Language of document : ECLI:EU:C:2021:779

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ATHANASIOS RANTOS

présentées le 30 septembre 2021 (1)

Affaire C257/20

« Viva Telecom Bulgaria » EOOD

contre

Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika »  Sofia

en présence de

Varhovna administrativna prokuratura na Republika Bulgaria

[demande de décision préjudicielle formée par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité directe – Régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents – Article 63 TFUE – Libre circulation de capitaux – Article 49 TFUE – Liberté d’établissement – Directive 2003/49/CE – Exclusion de certains paiements en tant qu’intérêts ou redevances – Paiements de prêts sans intérêt – Directive 2011/96/UE – Directive 2008/7/CE – Principe de pleine concurrence – Soumission à une retenue à la source des intérêts non payés – Fraude, évasion et abus en matière fiscale »






I.      Introduction

1.        La présente affaire porte sur le point de savoir si le droit de l’Union s’oppose à une législation fiscale d’un État membre qui prévoit, en application du « principe de pleine concurrence » et en vue de la lutte contre l’évasion fiscale, la taxation sous forme d’une retenue à la source des intérêts fictifs qu’une filiale résidente ayant bénéficié d’un prêt sans intérêt octroyé par sa société mère non-résidente aurait, selon les conditions de marché, été tenue de verser à cette dernière. Ce faisant, cette affaire soulève une problématique connue de la Cour, qui est celle de la compatibilité avec les dispositions relatives à la libre circulation des législations nationales « anti-abus » prises en matière d’impôts directs.

2.        La présente demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige fiscal bulgare concernant un prêt sans intérêt convertible en apport en capital qui a été octroyé à une société établie en Bulgarie, à savoir « Viva Telecom Bulgaria » (ci-après la « requérante »), par son actionnaire unique, une société établie au Luxembourg, InterV Investment Sàrl (ci-après « InterV Investment »).

3.        La présente affaire amènera la Cour à se prononcer sur la conformité d’une législation fiscale nationale visant à combattre la fraude avec le droit primaire et le droit dérivé de l’Union dans le domaine très sensible de l’imposition des transactions intragroupes au sein de l’Union européenne.

II.    Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      L’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union européenne

4.        L’article 20 du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne (2) et l’article 23 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (3), portant sur les mesures transitoires, prévoient que les mesures énumérées aux annexes VI de ce protocole et de cet acte sont applicables à la République de Bulgarie dans les conditions définies dans ces annexes.

5.        Lesdites annexes, intitulées, respectivement, « Liste visée à l’article 20 du protocole : mesures transitoires – Bulgarie » et « Liste visée à l’article 23 de l’acte d’adhésion : mesures transitoires – Bulgarie », mentionnent, aux points 3 de leurs sections 6, intitulées « Fiscalité », la directive 2003/49/CE (4), telle que modifiée par la directive 2004/76/CE (5), et précisent ce qui suit :

« La Bulgarie est autorisée à ne pas appliquer les dispositions de l’article 1er de la [directive 2003/49] jusqu’au 31 décembre 2014. Pendant cette période transitoire, le taux de l’impôt sur les paiements d’intérêts ou de redevances effectués en faveur d’une société associée d’un autre État membre ou en faveur d’un établissement stable d’une société associée d’un État membre situé dans un autre État membre ne doit pas dépasser 10 % jusqu’au 31 décembre 2010 et 5 % pour les années suivantes jusqu’au 31 décembre 2014. »

2.      La directive 2003/49

6.        Les considérants 2 et 4 de la directive 2003/49 sont ainsi libellés :

« (2)      Cette exigence n’est pas satisfaite actuellement en ce qui concerne les paiements d’intérêts et de redevances. Les législations fiscales nationales, combinées, le cas échéant, avec les conventions bilatérales ou multilatérales, ne peuvent pas toujours assurer l’élimination des doubles impositions et leur application entraîne souvent des formalités administratives trop lourdes et des charges de trésorerie pour les entreprises concernées.

[...]

(4)      La suppression de toute imposition sur les paiements d’intérêts et de redevances dans l’État membre d’où ces paiements proviennent, que cette imposition soit perçue par voie de retenue à la source ou recouvrée par voie de rôle, constitue la solution la plus appropriée pour éliminer les formalités et les problèmes susmentionnés et réaliser l’égalité de traitement fiscal entre opérations nationales et opérations transfrontalières. Il est en particulier nécessaire de supprimer les impositions grevant ces paiements lorsqu’ils sont effectués entre sociétés associées d’États membres différents ou entre des établissements stables de ces sociétés. »

7.        L’article 1er de cette directive, intitulé « Champ d’application et procédure », prévoit :

« 1.      Les paiements d’intérêts et de redevances échus dans un État membre sont exonérés de toute imposition, retenue à la source ou recouvrée par voie de rôle, dans cet État d’origine, lorsque le bénéficiaire des intérêts ou redevances est une société d’un autre État membre ou un établissement stable, situé dans un autre État membre, d’une société d’un État membre.

2.      Un paiement effectué par une société d’un État membre ou par un établissement stable situé dans un autre État membre est réputé échu dans cet État membre, ci-après dénommé “État d’origine”.

[...]

4.      Une société d’un État membre n’est considérée comme bénéficiaire des intérêts ou des redevances que si elle les perçoit pour son compte propre et non comme représentant, par exemple comme administrateur fiduciaire ou signataire autorisé, d’une autre personne.

[...] »

8.        L’article 2 de ladite directive, intitulé « Définition des intérêts et des redevances », énonce, sous a) :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

“intérêts” : les revenus des créances de toute nature, assorties ou non de garanties hypothécaires ou d’une clause de participation aux bénéfices du débiteur, et notamment les revenus d’obligations ou d’emprunts, y compris les primes et lots attachés à ces obligations ou emprunts. Les pénalités pour paiement tardif ne sont pas considérées comme des intérêts. »

9.        L’article 4 de la même directive, intitulé « Exclusion de certains paiements en tant qu’intérêts ou redevances », dispose :

« 1.      L’État membre d’origine n’est pas tenu de faire bénéficier des avantages de la présente directive dans les cas suivants :

a)      les paiements assimilés à des distributions de bénéfices ou à un remboursement de capital en vertu de la législation de l’État d’origine ;

[...]

d)      les paiements résultant de créances ne prévoyant pas le remboursement du principal ou pour lesquelles le remboursement est dû plus de 50 ans après la date d’émission.

2.      Lorsqu’en raison des relations spéciales existant entre le payeur et le bénéficiaire effectif des intérêts ou des redevances, ou de celles que l’un et l’autre entretiennent avec un tiers, le montant des intérêts ou des redevances excède le montant dont seraient convenus le payeur et le bénéficiaire effectif en l’absence de telles relations, les dispositions de la présente directive ne s’appliquent qu’à ce dernier montant. »

10.      Aux termes de l’article 5 de la directive 2003/49, intitulé « Fraudes et abus » :

« 1.      La présente directive ne fait pas obstacle à l’application des dispositions nationales ou des dispositions fondées sur des conventions, qui sont nécessaires pour prévenir les fraudes ou les abus.

2.      Les États membres peuvent, dans le cas d’opérations dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la fraude ou l’évasion fiscale ou les abus, retirer le bénéfice de la présente directive ou refuser d’appliquer celle-ci. »

3.      La directive 2008/7/CE

11.      Aux termes de l’article 3 de la directive 2008/7/CE (6), intitulé « Apports de capital » :

« Aux fins de la présente directive, sous réserve des dispositions de l’article 4, sont considérées comme des apports de capital les opérations suivantes :

[...]

h)      l’augmentation de l’avoir social d’une société de capitaux au moyen de prestations effectuées par un associé qui n’entraînent pas une augmentation du capital social, mais qui trouvent leur contrepartie dans une modification des droits sociaux ou bien qui sont susceptibles d’augmenter la valeur des parts sociales ;

i)      l’emprunt que contracte une société de capitaux, si le créancier a droit à une quote-part des bénéfices de la société ;

j)      l’emprunt que contracte une société de capitaux auprès d’un associé, du conjoint ou d’un enfant d’un associé, ainsi que celui contracté auprès d’un tiers, lorsqu’il est garanti par un associé, à la condition que ces emprunts aient la même fonction qu’une augmentation du capital social. »

12.      L’article 5 de cette directive, intitulé « Opérations non soumises à la fiscalité indirecte », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres exonèrent les sociétés de capitaux de toute forme d’imposition indirecte :

a)      sur les apports de capital ;

b)      sur les prêts ou prestations effectués dans le cadre d’apports de capital ;

[...] »

4.      La directive 2011/96/UE

13.      Les considérants 3 à 5 de la directive 2011/96/UE (7) sont ainsi libellés :

« (3)      L’objectif de la présente directive est d’exonérer de retenue à la source les dividendes et autres bénéfices distribués par des filiales à leur société mère, et d’éliminer la double imposition de ces revenus au niveau de la société mère.

(4)      Les regroupements de sociétés d’États membres différents peuvent être nécessaires pour créer dans l’Union des conditions analogues à celles d’un marché intérieur et pour assurer ainsi le bon fonctionnement d’un tel marché intérieur. Ces opérations ne devraient pas être entravées par des restrictions, des désavantages ou des distorsions découlant en particulier des dispositions fiscales des États membres. Il importe, par conséquent, de prévoir pour ces regroupements des règles fiscales neutres au regard de la concurrence afin de permettre aux entreprises de s’adapter aux exigences du marché intérieur, d’accroître leur productivité et de renforcer leur position concurrentielle sur le plan international.

(5)      Les regroupements en question peuvent aboutir à la création de groupes de sociétés mères et filiales. »

14.      Aux termes de l’article 1er de cette directive :

« 1.      Chaque État membre applique la présente directive :

[...]

b)      aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet État membre à des sociétés d’autres États membres dont elles sont les filiales ;

[...]

2.      Les États membres n’accordent pas les avantages de la présente directive à un montage ou à une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité de la présente directive, n’est pas authentique compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents.

Un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties.

3.      Aux fins du paragraphe 2, un montage ou une série de montages est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique.

4.      La présente directive ne fait pas obstacle à l’application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires pour prévenir la fraude fiscale ou les abus. »

15.      L’article 5 de ladite directive énonce :

« Les bénéfices distribués par une filiale à sa société mère sont exonérés de retenue à la source. »

B.      Le droit bulgare

16.      L’article 1er, point 4, du zakon za korporativnoto podohodno oblagane (loi sur l’imposition des revenus des personnes morales ) (8) (ci-après la « ZKPO ») dispose :

« La présente loi régit la taxation des revenus qu’elle vise, perçus en République de Bulgarie par des personnes morales résidentes ou non résidentes. »

17.      Aux termes de l’article 5 de la ZKPO :

« 1.      Les bénéfices sont assujettis à l’impôt sur les sociétés.

2.      Les revenus des personnes morales résidentes ou non‑résidentes visées dans la présente loi sont assujettis à un impôt, lequel est prélevé à la source. »

18.      L’article 12, paragraphe 5, de la ZKPO énonce :

« Lorsqu’ils sont perçus par des personnes morales résidentes, des entrepreneurs individuels résidents ou bien par des personnes morales non‑résidentes ou des entrepreneurs individuels non-résidents au moyen d’un établissement stable ou d’une implantation concrète dans le pays, ou lorsqu’ils sont versés à des personnes morales non‑résidentes par des personnes physiques résidentes ou par des personnes physiques non‑résidentes disposant d’une implantation concrète, les revenus suivants sont de source nationale :

1)      les intérêts, y compris les intérêts inclus dans les remboursements d’un crédit‑bail ;

[...] »

19.      Intitulé « Évasion fiscale », l’article 16 de la ZKPO prévoit :

« 1.      ([...] en vigueur à partir du 1er janvier 2010) Lorsqu’une ou plusieurs opérations, y compris entre personnes non apparentées, sont conclues à des conditions dont la réalisation donne lieu à évasion fiscale, la base d’imposition est établie sans prendre en considération ces opérations, certaines de leurs conditions ou leur forme juridique, mais est prise en considération la base d’imposition qui aurait été obtenue si une opération habituelle de ce type avait été réalisée conformément aux prix du marché et visant à atteindre le même résultat économique, mais sans donner lieu à évasion fiscale.

2.      On entend également par évasion fiscale :

[...]

3)      l’obtention ou l’octroi de crédits à un taux d’intérêt s’écartant du taux du marché au moment de la conclusion de l’opération, y compris lorsqu’il s’agit de prêts sans intérêt ou d’une autre aide financière gratuite temporaire ainsi que l’annulation de crédits ou le remboursement pour son compte de crédits non liés à l’activité ;

[...] »

20.      L’article 20 de la ZKPO, intitulé « Taux d’imposition », dispose :

« Le taux d’imposition de l’impôt sur les sociétés est de 10 %. »

21.      La troisième partie de la ZKPO, intitulée « Impôt retenu à la source », comprend, notamment, les articles 195 à 202a.

22.      L’article 195 de la ZKPO, intitulé « Impôt retenu à la source de personnes non résidentes », prévoit :

« 1.      ([...] en vigueur à partir du 1er janvier 2011) Les revenus que les personnes morales non résidentes tirent de sources nationales [...] sont soumis à un impôt à la source définitif.

2.      L’impôt à la source prévu au paragraphe 1 est retenu par les personnes morales résidentes [...] versant les revenus aux personnes morales non résidentes [...]

[...]

6.      Ne sont pas soumis à l’impôt à la source :

[...]

3)      ([...] en vigueur à partir du 1er janvier 2015) les revenus tirés des intérêts, des rémunérations de droits d’auteur et de licences, dans les conditions visées aux paragraphes 7 à 12 ;

[...]

7.      ([...] en vigueur à partir du 1er janvier 2015) Les revenus tirés des intérêts, des rémunérations de droits d’auteur et de licences ne sont pas soumis à un impôt à la source lorsque les conditions suivantes sont remplies simultanément :

[...]

11.      ([...] en vigueur à partir du 1er janvier 2015) Les paragraphes 7, 8, 9 et 10 ne s’appliquent pas aux :

1)      revenus qui représentent une distribution de bénéfices ou un remboursement de capital ;

[...]

4)      revenus de créances résultant d’une dette pour lesquelles aucune clause ne prévoit le remboursement du principal ou pour lesquelles le remboursement est dû plus de 50 ans après la date d’émission de la dette ;

[...]

7)      revenus d’opérations dont le principal motif ou l’un des principaux motifs est l’évasion fiscale ou l’élimination de l’imposition. »

23.      L’article 199 de la ZKPO, intitulé « Base d’imposition de l’impôt retenu à la source sur les revenus de personnes non-résidentes », énonce, à son paragraphe 1 :

« La base d’imposition permettant de déterminer l’impôt retenu à la source concernant les revenus visés à l’article 195, paragraphe 1, correspond au montant brut de ces revenus [...] »

24.      L’article 200 de la ZKPO, intitulé « Taux d’imposition », disposait, à son paragraphe 2, dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2011 :

« [...] Le taux d’imposition de l’impôt sur le revenu visé à l’article 195 est de 10 %, à l’exception des cas visés à l’article 200a. »

25.      À compter du 1er janvier 2015, cette disposition a été modifiée comme suit :

« [...] Le taux d’imposition de l’impôt sur le revenu visé à l’article 195 est de 10 %. »

26.      L’article 200a de la ZKPO, dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2011, tel que modifié et complété à compter du 1er janvier 2014, prévoyait, jusqu’à son abrogation avec effet au 1er janvier 2015 :

« 1.      Le taux d’imposition de l’impôt sur le revenu des intérêts, des rémunérations de droits d’auteur et de licences est de 5 %, lorsque les conditions suivantes sont remplies simultanément ;

[...]

5.      Les paragraphes 1 à 4 ne s’appliquent pas aux :

1)      revenus qui représentent une distribution de bénéfices ou un remboursement de capital ;

[...]

4)      revenus de créances résultant d’une dette pour lesquelles aucune clause ne prévoit le remboursement du principal ou pour lesquelles le remboursement est dû plus de 50 ans après la date d’émission de la dette ;

[...] »

27.      L’article 202a, intitulé « Recalcul de l’impôt retenu à la source », dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2010, dispose, à ses paragraphes 1 à 4 (9) :

« 1.      [...] Une personne morale non-résidente qui est résidente fiscale d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État de l’Espace économique européen a le droit d’opter pour le recalcul de l’impôt retenu à la source s’agissant des revenus visés à l’article 12, paragraphes 2, 3, 5 et 8. Lorsque la personne non-résidente opte pour le recalcul de l’impôt retenu à la source, le recalcul concerne tous les revenus visés à l’article 12, paragraphes 2, 3, 5 et 8 qu’elle a perçus pendant l’exercice.

2.      Lorsque la personne non-résidente opte pour le recalcul de l’impôt retenu à la source s’agissant des revenus qu’elle perçoit, l’impôt recalculé équivaut à l’impôt sur les sociétés qui aurait été dû sur ces revenus s’ils avaient été perçus par une personne morale résidente. Lorsque la personne non-résidente a réalisé des dépenses liées aux revenus au sens de la première phrase sur lesquelles un impôt sur les dépenses aurait été dû si elles avaient été réalisées par une personne morale résidente, le montant de l’impôt recalculé est augmenté de cet impôt.

3.      Lorsque le montant de la retenue à la source prévue à l’article 195, paragraphe 1, dépasse le montant de l’impôt recalculé conformément au paragraphe 2, la différence doit être remboursée jusqu’au montant de la retenue à la source prévu à l’article 195, paragraphe 1, que la personne non-résidente ne peut pas déduire de l’impôt dû dans son État de résidence.

4.      La déclaration fiscale annuelle déposée indique s’il est opté pour le recalcul de l’impôt retenu à la source. Le non-résident dépose sa déclaration fiscale à la Teritorialna direktsia na Natsionalna agentsia za prihodite – Sofia [direction territoriale de l’Agence nationale des recettes publiques pour la ville de Sofia, Bulgarie], jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle de la perception des revenus. »

III. Le litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

28.      Le 22 novembre 2013, la requérante a conclu, en tant qu’emprunteur, une convention de prêt avec son actionnaire unique, à savoir InterV Investment, par laquelle ce dernier, en tant que prêteur, lui a accordé un prêt convertible sans intérêt, dont l’échéance devait expirer 60 années à compter de la date d’entrée en vigueur de cette convention (ci-après le « prêt litigieux »). Ladite convention prévoyait que l’obligation de l’emprunteur de rembourser le prêt s’éteindrait à tout moment après la date de l’octroi du financement si l’emprunteur prenait la décision de réaliser un apport en nature du montant dû du prêt à son capital.

29.      Par décision du 16 octobre 2017, la Teritorialna direktsia na Natsionalnata agentsia za prihodite (direction territoriale de l’Agence nationale de collecte des revenus, Bulgarie) (ci-après l’« administration fiscale ») a procédé à un redressement fiscal de la requérante, en lui imposant, en vertu de l’article 195, paragraphe 2, de la ZKPO, le paiement d’un impôt à la source concernant certains revenus d’intérêts versés à InterV Investment, portant sur la période comprise entre le 14 février 2014 et le 31 mars 2015.

30.      Ayant établi que, à la date du contrôle fiscal, le prêt litigieux n’avait pas été transformé en capital (10) et que l’emprunteur n’avait ni remboursé ce prêt ni payé des intérêts, l’administration fiscale a conclu à l’existence d’une opération donnant lieu à une « évasion fiscale », au sens de l’article 16, paragraphe 2, point 3, de la ZKPO, lequel qualifie comme telle l’obtention ou l’octroi de crédits à un taux d’intérêt s’écartant du taux du marché au moment de la conclusion de l’opération, y compris lorsqu’il s’agit de prêts sans intérêt. L’administration fiscale a établi, dans sa décision, le taux d’intérêt du marché à appliquer au prêt afin de calculer les intérêts non payés par l’emprunteur avant d’opérer sur ceux-ci une retenue à la source de 10 %.

31.      Par jugement du 29 mars 2019, l’Administrativen sad Sofia (tribunal administratif de Sofia, Bulgarie), saisi d’un recours par la requérante visant à contester la légalité de la décision litigieuse, a rejeté celui-ci en considérant que le prêt litigieux était un actif financier de cette société ayant généré un bénéfice en raison du non-paiement d’intérêts, tandis que le prêteur avait, pour sa part, subi une perte économique en raison de la non-perception de ces intérêts. Selon cette juridiction, le montant emprunté a été utilisé pour rembourser certaines obligations financières de l’emprunteur énoncées dans la convention de prêt et ne constituait donc pas un élément du capital propre.

32.      La requérante a formé un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie) visant à l’annulation de ce jugement.

33.      À l’appui de ce pourvoi, la requérante a fait valoir que la retenue à la source a été prélevée sur des revenus d’intérêts fictifs sans tenir compte de l’existence prouvée d’un intérêt commercial aux fins de l’octroi d’un prêt sans intérêt. Elle soutient également qu’elle n’avait pas les moyens de payer les intérêts du prêt litigieux et que InterV Investment était le seul propriétaire du capital à la date de la conclusion de la convention portant sur ce prêt. Elle a également soutenu que l’article 16, paragraphe 2, point 3, de la ZKPO était contraire à la jurisprudence de la Cour, dès lors qu’il ne permettrait pas aux parties à un prêt sans intérêt de prouver l’existence de considérations économiques valables pour l’octroi du prêt.

34.      À titre subsidiaire, la requérante a fait valoir que la République de Bulgarie ayant exercé l’option visée à l’article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive 2003/49, permettant aux États membres d’exclure du champ d’application de cette directive les intérêts sur les prêts qu’ils traitent fiscalement comme des revenus résultant d’instruments de fonds propres, la directive 2011/96, qui concerne ce type de revenus, est applicable. Or, en vertu de l’article 5 de cette directive, les bénéfices distribués par une filiale résidente à sa société mère non-résidente sont exonérés de retenue à la source. Elle a également ajouté que le prêt litigieux constituait une contribution au capital, au sens de l’article 3, sous h) à j), de la directive 2008/7, qui, conformément à l’article 5 de cette directive, ne devrait être soumis à aucun impôt indirect.

35.      Dans ce contexte, le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Le principe de proportionnalité visé à l’article 5, paragraphe 4, et à l’article 12, sous b), [TUE] et le droit à un recours effectif devant un tribunal, visé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la « Charte »], admettent-ils une disposition de droit national telle que l’article 16, paragraphe 2, point 3, [de la ZKPO] ?

2)      Les paiements d’intérêts visés à l’article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive [2003/49] représentent-ils une distribution de bénéfices relevant du champ d’application de l’article 5 de la directive [2011/96] ?

3)      Les dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, ainsi que de l’article 5 de la directive [2011/96] sont-elles applicables aux paiements relatifs à un prêt sans intérêt, dont la date d’échéance intervient 60 ans après sa conclusion, et qui relève de l’article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive [2003/49] ?

4)      L’article 49 et l’article 63, paragraphes 1 et 2, [TFUE], l’article 1er, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, ainsi que l’article 5 de la directive [2011/96] et l’article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive [2003/49] admettent-ils des dispositions de droit national telles que l’article 195, paragraphe 1, l’article 200, paragraphe 2, [...] et l’article 200a, paragraphe 1 et paragraphe 5, point 4, de la ZKPO (abrogé), dans leurs versions en vigueur du 1er janvier 2011 au 1er janvier 2015, et l’article 195, paragraphe 1, [paragraphe] 6, point 3, et [paragraphe] 11, point 4, de la ZKPO, dans la version en vigueur après le 1er janvier 2015[ ?]. [P]ar ailleurs, admettent-ils une pratique fiscale qui consiste à soumettre à un impôt à la source les intérêts non payés d’un prêt sans intérêt qui a été octroyé par une société mère située dans un autre État membre à une société résidente et dont la date d’échéance intervient 60 ans après le 22 novembre 2013 ?

5)      L’article 3, sous h) à j), l’article 5, paragraphe 1, sous a) et b), l’article 7, paragraphe 1, et l’article 8 de la directive [2008/7] admettent-ils des dispositions de droit national telles que l’article 16, paragraphe 1, et paragraphe 2, point 3, et l’article 195, paragraphe 1, de la ZKPO, relatives à l’application d’un impôt à la source sur un revenu fictif d’intérêts, déterminé dans le cadre d’un prêt sans intérêt qui a été octroyé à une société résidente par une société d’un autre État membre – propriétaire unique du capital de l’emprunteur ?

6)      La transposition de la directive [2003/49] à partir de l’année 2011, avant l’expiration de la période transitoire visée à l’annexe VI, section « Fiscalité », point 3, de l’acte [d’adhésion], à l’article 200, paragraphe 2, et à l’article 200a, paragraphe 1, et paragraphe 5, point 4, de la ZKPO avec un taux d’imposition fixé à 10 % au lieu du taux maximal de 5 % prévu à l’acte [d’adhésion] et au protocole [d’admission] enfreint-elle les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ? »

36.      Des observations écrites ont été déposées par la requérante, l’administration fiscale, le gouvernement bulgare ainsi que par la Commission européenne. Ces parties se sont, en outre, exprimées lors de l’audience qui s’est tenue le 30 juin 2021.

IV.    Analyse

A.      Observations liminaires

37.      Par ses six questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si une retenue à la source est contraire, d’une part, au droit primaire de l’Union découlant de l’article 5, paragraphe 4, et de l’article 12, sous b), TUE, de l’article 47 de la Charte, ainsi que des articles 49 et 63 TFUE (première et quatrième questions) et/ou, d’autre part, au droit dérivé de l’Union résultant, respectivement, de la directive 2003/49 (deuxième, troisième, quatrième et sixième questions), de la directive 2011/96 (deuxième, troisième et quatrième questions) ainsi que de la directive 2008/7 (cinquième question).

38.      Avant de procéder à l’analyse juridique des questions posées par la juridiction de renvoi, il convient d’apporter les observations liminaires qui suivent.

1.      La souveraineté fiscale des États  membres et le droit de l’Union

39.      Je rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres et qu’une approche harmonisée de cette taxation n’est pas exigée, les États membres doivent toutefois exercer cette compétence conformément au droit de l’Union (11). Cette jurisprudence admet également que les dispositions relatives aux libertés prévues par les traités sont de nature à limiter les droits de l’État membre de déterminer les conditions et les modalités d’imposition des revenus des ressortissants des autres États membres résultant d’une activité sur le territoire de l’État membre d’imposition (12).

40.      Il convient également de noter que, si les États membres ont une autonomie en matière de constatation de fraude, la Cour a estimé que, pour qu’une législation nationale puisse être considérée comme visant à éviter les fraudes et les abus, son but spécifique doit être de faire obstacle à des comportements consistant à créer des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dont le but est de bénéficier indûment d’un avantage fiscal (13).

2.      La pratique fiscale internationale et le droit de l’Union

a)      Les dispositions anti-abus

41.      L’intention d’éliminer la double imposition sans créer de possibilité de non-imposition ou d’imposition réduite par l’évasion ou la fraude fiscale – en particulier par le recours à des mécanismes de chalandage fiscal – est un objectif de politique fiscale poursuivi à l’échelle internationale.

42.      Ceci se manifeste tout particulièrement dans le cadre de conventions internationales en matière fiscale où l’on retrouve des dispositions « anti-abus » qui visent à exclure, en cas de fraude ou d’abus, l’application des dispositions conférant des droits au contribuable. De telles clauses ont été reprises tant dans le droit de l’Union que dans l’ordre juridique interne de plusieurs États membres, comme en témoigne la présente affaire.

43.      Je rappelle, à cet égard, que selon une jurisprudence constante de la Cour, un contribuable ne saurait bénéficier d’un droit ou d’un avantage découlant du droit de l’Union lorsque l’opération en cause est purement artificielle sur le plan économique et vise à échapper à l’emprise de la législation de l’État membre concerné (14).

44.      Je relève également que les directives 2003/49 et 2011/96, qui font l’objet des questions préjudicielles, ont comme objectif commun d’éviter l’évasion fiscale et permettent aux États membres non seulement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir ce type de fraude, mais aussi de retirer les bénéfices de ces directives ou de refuser de les appliquer en cas de fraude ou d’abus.

b)      Le principe de pleine concurrence

45.      Le « principe de pleine concurrence » (arm’s length principle) – que l’on retrouve entre autres à l’article 9 du modèle de convention fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (15) qui reflète le consensus des membres de l’organisation – a pour objectif de garantir que les contribuables opérant au sein d’un groupe d’entreprises soient traités de la même manière que les contribuables négociant de manière autonome sur le marché dans le cadre du régime général d’imposition des sociétés.

46.      Ce principe a également été reconnu par la Cour, qui a considéré tant en matière d’imposition que dans d’autres domaines non fiscaux que le principe de pleine concurrence constitue un critère approprié pour distinguer un montage artificiel d’opérations économiques réelles et représente dans ce contexte un élément objectif au moyen duquel il sera possible d’évaluer si le but essentiel de la transaction en cause l’obtention d’un avantage fiscal (16).

B.      Sur la première question préjudicielle

47.      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 16, paragraphe 2, point 3, de la ZKPO est contraire à l’article 5, paragraphe 4, et à l’article 12, sous b), TUE ainsi qu’au droit à un recours effectif et à l’accès à un tribunal impartial consacré par l’article 47 de la Charte.

48.      Il convient tout d’abord de relever que, conformément à l’article 5, paragraphe 4, TUE, le principe de proportionnalité s’applique au « contenu et [à] la forme de l’action de l’Union », alors que l’article 12, sous b), TUE concerne le rôle des parlements nationaux en matière de respect du principe de subsidiarité. Ainsi, ces dispositions énoncent les principes qui doivent présider à la mise en œuvre du processus législatif de l’Union et non celle des États membres. À cet égard, la Cour a considéré qu’il n’y avait pas lieu de répondre à une question similaire posée par la même juridiction de renvoi dans une autre affaire relativement récente, dès lors que lesdites dispositions ne visent pas des législations nationales et ne trouvent pas à s’appliquer à une situation telle que celle en cause au principal (17).

49.      S’agissant, ensuite, du droit à un recours effectif prévu à l’article 47 de la Charte, il est de jurisprudence constante que les exigences découlant de la protection des droits fondamentaux lient uniquement les États membres, lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union (18).

50.      L’article 16, paragraphe 2, point 3, de la ZKPO prévoit que l’obtention ou l’octroi de crédits à un taux d’intérêt s’écartant du taux du marché au moment de la conclusion de l’opération, y compris lorsqu’il s’agit de prêts sans intérêt, constitue une évasion fiscale. Cette disposition de la législation bulgare ne représente ni la transposition d’une directive de l’Union, ni l’application ou l’exécution d’une quelconque autre disposition du droit de l’Union.

51.      Pour les mêmes raisons et à la lumière de l’article 51 de la Charte, il y a lieu de considérer que les dispositions de celle-ci ne sont pas applicables à une telle disposition du droit fiscal bulgare qui ne constitue pas une mise en œuvre du droit de l’Union.

52.      Par conséquent, je propose de répondre à la première question préjudicielle en ce sens que l’article 5, paragraphe 4, et l’article 12, sous b), TUE ainsi que l’article 47 de la Charte doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’appliquent pas à l’interprétation de l’article 16, paragraphe 2, point 3, de la ZKPO, étant donné que cette dernière disposition ne représente pas une mise en œuvre du droit de l’Union.

C.      Sur la deuxième question préjudicielle

53.      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si les paiements d’intérêts visés à l’article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive 2003/49 peuvent représenter une distribution de bénéfices relevant du champ d’application de l’article 5 de la directive 2011/96.

54.      En ce qui concerne la directive 2003/49, je rappelle que celle-ci, réalisant une harmonisation en matière d’impôts directs afin de permettre aux opérateurs économiques de bénéficier du marché intérieur, vise, conformément à ses considérants 2 à 4, à l’élimination des doubles impositions en ce qui concerne les paiements d’intérêts effectués entre des sociétés associées d’États membres différents et à ce que ces paiements soient soumis une fois à l’impôt dans un seul État membre, en prohibant une imposition des intérêts dans l’État membre d’origine au détriment du bénéficiaire effectif de ceux-ci (19).

55.      En premier lieu, se pose la question de savoir si des intérêts fictifs, tels que ceux établis par l’administration fiscale dans la présente affaire, peuvent être couverts par la directive 2003/49 et être considérés comme des « paiements d’intérêts », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, sous a), de cette directive, et ce, précisément, dans le cas bien particulier de l’affaire en cause, où aucun paiement distinct n’a eu lieu.

56.      Il convient de souligner que la directive 2003/49, comme en atteste son considérant 5, s’applique à des « paiements ». Je note également que, dans son article 1er, intitulé « Champ d’application et procédure », cette directive identifie clairement un « bénéficiaire des intérêts » situé dans un autre État membre qui reçoit « un paiement effectué » par une société établie dans l’État d’origine.

57.      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, dès lors que l’article 2, sous a), de la directive 2003/49 définit les intérêts comme « les revenus des créances de toute nature », seul le bénéficiaire « effectif » peut percevoir des intérêts qui constituent les revenus de telles créances et que, partant, la notion de « bénéficiaire des intérêts », au sens de cette directive, doit être interprétée comme désignant une entité qui bénéficie « réellement », sur le plan économique, des intérêts « qui lui sont versés » et qui dispose, dès lors, du pouvoir d’en déterminer librement l’affectation (20).

58.      Or, lorsque l’administration fiscale fixe et taxe des intérêts fictifs relatifs à un prêt sans intérêt (21), le prêteur ne reçoit aucun intérêt et ne peut donc être considéré, à mon avis, comme un « bénéficiaire effectif » de ceux-ci.

59.      En deuxième lieu, je souligne que, en tout état de cause, même en admettant que des intérêts fictifs puissent être considérés comme des « paiements d’intérêts », au sens de la directive 2003/49, ces paiements, dès lors qu’ils sont relatifs à un prêt sans intérêt venant à échéance 60 ans après sa conclusion, relèvent de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous d), de cette directive, qui exclut du champ d’application de celle-ci « les paiements résultant de créances ne prévoyant pas le remboursement du principal ou pour lesquelles le remboursement est dû plus de 50 ans après la date d’émission ». Or, la durée du prêt litigieux était de 60 ans, ce qui entraîne l’inapplicabilité de la directive 2003/49 au cas d’espèce.

60.      En troisième et dernier lieu, par souci d’exhaustivité, j’ estime qu’il convient de prendre également en considération le fait que la directive 2003/49 poursuit un double objectif, à savoir, d’une part, la prévention de la double imposition (22) et, d’autre part, la lutte contre les abus et la fraude fiscale (23).

61.      Ainsi, afin d’éviter une double imposition des paiements d’intérêts transfrontaliers, il est interdit d’imposer des intérêts dans l’État d’origine au détriment du bénéficiaire effectif de ceux-ci (24). Or, la possibilité d’une double imposition qui risquerait d’être contraire à la directive 2003/49 n’existe pas, en l’occurrence, compte tenu du fait que les intérêts fictifs fixés par l’administration fiscale ne sont pas susceptibles d’être imposés au Luxembourg, du fait de l’absence de transfert de ces montants au profit de la société mère.

62.      En ce qui concerne le risque d’abus et de fraude fiscale, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2003/49 ne fait pas obstacle à l’application de dispositions nationales qui sont nécessaires pour prévenir les fraudes ou les abus. Je remarque, d’ailleurs, qu’adhérer à l’interprétation de la requérante conduirait à accepter un contournement de la législation fiscale nationale. En pratique, cela reviendrait à permettre à des sociétés liées de souscrire des emprunts (ou de conclure d’autres types de transactions intragroupe) en violation du droit national, pour ensuite se prévaloir du droit de l’Union afin d’échapper à la législation fiscale nationale (et éventuellement aussi à l’impôt). Or, une telle interprétation irait à l’encontre des objectifs de cette directive, parmi lesquels figure la lutte contre la fraude fiscale (25).

63.      Au vu de ce qui précède, je suis d’avis que les dispositions de la directive 2003/49 ne peuvent pas trouver à s’appliquer dans une affaire telle que celle au principal.

64.      Je propose donc de répondre à la deuxième question préjudicielle en ce sens que l’article 4 de la directive 2003/49 doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas que les paiements d’intérêts, tels que ceux visés à l’article 4, paragraphe 1, sous d), de cette directive, soient qualifiés de « distributions de bénéfices » relevant de l’article 5 de la directive 2011/96.

D.      Sur la troisième question préjudicielle

65.      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si l’article 1er, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, ainsi que l’article 5 de la directive 2011/96 sont applicables aux paiements relatifs à un prêt sans intérêt, dont la date d’échéance intervient 60 ans après la conclusion de celui-ci, et qui relève de l’article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive 2003/49.

66.      S’agissant de la directive 2011/96, je rappelle que celle-ci a pour objectif d’exonérer de retenue à la source les dividendes et les autres bénéfices distribués par des filiales établies dans un État membre à leur société mère établie dans un autre État membre, ainsi que d’éliminer la double imposition de ces revenus au niveau de cette société mère, afin de faciliter les regroupements de sociétés à l’échelle de l’Union (26).

67.      Dans cette perspective, l’article 1er, paragraphe 1, sous b), de la directive 2011/96 prévoit que celle-ci s’applique aux « distributions de bénéfices » effectuées, dans une relation transfrontalière, par une filiale à sa société mère.

68.      Je note que la notion de « distribution des bénéfices » n’est pas définie en tant que telle dans cette directive.

69.      À cet égard, la Cour a jugé que l’État membre de résidence d’une société peut légitimement traiter les intérêts versés par cette société à la société mère établie dans un autre État membre comme une distribution de bénéfices (27). Pourtant, cette conclusion a été appliquée dans un contexte dans lequel la filiale avait effectivement payé des intérêts en rémunération du prêt, ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire.

70.      J’estime ainsi que les intérêts fictifs qui ont uniquement été établis par l’administration fiscale afin de soumettre à l’impôt une transaction considérée comme occulte selon le droit national ne peuvent pas être considérés comme une « distribution de bénéfices », au sens de la directive 2011/96, notamment en l’absence de versement réel d’intérêts entre ces deux sociétés du même groupe.

71.      Je note également que, à l’image de la directive 2003/49, parmi les objectifs principaux de la directive 2011/96 figurent la prévention tant de la double imposition que des abus et de la fraude en matière fiscale. À cet égard, je renvoie au raisonnement développé aux points 61 et 62 des présentes conclusions qui s’applique mutatis mutandis à la directive 2011/96.

72.      Pour les raisons qui précèdent, je considère que la directive 2011/96 n’est pas applicable à une situation telle que celle au principal.

73.      Je propose donc de répondre à la troisième question préjudicielle que la directive 2011/96 doit être interprétée en ce sens qu’elle n’est pas applicable à une retenue à la source sur un revenu fictif d’intérêts au titre d’un prêt sans intérêt accordé par la société mère à sa filiale.

E.      Sur la quatrième question préjudicielle

74.      La quatrième question comprend deux principaux volets, qu’il convient de distinguer.

75.      Le premier volet porte sur la question de savoir si l’imposition à la source des paiements présumés d’intérêts d’un prêt sans intérêt est conforme avec la directive 2003/49 et avec l’exonération de la retenue à la source conformément à la directive 2011/96. Le second volet pose la même question mais à la lumière des exigences de l’article 49 et de l’article 63, paragraphes 1 et 2, TFUE.

76.      À cet égard, conformément à l’arrêt récent rendu par la Cour (par la grande chambre) dans les affaires jointes N Luxembourg 1 e.a (28), il importe d’emblée d’opérer une distinction entre deux hypothèses.

77.      La première hypothèse est celle où l’inapplicabilité du régime d’exonération de la retenue à la source prévue par la directive 2003/49 découle du constat de l’existence d’une fraude ou d’un abus, au sens de l’article 5 de cette directive. Dans une telle hypothèse, une société résidente d’un État membre ne saurait, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 43 des présentes conclusions, revendiquer le bénéfice des libertés consacrées par le traité FUE pour mettre en cause la réglementation nationale régissant l’imposition des intérêts payés à une société résidente d’un autre État membre. Au vu du fait que la directive 2011/96 contient, à son article 1er, paragraphe 2, une disposition semblable à l’article 5 de la directive 2003/49 en ce qui concerne son inapplicabilité en cas de fraude ou d’abus, je considère que cette hypothèse doit s’appliquer mutatis mutandis à la directive 2011/96.

78.      La seconde hypothèse est celle où l’inapplicabilité du régime d’exonération de la retenue à la source prévu par la directive 2003/49 (et l’inapplicabilité de la directive 2011/96 par analogie) découle du fait que les conditions d’application de ce régime d’exonération ne sont pas remplies, sans qu’ait toutefois été constatée l’existence d’une fraude ou d’un abus, au sens de l’article 5 de la directive 2003/49 (ou de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2011/96). En pareille hypothèse, il convient de vérifier si l’article 49 et l’article 63, paragraphes 1 et 2, TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, relative à l’imposition desdits intérêts (29).

79.      Je note d’emblée que la question de la juridiction de renvoi porte uniquement sur la compatibilité avec l’article 49 et l’article 63, paragraphes 1 et 2, TFUE des articles 195, 200 et 200a de la ZKPO, qui prévoient respectivement les modalités du prélèvement à la source et de la procédure de réévaluation et de remboursement de l’impôt au profit des non-résidents.

80.      Je considère pour autant que l’analyse de cette question ne devrait pas se limiter uniquement aux dispositions du droit national précitées, mais qu’il convient de tenir compte de l’ensemble du régime fiscal bulgare applicable aux sociétés non-résidentes (30). Je propose donc d’inclure dans l’analyse qui suit tant l’article 16 de la ZKPO (qui prévoit les modalités d’imposition des sociétés non-résidentes en cas de violation du principe de pleine concurrence) que l’article 199 de la ZKPO (qui concerne la base de l’imposition de l’impôt retenu à la source sur les revenus des sociétés non-résidentes) et l’article 202a (qui prévoit le régime de recalcul et de remboursement de l’impôt retenu à la source dont peuvent bénéficier les sociétés non-résidentes).

81.      En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il convient de ne pas limiter l’examen à l’exonération d’un certain type d’impôt sur le plan purement formel, mais de tenir compte de l’ensemble du contexte fiscal de l’imposition des sociétés non-résidentes et donc de procéder à un examen complet (sur le plan matériel) (31).

1.      En ce qui concerne les directives 2003/49 et 2011/96

82.      La réponse à cette question en ce qui concerne les directives 2003/49 et 2011/96 a été apportée dans le cadre des réponses proposées pour les deuxième et troisième questions préjudicielles, par lesquelles j’ai conclu que celles-ci n’étaient pas applicables aux faits de l’espèce (32).

2.      En ce qui concerne les articles 49 et 63 TFUE

83.      En vue de répondre à la quatrième question posée par la juridiction de renvoi, il y a lieu, tout d’abord, d’examiner si les articles 49 et 63 TFUE s’opposent à une législation nationale en vertu de laquelle le régime appliqué automatiquement aux sociétés non-résidentes, à la différence des sociétés résidentes, ne leur permet pas de déduire les frais relatifs à l’emprunt en question. Dans l’affirmative, il convient d’examiner si une telle différence de traitement est susceptible, d’une part, d’être éliminée par un mécanisme de réévaluation et de remboursement de l’impôt, dont peuvent bénéficier les sociétés non-résidentes, et, d’autre part, d’être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, en pareil cas, que l’application de cette restriction soit propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

a)      Sur les dispositions pertinentes du traité FUE

84.      Dans la mesure où la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la compatibilité de la législation bulgare en cause avec les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux (articles 49 et 63 TFUE), il convient de se demander, en premier lieu, à l’aune de laquelle de ces dispositions du traité cette législation doit être évaluée.

85.      Je note que, en principe, les questions relatives au traitement fiscal des intérêts et des revenus du capital versés entre des sociétés de deux États membres sont susceptibles de relever tant de la libre circulation des capitaux (33) que de la liberté d’établissement, notamment, en ce qui concerne cette dernière, lorsqu’un prêt est conclu entre des sociétés liées dans lesquelles une société d’un État membre détient, dans le capital d’une société établie dans un autre État membre, une participation lui permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions de cette société et d’en déterminer les activités (34).

86.      Toutefois, il est de jurisprudence constante que, pour déterminer si une législation nationale relève de l’une ou de l’autre des libertés de circulation, il y a lieu de prendre en considération l’objet de la législation en cause (35).

87.      Or, il ressort de la décision de renvoi que l’article 16, paragraphe 2, point 3, de la ZKPO s’applique à toutes les situations d’octroi de prêts sans intérêt au-delà des seules sociétés liées et indépendamment de l’ampleur de la participation de la société octroyant le prêt dans le capital de l’emprunteur. À première vue, cet élément devrait nous conduire à examiner la quatrième question préjudicielle sous l’angle de la libre circulation des capitaux.

88.      Je considère pourtant que le cadre factuel de la présente affaire nous conduit à examiner la réglementation bulgare en cause à la lumière de la liberté d’établissement. En effet, outre le fait que InterV Investment était l’actionnaire unique de la requérante au moment de la conclusion du prêt litigieux, les caractéristiques de ce dernier, notamment sa durée ainsi que les conditions de son remboursement, indiquent qu’il n’aurait pu être conclu qu’entre des sociétés liées. Il ne fait ainsi aucun doute qu’il existe un lien d’interdépendance entre ces sociétés conférant à InterV Investment, au vu de sa participation dans le capital de la requérante, une influence certaine sur les décisions de cette dernière tout en lui permettant d’en déterminer les activités.

89.      Une telle approche serait d’ailleurs conforme avec la jurisprudence de la Cour dans une série d’affaires dont les réglementations nationales en cause présentent des caractéristiques communes avec la législation bulgare. Je note à cet égard que, dans l’affaire SGI, la Cour a examiné, à l’aune de la liberté d’établissement, la législation belge qui permettait à l’administration fiscale de réintégrer dans les bénéfices d’une société résidente, au titre de l’impôt sur les revenus, les intérêts fictifs d’un prêt sans intérêt accordé à une filiale non-résidente au motif que, même si cette législation s’appliquait au-delà des seules sociétés liées, la situation en cause dans cette affaire concernait des sociétés liées (36).

90.      Si j’ai tendance à penser qu’il est plus approprié d’examiner la quatrième question à la lumière de la liberté d’établissement, il est tout à fait concevable d’examiner la réglementation nationale en cause sous l’angle de la libre circulation des capitaux.

91.      Toutefois, malgré le choix de procéder à l’analyse de la compatibilité des mesures nationales en cause à la lumière de la liberté d’établissement, les mêmes conclusions que celles qui suivent ressortent également d’une analyse de la question au regard de la libre circulation des capitaux. En effet, à l’instar de la liberté d’établissement, la libre circulation des capitaux interdit des mesures qui sont de nature à dissuader les non-résidents de réaliser des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d’en réaliser dans d’autres États (37).

92.      Enfin, à supposer que la réglementation nationale en cause ait des effets restrictifs sur la libre circulation des capitaux, de tels effets seraient la conséquence inéluctable d’une éventuelle entrave à la liberté d’établissement et ne justifient pas, dès lors, un examen autonome de la même réglementation au regard de l’article 63 TFUE (38).

b)      Les articles 195 et 199 de la ZKPO établissent-ils une discrimination entre sociétés résidentes et non-résidentes ?

93.      Selon une jurisprudence constante, l’article 49 TFUE vise à garantir aux sociétés le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil et interdit toute discrimination fondée sur le lieu de leur siège (39) ainsi que, de manière générale, toute restriction injustifiée à l’exercice de cette liberté (40).

94.      Or, il ressort de la lecture de l’article 16, paragraphe 2, point 3, de la ZKPO que cette disposition est applicable à tout emprunt souscrit sans intérêt, indépendamment du fait qu’il implique uniquement des sociétés résidentes ou également des sociétés non-résidentes. En outre, il n’est pas contesté qu’un même taux d’imposition de 10 % s’applique, que le prêteur soit une société résidente ou une société non-résidente.

95.      Toutefois, il ressort de la lecture des articles 195 et 199 de la ZKPO qu’un traitement fiscal différent est réservé aux sociétés non-résidentes concluant de tels types de transactions. Ainsi, alors que les intérêts fictifs relatifs à un prêt octroyé par une société non-résidente font l’objet d’une retenue à la source constituant une imposition immédiate et définitive sans qu’il soit possible de déduire les charges liées à l’octroi de ce prêt, l’imposition que subissent des intérêts fictifs relatifs à un prêt octroyé par une société résidente dépend, dans le cadre de la taxation au titre de l’impôt sur les sociétés, du résultat bénéficiaire ou déficitaire de celle-ci, après la prise en compte des éventuelles charges liées à l’octroi de ce prêt.

96.      Je souligne, à ce stade de mon analyse, que la jurisprudence de la Cour est riche d’arrêts qui ont abordé cette problématique, tant du point de vue de la libre circulation des capitaux que de la liberté d’établissement. Plus précisément, dans une série d’affaires dont les faits se rapprochent de l’affaire au principal, la Cour a jugé qu’une réglementation nationale en vertu de laquelle une société non-résidente est imposée, par la voie d’une retenue à la source opérée par une société résidente, sur les intérêts qui lui sont payés par cette dernière, sans qu’il soit possible de déduire les frais, tels que les dépenses d’intérêt, directement liés à l’activité de prêt en cause, alors qu’une telle possibilité de déduction est reconnue aux sociétés résidentes percevant des intérêts d’une autre société résidente, constitue une restriction à la liberté d’établissement (41). La même conclusion a été tirée en ce qui concerne la libre circulation des capitaux (42).

97.      Au vu de ce qui précède, je considère qu’une telle différence concernant les modalités de calcul de l’impôt peut être de nature à constituer une restriction relevant de l’article 49 TFUE.

98.      La présente affaire se distingue pour autant de ces affaires, en ce sens que le droit bulgare semble prévoir, à l’article 202a de la ZKPO, une procédure permettant aux sociétés non-résidentes d’être traitées au même titre que les sociétés résidentes sur le plan fiscal. Il convient donc, avant de procéder à l’examen d’une éventuelle justification de la mesure discriminatoire introduite par les articles 195 et 199 de la ZKPO, d’examiner si l’article 202a de cette loi permet d’éliminer la différence de traitement constatée ci-dessus entre sociétés résidentes et non-résidentes.

c)      L’article 202a de la ZKPO permet-il d’éliminer les caractéristiques discriminatoires du régime fiscal applicable aux non-résidents conformément aux articles 195 et 199 de cette loi ?

1)      Le champ d’application de l’article 202a de la ZKPO

99.      Il ressort des observations écrites déposées par l’administration fiscale et le gouvernement bulgare que l’article 202a de la ZKPO prévoit un mécanisme permettant aux sociétés non-résidentes d’opter pour le régime d’imposition prévu pour les sociétés résidentes. Ainsi, cette procédure leur permettrait, d’une part, de déduire des frais, tels que les dépenses d’intérêt, directement liés à l’activité de prêt en cause et, d’autre part, d’obtenir le remboursement ou l’exemption de l’impôt retenu à la source en cas de situation déficitaire.

100. L’administration fiscale et le gouvernement bulgare soutiennent que, si la requérante avait, en l’occurrence, opté pour ce régime, elle n’aurait pas été imposée au titre de l’impôt sur les sociétés en Bulgarie, dès lors que (conformément à ce que soutient la requérante) sa situation était déficitaire au cours de la période concernée.

101. De son côté, la requérante émet des doutes quant à l’aptitude de la procédure prévue à l’article 202a de la ZKPO d’atténuer la discrimination qui persisterait même si une entreprise non-résidente avait opté pour cette disposition, au vu du fait que la procédure de remboursement ne serait pas immédiate.

102. Sur la base des précisions fournies par la requérante, l’administration fiscale et le gouvernement bulgare lors de l’audience, la procédure de réévaluation et de remboursement prévue à l’article 202a de la ZKPO peut être résumée comme il suit.

103. La procédure prévue à l’article 202a de la ZKPO n’est pas appliquée par défaut. Pour en bénéficier, une société non-résidente doit expressément opter pour cette procédure en l’indiquant sur sa déclaration fiscale. Même si une société décide de faire ce choix, le prélèvement à la source sera réalisé conformément au régime prévu aux articles 195 et 199 de la ZKPO, à savoir que l’impôt sera prélevé directement à la source sur ses revenus bruts. Ce n’est que dans un second temps que la société non-résidente pourra bénéficier d’un remboursement de l’impôt si, à la suite de la réévaluation de sa situation par l’administration fiscale, sa situation déficitaire est prouvée.

104. En ce qui concerne la durée de la procédure de réévaluation et de remboursement prévue à l’article 202a de la ZKPO, l’audience a révélé une divergence de points de vue entre, d’une part, la requérante qui soutient que cette procédure peut être particulièrement longue et, d’autre part, l’administration fiscale et le gouvernement bulgare qui contestent l’existence d’un délai excessif s’agissant de ladite procédure.

105. La description du régime de remboursement de l’impôt prévu à l’article 202a de la ZKPO mérite les observations suivantes.

106. En premier lieu, il ressort de la lecture combinée de l’article 202a, paragraphes 1 à 4, de la ZKPO que ce régime permet, en effet, aux sociétés non-résidentes d’introduire une demande de réévaluation de l’impôt déjà retenu à la source conformément au régime applicable pour les sociétés résidentes. Cette disposition semble vouloir aligner – ou du moins rapprocher – le traitement fiscal des sociétés non-résidentes à celles domiciliées en Bulgarie.

107. À cet égard, je note que la Cour a déjà jugé que le droit à déduction peut également se matérialiser après le prélèvement de la retenue à la source par le remboursement d’une fraction de l’impôt retenu (43).

108. Pour autant, force est de constater que, nonobstant cette possibilité offerte aux sociétés non-résidentes, le risque que les sociétés résidentes puissent bénéficier d’un avantage fiscal subsiste. En effet, il semble en résulter qu’un avantage de trésorerie puisse être procuré aux sociétés résidentes, dès lors que, en cas de situation déficitaire, celles-ci ne doivent pas acquitter l’impôt sur les intérêts fictifs  contrairement aux sociétés non-résidentes.

109. Plus précisément, pour une société non-résidente déficitaire, ce « désavantage de trésorerie » correspond au décalage temporaire entre la date du prélèvement à la source et celle du remboursement de l’impôt trop perçu par l’administration fiscale.

110. Je considère que l’étendue de l’avantage de trésorerie qui découle de cette différence de traitement, et qui est susceptible de constituer un élément de discrimination, dépend étroitement des règles procédurales nationales, ainsi que de la pratique suivie par l’administration fiscale dans l’exécution de la procédure prévue à l’article 202a de la ZKPO. Ainsi, si la durée de la procédure de recalcul et d’un éventuel remboursement excède un délai raisonnable, comme l’a soutenu la requérante à l’audience, l’avantage de trésorerie dont bénéficiera une société résidente par rapport à une société non-résidente peut être considérable et, de ce fait, constituer une discrimination ou une entrave à la libre circulation des capitaux. À l’opposé, si ce délai est raisonnable, une telle mesure peut atténuer la discrimination entre sociétés résidentes et non-résidentes ou y remédier. Je note que le fait que la législation bulgare prévoit des intérêts moratoires permettrait éventuellement d’atténuer cette discrimination de trésorerie dans la mesure où ledit délai n’est pas considérable.

111. À cet égard, je tiens à souligner que l’appréciation de l’existence d’un éventuel traitement désavantageux des intérêts payés aux sociétés non-résidentes doit être effectuée pour chaque exercice fiscal, pris individuellement (44).

112. En deuxième lieu, il convient également de préciser que, outre la question de la durée du remboursement, l’examen de la mise en œuvre de l’article 202a de la ZKPO doit tenir compte de tous les éléments qui sont susceptibles de conduire à une différence de traitement entre sociétés résidentes et non-résidentes. Quand bien même cet article vise à établir une égalité de traitement entre ces deux types de sociétés, ce qui, en principe, devrait exclure des inégalités de traitement (autres que l’avantage de trésorerie constaté ci-dessus), il convient de s’assurer que sa mise en œuvre ne crée pas d’autres formes de discrimination. Ce point est donc étroitement lié aux modalités de paiement prévues par le droit bulgare en matière d’impôt sur les sociétés, y compris leur périodicité et la possibilité de déférer le paiement de l’impôt ou d’obtenir d’autres facilités susceptibles d’accroître l’avantage de trésorerie qui a été constaté. À titre d’exemple, dans l’hypothèse où le droit bulgare permettrait à une société résidente déficitaire d’ajuster ou de reporter sa taxation à un exercice bénéficiaire ultérieur, ceci risquerait d’accroître son avantage de trésorerie vis-à-vis d’une société non-résidente (45).

113. En troisième et dernier lieu, je considère que, sur le plan pratique, la mesure dans laquelle cette disposition est apte à atténuer cette discrimination dépendra également de la possibilité dont disposent, d’une part, la société non-résidente d’apporter la preuve des frais déductibles auxquelles elle prétend et, d’autre part, l’autorité fiscale de l’État de résidence de la société emprunteuse, en l’occurrence la Bulgarie, d’exercer un contrôle effectif. À cet égard, je relève que ni la juridiction de renvoi ni les autres parties au principal n’ont invoqué l’existence d’un accord bilatéral entre le Grand-Duché de Luxembourg et la République de Bulgarie couvrant ce type de situation.

114. Or, un processus permettant d’assurer l’absence de discrimination en ce qui concerne les sociétés non-résidentes, tout en garantissant la possibilité pour les autorités fiscales de contrôler si les frais encourus justifient un remboursement, ne peut que reposer sur la coopération et l’échange d’informations entre les autorités fiscales des États membres (ou tiers) concernés. Je note d’ailleurs que, mis à part les traités bilatéraux conclus entre les États membres, une telle coopération est également prévue par la directive 2011/16/UE (46) qui vise inter alia à éviter tant la double imposition que la non-imposition qui peut résulter de situations de fraudes ou d’abus (47).

115. Il revient donc, en principe, à la juridiction de renvoi d’examiner, au vu des précisions fournies ci-dessus et en tenant compte des règles de procédure et de la pratique administrative nationale en matière fiscale, si la différence de traitement entre sociétés résidentes ou sociétés non-résidentes ayant recours à l’article 202a de la ZKPO peut conférer un avantage de trésorerie.

2)      Sur la comparabilité objective de la situation fiscale des sociétés résidentes et nonrésidentes

116. Selon une jurisprudence bien établie, une discrimination ne peut naître que de l’application de règles différentes à des situations comparables ou de l’application de la même règle à des situations différentes (48).

117. En ce qui concerne, tout d’abord, l’article 16 de la ZKPO, il y a peu de doutes que cette disposition s’applique de la même façon tant aux sociétés résidentes qu’à celles non-résidentes.

118. Toutefois, comme décrit ci-dessus, alors même que les sociétés résidentes et non-résidentes sont soumises à une retenue à la source, les modalités de calcul de l’impôt pour ces deux types de sociétés diffèrent. Ainsi, la législation fiscale bulgare établit une différence de traitement entre les sociétés non-résidentes imposées à la source sur leurs revenus bruts, en vertu des articles 195 et 199 de la ZKPO (qui constituent par ailleurs le régime automatiquement applicable) et les sociétés résidentes qui sont imposées à la source sur leurs revenus nets.

119. Si la Cour a jugé, dans l’arrêt Truck Center, qu’une différence de traitement consistant dans l’application de techniques d’imposition différentes en fonction du lieu de résidence de l’assujetti concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables (49), il convient de noter que, à la différence de l’affaire précitée où le précompte mobilier en cause était perçu seulement sur les intérêts versés aux sociétés bénéficiaires non‑résidentes, dans l’affaire au principal, la législation applicable soumet tant les contribuables résidents que les contribuables non‑résidents à la même modalité de perception de l’impôt sur les dividendes, à savoir une retenue à la source (50).

120. Ainsi, à partir du moment où un État membre assujettit au même impôt non seulement les sociétés résidentes, mais également les sociétés non‑résidentes, pour les intérêts qu’elles reçoivent d’une société établie dans cet État, les situations respectives de ces deux catégories de contribuables se rapprochent et celles‑ci doivent dès lors être soumises à un traitement fiscal équivalent (51).

121. Or, il convient de constater qu’il ressort de la lecture des articles 195 et 199 de la ZKPO que l’avantage de trésorerie octroyé aux sociétés résidentes ne s’étend pas aux sociétés non-résidentes. Néanmoins, l’option offerte à l’article 202a de la ZKPO, sous réserve des constatations présentées aux points 109 à 115 des présentes conclusions, pourrait réaliser cet objectif.

3)      Sur le caractère optionnel de l’article 202a de la ZKPO

122. Il est de jurisprudence constante qu’un régime national restrictif des libertés de circulation peut demeurer incompatible avec le droit de l’Union, quand bien même son application serait facultative, dès lors que l’existence d’une option qui permettrait éventuellement de rendre une situation compatible avec le droit de l’Union n’a pas pour effet de remédier, à elle seule, au caractère illégal d’un système qui comprend toujours un mécanisme d’imposition non compatible avec ce droit (52).

123. Se pose donc la question de savoir si le régime prévu à l’article 202a de la ZKPO doit être considéré comme optionnel, auquel cas ce dernier ne peut pas éliminer les effets discriminatoires du régime prévu aux articles 195 et 199 de la ZKPO.

124. II convient de préciser que, lors de l’audience, la Commission a soutenu que le régime prévu à l’article 202a de la ZKPO ne devrait pas être considéré comme optionnel au vu de la jurisprudence de la Cour et notamment des arrêts Gielen (53) et Autoridade Tributária e Aduaneira (Impôt sur les plus-values immobilières) (54), mais plutôt comme un mécanisme de remboursement de l’impôt.

125. Je note que ces deux affaires se distinguent de celle au principal notamment à deux niveaux. Tout d’abord, il est vrai que, contrairement au régime bulgare en cause, le choix des assujettis dans ces deux affaires avait une incidence directe sur l’impôt qui leur a été imputé. Or, conformément au régime bulgare en cause, peu importe le choix d’une société non-résidente d’opter pour l’un des deux régimes disponibles, celle-ci sera imposée à la source sur ses revenus bruts. C’est uniquement dans un second temps que sa situation fiscale sera réévaluée et qu’un remboursement pourra être possible, à condition qu’elle ait opté pour le régime prévu à l’article 202a de la ZKPO. Il convient également de souligner que, contrairement à la présente affaire, les affaires précitées ne se présentaient pas dans le contexte d’un éventuel abus ou d’une fraude fiscale.

126. Je considère, pour autant, que le caractère optionnel de l’article 202a de la ZKPO ne peut pas être remis en cause.

127. Ainsi, le fait même que le contribuable dispose de la possibilité d’opter pour deux régimes différents, indépendamment du traitement fiscal que ceux-ci lui réservent, indique son caractère optionnel. Il en va à plus forte raison ainsi lorsque, comme cela semble être le cas en l’occurrence, le mécanisme incompatible avec le droit de l’Union est celui qui est automatiquement appliqué en l’absence de choix effectué par le contribuable.

128. Je considère également que le fait que le mécanisme mis en place à l’article 202a de la ZKPO ressemble davantage à un mécanisme de remboursement de l’impôt dans le cadre du prélèvement à la source ne saurait remettre en cause son caractère optionnel pour le contribuable.

d)      Sur les justifications

129. La dernière question qui se pose est celle de savoir si la différence de traitement, dont font l’objet les sociétés non-résidentes, peut être justifiée. Pour ce faire, il convient d’examiner a) si la législation bulgare poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général, b) si elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et c) si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

130. À cet égard, l’administration fiscale et le gouvernement bulgare soutiennent que la législation en cause poursuit de façon mesurée des objectifs politiques légitimes, qui ressortent notamment de la préservation de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres (1) et de la prévention de la fraude ou de l’évasion fiscale (2).

1)      Sur la justification tirée de la préservation de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres

131. La Cour a jugé que la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres peut être admise comme justification d’une restriction aux libertés fondamentales dès lors, notamment, que le régime en cause vise à prévenir des comportements de nature à compromettre le droit d’un État membre d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire (55).

132. Je rappelle que cet objectif est l’expression de la souveraineté fiscale des États membres. Cette dernière comporte le droit d’un État de protéger ses revenus fiscaux, en particulier en ce qui concerne les bénéfices réalisés sur son territoire (principe de territorialité), et d’aménager comme il l’entend son ordre juridique fiscal (principe d’autonomie) (56).

133. En l’absence d’harmonisation, le prélèvement des impôts directs relève, en l’état actuel du droit de l’Union, des États membres. Il appartient également aux États membres de définir les critères de répartition entre eux de leurs pouvoirs de taxation par la conclusion de conventions visant à éviter la double imposition ou par des mesures unilatérales (57).

134. Comme il a été relevé par l’avocate générale Kokott dans l’affaire N Luxembourg 1 e.a (58), dans des situations comportant un élément transfrontalier, il n’existe aucune assurance que le bénéficiaire soumettra lui-même dûment ses revenus à l’impôt. En effet, l’État de résidence du bénéficiaire des intérêts a, en général, rarement connaissance de ses revenus provenant de l’étranger, s’il n’existe pas de systèmes fonctionnels d’échange des données entre les autorités fiscales. Ainsi, dans un tel cas, l’imposition à la source dans l’État de résidence du débiteur des intérêts constitue une technique d’imposition particulière qui vise, en substance, à garantir une imposition (minimale) du bénéficiaire des intérêts.

135. Toutefois, il est de jurisprudence constante qu’une législation fiscale nationale, à l’image des articles 195 et 199 de la ZKPO, qui prend en compte, lors de l’imposition des non-résidents, les revenus bruts sans déduction des frais professionnels, alors que les résidents sont imposés sur leurs revenus nets après déduction de ces frais, ne peut être justifiée par l’objectif de la préservation de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres (59). Il en va de même si, nonobstant son caractère optionnel, une discrimination en la forme d’un avantage de trésorerie au profit des sociétés résidentes résultait de l’application de l’article 202a de la ZKPO (60).

136. Ainsi, conformément à la jurisprudence de la Cour (61), je considère qu’il convient d’analyser la législation fiscale bulgare applicable aux sociétés non-résidentes dans son ensemble, en prenant en considération également l’article 16 de la ZKPO, ce qui, au vu des objectifs poursuivis par cette disposition, nous amène à examiner la justification fondée sur la lutte contre la fraude et les pratiques abusives.

2)      Sur la justification fondée sur la lutte contre la fraude et les pratiques abusives

137. La Cour a déjà jugé que la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscale constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité (62).

138. La constatation d’un abus dépend d’une appréciation d’ensemble des circonstances de chaque cas d’espèce qui incombe aux autorités nationales compétentes et qui doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel (63). S’il appartient, certes, à la juridiction de renvoi de procéder à cette appréciation d’ensemble (64), la Cour peut toutefois lui fournir des indications utiles, afin de déterminer si les opérations sont réalisées dans le cadre de transactions commerciales normales ou seulement dans le but de bénéficier abusivement des avantages prévus par le droit de l’Union (65).

139. Je rappelle que la Cour a précisé que la seule circonstance qu’une société résidente se voit accorder un prêt par une société apparentée établie dans un autre État membre ne saurait fonder une présomption générale de pratiques abusives et justifier une mesure portant atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le traité FUE (66). Toutefois, il importe de rappeler qu’un contribuable ne saurait bénéficier d’un droit ou d’un avantage découlant du droit de l’Union lorsque l’opération en cause est purement artificielle sur le plan économique et vise à échapper à l’emprise de la législation de l’État membre concerné (67).

140. À cet égard, je relève que l’article 16 de la ZKPO a comme objectif la lutte contre l’évasion fiscale en transposant le principe de « pleine concurrence » en droit bulgare, ce dernier étant reconnu tant par la pratique fiscale internationale que par la jurisprudence de la Cour comme un moyen approprié pour éviter les manipulations artificielles de transactions transfrontalières (68).

141. Je considère ainsi que, au vu d’une analyse globale du contexte fiscal dans la présente affaire, le traitement fiscal prévu par la réglementation en cause – et notamment par l’article 16 de la ZKPO – est justifié par un risque de non-imposition résultant, d’une part, du non‑assujettissement des revenus d’intérêts dans l’État membre qui devait en bénéficier (à savoir le Grand-Duché de Luxembourg) au vu des caractéristiques du prêt litigieux (et plus particulièrement de l’absence d’un bénéficiaire effectif des intérêts étant donné que le prêt était conclu sans intérêt) et, d’autre part, du fait que jusqu’au moment du redressement fiscal et donc de la période concernée par le présent litige, le prêt litigieux n’avait pas été converti en capital par la requérante (et n’était de ce fait pas susceptible d’être imposé en Bulgarie en tant qu’apport de capital) (69). Je considère donc que l’article 16 de la ZKPO en tant que disposition « anti-abus » permet d’assurer le recouvrement effectif de l’impôt.

142. Ainsi, si la juridiction de renvoi parvenait à la conclusion qu’il s’agit d’un montage abusif en appliquant les principes de droit interne conformément au droit de l’Union, une imposition à la source, telle que celle en question dans la présente affaire, serait envisageable. Toutefois, la question ne se poserait alors plus en l’espèce, puisque cette imposition est la conséquence de l’abus et que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les justiciables ne sauraient frauduleusement ou abusivement se prévaloir des normes du droit de l’Union (70).

143. Comme décrit aux points 41 à 44 des présentes conclusions, une telle approche est conforme tant à la pratique fiscale internationale qu’au droit de l’Union et à la jurisprudence de la Cour en matière d’abus et de fraude.

144. Je note enfin que le raisonnement qui précède peut prospérer non seulement si l’objectif légitime de la prévention de la fraude et des abus est pris en compte de manière isolée, mais également si ce dernier est examiné conjointement avec l’objectif de la préservation de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres.

145. À cet égard, je souligne que la Cour a jugé que les objectifs de sauvegarde de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres et de prévention de l’évasion fiscale sont liés. En effet, la Cour a considéré que des comportements consistant à créer des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dans le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national sont de nature à compromettre le droit des États membres d’exercer leur compétence fiscale en relation avec ces activités et à porter atteinte à une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres (71).

146. Toutefois, il y a lieu de souligner que la prise en considération conjointe de ces motifs de justification a été admise par la Cour dans des situations bien spécifiques, à savoir lorsque la lutte contre l’évasion fiscale constitue un aspect particulier de l’intérêt général lié à la nécessité de préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres. Sur ce fondement, la Cour a pu considérer que, eu égard notamment à la nécessité de préserver la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, malgré le fait que les mesures en cause ne visent pas spécifiquement des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, créés dans le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités exercées sur le territoire national, ces mesures peuvent néanmoins être justifiées (72).

147. Au vu de ces deux objectifs , relatifs à la prévention de l’évasion fiscale principalement, mais aussi, de manière auxiliaire, à la nécessité de sauvegarder la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres (pris ensemble avec le premier objectif cité), je suis d’avis qu’une réglementation, telle que celle en cause au principal, poursuit des objectifs légitimes compatibles avec le traité FUE et relevant de raisons impérieuses d’intérêt général et qu’elle est propre à garantir la réalisation de ces objectifs.

3)      Sur le contrôle de la proportionnalité

148. Enfin, se pose la question de savoir si la procédure d’imposition prévue par le droit bulgare dans le cadre de la constatation d’un abus ou d’une fraude fiscale est conforme au principe de proportionnalité.

149. À cet égard, je rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, afin de vérifier si une opération poursuit un objectif de fraude et d’abus, les autorités nationales compétentes ne sauraient se contenter d’appliquer des critères généraux prédéterminés, mais doivent procéder à un examen individuel de l’ensemble de l’opération concernée (73).

150. Dans ce contexte, la Cour a jugé qu’une législation nationale qui se base sur un examen d’éléments objectifs et vérifiables pour déterminer si une transaction présente le caractère d’un montage purement artificiel à des seules fins fiscales doit être considérée comme n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour prévenir des pratiques abusives lorsque, en premier lieu, dans chaque cas où l’existence d’un tel montage ne peut être exclue, le contribuable est mis en mesure, sans être soumis à des contraintes administratives excessives, de produire des éléments concernant les éventuelles raisons commerciales qui ont pu l’amener à conclure une telle transaction (74).

151. Pour qu’une telle législation reste conforme au principe de proportionnalité, il importe, en second lieu, que, lorsque la vérification de tels éléments aboutit à la conclusion que la transaction en cause correspond à un montage purement artificiel dépourvu de raisons commerciales réelles, la requalification des intérêts versés en bénéfices distribués se limite à la fraction de ces intérêts qui dépasse ce qui aurait été convenu en l’absence de relations spéciales entre les parties ou entre ces dernières et une tierce personne (75).

152. À cet égard, il convient de noter que la circonstance qu’une société résidente s’est vu octroyer un prêt par une société non-résidente dans des conditions qui ne correspondent pas à ce que les sociétés concernées auraient convenu dans des conditions de pleine concurrence constitue pour l’État membre de résidence de la société emprunteuse un élément objectif et vérifiable par des tiers pour déterminer si la transaction en cause constitue, en tout ou en partie, un montage purement artificiel dont le but essentiel est d’échapper à l’emprise de la législation fiscale de cet État membre (76).

153. Par ailleurs, je relève que l’article 16 de la ZKPO semble également remplir le second critère énoncé par la jurisprudence de la Cour, en ce sens que la mesure fiscale correctrice prévue par cette disposition vise à garantir que des prêts entre sociétés liées soient conclus dans des circonstances de « pleine concurrence » rectifiant le taux applicable et en s’assurant qu’il est conforme avec celui du marché afin de calculer les intérêts non payés.

154. En ce qui concerne, enfin, la pratique fiscale de l’administration bulgare, je note que la position de la requérante selon laquelle cet impôt est dû « en vertu d’une présomption irréfragable d’évasion  fiscale »,  sans que les parties à l’opération puissent invoquer l’existence de motifs économiques justifiant sa conclusion, ne paraît pas être confirmée par l’article 16 de la ZKPO, qui conditionne tout redressement fiscal à une appréciation globale des éléments de preuve fournis par l’assujetti et de ceux recueillis par l’administration fiscale.

155. Dans ses conditions et sous réserve des vérifications à effectuer par la juridiction de renvoi sur les points qui précèdent, je considère que la procédure de redressement fiscal prévue à l’article 16 de la ZKPO remplit les conditions de proportionnalité fixées par la jurisprudence de la Cour et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis.

156. Eu égard à ce qui précède, je propose de répondre à la quatrième question en ce sens que l’article 49 et l’article 63, paragraphes 1 et 2, TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à une réglementation nationale qui, en application du « principe de pleine concurrence » et en vue de la lutte contre l’évasion fiscale, prévoit la taxation sous forme d’une retenue à la source des intérêts fictifs qu’une filiale résidente ayant bénéficié d’un prêt sans intérêt octroyé par sa société mère non-résidente aurait, selon les conditions de marché, été tenue de verser à cette dernière, sous la condition que le redressement fiscal prévu par cette réglementation est fondé sur un examen individuel de l’opération concernée tout en laissant à l’assujetti la faculté de produire des preuves des considérations économiques qui ont pu l’amener à conclure l’opération en question.

F.      Sur la cinquième question préjudicielle

157. La cinquième question vise à établir si l’article 3, sous h) à j), l’article 5, paragraphe 1, sous a) et b), l’article 7, paragraphe 1, et l’article 8 de la directive 2008/7 s’opposent à des dispositions de droit national, telles que l’article 16, paragraphe 1, et paragraphe 2, point 3, et l’article 195, paragraphe 1, de la ZKPO, concernant l’application d’un impôt à la source sur un revenu fictif d’intérêts, déterminé dans le cadre du prêt litigieux.

158. Tout d’abord, s’agissant de la directive 2008/7, je rappelle que celle-ci procède à une harmonisation exhaustive des cas dans lesquels les États membres peuvent soumettre les rassemblements de capitaux à des impôts indirects (77) en vue d’éliminer, dans toute la mesure du possible, les facteurs qui sont susceptibles de fausser les conditions de concurrence ou d’entraver la libre circulation des capitaux et ainsi de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur (78).

159. Dans cette perspective, l’article 5, paragraphe 1, sous a), de cette directive impose aux États membres d’exonérer les sociétés de capitaux de toute forme d’« imposition indirecte » sur les « apports de capital ».

160. Afin de répondre à la question posée, il convient d’abord d’établir si un prêt sans intérêt, tel que celui accordé en l’espèce par le détenteur unique du capital de la société bénéficiaire, constitue un « apport de capital », au sens de l’article 3, sous h), de la directive 2008/7.

161. La réponse à cette question peut être apportée tant par le contenu de la disposition précitée que par la jurisprudence de la Cour.

162. Ainsi, l’article 3, sous h), de la directive 2008/7 définit un « apport de capital » comme « l’augmentation de l’avoir social d’une société de capitaux au moyen de prestations effectuées par un associé qui n’entraînent pas une augmentation du capital social, mais [...] qui sont susceptibles d’augmenter la valeur des parts sociales ».

163. Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que l’augmentation de l’avoir social comprend, en principe, toute forme d’augmentation du patrimoine social d’une société de capitaux (79). Ainsi, la Cour a relevé que l’octroi d’un prêt sans intérêt est susceptible de constituer un « apport de capital » (80).

164. Je considère, enfin, que les caractéristiques du prêt litigieux, et en particulier sa convertibilité et sa longue durée, constituent des éléments supplémentaires indiquant que ce prêt peut être considéré comme un « apport de capital ».

165. S’agissant du second volet de la question, consistant notamment à savoir si l’impôt perçu en vertu des articles 16 et 195 de la ZKPO relève du champ d’application de la directive 2008/7 et plus particulièrement de son article 5, paragraphe 1, sous a), il convient de noter que cette disposition fait obligation aux États membres d’exonérer les sociétés de capitaux de toute forme d’imposition indirecte sur les apports de capital.

166. Néanmoins, la directive 2008/7 n’impose pas aux États membres d’exonérer les apports de capital de toute forme d’imposition directe.

167. Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, cette directive ne porte pas sur les impôts directs, qui, tel l’impôt sur le revenu des sociétés, relèvent, en principe, de la compétence des États membres, dans le respect du droit de l’Union (81).

168. Il ne fait aucun doute que la retenue à la source en cause au principal est un impôt direct sur le revenu et qu’il s’agit d’une manifestation de l’impôt sur le revenu des sociétés.

169. Eu égard à ce qui précède, je propose de répondre à la cinquième question préjudicielle que la directive 2008/7 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une retenue à la source telle que celle en cause dans la présente affaire.

G.      Sur la sixième question préjudicielle

170. Par sa sixième et dernière question, la juridiction de renvoi indique que l’article 200, paragraphe 2, et l’article 200a, paragraphe 1, et paragraphe 5, point 4, de la ZKPO, dans sa version applicable au 1er janvier 2011, fixent le taux de la retenue à la source à 10 %, alors que le taux maximal applicable dans le cadre de la période transitoire accordée était de 5 %. La juridiction de renvoi demande si une telle différence se heurte aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

171. Il ressort de l’analyse de la deuxième question exposée aux points 54 à 63 des présentes conclusions que le prêt sans intérêt en cause au principal relève, entre autres, de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous d), de la directive 2003/49 et que celle-ci n’est pas applicable aux faits de l’espèce.

172. Eu égard à ce qui précède, je suis d’avis que la sixième question est sans objet dans le cadre du litige pendant.

V.      Conclusion

173. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême, Bulgarie) de la manière suivante :

1)      L’article 5, paragraphe 4, et l’article 12, sous b), TUE ainsi que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’appliquent pas à l’interprétation de l’article 16, paragraphe 2, point 3, de la zakon za korporativnoto podohodno oblagane (loi sur l’imposition des revenus des personnes morales) étant donné que cette dernière disposition ne représente pas une application du droit de l’Union.

2)      L’article 4 de la directive 2003/49/CE du Conseil, du 3 juin 2003, concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas que les paiements d’intérêts, tels que ceux visés à l’article 4, paragraphe 1, sous d), de cette directive, soient qualifiés de distributions de bénéfices relevant de l’article 5 de la directive 2011/96/UE du Conseil, du 30 novembre 2011, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents.

3)      La directive 2011/96 doit être interprétée en ce sens qu’elle n’est pas applicable à une retenue à la source sur un revenu fictif d’intérêts au titre d’un prêt sans intérêt accordé par la société mère à sa filiale.

4)      L’article 49 et l’article 63, paragraphes 1 et 2, TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, en principe, à une réglementation nationale qui, en application du « principe de pleine concurrence » et en vue de la lutte contre l’évasion fiscale, prévoit la taxation sous forme d’une retenue à la source des intérêts fictifs qu’une filiale résidente ayant bénéficié d’un prêt sans intérêt octroyé par sa société mère non-résidente aurait, selon les conditions de marché, été tenue de verser à cette dernière, sous la condition que le redressement fiscal prévu par la réglementation nationale est fondé sur un examen individuel de l’opération concernée tout en laissant à l’assujetti la faculté de produire des preuves des considérations économiques qui ont pu l’amener à conclure l’opération en question.

5)      La directive 2008/7/CE du Conseil, du 12 février 2008, concernant les impôts directs frappant les rassemblements de capitaux doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à une retenue à la source telle que celle en cause dans la présente affaire.


1      Langue originale : le français.


2      JO 2005, L 157, p. 29.


3      JO 2005, L 157, p. 203, ci-après l’« acte d’adhésion ».


4      Directive du Conseil du 3 juin 2003 concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents (JO 2003, L 157, p. 49).


5      Directive du Conseil du 29 avril 2004 modifiant la directive 2003/49 (JO 2004, L 157, p. 106).


6      Directive du Conseil du 12 février 2008 concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO 2008, L 46, p. 11).


7      Directive du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO 2011, L 345, p. 8), telle que modifiée par la directive (UE) 2015/121 du Conseil, du 27 janvier 2015 (JO 2015, L 21, p. 1) (ci-après la « directive 2011/96 »).


8      DV no 105, du 22 décembre 2006.


9      Le contenu de cette disposition est fourni non par la juridiction de renvoi, mais par l’administration fiscale (en partie) et le gouvernement bulgare (intégralement) dans leurs observations écrites.


10      Cette conversion a eu lieu le 31 octobre 2018.


11      Voir arrêts du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, EU:C:1995:31, point 21), et du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, EU:C:2005:763, point 29).


12      Voir arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, EU:C:1995:31, point 24).


13      Voir arrêt du 20 décembre 2017, Deister Holding et Juhler Holding (C‑504/16 et C‑613/16, EU:C:2017:1009, point 60).


14      Voir arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a. (C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 109, ainsi que jurisprudence citée).


15      Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune 2017, tendant à l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune sans créer de possibilités de non‑imposition ou d’imposition réduite par l’évasion ou la fraude fiscale, dans la version publiée par l’OCDE le 21 novembre 2017.


16      Voir arrêts du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 86), ainsi que du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C‑524/04, EU:C:2007:161, point 81).


17      Voir arrêt du 25 juillet 2018, TTL (C‑553/16, EU:C:2018:604, points 30 à 35).


18      Voir arrêt du 19 septembre 2013, Betriu Montull (C‑5/12, EU:C:2013:571, point 70 et jurisprudence citée).


19      Voir arrêts du 21 juillet 2011, Scheuten Solar Technology (C‑397/09, EU:C:2011:499, points 24, 25 et 28), ainsi que du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a. (C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, points 85, 86 et 108).


20      Voir arrêt du 21 juillet 2011, Scheuten Solar Technology (C‑397/09, EU:C:2011:499, point 27).


21      Je note que la fixation et l’imposition des intérêts fictifs visent à soumettre à l’impôt l’avantage qui découle d’un prêt sans intérêt au profit de l’emprunteur.


22      Voir considérants 2 à 4 de la directive 2003/49.


23      Voir article 5 de la directive 2003/49.


24      Voir arrêt du 21 juillet 2011, Scheuten Solar Technology (C‑397/09, EU:C:2011:499, points 24, 25 et 28).


25      Voir arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a. (C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 109, ainsi que jurisprudence citée).


26      Voir arrêt du 2 avril 2020, GVC Services (Bulgaria) (C‑458/18, EU:C:2020:266, point 31).


27      Voir arrêt du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C‑524/04, EU:C:2007:161, point 89).


28      Voir arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a. (C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 155).


29      Voir arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a. (C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 156).


30      Ce constat est sans préjudice au monopole d’interprétation du juge national concernant la législation nationale.


31      Voir arrêt du 2 juin 2016, Pensioenfonds Metaal en Techniek (C‑252/14, EU:C:2016:402, points 29 et suiv.).


32      Voir points 53 à 73 des présentes conclusions.


33      Voir arrêt du 3 octobre 2013, Itelcar (C‑282/12, EU:C:2013:629, point 14 et jurisprudence citée).


34      Voir arrêt du 17 septembre 2009, Glaxo Wellcome (C‑182/08, EU:C:2009:559, point 47 et jurisprudence citée).


35      Voir arrêt du 21 janvier 2010, SGI (C‑311/08, EU:C:2010:26, point 25 et jurisprudence citée).


36      Voir arrêt du 21 janvier 2010, SGI (C‑311/08, EU:C:2010:26, points 25 à 37).


37      Voir arrêt du 30 avril 2020, Société Générale (C‑565/18, EU:C:2020:318, point 22 et jurisprudence citée).


38      Voir ordonnance du 10 mai 2007, Lasertec (C‑492/04, EU:C:2007:273, point 25).


39      Voir arrêt du 3 mars 2020, Vodafone Magyarország (C‑75/18, EU:C:2020:139, point 39 et jurisprudence citée).


40      Voir arrêt du 20 janvier 2021, Lexel (C‑484/19, EU:C:2021:34, point 33 et jurisprudence citée).


41      Voir arrêts du 12 juin 2003, Gerritse (C‑234/01, EU:C:2003:340, points 29 et 55), du 3 octobre 2006, FKP Scorpio Konzertproduktionen (C‑290/04, EU:C:2006:630, point 42), et du 15 février 2007, Centro Equestre da Lezíria Grande (C‑345/04, EU:C:2007:96, point 23).


42      Voir arrêts du 17 septembre 2015, Miljoen e.a. (C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608, point 57), ainsi que du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a. (C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 17).


43      Voir arrêt du 13 juillet 2016, Brisal et KBC Finance Ireland (C‑18/15, EU:C:2016:549, point 42).


44      Voir arrêts du 2 juin 2016, Pensioenfonds Metaal en Techniek (C‑252/14, EU:C:2016:402, point 41), et du 22 novembre 2018, Sofina e.a. (C‑575/17, EU:C:2018:943, points 30 et 52).


45      Voir arrêt du 22 novembre 2018, Sofina e.a. (C‑575/17, EU:C:2018:943, point 34).


46      Directive du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE (JO 2011, L 64, p. 1).


47      Ainsi, comme le démontre la pratique fiscale internationale, un tel mécanisme est propre à empêcher la double prise en compte des frais déductibles, car, lorsqu’il est appliqué par le premier État, celui-ci peut vérifier les frais professionnels qui ont été pris en compte dans le calcul de l’impôt acquitté dans le second. Il est aussi courant que, dans le cadre d’un tel mécanisme, les autorités fiscales d’un État peuvent informer l’État de résidence du contribuable partiellement assujetti de la demande de remboursement présentée par ce dernier.


48      Voir arrêt du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, EU:C:1995:31, point 30).


49      Voir arrêt du 22 décembre 2008, Truck Center (C‑282/07, EU:C:2008:762, point 41).


50      Voir arrêt du 17 septembre 2015, Miljoen e.a. (C‑10/14, C‑14/14 et C‑17/14, EU:C:2015:608, point 72).


51      Voir arrêt du 8 novembre 2007, Amurta (C‑379/05, EU:C:2007:655, points 38 et 39), ainsi que ordonnance du 12 juillet 2012, Tate & Lyle Investments (C‑384/11, non publiée, EU:C:2012:463, points 31 et 32, ainsi que jurisprudence citée).


52      Voir arrêt du 8 juin 2016, Hünnebeck (C‑479/14, EU:C:2016:412, point 42 et jurisprudence citée).


53      Voir arrêt du 18 mars 2010 (C‑440/08, EU:C:2010:148, point 43 et jurisprudence citée).


54      Voir arrêt du 18 mars 2021 (C‑388/19, EU:C:2021:212, point 45).


55      Voir arrêt du 5 juillet 2012, SIAT (C‑318/10, EU:C:2012:415, point 45).


56      Voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Allianzgi-Fonds Aevn (C‑545/19, EU:C:2021:372).


57      Voir arrêt du 5 juillet 2005, D. (C‑376/03, EU:C:2005:424, points 50 et 51, ainsi que jurisprudence citée).


58      Voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire N Luxembourg 1 (C‑115/16, EU:C:2018:143).


59      Voir jurisprudence citée au point 96 des présentes conclusions.


60      Voir arrêt du 22 novembre 2018, Sofina e.a. (C‑575/17, EU:C:2018:943, point 34).


61      Voir arrêt du 2 juin 2016, Pensioenfonds Metaal en Techniek (C‑252/14, EU:C:2016:402, points 29 et suiv.).


62      Voir arrêt du 8 mars 2017, Euro Park Service (C‑14/16, EU:C:2017:177, point 65).


63      Voir arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (C‑28/95, EU:C:1997:369, point 41).


64      Voir arrêt du 22 novembre 2017, Cussens e.a. (C‑251/16, EU:C:2017:881, point 59 et jurisprudence citée).


65      Voir arrêt du 17 décembre 2015, WebMindLicenses (C‑419/14, EU:C:2015:832, point 34 et jurisprudence citée).


66      Voir arrêt du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C‑524/04, EU:C:2007:161, point 73 et jurisprudence citée).


67      Voir arrêt du 26 février 2019, N Luxembourg 1 e.a. (C‑115/16, C‑118/16, C‑119/16 et C‑299/16, EU:C:2019:134, point 109, ainsi que jurisprudence citée).


68      Voir point 46 des présentes conclusions.


69      À cet égard, je rappelle que le prêt a été converti après le redressement fiscal opéré par l’administration fiscale.


70      Voir arrêts du 21 février 2006, Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, point 68), et du 22 novembre 2017, Cussens e.a. (C‑251/16, EU:C:2017:881, point 27).


71      Voir arrêt du 18 juillet 2007, Oy AA (C‑231/05, EU:C:2007:439, point 62).


72      Voir arrêts du 18 juillet 2007, Oy AA (C‑231/05, EU:C:2007:439, points 58, 59 et 63), ainsi que du 21 janvier 2010, SGI (C‑311/08, EU:C:2010:26, points 66 et 67).


73      Voir arrêt du 20 décembre 2017, Deister Holding et Juhler Holding (C‑504/16 et C‑613/16, EU:C:2017:1009, point 62, ainsi que jurisprudence citée).


74      Voir arrêt du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C‑524/04, EU:C:2007:161, point 82), et ordonnance du 23 avril 2008, Test Claimants in the CFC and Dividend Group Litigation (C‑201/05, EU:C:2008:239, point 84).


75      Voir arrêt du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C‑524/04, EU:C:2007:161, point 83).


76      Voir arrêt du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C‑524/04, EU:C:2007:161, point 81).


77      Voir arrêt du 19 octobre 2017, Air Berlin (C‑573/16, EU:C:2017:772, point 27 et jurisprudence citée).


78      Voir arrêt du 22 avril 2015, Drukarnia Multipress (C‑357/13, EU:C:2015:253, point 31).


79      Voir arrêt du 12 janvier 2006, Senior Engineering Investments (C‑494/03, EU:C:2006:17, point 34).


80      Voir arrêt du 17 septembre 2002, Norddeutsche Gesellschaft zur Beratung und Durchführung von Entsorgungsaufgaben bei Kernkraftwerken (C‑392/00, EU:C:2002:500, point 18 et jurisprudence citée).


81      Voir arrêt du 18 janvier 2001, P. P. Handelsgesellschaft (C‑113/99, EU:C:2001:32, point 24 et jurisprudence citée).