Language of document : ECLI:EU:T:2015:620

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

10 septembre 2015 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire figurative représentant des points blancs sur fond gris – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑77/14,

EE Ltd, établie à Hatfield (Royaume-Uni), représentée par M. P. Brownlow, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Geroulakos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 24 octobre 2013 (affaire R 704/2013-1), concernant une demande d’enregistrement d’un signe figuratif représentant des points blancs sur fond gris comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, F. Dehousse et A. M. Collins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2014,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 avril 2014,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 novembre 2012, Everything Everywhere Ltd, devenue EE Ltd, la requérante, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 7, 9, 16, 25, 35 à 39, 41, 42 et 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Les produits et services visés par la marque demandée couvrent, dans la plupart des cas, toutes les grandes catégories des intitulés de classe visés dans la demande d’enregistrement, en plus de produits spécifiques dans chacune de ces classes. À titre d’exemple, s’agissant des services compris dans la classe 38, la marque demandée fait référence à l’intitulé de cette classe (« télécommunications ») ainsi qu’à différents services spécifiques de télécommunications. La marque demandée couvre ainsi un éventail extrêmement large de produits et de services, ayant des natures et des finalités très différentes, tels que des distributeurs automatiques, des ordinateurs et des logiciels, des appareils électroniques, du papier, des vêtements, des jeux pour ordinateur, des services de banque, d’assurance, de télécommunications et divers services informatiques.

5        Dans le formulaire de demande, la requérante a revendiqué la couleur « gris Pantone n° 431 », sans fournir d’autre description de la marque demandée. Dans une lettre du 29 janvier 2013, en réponse aux objections initiales de l’examinateur, la requérante a précisé que la marque demandée consistait en la « combinaison de la couleur spécifique Pantone n° 431 avec des particules blanches et selon un certain motif infini ».

6        Par décision du 22 février 2013, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement pour l’ensemble des produits et des services visés, au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n  207/2009.

7        Le 15 avril 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinateur.

8        Par décision du 24 octobre 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours, au motif que le signe demandé est intrinsèquement dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        En particulier, en premier lieu, la chambre de recours a relevé que la marque demandée désignait un éventail extrêmement large de produits et de services, ayant des natures et des finalités très différentes, et ciblait à la fois les consommateurs moyens et les professionnels de nombreux secteurs, notamment dans le domaine de l’informatique et des télécommunications.

10      En deuxième lieu, elle a constaté que la couleur grise, même dans sa nuance spécifique, était une couleur de base et est couramment utilisée dans les communications et la publicité, en particulier dans des secteurs tels que ceux des sciences, de la technologie, de l’éducation, de la banque et de l’assurance. Elle serait également associée à des matériaux. La couleur grise proprement dite ne pourrait pas être perçue comme frappante dans un quelconque secteur commercial. La couleur blanche, en tant que telle, serait aussi extrêmement courante dans tous les domaines du marketing. Par conséquent, l’utilisation de taches blanches n’aurait rien d’inhabituel ni de distinctif en soi non plus. Le motif bicolore sans aucun contour serait en soi également commun et dépourvu de caractère distinctif, et ne pourrait pas servir d’indicateur d’origine commerciale.

11      En troisième lieu, la chambre de recours a observé que les éléments de preuve apportés par la requérante n’avaient pas étayé son affirmation selon laquelle les couleurs sont généralement perçues comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services concernés.

12      Par ailleurs, la chambre de recours a relevé qu’aucun moyen tiré de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 n’avait été avancé en l’espèce et que, dès lors, en l’absence d’un usage important, le signe demandé ne pouvait pas servir de marque.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      Au soutien de ses conclusions, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle avance trois griefs à cet égard.

16      En premier lieu, elle fait valoir que la chambre de recours n’a pas évalué le signe dans son ensemble. La marque demandée ne se limiterait pas à un motif à points sur un fond gris, mais consisterait en une couleur de fond constante et uniforme agrémentée de particules blanches de différentes tailles disposées à une distance égale les unes des autres dans une forme carrée qui, en raison de la position et de la taille des particules, produirait une impression tridimensionnelle. En l’espèce, la chambre de recours aurait évalué de façon individuelle le caractère distinctif de la couleur grise, de la couleur blanche et du motif pour conclure, erronément, que, puisque chacun de ces éléments serait dépourvu en soi de caractère distinctif, leur combinaison considérée dans son ensemble le serait également. La combinaison inhabituelle de la couleur et du motif ne serait cependant pas commune, mais frappante et atypique. Il ne s’agirait pas d’un signe banal au sein du secteur des télécommunications. Une telle combinaison permettrait donc d’identifier l’origine commerciale des produits et des services.

17      En deuxième lieu, la requérante relève que la chambre de recours n’a pas examiné chacun des produits et des services visés par la demande, mais qu’elle les a examinés de manière globale. Toutefois, les couleurs n’étant pas des caractéristiques matérielles des services, le public pertinent devrait les percevoir comme des éléments distinguant les services d’une entreprise de ceux des autres, notamment au sein du secteur des télécommunications où la combinaison inhabituelle de couleurs et des motifs en cause ne serait pas banale. Puisque le choix de couleurs et de motifs est immense, l’enregistrement demandé ne devrait pas être considéré comme un avantage concurrentiel injustifié restreignant la possibilité pour les concurrents de choisir cette couleur particulière pour identifier leurs produits.

18      En troisième lieu, la requérante soutient que, au vu des éléments de preuves qu’elle a fournis en annexe de son recours contre la décision de l’examinateur, elle aurait démontré que les opérateurs de réseaux et les fournisseurs de services Internet ont adopté des couleurs comme indication de l’origine de leurs produits et services. Par conséquent, les consommateurs seraient capables d’établir que le signe demandé indique que le produit ou le service concerné a pour origine un opérateur de réseau et ils seraient habitués à l’identifier comme tel. Malgré ses fonctions éventuellement techniques ou décoratives, le signe en cause agirait donc également comme un indicateur de l’origine commerciale.

19      L’OHMI conteste le bien-fondé des arguments de la requérante.

20      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

21      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de la disposition précitée, signifie que cette marque permet d’identifier les produits et les services pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits et ces services de ceux d’autres entreprises [arrêt du 12 novembre 2008, GretagMacbeth/OHMI (Combinaison de 24 carrés de couleur), T‑400/07, EU:T:2008:492, point 32].

22      Ainsi, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative [arrêt du 15 septembre 2009, Wella/OHMI (TAME IT), T‑471/07, Rec, EU:T:2009:328, point 14].

23      À ce stade, il y a lieu de relever que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’opère pas de distinction entre les différentes catégories de marques. Par conséquent, les couleurs ou les combinaisons de couleurs, en tant que telles, sont susceptibles de constituer des marques communautaires dans la mesure où elles sont propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’une autre entreprise. L’aptitude générale d’une catégorie de signes à constituer une marque ne saurait cependant impliquer que tous les signes appartenant à cette catégorie possèdent nécessairement un caractère distinctif, au sens de la disposition précitée, pour un produit ou un service déterminé [voir, par analogie, arrêt du 9 juillet 2003, Stihl/OHMI (Combinaison d’orange et de gris), T‑234/01, Rec, EU:T:2003:202, points 26 et 27].

24      De même, il convient de relever que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne distingue pas selon la nature des signes. Toutefois, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’un signe constitué par une couleur ou une combinaison de couleurs, en tant que telles, et dans celui d’une marque verbale ou figurative qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, si le public a l’habitude de percevoir, immédiatement, des marques verbales ou figuratives comme des signes identificateurs de l’origine commerciale du produit, il n’en va pas nécessairement de même lorsque le signe se confond avec l’aspect du produit pour lequel l’enregistrement du signe est demandé (voir, par analogie, arrêt Combinaison d’orange et de gris, point 23 supra, EU:T:2003:202, point 29).

25      Dans ces conditions, seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (voir, par analogie, arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec, EU:C:2006:422, point 28).

26      Cette jurisprudence, développée au sujet des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même, vaut également lorsque, comme en l’espèce, la marque demandée est une marque figurative constituée par un motif de couleurs dépourvu de contour. En effet, en pareil cas, la marque ne consiste pas non plus en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne (voir, par analogie, arrêt Storck/OHMI, point 25 supra, EU:C:2006:422, point 29).

27      Enfin, il convient de rappeler que le caractère distinctif d’un signe ne peut être apprécié que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé, et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêt Combinaison de 24 carrés de couleur, point 21 supra, EU:T:2008:492, point 37).

28      C’est au vu de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

29      En l’espèce, il doit d’abord être constaté que la marque demandée vise une large gamme de produits et de services différents. Ainsi que la chambre de recours l’a relevé au point 17 de la décision attaquée, ces produits et ces services couvrent, dans la plupart des cas, toutes les grandes catégories des intitulés de classe visés dans la demande d’enregistrement, en plus de produits spécifiques dans chacune de ces classes. À titre d’exemple, s’agissant des services compris dans la classe 38, la marque demandée fait référence à l’intitulé de cette classe (« télécommunications ») ainsi qu’à différents services spécifiques de télécommunications. La requérante admet d’ailleurs dans la requête que sa demande d’enregistrement couvre une large gamme de produits et de services, comme cela est indiqué au point 18 de la décision attaquée.

30      Par ailleurs, il doit aussi être souligné que la grande variété de produits et de services visés dans la demande s’adresse, comme cela a été correctement relevé par la chambre de recours au point 18 de la décision attaquée, aussi bien aux professionnels des secteurs concernés qu’au grand public. Le degré d’attention de ces groupes de consommateurs pertinents variera donc de moyen à élevé. Cela n’est pas contesté par la requérante.

 Sur le grief pris de l’absence d’examen global du signe demandé

31      C’est dans ce contexte que la requérante allègue dans son premier grief que le signe demandé n’aurait pas dû être apprécié en considération du caractère distinctif ou non de la couleur grise, de la couleur blanche ou du motif qui le compose, mais au regard d’une appréciation d’ensemble. Selon la requérante, une telle appréciation d’ensemble permettrait d’identifier l’origine commerciale des produits et des services visés par la demande d’enregistrement.

32      Force est cependant de constater qu’une telle affirmation ne saurait suffire à remettre en cause le raisonnement exposé par la chambre de recours dans la décision attaquée, lequel détaille les raisons qui l’amènent à considérer que la marque demandée est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

33      En premier lieu, la chambre de recours a rappelé que, même si les couleurs de la marque demandée répondent au degré de précision requis par la jurisprudence, cela n’impliquait pas nécessairement qu’une telle marque soit distinctive. À cet égard, la chambre de recours a relevé, à juste titre, qu’il convenait d’analyser l’impression d’ensemble produite par cette combinaison pour le public pertinent, ce qui n’est pas incompatible avec un examen successif des différents éléments de présentation du signe [arrêt du 19 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI (Tablette carrée blanc, tacheté de vert, et vert pâle), T‑118/00, EU:T:2001:226, point 59, et ordonnance du 14 mai 2012, Timehouse/OHMI, C‑453/11 P, EU:C:2012:291, point 41].

34      Un tel examen est particulièrement pertinent lorsque les caractéristiques des différents éléments sont importantes pour l’appréciation globale. Si le signe est composé de plusieurs éléments, dont chacun est considéré comme étant dépourvu de caractère distinctif, le caractère distinctif du signe dans son ensemble dépendra de la réponse apportée à la question de savoir si l’ensemble est plus important que la simple somme des éléments. L’identification et l’analyse des différents composants constituent alors une étape nécessaire dans le processus d’examen.

35      Dès lors, premièrement, dans la mesure où la requérante revendique un caractère distinctif pour le fond gris (Pantone n° 431), la chambre de recours a correctement rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour, si les couleurs sont propres à véhiculer certaines associations d’idées et à susciter des sentiments, en revanche, par leur nature, elles étaient peu aptes à communiquer des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis (arrêt Libertel, point 33 supra, EU:T:2003:244, point 40).

36      En l’espèce, il y a également lieu de relever que la requérante ne conteste pas les appréciations exposées par la chambre de recours dans la décision attaquée selon lesquelles la couleur grise, tout d’abord, en soi, n’a rien d’inhabituel, puisqu’elle n’est rien d’autre que le mélange de deux couleurs primaires (blanc et noir), ensuite, véhicule une image de sobriété et est couramment utilisée dans les communications et la publicité en association avec des produits ou des services où une telle image est attrayante, et, enfin, peut être associée à des matériaux, métalliques ou plastiques, dans lesquels une grande partie des produits en cause peuvent être fabriqués. Le même raisonnement vaut en ce qui concerne la nuance spécifique de gris (Pantone n° 431) ici évoquée.

37      En conséquence, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la couleur gris Pantone n° 431, en tant que telle, était dénuée de caractère distinctif pour les produits et les services en cause. Une telle conclusion n’est d’ailleurs pas critiquée par la requérante.

38      Deuxièmement, c’est également à juste titre que la chambre de recours a relevé que la couleur blanche, en tant que telle, était extrêmement courante. En effet, la couleur blanche est couramment utilisée, notamment dans les communications commerciales, dans tous les domaines du marketing (pour les polices de caractères, les motifs, les dessins, etc.) afin de créer un contraste sur un fond plus foncé. De même, dans une représentation en noir et blanc ou en dégradé de gris, un point plus blanc peut indiquer une tache plus éclairée. Par conséquent, la chambre de recours était fondée à considérer, comme elle l’a fait dans la décision attaquée, que l’utilisation de taches blanches (ou plus blanches) n’avait rien d’inhabituel ni de distinctif en soi. Une telle conclusion n’est pas non plus critiquée par la requérante.

39      Troisièmement, en ce qui concerne le « motif » auquel se réfère la requérante quand elle décrit la marque demandée, la chambre de recours a également relevé à bon droit que la requérante indiquait simplement que les particules blanches sont présentées « selon un certain motif infini », sans que celle-ci fournisse de description du motif proprement dit. De ce fait, la chambre de recours pouvait en déduire que la requérante, elle-même, semblait considérer que ce motif, proprement dit, n’était pas distinctif.

40      De même, la chambre de recours a pu légitimement considérer pour les raisons exposées dans la décision attaquée que ce motif était également dépourvu de caractère distinctif. Il est ainsi manifeste que le motif en cause correspond à un motif de damier simplifié, dans lequel seuls les points d’intersection sont indiqués par des points blancs, disposés en lignes horizontales et verticales. Ce motif de base est pratiquement le plus facile à reproduire et est, dès lors, très couramment utilisé pour remplir les fonctions techniques souhaitées. Par exemple, sous la forme de petites boules protubérantes, ce motif pourrait servir à rendre moins glissante la surface d’un produit (par exemple, un téléphone portable), et, sous la forme de petits trous, il pourrait servir à atténuer le son ou la lumière.

41      De telles affirmations n’étant pas critiquées par la requérante, aucun élément présent dans le dossier ne permet de mettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le motif de damier simplifié en tant que tel est banal et n’est pas distinctif.

42      En deuxième lieu, au-delà de ces constatations, la chambre de recours a également apprécié, contrairement à ce que fait valoir la requérante dans son premier grief, le caractère distinctif de la marque demandée dans son ensemble, par rapport aux produits et aux services et par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, en partant du postulat qu’elle consiste en un motif « infini » de particules blanches sur un fond gris, comme cela avait été expressément indiqué par requérante.

43      Au titre de cet examen, c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé qu’un tel motif bicolore dépourvu de contour pourrait être utilisé pour recouvrir complètement ou partiellement les produits désignés par la marque demandée, par exemple, sur leur surface et leur emballage, ou comme fond sur des imprimés, des publications électroniques, ou des sites Internet, proposant les produits ou les services ou, le cas échéant, dans une publicité pour ces produits et ces services. Une telle conclusion n’est d’ailleurs pas contestée par la requérante.

44      À cet égard, la chambre de recours a pu légitimement considérer dans la décision attaquée que les motifs appliqués à la surface d’un produit pouvaient avoir plusieurs fonctions, notamment technique, décorative ou indicative de l’origine commerciale du produit. Dans la mesure où le public pertinent perçoit le signe comme une indication de l’origine commerciale du produit, le fait que ce signe remplisse plusieurs fonctions simultanées est sans incidence sur son caractère distinctif [voir, par analogie, arrêt du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre), T‑36/01, Rec, EU:T:2002:245, point 24).

45      Dès lors, étant donné que chacun des éléments de la marque demandée est dépourvu de caractère distinctif, la chambre de recours était fondée à conclure que « la combinaison de ces éléments, prise dans son ensemble, n’[était], a priori, pas distinctive en tant que telle ». À cet égard, il ressort de la jurisprudence que le fait qu’une marque complexe n’est composée que d’éléments dépourvus de caractère distinctif par rapport aux produits concernés permet, en règle générale, de conclure que cette marque, considérée dans son ensemble, est également dépourvue de caractère distinctif. Une telle conclusion ne saurait être infirmée que dans l’hypothèse où des indices concrets, tels que la manière dont les différents éléments sont combinés, indiqueraient que la marque complexe, considérée dans son ensemble, représente davantage que la somme des éléments dont elle est composée [voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2003, Nestlé Waters France/OHMI (Forme d’une bouteille), T‑305/02, EU:T:2003:328, point 40, et arrêt du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec, EU:T:2004:120, point 31].

46      En l’espèce, comme cela est indiqué dans la décision attaquée et contrairement à ce qu’affirme la requérante à ce propos, il est permis de considérer que le « motif infini » de points blancs sur fond gris présente une apparence trop banale pour permettre au public pertinent de reconnaître l’origine commerciale des produits et des services concernés.

47      En tout état de cause, la requérante ne fournit pas d’éléments probants à même d’établir ce qui pourrait être considéré comme « inhabituel » ou « particulier » dans la simple combinaison d’un motif courant aussi élémentaire que celui utilisé avec un banal fond gris, sur lequel il est apposé. Elle se contente d’une affirmation générale à cet égard.

48      En particulier, la chambre de recours a relevé dans la décision attaquée que, même si le motif revendiqué était complexe et fantaisiste, cela ne suffirait pas pour établir le caractère distinctif de ce motif. En effet, ces caractères complexes et fantaisistes apparaissent plutôt comme étant dus à une finition esthétique ou décorative que comme indiquant l’origine commerciale des produits. En effet, selon une jurisprudence constante et l’expérience pratique, le consommateur moyen n’a pas l’habitude de percevoir comme signe distinctif une simple impression laissée par l’aspect extérieur du produit (voir, par analogie, arrêt Surface d’une plaque de verre, point 44 supra, EU:T:2002:245, points 28 et 29). En l’espèce, la répétition à l’infini du motif, dans son ensemble, et le fait qu’il soit appliqué à la surface externe du produit (ou comme fond sur du matériel promouvant ou commercialisant les services, par exemple, par l’intermédiaire d’un site Internet), ne permet pas aux différents détails du motif d’être mémorisés ou au motif d’être perçu en tant que tel. Le motif demandé ne pourra donc pas être facilement et immédiatement mémorisé par le public pertinent en tant que signe distinctif.

49      De même, pour les raisons indiquées aux points 43 et 44 de la décision attaquée, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que son raisonnement n’était pas remis en cause par l’argument de la requérante selon lequel, dans « le secteur des télécommunications, les consommateurs seraient capables d’identifier l’origine des produits et services sur la base d’une couleur », étant donné qu’il serait courant que les opérateurs de réseaux mobiles et les fournisseurs de services Internet utilisent leur propre couleur (ou combinaison de couleurs) sur leurs produits et services. Sur ce point, la requérante ne peut se contenter de reprendre son argument sans chercher à réfuter les arguments évoqués par la chambre de recours pour y répondre en référence à la jurisprudence pertinente.

50      En troisième lieu, il convient de relever que, devant le Tribunal, la requérante a décrit le motif en y introduisant un effet tridimensionnel. Au-delà de la description évoquée au point 5 ci-dessus, qui a servi de cadre à l’examen de la chambre de recours, la requérante décrit désormais le signe demandé comme suit : « [l]a marque est composée d’un motif comprenant une couleur de fond constante et uniforme avec des particules blanches de différentes tailles disposées à distance égale les unes des autres dans une forme carrée qui, en raison de la position et de la taille des particules, crée une impression tridimensionnelle ». Elle qualifie même cet effet tridimensionnel de frappant.

51      À la différence de ce que fait valoir l’OHMI, il n’y a pas lieu de considérer que cette dernière description du signe constitue un argument nouveau qui devrait être déclaré irrecevable. L’OHMI invoque sur ce point la jurisprudence selon laquelle des éléments de droit invoqués devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’OHMI, et pour autant qu’un examen de ces éléments par ces instances n’était pas obligatoire pour résoudre le litige porté devant elles, sont irrecevables [arrêts du 17 octobre 2006, Hammarplast/OHMI – Steninge Slott (STENINGE SLOTT), T‑499/04, EU:T:2006:324, point 20, et du 14 février 2008, Usinor/OHMI – Corus (UK) (GALVALLOY), T‑189/05, EU:T:2008:39, point 20]. L’OHMI considère à cet égard que la description de la marque figurative n’est pas une obligation et, puisque la requérante n’a revendiqué aucun attribut spécifique, la chambre de recours avait bien la possibilité de déterminer son caractère distinctif sur la base de l’appréciation de l’image fournie et des affirmations présentées par la requérante.

52      Toutefois, force est de constater que la description présentée par la requérante n’est pas une description intégralement nouvelle, mais une simple modification de la précédente, dont elle constitue une ampliation au vu du raisonnement exposé par la chambre de recours dans la décision attaquée.

53      Il s’avère cependant que la description modifiée de la marque demandée montre, une fois encore, que la requérante n’est pas tout à fait certaine de ce que son signe représente exactement. La différence entre la description présentée devant l’OHMI et devant le Tribunal contribue à accroître la confusion et l’incertitude concernant ce que le signe représente réellement. Une telle différence confirme, en tout état de cause, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le signe est trop abstrait et imprécis, et ne sera donc pas « facilement et immédiatement mémorisé par le public pertinent en tant que signe distinctif » (voir point 39 de la décision attaquée).

54      En tout état de cause, contrairement aux allégations de la requérante, la chambre de recours a approfondi son analyse du caractère distinctif du motif, soulignant que celui-ci pourrait être perçu comme un motif de damier simplifié (voir point 28 de la décision attaquée) ou comme une lumière traversant un écran gris (voir point 40 de la décision attaquée), et a conclu que même considéré comme un motif composé d’une combinaison basique de plusieurs couleurs, le signe ne présenterait toujours pas de caractéristique inhabituelle, encore moins une caractéristique frappante.

55      Suivant le raisonnement de la chambre de recours, même si l’« effet tridimensionnel » revendiqué par la requérante devant le Tribunal devait être pris en compte, les conclusions de l’examen resteraient les mêmes. Les arguments invoqués par la chambre de recours lors de l’examen de la perception possible du signe comme des rayons de lumière sortant d’un écran gris s’appliquent à l’effet tridimensionnel allégué. En effet, si le motif est appliqué à la surface des produits, l’impression véhiculée par celui-ci sera imprécise du fait des différentes tailles des particules ou des différents angles desquels il est vu. Le motif sera également banal lorsqu’il est appliqué à du matériel promotionnel ou comme fonds de sites Internet, d’ordinateurs ou d’écrans. Le motif ne présente aucune caractéristique particulière permettant de capter immédiatement l’attention du public pertinent comme s’il s’agissait d’une indication de l’origine commerciale des produits ou des services en question.

56      Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, au terme du raisonnement précité et dans le cadre d’une appréciation globale des différents éléments susceptibles d’être pris en compte, que « la combinaison de la couleur spécifique gris Pantone n° 431 avec des particules blanches selon un certain motif infini » n’était rien d’autre que la somme de ses éléments banals et non distinctifs et le signe demandé, dans son ensemble, ne pouvait servir d’indicateur d’origine pour aucun des produits ou des services visés dans la demande.

57      La chambre de recours pouvait donc considérer à bon droit que le signe demandé, dans son ensemble, était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 étant donné qu’il ne permettra pas au consommateur de reconnaître le signe comme étant distinctif lorsqu’il est amené à faire un choix lors d’un achat ultérieur des produits ou des services concernés.

 Sur le grief pris de l’absence d’examen au regard de chaque produit et service visé par la marque demandée

58      Dans son deuxième grief, la requérante affirme que la chambre de recours a commis une erreur en ne faisant pas de distinction entre les différents produits et services quand il s’agit d’apprécier le caractère distinctif du signe demandé.

59      Toutefois, comme cela a été exposé ci-dessus, il ressort de manière évidente du raisonnement et des motifs invoqués par la chambre de recours que le signe est dépourvu de caractère distinctif pour tous les produits et services visés par la demande de marque. À cet égard, il convient de souligner que si l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, l’autorité compétente peut inclure lesdits produits et services dans des catégories plus larges et leur appliquer une motivation globale dès lors que ceux-ci présentent entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante pour permettre une telle motivation globale [ordonnance du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, Rec, EU:C:2010:153, points 37 et 38, et arrêt du 12 avril 2011, Euro-Information/OHMI (EURO AUTOMATIC PAYMENT), T‑28/10, Rec, EU:T:2011:158, points 54 à 56].

60      En l’espèce, aux points 17 et 18 de la décision attaquée, la chambre de recours a tenu compte des produits et des services visés par la marque demandée, précisé les différents groupes dans lesquels ils peuvent être classés et de fait apprécié le caractère distinctif pour le plus grand nombre possible d’entre eux. Au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a également indiqué que « le signe demandé, dans son ensemble, ne [pouvait] servir d’indicateur d’origine pour aucun des produits et services visés dans la demande ».

61      Par ailleurs, il convient de relever que c’est la requérante qui affirme que le signe demandé présente une combinaison de couleurs et de motifs inhabituelle, voire frappante.

62      Dès lors, dans la mesure où une requérante se prévaut du caractère distinctif d’un signe, en dépit de l’analyse de l’OHMI, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que le signe demandé est doté soit d’un caractère distinctif intrinsèque, soit d’un caractère distinctif acquis par l’usage (arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec, EU:C:2007:635, point 50).

63      Or, en l’espèce, force est de constater que les arguments avancés par la requérante à l’appui d’une telle affirmation ne sont pas probants. En affirmant qu’une couleur, des combinaisons de couleurs et des motifs ne peuvent pas être associés à des services, la requérante laisse entendre que ces signes sont dotés d’un caractère distinctif intrinsèque à l’égard des services en cause. Cette conclusion n’est cependant pas correcte, étant donné que les services n’ont pas de couleur, car la couleur est une caractéristique matérielle associée à des objets tangibles, tandis que les services sont intangibles. Ce qui importe cependant pour apprécier l’aptitude d’un signe à distinguer les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises n’est pas le fait qu’une couleur peut ou non être associée au service lui-même, mais le fait qu’une couleur, des combinaisons de couleurs et des motifs abstraits peuvent être perçus comme une indication d’origine.

64      Il y a donc lieu d’approuver la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le consommateur pertinent n’est pas habitué à percevoir un signe constitué d’« un fond solide et uniforme de couleur grise avec des particules blanches de différentes tailles» comme une indication d’origine.

 Sur le grief pris de la perception du public pertinent

65      Dans son troisième grief, la requérante rappelle que, dans son recours contre la décision de l’examinateur, elle a fourni des preuves que les opérateurs de réseaux et les fournisseurs de services Internet ont adopté des couleurs comme une indication de l’origine de leurs produits et services. Par conséquent, les consommateurs seraient capables d’établir que le signe demandé indique que le produit ou le service concerné a pour origine un opérateur de réseau et ils seraient habitués à l’identifier comme tel. Le signe disposerait donc d’un caractère distinctif. Malgré ses fonctions éventuellement techniques ou décoratives, il agirait également comme un indicateur de l’origine commerciale.

66      Force est cependant de constater que les exemples fournis sont peu convaincants et ne confirment pas l’importance alléguée des couleurs en tant que telles ou de leur combinaison en tant qu’indicateurs d’une origine commerciale.

67      Ces exemples font seulement état d’entreprises qui utilisent des couleurs en tant que fond pour leurs sites Internet, ce qui confirme le raisonnement de la chambre de recours selon lequel les couleurs sont largement utilisées à des fins promotionnelles et de publicité. Il ne peut en être déduit que la simple utilisation de certaines couleurs peut communiquer des informations sur l’entité qui propose des produits ou des services.

68      En outre, les exemples mentionnés par la requérante sont nettement différents du signe en cause. Dans tous ces exemples, la couleur est accompagnée d’un autre composant (un mot ou un logo), tandis que dans le cas d’espèce, le signe est constitué d’une nuance spécifique de gris combinée à un motif peu précis.

69      Ainsi que la chambre de recours l’a souligné à juste titre, si les couleurs sont propres à véhiculer certaines associations d’idées et à susciter des sentiments, en revanche, de par leur nature, elles sont peu aptes à communiquer des informations précises, d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation de produits et de services, en dehors de tout message précis (arrêt Combinaison de 24 carrés de couleur, point 21 supra, EU:T:2008:492, point 35).

70      Compte tenu de l’usage répandu des deux couleurs primaires en cause pour des produits et des services dans de nombreux secteurs, y compris dans les secteurs concernés, ces couleurs ne sauraient, à elles seules, indiquer l’origine des produits et des services visés. Le fait qu’une partie du public pertinent fasse preuve d’un degré d’attention élevé à l’égard de certains des produits et des services ne modifie pas cette conclusion [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, EU:T:2013:225, points 21 à 24].

71      Il ressort de ce qui précède que le recours doit être rejeté en totalité.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      EE Ltd est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Dehousse

Collins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 septembre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.