Language of document : ECLI:EU:T:2004:336

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
18 novembre 2004 (1)

« Aides d'État – Encadrements communautaires des aides d'État pour la protection de l'environnement – Entreprise sidérurgique – Produits relevant du traité CE – Régime d'aide approuvé – Aide nouvelle – Ouverture de la procédure formelle – Délais – Droits de la défense – Confiance légitime – Motivation – Applicabilité des encadrements communautaires dans le temps – Finalité environnementale de l'investissement »

Dans l'affaire T-176/01,

Ferriere Nord SpA, établie à Osoppo (Italie), représentée par Mes W. Viscardini Donà et G. Donà, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République italienne, représentée initialement par M. U. Leanza, en qualité d'agent, puis par MM. I. Braguglia et M. Fiorilli, avvocati dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz et V. Di Bucci, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision 2001/829/CE, CECA de la Commission, du 28 mars 2001, relative à l'aide d'État que l'Italie envisage de mettre à exécution en faveur de Ferriere Nord SpA (JO L 310, p. 22), et, d'autre part, une demande d'indemnisation visant la réparation du préjudice prétendument subi par la requérante à la suite de l'adoption de ladite décision,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),



composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili, MM. A. W. H. Meij, M. Vilaras et N. J. Forwood, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 15 janvier 2004,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
L’article 87 CE déclare incompatibles avec le marché commun, sauf dérogations, les aides d’État dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres et s’avèrent anticoncurrentielles en ce qu’elles favorisent certaines entreprises ou certaines productions.

2
L’article 88 CE aménage la coopération entre la Commission et les États membres en ce qui concerne l’examen des régimes d’aides existants et celui des aides nouvelles. Il autorise la Commission à agir s’agissant des aides incompatibles avec le marché commun et détermine les pouvoirs du Conseil.

3
L’article 174 CE prévoit que la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement a, notamment, pour objectifs la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement ainsi que la protection de la santé des personnes.

4
L’article 7 du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), relatif aux décisions de la Commission de clore la procédure formelle d’examen, prévoit :

« 6. [...] La Commission s’efforce autant que possible d’adopter une décision dans un délai de dix-huit mois à compter de l’ouverture de la procédure. Ce délai peut être prorogé d’un commun accord entre la Commission et l’État membre concerné. »

5
L’article 6 de la décision nº 2496/96/CECA de la Commission, du 18 décembre 1996, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 338, p. 42), applicable jusqu’au 22 juillet 2002, prévoyait, en ce qui concerne la procédure :

« 1. La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations de tout projet tendant à instituer ou à modifier des aides visées aux articles 2 à 5. Elle est informée dans les mêmes conditions des projets tendant à appliquer au secteur sidérurgique des régimes d’aide à l’égard desquels elle s’est déjà prononcée sur la base des dispositions du traité CE [...]

2. La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations, et au plus tard le 31 décembre 2001, de tout projet de transfert de ressources publiques (prises de participation, dotations en capital, garanties de prêts, indemnités ou mesures similaires) des États membres, des collectivités territoriales ou d’autres organismes au bénéfice d’entreprises sidérurgiques.

[…]

5. Si la Commission considère qu’une intervention financière donnée peut constituer une aide d’État au sens de l’article 1er ou si elle doute qu’une aide donnée soit compatible avec les dispositions de la présente décision, elle en informe l’État membre concerné et invite les parties intéressées et les autres États membres à lui soumettre leurs observations. Si, après avoir reçu ces observations et donné à l’État membre concerné l’occasion d’y répondre, la Commission constate que la mesure en question constitue une aide non compatible avec les dispositions de la présente décision, elle prend une décision au plus tard trois mois après réception des informations nécessaires pour lui permettre d’apprécier l’aide en cause. Les dispositions de l’article 88 du traité [CECA] s’appliquent dans le cas où un État membre ne se conforme pas à ladite décision.

6. Si, à compter de la date de réception de la notification d’un projet quelconque, un délai de deux mois s’écoule sans que la Commission ait ouvert la procédure prévue au paragraphe 5 ou fait connaître sa position de quelque autre manière, les mesures projetées peuvent être mises à exécution, à condition que l’État membre ait au préalable informé la Commission de cette intention […] »

6
L’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (JO 1994, C 72 p. 3, ci-après l’« encadrement de 1994 »), dont la période de validité, venue à expiration le 31 décembre 1999, a été prorogée à deux reprises, jusqu’au 30 juin 2000 (JO 2000, C 14, p. 8), puis jusqu’au 31 décembre 2000 (JO 2000, C 184, p. 25), était applicable dans tous les secteurs régis par le traité CE, y compris ceux soumis à des règles communautaires spécifiques en matières d’aides d’État (point 2). Il indiquait, en son point 3, les conditions d’application des règles en matière d’aides d’État, notamment pour les aides à l’investissement :

« 3.2.1. Les aides aux investissements en terrains (lorsqu’elles sont strictement nécessaires pour satisfaire à des objectifs environnementaux), en bâtiments, installations et équipements, destinées à réduire ou à éliminer les pollutions et les nuisances, ou à adapter les méthodes de production en vue de protéger l’environnement, peuvent être autorisées dans les limites établies par le présent encadrement. Les coûts admissibles doivent être strictement limités aux coûts d’investissement supplémentaires nécessaires pour atteindre les objectifs de protection de l’environnement. Les coûts d’investissements généraux ne relevant pas de la protection de l’environnement doivent être exclus. Ainsi, dans le cas d’investissements nouveaux ou de remplacement, le coût des investissements de base simplement destinés à créer ou à remplacer des capacités de production, sans améliorer la situation du point de vue de l’environnement, ne [peut] pas être pris en considération […] En tout état de cause, les aides apparemment assignées à des mesures de protection de l’environnement mais qui en réalité sont destinées à un investissement général, ne sont pas couvertes par le présent encadrement […] »

7
Le point 3 de l’encadrement de 1994 prévoyait également les conditions particulières d’autorisation des aides destinées à aider les entreprises à s’adapter aux nouvelles normes obligatoires ou à inciter les entreprises à aller au-delà de ce que leur imposent les normes obligatoires ainsi que les conditions d’octroi des aides en l’absence de normes obligatoires.

8
L’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (JO 2001, C 37, p. 3, ci-après, l’« encadrement de 2001 »), qui a remplacé l’encadrement de 1994, prévoit en son point 7 qu’il est applicable aux aides destinées à assurer la protection de l’environnement, dans tous les secteurs régis par le traité CE, y compris ceux soumis à des règles communautaires spécifiques en matière d’aides d’État.

9
En ce qui concerne la référence à des normes environnementales, les points 20 et 21 de l’encadrement de 2001 indiquent que la prise en compte à long terme des impératifs environnementaux requiert la vérité des prix et l’internalisation totale des coûts liés à la protection de l’environnement, la Commission estimant, en conséquence, que l’octroi d’aides ne se justifie plus en cas d’investissements destinés à une simple mise en conformité avec des normes techniques communautaires existantes ou nouvelles, sauf en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) pour leur permettre de se conformer à de nouvelles normes communautaires, et qu’il peut également s’avérer utile pour inciter les entreprises à atteindre un niveau de protection plus élevé que le niveau requis par les normes communautaires.

10
S’agissant des investissements pris en considération, le point 36 (première phrase) de l’encadrement de 2001 indique :

« Les investissements concernés sont les investissements en terrains lorsqu’ils sont strictement nécessaires pour satisfaire à des objectifs environnementaux, en bâtiments, installations et équipements destinés à réduire ou à éliminer les pollutions et les nuisances ou à adapter les méthodes de production en vue de protéger l’environnement. »

11
En ce qui concerne les coûts éligibles, le point 37 précise, dans ses trois premiers alinéas :

« Les coûts éligibles doivent être strictement limités aux coûts d’investissement supplémentaires pour atteindre les objectifs de protection de l’environnement.

Cela signifie que lorsque le coût de l’investissement de protection de l’environnement n’est pas aisément détachable du coût total, la Commission prendra en compte des méthodes de calcul objectives et transparentes, par exemple le coût d’un investissement comparable sur le plan technique, mais qui ne permet pas d’atteindre la même protection de l’environnement.

Dans tous les cas, les coûts éligibles doivent être calculés abstraction faite des avantages retirés d’une éventuelle augmentation de capacité, des économies de coûts engendrées pendant les cinq premières années de vie de l’investissement et des productions accessoires additionnelles pendant la même période de cinq années. »

12
L’encadrement de 2001 prévoit qu’il est applicable à compter de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes (point 81), laquelle a eu lieu le 3 février 2001. En outre, son point 82 précise :

« La Commission appliquera les dispositions du présent encadrement à tous les projets d’aide notifiés sur lesquels elle statuera après la publication au Journal officiel dudit encadrement, même si ces projets ont fait l’objet d’une notification avant cette publication […] »


Antécédents du litige

13
La région autonome italienne de Frioul-Vénétie Julienne a adopté, en 1978, des mesures visant à favoriser les initiatives des entreprises industrielles pour la protection de l’environnement. Le dispositif en cause, qui résulte de l’article 15, paragraphe 1, de la loi régionale nº 47, du 3 juin 1978, a été modifié par l’article 7 de la loi régionale nº 23, du 8 avril 1982 puis par l’article 34 de la loi régionale nº 2, du 20 janvier 1992. Il a été approuvé par la Commission [lettre SG (92) D/18803, du 22 décembre 1992] et définitivement adopté par la loi régionale nº 3, du 3 février 1993. L’article 15, paragraphe 1, de la loi régionale nº 47, du 3 juin 1978, tel que modifié en dernier lieu par la loi régionale nº 3, du 3 février 1993, prévoit :

« L’administration régionale est autorisée à octroyer aux entreprises industrielles en activité depuis au moins deux ans, qui envisagent de mettre en service ou de modifier des procédés et des installations de production afin de réduire la quantité ou la dangerosité des rejets, des déchets et des émissions produits ou les nuisances sonores ou d’améliorer la qualité des conditions de travail, conformément aux nouvelles normes fixées par la législation du secteur, des concours financiers d’un montant maximal de 20 % en équivalent subvention brut du coût considéré comme éligible. »

14
En 1998, la région autonome italienne de Frioul-Vénétie Julienne a voté de nouveaux crédits pour alimenter le régime d’aide approuvé par la Commission en 1992. L’article 27, sous c), point 16, de la loi régionale nº 3, du 12 février 1998, portant refinancement de la loi régionale nº 2, du 20 janvier 1992, prévoyait des crédits budgétaires d’un montant de 4 500 millions de lires italiennes (ITL) par an pour la période 1998-2000. Cette mesure de refinancement a été approuvée par décision SG (98) D/7785 de la Commission du 18 septembre 1998.

15
Ferriere Nord SpA (ci-après « Ferriere ») est une entreprise du secteur de l’industrie sidérurgique, mécanique et métallurgique sise à Osoppo, dans la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne. Elle fabrique des produits sidérurgiques relevant, pour certains, du traité CECA et, pour d’autres, du traité CE. L’entreprise, qui est l’un des principaux producteurs européens de treillis soudé électriquement, a réalisé un chiffre d’affaires de 210 800 000 euros en 1999, dont 84 % en Italie, 11 % dans le reste de l’Union européenne et 5 % dans le reste du monde.

16
Ferriere a demandé à la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne, par lettre du 26 mars 1997, une contribution financière, au titre de l’article 15 de la loi régionale nº 47, du 3 juin 1978, tel que modifié, en vue de réaliser une nouvelle installation pour la production de treillis métalliques soudés électriquement, technologiquement novatrice et de nature à réduire les émissions polluantes et sonores et à améliorer les conditions de travail. L’investissement total s’élevait à 20 milliards de ITL.

17
Par décret régional du 8 octobre 1998, la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne a décidé d’accorder à Ferriere une contribution égale à 15 % du coût admissible, à savoir 1 650 000 000 ITL (852 154 euros).

18
Par lettre datée du 18 février 1999, reçue par la direction générale « Concurrence » de la Commission le 25 février, les autorités italiennes ont notifié à cette dernière, dans le cadre de la procédure de notification systématique des projets de transferts de ressources publiques au bénéfice d’entreprises sidérurgiques prévue par l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la décision nº 2496/96 leur intention d’accorder à l’entreprise sidérurgique Ferriere des aides d’État en faveur de la protection de l’environnement, en application de la loi régionale nº 47, du 3 juin 1978, telle que modifiée.

19
La notification concernait des aides à l’investissement dans des installations de coulée continue et dans un nouveau laminoir pour treillis en acier soudé. Le versement de l’aide relative à ce second investissement a été suspendu par les autorités italiennes pour prévenir les difficultés que poserait un éventuel remboursement en cas de décision communautaire déclarant l’aide incompatible.

20
Par lettre du 3 juin 1999, la Commission a notifié à la République italienne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 5, de la décision nº 2496/96, concernant l’aide C 35/99 – Italie – Ferriere Nord (JO 1999, C 288, p. 39).

21
Les autorités italiennes ont indiqué à la Commission, par un courrier du 3 août 1999 de la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne à la représentation permanente de l’Italie auprès de l’Union européenne, que l’investissement concernant le laminoir entrait dans le champ d’application du traité CE, car le treillis en acier soudé fabriqué avec cet équipement n’est pas un produit CECA, qu’il répondait à des objectifs de protection de la santé et de l’environnement et que la mesure s’inscrivait dans le cadre du point 3.2.1 de l’encadrement de 1994.

22
Ferriere et la European Independent Steelworks Association (EISA), par courriers, respectivement des 5 et 4 novembre 1999, ont également fait valoir que le cadre juridique pertinent pour examiner la mesure d’aide était le traité CE.

23
Par lettre du 25 juillet 2000, les autorités italiennes ont indiqué à la Commission que, à la demande de Ferriere, elles retiraient la partie de la notification relative à l’investissement CECA, concernant des installations de coulée continue, et confirmaient la partie de la notification relative à l’investissement portant sur le laminoir, qui concernait des produits sidérurgiques hors CECA, demandant à la Commission de se prononcer, au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE, sur la compatibilité du projet avec le marché commun.

24
Par lettre du 14 août 2000, la Commission a notifié à la République italienne sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE concernant l’aide C 45/00 – Italie – Ferriere Nord SpA, en faveur d’investissements dans un nouveau laminoir pour treillis en acier soudé (JO 2000, C 315, p. 4). La Commission exposait, notamment, dans cette décision que, Ferriere étant une entreprise qui ne tenait pas de comptabilité séparée pour ses activités selon qu’elles relèvent du traité CECA ou du traité CE, elle devait s’assurer que l’aide ne profiterait pas aux activités CECA.

25
Ferriere a présenté ses observations dans une lettre du 13 novembre 2000, dans laquelle elle soulignait la séparation entre ses activités CECA et ses activités CE et faisait valoir l’importance de l’objectif environnemental de son investissement, indiquant que l’aide relevait du régime approuvé en 1992 et qu’elle était conforme au point 3.2.1 de l’encadrement de 1994.

26
Par lettre du 4 décembre 2000 adressée à la Commission, la UK Iron and Steel Association a indiqué que l’aide devait être examinée au regard des dispositions CECA et que l’investissement projeté avait une finalité manifestement économique.

27
Dans une lettre du 15 janvier 2001, la République italienne a réaffirmé que l’aide devait être appréciée au regard du traité CE.

28
La Commission a adopté, le 28 mars 2001, la décision 2001/829/CE,CECA, relative à l’aide d’État que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur de Ferriere Nord SpA (JO L 310, p. 22, ci‑après la « décision attaquée»).

29
La Commission expose, dans la décision attaquée, que le treillis soudé, qui sera fabriqué dans une unité distincte de l’entreprise au moyen du nouveau laminoir, n’est pas un produit CECA et que l’aide doit en conséquence être appréciée au regard des dispositions du traité CE. Elle indique que le concours financier envisagé constitue une aide d’État.

30
La Commission estime que l’investissement, destiné à améliorer la compétitivité de l’entreprise et à remplacer un équipement ancien, est essentiellement motivé par des raisons économiques, qu’il aurait de toutes façons été réalisé et ne justifie donc pas l’octroi d’une aide au titre de la protection de l’environnement. Ses incidences positives, du point de vue de la protection de l’environnement et des conditions de travail, seraient inhérentes à une nouvelle installation. La Commission observe que, en l’absence de normes écologiques obligatoires imposant la construction du nouveau laminoir, l’aide ne peut être considérée comme une application individuelle d’un régime déjà approuvé. Enfin, elle indique que, à supposer la finalité environnementale prépondérante, il ne serait pas possible de distinguer, au sein du coût total de l’investissement, la part afférente à la protection de l’environnement, comme le requiert l’encadrement de 2001.

31
En conséquence, la Commission déclare que l’aide est incompatible avec le marché commun et ne peut être mise à exécution. Elle enjoint à la République italienne de se conformer à cette décision. Elle clôt la procédure ouverte au sujet de l’aide C 35/99 – Italie – Ferriere Nord (voir le point 20 ci-dessus).


Procédure

32
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 juillet 2001, Ferriere a introduit le présent recours sur le fondement de l’article 230, quatrième alinéa, CE, de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE.

33
Le 22 novembre 2001, la République italienne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la partie requérante. Par ordonnance du 14 janvier 2002, le président de la première chambre élargie a admis cette intervention.

34
Par décision du Tribunal du 2 juillet 2003 (JO C 184, p. 32), le juge rapporteur a été affecté, pour la période allant du 1er octobre 2003 au 31 août 2004, à la quatrième chambre élargie, à laquelle l’affaire a par conséquent été réattribuée.

35
Par une mesure d’organisation de la procédure notifiée aux parties le 28 octobre 2003, le Tribunal a demandé à la Commission et à la République italienne de produire des documents législatifs et administratifs concernant le régime d’aide approuvé en 1992 et d’indiquer si des modifications y avaient été ultérieurement apportées. Il a également été demandé à la requérante d’indiquer les éléments qui permettaient selon elle d’isoler le coût de l’investissement lié à la protection de l’environnement.

36
Par courriers du 26 novembre 2003, les parties ont répondu aux demandes du Tribunal.

37
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 15 janvier 2004.


Conclusions des parties

38
Ferriere conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la Commission à réparer le préjudice que lui a causé cette décision avec les intérêts au taux légal applicable en Italie et un montant tenant compte de la réévaluation monétaire, ces deux éléments devant être calculés sur le montant de l’aide à compter de la date du 26 avril 1999 ;

condamner la Commission aux dépens.

39
La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal annuler la décision attaquée.

40
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.


Sur la légalité de la décision attaquée

41
À l’appui de son recours, Ferriere fait valoir des moyens de procédure et des moyens de fond.

Sur la procédure

42
La requérante développe six moyens de procédure, tirés de ce que la Commission n’aurait pu légalement ouvrir la procédure formelle d’examen de l’aide, qu’elle n’aurait pas respecté les délais procéduraux, qu’elle aurait méconnu les droits de la défense, le principe de protection de la confiance légitime, le principe de bonne administration et son obligation de motiver sa décision.

Sur le premier moyen de procédure, tiré de ce que la Commission n’aurait pu légalement ouvrir la procédure formelle d’examen de l’aide

    Arguments des parties

43
Ferriere soutient que la Commission a illégalement ouvert la procédure formelle, une première fois, le 3 juin 1999, et une seconde fois, le 14 août 2000, l’aide litigieuse constituant une mesure d’application du régime autorisé. La Commission aurait dû clore le dossier, notifié par erreur, après avoir constaté sa conformité au dispositif approuvé. L’ouverture de la procédure formelle dans les circonstances de l’espèce constituerait ainsi une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

44
La République italienne, qui allègue un détournement de pouvoir, fait valoir que la Commission aurait dû se limiter à prendre acte de la notification sans l’examiner comme une aide individuelle.

45
La Commission soutient qu’elle était fondée à ouvrir la procédure formelle d’examen. D’une part, elle fait valoir que les autorités italiennes ont procédé à la notification de l’aide à la demande de la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne, considérant que l’aide n’était pas couverte par le régime approuvé, que, dans la seconde notification, du 25 juillet 2000, le gouvernement italien lui demandait de prendre position sur un projet d’aide nouveau au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE et que, dès lors qu’il n’était nullement soutenu que l’aide était couverte par le régime approuvé, elle n’avait aucune raison de procéder à d’autres investigations. D’autre part, les autorités italiennes auraient, dès la notification de l’aide, indiqué qu’il n’existait pas de normes obligatoires, contrairement à ce qu’exigeait le régime approuvé. La Commission ajoute que, ayant constaté, après vérification, que le projet d’aide n’était pas couvert par un régime existant, elle l’a ensuite examiné à la lumière de la législation en vigueur.

    Appréciation du Tribunal

46
Il est constant que deux décisions d’ouvrir la procédure formelle ont été successivement notifiées aux autorités italiennes le 3 juin 1999 et le 14 août 2000.

47
Il ressort de la lettre de la Commission du 22 décembre 1992, mentionnée au point 13 ci-dessus, approuvant le régime d’aide en faveur de la protection de l’environnement projeté par la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne, que la Commission s’était prononcée dans le cadre des dispositions du traité CE au titre desquelles le régime en cause lui avait été notifié par les autorités italiennes le 23 janvier de la même année, et non dans le cadre du traité CECA.

48
Aussi, conformément aux prescriptions de l’article 6, paragraphe 1, de la décision nº 2496/96 qui prévoient l’information de la Commission concernant les projets d’aides à l’égard desquels elle s’est déjà prononcée sur la base du traité CE, les autorités italiennes ont notifié, le 18 février 1999, le projet d’aide en faveur de la protection de l’environnement qu’elles avaient l’intention d’accorder à la requérante. L’indication portée dans cette notification, selon laquelle l’aide était accordée en application de la loi régionale nº 47, du 3 juin 1978, telle que modifiée par la loi régionale nº 2, du 2 janvier 1992 « notifiée en son temps à la Communauté européenne avec issue favorable », est indifférente, puisque l’approbation avait été faite dans le cadre du traité CE et que les dispositions précitées de la décision nº 2496/96 obligeaient, dans un tel cas, l’État membre à notifier un projet d’aide entrant dans le champ d’application du traité CECA.

49
Saisie d’un tel projet, la Commission, dès lors qu’elle avait des doutes sur sa compatibilité avec les dispositions de la décision nº 2496/96 relative aux aides à la sidérurgie, pouvait légalement, en application de l’article 6, paragraphe 5, de cette décision, cité au point 5 ci-dessus, ouvrir la procédure formelle comme elle l’a fait le 3 juin 1999.

50
Ferriere n’est donc pas fondée à soutenir que la Commission aurait, une première fois, illégalement ouvert la procédure formelle.

51
S’agissant de la seconde ouverture de la procédure formelle, il convient de rappeler que, lorsqu’elle est confrontée à une aide individuelle dont il est soutenu qu’elle a été octroyée en application d’un régime préalablement autorisé, la Commission ne peut d’emblée l’examiner par rapport au traité. Elle doit, avant l’ouverture de toute procédure, contrôler si l’aide est couverte par le régime général et satisfait aux conditions fixées dans la décision d’approbation de celui-ci. Si elle ne procédait pas de la sorte, la Commission pourrait, lors de l’examen de chaque aide individuelle, revenir sur sa décision d’approbation du régime d’aides, laquelle présupposait déjà un examen au regard de l’article 87 CE, mettant ainsi en péril les principes de sécurité juridique et du respect de la confiance légitime. Une aide constituant une application rigoureuse et prévisible des conditions fixées dans la décision d’approbation du régime général approuvé est donc considérée comme une aide existante, qui n’a pas à être notifiée à la Commission ni à être examinée au regard de l’article 87 CE (arrêt de la Cour du 16 mai 2002, ARAP e.a./Commission, C-321/99 P, Rec. p. I-4287, point 83, et la jurisprudence citée).

52
En l’espèce, lorsque les autorités italiennes ont retiré une partie de la première notification et confirmé celle-ci s’agissant de l’aide relative au laminoir, le 25 juillet 2000, comme cela a été indiqué au point 23 ci-dessus, elles ont explicitement demandé à la Commission de prendre position sur la compatibilité du projet d’aide avec le marché commun en application de l’article 88, paragraphe 3, CE, qui concerne les aides nouvelles, et non dans le cadre de la coopération permanente de la Commission avec les États membres instaurée par l’article 88, paragraphe 1, CE, qui vise l’hypothèse des aides existantes.

53
De plus, si la lettre de la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne du 15 février 1999, jointe à la notification du 18 février 1999, qui demeurait valable pour la partie de la notification maintenue, comportait une référence au régime approuvé, les autorités italiennes ne soutenaient pas que l’aide relative à l’investissement de Ferriere constituait une mesure d’application dudit régime. En outre, et à titre surabondant, alors que le régime approuvé, cité au point 13 ci‑dessus, vise les investissements qui apportent des améliorations du point de vue de la protection de l’environnement ou des conditions de travail « conformément aux nouvelles normes fixées par la législation du secteur », la lettre susmentionnée précisait que Ferriere n’était pas soumise à des normes obligatoires ou à d’autres obligations juridiques, ce qui permettait de douter, prima facie, de la correspondance entre le projet notifié et le régime approuvé.

54
Dans ces circonstances, compte tenu de l’ambiguïté de la lettre du 15 février 1999 et du fait que les autorités italiennes n’ont pas soutenu, lors de leur seconde notification, que la mesure d’aide octroyée à Ferriere constituait une mesure d’application du régime approuvé alors que ces mêmes autorités ont pris l’initiative à deux reprises de saisir la Commission du projet d’aide litigieux, le notifiant la seconde fois sur le fondement de l’article 88, paragraphe 3, CE, comme une aide nouvelle sur la compatibilité de laquelle elles demandaient explicitement à la Commission, dans leur envoi du 25 juillet 2000, de se prononcer, il n’apparaît pas que la Commission ait commis une illégalité en ouvrant, une seconde fois, la procédure formelle.

55
La référence faite par Ferriere et la République italienne aux affaires dites « Italgrani » et « Tirrenia » précédemment examinées par la Cour (arrêts de la Cour du 5 octobre 1994, Italie/Commission, C-47/91, dit « Italgrani », Rec. p. I‑4635, et du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C-400/99, dit « Tirrenia », Rec. p. I-7303) n’est pas pertinente. Dans ces affaires, la Commission avait engagé la procédure formelle à la suite de plaintes et le gouvernement italien soutenait que les aides accordées aux entreprises concernées relevaient, dans le cas d’Italgrani, d’un régime approuvé et, dans celui de Tirrenia, d’un contrat de service public de sorte qu’il s’agissait d’aides existantes (arrêts Italgrani, précité, points 6 et 12, et Tirrenia, précité, points 8, 24 et 25). La Cour a précisé, dans l’arrêt Italgrani, qu’une remise en cause par la Commission des « aides individuelles rigoureusement conformes à la décision d’approbation » mettrait en péril les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique (arrêt Italgrani, précité, point 24).

56
Le raisonnement suivi par la Cour n’apparaît pas transposable dans la présente espèce, qui concerne une aide individuelle notifiée à la Commission comme une aide nouvelle en application de l’article 88, paragraphe 3, CE.

57
Il résulte de ce qui précède que Ferriere n’est pas fondée à arguer de ce que la procédure formelle aurait illégalement été ouverte non plus que de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Le premier moyen doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le deuxième moyen de procédure, tiré de ce que la Commission n’aurait pas respecté les délais procéduraux

    Arguments des parties

58
Ferriere fait valoir que la Commission a dépassé les délais procéduraux prévus en matière d’aide d’État à deux égards. D’une part, la Commission aurait initié la procédure formelle, le 3 juin 1999, plus de trois mois après la notification alors qu’elle aurait dû, selon les textes et la jurisprudence, prendre une décision dans un délai de deux mois après la notification d’une aide. D’autre part, la Commission n’aurait pas respecté le délai de 18 mois qui lui est imparti par l’article 7, paragraphe 6, du règlement nº 659/99 pour prendre une décision après l’engagement d’une procédure formelle, 20 mois s’étant écoulé avant qu’intervienne la décision attaquée. Ferriere ajoute que, si le délai de 18 mois n’est pas impératif, il ne peut être prorogé que d’un commun accord entre la Commission et l’État membre concerné.

59
La République italienne soutient que le retard avec lequel est intervenue la décision attaquée constitue une violation de l’article 7, paragraphe 6, du règlement nº 659/1999 et qu’elle n’a pas accordé de prolongation du délai pour la clôture de la procédure formelle. La partie intervenante fait en outre valoir que la Commission a méconnu le principe de coopération loyale en déclarant close, à l’article 3 de la décision attaquée, la procédure ouverte dans le cadre du traité CECA à la suite de la notification du 18 février 1999.

60
La Commission soutient que le moyen tiré de la longueur excessive de la procédure n’est pas fondé. En ce qui concerne l’ouverture de la procédure formelle, elle fait observer que la notification initiale a été effectuée sur la base de règles qui se sont révélées non pertinentes, ce qui ne pouvait la contraindre à réagir dans le délai de deux mois normalement applicable, et que les autorités italiennes ne lui avaient pas fait part de leur intention de mettre l’aide à exécution. En ce qui concerne la durée de la procédure formelle d’examen, la Commission fait valoir que le délai de 18 mois figurant à l’article 7, paragraphe 6, du règlement nº 659/1999 n’est pas impératif. De plus, la décision attaquée, du 28 mars 2001, étant fondée sur la seconde décision d’ouverture de la procédure formelle, du 14 août 2000, la durée réelle de la procédure aurait été de 7 mois et demi.

    Appréciation du Tribunal

61
En ce qui concerne la première décision d’ouverture de la procédure formelle, il convient d’observer que les dispositions pertinentes, s’agissant d’une notification faite dans le cadre du traité CECA, sont celles figurant à l’article 6, paragraphe 6, de la décision nº 2496/96 et non, comme l’indiquent à tort les parties, celles de l’article 4, paragraphe 5, du règlement nº 659/1999, qui s’appliquent à la seconde notification.

62
L’article 6, paragraphe 6, de la décision nº 2496/96 fait mention d’un délai de deux mois au-delà duquel, en l’absence d’ouverture d’une procédure formelle, les mesures d’aides projetées peuvent être mises à exécution à condition que l’État membre ait préalablement informé la Commission de son intention. Cette disposition ne fixe pas à la Commission un délai à peine de nullité mais, conformément au principe de bonne administration, l’invite à agir avec diligence et permet à l’État membre concerné de mettre à exécution les mesures d’aide passé un délai de deux mois, sous réserve d’en avoir préalablement informé la Commission (arrêts de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz 120/73, Rec. p. 1471, point 6, et du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451, point 11).

63
Or, il est constant que les autorités italiennes n’ont pas informé la Commission de leur intention de verser l’aide en cause. La partie intervenante ne saurait faire valoir qu’elle n’a pas accordé de « prolongation » de délai à la Commission, un tel mécanisme n’étant pas prévu par l’article 6, paragraphe 6, de la décision nº 2496/96. De plus, si la Commission, qui avait reçu la notification le 25 février 1999, n’a ouvert la procédure formelle que le 3 juin 1999, soit trois mois et neuf jours plus tard, ce délai, au cours duquel les autorités italiennes ne se sont pas manifestées auprès de la Commission selon les modalités prévues par la disposition précitée, n’apparaît pas, dans les circonstances de l’espèce, excessif. En tout état de cause, il ne résulte pas des termes de l’article 6, paragraphe 6, de la décision nº 2496/96 qu’une procédure formelle engagée plus de deux mois après la notification serait de ce fait entachée de nullité.

64
Ferriere n’est par conséquent pas fondée à soutenir que la décision attaquée est illégale du fait d’une ouverture tardive de la procédure formelle.

65
En ce qui concerne le temps pris par la Commission pour adopter la décision attaquée, l’article 7, paragraphe 6, du règlement nº 659/1999, cité au point 4 ci‑dessus, applicable à la mesure d’aide en cause, prévoit que la Commission doit s’efforcer autant que possible d’adopter une décision dans un délai de 18 mois à compter de l’ouverture de la procédure, délai qui peut être prorogé d’un commun accord entre la Commission et l’État membre concerné.

66
Ce délai s’applique, en l’espèce, à la procédure qui a suivi la seconde notification, effectuée au titre du traité CE, et non, comme le soutient la requérante, à celle qui a suivi la première notification faite au titre du traité CECA.

67
Certes, la décision attaquée vise les deux traités, mentionne la première notification, faite le 25 février 1999, au titre du traité CECA, et, en son article 3, déclare close la procédure engagée à la suite de cette notification. Mais cette première notification a été retirée, en ce qui concerne les projets d’aide CECA qu’elle mentionnait, le 25 juillet 2000 par la seconde notification. Se substituant à la précédente, cette seconde notification a confirmé la saisine de la Commission s’agissant du projet d’aide litigieux, le rattachant cette fois au traité CE. Sur ce point, les autorités italiennes ont expliqué à l’audience les problèmes de qualification posés par les interventions en faveur d’entreprises sidérurgiques telles que la requérante, oeuvrant dans le champ des deux traités. Au demeurant, l’appréciation du délai écoulé à compter de la première décision d’ouverture de la procédure formelle, le 3 juin 1999, devrait être faite au regard de la décision nº 2496/96. Or, celle-ci ne fixe pas de délai dans lequel une décision doit être prise après l’ouverture d’une procédure formelle.

68
C’est, par conséquent, à compter de la décision d’ouverture de la procédure formelle du 14 août 2000, qui a suivi la seconde notification du projet d’aide, fondée sur le traité CE, que la durée de ladite procédure doit être appréciée, et ce au regard des prescriptions du règlement nº 659/1999.

69
La Commission ayant pris la décision attaquée le 28 mars 2001, soit dans un délai de 7 mois et 14 jours après l’ouverture de la procédure formelle, le délai de 18 mois, mentionné au point 65 ci-dessus, qui est indicatif et prorogeable, a été respecté. La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la Commission a dépassé les délais prévus pour adopter la décision attaquée. En tout état de cause, à supposer que soit prise en considération la date de la première décision d’ouverture de la procédure formelle, le 3 juin 1999, la durée de la procédure serait un peu inférieure à 22 mois, ce qui ne constituerait pas un dépassement déraisonnable du délai indicatif de 18 mois susmentionné (arrêt du Tribunal du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, non encore publié au Recueil, point 139).

70
Il n’apparaît pas non plus que la Commission ait méconnu son devoir de coopération loyale avec la République italienne, dans les circonstances de l’espèce caractérisées par la dualité des activités de l’entreprise et l’unicité de sa comptabilité, l’envoi de deux notifications successives, au titre du traité CECA puis du traité CE, et l’obligation de la Commission de contrôler la nature exacte – CECA ou CE – de l’activité bénéficiaire. L’article 3 de la décision attaquée, qui déclare close la procédure ouverte à la suite de la notification faite dans le cadre du traité CECA, se borne, dans ce contexte, à tirer la conclusion formelle nécessaire de la procédure initiée le 3 juin 1999.

71
Il résulte de ce qui précède que Ferriere n’est pas fondée à soutenir que la Commission a méconnu les délais procéduraux. Le deuxième moyen doit en conséquence être rejeté.

Sur le troisième moyen de procédure, tiré d’une méconnaissance des droits de la défense

    Arguments des parties

72
Ferriere soutient que la Commission a méconnu les droits de la défense dans son application des encadrements successifs des aides d’État pour la protection de l’environnement. En effet, ayant engagé la procédure formelle sous l’empire de l’encadrement de 1994, elle aurait adopté la décision attaquée sur le fondement de l’encadrement de 2001, sans inviter la République italienne et les intéressés à présenter leurs observations à l’égard du nouvel encadrement.

73
La Commission fait valoir que, dans la procédure d’examen des aides d’État, le seul titulaire des droits de la défense est l’État membre, destinataire des décisions. La défenderesse ajoute que la requérante a été informée de l’ouverture des procédures formelles d’examen, qu’elle a présenté, à deux reprises, des observations dont il a été tenu compte et qu’elle aurait pu présenter de nouvelles observations après la publication de l’encadrement de 2001. En outre, les critères d’appréciation seraient demeurés, en substance, inchangés avec le nouvel encadrement.

    Appréciation du Tribunal

74
Il convient tout d’abord d’indiquer que le moyen développé par Ferriere doit être examiné non pas du point de vue des droits de la défense, dont seuls les États sont titulaires en matière d’aides d’État, mais en considération du droit dont disposent, en vertu de l’article 88, paragraphe 2, CE, les « intéressés » de soumettre des observations durant la phase d’examen visée par cette disposition (arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T-228/99 et T-233/99, Rec. p. II-435, points 122 à 125).

75
Il est constant que, lorsque l’encadrement de 2001 a été publié, les intéressés avaient déjà produit leurs observations, en considération de l’encadrement de 1994. Il ressort de l’encadrement de 2001, notamment de son introduction, que celui-ci se place dans la continuité de celui de 1994 et définit la nouvelle approche de la Commission compte tenu des évolutions intervenues sur les plans national et international, dans les concepts, les réglementations et les politiques en matière de protection de l’environnement. Or, à supposer que la Commission, comme elle s’y est estimée fondée, ait pu légalement faire application du nouvel encadrement lorsqu’elle a adopté la décision attaquée, question qui sera examinée aux points 134 à 140 ci-après, elle n’aurait pu, sans méconnaître les droits procéduraux des intéressés, fonder sa décision sur des principes nouveaux, introduits par l’encadrement de 2001, sans demander aux intéressés leurs observations à cet égard.

76
Il ressort de la décision attaquée que la Commission a déclaré l’aide incompatible, pour des motifs de deux ordres, à savoir que la raison principale de l’investissement était d’ordre économique (considérant 31), les avantages sur le plan environnemental étant des conséquences marginales de cet investissement (considérant 33), et que le coût supplémentaire de l’investissement pour l’environnement ne pouvait être isolé (considérant 32).

77
Les principes posés par les deux encadrements sont, au regard de ces motifs, en substance identiques, ce qu’a indiqué la Commission au considérant 31 (note en bas de page nº 3) de la décision attaquée. L’encadrement de 2001 comme celui de 1994 prévoient que sont éligibles les investissements dont l’objectif est la protection de l’environnement (point 3.2.1 de l’encadrement de 1994 et point 36 de celui de 2001, cités respectivement aux points 6 et 10 ci-dessus), l’encadrement de 1994 écartant explicitement l’attribution d’aides apparemment assignées à des mesures de protection de l’environnement, mais destinées en réalité à un investissement général. Les deux encadrements comportent par ailleurs le même mode de calcul des coûts éligibles à une mesure d’aide (point 3.2.1 de l’encadrement de 1994 et point 37, cité au point 11 ci-dessus, de l’encadrement de 2001).

78
La requérante a fait valoir à l’audience que la suppression de certaines précisions dans l’encadrement de 2001 n’est pas sans conséquences, s’agissant en particulier des nouvelles installations pour lesquelles le régime de 1994 permettait, selon elle, l’octroi d’aides dès lors que ces installations avaient un impact positif pour l’environnement. Sur ce point, Ferriere soutient dans ses écrits que, puisque l’encadrement de 1994, au point 3.2.1, excluait, dans le cas des investissements nouveaux ou de remplacement, le coût des investissements de base destinés à créer ou à remplacer des capacités de production sans améliorer la situation du point de vue de l’environnement, cela signifiait, a contrario, qu’une aide pouvait être accordée pour une nouvelle installation ayant un impact positif pour la protection de l’environnement.

79
Cependant, les observations de la requérante concernent en réalité la détermination, envisagée au point 3.2.1 de l’encadrement de 1994, des « coûts admissibles » à une mesure d’aide, lesquels devaient « être strictement limités aux coûts d’investissements supplémentaires nécessaires pour atteindre les objectifs de protection de l’environnement ». L’encadrement, cité au point 6 ci-dessus, précisait que, « [a]insi, dans le cas d’investissements nouveaux ou de remplacement, le coût des investissements de base simplement destinés à créer ou à remplacer des capacités de production, sans améliorer la situation du point de vue de l’environnement, ne [peut] pas être pris en considération ». Les termes de l’encadrement de 2001 ne peuvent donc être considérés comme comportant une modification du dispositif antérieur. En effet, que l’investissement concerne une installation nouvelle ou une installation ancienne, seuls les coûts supplémentaires liés à la protection de l’environnement peuvent bénéficier d’une mesure d’aide. Et si l’encadrement de 2001 ne comporte pas la même précision que celui de 1994, cette même condition d’éligibilité à l’aide demeure.

80
Il apparaît donc que la Commission n’a pas tiré du nouvel encadrement des principes et critères d’appréciation qui auraient modifié son analyse de l’aide notifiée. Dans ces circonstances, une nouvelle consultation des intéressés ne s’imposait pas. La requérante a pu faire valoir ses observations, résumées aux considérants 13 à 16 de la décision attaquée, sur les principes et critères d’appréciation, identiques en substance dans les deux encadrements, qui ont conduit la Commission à déclarer l’aide incompatible avec le marché commun.

81
La Commission n’a par conséquent pas fondé sa décision sur des motifs sur lesquels la requérante n’a pu faire connaître ses observations et les dispositions de l’article 88, paragraphe 2, CE n’ont donc pas été méconnues par la Commission.

82
Ferriere n’est donc pas fondée à soutenir que les droits de la défense, ici entendus comme les droits procéduraux reconnus aux « intéressés » par l’article 88, paragraphe 2, CE, auraient été méconnus. Le troisième moyen doit en conséquence être rejeté.

Sur le quatrième moyen de procédure, tiré d’une méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime

    Arguments des parties

83
Ferriere soutient que la Commission a méconnu la protection due à une confiance légitime d’ordre procédural. En effet, dès lors que la Commission n’a jamais demandé aux autorités italiennes ni à la requérante de produire une documentation établissant la finalité environnementale de l’investissement, elle ne pouvait légalement, selon la requérante, indiquer dans sa décision qu’aucun document ne lui avait été fourni à cet égard.

84
La République italienne fait valoir que le reproche fait par la Commission dans sa décision de ce que la preuve de la finalité environnementale de l’investissement n’a pas été fournie méconnaît les règles de la charge de la preuve, car, s’agissant d’une procédure de contrôle de compatibilité au regard du traité et non d’une procédure d’autorisation, la charge de la preuve incombait à la Commission.

85
La Commission soutient qu’elle n’a pas méconnu le principe de protection de la confiance légitime et que le gouvernement italien et l’entreprise ont été clairement invités par les décisions d’ouverture de la procédure formelle à rapporter des preuves concernant la finalité environnementale de l’investissement.

    Appréciation du Tribunal

86
Le moyen se divise en deux branches concernant, d’une part, les éléments que la Commission aurait dû demander aux intéressés et, d’autre part, le régime de la preuve.

87
En premier lieu, Ferriere reproche à la Commission de ne pas lui avoir demandé, non plus qu’à la République italienne, de fournir une documentation relative à la finalité environnementale de l’investissement, puis d’avoir indiqué dans sa décision qu’aucun document ne lui avait été fourni à ce sujet (considérant 30).

88
Le principe de protection de la confiance légitime, invoqué par la requérante, implique que la Commission tienne compte, dans la conduite de la procédure d’examen d’une aide d’État, de la confiance légitime qu’ont pu faire naître les indications contenues dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen (arrêt du Tribunal du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, T‑6/99, Rec. p. II-1523, point 126) et, par suite, qu’elle ne fonde pas la décision finale sur l’absence d’éléments que les parties intéressées n’ont pu, au vu de ces indications, estimer devoir lui fournir.

89
Il ressort de la décision d’ouverture de la procédure formelle du 3 juin 1999, mentionnée au point 20 ci-dessus, que la Commission a indiqué dans celle-ci qu’elle doutait que l’investissement ait pour principal objectif la protection de l’environnement, qu’elle estimait, à ce stade, que son incidence à cet égard serait très limitée et que les prétendus avantages pour la protection de l’environnement lui paraissaient concerner davantage la protection des ouvriers, ce qui ne relevait ni du code des aides à la sidérurgie ni de l’encadrement de 1994. La Commission a également rappelé que la décision de procéder à des investissements nécessaires pour des raisons économiques du fait de l’ancienneté des installations ne pouvait bénéficier d’une aide.

90
Dans la décision d’ouverture de la procédure formelle, du 14 août 2000, mentionnée au point 24 ci-dessus, la Commission a donné des indications concernant sa première appréciation de l’investissement du point de vue de la protection de l’environnement. Elle a indiqué que les autorités italiennes n’avaient pas prouvé que l’acquisition du laminoir avait pour principal objectif d’améliorer la protection de l’environnement ou les conditions de travail des ouvriers et qu’il lui semblait, au contraire, que Ferriere avait essentiellement cherché à remplacer ou à accroître sa capacité de production en se dotant d’un équipement très performant. La Commission a conclu que, à ce stade de son examen, les effets de l’investissement sur les conditions de travail et l’environnement lui paraissaient ne constituer que des conséquences marginales de l’investissement.

91
De telles indications, réitérées, étaient suffisamment claires et précises pour que les autorités italiennes et la requérante s’estiment invitées à fournir tous les éléments pertinents de nature à établir la finalité principalement environnementale de l’investissement. Le grief de Ferriere tiré de la méconnaissance de la confiance légitime d’ordre procédural ne saurait par conséquent être accueilli.

92
En deuxième lieu, Ferriere fait valoir que la Commission a fondé sa décision sur des présomptions sans procéder aux vérifications concrètes qui lui incombaient. La République italienne ajoute que la preuve de la finalité non environnementale de l’investissement devait être rapportée par la Commission et que la décision renverse la charge de la preuve.

93
Lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle, il revient à l’État membre et au bénéficiaire potentiel de faire valoir leurs arguments tendant à démontrer que le projet d’aide correspond aux exceptions prévues en application du traité, l’objet de la procédure formelle étant précisément d’éclairer la Commission sur l’ensemble des données de l’affaire (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, précité, point 13).

94
Si la Commission est tenue de formuler clairement ses doutes sur la compatibilité de l’aide lorsqu’elle ouvre une procédure formelle afin de permettre à l’État membre et aux intéressés d’y répondre au mieux, il n’en demeure pas moins que c’est au demandeur de l’aide de dissiper ces doutes et d’établir que son investissement satisfait la condition d’octroi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C-17/99, Rec. p. I-2481, points 41 et 45 à 49). Il incombait donc à la République italienne et à Ferriere d’établir que l’investissement en cause était éligible à une aide pour la protection de l’environnement et, en particulier, qu’il avait la finalité environnementale requise par les deux encadrements successivement applicables (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278/92 à C-280/92, Rec. p. I-4103, point 49, et du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑113/00, Rec. p. I-7601, point 70).

95
Il ressort du dossier et, en particulier, de la décision attaquée que la Commission, qui avait fait part de ses doutes sur la compatibilité de l’aide avec le marché commun et a recueilli les observations des tiers intéressés et de la République italienne sur le projet en question, a procédé à une analyse précise et argumentée des éléments soumis à son appréciation, aux considérants 23 à 36 de sa décision, comme il lui incombait.

96
Il résulte de ce qui précède que Ferriere n’est pas fondée à soutenir que la Commission a méconnu au cours de la procédure le principe de protection de la confiance légitime. Le quatrième moyen doit en conséquence être rejeté.

Sur le cinquième moyen de procédure, tiré d’une violation du principe de bonne administration

    Arguments des parties

97
Ferriere soutient que la Commission a méconnu le principe de bonne administration, en errant dans sa recherche de la base juridique pertinente – traité CECA puis traité CE – et en engageant une procédure formelle s’agissant d’une mesure d’application d’un régime autorisé.

98
La Commission fait valoir qu’elle n’a pas méconnu le principe de bonne administration. Deux notifications ayant successivement été faites, sur la base du traité CECA puis sur celle du traité CE, elle devait, s’agissant d’une entreprise sidérurgique ne tenant pas de comptabilité séparée, examiner l’aide du point de vue des deux traités.

    Appréciation du Tribunal

99
Il ressort du dossier que Ferriere est une entreprise sidérurgique qui fabrique des produits relevant pour certains du traité CECA et pour d’autres du traité CE, que les autorités italiennes ont d’abord notifié l’aide en cause au titre du traité CECA, qu’au cours de la procédure administrative la République italienne et Ferriere ont ensuite indiqué que le treillis en acier soudé, pour la fabrication duquel l’investissement dans un laminoir était projeté, n’était pas un produit CECA mais un produit CE et qu’une nouvelle notification a été faite en application du traité CE. La partie intervenante a, à cet égard, expliqué à l’audience qu’il était difficile de déterminer le cadre juridique pertinent dans le cas d’entreprises exerçant leur activité sous l’empire des deux traités.

100
En outre, dans le cas d’une entreprise sidérurgique sans comptabilité séparée, comme Ferriere, la Commission était fondée à vérifier que l’aide litigieuse ne serait pas détournée au profit des activités CECA (arrêt ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, précité, points 74 et 125).

101
Dans ces circonstances, la Commission ne saurait se voir imputer de prétendus errements procéduraux, alors que le rattachement de l’investissement au traité CECA ou au traité CE n’était pas, de prime abord, certain, qu’elle a été saisie successivement au titre de chacun des deux traités et qu’en tout état de cause il lui incombait de vérifier que l’aide ne risquait pas de bénéficier à des activités autres que celles pour lesquelles elle serait octroyée. La recherche par la Commission de la base juridique devant fonder sa décision ne saurait, à l’évidence, constituer une violation du principe de bonne administration.

102
Par ailleurs, du point de vue strictement procédural, l’engagement de deux procédures formelles ne révèle pas, en l’espèce, une méconnaissance du principe de bonne administration dès lors que, comme il a été indiqué en réponse au premier moyen (points 50, 54 et 57 ci-dessus), ces deux procédures ont été légalement ouvertes à la suite des notifications faites par les autorités italiennes. Quant à l’argument de Ferriere concernant la violation du principe de bonne administration qui résulterait de l’engagement d’une procédure formelle alors qu’il s’agirait d’une mesure d’application d’un régime autorisé, il relève de la question de fond qui est de savoir si, comme le soutient la requérante, la mesure d’aide en cause constituait une telle mesure, et il sera examiné avec le premier moyen de fond (voir points 116 à 128 ci-après).

103
Il résulte de ce qui précède que Ferriere n’est pas fondée à soutenir que la Commission a méconnu le principe de bonne administration. Le cinquième moyen doit en conséquence être rejeté.

Sur le sixième moyen de procédure, tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation

    Arguments des parties

104
Ferriere soutient que la Commission n’a pas suffisamment motivé sa décision en se bornant à indiquer, au considérant 30 (note en bas de page nº 1) de celle-ci, qu’il n’existait pas de limites spécifiques prescrites pour le type d’installation en cause.

105
La Commission expose qu’elle ne pouvait invoquer d’autres motifs que l’absence de normes constatée par elle.

    Appréciation du Tribunal

106
Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE est une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte litigieux. La motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. La question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./ Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, points 15 et 16, et du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C-114/00, Rec. p. I-7657, points 62 et 63).

107
Au regard de cette jurisprudence, il n’apparaît pas que la Commission ait manqué, en l’occurrence, à l’obligation de motiver de manière suffisante la décision attaquée.

108
En effet, la décision attaquée cite, au considérant 1 (note en bas de page nº 3), l’article 15, paragraphe 1, de la loi régionale nº 47, du 3 juin 1978, tel que modifié, cité au point 13 ci-dessus, lequel prévoit la possibilité d’accorder des aides aux investissements réalisés par les entreprises industrielles qui mettent en conformité leurs procédés ou leurs installations avec de nouvelles normes fixées par la législation du secteur. La décision attaquée rend compte, au considérant 14, des observations de la requérante relatives à l’existence de valeurs limites obligatoires que son installation respecterait et relève à cet égard, au considérant 30 (note en bas de page nº 1) que, contrairement à ce qu’affirme la société, il n’existe pas de limites spécifiques prescrites pour ce type d’installation. Le motif, tiré de l’absence de normes s’imposant à l’installation de Ferriere, est clairement exposé dans un contexte juridique et factuel qui permettait à la requérante d’en saisir le sens.

109
Ferriere n’est ainsi pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation. Le sixième moyen doit par conséquent être rejeté.

110
Il résulte de ce qui précède que les six moyens relatifs à la procédure doivent, dans leur ensemble, être rejetés.

Sur le fond

111
Ferriere développe, à l’appui de son recours, des moyens de fond de trois ordres selon lesquels, premièrement, son investissement constitue une mesure d’application d’un régime approuvé et non une aide nouvelle, deuxièmement, la décision attaquée aurait dû être prise au regard de l’encadrement de 1994 et non de celui de 2001 et, troisièmement, son investissement poursuit une finalité environnementale le rendant éligible à ce titre au bénéfice d’une aide pour la protection de l’environnement.

Sur le premier moyen de fond, tiré de ce que l’investissement de Ferriere constituerait une mesure d’application d’un régime approuvé et non une aide nouvelle

    Arguments des parties

112
Ferriere soutient que son investissement relevait du régime régional approuvé par la Commission en 1992 et n’en constituait qu’une simple mesure d’application, de sorte que la Commission a méconnu, par la décision attaquée, sa propre décision d’autorisation.

113
La Commission aurait fait une interprétation erronée du régime d’aide approuvé en 1992, la mise en conformité avec des « normes établies par la législation » ne visant pas la mise en conformité avec des « normes environnementales obligatoires », mais pouvant s’entendre de la mise en conformité avec des normes purement indicatives et, par conséquent, non contraignantes. Cette interprétation correspondrait à la philosophie des encadrements de 1994 et de 2001, qui intègrent ce caractère incitatif des aides. En outre, l’encadrement de 2001 prévoirait que des aides peuvent être autorisées pour des investissements réalisés en l’absence de normes obligatoires. De plus, des normes environnementales concernant les émissions polluantes ou les nuisances sonores et des normes visant l’amélioration des conditions de travail existeraient en vertu de dispositions nationales ou communautaires et auraient été prises en compte pour la réalisation de la nouvelle installation de la requérante.

114
La République italienne soutient que l’aide litigieuse relève du régime approuvé en 1992. De plus, la Commission en aurait autorisé, en 1998, le refinancement dans des termes qui montrent, comme cela ressort également des encadrements de 1994 et de 2001, que l’octroi d’aides n’est pas subordonné à l’existence de normes obligatoires. La Commission aurait donc fait une interprétation erronée du régime approuvé.

115
La Commission fait valoir que l’aide litigieuse n’est pas conforme au régime approuvé en 1992. Celui-ci poserait comme condition d’éligibilité à une aide que l’investissement concerné vise l’adaptation aux nouvelles normes du secteur. Or, selon la Commission, les précédentes installations de Ferriere répondaient aux normes existantes, et la nouvelle installation serait sans lien avec l’entrée en vigueur de nouvelles normes. Les normes citées par la requérante ne seraient ni nouvelles ni contraignantes ou bien elles seraient invoquées pour la première fois dans la présente instance. La défenderesse ajoute que l’amélioration des conditions de travail et les actions menées à l’intérieur des usines en faveur de la sécurité ou de l’hygiène ne relèvent pas de la protection de l’environnement.

    Appréciation du Tribunal

116
La question de savoir si l’aide litigieuse constituait une mesure d’application du régime approuvé en 1992 ou une aide nouvelle dépend de l’interprétation de la disposition établissant ledit régime, citée au point 13 ci-dessus, selon laquelle sont éligibles à une aide les investissements qui ont pour but d’apporter des améliorations du point de vue de l’environnement ou des conditions de travail, et cela « conformément aux nouvelles normes fixées par la législation du secteur ».

117
Il ressort des termes mêmes de la disposition susmentionnée que des normes doivent s’appliquer dans le secteur d’activité de l’entreprise candidate au bénéfice de l’aide, qu’elles doivent y avoir été nouvellement introduites et que l’investissement, pour être éligible à l’aide, doit réaliser la mise en conformité de l’installation avec lesdites normes.

118
Cette interprétation est corroborée par les circonstances dans lesquelles, au cours de la procédure d’examen du projet de régime d’aide, la condition tenant à l’adaptation à de nouvelles normes a été introduite. Il ressort de deux lettres de la Commission à la représentation permanente de l’Italie que la Commission avait demandé, dans la première, en date du 21 mai 1992, si, selon le dispositif projeté, l’octroi de l’aide était conditionné par la mise en conformité avec de nouveaux standards normatifs, et qu’elle indiquait sans équivoque, dans la seconde, en date du 9 septembre 1992, que « l’aide [devait] avoir pour objet de faciliter l’adaptation des entreprises à de nouvelles obligations imposées par les pouvoirs publics en matière d’élimination de la pollution ».

119
Aucune modification n’a été apportée à ce dispositif, s’agissant en particulier de la condition tenant à l’adaptation à de nouvelles normes, lorsque la Commission, par lettre du 18 septembre 1998, a donné son accord au refinancement du régime approuvé en 1992. Le résumé du régime autorisé contenu dans cette lettre ne saurait être interprété comme une modification dudit régime. Au demeurant, la République italienne et la Commission ont indiqué, dans leurs réponses aux questions du Tribunal, mentionnées au point 36 ci-dessus, que la procédure engagée en 1998 visait le simple refinancement du régime existant sans en affecter le contenu ou la portée.

120
Or, la demande d’aide, en date du 26 mars 1997, adressée par Ferriere à la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne ne mentionnait aucune norme que l’installation viserait à respecter. En outre, la lettre de la région du 15 février 1999, jointe à la notification des autorités italiennes en date du 18 février 1999, mentionnée aux points 53 et 54 ci-dessus, indique expressément qu’il n’existe pas de normes obligatoires ou d’autres obligations juridiques auxquelles l’entreprise serait assujettie et ajoute que l’investissement, effectué pour améliorer les résultats du point de vue de l’environnement, va au‑delà des normes communautaires. De plus, comme il a été constaté aux points 53 et 54 ci-dessus, les autorités italiennes n’ont pas soutenu, lors la seconde notification, que l’aide accordée à Ferriere constituait une mesure d’application du régime approuvé.

121
Certes, au cours de la procédure administrative, Ferriere, dans sa lettre du 13 novembre 2000, mentionnée au point 25 ci-dessus, a fait référence, sans en indiquer la base juridique, à des « valeurs limites » prescrites par la législation en vigueur, précisant que celles-ci respectaient en outre les orientations de la directive 96/61/CE, du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p. 26), transposée en droit interne par le décret législatif nº 372, du 4 août 1999, soit à une date postérieure à sa demande d’aide et à la notification de février 1999. Mais, ces textes, qui ne contiennent par eux-mêmes aucune valeur chiffrée, se bornent à formuler des recommandations pour la délivrance des autorisations en matière d’installations industrielles qui sont sans rapport avec le dossier d’aide ici en cause.

122
Dans sa requête, Ferriere a également fait état de la directive 86/188/CEE du Conseil, du 12 mai 1986, concernant la protection des travailleurs contre les risques dus à l’exposition au bruit pendant le travail (JO L 137, p. 28), transposée en Italie par le décret législatif nº 277, du 15 août 1991, et a renvoyé, par note en bas de page, à différents textes de droit communautaire ou national qui énonceraient des valeurs limites que son investissement respecterait. La requérante cite, en droit communautaire, la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux (JO L 377, p. 20), modifiée par la directive 94/31/CE du Conseil, du 27 juin 1994 (JO L 168, p. 28), et transposée en Italie par le décret législatif nº 22, du 5 février 1997. Elle mentionne également des textes de droit interne, à savoir le décret du président de la République nº 203, du 24 mai 1988, concernant les émissions de fumée et de poussières dans l’atmosphère, la loi nº 447, du 26 octobre 1995, concernant les émissions de nuisances sonores à l’extérieur des installations industrielles, et l’un de ses règlements d’application, le décret d’application du président du Conseil des ministres nº  675900, du 14 novembre 1997.

123
Mais, indépendamment du fait que, à la date à laquelle l’aide a été demandée, le 26 mars 1997, ces prescriptions n’étaient pour la plupart pas nouvelles, Ferriere n’a pas identifié, dans le cadre de la procédure administrative, pas plus qu’au cours de la présente instance, les normes qui auraient été prévues par ces dispositions et auxquelles son investissement aurait eu pour objet d’adapter l’installation industrielle. Ces éléments d’information n’ayant pas été produits et n’ayant, de ce fait, pu être pris en considération pour l’élaboration de la décision attaquée, ils ne peuvent être invoqués pour en discuter la légalité (arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, points 11 et 16). S’agissant en outre des dispositions de droit communautaire invoquées, d’une part, il apparaît, que la directive 86/188 a pour objet l’information, la protection et la surveillance médicale des travailleurs exposés à certains niveaux de bruit à leurs postes de travail, mais ne traite pas de normes à respecter par les entreprises. D’autre part, il ne ressort pas du dossier que Ferriere produit des déchets dangereux tels que ceux mentionnés par la directive 91/689 et qu’elle est, par conséquent, concernée par les dispositions de celle-ci.

124
Ainsi, il y a lieu de constater que Ferriere n’a pas été en mesure d’indiquer, ni au cours de la procédure administrative ni d’ailleurs au cours de la présente instance, à quelles nouvelles normes, applicables dans le secteur où elle exerce son activité, son investissement visait précisément à se conformer. Les arguments tirés de dispositions du droit communautaire ou du droit national, dépourvues de nouveauté ou sans lien avec l’octroi de l’aide litigieuse, sont pour partie irrecevables, car présentés pour la première fois devant le juge, et pour partie non fondés, car sans rapport avec l’investissement en cause. Force est donc de conclure que Ferriere n’a pas établi le rapport entre son investissement et de nouvelles normes concernant son secteur.

125
Il n’est, dès lors, pas besoin d’apprécier si les normes mentionnées par le régime d’aide approuvé s’entendent de normes impératives ou indicatives ni de rechercher si devrait être qualifiée de nouvelle toute norme introduite après la mise en service, dans les années 70, de l’installation à remplacer, comme le soutient Ferriere, la requérante étant en défaut d’identifier quelques normes que ce soit auxquelles elle aurait voulu adapter son installation. De même, l’argument selon lequel les encadrements de 1994 et de 2001 permettraient, à des fins incitatives, d’accorder des aides en l’absence de normes obligatoires ou dans des hypothèses où l’investissement va au-delà des normes à respecter est ici sans pertinence, puisque la disposition instaurant le régime approuvé exige que l’investissement, pour prétendre à une aide, vise l’adaptation de l’installation à des normes, nouvelles et applicables au secteur.

126
Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a considéré que l’aide litigieuse ne pouvait être regardée comme une mesure d’application du régime approuvé, mais constituait une mesure nouvelle.

127
Il en résulte de surcroît que l’argument de Ferriere, mentionné au point 102 ci‑dessus, selon lequel la Commission a violé le principe de bonne administration en engageant une procédure formelle à l’égard d’une mesure d’application d’un régime approuvé ne saurait, davantage, prospérer.

128
Le premier moyen de fond doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le deuxième moyen de fond, tiré de ce que la décision attaquée aurait dû être prise au regard de l’encadrement de 1994 et non de celui de 2001

    Arguments des parties

129
Ferriere fait valoir que son investissement devait être examiné au regard de l’encadrement de 1994. La décision attaquée serait fondée sur une base juridique erronée. L’aide aurait dû être appréciée sur la base des critères prévus par l’encadrement de 1994 et non par référence à ceux de l’encadrement de 2001. La Commission aurait également méconnu le principe de protection de la confiance légitime sur ce point.

130
La requérante excipe de l’illégalité du point 82 de l’encadrement de 2001 (cité au point 12 ci-dessus) tel qu’il a été interprété par la Commission. Selon Ferriere, le nouvel encadrement ne pouvait être appliqué à l’aide déjà notifiée que pour autant qu’une procédure formelle n’avait pas déjà été engagée en ce qui la concernait.

131
La République italienne fait valoir que l’aide devait être appréciée au regard de l’encadrement de 1994, en vigueur lorsqu’elle a été accordée, le 8 octobre 1998, et non selon le droit en vigueur au moment de l’adoption de la décision attaquée.

132
La Commission soutient que le projet d’aide était incompatible avec le marché commun au vu de l’encadrement de 2001 et qu’il n’aurait pu davantage être autorisé au regard de l’encadrement de 1994.

133
La défenderesse fait en outre valoir que l’exception d’illégalité du point 82 de l’encadrement de 2001 n’a pas été soulevée dans la requête et qu’elle est par conséquent irrecevable au regard des dispositions de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Elle considère en tout état de cause que le point 82 se borne à prévoir l’application immédiate du nouveau régime conformément aux principes généraux d’application de la loi dans le temps, ce qui ne méconnaîtrait nullement le principe de protection de la confiance légitime.

    Appréciation du Tribunal

134
La compatibilité d’un projet d’aide visant la protection de l’environnement avec le marché commun s’apprécie conformément aux dispositions combinées des articles 6 CE et 87 CE et dans le cadre des encadrements communautaires que la Commission a préalablement adoptés aux fins d’un tel examen. La Commission est en effet tenue par les encadrements ou communications qu’elle adopte en matière de contrôle des aides d’État dans la mesure où ils ne s’écartent pas des normes du traité et où ils sont acceptés par les États membres (arrêt de la Cour du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C-351/98, Rec. p. I-8031, point 53). Les intéressés sont par conséquent fondés à s’en prévaloir et le juge vérifie si la Commission a respecté les règles qu’elle s’est elle-même imposées en prenant la décision contestée (arrêt du Tribunal du 30 janvier 2002, Keller et Keller Meccanica/Commission, T-35/99, Rec. p. II-261, points 74 et 77).

135
En l’espèce, il convient de déterminer de façon liminaire quel encadrement communautaire des aides d’État en matière de protection de l’environnement la Commission était tenue d’appliquer pour prendre sa décision.

136
L’exception d’illégalité expressément soulevée dans la réplique est recevable, contrairement à ce que soutient la Commission, dès lors qu’elle constitue l’ampliation, aux points 12 à 18 de la réplique, d’un moyen implicitement soulevé au point 54 de la requête (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, Thai Bicycle/Conseil, T-118/96, Rec. p. II-2991, point 142).

137
Il ressort des points 81 et 82 de l’encadrement de 2001 (voir point 12 ci-dessus) que celui-ci est entré en vigueur, à la date de sa publication, effectuée le 3 février 2001, et que la Commission devait alors en appliquer les dispositions à tous les projets d’aide notifiés, même antérieurement à cette publication. Contrairement à l’interprétation de la requérante, l’application immédiate du nouvel encadrement ne comporte pas de réserve, et n’exclut donc pas le cas, tel celui de l’espèce, où une procédure formelle a été ouverte.

138
D’une part, les indications figurant aux points 81 et 82, qui s’inspirent des dispositions de l’article 254, paragraphe 2, CE, relatives à l’entrée en vigueur des règlements et des directives du Conseil et de la Commission, procèdent du principe selon lequel, sauf dérogation, les actes des institutions sont d’application immédiate (arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Licata/CES, 270/84, Rec. p. 2305, point 31, et du 2 octobre 1997, Saldanha et MTS, C-122/96, Rec. p. 5325, points 12 à 14).

139
D’autre part, le principe de protection de la confiance légitime ne saurait ici être utilement invoqué, car celui-ci concerne, comme le principe de sécurité juridique, des situations acquises avant l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions (arrêt de la Cour du 15 juillet 1993, Grusa Fleisch, C-34/92, Rec. p. 4147, point 22). Or, Ferriere ne se trouve pas dans une telle situation, mais dans celle, provisoire, où un État membre a notifié un projet d’aide nouvelle à la Commission en lui demandant d’examiner sa compatibilité avec les règles communautaires, l’octroi de la mesure d’aide étant subordonné au résultat de cet examen. En outre, et en tout état de cause, dès lors que les deux encadrements successifs étaient en substance identiques, comme cela a été précédemment constaté (voir point 77 ci‑dessus), la confiance légitime de la requérante n’a pu être affectée.

140
La décision attaquée a par conséquent été légalement prise en faisant application de l’encadrement de 2001, entré en vigueur le 3 février 2001.

Sur le troisième moyen de fond, tiré de ce que l’investissement de Ferriere aurait poursuivi une finalité environnementale le rendant éligible à ce titre au bénéfice d’une aide pour la protection de l’environnement

    Arguments des parties

141
Ferriere soutient que son investissement était éligible à une aide pour la protection de l’environnement. En effet, il répondrait aux objectifs de la politique communautaire de l’environnement énoncés à l’article 174 CE et satisferait les prescriptions des directives et recommandations communautaires. L’investissement entraînerait, en particulier, des améliorations du point de vue de la pollution atmosphérique, de l’élimination des déchets dangereux, des nuisances sonores et des conditions de travail, ces deux dernières étant expressément mentionnées dans la disposition instaurant le régime approuvé.

142
La requérante fait également valoir qu’il était possible d’isoler du coût total le coût correspondant à la protection de l’environnement, la région l’ayant évalué à 11 milliards de ITL sur un investissement de 20 milliards.

143
La Commission aurait méconnu la finalité environnementale du projet et estimé, de façon arbitraire, que la finalité économique de l’investissement était prépondérante, alors que l’objectif du nouveau procédé était précisément de rendre écologique le système de production. La requérante précise que, s’il est logique qu’une nouvelle installation soit économiquement plus performante qu’une ancienne, l’ancien laminoir était encore parfaitement satisfaisant sur les plans fonctionnel et technologique et a été remplacé par un équipement innovant en vue d’éliminer les inconvénients de l’ancien procédé pour l’environnement.

144
La République italienne fait valoir que l’investissement en cause a été déterminé, principalement, par des motifs liés à la protection de l’environnement.

145
La Commission soutient que l’aide ne se justifiait pas en l’espèce, car l’investissement aurait de toute façon été réalisé pour des motifs étrangers à la protection de l’environnement, la diminution des nuisances et des pollutions étant la conséquence obligée et intrinsèque d’un choix économique et technologique prépondérant et inéluctable. Il ne serait, en outre, pas possible d’isoler des coûts supplémentaires liés à l’aspect environnemental. La Commission ajoute que les documents produits pour la première fois au stade de la réplique, à les supposer recevables, ne peuvent avoir d’incidence sur la légalité de la décision attaquée, prise au vu des éléments portés à sa connaissance au cours de la procédure administrative.

    Appréciation du Tribunal

146
La Commission a déclaré l’aide incompatible pour les motifs indiqués au point 30 ci-dessus, selon lesquels l’investissement, qui visait à remplacer un équipement ancien par une installation innovante, ne procédait pas d’objectifs environnementaux, mais s’inscrivait dans une logique économique et industrielle, ce qui faisait obstacle à l’octroi d’une aide au titre de la protection de l’environnement. Elle a considéré, en outre, que les avantages pour la protection de l’environnement étaient inhérents au procédé, ce qui ne permettait pas d’isoler du coût total de l’investissement la part correspondant à la protection de l’environnement (considérants 29 et 31 à 33 de la décision).

147
Le bénéfice des dispositions communautaires concernant les aides d’État pour la protection de l’environnement dépend de la finalité de l’investissement pour lequel une mesure d’aide est demandée. Ainsi l’encadrement de 2001 (points 36 et 37, cités aux points 10 et 11 ci-dessus), identique à cet égard à l’encadrement de 1994 (point 3.2.1, cité au point 6 ci-dessus), mentionne les investissements destinés à réduire ou à éliminer pollutions ou nuisances ou à adapter les méthodes de production, étant précisé que seul le coût d’investissement supplémentaire lié à la protection de l’environnement est éligible à la mesure d’aide. L’éligibilité à une mesure d’aide pour la protection de l’environnement d’un investissement répondant notamment à des considérations économiques suppose que ces considérations ne suffisent pas à elles seules à justifier l’investissement sous la forme choisie.

148
Il résulte en effet de l’économie de l’encadrement de 2001, identique à celle de l’encadrement de 1994 à cet égard, que n’est pas éligible à une aide tout investissement qui adapte une installation à des normes, obligatoires ou non, nationales ou communautaires, qui dépasse de telles normes ou qui est réalisé en l’absence de toutes normes, mais seulement l’investissement dont l’objet même est cette performance environnementale.

149
La Commission pouvait, dès lors, déclarer le projet incompatible avec le marché commun dans la mesure où il ne satisfaisait pas à cette exigence.

150
Est par conséquent sans incidence le fait que la requérante soutienne que son investissement apporte des améliorations du point de vue de la protection de l’environnement, comme le fait que la décision attaquée reconnaît les avantages de l’investissement du point de vue de la protection de l’environnement ou de la santé et de la sécurité des travailleurs.

151
Il est certes possible qu’un projet ait à la fois un objectif d’amélioration de la productivité économique et un objectif de protection de l’environnement, mais l’existence de ce second objectif ne peut se déduire du simple constat que le nouvel équipement a un moindre impact négatif sur l’environnement que l’ancien, ce qui peut être un simple effet collatéral d’un changement de technologie à objet économique ou du renouvellement d’un matériel usé. Pour que puisse être retenu en pareil cas un objet partiellement environnemental de l’investissement aidé, il est nécessaire d’établir que la même performance économique aurait pu être obtenue au moyen d’un équipement moins coûteux, mais plus dommageable pour l’environnement.

152
La solution du litige ne dépend donc pas de la question de savoir si l’investissement apporte des améliorations d’ordre environnemental ou s’il dépasse des normes environnementales existantes, mais, en premier lieu, de celle de savoir s’il a été réalisé en vue d’apporter de telles améliorations.

153
Sur ce point, la requérante soutient que l’objectif du nouveau procédé était de rendre écologique le système de production, ce qu’exposeraient de façon détaillée les annexes B et C de sa demande d’aide, en date du 26 mars 1997. Ces documents confirment l’avancée technologique que représente le nouveau procédé pour la production du treillis en acier soudé, entièrement automatisé, et qui a pour conséquences de réduire le bruit de l’installation et de supprimer les émissions de poussière. Ils confirment donc l’intérêt d’une telle installation d’un point de vue économique et industriel, intérêt qui suffit à justifier la décision de réaliser l’investissement.

154
Ferriere fait également valoir que sa précédente installation fonctionnait de façon encore parfaitement satisfaisante lorsqu’elle a décidé son remplacement en vue de se doter d’une technique innovante éliminant les inconvénients de l’ancien procédé pour l’environnement. À cet égard les documents produits pour la première fois avec la réplique, qui n’ont par conséquent pas été communiqués à la Commission au cours de la procédure administrative, ne sauraient avoir d’incidence sur la légalité de la décision attaquée (voir arrêt Belgique/Commission, précité, point 16). Au demeurant, ces documents montrent tout au plus que l’entreprise envisageait dès les années 1993-1994 de sタルéquiper d’une nouvelle installation innovante. En outre, la circonstance, qui semble admise par la Commission au considérant 29 de la décision attaquée, que le nouveau laminoir n’entraînerait pas d’accroissement de la capacité de production n’établit pas la finalité environnementale de l’investissement.

155
Il apparaît en définitive que Ferriere avait un équipement de plus de 25 ans qu’elle a souhaité remplacer par une nouvelle installation utilisant un procédé technologiquement innovant qui intégrait les performances de tout équipement moderne pour la protection de l’environnement. Force est donc de constater que l’investissement procède d’une décision de l’entreprise de moderniser son appareil de production et qu’il aurait en tout état de cause été réalisé sous cette forme.

156
Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant qu’il n’était pas établi que l’investissement avait une finalité proprement environnementale. La Commission a pu, à bon droit, considérer que les avantages de l’investissement pour la protection de l’environnement étaient inhérents à cette installation novatrice. Son appréciation n’est, à cet égard, pas arbitraire. Par ailleurs, l’analyse des avantages de l’investissement du point de vue des conditions de travail ne contient pas la contradiction de motifs reprochée par la requérante, étant rappelé que, selon le point 6 de l’encadrement de 2001, les actions visant la sécurité et l’hygiène ne relèvent pas dudit encadrement.

157
En second lieu, la décision attaquée, outre qu’elle constate l’absence de finalité environnementale de l’investissement, relève que le coût de l’investissement destiné à la protection de l’environnement ne pouvait être isolé du coût global de l’opération. Or, ce motif de la décision attaquée n’est pas surabondant, dès lors qu’un objet environnemental de l’investissement pourrait être déduit de l’existence d’un surcoût du projet retenu par rapport à un autre projet, hypothétique, permettant la même performance économique dans des conditions environnementales moins favorables (voir point 151 ci-dessus).

158
Sur ce point, Ferriere fait valoir que le volet environnemental de son investissement correspond à la part du coût total dudit investissement qui a été reconnue éligible par la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne, soit 11 milliards de ITL (5,68 millions d’euros).

159
Invitée par une question écrite du Tribunal, mentionnée au point 35 ci-dessus, à préciser les éléments sur la base desquels le coût de l’investissement supplémentaire pour la protection de l’environnement pouvait être évalué à 11 milliards de ITL sur les 20 milliards représentant le coût total de l’investissement, Ferriere s’est bornée à faire référence à l’appréciation portée par la région. À l’audience, la requérante a admis qu’il était difficile d’opérer des distinctions s’agissant d’un procédé qui, en lui-même, améliore la protection de l’environnement, et elle a indiqué que la région avait exclu les dépenses de caractère général.

160
Les lettres de Ferriere à la région, en dates du 26 mai et du 26 juin 1998, produites au dossier, qui présentent le budget détaillé de l’investissement en ses différentes composantes, n’apportent pas de réponse à la question posée. Aucune explication complémentaire permettant de comprendre la méthode suivie pour conclure que les 11 milliards de ITL susmentionnés correspondent au coût environnemental de l’investissement n’a été donnée au Tribunal. Si l’on peut comprendre la difficulté d’isoler ce coût dans un cas comme celui de l’espèce où les avantages pour l’environnement sont inhérents au procédé, les principes posés par l’encadrement de 2001, semblables à ceux de l’encadrement de 1994, excluent que le coût total de l’investissement puisse être éligible à une aide et commandent d’identifier les coûts supplémentaires pour atteindre l’objectif de protection de l’environnement.

161
Or, ni la requérante ni la République italienne n’ont fourni d’explications à ce sujet. Elles n’ont pas, en particulier, indiqué la démarche qu’a suivi la région autonome de Frioul-Vénétie Julienne pour parvenir à la détermination du montant de l’investissement éligible à l’aide.

162
Par conséquent, la Commission a pu légalement considérer dans la décision attaquée qu’il n’était pas possible d’isoler dans l’investissement la dépense spécifiquement destinée à protéger l’environnement.

163
Dès lors, c’est à bon droit que la Commission a considéré que l’investissement de Ferriere n’était pas éligible à une aide pour la protection de l’environnement.

164
Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a pu légalement déclarer l’aide incompatible avec le marché commun. Ferriere et la République italienne ne sont par conséquent pas fondées à demander l’annulation de la décision attaquée. Les conclusions tendant à l’annulation de cette décision doivent donc être rejetées.


Sur la demande en réparation du préjudice allégué

Arguments des parties

165
Ferriere soutient qu’elle a subi un préjudice du fait de l’illégalité de la décision attaquée, qui porte atteinte à la liberté d’initiative économique et au droit de propriété, de l’ouverture de la procédure formelle et du délai mis pour la clôturer. N’ayant pu disposer de l’aide que la région était disposée à lui accorder, elle aurait dû emprunter pour financer l’investissement et aurait été privée de la possibilité d’utiliser à d’autres fins le montant dont elle a fait l’avance.

166
La requérante demande une indemnité compensatrice du délai au cours duquel elle n’a pu disposer de l’aide. La réparation devrait correspondre à un montant permettant le paiement des intérêts légaux et la compensation de la dévaluation monétaire, et être calculée à partir de la date du 26 avril 1999, qui correspondrait à la fin du délai de deux mois à compter de la réception de la notification, le 25 février 1999, date à laquelle la Commission aurait dû reconnaître la compatibilité de l’aide.

167
La Commission soutient que les conditions d’engagement de la responsabilité ne sont pas réunies. Elle indique que, parmi les droits fondamentaux, seuls ceux qui protègent la sécurité juridique et la confiance légitime seraient théoriquement de nature à entrer dans la catégorie des règles dont la violation peut entraîner la responsabilité des institutions. En outre, le caractère grave et manifeste de la violation ferait en tout état de cause défaut en l’espèce. Enfin, la requérante ne démontrerait pas l’atteinte qui aurait été portée à la liberté d’initiative économique et au droit de propriété.

168
La Commission soutient, en outre, que les dommages allégués ne sont ni certains ni déterminables, les entreprises ne disposant pas d’un droit à percevoir des aides d’État, encore moins à date fixe. La défenderesse ajoute, que, à supposer que l’aide ait relevé d’un régime autorisé, le retard mis à son versement ne serait pas imputable à la Commission mais aux autorités italiennes qui ont choisi de notifier l’aide puis de suspendre son versement. La demande de paiement d’intérêts de retard serait sans fondement s’agissant de la réparation de dommages. Enfin, la réalité du dommage ne serait pas établie s’agissant de la dépréciation monétaire.

Appréciation du Tribunal

169
La demande d’indemnité de Ferriere, présentée sur le fondement des articles 235 CE et 288 CE, met en cause la responsabilité non contractuelle de la Communauté à raison du préjudice que lui aurait causé l’illégalité de la décision attaquée.

170
Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose que la partie requérante prouve l’illégalité du comportement reproché à l’institution concernée, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et arrêt du Tribunal du 28 novembre 2002, Scan Office Design/Commission, T-40/01, Rec. p. II-5043, point 18). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, Rec. p. I-4199, points 19 et 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II-515, point 37).

171
La première condition à laquelle est soumise l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, relative à l’illégalité de l’acte attaqué, n’étant pas remplie, la demande en indemnité doit être rejetée dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de cette responsabilité, à savoir la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de la Commission et le préjudice invoqué.

172
Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son entier.


Sur les dépens

173
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que les États membres supportent leurs propres dépens lorsqu’ils sont intervenus au litige.

174
La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

175
Conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République italienne supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée à supporter ses dépens ainsi que ceux de la Commission.

3)
La République italienne supportera ses propres dépens.

Legal

Tiili

Meij

Vilaras

Forwood

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

H. Legal


1
Langue de procédure : l'italien.