Language of document : ECLI:EU:T:2014:774

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

11 septembre 2014 (*)

« Dumping – Importations de papier fin couché originaire de Chine – Statut d’entreprise évoluant en économie de marché – Délai pour l’adoption de la décision relative à ce statut – Examen diligent et impartial – Droits de la défense – Erreur manifeste d’appréciation – Principe de bonne administration – Charge de la preuve – Préjudice – Détermination de la marge bénéficiaire – Définition du produit concerné – Industrie communautaire – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑443/11,

Gold East Paper (Jiangsu) Co. Ltd, établie à Jiangsu (Chine),

Gold Huasheng Paper (Suzhou Industrial Park) Co. Ltd, établie à Jiangsu,

représentées par Mes V. Akritidis, Y. Melin et F. Crespo, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.‑P. Hix, en qualité d’agent, assisté initialement de Mes G. Berrisch, A. Polcyn, avocats, et de Mme N. Chesaites, barrister, puis de M. B. O’Connor, solicitor, et de MS. Gubel, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

et par

Cepifine AISBL, établie à Bruxelles (Belgique),

Sappi Europe SA, établie à Bruxelles,

Burgo Group SpA, établie à Altavilla Vicentina (Italie),

Lecta SA, établie à Luxembourg (Luxembourg),

représentées par Mes L. Ruessmann et W. Berg, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) nº 451/2011 du Conseil, du 6 mai 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de papier fin couché originaire de la République populaire de Chine (JO L 128, p. 1), dans la mesure où il concerne les requérantes,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 novembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1.     Droit de l’OMC

1        L’article VI.1 de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) dispose que « [l]es parties contractantes reconnaissent que le dumping, qui permet l’introduction des produits sur le marché d’un autre pays à un prix inférieur à la valeur normale, est condamnable s’il cause ou menace de causer un dommage important à une branche de production établie d’une partie contractante ou s’il retarde de façon importante la création d’une branche de production nationale ».

2        L’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping ») figure à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3).

3        L’article 6.8 de l’accord antidumping est libellé comme suit :

« Dans les cas où une partie intéressée refusera de donner accès aux renseignements nécessaires ou ne les communiquera pas dans un délai raisonnable, ou entravera le déroulement de l’enquête de façon notable, des déterminations préliminaires et finales, positives ou négatives, pourront être établies sur la base des données de fait disponibles. Les dispositions de l’Annexe II seront observées lors de l’application du présent paragraphe. »

4        L’annexe II de l’accord antidumping, intitulée « Meilleurs renseignements disponibles pour les besoins du paragraphe 8 de l’article 6 », dispose en son paragraphe 7 :

« Si elles sont amenées à fonder leurs constatations, dont celles qui ont trait à la valeur normale, sur des renseignements de source secondaire, y compris ceux que contient la demande d’ouverture de l’enquête, les autorités devraient faire preuve d’une circonspection particulière. Elles devraient, dans de tels cas, et lorsque cela sera réalisable, vérifier ces renseignements d’après d’autres sources indépendantes à leur disposition – par exemple, en se reportant à des listes de prix publiées, à des statistiques d’importation officielles ou à des statistiques douanières – et d’après les renseignements obtenus d’autres parties intéressées au cours de l’enquête. Il est évident, toutefois, que, si une partie intéressée ne coopère pas et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne soient pas communiqués aux autorités, il pourra en résulter pour cette partie une situation moins favorable que si elle coopérait effectivement. »

5        L’article 32.1 de l’accord de l’OMC intitulé « Accord sur les subventions et les mesures compensatoires » (JO 1994, L 336, p. 156, ci-après l’« accord SMC ») dispose qu’« [i]l ne pourra être pris aucune mesure particulière contre une subvention accordée par un autre Membre, si ce n’est conformément aux dispositions du GATT de 1994, tel qu’il est interprété par le présent accord ».

2.     Droit de l’Union européenne

6        La réglementation antidumping de base est constituée par le règlement (CE) nº 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base »), lequel a remplacé le règlement (CE) nº 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié.

7        Il résulte de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base que, « [d]ans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de la République populaire de Chine, du Viêt Nam et du Kazakhstan et de tout pays dépourvu d’une économie de marché qui est membre de l’OMC à la date d’ouverture de l’enquête, la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés [sous] c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné[ ; s]i tel n’est pas le cas, les règles [sous] a) s’appliquent ».

8        Selon l’article 2, paragraphe 7, sous c), dudit règlement :

« La requête présentée au titre [de la disposition sous b)] doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si :

–        les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’œuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché,

–        les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins,

–        les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en relation avec l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes,

[…]

La question de savoir si le producteur remplit les critères mentionnés ci-dessus doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête, après une consultation spécifique du comité consultatif et après que l’industrie communautaire a eu l’occasion de présenter ses observations. La solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête. »

9        L’article 3 du règlement de base dispose :

« 1.      Pour les besoins du présent règlement, le terme ‘préjudice’ s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à une industrie communautaire, d’une menace de préjudice important pour une industrie communautaire ou d’un retard sensible dans la création d’une industrie communautaire et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2.      La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a)      du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté ; et

b)      de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire.

3.      En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examinera s’il y a eu augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans la Communauté. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

4.      Lorsque les importations d’un produit en provenance de plus d’un pays font simultanément l’objet d’enquêtes antidumping, les effets de ces importations ne peuvent faire l’objet d’une évaluation cumulative que :

a)      si la marge de dumping établie en relation avec les importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis au sens de l’article 9, paragraphe 3, et si le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable ; et

b)      si une évaluation cumulative des effets des importations est appropriée compte tenu des conditions de concurrence entre les produits importés et des conditions de concurrence entre les produits importés et le produit communautaire similaire.

5.      L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie communautaire concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement, l’importance de la marge de dumping effective, la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités ; les facteurs qui influent sur les prix dans la Communauté, les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou l’investissement. Cette liste n’est pas exhaustive et un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

6.      Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie communautaire au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important.

7.      Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie communautaire sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent, entre autres, le volume et les prix des importations non vendues à des prix de dumping, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques, ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de l’industrie communautaire.

8.      L’effet des importations faisant l’objet d’un dumping est évalué par rapport à la production communautaire du produit similaire lorsque les données disponibles permettent d’identifier cette production séparément sur la base de critères tels que les procédés de production, les ventes et les bénéfices des producteurs. S’il n’est pas possible d’identifier séparément cette production, les effets des importations faisant l’objet d’un dumping sont évalués par examen de la production du groupe ou de la gamme de produits le plus étroit, comprenant le produit similaire, pour lequel les renseignements nécessaires peuvent être fournis.

9.      La détermination concluant à une menace de préjudice important se fonde sur des faits et non pas seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités. Le changement de circonstances qui créerait une situation où le dumping causerait un préjudice doit être clairement prévisible et imminent.

Pour déterminer l’existence d’une menace de préjudice important, il convient d’examiner, entre autres, des facteurs tels que :

a)      un taux d’accroissement notable des importations faisant l’objet d’un dumping sur le marché communautaire dénotant la probabilité d’une augmentation substantielle des importations ;

b)      la capacité suffisante et librement disponible de l’exportateur ou l’augmentation imminente et substantielle de la capacité de l’exportateur dénotant la probabilité d’une augmentation substantielle des exportations faisant l’objet d’un dumping vers la Communauté, compte tenu de l’existence d’autres marchés d’exportation pouvant absorber des exportations additionnelles ;

c)      l’arrivée d’importations à des prix qui pourraient déprimer sensiblement les prix ou empêcher dans une mesure notable des hausses de prix et accroîtraient probablement la demande de nouvelles importations ; et

d)      les stocks du produit faisant l’objet de l’enquête.

Aucun de ces facteurs ne constitue nécessairement une base de jugement déterminante, mais la totalité des facteurs considérés doit amener à conclure que d’autres exportations faisant l’objet d’un dumping sont imminentes et qu’un préjudice important se produira si des mesures de défense ne sont pas prises. »

10      L’article 4 du règlement de base, relatif à la définition de l’industrie communautaire, dispose en son paragraphe 1 :

« Aux fins du présent règlement, on entend par ‘industrie communautaire’ l’ensemble des producteurs communautaires de produits similaires ou ceux d’entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure au sens de l’article 5, paragraphe 4, de la production communautaire totale de ces produits, toutefois :

a)      lorsque des producteurs sont liés aux exportateurs ou aux importateurs ou sont eux-mêmes importateurs du produit dont il est allégué qu’il fait l’objet d’un dumping, l’expression ‘industrie communautaire’ peut être interprétée comme désignant le reste des producteurs ;

b)      dans des circonstances exceptionnelles, le territoire de la Communauté peut, pour ce qui est de la production en question, être divisé en deux marchés compétitifs ou plus et les producteurs à l’intérieur de chaque marché peuvent être considérés comme constituant une industrie distincte si :

i)      les producteurs à l’intérieur d’un tel marché vendent la totalité ou la quasi-totalité de leur production du produit en question sur ce marché ; et

ii)      la demande sur ce marché n’est pas satisfaite dans une mesure substantielle par les producteurs du produit en question établis ailleurs dans la Communauté. Dans ces circonstances, il peut être conclu à l’existence d’un préjudice, même si une proportion majeure de l’industrie communautaire totale n’est pas lésée, à condition que les importations faisant l’objet d’un dumping se concentrent sur ce marché isolé et que, en outre, les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice aux producteurs de la totalité ou de la quasi-totalité de la production à l’intérieur de ce marché. »

11      L’article 5 du règlement de base, relatif à l’ouverture de la procédure, dispose en son paragraphe 4 :

« Une enquête n’est ouverte conformément au paragraphe 1 que s’il a été déterminé, en se fondant sur un examen du degré de soutien ou d’opposition à la plainte exprimé par les producteurs communautaires du produit similaire, que la plainte a été présentée par l’industrie communautaire ou en son nom. La plainte est réputée avoir été déposée par l’industrie communautaire ou en son nom si elle est soutenue par des producteurs communautaires dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale du produit similaire par la partie de l’industrie communautaire exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. Toutefois, il ne sera pas ouvert d’enquête lorsque les producteurs communautaires soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production totale du produit similaire produit par l’industrie communautaire. »

12      L’article 9 du règlement de base, relatif à la clôture de la procédure sans institution de mesures, dispose, en son paragraphe 4 :

« Lorsqu’il ressort de la constatation définitive des faits qu’il y a dumping et préjudice en résultant et que l’intérêt de de la Communauté nécessite une action conformément à l’article 21, un droit antidumping définitif est imposé par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission présentée après consultation du comité consultatif. La proposition est adoptée par le Conseil à moins qu’il ne décide, en statuant à la majorité simple, de la rejeter dans un délai d’un mois à partir de sa présentation par la Commission. Lorsque des droits provisoires sont en vigueur, une proposition de mesures définitives est soumise au plus tard un mois avant l’expiration de ces droits. Le montant du droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie communautaire. »

13      L’article 18 du règlement de base, relatif au défaut de coopération, se lit comme suit :

« 1.      Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles. S’il est constaté qu’une partie concernée a fourni un renseignement faux ou trompeur, ce renseignement n’est pas pris en considération et il peut être fait usage des données disponibles. Les parties intéressées doivent être informées des conséquences d’un défaut de coopération.

[…]

3.      Lorsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.

[…]

6.      Si une partie concernée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, il peut en résulter pour ladite partie une situation moins favorable que si elle avait coopéré. »

 Antécédents du litige

14      Les requérantes, Gold East Paper (Jiangsu) Co. Ltd (ci-après « GE ») et Gold Huasheng Paper (Suzhou Industrial Park) Co. Ltd (ci-après « GHS »), sont des sociétés liées du groupe Asia Pulp and Paper China (ci-après le « groupe APP ») qui produisent en Chine du papier fin couché qu’elles exportent vers l’Union européenne.

1.     Enquête

15      Le papier fin couché a fait l’objet de deux enquêtes distinctes qui ont été effectuées en parallèle. Premièrement, une enquête antidumping a conduit à l’adoption du règlement d’exécution (UE) nº 451/2011 du Conseil, du 6 mai 2011, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de papier fin couché originaire de la République populaire de Chine (JO L 128, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). Deuxièmement, une enquête antisubvention a conduit à l’adoption du règlement d’exécution (UE) nº 452/2011 du Conseil, du 6 mai 2011, instituant un droit antisubvention définitif sur les importations de papier fin couché originaire de la République populaire de Chine (JO L 128, p. 18).

16      Le 18 février 2010, un avis de la Commission européenne relatif à l’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de papier fin couché originaire de la République populaire de Chine a fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne (JO C 41, p. 6).

17      La date limite initiale pour que les parties intéressées présentent leurs observations relatives au statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché (ci-après le « SEM ») avait été fixée au 30 mars 2010. Le 22 mars 2010, à la demande du groupe APP, la Commission a prolongé ce délai jusqu’au 12 avril 2010.

18      Le 12 avril 2010, les requérantes ont présenté des demandes de SEM pour elles-mêmes et pour toutes les sociétés qui leur étaient liées et étaient concernées par la production et la vente de papier fin couché ou la production de matières premières, comme la Commission l’avait demandé à l’époque.

19      Le 16 avril 2010, les requérantes ont présenté des observations relatives à certains aspects de l’enquête et à la plainte déposée par Cepifine AISBL, association européenne des fabricants de papier fin, qui est la plaignante à l’origine de cette enquête.

20      La Commission a envoyé quatre lettres au groupe APP pour obtenir les données pertinentes à l’appui de la demande de SEM :

–        dans sa lettre du 19 mai 2010, elle a demandé à GE de compléter le formulaire au plus tard le 21 mai 2010 ;

–        dans sa lettre du 21 mai 2010, elle a demandé à GE de lui communiquer les annexes et les traductions appropriées au plus tard le 1er juin 2010, date à laquelle GE a demandé une prolongation du délai, que la Commission lui a accordée en fixant comme nouvelle date limite le 4 juin 2010 ;

–        dans sa lettre du 27 mai 2010, elle a demandé à GHS de mettre les annexes appropriées à la disposition des fonctionnaires de la Commission dès le premier jour de la visite de vérification sur place ;

–        dans sa lettre du 2 juin 2010, elle a demandé au groupe APP de compléter certaines sections du formulaire de demande de SEM et d’y apporter quelques précisions.

21      Par lettre du 8 juin 2010, les requérantes ont présenté leurs observations concernant les implications de l’ouverture d’une enquête antisubvention parallèle à l’égard de l’évaluation de leurs demandes de SEM.

22      La Commission a effectué, entre les 8 et 18 juin 2010, une première vérification sur place, dans les locaux de quatre producteurs-exportateurs liés au groupe APP, dont les requérantes.

23      La Commission a procédé à une deuxième vérification sur place, dans les locaux des requérantes, entre les 23 juin et 12 juillet 2010, afin de vérifier leurs réponses au questionnaire. Les 9, 10 et 13 septembre 2010, la Commission a procédé à une troisième vérification sur place, dans les locaux d’APP Italy, le négociant dans l’Union lié aux requérantes.

24      Le 2 septembre 2010, la Commission a envoyé un document d’information concernant les demandes de SEM dans lequel elle a provisoirement conclu qu’aucun des quatre producteurs-exportateurs liés au groupe APP ne remplissait les premier, deuxième et troisième critères requis pour l’obtention du SEM. Le délai imparti par la Commission aux requérantes pour présenter leurs observations a été fixé au 12 septembre 2010.

25      Le même jour, la Commission a envoyé au comité consultatif antidumping une copie de son document de travail relatif à sa proposition visant à rejeter les demandes de SEM des requérantes.

26      Le 9 septembre 2010, les requérantes ont demandé que le délai pour présenter leurs observations sur le document d’information de la Commission concernant le SEM soit prolongé jusqu’au 28 septembre 2010. La Commission n’a accordé une prolongation de délai que jusqu’au 16 septembre 2010. Elle a également proposé d’organiser une audition le 17 septembre 2010 en demandant aux requérantes de lui confirmer cette date au cas où elle leur conviendrait.

27      Le 14 septembre 2010, lors de la réunion prévue avec le comité consultatif antidumping, la proposition relative à la demande de SEM des requérantes a été examinée.

28      Par courriel du 17 septembre 2010, les requérantes ont déposé leurs observations préliminaires relatives au document d’information concernant leurs demandes de SEM et ont expliqué qu’elles produiraient pour le 27 septembre 2010 une lettre complétée et révisée.

29      Le même jour, une audition à la Commission a eu lieu.

30      Le 21 septembre 2010, la Commission a envoyé au comité consultatif antidumping un résumé des observations formulées par les requérantes sur le document d’information concernant le SEM et fixé au 24 septembre 2010 la date limite à laquelle il devait rendre son avis.

31      Le 12 octobre 2010, la Commission a adopté sa décision relative aux demandes de SEM des requérantes (ci-après la « décision relative au SEM »), dans laquelle elle a confirmé le rejet de ces demandes.

32      Le même jour, les requérantes ont écrit une lettre à la Commission pour critiquer le fait que cette dernière avait adopté sa décision relative au SEM avant que l’audition en présence du conseiller-auditeur n’ait pu avoir lieu. Elles ont également présenté des observations complémentaires relatives au préjudice.

33      Le 13 octobre 2010, les requérantes ont produit un résumé des questions auxquelles elles souhaitaient que la Commission réponde.

34      Le 15 octobre 2010, la Commission a tenu une audition en présence du conseiller-auditeur. Le 19 octobre 2010, les requérantes ont envoyé à la Commission des observations résumant les arguments formulés durant l’audition. Le 28 octobre 2010, les requérantes ont présenté de nouvelles observations sur le document d’information concernant le SEM.

35      Le 17 novembre 2010, la Commission a envoyé aux requérantes une lettre accompagnée d’une copie du règlement (UE) nº 1042/2010 de la Commission, du 16 novembre 2010, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de papier fin couché originaire de la République populaire de Chine (JO L 299, p. 7, ci-après le « règlement provisoire »), d’un résumé des méthodologies utilisées aux fins du calcul du dumping et des marges de préjudice ainsi que d’une réponse aux arguments soulevés par les requérantes.

36      Les 13 et 17 décembre 2010, les requérantes ont présenté, dans trois lettres, des observations relatives aux mesures provisoires.

37      Le 16 mars 2011, la Commission a envoyé aux requérantes un document d’information dans lequel elle expliquait qu’elle envisageait de proposer au Conseil de l’Union européenne l’institution d’un droit antidumping définitif sur leurs exportations vers l’UE. Les requérantes ont présenté leurs observations le 28 mars 2011.

38      Le 29 mars 2011, la Commission a envoyé aux requérantes, à la demande du conseiller-auditeur, une note mise à jour pour le dossier, dans laquelle elle expliquait la méthodologie pour le calcul de la marge bénéficiaire cible en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping.

39      Le 11 avril 2011, les requérantes ont présenté leurs observations sur la méthodologie utilisée par la Commission pour établir la marge bénéficiaire cible.

2.     Règlement attaqué

40      Le 6 mai 2011, le règlement attaqué a été adopté par le Conseil.

41      Dans le règlement attaqué, le SEM a été refusé aux requérantes au motif, premièrement, qu’il était notamment impossible d’établir l’existence de paiements relatifs à la cession d’actions ainsi que le coût des entrées des principales matières premières, deuxièmement, que les principes fondamentaux des normes comptables internationales n’avaient été respectés ni dans les comptes ni dans l’audit de ceux-ci, ce qui mettait en cause la fiabilité des comptes des sociétés, et, troisièmement, que d’importantes distorsions existaient en ce qui concernait les droits d’utilisation du sol appartenant aux requérantes.

42      En outre, les rouleaux de papier pour presses à bobines n’ont pas été incorporés dans la détermination du produit concerné (considérants 17 et 41 du règlement attaqué). Le bénéfice indicatif de 8 % est considéré comme le niveau que l’industrie pourrait atteindre en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping (considérant 158 du règlement attaqué).

43      L’article 1er du règlement attaqué a institué un droit antidumping définitif de 8 % sur les importations dans l’Union de papier fin couché fabriqué par les requérantes. En vertu du paragraphe 3 du même article, le taux du droit antidumping définitif de 20 %, prévu au paragraphe 2 dudit article, ne sera pas perçu à hauteur de 12 % en ce qui concerne les requérantes, dans la mesure où le montant correspondant est perçu conformément au règlement d’exécution nº 452/2011 (voir point 15 ci-dessus).

 Procédure et conclusions des parties

44      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 août 2011, les requérantes ont introduit le présent recours.

45      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2011, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

46      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er décembre 2011, Cepifine, Sappi Europe SA, Burgo Group SpA et Lecta SA (ci-après les « intervenantes privées ») ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil. Dans ses observations, déposées le 24 janvier 2012, le Conseil n’a pas soulevé d’objections à l’encontre de cette intervention.

47      Par ordonnance du 23 janvier 2012, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la Commission. Celle-ci a déposé son mémoire dans le délai imparti.

48      Les requérantes ont sollicité, le 8 février 2012, le traitement confidentiel à l’égard des intervenantes privées de certains éléments confidentiels contenus dans les mémoires ainsi que dans les annexes respectives. Elles ont produit une version non confidentielle de ces différents actes de procédure.

49      Par ordonnance du 8 mars 2012, le président de la troisième chambre du Tribunal a autorisé les intervenantes privées à intervenir à l’audience au soutien des conclusions du Conseil. Dans la même ordonnance, le président de la troisième chambre a réservé, d’une part, la décision de savoir si les requérantes recevraient le rapport d’audience en vue d’identifier les éléments pouvant être considérés comme confidentiels et, d’autre part, la décision de savoir si les intervenantes privées recevraient une version provisoire non confidentielle pour présenter leurs observations éventuelles sur la demande de traitement confidentiel.

50      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, il a demandé au Conseil de produire certains documents. Ce dernier a déféré à cette demande dans le délai imparti.

51      Les parties principales au litige ainsi que les parties intervenantes ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 novembre 2013.

52      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, dans la mesure où il les concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

53      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

54      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

55      Les intervenantes privées soutiennent les conclusions du Conseil.

 En droit

56      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent huit moyens. Ces moyens peuvent être classés en deux catégories.

57      Les moyens relevant de la première catégorie sont relatifs aux demandes de SEM des requérantes et sont tirés :

–        le premier, de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, en ce que la décision de ne pas accorder le SEM aux requérantes aurait été prise en fonction de ce que la Commission savait de l’effet d’un tel rejet sur leur marge de dumping ;

–        le deuxième, d’une violation d’une forme substantielle, prévue à l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, ainsi que de la violation des droits de la défense ;

–        le troisième, de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base et d’un défaut de motivation ;

–        le quatrième, du déroulement inéquitable et partial de l’enquête et d’une charge de la preuve excessive.

58      Les moyens relevant de la seconde catégorie sont relatifs à l’évaluation du préjudice et sont tirés :

–        le cinquième, de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base ;

–        le sixième, de la violation de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base ;

–        le septième, de la violation de l’article 3, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base ;

–        le huitième, de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 7, du règlement de base.

1.     Sur la portée du chef de conclusions en annulation

59      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le règlement attaqué institue un droit antidumping définitif sur les importations de papier fin couché originaire de Chine.

60      Les requérantes concluent dans le cadre de plusieurs moyens à l’annulation du règlement attaqué dans son intégralité. Dans l’objet du recours et dans leurs conclusions, elles se limitent cependant à contester la légalité du droit antidumping en ce que ce denier leur est imposé et les concerne.

61      Il convient de considérer, à cet égard, que l’éventuelle illégalité de ce droit n’affecterait la légalité du règlement attaqué que dans la mesure où il impose un droit antidumping aux requérantes. Elle n’affecterait pas, en revanche, la légalité des autres éléments du règlement attaqué, à savoir, notamment, les droits antidumping imposés aux autres sociétés destinataires.

62      Il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’un règlement instituant un droit antidumping impose des droits différents à une série de sociétés, une société n’est individuellement concernée que par les dispositions qui lui imposent un droit antidumping particulier et en fixent le montant, et non par celles qui imposent des droits antidumping à d’autres sociétés, de telle sorte que le recours de cette société n’est recevable que dans la mesure où il tend à l’annulation du règlement dans celles de ses dispositions qui la concernent exclusivement (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 15 février 2001, Nachi Europe, C‑239/99, Rec. p. I‑1197, point 22, et la jurisprudence citée).

63      Dans ces circonstances, il y a lieu d’interpréter le présent recours en annulation en ce sens qu’il ne vise que l’annulation partielle du règlement attaqué, dans la mesure où il impose un droit antidumping définitif aux requérantes.

2.     Sur les moyens relatifs aux demandes de SEM des requérantes

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, en ce que la décision de ne pas accorder le SEM aux requérantes aurait été prise en fonction de ce que la Commission savait de l’effet d’un tel rejet sur leur marge de dumping

64      Dans le cadre de leur premier moyen, les requérantes font valoir que la décision de ne pas leur accorder le SEM aurait été prise en fonction de ce que la Commission savait de l’effet d’un tel rejet sur leur marge de dumping, en violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, tel qu’interprété par le Tribunal dans ses arrêts du 14 novembre 2006, Nanjing Metalink/Conseil (T‑138/02, Rec. p. II‑4347, point 44), et du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil (T‑299/05, Rec. p. II‑565, points 127 et 138).

65      Les requérantes invoquent également une « violation flagrante des droits de la défense », puisque la Commission « [a] tout mis en œuvre […] pour rejeter absolument toutes les explications [qu’elles ont fournies] au cours de l’enquête visant à démontrer qu’elles satisfaisaient bien aux critères relatifs à l’octroi du SEM ».

66      À titre liminaire, s’agissant de la prétendue violation des droits de la défense des requérantes, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68 ; du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 333, et du 12 octobre 2011, Association belge des consommateurs test-achats/Commission, T‑224/10, Rec. p. II‑7177, point 71). Dès lors que les requérantes n’ont nullement explicité leur grief tiré d’une violation de leurs droits de la défense, pour permettre au Tribunal d’en identifier l’objet même, il doit être déclaré irrecevable.

67      S’agissant de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, les requérantes font valoir que, à la date de la proposition relative au SEM, la Commission disposait de tous les renseignements détaillés lui permettant de calculer la marge de dumping des requérantes, que ce soit avec ou sans le SEM, en Chine et dans le pays analogue.

68      Lors de l’audience, les requérantes ont précisé, à la suite d’une question du Tribunal, qu’elles n’accordaient pas vraiment d’importance au délai de trois mois en tant que tel, mais plutôt à la protection des droits des producteurs-exportateurs.

69      L’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base prévoit que la question de savoir si le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché « doit être tranchée dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête, après une consultation spécifique du comité consultatif et après que l’industrie communautaire a eu l’occasion de présenter ses observations », et que « [l]a solution retenue reste en vigueur tout au long de l’enquête ».

70      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, dans ses arrêts Nanjing Metalink/Conseil, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, point 64 supra, et du 8 novembre 2011, Zhejiang Harmonic Hardware Products/Conseil (T‑274/07, non publié au Recueil), le Tribunal n’a pas jugé que la ratio legis de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base justifiait qu’un règlement instituant des droits antidumping définitifs soit annulé à l’égard d’une entreprise chaque fois que la Commission a pu avoir connaissance de l’effet d’une décision relative au SEM sur le calcul de la marge de dumping de cette entreprise et du simple fait d’une telle connaissance au moment de la prise de décision relative au SEM. Il doit être relevé, à l’instar du Conseil, qu’il n’y a pas de lien immédiat entre le délai de trois mois visé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base et l’éventuelle connaissance par la Commission de l’effet d’une décision relative au SEM sur la marge de dumping d’une entreprise.

71      Par ailleurs, le règlement de base n’impose pas que la décision concernant le SEM soit adoptée à un moment où la Commission n’avait pas connaissance des éléments lui permettant de connaître l’effet d’une décision relative au SEM sur la marge de dumping d’une entreprise. À cet égard, il ne saurait être exclu que, même en l’absence d’un quelconque dépassement du délai en cause lors de l’adoption de la décision relative au SEM, la Commission prenne une telle décision alors même qu’elle était déjà en possession des informations lui permettant de calculer l’effet de celle-ci sur la marge de dumping de l’entreprise concernée.

72      En tout état de cause, il résulte de l’arrêt de la Cour du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil (C‑141/08 P, Rec. p. I‑9147), que, se fondant sur les principes de légalité et de bonne administration et sous réserve du respect des garanties procédurales prévues par le règlement de base, la Cour entend privilégier l’application correcte des critères matériels fixés par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base plutôt que l’exigence d’une décision immuable sur le SEM ou encore l’absence de connaissance de l’effet d’une décision sur le SEM sur la marge de dumping d’une entreprise lors de l’adoption d’une telle décision.

73      Ainsi que le Tribunal l’a rappelé dans son arrêt Zhejiang Harmonic Hardware Products/Conseil, point 70 supra (point 39), la Cour a en effet considéré dans l’arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, point 72 supra, que, à la lumière des principes de légalité et de bonne administration, l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ne saurait recevoir une interprétation qui obligerait la Commission à proposer au Conseil des mesures définitives, lesquelles perpétueraient au détriment de l’entreprise concernée une erreur commise dans l’appréciation initiale des critères matériels établis par cette disposition. Ainsi, dans le cas où la Commission s’apercevrait au cours de l’enquête que, contrairement à son appréciation initiale, une entreprise satisfait aux critères établis à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base, il lui incomberait d’en tirer les conséquences appropriées, tout en assurant le respect des garanties procédurales prévues par le règlement de base (arrêt Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, point 72 supra, points 111 et 112).

74      Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de considérer que, si, certes, par principe, toute décision sur le SEM, conformément au libellé de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, devrait être prise dans les trois mois de l’ouverture de l’enquête et que la solution retenue devrait rester en vigueur tout au long de cette enquête, il n’en demeure pas moins que, dans l’état actuel du droit de l’Union, selon l’interprétation de cette disposition par le juge de l’Union, rappelée aux points 70 et 73 ci-dessus, d’une part, l’adoption d’une décision en dehors de ce délai n’entraîne pas de ce seul fait l’annulation du règlement imposant un droit antidumping et, d’autre part, une telle décision pourrait être modifiée au cours de la procédure s’il s’avérait qu’elle était erronée.

75      En l’espèce, il est constant que la décision finale de rejeter les demandes de SEM des requérantes n’a pas été adoptée dans le délai de trois mois prévu à l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base. En effet, l’avis d’ouverture de la procédure d’enquête a été publié au Journal officiel le 18 février 2010. Or, la décision finale de rejeter la demande de SEM a été proposée le 2 septembre 2010 et confirmée le 12 octobre 2010.

76      En outre, il ressort du dossier que les réponses des requérantes au questionnaire antidumping ont été soumises à la Commission, respectivement les 7 et 10 mai 2010, et que les visites de vérification antidumping ont eu lieu entre le 23 juin et le 12 juillet 2010. Les visites de vérification dans le pays analogue ont été effectuées au cours de la dernière semaine d’août 2010. Seules les visites portant sur les ventes à l’exportation des requérantes via leur société liée sise dans l’Union n’avaient pas encore eu lieu. Selon les requérantes, il ressort de la chronologie des faits exposés que, lorsque la Commission a divulgué sa proposition de rejeter les demandes de SEM des requérantes, elle avait en sa possession l’ensemble des documents et des données lui permettant de calculer la marge de dumping des requérantes, tant dans le cas où le SEM aurait été octroyé que dans le cas où il ne l’aurait pas été.

77      L’argument du Conseil, soutenu par la Commission, selon lequel la Commission n’avait pas été en mesure de déterminer l’effet qu’aurait la décision relative au SEM sur la marge de dumping au moment où elle a communiqué aux requérantes le document d’information relatif au SEM ne saurait dès lors prospérer.

78      À cet égard, il convient de rappeler que la possibilité que la question relative à l’octroi du SEM soit tranchée en fonction de son effet sur le calcul de la marge de dumping ne présuppose pas la connaissance de la marge de dumping exacte, calculée sur la base d’informations portant sur la valeur normale des requérantes, mais uniquement la connaissance des informations concernant l’effet que l’octroi du SEM peut avoir sur cette marge selon les deux méthodes de calcul possibles.

79      Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de considérer que, à supposer même que le fait que la Commission, en raison du non-respect du délai de trois mois visé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, ait pu avoir connaissance de l’effet de la décision relative au SEM des requérantes sur la marge de dumping de ces dernières puisse être pertinent, dans la mesure où il serait considéré que la Commission aurait pu être influencée par cette connaissance lors de l’adoption d’une telle décision, il devrait être constaté que les requérantes n’ont pas démontré que le règlement attaqué aurait pu avoir un contenu différent en l’absence de la prétendue irrégularité affectant le processus d’adoption de la décision relative au SEM.

80      L’argument des requérantes selon lequel la décision de la Commission de rejeter leur demande de SEM aurait été prise en fonction de ce qu’elle savait de l’impact de cette décision sur leur marge de dumping, de sorte que cette décision aurait pu être différente si la Commission n’avait pas disposé de cette information, ne saurait être accueilli.

81      En effet, la simple connaissance de l’effet d’une décision relative au SEM sur la marge de dumping d’une entreprise n’implique pas nécessairement qu’une telle décision – et, par voie de conséquence, le règlement instituant un droit antidumping – aurait pu avoir un contenu différent si cette décision avait été adoptée dans le délai de trois mois visé à l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base.

82      Il y a lieu de relever que, même dans l’hypothèse où la Commission dispose des informations lui permettant de calculer la marge de dumping d’un producteur au moment de la prise de décision relative au SEM de ce producteur, demeure toujours la possibilité que ladite décision de même que le règlement imposant des droits antidumping définitifs n’aient pas pu être différents.

83      Tel pourrait être le cas s’il était manifeste qu’un tel producteur ne pouvait pas bénéficier du SEM en raison du fait que la Commission a conclu à bon droit qu’il ne respectait pas les critères d’octroi du SEM prévus à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base et que les conditions nécessaires pour pouvoir instituer des droits antidumping étaient réunies.

84      L’appréciation par la Commission du respect des critères d’octroi du SEM dans le cas d’espèce sera examinée dans le cadre du troisième moyen.

85      En l’espèce, d’une part, les requérantes se limitent à affirmer que le fait que la Commission disposait de l’ensemble des documents et informations lui permettant de calculer leur marge de dumping « remet en cause l’impartialité de la décision subséquente de la Commission relative aux demandes de SEM » et que, « [à] tout le moins, cela fait naître des soupçons fondés et raisonnables amenant à penser que la Commission a peut-être décidé de rejeter les demandes de SEM des requérantes, non pas sur la base d’un examen objectif de ces demandes quant au fond, mais parce qu’elle souhaitait instituer des droits antidumping sur les importations des requérantes ».

86      D’autre part, les requérantes ne fournissent aucune indication sur les éléments de la décision relative au SEM qui, selon elles, auraient pu être appréciés différemment si la décision de la Commission à cet égard avait été prise dans le délai de trois mois ou en l’absence de toute prétendue connaissance de l’incidence de cette décision sur la marge de dumping.

87      Les requérantes font simplement valoir que, « si le SEM [leur] avait été octroyé […], leur marge de dumping – basée sur une comparaison de leurs ventes à l’exportation avec leurs ventes intérieures bénéficiaires en Chine – aurait été de 0,01 %, c’est-à-dire se situant à l’intérieur du niveau de minimis de 2 % », et que, « [p]ar conséquent, la Commission était pleinement consciente de l’impact de sa décision relative aux demandes de SEM sur le résultat de l’enquête, puisque l’octroi du SEM aurait conduit à la clôture de l’enquête, dans la mesure où elle concernait les requérantes ».

88      Les requérantes ajoutent que, « [s]i, lors de l’adoption de sa décision relative aux demandes de SEM, la Commission avait ignoré le caractère de minimis de la marge de dumping (dans le cas où le SEM était octroyé) ou son niveau très élevé en raison du recours à la valeur normale du pays analogue (dans le cas où le SEM était rejeté), il ne saurait être exclu qu[e la Commission] ait exercé à cet égard son pouvoir d’appréciation différemment qu’elle ne l’a fait dans l’enquête ».

89      Les requérantes en concluent qu’« il est probable que le rejet de leurs demandes de SEM ait été tranché en l’espèce ‘en fonction de son effet sur le calcul de la marge de dumping’ ».

90      Dans ce contexte, à supposer même que, en formulant leurs arguments, les requérantes aient entendu démontrer l’existence d’un détournement de pouvoir de la Commission, ceux-ci devraient être rejetés. Il résulte d’une jurisprudence constante qu’une décision ou un acte de l’Union n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, comme ayant été adopté pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt de la Cour du 11 juillet 1990, Sermes, C‑323/88, Rec. p. I‑3027, point 33 ; arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, Nölle/Conseil et Commission, T‑167/94, Rec. p. II‑2589, point 66, et du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, Rec. p. II‑3939, point 376). Or, les requérantes sont restées en défaut de fournir de tels indices.

91      Par ailleurs, les requérantes estiment que leur propre comportement n’a pas eu pour effet de retarder la Commission dans l’adoption de la décision relative à leurs demandes de SEM, comme le font valoir le Conseil et la Commission, puisque la Commission a insisté pour que les informations relatives au dumping soient soumises au moment même où elle procédait à l’examen des demandes de SEM et qu’elle a demandé des informations supplémentaires.

92      La question de l’imputation du retard n’apparaît toutefois pas pertinente en l’espèce et ne sera dès lors pas examinée.

93      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation d’une forme substantielle, prévue à l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, ainsi que des droits de la défense

94      Ce moyen se divise en deux branches, portant, respectivement, sur la consultation effective du comité consultatif antidumping et sur la violation des droits de la défense.

 Sur la première branche, portant sur la consultation effective du comité consultatif antidumping

95      Les requérantes prétendent que la Commission n’a pas communiqué « certains éléments essentiels au comité consultatif antidumping » et qu’elle « a induit [celui-ci] en erreur » en lui soumettant une proposition relative au SEM présentant de « graves inexactitudes et omissions » et en faisant une présentation erronée des observations formulées par les requérantes sur la proposition de la Commission, ce qui a empêché le comité d’émettre un avis en pleine connaissance de cause.

96      À titre liminaire, il convient d’observer que, dans l’arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil (C‑69/89, Rec. p. I‑2069, points 48 à 51), la Cour a jugé que les personnes physiques ou morales ne sauraient se prévaloir d’une prétendue violation de règles qui ne sont pas destinées à assurer la protection des particuliers, mais qui ont pour objet d’organiser le fonctionnement interne des services dans l’intérêt d’une bonne administration, telles que celles relatives au respect du délai prévu pour l’établissement de l’ordre du jour provisoire d’une session du Conseil ou à la disponibilité de toutes les versions linguistiques d’un règlement le jour de son adoption.

97      Cela ne signifie pas, pour autant, qu’un particulier ne puisse jamais utilement invoquer la violation d’une règle régissant le processus décisionnel aboutissant à l’adoption d’un acte de l’Union. En effet, il convient de distinguer, parmi les dispositions régissant les procédures internes à une institution, celles dont la violation ne peut être invoquée par les personnes physiques et morales, parce qu’elles ne concernent que les modalités de fonctionnement interne de l’institution qui ne sont pas susceptibles d’affecter leur situation juridique, de celles dont la violation peut, au contraire, être invoquée, dès lors qu’elles sont créatrices de droits et facteur de sécurité juridique pour ces personnes.

98      Ainsi, la méconnaissance d’une règle relative à la consultation d’un comité n’est susceptible d’entacher d’illégalité la décision finale de l’institution concernée que si elle présente un caractère suffisamment substantiel et si elle affecte, de façon préjudiciable, la situation juridique et matérielle de la partie qui invoque un vice de procédure.

99      En effet, la consultation d’un comité constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de l’acte adopté à la suite de la consultation s’il est établi que l’absence de transmission de certains éléments essentiels n’a pas permis au comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, non publié au Recueil, point 104, et la jurisprudence citée).

100    Tel n’est pas le cas lorsque les documents non transmis au comité, ou transmis tardivement, ne contiennent pas d’éléments d’appréciation importants ou inédits par rapport à ceux figurant déjà dans le dossier communiqué au comité lors de la convocation. En effet, dans une hypothèse de ce type, l’absence de transmission ou le retard dans la transmission d’un document par la Commission n’a aucune incidence sur l’issue de la procédure de consultation.

101    Dès lors, une telle omission n’est pas susceptible de vicier l’ensemble de la procédure administrative et de mettre ainsi en cause la légalité de l’acte final (voir, en ce sens, arrêt Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, point 99 supra, point 105, et la jurisprudence citée).

102    Par ailleurs, la possibilité qu’une violation des dispositions régissant la consultation d’un comité affecte la légalité de l’acte finalement adopté n’est pas remise en cause par le caractère non contraignant de l’avis du comité.

103    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la Commission a envoyé le 2 septembre 2010 son document d’information provisoire sur les demandes de SEM, simultanément aux requérantes et au comité consultatif antidumping. Le délai imparti par la Commission aux requérantes pour présenter leurs observations a été fixé au 12 septembre 2010. À la suite d’une demande en ce sens des requérantes, la Commission a accordé une prolongation de délai jusqu’au 16 septembre 2010. La réunion du comité consultatif antidumping a eu lieu le 14 septembre 2010. Le 17 septembre 2010, les requérantes ont déposé leurs observations préliminaires relatives au document d’information provisoire. L’audition a eu lieu le même jour. Le 21 septembre 2010, la Commission a envoyé au comité consultatif antidumping, après avoir entamé une analyse et une évaluation complète de la demande de SEM, un résumé des observations formulées par les requérantes sur le document d’information concernant le SEM et lors de l’audition. Elle a également fixé au 24 septembre 2010 la date limite à laquelle le comité consultatif antidumping devait rendre son avis. Lors de l’audience devant le Tribunal, le Conseil a précisé, en réponse à une question qui lui a été posée à ce sujet, que les membres dudit comité ont accès au dossier et qu’ils peuvent demander à la Commission d’apporter certains documents récoltés au cours de l’enquête. D’après les requérantes, les membres du comité ne reçoivent que le résumé. Les requérantes ont souligné dès lors l’importance de ce résumé.

104    Il y a lieu de constater, à l’instar du Conseil, que, premièrement, les requérantes ne présentent aucun élément de preuve concernant la manière dont la Commission aurait induit le comité consultatif antidumping en erreur, deuxièmement, elles n’identifient pas les « graves inexactitudes et omissions » auxquelles elles se réfèrent, troisièmement, elles ne précisent pas pour quelle raison la présentation des observations formulées par les requérantes dans la proposition de SEM serait erronée et, quatrièmement, elles n’expliquent pas en quoi la Commission « aurait été entravée dans sa capacité à modifier la proposition à la lumière de leurs observations ».

105    Il y a lieu de relever qu’il ressort du dossier, tout d’abord, que les requérantes n’ont pas respecté le délai, qui avait été prolongé jusqu’au 16 septembre 2010, pour communiquer leurs observations sur le document d’information concernant le SEM (voir point 103 ci-dessus). Ensuite, les requérantes ont précisé, dans leurs observations faites par courriel du 17 septembre 2010, qu’elles analysaient dans lesdites observations toutes les allégations de la Commission et que, « [l]orsque les informations nécessaires à l’établissement du bien-fondé des explications fournies par [le groupe] APP n’étaient pas disponibles au moment où [le groupe] APP était tenu de communiquer ses observations, [elles l’avaient] indiqué » et qu’« [u]ne nouvelle lettre complétée et révisée sera[it] transmise au plus tard le 27 septembre 2010, lorsqu[’elles disposeraient] de tous les documents nécessaires ». Enfin, les observations complétées et révisées ont été transmises par les requérantes seulement le 28 octobre 2010.

106    Dès lors, les requérantes ne pourraient pas non plus se prévaloir du fait que la Commission n’ait pas attendu leurs observations sur le document d’information provisoire avant de saisir le comité consultatif antidumping ou, en tout état de cause, qu’elle n’ait pas reporté la discussion sur la proposition à une réunion ultérieure de ce comité, après avoir reçu et analysé lesdites observations, pour invoquer une violation d’une formalité substantielle, prévue à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, affectant la légalité du règlement attaqué.

107    De surcroît, il ressort de l’examen des observations des requérantes sur le document d’information du 2 septembre 2010 et du document envoyé le 21 septembre 2010 par la Commission aux membres du comité consultatif antidumping concernant ces observations que la Commission n’a pas soumis une proposition relative au SEM présentant de « graves inexactitudes et omissions » audit comité. À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a établi un résumé des observations des requérantes concernant les trois premières conditions d’octroi du SEM en reprenant les éléments nouveaux par rapport aux éléments repris dans le document d’information provisoire du 2 septembre 2010.

108    Par conséquent, il y a lieu de constater que le comité consultatif antidumping n’a pas été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions et qu’il a été en mesure de rendre son avis en pleine connaissance de cause.

109    La première branche du présent moyen doit dès lors être rejetée comme non fondée.

 Sur la seconde branche, portant sur la violation des droits de la défense

110    En l’espèce, les requérantes invoquent une violation des droits de la défense et du droit à une procédure régulière dans la mesure où la Commission a envoyé simultanément, le 2 septembre 2010, une copie du document de travail relatif à sa proposition au comité consultatif antidumping et le document d’information concernant le SEM aux requérantes.

111    Elles font valoir, à cet égard, que, le 2 septembre 2010, la Commission avait déjà décidé de rejeter leur demande de SEM et qu’elle ne souhaitait nullement analyser leurs observations avant de parvenir à une proposition finale devant être soumise pour avis au comité consultatif antidumping et que, par ailleurs, elle « avait refusé de rectifier le document d’information [provisoire] concernant le SEM » à la suite de leurs observations du 16 septembre 2010.

112    Selon les requérantes, cette circonstance aurait « vraisemblablement exercé une influence sur les conclusions qu[e la Commission] aurait pu tirer de ces observations ».

113    Il y a lieu de rappeler que, à la supposer avérée, une telle atteinte aux droits de la défense serait de nature à constituer une irrégularité de la procédure administrative. Or, conformément à une jurisprudence constante, une irrégularité procédurale ne peut entraîner l’annulation en tout ou en partie d’une décision que s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent et que, par conséquent, la décision relative aux demandes de SEM aurait pu avoir un contenu différent (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 mars 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑345/03, Rec. p. II‑341, point 147, et European Service Network/Commission, T‑332/03, non publié au Recueil, point 130, et la jurisprudence citée). Or, les requérantes n’apportent aucun élément susceptible de démontrer que l’irrégularité alléguée aurait eu une influence sur la décision en cause.

114    Partant, la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

115    Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base et d’un défaut de motivation

 Observations liminaires

116    Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt de la Cour du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec. p. I‑4983, point 41, et la jurisprudence citée).

117    Par ailleurs, dès lors que les interprétations littérale et historique d’un règlement, et en particulier de l’une de ses dispositions, ne permettent pas d’en apprécier la portée exacte, il y a lieu d’interpréter la réglementation en cause en se fondant tant sur sa finalité que sur son économie générale (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, point 168, et arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 148).

118    Enfin, il y a également lieu de rappeler que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec. p. I‑2549, point 21).

119    Selon l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base :

« Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de [Chine], la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête et conformément aux critères et aux procédures énoncés au point c), que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Si tel n’est pas le cas, les règles [sous] a) s’appliquent. »

120    L’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base précise que « [l]a requête présentée au titre [de l’article 2, paragraphe 7, sous b),] doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes de ce que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché, à savoir si [notamment] les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’œuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché ».

121    Il ressort des dispositions susmentionnées que la charge de la preuve incombe au producteur qui souhaite bénéficier du SEM en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base. Partant, il n’incombe pas aux institutions de l’Union de prouver que le producteur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, à ces institutions d’apprécier si les éléments fournis par le producteur concerné sont suffisants pour démontrer que les critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base sont satisfaits pour lui reconnaître le SEM et au juge de l’Union de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêt Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, point 64 supra, point 83, et la jurisprudence citée).

122    En outre, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de l’évaluation des situations de fait d’ordre juridique et politique qui se manifestent dans le pays concerné, pour déterminer si un exportateur peut bénéficier de l’octroi du SEM, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation. Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur de telles appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, points 48 et 49, et la jurisprudence citée).

123    Or, il est également de jurisprudence constante que, lorsque les institutions de l’Union disposent d’un tel pouvoir, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties, figure notamment l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14, et arrêt Nölle/Conseil et Commission, point 90 supra, point 73).

124    En l’espèce, le SEM a été refusé aux requérantes au motif qu’elles n’avaient pas établi qu’elles satisfaisaient aux trois premiers critères énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base (voir point 41 ci-dessus), à savoir ceux visant à s’assurer que :

–        les décisions des entreprises concernant les prix et les coûts des intrants, par exemple des matières premières, de la technologie, de la main-d’œuvre, de la production, des ventes et des investissements, sont arrêtées en tenant compte des signaux du marché reflétant l’offre et la demande et sans intervention significative de l’État à cet égard, et si les coûts des principaux intrants reflètent en grande partie les valeurs du marché ;

–        les entreprises utilisent un seul jeu de documents comptables de base, qui font l’objet d’un audit indépendant conforme aux normes internationales et qui sont utilisés à toutes fins ;

–        les coûts de production et la situation financière des entreprises ne font l’objet d’aucune distorsion importante, induite par l’ancien système d’économie planifiée, notamment en ce qui concerne l’amortissement des actifs, d’autres annulations comptables, le troc ou les paiements sous forme de compensation de dettes.

 Sur le prétendu défaut de motivation

125    Il ressort de l’intitulé du présent moyen que les requérantes invoquent également un défaut de motivation qu’elles n’ont d’ailleurs pas mentionné au stade de la réplique. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’exposé sommaire des moyens du recours, au sens de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, n’implique pas une formulation particulière de ceux-ci. Selon la jurisprudence, il convient d’interpréter les moyens d’une partie requérante par leur substance plutôt que par leur qualification (arrêt de la Cour du 15 décembre 1961, Fives Lille Cail e.a./Haute Autorité, 19/60, 21/60, 2/61 et 3/61, Rec. p. 559). Il convient cependant de constater que les requérantes ne soulèvent aucun argument de manière apparente et évident relatif au défaut de motivation allégué, de sorte qu’il n’y pas lieu de procéder à un examen à ce titre. Par conséquent, il n’y a lieu d’examiner que les arguments tirés de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base.

126    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base ont un caractère cumulatif, si bien que, lorsqu’un producteur ne remplit pas une de ces conditions, sa demande tendant à l’obtention du SEM doit être rejetée (arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 122 supra, point 54).

127    Il convient d’examiner, tout d’abord, la troisième branche du présent moyen, portant sur le troisième critère d’octroi du SEM.

 Sur la troisième branche, portant sur le troisième critère d’octroi du SEM

128    Il ressort du considérant 39 du règlement provisoire :

« [L]’enquête a révélé l’existence d’importantes distorsions en ce qui concerne les droits d’utilisation du sol appartenant aux quatre producteurs-exportateurs liés. Ces distorsions amènent à conclure que lesdits droits ne sont pas accordés ni conservés conformément aux conditions d’une économie de marché. La visite sur place a également révélé des distorsions notables en ce qui concerne les prêts accordés par le secteur bancaire/financier chinois aux quatre producteurs-exportateurs liés. La plupart des prêts ont été accordés par des banques dans lesquelles l’État détient une participation importante, tandis que certains faits indiquent clairement que les institutions financières ont pris en considération les politiques industrielles générales du gouvernement pour déterminer la solvabilité du groupe, ce qui a donné lieu à l’octroi de prêts à des sociétés en difficulté financière. Compte tenu de ce qui précède, il a donc été conclu que les quatre producteurs-exportateurs liés n’avaient pas démontré qu’ils remplissent le troisième critère. »

–       Sur les droits d’utilisation du sol

129    La Commission a considéré, dans son document d’information relatif au SEM, que :

–        l’attribution des droits d’utilisation du sol est liée à une promesse explicite d’investissement de la partie qui se voit attribuer ces droits ; s’il n’est pas procédé à l’investissement dans un délai donné, l’État peut reprendre le sol sans payer quelque forme de compensation que ce soit ;

–        aucune compensation n’est prévue pour l’investisseur/la société à la date de résiliation ordinaire du contrat relatif aux droits d’utilisation du sol ; en d’autres termes, l’État s’attend, dans ces cas, à ce que l’investisseur privé réalise ses investissements, c’est‑à‑dire construise l’usine, et lui laisse gratuitement l’ensemble de l’actif immobilisé (bâtiments, machines, etc.) à la fin de la période de bail ;

–        la responsabilité finale d’approuver les concessions de droits d’utilisation du sol incombait à la commission nationale de planification/au ministère du Commerce ;

–        le Suzhou Industrial Park a fixé le prix des droits d’utilisation du sol conformément à des instructions claires, données par le Conseil d’État de la République populaire de Chine, relatives aux méthodes de fixation du prix des terres ;

–        ces distorsions amènent à conclure que les droits d’utilisation du sol n’ont pas été obtenus par les sociétés en cause conformément aux conditions d’une économie de marché.

130    Il ressort du considérant 46 du règlement provisoire que le groupe APP, auquel appartiennent les requérantes, a fait valoir que « les distorsions constatées dans l’attribution des droits d’utilisation du sol n’étaient pas spécifiques à la [Chine], mais existaient aussi en Europe, puisqu’il s’agit de restrictions imposées par les autorités chargées d’attirer des investisseurs et de veiller à ce que les investissements soient conformes aux dispositions réglementaires applicables ».

131    Dans le cadre du présent recours, les requérantes affirment, premièrement, que les prétendues distorsions en cause sont couramment observées dans les pays à économie de marché. Deuxièmement, elles estiment que les prix des terrains situés en zone industrielle sont toujours fixés par les autorités dans tous les pays et que lesdites autorités imposent partout des restrictions avant d’autoriser des projets industriels.

132    À l’appui de leur argumentation, les requérantes se contentent de renvoyer aux preuves fournies avec leurs observations concernant leurs demandes de SEM du 28 octobre 2010 et aux pièces annexées à leur réplique.

133    Il y a lieu de constater, comme l’a fait le Conseil à juste titre, que les requérantes ne contestent pas les conclusions de la Commission, selon lesquelles, d’une part, des droits d’utilisation du sol leur ont été accordés à des conditions qui ne correspondent pas à la valeur du marché et, d’autre part, l’État intervient dans la fixation des prix de ces droits.

134    Elles reconnaissent aussi explicitement qu’une enquête relative au SEM n’a pas pour objet de déterminer si des distorsions peuvent également exister dans l’Union, comme la Commission l’a fait remarquer au considérant 46 du règlement provisoire.

135    Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable au regard desdites dispositions, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui, en vertu des mêmes dispositions, doivent figurer dans la requête (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 décembre 1990, Commission/Grèce, C‑347/88, Rec. p. I‑4747, point 28, et du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C‑52/90, Rec. p. I‑2187, points 17 à 19). Or, les éléments de fait et de droit sur lesquels les requérantes se fondent au soutien du présent grief ne ressortent pas, d’une façon compréhensible, de leurs écritures. Dès lors que les requérantes se contentent de plaider au moyen d’annexes, le présent grief doit être déclaré irrecevable.

–       Sur les prêts

136    Il ressort du document d’information relatif au SEM que la Commission a considéré, après avoir examiné la solvabilité des requérantes et du groupe APP, qu’il était difficile de savoir sur quelle base les banques chinoises détenues par l’État ont évalué la solvabilité du groupe APP, puisque les sociétés du groupe avaient de sérieux problèmes pour rembourser leurs prêts, n’étaient pas en état de respecter une partie de leurs obligations envers lesdites banques et que ces dernières ne réagissaient toutefois pas. La Commission a également constaté que les banques accordaient des prêts en dépit de graves problèmes de trésorerie et de financement et de difficultés à mobiliser des capitaux. En général, la Commission a constaté que les banques chinoises détenues par l’État qui fournissaient des fonds au groupe APP ne considéraient pas comme problématique la situation financière critique du groupe.

137    La Commission a ensuite conclu :

« Il ressort clairement de tout ce qui précède qu’il existe en l’espèce des distorsions notables en ce qui concerne les prêts accordés par le secteur bancaire/financier chinois. Par ailleurs, les prêts accordés sur une base non commerciale ont des effets d’une portée considérable. Il semble douteux, en effet, que la société existerait sans ces prêts. La plupart des prêts ont été accordés par des banques dans lesquelles l’État détenait une participation importante. Ce type de distorsions est symptomatique d’un comportement qui ne correspond pas à celui d’une économie de marché et il en ressort clairement que la société n’obtient pas les prêts dans des conditions d’une économie de marché mais compte tenu des politiques industrielles générales du gouvernement. »

138    Il ressort du considérant 39 du règlement provisoire que « [l]a plupart des prêts ont été accordés par des banques dans lesquelles l’État détient une participation importante, tandis que certains faits indiquent clairement que les institutions financières ont pris en considération les politiques industrielles générales du gouvernement pour déterminer la solvabilité du groupe, ce qui a donné lieu à l’octroi de prêts à des sociétés en difficulté financière ».

139    Il ressort par ailleurs du considérant 47 du règlement provisoire que le groupe APP, d’une part, « a affirmé que les conclusions de la Commission étaient spéculatives ». D’autre part, « [il] a soutenu que les distorsions décelées par la Commission pouvaient tout au plus être des subventions » et « [i]l a donc prétendu que, puisqu’une enquête antisubventions est menée en parallèle, ces subventions alléguées ne pouvaient constituer un motif de rejet de la demande de [SEM] ».

140    En premier lieu, il y a lieu de constater que les requérantes ne nient pas que les distorsions décelées par la Commission existent et elles ne fournissent aucun élément de preuve à l’appui de leur affirmation selon laquelle les conclusions de la Commission revêtent un caractère purement spéculatif.

141    En second lieu, en ce qui concerne l’argument selon lequel ces distorsions sont « manifestement des subventions » qui ne doivent être compensées que par des droits compensateurs, il ressort du considérant 47 du règlement provisoire que la Commission a observé que « l’évaluation de [la demande de SEM] a permis de constater qu’il existait des distorsions dans l’octroi des prêts par le secteur bancaire/financier chinois ». La Commission a dès lors considéré qu’« [i]l s’agi[ssait] d’une distorsion qui trouve son origine dans le système d’économie planifiée et n’a[vait] aucun rapport avec la question de savoir si les incidences de ces actes pourraient ou non être considérées comme des subventions passibles de mesures compensatrices ».

142    En l’espèce, les requérantes font, de façon générale, référence à leur lettre du 8 juin 2010, dans laquelle elles ont fait valoir qu’une subvention ne saurait constituer un motif de rejet des demandes de SEM sans fournir de plus amples explications.

143    Il ressort des observations du groupe APP retenues dans cette lettre et résumées au considérant 48 du règlement provisoire que, selon le groupe APP, « le [SEM] doit être accordé au groupe chinois de producteurs-exportateurs, afin d’éviter le double emploi avec l’enquête antisubventions menée en parallèle ». Le groupe APP prétendait que « le subventionnement public relève de l’évaluation de la demande dudit statut, qu’il a une incidence sur les conclusions relatives à ladite demande et qu’il sera donc examiné dans l’enquête antisubventions menée en parallèle ». Le groupe APP a également renvoyé au principe de proportionnalité et au droit à une bonne administration.

144    La Commission a rejeté ces arguments au considérant 49 du règlement provisoire, premièrement, parce que « [l]a réalisation parallèle d’une enquête antisubventions ne dispense pas l’organisme d’enquête de son obligation de veiller à ce que les conditions d’octroi [du SEM] soient remplies ». Deuxièmement, « la question du double emploi des droits antidumping et des droits compensateurs est régie par les dispositions de la législation de l’Union […] en la matière, notamment l’article 14, paragraphe 1, du règlement de base et l’article 24, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (CE) nº 597/2009 du Conseil du 11 juin 2009 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de [l’Union], et il est indifférent que le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché soit ou non accordé à l’exportateur concerné », alors que, « [e]n tout état de cause, comme le droit antidumping provisoire proposé à toutes les parties chinoises ayant coopéré est fondé sur le niveau d’élimination du préjudice et non sur la marge de dumping, tout grief de double emploi est sans effet ».

145    En l’espèce, il ressort du dossier que les requérantes n’ont pas contesté ces considérations.

146    Les requérantes rappellent qu’elles avaient également expliqué, dans la lettre du 8 juin 2010, que, selon le droit de l’OMC, plus précisément l’article 32, paragraphe 1, de l’accord SMC, il n’existe que deux mesures correctrices destinées à régler des subventions, à savoir, d’une part, le recours au règlement des différends de l’OMC et, d’autre part, les droits compensateurs, qui ne peuvent être infligés qu’après avoir procédé à une enquête en matière de subvention. Par conséquent, les institutions de l’Union ne sauraient pénaliser unilatéralement des sociétés qui reçoivent des subventions en rejetant leur demande de SEM dans une enquête antidumping et sans apprécier si ces subventions sont illégales ou passibles de mesures compensatoires.

147    Il ressort d’une jurisprudence constante que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords de l’OMC ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles le juge de l’Union contrôle la légalité des actes des institutions de l’Union en vertu de l’article 230, premier alinéa, CE (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C‑149/96, Rec. p. I‑8395, point 47, et du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, Rec. p. I‑79, point 53).

148    Toutefois, dans l’hypothèse où l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l’OMC ou dans l’occurrence où l’acte de l’Union renvoie expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC, il appartient au juge de l’Union de contrôler la légalité de l’acte de l’Union en cause au regard des règles de l’OMC (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Portugal/Conseil, point 147 supra, point 49 ; Petrotub et Republica/Conseil, point 147 supra, point 54, et du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, Rec. p. I‑7723, point 30).

149    Dès lors, il convient d’examiner si tel est le cas en l’espèce.

150    Il y a toutefois lieu de répondre par la négative à cette question.

151    En premier lieu, l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, troisième tiret, du règlement de base ne met pas en œuvre l’article 32, paragraphe 1, de l’accord SMC.

152    En deuxième lieu, la décision relative au SEM ne renvoie pas non plus expressément à des dispositions précises des accords de l’OMC, en ce compris l’accord SMC.

153    En troisième lieu, les décisions relatives au SEM sont prises après avoir déterminé s’il est satisfait aux critères relatifs à son octroi tels qu’énoncés à l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base. Elles ne sont pas adoptées après l’établissement d’un dumping ou d’un subventionnement. Elles ne sont pas indissociablement liées aux éléments constitutifs d’un dumping ou d’une subvention. Par conséquent, une décision relative au SEM n’est pas une mesure particulière aux fins de l’article 32, paragraphe 1, de l’accord SMC.

154    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision relative au SEM a été prise en violation de l’article 32, paragraphe 1, de l’accord SMC.

155    Il s’ensuit que les institutions de l’Union n’ont commis aucune erreur d’appréciation dans le cadre de l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base en concluant que les requérantes ne remplissent pas le troisième critère d’octroi du SEM.

156    Les conditions posées par cet article étant cumulatives, il n’y a pas lieu d’examiner les premier et deuxième critères d’octroi du SEM, dès lors que, en l’espèce, il n’est pas satisfait au troisième critère.

157    Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du troisième moyen et, avec elle, le moyen dans son entier.

 Sur le quatrième moyen, tiré du déroulement inéquitable et partial de l’enquête et d’une charge de la preuve excessive

158    Le présent moyen comporte deux branches, la première portant sur une prétendue violation du principe de bonne administration et la seconde sur une prétendue violation de l’article 18, paragraphes 1, 3 et 6, du règlement de base.

 Sur la première branche, portant sur une prétendue violation du principe de bonne administration

159    Dans le cadre de la présente branche, les requérantes soutiennent que la Commission a violé le principe de bonne administration, d’une part, en leur imposant une charge excessive en matière de preuve lors de l’appréciation des demandes de SEM et, d’autre part, en modifiant sa motivation en ce qui concerne l’obligation d’une société de faire coïncider sa comptabilité avec ses opérations lorsqu’elle s’est trouvée confrontée à leurs réfutations. De surcroît, les demandes de SEM n’auraient pas été appréciées d’une manière impartiale et loyale.

160    En ce qui concerne l’argument selon lequel les demandes de SEM n’auraient pas été appréciées d’une manière impartiale et loyale, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont nullement explicité leur grief, de sorte que ce dernier doit être déclaré irrecevable en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. Par ailleurs, la circonstance selon laquelle les requérantes estiment que les explications fournies par les institutions de l’Union ne sont pas satisfaisantes ne démontre aucunement que ces dernières ont violé leur devoir de diligence.

161    En l’espèce, la Commission aurait exigé des requérantes, tant dans le document d’information relatif aux demandes de SEM du 2 septembre 2010 qu’au cours de l’audition du 17 septembre 2010, qu’elles démontrent qu’elles opéraient dans des conditions d’économie de marché, sans qu’elle-même ne soit tenue de prouver que les requérantes ne satisfaisaient pas aux critères relatifs à l’octroi du SEM.

162    Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Quant au contrôle juridictionnel d’une telle appréciation, il doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (arrêts de la Cour Ikea Wholesale, point 148 supra, points 40 et 41, et du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, non encore publié au Recueil, point 63).

163    Il en va de même des situations de fait, d’ordre juridique et politique, qui se manifestent dans le pays concerné et que les institutions de l’Union doivent évaluer pour déterminer si un exportateur agit dans les conditions du marché sans intervention significative de l’État et peut, par suite, bénéficier de l’octroi du statut propre aux entreprises évoluant en économie de marché (arrêts du Tribunal du 18 septembre 1996, Climax Paper/Conseil, T‑155/94, Rec. p. II‑873, point 98 ; Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 122 supra, point 49, et Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, point 64 supra, point 81).

164    Toutefois, si, dans le domaine des mesures de défense commerciale et, en particulier, des mesures antidumping, le juge de l’Union ne peut intervenir dans l’appréciation réservée aux autorités de l’Union, il lui appartient cependant de s’assurer que les institutions ont tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elles ont évalué les éléments du dossier avec toute la diligence requise (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, Rec. p. II‑2243, point 64, et la jurisprudence citée).

165    Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base que la charge de la preuve incombe au producteur qui souhaite bénéficier du statut reconnu aux entreprises évoluant en économie de marché. En effet, selon l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, la requête présentée au titre de l’article 2, paragraphe 7, sous b), du même règlement doit être faite par écrit et contenir des preuves suffisantes que le producteur opère dans les conditions d’une économie de marché. Partant, il n’incombe pas aux institutions de l’Union de prouver que le producteur ne satisfait pas aux conditions prévues pour bénéficier dudit statut. Il appartient, en revanche, auxdites institutions d’apprécier si les éléments fournis par le producteur sont suffisants pour démontrer que les conditions posées par l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base sont remplies et au juge de l’Union de vérifier si cette appréciation n’est pas entachée d’une erreur manifeste [arrêt de la Cour du 2 février 2012, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil, C‑249/10 P, point 32 ; voir, en ce sens, arrêts Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 122 supra, point 53, et Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil, point 64 supra, point 83].

166    Toutefois, il découle du principe de bonne administration qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union que la charge de la preuve que les institutions imposent aux producteurs-exportateurs demandant le SEM ne peut pas être déraisonnable (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T‑221/05, non publié au Recueil, point 77).

167    Il ressort du dossier de l’affaire que les requérantes contestent uniquement le fait qu’il leur incombait d’apporter les éléments de preuve démontrant que leur comptabilité reflétait leurs opérations, et ce dans le cadre de la deuxième condition d’octroi du SEM. À ce titre, les requérantes devraient démontrer un lien entre les paiements et les débits et les inscriptions figurant dans leurs comptabilité pour, premièrement, les opérations à l’exportation, deuxièmement, les ventes intérieures réalisées avec des parties liées et, troisièmement, les achats de matières premières effectués auprès de fournisseurs non liés.

168    Une telle charge de la preuve ne saurait être considérée comme déraisonnable.

169    Au surplus, il ne ressort pas du dossier que la Commission avait modifié son raisonnement à propos de l’obligation de faire coïncider la comptabilité des requérantes avec leurs opérations, comme elles l’allèguent.

170    Il s’ensuit que la première branche du présent moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, portant sur une prétendue violation de l’article 18, paragraphes 1, 3 et 6, du règlement de base.

171    Les requérantes sont d’avis qu’il résulte des faits tels qu’ils ont exposés au titre de la première branche que la Commission n’a pas travaillé avec elles en vue de la réalisation de l’objectif commun visant à établir si les informations qu’elles ont produites dans leurs demandes de SEM étaient exactes, ainsi que cela est prévu à l’article 18, paragraphes 1, 3 et 6, du règlement de base, interprété à la lumière des conclusions de l’organe d’appel de l’OMC du 24 juillet 2001 dans l’affaire « États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon » (WT/DS184/AB/R, paragraphe 99). Selon les requérantes, il ressort desdites conclusions que la Commission viole l’article 18 du règlement de base chaque fois qu’elle ne travaille pas avec les parties faisant l’objet d’une enquête en vue de la réalisation d’un objectif commun.

172    Avant de passer à l’examen de la seconde branche, il y a lieu d’identifier les faits tels qu’ils ont été exposés au titre de la première branche auxquels les requérantes se réfèrent. Il y a lieu de constater que les requérantes affirment, premièrement, au point 201 de la requête, que, au lieu de s’engager dans un processus de coopération avec elles, la Commission « aurait rassemblé des faits défavorables au cours de la vérification et ne les [leur] a communiqués […] que dans les documents d’information relatifs à leurs demandes de SEM ». Deuxièmement, les requérantes avancent, au point 204 de la requête, que la Commission « avait pour seules préoccupation et priorité [lors de la vérification sur place] de rattacher les sommes forfaitaires reçues sur des comptes ouverts à des factures spécifiques, sur la base de documents figurant dans les documents comptables ».

173    Il y a toutefois lieu de constater que les requérantes n’avancent aucun élément de preuve à l’appui de leur allégations. Elles se contentent de procéder par simples allégations.

174    Dès lors que le grief tiré de la violation de l’article 18, paragraphes 1, 3 et 6, du règlement de base n’est accompagné d’aucun exposé sommaire des arguments de fait et de droit sur lesquels il s’appuie, il doit être déclaré irrecevable en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

175    En tout état de cause, les allégations des requérantes sont contredites par le fait que, en l’espèce, la Commission s’est montrée coopérative tout au long de l’enquête. Premièrement, à la demande expresse des requérantes, elle a prolongé à de multiples reprises les délais qui leur ont été accordés, ce qui n’est pas contesté par les requérantes. Deuxièmement, elle a accordé une audition quelques heures après avoir reçu une demande en ce sens des requérantes, ce qui n’est pas non plus contesté par ces dernières. Troisièmement, elle a tenu compte des observations formulées par les requérantes au sujet du document d’information relatif au SEM.

176    Il s’ensuit que la seconde branche du présent moyen doit être rejetée.

177    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son intégralité.

3.     Sur les moyens relatifs à l’évaluation du préjudice

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base

178    Le cinquième moyen comporte deux branches.

179    La première branche est prise d’une violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base en ce que la Commission a exclu de l’évaluation du préjudice un des cinq producteurs de l’Union ayant coopéré à l’enquête, et ce sans fournir de justification.

180    La seconde branche est prise d’une violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base en ce que la Commission a invoqué les données transmises par quatre producteurs représentatifs, et non les données concernant l’industrie de l’Union dans son ensemble, lorsqu’elle a évalué ce qu’il convient d’appeler les indicateurs microéconomiques.

181    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, « [l]a détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif[, d’une part,] du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté et[, d’autre part,] de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire ».

182    Il doit être rappelé que, selon une jurisprudence constante, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner [voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 4 octobre 1983, Fediol/Commission, 191/82, Rec. p. 2913, point 26 ; Ikea Wholesale, point 148 supra, point 40 ; du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, Rec. p. I‑7051, point 85, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 2012, Since Hardware (Guangzhou)/Conseil, T‑156/11, point 134].

183    Selon une jurisprudence constante, la détermination du préjudice suppose l’appréciation de questions économiques complexes. Dans cet exercice, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation [arrêt Nakajima/Conseil, point 96 supra, point 86 ; arrêts du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil, T‑164/94, Rec. p. II‑2681, point 131 ; du 14 mars 2007, Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, T‑107/04, Rec. p. II‑669, point 43, et Since Hardware (Guangzhou)/Conseil, point 182 supra, point 135].

184    Le juge de l’Union doit donc limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et de l’absence de détournement de pouvoir [arrêts du Tribunal Ferchimex/Conseil, point 183 supra, point 67 ; du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil, T‑210/95, Rec. p. II‑3291, point 57 ; Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, point 183 supra, point 43, et Since Hardware (Guangzhou)/Conseil, point 182 supra, point 136].

185    Par ailleurs, il appartient aux requérantes de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 122 supra, point 119, et du 4 octobre 2006, Moser Baer India/Conseil, T‑300/03, Rec. p. II‑3911, point 140, et la jurisprudence citée ; arrêt Since Hardware (Guangzhou)/Conseil, point 182 supra, point 137].

 Sur la première branche, portant sur la prétendue absence de justification de l’exclusion d’un producteur finlandais aux fins de l’évaluation du préjudice

186    En premier lieu, les requérantes soutiennent que, bien qu’elle n’ait pas procédé à un échantillonnage, la Commission a restreint l’analyse de plusieurs indicateurs de préjudice catalogués comme microéconomiques, en ce que seuls les quatre plaignants ont été contrôlés et considérés comme étant représentatifs de l’industrie de l’Union. À ce titre, la Commission n’aurait pas justifié l’exclusion d’un producteur finlandais.

187    Les requérantes font valoir que, en ne tenant pas compte dans l’évaluation du préjudice d’un des producteurs de l’Union présentant des tendances positives et en ne considérant comme représentatifs que les quatre producteurs plaignants, la Commission n’a pas procédé à un « examen objectif » des faits qui lui ont été soumis au sens décrit par l’organe d’appel de l’OMC.

188    Le Conseil soutient que la Commission n’a pas négligé la coopération du producteur finlandais en cause dès lors que, en ce qui concerne l’analyse des indicateurs de préjudice microéconomiques, celui-ci n’a jamais communiqué les données nécessaires et que, en ce qui concerne l’analyse des indicateurs de préjudice macroéconomiques, les données concernant ledit producteur étaient couvertes par les informations communiquées par Cepifine.

189    Le Conseil fait valoir que la production du producteur finlandais en cause ne représentait tout au plus que 1,4 % de la production de l’industrie de l’Union et que les chiffres communiqués, même s’ils indiquaient une certaine tendance positive, ne pouvaient pas contredire l’analyse du préjudice à l’égard de l’ensemble des producteurs de l’Union.

190    Le Conseil soulève le fait qu’un échantillonnage ne peut être réalisé que si les entreprises ayant choisi de coopérer sont si nombreuses qu’il n’est pas possible de mener une enquête auprès de chacune d’entre elles. En tout état de cause, les entreprises ayant coopéré étaient représentatives de l’industrie de l’Union.

191    À la lumière de ce qui précède, il convient de déterminer si, comme les requérantes le soutiennent, la Commission n’a effectivement pas procédé à un examen de l’évaluation du préjudice en se fondant sur des éléments de preuve objectifs, en ce qu’elle a exclu un producteur finlandais de l’industrie de l’Union présentant des données positives.

192    À cet égard, les requérantes produisent une lettre, envoyée le 18 mars 2010, dans laquelle la Commission a demandé au producteur finlandais en cause de présenter ses observations et à laquelle il a répondu par une lettre du 30 avril 2010 dont il ressort qu’il n’a pas subi de préjudice. À ce titre, les requérantes ont fait valoir, lors de l’enquête, que la Commission ne pouvait négliger sans motif raisonnable la coopération de ce producteur.

193    Il convient de relever que, dans le cadre des affaires antidumping, le Conseil et la Commission dépendent de la coopération volontaire des parties pour leur fournir les informations nécessaires dans les délais impartis (arrêt EFMA/Conseil, point 184 supra, point 71).

194    Ainsi que le relèvent les requérantes, il est mentionné au considérant 10 du règlement provisoire qu’« [o]nt répondu aux questionnaires et à d’autres communications deux groupes chinois de producteurs-exportateurs, [Cepifine], les quatre producteurs plaignants de l’Union et un autre producteur de l’Union, 16 importateurs et négociants indépendants, 17 utilisateurs et 3 associations des secteurs de l’impression et du papier ainsi qu’un producteur des États-Unis, lesquels étaient envisagés comme pays analogue. »

195    Or, il ressort du considérant 29 du règlement provisoire que seuls quatre producteurs de l’Union se sont manifestés dans les délais fixés dans l’avis d’ouverture.

196    Il ressort du considérant 90 du règlement attaqué que, « [d]ans le cadre de la présente enquête, l’industrie de l’Union a été définie comme comprenant les producteurs de l’Union qui représentent la production totale de l’Union […], qu’ils aient ou non soutenu la plainte ou coopéré à l’enquête ».

197    Il ressort du considérant 77 du règlement provisoire que, « [p]endant la période d’enquête, le produit similaire était fabriqué par quatorze producteurs connus et plusieurs autres très petits producteurs de l’Union » et que, « [d]’après les estimations, les données fournies par Cepifine couvrent 98 % de la production des producteurs de l’Union ».

198    Au regard de ce qui précède, la situation du producteur finlandais en cause a été prise en compte en ce qui concerne les indicateurs macroéconomiques dès lors que les données transmises par Cepifine représentaient 98 % de la production des producteurs-exportateurs de l’Union.

199    Toutefois, en ce qui concerne les indicateurs microéconomiques, lesquels ne peuvent être appréciés que sur transmission des données par les entreprises individuelles, il convient de constater que le producteur finlandais en cause n’a pas répondu dans les délais fixés par l’avis d’ouverture.

200    Ainsi, la circonstance que le producteur finlandais n’a pas répondu ne saurait constituer une omission dans le cadre d’un examen concret fondé sur des éléments de preuve objectifs de l’évaluation du préjudice.

201    Partant, le présent grief doit être rejeté.

202    En second lieu, les requérantes soutiennent que les institutions n’ont pas satisfait aux exigences de motivation au regard de l’article 296 TFUE et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

203    Le Conseil considère que, en ce qui concerne le défaut de motivation du règlement attaqué, les requérantes n’apportent aucun élément probant.

204    Au regard de l’examen effectué dans le cadre du premier grief de la première branche, il y a lieu de conclure que les dispositions tant de l’article 296 TFUE que de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux n’ont pas non plus été méconnus.

205    Partant, le présent grief doit être rejeté.

206    En conséquence, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, portant sur les modalités de la prétendue évaluation des indicateurs de préjudice microéconomiques basée sur quatre producteurs représentatifs de l’Union

207    En premier lieu, les requérantes soutiennent que le Conseil a défini l’industrie de l’Union comme étant constituée des quatorze membres de Cepifine alors que, dans le cadre de son enquête, l’analyse de la Commission a été restreinte à l’appréciation de la situation des quatre producteurs représentatifs pour ce qui concerne certains indicateurs de préjudice.

208    Les requérantes font valoir que certains indicateurs de préjudice, à savoir les indicateurs microéconomiques, concernent un nombre restreint de producteurs, c’est-à-dire les quatre plaignants et le producteur finlandais en cause, lesquels sont les seuls à avoir répondu au questionnaire.

209    Selon les requérantes, cette méthodologie a créé une image faussée du préjudice en ce qu’elle ne correspond ni à la situation d’un sous-groupe de producteurs, ni à celle des quatorze membres de Cepifine. En effet, la Commission ne saurait procéder à une évaluation du préjudice subi par l’industrie de l’Union pour ce qui concerne certains indicateurs, d’une part, et se limiter à une évaluation du préjudice subi par une partie représentative seulement des producteurs pour ce qui concerne d’autres indicateurs, d’autre part.

210    Les requérantes estiment que les critères utilisés par la Commission pour classer les indicateurs de préjudice dans les catégories macroéconomiques et microéconomiques ne sont pas logiques. Par ailleurs, elles font valoir que le règlement attaqué ne fournit aucun motif ni aucune explication à cet égard.

211    Le Conseil soutient que l’industrie de l’Union a été définie comme l’ensemble des producteurs de l’Union représentant la production totale de l’Union, dont font partie les quatorze membres de Cepifine.

212    Le Conseil fait valoir que l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base n’interdit pas d’analyser différents indicateurs de préjudice à l’égard de différents sous-ensembles de producteurs de l’Union.

213    Le Conseil considère que l’analyse satisfait aux critères énoncés à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, tant en ce qui concerne les indicateurs de préjudice microéconomiques qu’en ce qui concerne les indicateurs de préjudice macroéconomiques.

214    Le Conseil estime que la distinction établie entre les critères de préjudice macroéconomiques et microéconomiques est logique et repose sur des considérations pratiques, notamment la disponibilité des données.

215    Il doit être relevé que, dans le cadre du présent moyen, les requérantes ne contestent ni la pertinence des facteurs et des indices économiques qui ont été retenus par les institutions lors de l’évaluation du préjudice subi par l’industrie de l’Union, ni l’analyse qui en a été faite par la Commission, telle qu’elle résulte des considérants 90 et 91 du règlement attaqué.

216    Il convient de rappeler que les requérantes contestent la classification des indicateurs et la méthodologie utilisée par la Commission.

217    L’article 3, paragraphe 5, du règlement de base prévoit :

« L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie communautaire concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement, l’importance de la marge de dumping effective, la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités ; les facteurs qui influent sur les prix dans la Communauté, les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou l’investissement. Cette liste n’est pas exhaustive et un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante. »

218    En ce qui concerne les facteurs macroéconomiques, il ressort du considérant 90 du règlement attaqué que « la Commission a pour pratique constante d’évaluer les facteurs macroéconomiques permettant de déterminer le préjudice subi au niveau de l’industrie de l’Union dans son ensemble […], l’industrie de l’Union [ayant] été définie comme comprenant les producteurs de l’Union qui représentent la production totale de l’Union […], qu’ils aient ou non [...] coopéré à l’enquête ».

219    À cet égard, il ressort du considérant 89 du règlement provisoire que « [l]es éléments macroéconomiques (production, capacité de production, utilisation des capacités, volume des ventes, parts de marché, croissance et ampleur des marges de dumping) ont été évalués au regard de la production totale de l’Union, sur la base des informations fournies par Cepifine ».

220    En ce qui concerne les facteurs microéconomiques, il ressort du considérant 91 du règlement attaqué que « les facteurs microéconomiques sont analysés au niveau des producteurs de l’Union représentatifs, qu’ils soutiennent la plainte ou non ».

221    À cet égard, il ressort du considérant 90 du règlement provisoire que « [l]’analyse des éléments microéconomiques a été réalisée au niveau des producteurs de l’Union (prix unitaires moyens, emploi, salaires, productivité, stocks, rentabilité, flux de trésorerie, investissements, rendement des investissements, capacité à lever du capital) sur la base des informations qu’ils ont transmises, dûment vérifiées ».

222    Il convient de rappeler que, dans le cadre des affaires antidumping, le Conseil et la Commission dépendent de la coopération volontaire des parties pour leur fournir des informations nécessaires dans les délais impartis (voir point 193 ci-dessus).

223    Il résulte de ce qui précède que, conformément à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, la Commission a effectué une analyse des différents critères au regard de l’industrie de l’Union, en ce qui concerne les indicateurs macroéconomiques, et au regard des entreprises individuelles, en ce qui concerne les indicateurs microéconomiques.

224    En effet, les indicateurs macroéconomiques ont été appréciés sur la base des informations transmises par Cepifine, laquelle couvre 98 % de la production des producteurs de l’Union.

225    Par ailleurs, les indicateurs microéconomiques, reposant sur la disponibilité des informations transmises par les entreprises individuelles, ont été évalués sur la base de la transmission de données effectuée par les quatre producteurs plaignants représentatifs, à l’exclusion du producteur finlandais en cause qui ne s’est pas manifesté dans les délais fixés.

226    Dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation, aucune obligation découlant du règlement de base n’impose aux institutions de l’Union une classification des critères macroéconomiques et microéconomiques ou une interdiction de constituer des sous-groupes de producteurs, dès lors que la Commission procède à un examen objectif fondé sur des éléments de preuve eux-mêmes objectifs, tel qu’il a été réalisé en l’espèce.

227    Ainsi, force est de constater que les requérantes ne produisent, à l’appui de leur grief, aucun élément de nature à démontrer que la classification des indicateurs de préjudice et la méthodologie de la Commission n’ont pas permis de procéder à un examen concret fondé sur des éléments de preuve objectifs.

228    Partant, le grief doit être rejeté.

229    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la Commission aurait dû procéder à un échantillonnage.

230    Il ressort du considérant 30 du règlement de base qu’« [i]l est essentiel de procéder par échantillonnage lorsque le nombre de parties ou de transaction concernées est important afin de permettre que les enquêtes puissent être menées à terme dans les délais fixés ».

231    Or, ainsi que le relève le Conseil, la Commission n’était pas tenue dans la présente espèce de recourir à la méthode de l’échantillonnage (voir point 190 ci-dessus).

232    En effet, en vertu de la marge d’appréciation des institutions de l’Union, telle qu’elle est reconnue par la jurisprudence, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dès lors que seuls quatre producteurs représentatifs ont contribué à l’enquête.

233    Partant, le grief doit être rejeté.

234    En troisième lieu, force est de constater que les requérantes se contentent d’invoquer le fait que le règlement attaqué est entaché d’un défaut de motivation sans pour autant apporter un quelconque élément de nature à caractériser une prétendue violation de l’article 296 TFUE.

235    Ainsi, le grief doit être rejeté.

236    Partant, la seconde branche doit être rejetée.

237    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen dans son ensemble.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base

238    En premier lieu, les requérantes font remarquer au Tribunal que « ce n’est que très tard au cours de la procédure [qu’elles] ont eu connaissance de la méthodologie que la Commission avait suivie pour arriver à une marge bénéficiaire cible de 8 % ».

239    Il ressort du considérant 156 du règlement attaqué qu’« [u]n groupe de producteurs-exportateurs chinois a demandé davantage de détails concernant la méthode de calcul du bénéfice indicatif de 8 % qui a servi à calculer le prix non préjudiciable [en faisant] référence à la plainte dans laquelle le bénéfice indicatif suggéré était inférieur ».

240    À supposer qu’il s’agisse d’un argument, les requérantes ne démontrent pas que cette prétendue tardiveté leur a été préjudiciable pour faire connaître utilement leur point de vue et a porté atteinte à leurs droits de la défense.

241    Partant, et pour autant que les requérantes entendent, en substance, se prévaloir d’une violation des droits de la défense, il y a lieu de rejeter ce grief.

242    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a violé l’article 3, paragraphe 1, et l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base dès lors qu’elle a retenu un bénéfice indicatif à hauteur de 8 %.

243    Il y a lieu de rappeler que l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base dispose que « le terme ‘préjudice’ s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à une industrie communautaire, d’une menace de préjudice important pour une industrie communautaire ou d’un retard sensible à la création d’une industrie communautaire ».

244    L’article 9, paragraphe 4, du règlement de base dispose que « [l]e montant du droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie communautaire ».

245    Il résulte de la lecture desdits articles que la marge bénéficiaire devant être retenue par le Conseil pour calculer le prix indicatif de nature à éliminer le préjudice en cause doit être limitée à la marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union pourrait raisonnablement escompter dans des conditions normales de concurrence, en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping. Il ne serait pas conforme à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base d’accorder à l’industrie de l’Union une marge bénéficiaire qu’elle n’aurait pas pu attendre en l’absence d’un dumping (arrêt EFMA/Conseil, point 184 supra, point 60).

246    Les requérantes font valoir que le bénéfice indicatif a été calculé sur la base de ce qui a été considéré comme constituant un rendement adéquat du capital (investi) pour l’industrie papetière de l’Union plutôt que sur la marge réellement réalisable en l’absence d’importation faisant l’objet d’un dumping, celle-ci devant être limitée à la marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union pourrait raisonnablement escompter dans des conditions normales de concurrence.

247    La question ne consisterait pas à savoir si une marge bénéficiaire cible de 8 % est suffisante pour couvrir les investissements et les risques encourus, mais à savoir si une telle marge bénéficiaire est réalisable en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping. Il y a lieu de comprendre cet argument en ce qu’il porte sur une erreur manifeste d’appréciation dans le calcul de la marge bénéficiaire.

248    Le Conseil soutient qu’il existe un lien entre le rendement adéquat du capital d’une industrie en particulier et les bénéfices qui peuvent être réalisés dans des conditions de marché normales et non faussées, en ce que les secteurs industriels à forte intensité de capital, qui nécessitent des investissements initiaux élevés, n’investiront que s’ils peuvent escompter un retour suffisant.

249    Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, s’agissant de l’évaluation d’une situation économique complexe, le Conseil jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans la détermination de la marge bénéficiaire appropriée. Le juge de l’Union doit donc limiter son contrôle à vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et l’absence de détournement de pouvoir (arrêts EFMA/Conseil, point 184 supra, point 57, et Ferchimex/Conseil, point 183 supra, point 67).

250    Au regard de ce qui précède, il convient d’examiner si le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation dans le calcul de la marge bénéficiaire.

251    Il convient de rappeler qu’il appartient aux requérantes de produire des éléments de preuve qui permettent au Tribunal de constater que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation au sens de la jurisprudence (voir point 185 ci-dessus).

252    Il ressort du considérant 158 du règlement attaqué :

« Il convient de préciser que le bénéfice indicatif mentionné dans la plainte a été examiné sur la base des réponses au questionnaire et des visites de vérification chez les producteurs de l’Union représentatifs. Le coût de l’investissement en machines a plus particulièrement été pris en considération. Il a été estimé que le bénéfice indicatif établi par cette dernière base rendait compte de l’investissement initial élevé nécessaire et des risques encourus dans cette industrie à forte densité capitalistique, en l’absence d’importation faisant l’objet d’un dumping ou de subventions. En conséquence, un bénéfice indicatif de 8 % est considéré comme étant le niveau que l’industrie pourrait atteindre en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping. Comme il a été expliqué plus haut au considérant 86, afin de garantir que les calculs du dumping et de la sous-cotation des prix et des prix de référence suivent une approche cohérente, ainsi que pour les raisons indiquées aux considérants 68 à 71, le calcul du niveau d’élimination du préjudice a été révisé afin d’exclure les ventes à l’exportation d’une société faisant partie du groupe d’un producteur-exportateur ayant coopéré. »

253    Il convient de constater que les requérantes contestent uniquement le fait que, dans le calcul de la marge bénéficiaire, la Commission a intégré des considérations relatives à la couverture des investissements et des risques encourus.

254    Il convient de relever que, lorsqu’elles utilisent la marge d’appréciation que leur confère le règlement de base, les institutions ne sont pas tenues d’expliquer en détail et à l’avance les critères qu’elles envisagent d’appliquer dans chaque situation, même dans le cas où elles posent de nouvelles options de principe (arrêt du Tribunal du 17 juillet 1998, Thai Bicycle/Conseil, T‑118/96, Rec. p. II‑32991, point 68 ; voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil, 250/85, Rec. p. 5683, points 28 et 29, et Nakajima/Conseil, point 96 supra, point 118).

255    En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission a tenu compte de plusieurs critères tels que les réponses au questionnaire, le coût de l’investissement, les risques encourus, la circonstance que l’industrie est à forte intensité capitalistique et l’exclusion des ventes à l’exportation d’une société faisant partie d’un producteur-exportateur ayant coopéré.

256    Ainsi que le relève le Conseil, les requérantes « ne prétendent […] pas que l’un quelconque de ces facteurs soit entaché d’erreur ou non fiable ».

257    Il convient de constater que les requérantes ne contestent pas l’assertion du Conseil selon laquelle « il existe de toute évidence un lien entre le rendement adéquat du capital d’une industrie en particulier et les bénéfices qui peuvent être réalisés dans des conditions de marché normales et non faussées ».

258    Toutefois, elles font valoir que « l’objectif de l’imposition de droits antidumping n’est pas de rétablir un prix à un niveau normal et non faussé, mais de le rétablir au niveau qui aurait pu être atteint en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping ».

259    À l’appui de leur argumentation, les requérantes renvoient à l’annexe A.28 de la requête, qui est constituée d’une note de la Commission, datée du 29 mars 2001, comportant l’objet « Subject : Profitability in the absence of injurious dumping » (Sujet : Bénéfice en l’absence de dumping préjudiciable), dans laquelle il est fait état de la méthodologie de la Commission pour retenir la marge bénéficiaire de 8 %.

260    Aucun élément ne permet de conclure que la Commission aurait poursuivi l’objectif d’imposer des droits antidumping afin de rétablir un prix à un niveau normal et non faussé.

261    Les requérantes font valoir que, au point 356 de la plainte antisubvention, Cepifine affirme que les fabricants européens au sein de l’association auraient pu escompter un bénéfice de 5 % en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping.

262    Il ne ressort toutefois pas davantage de cette plainte que la Commission a imposé des droits antidumping dans l’objectif de rétablir un prix à un niveau normal et non faussé.

263    Dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation, les institutions de l’Union ont considéré que le montant de la marge bénéficiaire, à hauteur de 8 %, a pu être atteint en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping.

264    Ainsi, il y a lieu de considérer que la Commission a clairement établi que le bénéfice indicatif de 8 % était considéré comme étant le niveau que l’industrie pourrait atteindre en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping (voir point 252 ci-dessus).

265    En tout état de cause, force est de constater que les requérantes se contentent de renvoyer aux éléments de preuve figurant dans le dossier administratif de l’affaire et ne fournissent aucun élément de nature à caractériser une quelconque erreur manifeste d’appréciation des institutions de l’Union en ce qu’elles auraient imposé des droits antidumping dans le seul objectif de rétablir un prix à un niveau normal et non faussé.

266    Partant, le grief doit être rejeté.

267    En troisième lieu, à l’appui de leur argumentation, les requérantes font valoir que, au cours de l’année 2005, soit avant la période d’enquête, la marge bénéficiaire moyenne des plaignants s’élevait à 2 %, alors que la marge pour calculer le bénéfice indicatif s’élevait à 2,88 % en 2009, soit au cours de la période d’enquête.

268    Le Conseil fait valoir que les institutions de l’Union n’ont pas pu s’appuyer sur les bénéfices réalisés par l’industrie de l’Union pendant la période considérée, car le secteur en cause enregistrait des pertes exceptionnelles imputables à des problèmes structurels. Il ressort du dossier que les requérantes n’ont pas contesté ces considérations.

269    Le considérant 116 du règlement attaqué mentionne :

« Les producteurs de l’Union représentatifs ont subi des pertes de 2006 à 2008, et la situation financière ne s’est assainie qu’en 2009, lorsque le prix sur le marché mondial de la pâte à papier, principale matière première, a exceptionnellement connu une chute significative sous l’effet du ralentissement économique. La chute du prix de la pâte à papier (– 19 %) a été d’une ampleur anormale, contribuant directement à l’amélioration de la situation financière au cours de la période d’enquête. Il est à noter que depuis lors, ces prix ont retrouvé leurs niveaux d’avant la période d’enquête. »

270    Le considérant 128 du règlement provisoire mentionne :

« L’enquête a toutefois révélé que l’industrie de l’Union avait subi des pertes au cours de la période considérée, notamment en 2008, malgré la restructuration des producteurs, parce que […] l’industrie de l’Union n’était pas encore en mesure d’augmenter ses prix à un niveau dépassant ses coûts. Cette situation était essentiellement due à la pression sur les prix exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping, qui entraînent une sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union. »

271    Il ressort du considérant 117 du règlement provisoire qu’« il a été provisoirement conclu que la poussée des importations à bas prix faisant l’objet d’un dumping en provenance de [Chine] avait eu une incidence extrêmement négative sur la situation économique de l’industrie de l’Union ».

272    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le montant de la marge bénéficiaire moyenne des plaignants, au cours de l’année 2005, tel qu’il est invoqué par les requérantes, ne suffit pas à lui seul à établir que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination de la marge bénéficiaire en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping avant la période d’enquête (voir, en ce sens, arrêt EFMA/Conseil, point 184 supra, point 89).

273    Partant, le grief doit être rejeté.

274    Il résulte de tout ce qui précède que le sixième moyen doit être rejeté.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 3, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base

275    À titre liminaire, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas que le papier fin couché utilisé par les machines à imprimer à feuilles n’est pas interchangeable avec les rouleaux pour presses à bobines.

276    Il convient également de relever que les requérantes ne contestent pas que les rouleaux utilisés par les presses à bobines ne sont pas interchangeables avec les rouleaux pour machines à imprimer à feuilles.

277    Il n’est pas davantage contesté par les requérantes que les rouleaux pour presses à bobines peuvent être utilisés sur les machines à imprimer à feuilles dotées de la technologie CutStar.

278    Les requérantes contestent la définition du produit concerné en ce que les institutions ont exclu les rouleaux pour presses à bobines et ont conclu qu’ils n’étaient pas interchangeables avec les rouleaux à couper.

279    Le Conseil soutient que les rouleaux pour presses à bobines doivent être exclus de la définition du produit concerné, parce que les différents types de papier présentent des caractéristiques physiques distinctes.

280    Le Conseil fait valoir que les différents types de papier ne sont pas interchangeables et que les institutions de l’Union ont défini le produit concerné comme étant le papier pour machines à feuilles, qu’il s’agisse de feuilles de papier ou de rouleaux utilisables avec les machines CutStar.

281    Ainsi, il convient d’examiner, pour caractériser l’interchangeabilité des produits, si les rouleaux pour presses à bobines peuvent être utilisés sur les machines à imprimer à feuilles dotées de la technologie CutStar et si les rouleaux pour machines à imprimer à feuilles peuvent être utilisés dans les presses à bobines.

282    Il ressort du considérant 16 du règlement attaqué que les requérantes ont fait valoir qu’il n’existait pas « de différence substantielle dans les caractéristiques fondamentales entre le papier fin couché en feuilles ou en rouleaux pouvant être utilisés sur les machines à imprimer à feuilles […] et celui qui se présente sous forme de rouleaux pouvant être utilisés sur les presses à bobines ».

283    À cet égard, les requérantes affirment avoir produit en annexe à la requête « des éléments de preuves concluants dont il ressort que les presses équipées du système CutStar peuvent utiliser les deux types de rouleaux ».

284    Aux termes du considérant 15 du règlement provisoire :

« Le [papier fin couché] est un papier ou carton de haute qualité, généralement utilisé pour imprimer du matériel de lecture tel que des magazines, des catalogues, des rapports annuels et des annuaires. Le produit concerné se présente sous la forme de feuilles ou de rouleaux pour machines à imprimer à feuilles (de type ‘CutStar’). Les rouleaux pour presses à feuilles (rouleaux à couper) sont conçus pour être coupés avant impression et sont donc considérés comme substituables aux feuilles et en concurrence directe avec celles-ci. »

285    Le considérant 16 du règlement provisoire mentionne que les rouleaux pour presses à bobines, exclus du produit concerné, sont « en général directement placés sur les machines et ne sont pas précoupés ».

286    Or, force est de constater que les requérantes se bornent à alléguer que les institutions de l’Union auraient commis une erreur manifeste d’appréciation dans la définition du produit concerné sans toutefois apporter d’éléments à l’appui de leur argumentation.

287    En effet, les requérantes n’apportent aucun élément de nature à démontrer que le papier fin couché en rouleaux pourrait être utilisé sur les presses à bobines, que ce soit au regard des caractéristiques physiques ou techniques, telles que la résistance à l’arrachage, ou de l’interchangeabilité du point de vue économique.

288    Selon une jurisprudence constante, la définition du produit concerné dans le cadre d’une enquête antidumping a pour objet d’aider à l’élaboration de la liste des produits qui, le cas échéant, feront l’objet de l’imposition des droits antidumping. Aux fins de cette opération, les institutions de l’Union peuvent tenir compte de plusieurs facteurs, tels que, notamment, les caractéristiques physiques, techniques et chimiques des produits, leur usage, leur interchangeabilité, la perception qu’en a le consommateur, les canaux de distribution, le processus de fabrication, les coûts de production et la qualité [arrêts du Tribunal du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, Rec. p. II‑5005, point 138 ; du 17 décembre 2010, EWRIA e.a./Commission, T‑369/08, Rec. p. II‑6283, point 82, et du 10 octobre 2012, Gem-Year et Jinn-Well Auto-Parts (Zhejiang)/Conseil, T‑172/09, point 59].

289    Aux termes du considérant 18 du règlement provisoire :

« [L]’enquête a confirmé que le papier pour presses à bobines et celui pour machines à feuilles présentaient des caractéristiques techniques et physiques distinctes, telles que l’humidité et la rigidité. L’enquête a en outre confirmé que les caractéristiques techniques énumérées au considérant 16 […] étaient propres aux rouleaux pour presses à bobines. En raison de ces différences, le papier pour presses à bobines et celui pour machines à feuilles ne peuvent être utilisés sur le même type de machines à imprimer et ne sont pas interchangeables. Il convient d’observer que toutes les parties sont convenues que les deux types de papier se différenciaient par leur résistance de surface et leur résistance à la traction. »

290    Or, il ressort du considérant 29 du règlement attaqué que « les critères énoncés aux considérants 16 et 18 du règlement provisoire […] n’ont pas été contestés ».

291    Il convient en outre de relever, ainsi qu’il ressort du considérant 42 du règlement attaqué, qu’aucun commentaire n’a été reçu en ce qui concerne la détermination du produit similaire.

292    Partant, les dispositions du règlement de base relatives à la définition du produit concerné n’ont pas été méconnues, de sorte que le présent grief doit être rejeté.

293    En ce qui concerne la définition de l’industrie de l’Union et la qualité pour agir au titre de la procédure antidumping, les requérantes font valoir que la définition erronée du produit concerné a été utilisée aux fins de définir l’industrie de l’Union fabriquant le produit similaire et d’évaluer le préjudice subi par cette industrie.

294    Il ressort du considérant 83 du règlement attaqué que, « [e]n l’absence de tout autre commentaire sur la production de l’Union, les considérants 77 à 79 du règlement provisoires [ont été] confirmés ».

295    Aux termes du considérant 79 du règlement provisoire :

« Comme il est mentionné au considérant 17 […], une partie intéressée a allégué que le [papier fin couché] pour presses à bobines aurait dû être inclus dans le champ de la présente enquête. Sur cette base, la partie a soutenu que l’industrie de l’Union n’aurait pas qualité pour agir en tant que plaignante dans la présente procédure. Cependant, à la lumière des conclusions exposées aux considérants 20 et 22 […], à savoir que le [papier fin couché] pour presses à bobines et celui pour machines à feuilles sont deux produits différents, cet argument a dû être rejeté. »

296    Ainsi que le relève le Conseil, le moyen ne mériterait d’être examiné que si la définition du produit concerné était erronée.

297    Or, il résulte de ce qui précède que les institutions de l’Union n’ont pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans la définition du produit concerné.

298    Ainsi, le présent grief est privé de sa prémisse.

299    Au surplus, force est de constater que les requérantes se bornent à alléguer que les institutions de l’Union auraient méconnu l’article 4, paragraphe 1, l’article 3 et l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base, sans toutefois apporter d’éléments à l’appui de leur argumentation.

300    Partant, le présent grief doit être rejeté.

301    En ce qui concerne la méconnaissance de l’article 296 TFUE, les requérantes font valoir que les institutions de l’Union n’ont pas satisfait à leur obligation de motivation du règlement attaqué dès lors que le silence desdites institutions sur l’interchangeabilité des deux produits en cause, lorsqu’ils sont utilisés sur des machines dotées d’un équipement du type CutStar, a empêché les requérantes de défendre efficacement devant le Tribunal leur allégation selon laquelle le système CutStar rend interchangeables les rouleaux pour presses à bobines et les rouleaux à couper et de contester une décision importante qui avait une incidence considérable sur la qualité pour agir et l’évaluation du préjudice ainsi que sur le résultat de l’enquête.

302    Il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt de la Cour du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 147, et la jurisprudence citée).

303    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 302 supra, point 146, et la jurisprudence citée).

304    Ainsi, dans le cadre de décisions individuelles, il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motiver une décision individuelle a pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 302 supra, point 148, et la jurisprudence citée).

305    Il convient de considérer que le grief tiré de la circonstance selon laquelle le règlement attaqué ne serait pas motivé ou serait insuffisamment motivé en raison de l’éventuel silence des institutions de l’Union sur l’interchangeabilité des produits en cause n’est pas fondé.

306    En effet, les institutions de l’Union ont examiné la circonstance selon laquelle le papier fin couché en feuilles ou en rouleaux pour machines à feuilles et les rouleaux pour presses à bobines constituaient des groupes différents et n’étaient pas interchangeables (considérant 17 du règlement attaqué), tant du point de vue des caractéristiques physiques et techniques, le considérant 17 du règlement attaqué confirmant le considérant 18 du règlement provisoire qui renvoie lui-même au considérant 16 du règlement provisoire, notamment en ce qui concerne la résistance à l’arrachage ainsi que la rigidité comme critères distinctifs pertinents (considérants 16 et 29 du règlement attaqué), que d’un point de vue économique, le considérant 17 du règlement attaqué confirmant le considérant 20 du règlement provisoire.

307    Ainsi, les institutions de l’Union n’ont pas violé l’article 296 TFUE dans la mesure où les requérantes pouvaient clairement identifier les éléments pris en compte dans le règlement attaqué pour conclure au défaut d’interchangeabilité des rouleaux à couper pour machines à feuilles et des rouleaux pour presses à bobines.

308    Partant, le grief doit être rejeté.

309    En conséquence, il résulte de tout ce qui précède que le septième moyen doit être rejeté.

 Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 7, du règlement de base

310    Premièrement, les requérantes font valoir que, en vertu du principe de non-imputation, le règlement attaqué est entaché d’un défaut de motivation dès lors que les institutions de l’Union n’ont pas fourni d’explications pertinentes ni une motivation suffisante en ce qui concerne le fait que le prix non préjudiciable n’excédait pas ce qui était nécessaire pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l’objet de dumping.

311    Or, il convient de relever que les institutions de l’Union ont clairement motivé le résultat du test de non-imputation dès lors qu’elles ont procédé à l’évaluation de l’incidence d’autres facteurs sur le préjudice, tels que l’évolution de la consommation sur le marché de l’Union (considérants 137 et 138 du règlement attaqué et considérants 118 et 119 du règlement provisoire), le prix des matières premières (considérant 139 du règlement attaqué et considérants 120 à 122 du règlement provisoire), les résultats à l’exportation de l’industrie de l’Union (considérants 140 à 142 du règlement attaqué et considérants 123 et 124 du règlement provisoire), les importations en provenance d’autres pays tiers (considérant 143 du règlement attaqué et considérants 125 à 127 du règlement provisoire) ainsi que la surcapacité structurelle (considérants 144 et 145 du règlement attaqué et considérant 128 du règlement provisoire).

312    Ainsi, il y a lieu de considérer que les institutions de l’Union ont clairement motivé le fait que les autres facteurs ne pouvaient se voir imputer le préjudice causé par les importations faisant l’objet de dumping et que, par conséquent, le prix non préjudiciable avait été déterminé afin de ne pas excéder ce qui était nécessaire pour éliminer le préjudice causé par ces importations.

313    Les requérantes font également valoir que les institutions de l’Union ne se sont pas assurées que le préjudice imputable à des facteurs autres que le dumping n’était pas entré en ligne de compte dans la détermination du niveau du droit institué à l’encontre de leurs importations, alors qu’incombe auxdites institutions la charge de démontrer qu’elles ont procédé à une analyse de non-imputation.

314    Il y a lieu de constater que les requérantes font simplement remarquer que le niveau des droits institués s’élève à 20 % et que le prix non préjudiciable sur la base duquel ce taux a été calculé a été obtenu en ajoutant une marge bénéficiaire de 8 % aux coûts de production.

315    Ainsi que le relève le Conseil, les requérantes ne contestent pas dans son principe l’approche adoptée par les institutions de l’Union concernant le bénéfice indicatif et ne contestent pas non plus que celui-ci soit fixé au niveau que l’industrie de l’Union pourrait réaliser en l’absence d’importations faisant l’objet d’un dumping.

316    À cet égard, il convient de rappeler que les requérantes ne contestent pas la fiabilité de ces éléments.

317    Il convient ainsi de relever que les requérantes ne contestent pas le niveau des droits institués dès lors qu’elles se contentent de rappeler le calcul de la marge de préjudice tel qu’il est mentionné au considérant 165 du règlement attaqué.

318    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que les institutions de l’Union, conformément à l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, ont examiné l’incidence des autres facteurs connus susceptibles d’avoir causé un préjudice à l’industrie de l’Union et ont constaté qu’aucun d’entre eux n’était de nature à rompre le lien de causalité établi entre les importations en provenance de Chine faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie de l’Union (considérants 137 à 145 du règlement attaqué et considérants 118 à 128 du règlement provisoire). Ainsi, les institutions de l’Union ont rempli les conditions nécessaires pour prendre les mesures en cause.

319    Partant, le grief doit être rejeté.

320    Deuxièmement, les requérantes soutiennent que les institutions de l’Union ont sommairement rejeté toutes les causes de préjudice qui leur avaient été présentées lors de l’enquête et autres que les importations faisant l’objet d’un dumping.

321    À cet égard, les requérantes se contentent de faire valoir, à titre d’exemple, que le préjudice subi ne peut être imputé en totalité aux importations en provenance de Chine dès lors que, en présence d’une perte de part de marché de 5 % au cours de la période d’enquête, les importations chinoises n’ont augmenté que de 3 %, ce qui signifie qu’un autre concurrent a gagné la part de marché perdue par l’industrie de l’Union à hauteur de 2 %. Ainsi, les requérantes ne sont pas les seules responsables de la perte de part de marché et du préjudice en résultant.

322    Dans la mesure où il s’agit d’un argument des requérantes, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le Conseil et la Commission ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’ils entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs (arrêt de la Cour du 11 juin 1992, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑3813, point 16, et arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, Rec. p. II‑7359, point 188).

323    Il convient également de rappeler que la question de savoir si des facteurs autres que les importations faisant l’objet d’un dumping ont contribué au préjudice subi par l’industrie de l’Union suppose l’évaluation de questions économiques complexes pour laquelle les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, ce qui implique que le juge de l’Union ne peut exercer qu’un contrôle restreint sur cette évaluation (arrêt CHEMK et KF/Conseil, point 322 supra, point 189).

324    Par ailleurs, il appartient aux requérantes de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice [voir arrêts Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, point 122 supra, point 119, et Moser Baer India/Conseil, point 185 supra, point 140, et la jurisprudence citée ; arrêt Since Hardware (Guangzhou)/Conseil, point 182 supra, point 137].

325    Il y a lieu de déduire de cette jurisprudence que l’évaluation du préjudice prend en compte toutes les conditions de détermination dudit préjudice, lien de causalité inclus.

326    Or, les requérantes se bornent à formuler de simples allégations, de surcroît à titre d’exemple.

327    Ainsi, force est de constater que les requérantes ne produisent aucun élément de preuve à l’appui de leur argument de nature à démontrer que les institutions de l’Union auraient commis une erreur d’appréciation dans la détermination du lien de causalité.

328    À titre surabondant, ainsi que le relève le Conseil, il convient de relever que les requérantes ne contestent pas les conclusions tirées des considérants 125 à 127 du règlement provisoire selon lesquelles les importations en provenance d’autres pays tiers n’ont pas contribué au préjudice important subi par l’industrie de l’Union.

329    Troisièmement, en ce qui concerne la dégradation des résultats à l’exportation de l’industrie de l’Union, les requérantes contestent l’affirmation des institutions de l’Union selon laquelle cette dégradation n’est pas la cause principale du préjudice subi par les producteurs et, par conséquent, ne rompt pas le lien de causalité.

330    Ainsi que le relève le Conseil, les résultats à l’exportation de l’industrie de l’Union ont atténué les effets préjudiciables des importations faisant l’objet d’un dumping.

331    En effet, le considérant 123 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 141 du règlement attaqué, mentionne notamment :

« Comme les exportations jouent un rôle essentiel dans le maintien d’un taux élevé d’utilisation des capacités permettant de couvrir les importants coûts fixes des investissements en machines, il a été considéré qu’en dépit de la dégradation des résultats à l’exportation, elles avaient eu un effet globalement positif. Il est donc estimé que, même si la baisse des activités à l’exportation peut avoir contribué à la dégradation globale de la situation de l’industrie de l’Union, celles-ci ont par contre atténué les pertes subies sur le marché de l’Union et ne sont par conséquent pas de nature à [rompre] le lien de causalité établi entre les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance de [Chine] et le préjudice subi par l’industrie de l’Union. »

332    À cet égard, force est de constater que les requérantes ne produisent aucun élément de preuve de nature à démontrer que les institutions de l’Union auraient commis une erreur d’appréciation dans la détermination du lien de causalité.

333    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le huitième moyen dans son ensemble.

334    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

335    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil, Cepifine, Sappi Europe, Burgo Group et Lecta, conformément aux conclusions de ces derniers.

336    La Commission supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Gold East Paper (Jiangsu) Co. Ltd et Gold Huasheng Paper (Suzhou Industrial Park) Co. Ltd supporteront, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne, Cepifine AISBL, Sappi Europe SA, Burgo Group SpA et Lecta SA.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2014.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

1.  Droit de l’OMC

2.  Droit de l’Union européenne

Antécédents du litige

1.  Enquête

2.  Règlement attaqué

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la portée du chef de conclusions en annulation

2.  Sur les moyens relatifs aux demandes de SEM des requérantes

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, en ce que la décision de ne pas accorder le SEM aux requérantes aurait été prise en fonction de ce que la Commission savait de l’effet d’un tel rejet sur leur marge de dumping

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation d’une forme substantielle, prévue à l’article 2, paragraphe 7, sous c), second alinéa, du règlement de base, ainsi que des droits de la défense

Sur la première branche, portant sur la consultation effective du comité consultatif antidumping

Sur la seconde branche, portant sur la violation des droits de la défense

Sur le troisième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’application de l’article 2, paragraphe 7, sous c), premier alinéa, du règlement de base et d’un défaut de motivation

Observations liminaires

Sur le prétendu défaut de motivation

Sur la troisième branche, portant sur le troisième critère d’octroi du SEM

–  Sur les droits d’utilisation du sol

–  Sur les prêts

Sur le quatrième moyen, tiré du déroulement inéquitable et partial de l’enquête et d’une charge de la preuve excessive

Sur la première branche, portant sur une prétendue violation du principe de bonne administration

Sur la seconde branche, portant sur une prétendue violation de l’article 18, paragraphes 1, 3 et 6, du règlement de base.

3. Sur les moyens relatifs à l’évaluation du préjudice

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base

Sur la première branche, portant sur la prétendue absence de justification de l’exclusion d’un producteur finlandais aux fins de l’évaluation du préjudice

Sur la seconde branche, portant sur les modalités de la prétendue évaluation des indicateurs de préjudice microéconomiques basée sur quatre producteurs représentatifs de l’Union

Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base

Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 3, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base

Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 7, du règlement de base

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.