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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 6 juin 2024 (1)

Affaire C255/22 P

Orlen S.A., anciennement Polski Koncern Naftowy Orlen S.A., anciennement Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo S.A.

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Concurrence – Article 102 TFUE – Article 54 de l’accord EEE – Abus de position dominante – Marchés gaziers d’Europe centrale et orientale – Article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 1/2003 – Décision de la Commission rendant obligatoires les engagements individuels offerts par une entreprise – Recours en annulation – Adéquation des engagements au regard des préoccupations en matière de concurrence identifiées dans la communication des griefs – Nature du contrôle du juge de l’Union – Renonciation de la Commission à exiger des engagements concernant certaines préoccupations initiales – Obligation de motivation – Objectifs de la politique énergétique de l’Union – Article 194 TFUE – Principe de solidarité énergétique – Applicabilité »






I.      Introduction

1.        Par le présent pourvoi, Orlen S.A. (ci-après « Orlen » ou la « requérante »), venant aux droits de Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo S.A., demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 février 2022, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission (Engagements de Gazprom) (T‑616/18, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:43), par lequel cette juridiction a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C(2018) 3106 final de la Commission, du 24 mai 2018, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39816 – Approvisionnement en gaz en amont en Europe centrale et orientale) (2) (ci-après la « décision litigieuse »). Cette décision a rendu obligatoires les engagements présentés par Gazprom PJSC et Gazprom export LLC (ci-après conjointement « Gazprom ») et a clos la procédure administrative menée par la Commission, laquelle a examiné, au regard de l’interdiction des abus de position dominante énoncée à l’article 102 TFUE, la conformité de certaines pratiques de Gazprom affectant le secteur gazier dans certains pays d’Europe centrale et orientale (ci-après les « PECO »), à savoir en Bulgarie, en République tchèque, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, en Pologne et en Slovaquie.

2.        En parallèle, un pourvoi incident, visant également à obtenir l’annulation de l’arrêt attaqué, a été introduit par Overgas Inc., partie intervenante en première instance au soutient d’Orlen (ci-après la « partie intervenante » et la « requérante au pourvoi incident »).

3.        La présente affaire donne à la Cour l’occasion de développer sa jurisprudence relative au contentieux suscité par des décisions rendant des engagements obligatoires pour les entreprises en application de l’article 9 du règlement (CE) nº 1/2003 (3). Si cette affaire soulève la problématique déjà connue de la Cour du contrôle juridictionnel des décisions adoptées par la Commission en matière de droit de la concurrence et, notamment, au titre de cet article 9, à l’aune du principe de proportionnalité, elle soulève également, celles, plus inédites, d’une part, de la conformité d’une décision adoptée sur la base dudit article 9 avec le principe de solidarité énergétique énoncé à l’article 194 TFUE et, d’autre part, des règles procédurales régissant la teneur des communications des griefs, notamment quant à l’éventuelle absence de motivation concernant l’abandon d’un ou de plusieurs griefs au cours de la procédure menant à l’adoption d’une décision sur le fondement du même article 9.

4.        Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions seront ciblées sur l’analyse de la troisième branche du premier moyen ainsi que des deuxième et troisième moyens du pourvoi, qui portent, en substance, sur les deux problématiques susmentionnées. Les présentes conclusions apporteront également quelques précisions sur l’interprétation de la notion d’« erreur manifeste d’appréciation » qui se trouve au centre de la première branche du troisième moyen du pourvoi ainsi que du second moyen du pourvoi incident.

II.    Le cadre juridique

5.        L’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003, intitulé « Engagements », est libellé comme suit :

« Lorsque la Commission envisage d’adopter une décision exigeant la cessation d’une infraction et que les entreprises concernées offrent des engagements de nature à répondre aux préoccupations dont la Commission les a informées dans son évaluation préliminaire, la Commission peut, par voie de décision, rendre ces engagements obligatoires pour les entreprises. La décision peut être adoptée pour une durée déterminée et conclut qu’il n’y a plus lieu que la Commission agisse. »

III. Les antécédents du litige

6.        Les antécédents du litige ainsi que le contenu de la décision litigieuse sont exposés aux points 1 à 36 de l’arrêt attaqué, et peuvent, pour les besoins des présentes conclusions restreintes, être résumés de la manière suivante.

A.      La procédure administrative

7.        Au cours de la période comprise entre les années 2011 et 2015, la Commission a pris plusieurs mesures en vue d’enquêter sur le fonctionnement des marchés du gaz en Europe centrale et orientale. En particulier, elle a, au titre des articles 18 et 20 du règlement nº 1/2003, adressé des demandes de renseignements à divers acteurs du marché, notamment à Gazprom et à certains de ses clients, parmi lesquels la requérante, et procédé à des inspections, y compris dans les locaux de cette dernière au cours de l’année 2011 (4).

8.        Dans ce cadre, la Commission a formellement ouvert, le 31 août 2012, une procédure en vue d’adopter, conformément à l’article 11, paragraphe 6, du règlement nº 1/2003 et à l’article 2 du règlement (CE) nº 773/2004 (5), une décision en application du chapitre III du règlement nº 1/2003.

9.        Le 22 avril 2015, la Commission a, conformément à l’article 10 du règlement nº 773/2004, envoyé à Gazprom une communication des griefs (ci-après la « CG »), dans laquelle elle concluait, à titre préliminaire, que Gazprom occupait une position dominante sur les marchés nationaux de la fourniture de gaz de gros en amont dans les PECO concernés et abusait de cette position en déployant une stratégie anticoncurrentielle aux fins de fragmenter et d’isoler ces marchés et, ainsi, d’y empêcher la libre circulation du gaz, en violation de l’article 102 TFUE.

10.      Selon la Commission, la stratégie de Gazprom recouvrait trois ensembles de pratiques anticoncurrentielles affectant ses clients dans les PECO concernés et leurs contrats conclus avec elle.

11.      Gazprom aurait, premièrement, imposé des restrictions territoriales dans le cadre de ses contrats de fourniture de gaz avec des grossistes ainsi qu’avec certains clients industriels dans les PECO concernés, restrictions qui résulteraient de clauses contractuelles, interdisant l’exportation en dehors du territoire de livraison ou obligeant l’utilisation dans un territoire donné du gaz fourni. En outre, Gazprom aurait utilisé d’autres mesures empêchant les flux transfrontaliers de gaz.

12.      Deuxièmement, ces restrictions territoriales auraient permis à Gazprom de mener une politique tarifaire déloyale dans cinq des PECO concernés, à savoir la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne, en imposant des prix excessifs en ce qu’ils auraient été nettement plus élevés que le niveau de ses coûts ou de certains prix considérés comme étant des prix de référence.

13.      Troisièmement, Gazprom aurait, s’agissant de la Bulgarie et la Pologne, subordonné ses fournitures de gaz à l’obtention de certaines assurances, de la part des grossistes, relatives à des infrastructures de transport gazier. Ces assurances auraient porté, d’une part, sur des investissements par le grossiste bulgare dans le projet de gazoduc South Stream et, d’autre part, sur l’acceptation par le grossiste polonais, à savoir la requérante, du renforcement du contrôle de Gazprom sur la gestion du tronçon polonais du gazoduc Yamal, l’un des principaux gazoducs de transit en Pologne (ci-après les « griefs Yamal »).

14.      Le 29 septembre 2015, Gazprom a répondu à la CG en contestant les préoccupations concurrentielles exprimées par la Commission, puis a été entendue, conformément à l’article 12 du règlement nº 773/2004, lors d’une audition qui s’est tenue le 15 décembre 2015. Le 14 février 2017, tout en continuant à contester les préoccupations concurrentielles figurant dans la CG, Gazprom a, en application de l’article 9 du règlement nº 1/2003, présenté un projet formel d’engagements (ci-après les « engagements initiaux ») qui a été précédé par des propositions informelles d’engagements.

15.      Le 16 mars 2017, en vue de recueillir les observations des parties intéressées sur les engagements initiaux, la Commission a, conformément à l’article 27, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003, publié une communication contenant un résumé de l’affaire AT.39816 ainsi que l’essentiel du contenu des engagements initiaux.

16.      Le 15 mars 2018, après réception des versions non confidentielles des observations des parties intéressées sur les engagements initiaux, Gazprom a présenté un projet modifié d’engagements (ci-après les « engagements finaux »).

17.      Le 24 mai 2018, la Commission a adopté la décision litigieuse, à laquelle les engagements finaux ont été annexés. Par cette décision, elle a approuvé et rendu obligatoires ces engagements clôturant ainsi la procédure administrative en concluant qu’il n’y avait plus lieu d’agir concernant les pratiques potentiellement abusives initialement identifiées dans la GC.

B.      Sur la décision litigieuse

18.      Par la décision litigieuse, la Commission a d’abord présenté une évaluation préliminaire des pratiques de Gazprom, avant de présenter les engagements initiaux, les résultats de la consultation du marché ainsi que les engagements finaux. Elle a ensuite exposé son évaluation des engagements finaux et les raisons l’ayant conduit à les considérer comme satisfaisants au regard de ses préoccupations concurrentielles.

1.      Sur l’évaluation préliminaire des pratiques en cause

19.      En premier lieu, s’agissant de l’évaluation préliminaire des pratiques en cause, dans la section 4 de la décision litigieuse, la Commission a défini comme marchés pertinents les marchés nationaux de fourniture de gaz en gros en amont. À cet égard, elle a également constaté que Gazprom occupait une position dominante sur les marchés pertinents dans les PECO concernés.

20.      Selon la Commission, Gazprom pourrait avoir abusé de sa position dominante, en violation de l’article 102 TFUE, en déployant une stratégie anticoncurrentielle visant à empêcher la libre circulation du gaz dans les PECO concernés et, ce faisant, à isoler les marchés pertinents de ces pays. Plus précisément, elle a considéré que cette stratégie recouvrait trois ensembles de pratiques anticoncurrentielles correspondant essentiellement aux préoccupations concurrentielles identifiées dans la CG (6).

21.      En ce qui concerne les griefs Yamal, si, dans le cadre de la consultation du marché, certaines des parties intéressées avaient relevé l’absence d’engagements remédiant à ces griefs, la Commission a estimé, au considérant 138 de la décision litigieuse, que, après avoir enquêté davantage, ses préoccupations concurrentielles préliminaires n’avaient pas été confirmées. D’une part, elle a indiqué que l’Office polonais de régulation de l’énergie avait conclu que le gestionnaire de réseau indépendant du tronçon polonais du gazoduc Yamal exerçait un contrôle décisif sur les décisions en matière d’investissements relatives à ce tronçon ainsi que sur leur mise en œuvre, et que Gazprom n’était pas en mesure de bloquer des décisions concernant ce gazoduc. D’autre part, la Commission a relevé le caractère intergouvernemental des relations entre les parties actives dans le secteur gazier en Pologne, notamment en ce qui concerne la construction et la gestion du tronçon polonais du gazoduc Yamal, et a conclu que cette circonstance pouvait, dans une large mesure, avoir déterminé le comportement des parties concernées.

2.      Sur le contenu des engagements finaux

22.      En deuxième lieu, s’agissant du contenu des engagements finaux, annexés à la décision litigieuse, censés répondre aux préoccupations concurrentielles de la Commission, ceux-ci peuvent être résumés comme suit.

23.      Premièrement, en ce qui concerne les engagements qui portent sur les préoccupations relatives aux restrictions territoriales, Gazprom s’est, d’abord, en substance, engagée à supprimer, dans les contrats de fourniture de gaz conclus avec ses clients établis dans les PECO concernés, toutes les clauses interdisant ou entravant, directement ou indirectement, la libre circulation du gaz entre ces pays. De plus, en vue de permettre un flux de gaz entre, d’une part, la Bulgarie et les pays baltes et, d’autre part, les autres PECO, malgré l’isolement infrastructurel des premiers, Gazprom s’est engagée à prendre des mesures afin d’accorder aux clients concernés la possibilité de demander que l’ensemble ou une partie de leurs volumes de gaz contractuels fournis à certains points de livraison en Hongrie, en Pologne et en Slovaquie soient livrés à un autre point de livraison en Bulgarie ou dans les pays baltes. À la suite de la consultation du marché, Gazprom a, dans les engagements finaux, notamment, renforcé sa proposition relative à la modification des points de livraison.

24.      Deuxièmement, en ce qui concerne les engagements qui portent sur les préoccupations en matière de prix, Gazprom s’est engagée à introduire de nouvelles clauses ou à modifier celles existantes dans les contrats avec ses clients concernés en Bulgarie, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne.

25.      Troisièmement, en ce qui concerne les engagements qui portent sur les préoccupations concurrentielles relatives à la subordination de l’approvisionnement en gaz à un prix donné à l’obtention, de la part du grossiste bulgare, d’une assurance concernant des investissements dans le projet de gazoduc South Stream, Gazprom s’est engagée à permettre aux partenaires bulgares impliqués dans ce projet de se retirer de celui-ci sans mettre en cause leur responsabilité civile et sans récupérer les rabais sur les prix du gaz qu’elle avait accordés en contrepartie de leur participation audit projet.

3.      Sur l’évaluation et la mise en œuvre des engagements finaux

26.      En troisième et dernier lieu, s’agissant de l’évaluation et de la mise en œuvre des engagements finaux indiqués dans la décision litigieuse, la Commission a, en substance, conclu que les engagements finaux étaient efficaces et nécessaires, sans être disproportionnés, pour répondre à ses préoccupations concurrentielles, tout en indiquant avoir tenu compte, à cet égard, des développements sur les marchés du gaz depuis la notification de la CG. Partant, la Commission a décidé de rendre obligatoires les engagements finaux, en application de l’article 9 du règlement nº 1/2003.

C.      Sur la plainte relative aux griefs Yamal

27.      Parallèlement à la procédure administrative engagée par la Commission et qui a donné lieu à la décision litigieuse, le 9 mars 2017, la requérante a, en application de l’article 5 du règlement nº 773/2004, déposé une plainte dénonçant de prétendues pratiques abusives de la part de Gazprom (7). Ces pratiques, qui recoupaient, en grande partie, les préoccupations concurrentielles déjà exposées dans la CG, comportaient notamment des allégations relatives à des abus commis par Gazprom liés au tronçon polonais du gazoduc Yamal.

28.      Considérant que la décision litigieuse avait apporté une réponse aux préoccupations de la requérante et que cette décision tenait compte des observations présentées par celle-ci dans le cadre de la consultation du marché opérée dans l’affaire AT.40497, la Commission a adopté, le 17 avril 2019, la décision C(2019) 3003 final, relative à un rejet de plainte (Affaire AT.40497 – Prix polonais du gaz).

29.      Le 25 juin 2019, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal contre cette décision de rejet de sa plainte, enregistré sous le numéro d’affaire T-399/19.

IV.    La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

30.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 octobre 2018, la requérante a demandé l’annulation de la décision litigieuse. À l’appui de son recours, elle a invoqué six moyens tirés, en substance, pour les trois premiers, d’une violation de l’article 9 du règlement nº 1/2003, lu conjointement avec l’article 102 TFUE, et du principe de proportionnalité, en ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en acceptant des engagements finaux insuffisants et inadéquats, et, pour le quatrième, d’une violation de l’article 194, paragraphe 1, TFUE, lu conjointement avec l’article 7 TFUE, en ce que la décision litigieuse serait contraire aux objectifs de la politique énergétique de l’Union et en ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de l’incidence négative de cette décision sur le marché européen de la fourniture de gaz. Le cinquième moyen portait sur la discrimination opérée par la Commission entre les clients de Gazprom actifs dans les États membres d’Europe occidentale et ceux actifs dans les PECO concernés. Le sixième moyen concernait la méconnaissance par la Commission de l’objectif visé à l’article 9 du règlement nº 1/2003 ainsi que les limites de ses pouvoirs dans la gestion de la procédure administrative.

31.      Le 2 février 2022, le Tribunal a rendu l’arrêt attaqué rejetant l’ensemble de ces moyens et, partant, le recours en annulation dans son intégralité.

V.      La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

32.      Le 8 avril 2022, la requérante a introduit un pourvoi contre l’arrêt attaqué. Elle conclut à ce qu’il plaise à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse ; à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue conformément à l’arrêt de la Cour, ainsi que de condamner la Commission aux dépens exposés dans la présente instance et devant le Tribunal.

33.      À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève quatre moyens, tirés, pour le premier, de la violation de l’article 9 du règlement no 1/2003 ; pour le deuxième, de la violation du principe de solidarité énergétique énoncé à l’article 194 TFUE, lu en combinaison avec l’article 9 de ce règlement ; pour le troisième, de la violation de l’article 9, paragraphe 1, dudit règlement, en ce que le Tribunal a interprété de manière erronée la notion d’« erreur manifeste d’appréciation » lors de son examen de l’appréciation par la Commission des questions économiques et techniques complexes se rapportant à l’analyse du caractère adéquat des engagements, et, pour le quatrième, de la violation de l’article 9, paragraphe 2, du même règlement qui aurait conduit le Tribunal à considérer à tort que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation quant au caractère adéquat des engagements.

34.      Pour sa part, la Commission, soutenue par Gazprom, conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens. De leur côté, Overgas et la République de Pologne demandent à la Cour d’accueillir le pourvoi.

35.      Le 3 août 2022, Overgas a introduit un pourvoi incident en concluant à l’annulation de l’arrêt attaqué et à la condamnation de la Commission aux dépens. La Commission, soutenue par Gazprom, demande à la Cour de rejeter le pourvoi incident et de condamner Overgas aux dépens de ce pourvoi. Pour sa part, la requérante demande à la Cour d’accueillir le pourvoi incident en son premier moyen et d’annuler l’arrêt attaqué.

VI.    Analyse

36.      La présente affaire soulève principalement la problématique du contrôle juridictionnel des décisions adoptées par la Commission en matière de droit de la concurrence et, notamment, de celles prises en application de l’article 9 du règlement no 1/2003. Plus particulièrement, l’examen des moyens du pourvoi et ceux du pourvoi incident amèneront la Cour à se prononcer sur trois problématiques principales :

–        la première concerne l’articulation entre le principe de solidarité énergétique posé à l’article 194 TFUE et une décision prise en application de l’article 9 de ce règlement, afin de répondre à des préoccupations relatives à la violation de l’article 102 TFUE (B);

–        la deuxième a trait au traitement procédural d’une CG dans le cadre d’une procédure prévue à l’article 9 dudit règlement qui, en principe, n’en requiert pas la présence (C);

–        la troisième portant sur l’intensité du contrôle juridictionnel du juge de l’Union à l’égard des décisions de la Commission adoptées sur le fondement de l’article 9 du même règlement (8) et, par voie de conséquence, sur la manière d’interpréter la notion d’« erreur manifeste d’appréciation » (D).

37.      Avant de procéder à l’analyse des deux premières problématiques qui font l’objet des présentes conclusions ciblées (9), j’estime utile de brièvement rappeler le cadre juridique dans lequel s’insère le contrôle juridictionnel des décisions prises en vertu de l’article 9 du règlement nº 1/2003 et de formuler les observations liminaires qui suivent (A).

A.      Observations liminaires

38.      Il convient de rappeler, en premier lieu, que le mécanisme introduit par l’article 9 du règlement nº 1/2003 est inspiré par des considérations d’économie de procédure et vise à assurer une application efficace des règles de concurrence en apportant une solution plus rapide aux préoccupations concurrentielles identifiées par la Commission, au lieu d’agir par la voie de la constatation formelle d’une infraction (10). Ainsi, contrairement aux décisions adoptées au titre de l’article 7 de ce règlement (qui vise à mettre un terme à l’infraction constatée), dans le cadre de la procédure régie par l’article 9 dudit règlement, la Commission est dispensée de l’obligation de constater et de qualifier l’infraction, son rôle se limitant à l’examen et à l’éventuelle acceptation des engagements proposés par les entreprises concernées, à la lumière des préoccupations concurrentielles qu’elle a identifiées dans son évaluation préliminaire et au regard des buts qu’elle poursuit (11).

39.      Il importe de relever, en deuxième lieu, que la Commission dispose d’une large marge d’appréciation, dans le cadre de l’acceptation d’engagements au titre de l’article 9 du règlement nº 1/2003, dans la mesure où elle est appelée à effectuer une analyse prospective nécessitant la prise en compte de nombreux facteurs économiques afin d’évaluer l’adéquation des engagements offerts par l’entreprise en cause (12). Partant, le critère approprié, au regard des préoccupations de la Commission telles qu’exprimées dans son évaluation préliminaire, est celui de savoir si les engagements sont de nature suffisante pour répondre de façon adéquate auxdites préoccupations sans que la Commission ne soit tenue de rechercher elle-même des solutions moins rigoureuses ou plus modérées que les engagements qui lui ont été proposés (13).

40.      Il convient d’indiquer, en troisième lieu, que, s’agissant de la nature et de l’étendue du contrôle juridictionnel dans ce domaine, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le fait que la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique aux fins de l’application de règles de la concurrence, et en particulier, de l’article 9 du règlement nº 1/2003, justifie que le contrôle par le juge de l’Union d’une décision de la Commission en matière d’engagements soit limité à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (14). Il en résulte que, dans le cadre du contrôle qu’il exerce sur de telles situations économiques complexes, le juge de l’Union ne peut pas substituer son appréciation économique à celle de la Commission en présentant sa propre évaluation de circonstances économiques complexes (15).

41.      Toutefois, ainsi que la Cour l’a itérativement relevé dans le contexte des domaines donnant lieu à des appréciations complexes, tels que le droit de la concurrence, la marge d’appréciation dont jouit la Commission n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, effectuée par cette institution, des données de nature économique (16). Selon les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (17).

42.      Il s’ensuit que le contrôle juridictionnel des décisions adoptées par la Commission en vertu de l’article 9 du règlement nº 1/2003 repose donc sur la vérification par le juge de l’Union du caractère suffisant des engagements afin de répondre de façon adéquate aux préoccupations concurrentielles identifiées par la Commission, en prenant en compte les circonstances de l’espèce, c’est-à-dire la gravité des préoccupations concurrentielles, leur étendue et l’intérêt des tiers (18).

43.      Il convient de relever, en quatrième et dernier lieu, que la jurisprudence de la Cour dans ce domaine est relativement limitée (19) et porte principalement sur l’analyse du caractère adéquat et suffisant des engagements, notamment au regard du principe de proportionnalité (20), ainsi que sur la prise en compte et la protection des intérêts des parties tierces dans l’acceptation des engagements par la Commission (21).

B.      Sur l’articulation du principe de solidarité énergétique énoncé à l’article 194 TFUE avec une décision prise en application de l’article 9 du règlement no 1/2003 (troisième branche du premier moyen et second moyen)

44.      Tant par la troisième branche de son premier moyen que par son second moyen, qu’il convient d’examiner conjointement, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans le contrôle de l’appréciation par la Commission du caractère adéquat des engagements en omettant de prendre en considération les objectifs poursuivis par l’article 194 TFUE, y compris, notamment, le principe de solidarité énergétique.

45.      Selon la requérante, le Tribunal, à l’instar de la Commission, aurait procédé à une interprétation erronée de l’article 194 TFUE qui serait contraire à l’interprétation retenue par la Cour dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Allemagne/Pologne (C‑848/19 P, ci-après l’« arrêt Allemagne/Pologne », EU:C:2021:598), et qui priverait cette disposition de tout effet utile à l’égard de l’action menée par la Commission visant à mettre en œuvre à la fois les objectifs du droit de la concurrence au sens large et ceux liés au bon fonctionnement du marché énergétique de l’Union.

46.      Dans un tel contexte, il convient d’examiner si, en procédant comme il l’a fait, le Tribunal n’aurait pas commis une erreur de droit comme le suggère la requérante. Avant de prendre position sur l’analyse effectuée par le Tribunal, il me paraît utile d’émettre quelques observations liminaires concernant l’article 194 TFUE ainsi que sur l’interaction de cette disposition avec l’analyse concurrentielle que la Commission est appelée à effectuer dans le cadre de l’article 9 du règlement nº 1/2003.

1.      Sur le principe de solidarité énergétique et son interaction avec le droit de la concurrence

47.      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, aux termes de l’article 7 TFUE, l’Union est tenue de veiller à la cohérence entre ses différentes politiques et actions, en tenant compte de l’ensemble de ses objectifs et en se conformant au principe d’attribution des compétences.

48.      Il convient de relever, premièrement, s’agissant de l’article 194 TFUE, que cette disposition énumère, à son paragraphe 1, les principaux objectifs poursuivis par la politique énergétique de l’Union, y compris celui de la solidarité énergétique (22). À cet égard, il ressort de l’arrêt Allemagne/Pologne que le principe de solidarité énergétique sous-tend et englobe tous les objectifs énumérés à l’article 194, paragraphe 1, sous a) à d), TFUE, que la politique énergétique de l’Union vise à réaliser en les regroupant et en leur donnant une cohérence (23) et que les actes adoptés par les institutions de l’Union, y compris par la Commission au titre de cette politique, doivent être interprétés, et leur légalité appréciée, à la lumière du principe de solidarité énergétique (24).

49.      Dans cet arrêt, la Cour a, au point 69, également précisé que ce principe « doit être pris en compte par les institutions de l’Union ainsi que par les États membres, dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et, notamment, de celui du gaz naturel, en veillant à assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique dans l’Union, ce qui implique non seulement de faire face à des situations d’urgence, lorsqu’elles se produisent, mais également d’adopter des mesures visant à prévenir les situations de crise. À cette fin, il [serait] nécessaire d’évaluer l’existence de risques pour les intérêts énergétiques des États membres et de l’Union, et notamment pour la sécurité d’approvisionnement en énergie ».

50.      Il ressort, deuxièmement, d’une jurisprudence constante de la Cour que des objectifs poursuivis par d’autres dispositions du traité FUE doivent, si les circonstances l’exigent, être pris en compte dans le cadre de l’application des articles 101 et 102 TFUE. L’analyse concurrentielle impose ainsi la prise en compte du contexte et l’examen des effets dans l’appréciation d’une restriction de la concurrence à la lumière des conditions réelles du fonctionnement du marché, en tenant compte de tout élément pertinent à cet égard (25).

51.      En ce qui concerne, troisièmement, la procédure à suivre dans l’application de l’article 9 du règlement no 1/2003, il n’est pas exclu que la Commission soit tenue, dans le cadre de son évaluation préliminaire et lorsque les circonstances de l’affaire l’exigent, de tenir compte d’objectifs poursuivis par d’autres dispositions du traité FUE en particulier pour conclure, à titre provisoire, à l’absence d’infraction aux règles de concurrence (26).

52.      Dans le cadre de la présente affaire, la Cour est appelée à confirmer si tel est également le cas en ce qui concerne non pas la constatation d’un comportement problématique du point de vue du droit de la concurrence mais l’examen des engagements par la Commission et la manière selon laquelle des considérations qui ne sont pas liées au droit de la concurrence, comme en l’occurrence, les principes et les objectifs poursuivis par l’article 194 TFUE, doivent être pris en considération dans le cadre de l’analyse effectuée par la Commission menant à l’acceptation d’engagements au titre de l’article 9 du règlement no 1/2003.

2.      Sur la prise en compte de l’article 194 TFUE dans le cadre d’une décision adoptée sur le fondement de l’article 9 du règlement no 1/2003

53.      Il convient de relever, en premier lieu, que, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel des engagements, le Tribunal a suivi le modèle d’appréciation classique qui ressort de la jurisprudence de la Cour, tel que décrite aux points 40 à 42 des présentes conclusions, en rappelant, au point 420 de l’arrêt attaqué, que le rôle de la Commission (et, a fortiori, celui du juge de l’Union dans le cadre de l’examen d’une erreur manifeste d’appréciation) est de veiller à ce que les engagements soient suffisants pour répondre de façon adéquate aux préoccupations concurrentielles constatées, en prenant en compte les circonstances de l’espèce, à savoir la gravité de ces préoccupations, leur étendue et l’intérêt des tiers (27).

54.      En deuxième lieu, bien que, au point 420 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne se réfère pas expressément au principe de sécurité énergétique lors de l’analyse des engagements souscrits par Gazprom, celui-ci a explicitement relevé que les engagements pris à la suite d’une procédure fondée sur l’article 9, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003 « ne saurai[en]t aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques des traités » (28). Il s’ensuit que le Tribunal a ainsi retenu, d’une part, que le pouvoir discrétionnaire de la Commission était limité par l’obligation d’agir en conformité avec les dispositions du traité FUE et les principes généraux du droit de l’Union, et a reconnu, d’autre part, la compétence de la Commission pour vérifier si les engagements en tant que tels n’enfreignaient pas d’autres dispositions du traité, y compris l’article 194, paragraphe 1, TFUE.

55.      En troisième lieu, il convient de constater que, au point 422 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, en l’espèce, dans la mesure où la Commission avait estimé que les engagements souscrits par Gazprom étaient suffisants et adéquats au vu des préoccupations concurrentielles constatées, celle-ci « n’était pas tenue, aux fins de prendre en compte des objectifs de la politique énergétique de l’Union, d’enquêter sur davantage de pratiques de Gazprom, ni d’exiger des engagements plus contraignants de la part de cette dernière ». Cette juridiction a ainsi conclu que, dans le cadre de la présente affaire, l’« éventuelle prise en compte de ces objectifs dans l’application des règles de concurrence de l’Union ne saurait justifier d’imposer à la Commission de telles obligations positives ».

56.      Je partage ce point de vue.

57.      En effet, la circonstance que le pouvoir discrétionnaire de la Commission soit limité par son obligation d’agir en conformité avec les dispositions des traités se traduit, en substance, par une obligation qui pèse sur cette institution lorsque celle-ci agit dans le cadre de la procédure prévue à l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 de vérifier que les engagements qu’elle envisage d’accepter et qu’elle considère comme étant susceptibles de répondre de manière adéquate aux préoccupations concurrentielles formulées par la Commission ne sont pas de nature à porter atteinte à d’autres dispositions du traité FUE, y compris, en l’occurrence, à l’article 194 TFUE.

58.      Il s’ensuit que la Commission ne pourrait accepter des engagements qui risqueraient d’emporter une violation de l’article 194 TFUE et mettre ainsi en péril les objectifs poursuivis par le principe de solidarité énergétique ou la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Union, nonobstant le fait que ces engagements puissent répondre aux préoccupations concurrentielles de la Commission sur le marché concerné (29). Pour autant, cela ne signifie pas que la Commission, agissant en tant que régulateur de la concurrence dans le cadre de la procédure prévue par le règlement nº 1/2003 détiendrait la compétence d’imposer des obligations indépendantes et allant au-delà de celles visant à remédier aux problèmes de concurrence constatés lors de son enquête (et qui seraient motivées par des politiques autres que celles du droit de la concurrence) en exigeant sur cette base des engagements plus contraignants.

59.      C’est donc sans commettre d’erreur de droit que, au point 422 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a refusé d’assimiler l’application du principe de solidarité énergétique par la Commission à l’imposition d’obligations positives imputables à cette dernière, allant au-delà du cadre des griefs soulevés à l’encontre de Gazprom ou à l’imposition d’obligations plus contraignantes.

60.      Il convient de relever, à cet égard, que, en admettant tant dans le cadre de son pourvoi que lors de l’audience, que le principe de solidarité énergétique ne devrait pas être assimilé à l’imposition d’obligations positives allant au-delà du cadre des compétences de la Commission en matière de politique de concurrence, la requérante ne semble pas contester la position prise par le Tribunal au point 422 de l’arrêt attaqué. Or, si la requérante attire l’attention sur le fait que tant la Commission que le Tribunal auraient omis de tenir compte du principe de solidarité énergétique énoncé à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, elle n’indique pas clairement de quelle manière la décision litigieuse ou l’arrêt attaqué méconnaîtraient les objectifs spécifiques de la politique énergétique de l’Union ni comment les engagements violeraient cette disposition ou seraient, en tant que tels, contraires au principe de sécurité énergétique. En effet, cette partie se limite à rappeler l’importance de ce principe et à constater que la Commission et le Tribunal étaient tenus de le prendre en compte dans leur examen des engagements souscrits par Gazprom sans être en mesure d’établir le cadre analytique et l’interprétation exacte que la Commission aurait dû retenir et comment celle-ci aurait pu aboutir à une conclusion différente de celle à laquelle la Commission ou le Tribunal sont parvenus.

61.      C’est également sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a retenu, aux points 423 et 424 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse et ces engagements ne s’opposent pas à ce que les institutions de l’Union ou les États membres agissent par d’autres voies pour répondre aux problèmes identifiés par la requérante (30). En effet, rien n’empêche les institutions de l’Union ou les autorités nationales de régulation qui ont d’ailleurs des compétences parallèles à celles de la Commission en matière de politique énergétique et qui sont donc, par définition, mieux placées, pour intervenir afin de modifier la réglementation dans ce secteur ou, le cas échéant, pour assurer le respect des réglementations spécifiques en matière d’énergie (31).

62.      En quatrième et dernier lieu, dans la mesure où la requérante soutient que le Tribunal n’avait pas sanctionné la Commission pour ne pas avoir suffisamment motivé la décision litigieuse sur la question de sa conformité avec l’article 194, paragraphe 1, TFUE, ce grief doit également être écarté. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que cette institution ne s’est pas expressément référée à l’article 194 TFUE et aux objectifs poursuivis par cette disposition ne saurait être interprété comme un refus ou un manquement de la part de cette dernière de prendre en considération le domaine énergétique. Ainsi qu’il a été relevé, à juste titre, par le Tribunal, au point 427 de l’arrêt attaqué, il ne saurait être attendu de la Commission qu’elle expose systématiquement les raisons pour lesquelles une décision est conforme à l’ensemble des dispositions spécifiques des traités qui, sans constituer la base juridique de l’acte en cause, auraient éventuellement un lien avec le contexte factuel et juridique encadrant cet acte.

63.      Eu égard à ce qui précède, je propose d’écarter la troisième branche du premier moyen ainsi que le second moyen comme étant non fondés.

C.      Sur le traitement procédural d’une CG dans le cadre de la procédure prévue à l’article 9 du règlement nº 1/2003

64.      La seconde problématique, qu’il convient d’aborder à la demande de la Cour dans le cadre des présentes conclusions ciblées, porte sur le traitement procédural d’une CG dans le cadre de la procédure prévue à l’article 9 du règlement nº 1/2003 au vu des constatations du Tribunal à cet égard, qu’il convient de rappeler brièvement.

1.      Sur l’approche retenue par le Tribunal

65.      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans la présente affaire, la Commission avait initialement ouvert une procédure en application des articles 101 et 102 TFUE, en raison de la violation alléguée de ce dernier article par Gazprom sur les marchés gaziers d’Europe centrale et orientale, ce qui supposait l’envoi d’une CG (32). En l’occurrence, la notification de cette communication a conduit Gazprom à proposer des engagements à la Commission sur le fondement de l’article 9 du règlement no 1/2003. Il convient également de relever que les engagements finaux approuvés par la décision litigieuse ne contenaient aucune référence aux griefs Yamal, ces derniers, bien que figurant initialement dans la CG, ayant été abandonnés au cours de la procédure par la Commission au motif que ses préoccupations concurrentielles préliminaires n’avaient pas été confirmées (33).

66.      Dans le cadre du recours devant le Tribunal, la requérante, soutenue par la République de Pologne, avait reproché à la Commission l’abandon des griefs Yamal et, par corollaire, l’absence d’engagements relatifs à ces griefs (34). Ces parties estimaient, par ailleurs, que, contrairement à l’approche suivie par la Commission, celle-ci était tenue de justifier l’absence d’engagement(s) répondant aux griefs Yamal.

67.      Bien que le Tribunal ait rejeté le recours de la requérante portant sur le bien-fondé de l’abandon des griefs initiaux concernant le gazoduc Yamal et l’absence d’engagement(s) relatif(s) à ces griefs en estimant que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard, il a estimé, au point 83 de l’arrêt attaqué, que « dans les conditions de l’espèce et, en particulier, en l’absence d’évaluation préliminaire révisée, l’article 9 du règlement no 1/2003 imposait à la Commission, contrairement à ce qu’elle soutient, d’avoir des raisons justifiant l’absence d’engagement répondant aux griefs Yamal » (35). Celui-ci a toutefois estimé, au point 85 de l’arrêt attaqué, qu’elle avait rempli son obligation de motivation en exposant, au point 138 de la décision litigieuse, les raisons pour lesquelles elle n’avait pas imposé d’engagement répondant aux griefs Yamal.

68.      Pour sa part, la Commission, tout en contestant l’interprétation du Tribunal sur ce point, soutient néanmoins que l’erreur commise par ce dernier ne serait pas de nature à entraîner l’annulation, même partielle, de l’arrêt attaqué, dès lors que celle-ci n’entacherait que les motifs de l’arrêt, le dispositif de celui-ci étant fondé sur d’autres considérations juridiques. Partant, le cas échéant, il y aurait uniquement lieu de procéder à une substitution des motifs dans la mesure appropriée.

2.      Sur les règles générales régissant le traitement procédural d’une CG dans le cadre du règlement nº 1/2003

69.      Il convient de rappeler, en premier lieu, que la CG constitue une étape formelle des enquêtes menées par la Commission sur les infractions présumées aux règles du droit de la concurrence de l’Union qui précède l’adoption d’une décision constatant l’existence d’une infraction à ces règles. Dans le cadre de la procédure administrative telle qu’établie par le règlement nº 1/2003, la CG consiste en un acte de caractère procédural et préparatoire qui circonscrit l’objet de la procédure administrative engagée par la Commission par lequel cette dernière informe par écrit l’entreprise concernée des griefs soulevés à son encontre (36).

70.      En tant qu’étape préliminaire de la procédure, l’envoi d’une CG ne préjuge en rien l’issue d’une enquête menée par la Commission. Il est donc inhérent à la nature de la CG d’être provisoire et susceptible de faire l’objet de modifications lors de l’évaluation à laquelle la Commission procède ultérieurement sur la base des observations qui lui ont été présentées en réponse par les parties ainsi que d’autres constatations factuelles. Il s’ensuit que la Commission n’est pas liée par les appréciations de fait ou de droit portées dans la CG et qu’il lui est donc parfaitement loisible d’abandonner certains griefs, qui, dès lors, ne peuvent plus, par définition, faire l’objet d’une contestation contentieuse (37).

71.      Il convient de souligner, par ailleurs, qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour, depuis l’arrêt IBM/Commission (38) , qu’une CG ne saurait être considérée, par sa nature et ses effets juridiques, comme une décision au sens de l’article 263 TFUE susceptible d’un recours en annulation (39). Il ressort, en effet, de cette jurisprudence que ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation que des mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de la procédure en cause, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale, les mesures finales étant les seules à pouvoir produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des entreprises visées par cette enquête (40).

72.      S’agissant, en second lieu, des droits respectifs des parties impliquées dans la procédure administrative menée par la Commission dans le cadre de l’application de l’article 102 TFUE, il convient de relever que, si la Commission est tenue de respecter les droits des tiers, cette procédure concerne principalement l’entreprise à l’encontre de laquelle l’enquête a été conduite, celle-ci étant d’ailleurs l’unique destinataire de la CG [et, ultérieurement, de la décision finale]. La CG constitue ainsi une garantie procédurale fondamentale qui a pour objectif d’informer cette partie des griefs qui lui sont reprochés en vue de lui permettre d’exercer son droit de la défense (41).

73.      Ainsi, si l’envoi d’une CG complémentaire s’impose lorsque la Commission entend retenir de nouveaux griefs, qui n’étaient pas visés par la CG initiale, afin de garantir et protéger les droits de la défense de l’entreprise concernée en lui accordant la possibilité de répondre formellement aux nouveaux éléments probants soulevés (42), aucune obligation de la sorte n’existe dans l’hypothèse inverse dans laquelle la Commission envisage d’abandonner un ou plusieurs griefs (43). Il n’est, par ailleurs, pas nécessaire pour la Commission de motiver dans sa décision finale l’abandon de griefs retenus dans la CG initiale (44).

3.      Sur le traitement procédural d’une CG dans le cadre de la procédure prévue à l’article 9 du règlement nº 1/2003

74.      S’agissant de la procédure d’engagements, l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 prévoit que les engagements offerts par les parties doivent être de nature à répondre aux préoccupations qui figurent dans l’évaluation préliminaire effectuée par la Commission.

75.      En l’occurrence, le Tribunal a constaté, au point 79 de l’arrêt attaqué, que, dans la présente affaire, la CG a fait office d’évaluation préliminaire (45) et a considéré, au point 83 de cet arrêt, que, en l’absence d’une évaluation préliminaire révisée confirmant l’abandon des griefs Yamal, l’article 9, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003 imposait à la Commission de motiver l’absence d’engagements relatifs à ces griefs (46).

76.      Si l’article 9 du règlement no 1/2003 établit, en effet, un lien entre les engagements et l’évaluation préliminaire effectuée par la Commission, dans la mesure où ceux-ci sont censés répondre aux préoccupations qui figurent dans cette évaluation, il n’en reste pas moins que l’approche préconisée par le Tribunal paraît difficilement conciliable tant avec le texte du règlement nº 1/2003 (47) qu’avec la jurisprudence de la Cour relative au droit d’être entendu rappelée au point 73 des présentes conclusions.

77.      Imposer à la Commission une obligation consistant à adresser au destinataire de la décision relative aux engagements, entre la notification de la CG et l’adoption de la décision finale, un document supplémentaire témoignerait, comme le soutient la Commission, d’un excès de formalisme, si ce document se bornait à indiquer que la Commission a abandonné un quelconque grief. Outre le fait qu’une telle initiative ne serait pas nécessaire pour garantir les droits procéduraux de l’entreprise concernée, elle ne présenterait aucun intérêt pour celle-ci (48). Une autre interprétation de l’article 9 du règlement nº 1/2003 remettrait également en question la qualification de la CG en tant que document préparatoire alors qu’elle est, par nature, provisoire et risquerait de rendre caduque, dans certaines circonstances, la procédure d’engagements ainsi que le Tribunal le reconnaît lui-même aux points 81 et 82 de l’arrêt attaqué (49).

78.      Il ressort, par ailleurs, de la jurisprudence de la Cour relative au droit d’être entendu, rappelée aux points 72 et 73 des présentes conclusions, qu’une motivation supplémentaire des raisons pour lesquelles, en définitive, la Commission ne maintiendrait pas, dans la décision finale, une partie des griefs émis auparavant dans la CG n’est pas requise. En effet, l’obligation de motivation qui pèse sur la Commission, en ce qui concerne les décisions adoptées au titre de l’article 9 du règlement no 1/2003 impose uniquement à cette institution d’exposer de manière claire et non équivoque, les éléments de fait et les considérations juridiques qui l’ont amenée à constater que les engagements suffisaient pour répondre aux préoccupations concurrentielles retenues au terme de la procédure administrative clôturée par l’adoption de sa décision finale, sans que cette institution ne soit tenue d’expliquer les différences éventuelles par rapport aux appréciations provisoires qu’elle a formulées dans la CG (50).

79.      Il convient également de relever que l’absence tant d’une évaluation préliminaire révisée que de la motivation de la Commission de l’abandon des griefs Yamal et l’absence d’engagements relatifs à ces derniers ne serait, par ailleurs, pas de nature à affecter les droits procéduraux des tiers (51).

80.      Il y a lieu de souligner, à cet égard, que, dans le cadre de la procédure administrative ayant abouti à la décision litigieuse, seule Gazprom peut être qualifiée de « partie concernée » au sens du règlement nº 1/2003, toutes les autres, en ce compris la requérante, ne disposant que de droits procéduraux plus restreints qu’un « tiers intéressé » (52). En effet, ainsi que le Tribunal l’a rappelé, au point 78 de l’arrêt attaqué, l’unique destinataire de l’évaluation préliminaire évoquée au titre de l’article 9 du règlement no 1/2003 (qu’elle prenne la forme d’une CG ou d’un autre document) est l’entreprise visée par l’enquête de la Commission, cette évaluation lui servant de base afin d’apprécier l’opportunité de proposer des engagements appropriés remédiant aux problèmes de concurrence constatés par la Commission et de lui permettre de mieux définir ces engagements (53). Par ailleurs, ainsi que le Tribunal l’a relevé, à juste titre, au point 137 de l’arrêt attaqué, aucune disposition des règlements nº 1/2003 ou nº 773/2004 n’impose à la Commission d’informer formellement les tierces parties intéressées lorsqu’elle abandonne, en cours de procédure, certains griefs à l’égard d’une entreprise concernée.

81.      Force est de constater, également, que, en ce qui concerne la procédure administrative ayant mené à l’adoption de la décision litigieuse, la Commission a communiqué une version non confidentielle de la CG à la requérante qui a, par ailleurs, été entendue en tant que partie intéressée dans le cadre de la procédure de consultation du marché prévue à l’article 27, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003, cette consultation étant une condition préalable afin que la Commission puisse rendre obligatoires les engagements par voie de décision (54). La requérante a, en outre, contesté la décision litigieuse sur la base de l’article 263 TFUE, y compris en ce qui concerne l’abandon des griefs Yamal et l’absence d’engagements les concernant (55).

82.      La circonstance que la CG ait fait office dans la présente affaire d’évaluation préliminaire au sens de l’article 9 du règlement no 1/2003 ne saurait remettre en cause les constatations précédentes. En effet, aucune disposition de ce règlement ni, d’ailleurs, l’interprétation qu’en a fait la Cour ne justifie de traiter différemment une CG selon que celle-ci sert de fondement à une décision adoptée sur la base de l’article 7 ou de l’article 9 dudit règlement (56).

83.      Nonobstant ces considérations, rien n’empêche la Commission, si elle l’estime nécessaire, au vu des circonstances particulières d’une affaire, d’exposer les motifs pour lesquels celle-ci aurait décidé d’abandonner un grief et de motiver l’absence d’engagements relatifs à ce grief, ainsi qu’elle l’a fait aux points 184 et 185 de la décision litigieuse. Bien qu’une telle obligation ne ressorte pas explicitement des règlements nº 1/2003 ou nº 773/2004 ni de la jurisprudence de la Cour en la matière, il reste que le principe de bonne administration, ainsi que la Commission l’a relevé lors de l’audience, pourrait justifier une telle approche au vu des spécificités de chaque affaire (57).

84.      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que l’approche préconisée par le Tribunal, au point 83 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission serait tenue de modifier la portée de la CG faisant office d’évaluation préliminaire avant l’adoption de la décision finale (y compris dans l’hypothèse de l’abandon d’un grief) ou, le cas échéant, de motiver l’abandon de griefs qui ne seraient pas repris dans cette dernière est erronée.

85.      Il convient de rappeler, à cet égard, que, si les motifs d’une décision du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que le dispositif de celle-ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision et il y a lieu, lorsque certaines conditions sont remplies, de procéder à une substitution de motifs (58). Il y a lieu de relever, en ce sens, que selon une jurisprudence constante de la Cour, une demande de substitution de motifs est recevable, lorsqu’elle constitue une défense contre un moyen soulevé par la partie requérante (59). Or, en l’espèce, dans le cadre du troisième moyen du pourvoi, la requérante soutient que l’abandon des griefs Yamal a concouru à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission qui n’aurait pas été sanctionnée par le Tribunal, de sorte qu’il existe un lien suffisant entre ce moyen et la demande de substitution de motifs formulée par la Commission qu’il y a lieu d’accepter dans la présente affaire.

86.      Il convient de relever, enfin, que le contrôle juridictionnel visant à apprécier si la Commission a admis à juste titre que les engagements correspondaient aux préoccupations qu’elle avait soulevées doit tenir compte des préoccupations que la Commission maintient encore au moment de l’adoption de la décision mettant fin à la procédure et non aux préoccupations qu’elle a pu abandonner après avoir entendu l’entreprise concernée et pris connaissance de sa position à cet égard (60). Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les préoccupations en matière de concurrence telles qu’exposées dans la CG ne peuvent pas être retenues comme critère d’examen de la légalité d’une décision de la Commission (y compris une décision au titre de l’article 9 du règlement nº 1/2003). Ainsi qu’il a été expliqué aux points 69 à 73 des présentes conclusions, une autre interprétation consistant à considérer que la Commission est liée par ses préoccupations préliminaires, telles qu’exprimées dans la CG, serait contraire au droit du destinataire d’être entendu, et en particulier à la fonction même de l’article 9 du règlement nº 1/2003.

87.      Il y a donc lieu de rejeter une grande partie de l’argumentation que la requérante développe au soutien des deux premières branches du premier moyen ainsi que de son troisième moyen du pourvoi qui reposent sur la prémisse erronée selon laquelle le caractère adéquat des engagements offerts par Gazprom devrait être apprécié à l’aune des préoccupations concurrentielles identifiées par la Commission dans la CG.

D.      Sur le contrôle par le Tribunal de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation (première branche du troisième moyen)

88.      Par la première branche de son troisième moyen, la requérante fait valoir que l’absence d’une analyse globale du caractère adéquat des engagements de la part du Tribunal entraînerait une interprétation erronée de la notion d’« erreur manifeste d’appréciation ». Selon elle, le Tribunal aurait omis de procéder à un examen global, d’une part, de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et en particulier des différents engagements et griefs soulevés à leur encontre, indépendamment de l’analyse individuelle de chacun d’entre eux et, d’autre part, de l’effet cumulatif de toutes les irrégularités (ou erreurs non manifestes) que le Tribunal avait lui-même recensées dans le cadre de son contrôle juridictionnel du caractère adéquat des engagements.

89.      Il a lieu de rappeler, en premier lieu, qu’il revient à la partie requérante concluant à l’annulation d’une décision adoptée par la Commission au titre de l’article 9 du règlement nº 1/2003 de démontrer que celle-ci a commis une erreur manifeste d’appréciation (61). Or, si la requérante se contente d’affirmer de manière abstraite qu’une analyse globale aboutirait à un résultat différent de celui auquel le Tribunal était parvenu, il n’en reste pas moins que cette partie n’en apporte pas la preuve mais surtout qu’elle ne démontre pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part du Tribunal (62).

90.      Il convient de relever, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort ni de la décision litigieuse ni de l’arrêt attaqué que la Commission ou le Tribunal auraient renoncé à procéder à une analyse globale des engagements souscrits par Gazprom.

91.      Il y a lieu d’observer, tout d’abord, en ce qui concerne la Commission, que l’approche globale que celle-ci a adoptée dans le cadre de l’examen des engagements est attestée par les considérants 160 à 164 de la décision litigieuse. Il convient, ensuite, de préciser, à cet égard, que le choix de cette institution de présenter de manière détaillée la proportionnalité de chaque engagement par rapport aux préoccupations que cette dernière a retenues, ne saurait remettre en question son approche globale. En effet, compte tenu des diverses pratiques anticoncurrentielles constatées par la Commission et de la nature complexe et technique des marchés concernés, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir cherché à remédier à la stratégie  anticoncurrentielle de Gazprom en procédant de manière graduelle, par le biais de mesures remédiant spécifiquement à chacune de ces pratiques, afin de désamorcer ladite stratégie (63). Cela ne signifie pas que, en procédant de la sorte, la Commission aurait renoncé à une analyse globale.

92.      Il en va de même en ce qui concerne le Tribunal, dans la mesure où il ressort respectivement des points 195 à 202 et 310 à 319 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a procédé à une appréciation globale tant des engagements tarifaires que de ceux relatifs aux restrictions territoriales. S’agissant, plus précisément, des engagements relatifs aux points de livraison (qui font partie des engagements concernant les restrictions territoriales), il y a lieu de constater que, après avoir écarté, aux points 322 à 397 de l’arrêt attaqué, les griefs invoqués par la requérante, Overgas, la République de Lituanie et la République de Pologne quant à leur efficacité et leur proportionnalité, le Tribunal a jugé, au point 398 de l’arrêt attaqué, que, même pris ensemble, ces griefs ne conduiraient pas à conclure à l’existence d’une erreur manifeste.

93.      Contrairement aux critiques formulées par la requérante qui soutient que le Tribunal aurait considéré erronément que le résultat d’une analyse globale ne saurait être différent de celui résultant de l’analyse de chacun des griefs pris individuellement, l’approche du Tribunal est exempte d’erreur de droit.

94.      En effet, dans la mesure où, à la suite d’une appréciation individuelle et détaillée de chacun des griefs émis par les parties, le Tribunal ne constate aucune erreur dans l’appréciation de la Commission et confirme le caractère adéquat des engagements par rapport aux préoccupations concurrentielles retenues par celle-ci, une appréciation globale de ces engagements ne saurait conduire à un résultat différent de celui procédant de leur analyse individuelle, et encore moins à la constatation d’une erreur manifeste. Il s’ensuit qu’une erreur manifeste d’appréciation ne pourrait conceptuellement exister que si le Tribunal avait constaté le caractère inadéquat d’au moins un des engagements acceptés par la Commission susceptible de remettre également en cause d’autres engagements s’il avait été démontré que ceux-ci présentaient un lien entre eux. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

95.      Il convient, en troisième lieu, de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, en faisant abstraction de l’effet cumulatif de toutes les erreurs que le Tribunal aurait recensées lors de l’appréciation des engagements, celui-ci a commis une erreur de droit lors de l’interprétation de la notion d’« erreur manifeste d’appréciation ».

96.      Il y a lieu de relever, à cet égard, que, dans le cadre de son analyse du caractère adéquat des engagements concernant les points de livraison, le Tribunal a en effet relevé certaines irrégularités entachant l’évaluation de ces engagements par la Commission, sans toutefois considérer que ces circonstances seraient de nature à avoir une quelconque incidence sur l’effectivité desdits engagements. Force est de constater que les considérations critiques à l’égard de l’appréciation de la Commission figurant, notamment, aux points 295, 358 et 362 de la décision litigieuse, portent davantage sur l’approche méthodologique retenue par la Commission dans le cadre de son analyse que sur l’insuffisance des engagements.

97.      Il convient également de rappeler que l’erreur manifeste d’appréciation implique, comme son nom l’indique, l’existence, non pas d’une quelconque irrégularité ou omission de la part de la Commission, mais d’une erreur qui serait de nature à atteindre un certain seuil de gravité capable de remettre en cause le bien-fondé de l’analyse que celle-ci a effectuée et, partant, la légalité même d’une décision qu’elle a adoptée. Il s’ensuit que le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation ne tend donc pas à ce que l’analyse de la Commission soit exempte de toute irrégularité, une certaine marge d’appréciation lui ayant été consentie, pourvu que le seuil du manifeste ne soit pas franchi (64).

98.      En tout état de cause, dans la mesure où le Tribunal a constaté que ces irrégularités ne remettaient pas en cause le caractère adéquat des engagements ou la légalité de la décision litigieuse, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir retenu l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. Partant, contrairement à ce que soutiennent Orlen et Overgas, il n’existe aucun élément permettant de constater qu’un cumul d’erreurs mineures aurait entraîné (prises) ensemble une erreur manifeste d’appréciation.

99.      Eu égard à ce qui précède, je suis d’avis que c’est à juste titre que le Tribunal a conclu à l’absence d’erreur manifeste à cet égard.

VII. Conclusion

100. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter, comme non fondés, la troisième branche du premier moyen, le second moyen et la première branche du troisième moyen du pourvoi.


1      Langue originale : le français.


2      JO 2018, C 258, p. 6. La version consolidée de la décision de la Commission (disponible uniquement en langue anglaise) est disponible à l’adresse suivante : https://ec.europa.eu/competition/antitrust/cases/dec_docs/39816/39816_10148_3.pdf.


3      Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).


4      La procédure administrative correspondant à cette enquête a été enregistrée sous la référence « Affaire AT.39816 – Approvisionnement en gaz en amont en Europe centrale et orientale » (ci-après l’« affaire AT.39816 »).


5      Règlement de la Commission du 7 avril 2004 relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18).


6      Voir points 10 à 12 des présentes conclusions.


7      La procédure administrative correspondant à cette enquête a été enregistrée sous la référence « Affaire AT.40497 – Prix polonais du gaz ».


8      La problématique portant sur l’intensité du contrôle juridictionnel des décisions adoptées sur le fondement de l’article 9 du règlement nº 1/2003, à l’aune du principe de proportionnalité, ne fait pas l’objet des présentes conclusions ciblées.


9      Les présentes conclusions susciteront également, aux points 88 à 97 de celles-ci, quelques observations sur l’interprétation de la notion d’« erreur manifeste d’appréciation » qui a été débattue lors de l’audience et qui se trouve au cœur de la première branche du troisième moyen du pourvoi.


10      Voir arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa (C‑441/07 P, ci-après l’« arrêt Alrosa », EU:C:2010:377, point 35).


11      Voir arrêt Alrosa, points 40 et 41.


12      Voir arrêt Alrosa, point 94.


13      Voir arrêt Alrosa, point 61.


14      Voir arrêt Alrosa, point 42, et, par analogie, arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments (C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 124).


15      Voir arrêts Alrosa, points 60 et 67 ; du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 46) ; et, par analogie, dans le domaine des concentrations, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 145).


16      Voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments (C‑376/20 P, EU:C:2023:561, point 126), et du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 54 ainsi que jurisprudence citée).


17      Voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission (C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 54) ; du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 59), et du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission (C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 54).


18      Voir arrêt Alrosa, points 60 à 67, et du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission (C‑132/19 P, ci-après l’« arrêt Canal + », EU:C:2020:1007, points 121 et 122).


19      À ce jour, seules cinq affaires ont été portées devant les juridictions de l’Union, dans des recours émanant tous de parties tierces à l’encontre de décisions adoptées par la Commission. Voir, en ce sens, arrêts Alrosa, Canal + , ainsi que arrêts du 6 février 2014, CEEES et Asociación de Gestores de Estaciones de Servicio/Commission (T‑342/11, EU:T:2014:60) ; du 15 septembre 2016, Morningstar/Commission (T‑76/14, ci-après l’« arrêt Morningstar » EU:T:2016:481), et du 2 février 2022, Polskie Górnictwo Naftowe i Gazownictwo/Commission (Rejet de plainte) (T‑399/19, EU:T:2022:44).


20      Voir, en ce sens, arrêt Alrosa, points 60 à 67.


21      Voir arrêt Canal +, points 121 et 122.


22      Parmi ces objectifs figurent notamment ceux visant à assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique dans l’Union et à promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques.


23      Arrêt Allemagne/Pologne, points 43 et 47.


24      Arrêt Allemagne/Pologne, point 44.


25      Voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2023, Meta Platforms e.a. (Conditions générales d’utilisation d’un réseau social) (C‑252/21, EU:C:2023:537, point 47 et jurisprudence citée) ; du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, EU:C:1973:22, point 24), et conclusions de l’avocat général Jacobs dans les affaires Albany (C‑67/96, C‑115/97 et C‑219/97, EU:C:1999:28, point 179).


26      Voir, en ce sens, arrêt Canal +, points 46 à 54.


27      À cet égard, le Tribunal se réfère notamment aux points 40 et 41 de l’arrêt Alrosa et au point 45 de l’arrêt Morningstar.


28      Le Tribunal avait d’ailleurs préalablement rappelé, au point 418 de l’arrêt attaqué, que, « aux termes de l’article 7 TFUE, l’Union veille à la cohérence entre ses différentes politiques et actions, en tenant compte de l’ensemble de ses objectifs [...] [, y compris] ceux énoncés à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, à savoir notamment les objectifs d’assurer la sécurité d’approvisionnement énergétique dans l’Union et de promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques ».


29      Il en va de même dans l’hypothèse inverse dans la mesure où un engagement qui serait conforme au principe de sécurité énergétique mais qui ne répondrait pas de manière suffisante et adéquate aux préoccupations concurrentielles ne pourrait de toute évidence pas être accepté par la Commission dans le cadre de la procédure prévue au titre de l’article 9 du règlement nº 1/2003.


30      Voir, en ce sens, également, considérant 13 du règlement nº 1/2003.


31      Il convient de relever, à cet égard, que sur la base de la directive 2009/73/CE du Parlement et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94), les autorités nationales se sont vues conférer des compétences spécifiques afin de promouvoir et d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur du gaz naturel. Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé par le Tribunal, au point 424 de l’arrêt attaqué, la directive (UE) 2019/692 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019, modifiant la directive 2009/73 (JO 2019, L 117, p. 1), vise notamment, aux termes de son considérant 3, à traiter des obstacles à l’achèvement du marché intérieur du gaz naturel qui découlent de la non-application, avant son adoption, des règles du marché de l’Union aux conduites de transport de gaz à destination et en provenance de pays tiers.


32      Voir points 6 à 13 de l’arrêt attaqué.


33      Voir point 138 de la décision litigieuse.


34      Ce grief est repris dans le cadre du troisième moyen du pourvoi, dans lequel, la requérante, toujours soutenue par la République de Pologne, soutient que l’abandon desdits griefs a concouru à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission et qui n’aurait pas été sanctionnée par le Tribunal.


35      Le Tribunal a, par ailleurs, jugé que cette erreur « rele[vait] bien du dispositif de cette décision, étant donné que, même si ces griefs [n’étaient] pas visés par l’article 1er, rendant obligatoires les engagements finaux, ils [étaient] couverts par l’article 2 qui conclut qu’il n’y a plus lieu d’agir dans l’affaire AT.39816 ».


36      Voir communication de la Commission concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6, ci-après les « bonnes pratiques »), en particulier, point 81.


37      Voir arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 63), et du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 66).


38      Arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264).


39      Voir arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, points 10 à 12).


40      Voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, EU:C:1981:264, point 10).


41      Il convient de relever, à cet égard, que lorsqu’il a défini le droit d’être entendu, le législateur de l’Union a sciemment introduit, à l’article 27 du règlement nº 1/2003 ainsi qu’aux articles 10 et 15 du règlement nº 773/2004, une gradation entre les différentes personnes susceptibles d’être impliquées sous une forme ou une autre dans une procédure d’application du droit de la concurrence. Les droits des parties à la procédure administrative (également dénommées « parties concernées ») sont plus étendus que les droits des tiers qui, s’ils ont un intérêt à l’issue de la procédure, ne seront pas eux‑mêmes destinataires de la décision qui sera adoptée par la Commission. Voir, en ce sens, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Alrosa (C‑441/07 P, EU:C:2009:555, point 173).


42      Il en va, en principe, de même lorsque la Commission envisage de modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées. Voir, en ce sens, bonnes pratiques, points 109 et 110.


43      En effet, une telle obligation ne découle ni du règlement nº 1/2003 ni des bonnes pratiques et encore moins de la jurisprudence de la Cour en la matière.


44      Voir arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 192 et 193) et du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 66).


45      Il convient de noter, à cet égard, que, si l’article 9 du règlement nº 1/2003 ne précise pas les exigences de forme et de fond que doit remplir l’évaluation préliminaire, il ressort du point 121 des bonnes pratiques que ce document doit synthétiser les faits marquants de l’affaire et recenser les problèmes de concurrence qui justifieraient une décision exigeant la cessation de l’infraction. Par ailleurs, le point 123 des bonnes pratiques précise que, dans certains cas, la CG peut faire office d’évaluation préliminaire dès lors que celle-ci contient une synthèse des principaux faits ainsi qu’une appréciation des problèmes de concurrence constatés.


46      Cela nonobstant le fait que le Tribunal avait rappelé, aux points 81 et 82 de l’arrêt attaqué, que la CG est un document provisoire et préparatoire ainsi que les conséquences qui en découlent au regard de la jurisprudence relative au droit d’être entendu ou de l’obligation de motivation.


47      En effet, aucune disposition du règlement nº 1/2003 ne prévoit la révision de l’évaluation préliminaire effectuée par la Commission lorsque celle-ci décide d’abandonner un grief ; d’ailleurs, l’expression même d’« évaluation préliminaire révisée » ne figure pas dans ce règlement, ni dans le règlement nº 773/2004.


48      En effet, cette société n’aurait aucun intérêt à contester une telle démarche.


49      Le Tribunal relève, à juste titre, au point 81 de l’arrêt attaqué, que les exigences liées au respect du principe de proportionnalité ne sauraient impliquer que toutes les préoccupations concurrentielles exposées dans une évaluation préliminaire, y compris lorsqu’une telle évaluation prend la forme d’une CG, doivent nécessairement obtenir une réponse dans les engagements proposés par les entreprises concernées.


50      Voir en ce sens, arrêts Morningstar, points 100 et 101, et du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 66), en ce qui concerne, plus précisément, l’obligation de motivation dans le cadre de la procédure de l’article 9 du règlement nº 1/2003.


51      Il convient de souligner à cet égard que l’approche préconisée, au point 83 de l’arrêt attaqué, ne semble pas être motivée par des considérations liées à la protection des droits des tiers.


52      Voir arrêt Alrosa, point 91, et conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Alrosa (C‑441/07 P, EU:C:2009:555, points 172 à 175).


53      Voir point 122 des bonnes pratiques.


54      Il convient de relever, à cet égard, que dans le communiqué de presse accompagnant l’avis de consultation du marché qui a été publié par la Commission au Journal Officiel de l’Union européenne conformément à l’article 27, paragraphe 4, du règlement nº 1/2003, la Commission avait fait part de son intention de ne pas retenir les griefs Yamal compte tenu des éléments de l’enquête qui lui étaient parvenus postérieurement à l’envoi de la CG.


55      Ainsi qu’il a été précisé au point 27 des présentes conclusions, parallèlement à la procédure administrative engagée par la Commission et ayant donné lieu à la décision litigieuse, la requérante a également fait usage de la faculté que lui confère l’article 5 du règlement nº 773/2004 de déposer une plainte portant notamment sur des allégations relatives à des abus de Gazprom liées au tronçon polonais du gazoduc Yamal.


56      Ainsi qu’il ressort des points 69 à 73 des présentes conclusions, la Commission n’est pas tenue, dans le cadre d’une procédure menée sur la base de l’article 7 du règlement no 1/2003, de justifier les écarts existant entre la CG et la décision constatant l’infraction qui clôture la procédure administrative et notamment de motiver l’abandon de griefs initialement retenus dans la CG mais qui ne seraient pas repris dans cette dernière.


57      La Commission a soutenu lors de l’audience que, dès lors que des parties intéressées l’avaient interpellée sur l’absence d’engagement portant sur le gazoduc Yamal, elle aurait inclus, conformément aux principes de bonne administration et de transparence, les motifs pour lesquels ses préoccupations préliminaires n’avaient pas été confirmées.


58      Voir arrêt du 18 janvier 2024, Jenkinson/Conseil e.a. (C‑46/22 P, EU:C:2024:50, point 264 et jurisprudence citée).


59      Voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2019, Canadian Solar Emea e.a./Conseil (C‑236/17 P, EU:C:2019:258, point 159), et du 9 novembre 2017, TV2/Danmark/Commission (C‑649/15 P, EU:C:2017:835, point 61 et jurisprudence citée).


60      En somme, l’acte attaqué est bien la décision adoptée au titre de l’article 9, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003 et non la CG.


61      Voir arrêt du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 107).


62      Il semblerait, en effet, que, sous couvert de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, certains arguments avancés par la requérante tendent, en réalité, à un réexamen de considérations de faits.


63      Voir, en ce sens, point 309 de l’arrêt attaqué.


64      Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Poiares Maduro dans l’affaire Arcelor Atlantique et Lorraine e.a. (C‑127/07, EU:C:2008:292, point 37).