l’attention du FPÖ sur le fait que la transmission des griefs s’opérait dans le seul cadre et aux seules fins de la procédure d’infraction. Ainsi, il ressort de la lettre du conseiller-auditeur du 30 janvier 2002, que la Commission a informé le FPÖ que la transmission avait pour seul but de lui faciliter l’exercice de ses droits de demandeur, que les griefs refléteraient l’opinion provisoire de la Commission, que toute utilisation des documents ou de leur contenu à des fins étrangères à la procédure était interdite et que les banques concernées par la procédure – qui avaient contesté les griefs – devaient être considérées comme non coupables tant que la Commission ne prendrait pas une décision sur la procédure au fond.

190    Deuxièmement, s’agissant des faits qui se sont produits après la transmission des griefs au FPÖ, il y a lieu de rappeler que la légalité d’un acte doit être appréciée au regard des circonstances de droit et de fait existant au moment où cette décision a été adoptée, de telle sorte que des actes postérieurs à une décision ne peuvent pas en affecter la validité (arrêts de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 16, et du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec. p. 3137, point 49). Ces événements ne sauraient donc être valablement invoqués pour contester le bien-fondé de la décision litigieuse.

191    Enfin, il convient de rejeter aussi l’argument des requérantes selon lequel, en l’espèce, la transmission des griefs ne pouvait plus remplir sa fonction essentielle consistant à permettre au plaignant de se préparer à l’audition, pour les raisons exposées au point 148 ci-dessus.

192    Il s’ensuit que les arguments des requérantes tirés de la confidentialité de tous les griefs vis-à-vis du FPÖ ne peuvent être accueillis.

193    À titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que certaines informations contenues dans les communications des griefs seraient confidentielles à l’égard du FPÖ.

194    Ainsi, la requérante dans l’affaire T‑213/01 prétend que les informations contenues aux points 216, 218 et 219 de la communication des griefs du 10 septembre 1999 en ce qui concerne son identité ainsi que le mode et l’étendue de sa participation à l’entente devraient être considérées comme confidentielles et, dès lors, supprimées des versions des communications des griefs à transmettre au FPÖ.

195    S’agissant de l’identité de la requérante, il importe de relever que celle-ci n’expose pas en quoi son nom revêt un caractère confidentiel. Ainsi, il y a lieu de rejeter ce grief, celui-ci étant insuffisamment étayé. Au demeurant, il y a lieu de relever que, avant la transmission de la communication des griefs au FPÖ, la requérante était déjà citée comme l’une des parties défenderesses dans l’action collective engagée à propos de ces mêmes pratiques devant les juridictions des États-Unis d’Amérique. De même, il y a lieu d’observer que, lors de l’audience de la procédure en référé, la requérante n’a pas contesté que son nom était déjà mentionné par la presse en relation avec l’affaire en cause. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, sa prétendue participation aux enquêtes en cause était déjà connue par le public. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que le seul fait que le nom de la requérante n’apparaissait pas dans la demande déposée par le FPÖ auprès de la Commission le 24 juin 1997 ne suffit pas à faire de son nom une information confidentielle pour des tiers demandeurs.

196    Le grief tiré du caractère confidentiel de l’identité de la requérante ne peut donc être retenu.

197    S’agissant des informations relatives à l’étendue de la participation de la requérante dans l’affaire T‑213/01 aux pratiques dénoncées, les points précités de la communication des griefs du 10 septembre 1999 contiennent des références aux postes de personnes travaillant au sein de la requérante qui auraient participé à des réunions anticoncurrentielles. La requérante n’expose pas, toutefois, dans quelle mesure ces références portent atteinte à ses intérêts ni pour quelles raisons ces références devraient être couvertes par le bénéfice de la confidentialité à l’égard des tiers demandeurs.

198    Enfin, s’agissant des conditions bancaires contenues au point 219 de la communication des griefs du 10 septembre 1999, qui auraient été prétendument discutées lors d’une réunion entre les banques incriminées, il y a lieu de relever que les informations sensibles d’ordre commercial des entreprises concernées dans une procédure d’infraction constituent des informations confidentielles susceptibles de bénéficier de la garantie de confidentialité. En effet, l’article 287 CE se réfère expressément, comme étant des informations couvertes par le secret professionnel, aux « renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou les éléments de leur prix de revient ». 

199    Il importe toutefois d’observer que le caractère confidentiel de ces données peut être raisonnablement écarté en raison de l’ancienneté des informations en cause (ordonnances du Tribunal du 15 novembre 1990, Rhône-Poulenc e.a./Commission, T‑1/89 à T‑4/89 et T‑6/89 à T‑15/89, Rec. p. II‑637, point 23, et du 19 juin 1996, NMH Stahlwerke e.a./Commission, T‑134/94, T‑136/94 à T‑138/94, T‑141/94, T‑145/94, T‑147/94, T‑148/94, T‑151/94, T‑156/94 et T‑157/94, Rec. p. II‑537, point 24). En l’espèce, il ressort des points 216, 218 et 219 de la communication des griefs que les informations controversées concernent, pour l’essentiel, les taux minimaux d’intérêts pour les prêts pour les différents produits bancaires qui auraient soi-disant été accordés par la requérante et les autres banques incriminées en avril 1996. Dès lors, ces informations datant de plus de cinq ans avant l’adoption de la décision litigieuse, le conseiller-auditeur a pu valablement conclure dans celle-ci qu’elles avaient acquis un caractère historique et qu’elles pouvaient donc être communiquées au FPÖ.

200    Il s’ensuit que les arguments tirés par la requérante dans l’affaire T‑213/01 du caractère confidentiel des informations contenues aux points 216, 218 et 219 de la communication des griefs du 10 septembre 1999 doivent être rejetés.

201    En outre, la requérante dans l’affaire T‑213/01 soutient que les informations citées textuellement dans les communications des griefs extraites des documents annexés à celles-ci et pour lesquels la garantie de confidentialité à été accordée devraient également être considérées comme confidentielles.

202    Il y a toutefois lieu d’observer que la requérante se limite à invoquer cet argument sans identifier quelles seraient ces informations, dans quelles parties des communications des griefs elles se trouveraient et pour quelles raisons précises et spécifiques ces informations seraient susceptibles de bénéficier de la garantie de confidentialité.

203    Dès lors, il y a lieu de conclure que les arguments de la requérante dans l’affaire T‑213/01 concernant le caractère confidentiel de certaines informations contenues dans les griefs ne sont pas fondés.

204    À son tour, la requérante dans l’affaire T‑214/01 soutient que le conseiller-auditeur aurait du supprimer les noms des personnes et des banques concernées. Or, il convient de relever que la requérante était expressément citée dans la demande déposée par le FPÖ auprès de la Commission le 24 juin 1997. De même, elle figurait également parmi les parties défenderesses dans l’action collective engagée devant les juridictions des États-Unis d’Amérique. Par ailleurs, en ce qui concerne les noms des personnes concernées, il importe de noter que l’identité de celles-ci ne figurait pas dans les versions non confidentielles des communications des griefs, lesquelles, comme il a été dit, ne faisaient référence qu’aux postes occupés ou aux fonctions génériques exercées par ces personnes (voir point 197 ci-dessus).

205    Enfin, la requérante dans l’affaire T‑214/01 fait également valoir que les communications des griefs contiennent de nombreuses autres informations couvertes par la garantie de la confidentialité. Il suffit de constater à cet égard que la requérante n’a aucunement identifié ces informations ou motivé leur prétendu caractère confidentiel.

206    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que les griefs de la requérante dans l’affaire T‑214/01 concernant le caractère confidentiel de certaines informations contenues dans les communications des griefs en cause doivent également être rejetés.

207    Il s’ensuit que le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 lu en combinaison avec l’article 287 CE doit être rejeté.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de confiance légitime

 Arguments des parties

208    Les requérantes font valoir que la transmission des communications des griefs au FPÖ viole également le principe de confiance légitime. Elles auraient coopéré avec la Commission dans la reconstruction commune des faits, ayant fourni un grand nombre de documents à condition que ces informations ne soient pas rendues accessibles à des tiers. Toutefois, la Commission aurait littéralement cité dans les griefs des passages de ces pièces transmises sous le sceau de la confidentialité. En permettant au FPÖ d’y accéder, la Commission méconnaîtrait la position de confiance légitime dans laquelle elle aurait placé les banques en ce qui concerne la confidentialité de ces informations (arrêt de la Cour du 3 mai 1978, Töpfer/Commission, 112/77, Rec. p. 1019, 1032). La thèse avancée par la Commission contredirait en outre sa communication relative aux règles de procédure interne pour le traitement des demandes d’accès au dossier, précitée, qui se référerait à la nécessité de protéger les informations pour lesquelles la confidentialité a été demandée et qui comprendrait « certains types de renseignements communiqués à la Commission, […] notamment de documents recueillis lors d’une vérification qui appartiennent au patrimoine d’une entreprise et pour lesquels cette entreprise réclame la non-divulgation » (point I A 2, deuxième alinéa, de la communication).

209    La Commission relève que l’article 7 du règlement nº 2842/98 reconnaît à tout plaignant le droit à la transmission d’une version non confidentielle des griefs. Toutes les promesses de protection de confidentialité des parties relatives à des informations fournies de plein gré par les banques concernées ne pourraient rien changer à ce droit.

 Appréciation du Tribunal

210    Il est de jurisprudence constante que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêt de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens/Commission, 265/85, Rec. p. 1155, point 44, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 74). Néanmoins, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du Tribunal du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T‑113/96, Rec. p. II‑125, point 68, et du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, point 59).

211    Il y a lieu de rappeler que les requérantes et les autres banques concernées par la procédure ont demandé, par une note liminaire adjointe à l’exposé commun des faits présentée à la Commission le 16 décembre 1998, de réserver audit exposé un traitement confidentiel à l’égard des tiers. Cependant, il ne ressort pas du dossier que la Commission ait fourni aux requérantes l’assurance qu’elle ne communiquerait pas les données contenues dans cet exposé aux tiers demandeurs. Par ailleurs, les requérantes n’ont pas non plus produit d’élément ni d’indice de nature à prouver qu’il existerait un accord de la part de la Commission concernant un prétendu traitement absolument confidentiel de ces annexes. 

212    Dans ces circonstances, il ne peut être valablement soutenu que le principe de confiance légitime ait été enfreint.

213    Cette appréciation ne saurait être remise en cause par le fait que le conseiller-auditeur a expressément indiqué dans la liste 1 que les documents joints à la communication des griefs du 10 septembre 1999 n’allaient pas être transmis aux tiers demandeurs. Le contenu de cette liste n’a pas pu fonder de confiance légitime chez les requérantes dès lors que, outre le fait qu’elle se réfère strictement aux documents annexes en tant que tels, le détail exposé dans cette liste 1 des points précis de la communication des griefs qui allaient être notifiés n’a jamais compris la suppression ni la dissimulation des extraits de ces annexes reproduites dans la communication. Enfin, il y a lieu de noter que, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, la communication de la Commission sur le traitement des demandes d’accès au dossier, précitée, ne consacre pas un droit absolu à la confidentialité des documents qui appartiennent au patrimoine d’une entreprise et pour lesquels celle-ci réclame la non-divulgation à des tiers.

214    Le septième moyen doit donc être rejeté comme non fondé.

215    Eu égard à ce que précède, il y a lieu de rejeter les recours dans leur ensemble.

 Sur les dépens

216    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Cependant, aux termes de l’article 87, paragraphe 3, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs ou pour des motifs exceptionnels.

217    Au vu des circonstances de l’espèce, notamment du fait que la Commission a succombé en ses conclusions sur la recevabilité des recours, il y a lieu de condamner la Commission à supporter les dépens découlant des moyens relatifs à la recevabilité, que le Tribunal fixe à un tiers des dépens afférents à la procédure au principal. Les parties requérantes supporteront deux tiers des dépens afférents à la procédure au principal et l’ensemble des dépens afférents aux procédures de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Les parties requérantes supporteront deux tiers des dépens afférents à la procédure au principal et l’ensemble des dépens afférents aux procédures de référé.

3)      La Commission supportera un tiers des dépens afférents à la procédure au principal.

Lindh

García-Valdecasas

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juin 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       P. Lindh


* Langue de procédure : l'allemand.