Language of document : ECLI:EU:T:2012:42

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

1er février 2012 (*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire T‑148/10,

Hynix Semiconductor, Inc., établie à Gyeonggi-do (Corée du Sud), représentée par MM. A. Woodgate et O. Heinisch, solicitors,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. S. Noë, Mme A. Antoniadis, MM. J. Bourke et F. Castillo de la Torre, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Rambus, Inc., établie à Los Altos, Californie (États-Unis), représentée par MM. I. Forrester, QC, J. Killick, barrister, et MP. Berghe, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 9 décembre 2009, relative à une procédure d’application des articles 102 TFUE et 54 EEE (affaire COMP/38.636‑Rambus), rendant contraignants les engagements pris par Rambus, Inc. de plafonner pendant cinq ans ses taux de redevances sur certains brevets portant sur les semi-conducteurs pour mémoires RAM dynamiques (DRAM) et mettant fin à la procédure, conformément à l’article 9 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1),

LE PRÉSIDENT DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Contexte du litige et procédure administrative

1        Rambus, Inc. (ci-après « Rambus ») conçoit et développe des technologies de connexion par carte à puce à large bande pour ordinateurs, produits électroniques grand public et produits de communication (dont des mémoires systèmes, des cartes graphiques pour PC, des produits multimédias, des postes de travail, des consoles de jeux vidéo et des commutateurs de réseau), qu’elle concède également sous licence.

2        Le 18 décembre 2002, la requérante, Hynix Semiconductor, Inc. (ci-après « Hynix »), a adressé à la Commission européenne une plainte visant Rambus, au titre de l’article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). Il était notamment reproché à celle-ci de réclamer des redevances abusives pour l’utilisation de certains brevets portant sur des puces mémoires dynamiques à accès aléatoire (ci-après les « DRAM »). Les puces DRAM sont un type de mémoire électronique utilisée avant tout dans les systèmes informatiques, mais également dans un large éventail d’autres produits qui ont besoin de stocker temporairement des données, tels que les serveurs, les stations de travail, les imprimantes, les PDA et les appareils photo. Selon la plaignante, Rambus s’était livrée intentionnellement à une duperie dans le cadre du processus de normalisation concernant ces puces entrepris par l’organisme américain JEDEC, en ne révélant pas l’existence de brevets et de demandes de brevets, dont elle a déclaré ultérieurement qu’ils concernaient la norme adoptée. Un tel comportement est connu sous le vocable d’« embuscade tendue au moyen de brevets ». Les puces DRAM conformes à la norme JEDEC représentent environ 95 % du marché et sont utilisées dans presque tous les ordinateurs personnels. En 2008, les ventes mondiales de DRAM ont dépassé 34 milliards d’USD (soit plus de 23 milliards d’EUR).

3        Le 27 juillet 2007, la Commission a engagé une procédure en vue d’arrêter une décision au titre du chapitre III du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1), et elle a adopté une communication des griefs exposant les problèmes de concurrence qu’elle avait recensés. Selon elle, cette communication des griefs constitue également une évaluation préliminaire au sens de l’article 9 du règlement n° 1/2003.

4        À cette occasion, la Commission est parvenue à la conclusion provisoire qu’au moment où elle avait commencé à revendiquer ses brevets, soit en janvier 2000, Rambus détenait une position dominante sur le marché mondial de la technologie d’interface DRAM, position dominante qu’elle avait conservée depuis lors. La Commission a également estimé à titre préliminaire que les pratiques de Rambus consistant à réclamer des redevances pour l’utilisation de ses brevets aux fabricants de DRAM conformes aux normes de l’industrie, redevances d’un montant qu’elle n’aurait pu imposer si elle ne s’était pas livrée intentionnellement à la duperie présumée, posaient problème quant à leur compatibilité avec l’article 82 CE. En outre, la Commission est parvenue à la conclusion provisoire que le comportement de Rambus sapait la confiance dans le processus de normalisation, compte tenu du fait que, dans le secteur en cause, un processus de normalisation efficace est une condition préalable à l’évolution technologique et au développement général du marché dans l’intérêt des consommateurs.

5        Cette communication des griefs a été notifiée à Rambus le 30 juillet 2007. Celle-ci y a répondu le 31 octobre 2007. Une audition s’est par ailleurs tenue les 4 et 5 décembre 2007 à la demande de Rambus. Cinq entreprises ont été admises en tant que tierces parties intéressées et ont formulé des observations sur la communication des griefs.

6        Le 8 juin 2009, Rambus a présenté à la Commission des engagements liminaires en réponse aux allégations exposées dans la communication des griefs (ci-après les « engagements initiaux »), tout en réfutant les conclusions provisoires de cette dernière.

7        Les engagements initiaux de Rambus comportaient trois sections : i) une section générale, qui prévoyait une licence mondiale de cinq ans pour les futurs produits DRAM pour tous ses brevets ; ii) une section qui prévoyait l’octroi de licences pour les puces DRAM, ainsi que les taux de redevance maximum qui pouvaient être imposés ; et iii) une section prévoyant l’octroi de licences pour les contrôleurs de mémoire, ainsi que les taux de redevance maximum qui pouvaient être imposés.

8        Le 12 juin 2009, une communication a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne, conformément à l’article 27, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003. Cette communication résumait l’affaire ainsi que les engagements initiaux et invitait les tierces parties intéressées à présenter leurs observations.

9        Le 23 juillet 2009, la Commission a informé Rambus des observations sur les engagements initiaux reçues de la part des tierces parties intéressées. Le 14 août 2009, Rambus a présenté des engagements modifiés (ci-après les « engagements révisés » ou les « engagements »).

10      Aux termes des engagements révisés, Rambus a accepté, premièrement, de ne pas réclamer de redevances pour les normes SDRAM et DDR qui avaient été adoptées à l’époque où elle était membre du JEDEC et où elle se livrait intentionnellement à la duperie présumée. Deuxièmement, Rambus s’est engagée à réclamer une redevance de 1,5 % maximum pour les générations ultérieures de normes adoptées par le JEDEC après qu’elle s’en était retirée. Troisièmement, Rambus s’est engagée à étendre ce taux maximum à tous les acteurs du marché et a garanti que l’industrie ne devrait pas payer davantage.

11      Le 13 octobre 2009, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE (JO L 123, p. 18), la Commission a informé Hynix qu’elle avait adopté la position préliminaire que le degré d’intérêt de l’Union n’était pas suffisant pour conduire plus loin l’enquête sur l’infraction supposée. Hynix a transmis des commentaires supplémentaires le 12 novembre 2009.

12      Par décision du 9 décembre 2009, relative à une procédure d’application des articles 102 TFUE et 54 EEE (affaire COMP/38.636-Rambus), la Commission a accepté et rendu contraignants les engagements révisés pris par Rambus, conformément à l’article 9 du règlement n° 1/2003, et a conclu qu’il n’y avait plus lieu d’agir dans ladite affaire (ci-après la « décision relative aux engagements »).

13      Par décision du 15 janvier 2010, la Commission a rejeté la plainte introduite par Hynix contre Rambus, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

 Procédure contentieuse devant le Tribunal

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mars 2010, Hynix a introduit un recours visant à l’annulation de la décision relative aux engagements.

15      L’avis concernant ce recours visé à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal a été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 5 juin 2010.

16      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 30 septembre 2010, Rambus a été admise à intervenir au présent litige, au soutien des conclusions de la Commission.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 mars 2011, STMicroelectronics N.V. (ci-après « STM »), représentée par MM. Todino, avocat, a demandé à intervenir au présent litige, au soutien des conclusions de Hynix.

18      La demande d’intervention a été signifiée aux parties, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

19      Par actes respectivement déposés au greffe du Tribunal le 1er et le 4 avril 2011, la Commission et Rambus ont soulevé des objections à l’encontre de cette demande. Hynix n’a pas soumis d’observations dans le délai imparti.

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 avril 2011, Rambus a indiqué qu’elle ne formulait pas de demande de traitement confidentiel vis-à-vis de STM, au sens de l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure.

 Sur la demande en intervention

 Arguments des parties

21      STM fait valoir qu’elle remplit les conditions auxquelles est soumis le droit d’intervention des particuliers et qu’elle doit, dès lors, être admise à intervenir au litige au soutien des conclusions de Hynix.

22      Elle expose, tout d’abord, qu’elle est une entreprise basée en Europe, active dans le domaine de l’ingénierie, de la fabrication et de la commercialisation de semi-conducteurs au niveau mondial. Elle déclare produire l’une des gammes les plus larges de l’industrie des produits semi-conducteurs, allant des diodes discrètes et transistors en passant par les systèmes sur puces complexes jusqu’aux solutions complètes de plateformes. Ces produits incluraient des puces avec contrôleurs de mémoire intégrés pour DRAM se conformant aux standards du JEDEC. La décision relative aux engagements aurait donc un impact direct, concret et individuel sur STM, dans la mesure où elle fixe les exigences, y compris le niveau des redevances et les conditions en vertu desquelles les brevets de Rambus peuvent lui être donnés en licence.

23      À cet égard, STM fait plus particulièrement valoir que sa capacité à produire, ses coûts de production et sa situation concurrentielle sur le marché sont affectés par l’issue du recours de Hynix. Si celui-ci était accueilli par le Tribunal, la décision relative aux engagements serait annulée et la Commission serait alors tenue de rouvrir son enquête et d’examiner complètement les préoccupations en matière de concurrence découlant du comportement anticoncurrentiel de Rambus, soit en redéfinissant l’étendue des engagements, soit en adoptant une décision finale à la suite d’une enquête à part entière.

24      STM fait ensuite état d’un certain nombre de griefs de fond qu’elle entend faire valoir à l’encontre de la décision relative aux engagements, au soutien des conclusions de Hynix. Les déficiences de ladite décision mises en lumière par ces griefs auraient un impact négatif direct, individuel et concret sur ses coûts et sur sa viabilité commerciale.

25      Dans ce contexte, elle expose, notamment, que, le 1er décembre 2010, Rambus a déposé une plainte devant la United States International Trade Commission (Commission du commerce international des États-Unis, ci-après l’« ITC »), dans le but d’obtenir une ordonnance d’exclusion générale à l’encontre de tous les semi-conducteurs importés aux États-Unis en raison d’une utilisation prétendument non autorisée de certains brevets visés par la décision relative aux engagements. STM estime que cette plainte, qui prive selon elle ladite décision d’effet utile, n’aurait pas été possible si cette décision avait été correctement adoptée.

26      Quant à sa non-participation à la procédure administrative, STM fait valoir que, selon la jurisprudence, celle-ci n’empêche pas une tierce partie d’intervenir ultérieurement devant le Tribunal, dès lors que sa situation concurrentielle est substantiellement affectée par l’acte attaqué. STM ajoute qu’elle n’a pas participé à ladite procédure administrative parce qu’elle croyait que l’enquête de la Commission concernait uniquement les puces DRAM combinées aux contrôleurs de mémoire isolés, comme celles fabriquées par Hynix, et non pas les puces utilisant uniquement des contrôleurs de mémoire intégrés, comme celles qu’elle fabrique. Or, la décision relative aux engagements porterait sur ces deux types de puces.

27      La Commission commence par rappeler ce que sont les puces DRAM (voir point 2 ci-dessus) et fait état du processus de normalisation de leur technologie d’interface par le JEDEC, laquelle est en partie couverte par des brevets de Rambus. Elle expose que les contrôleurs de mémoire gèrent les flux de données de et vers la mémoire principale (c’est-à-dire la puce DRAM) d’un dispositif électronique. Dans la mesure où ils interagissent ainsi avec les puces DRAM, ils devraient être conformes aux normes de la technologie d’interface contenue dans celles-ci.

28      Quant à la pertinence des contrôleurs de mémoire pour l’enquête effectuée en l’espèce, la Commission expose que celle-ci a porté sur le comportement de Rambus en rapport avec la technologie d’interface normalisée par le JEDEC. Dans la communication des griefs, la Commission aurait estimé qu’il existait un marché de la technologie d’interface DRAM et que la demande de licences était déterminée par la demande de puces DRAM. Les contrôleurs de mémoire n’auraient été évoqués qu’à titre subsidiaire dans ladite communication des griefs, vu qu’ils n’étaient pas normalisés par le JEDEC et que le comportement imputé à Rambus ne les concernait pas en tant que tels. Cela étant, la Commission admet que les fabricants de contrôleurs de mémoire doivent, en principe, obtenir des licences de Rambus pour la technologie d’interface DRAM, raison pour laquelle Rambus aurait proposé des engagements couvrant également ces produits.

29      Nonobstant ces considérations générales, la Commission considère que STM ne peut être admise à intervenir au litige. Selon cette institution, ni la décision relative aux engagements ni son annulation éventuelle n’ont d’effet direct et immédiat sur la situation juridique de STM, à la différence de ce qui a été constaté à l’égard d’Alrosa dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Alrosa/Commission (T‑170/06, Rec. p. II‑2601, point 39).

30      D’une part, la Commission souligne que la décision relative aux engagements n’oblige pas STM à recourir aux services de Rambus ni ne la prive de cette possibilité. Elle n’obligerait pas non plus STM à accepter les taux de redevance maximum mentionnés dans les engagements, l’intéressée demeurant libre de négocier de meilleures conditions.

31      D’autre part, en cas d’annulation de la décision relative aux engagements, ceux-ci ne seraient plus contraignants pour Rambus. STM n’expliquerait toutefois pas en quoi elle pourrait avoir un intérêt à une telle issue, que ce soit sur le plan juridique ou financier. À cet égard, la Commission relève que STM n’a fourni au Tribunal aucune information sur ses relations contractuelles avec Rambus. STM semblerait soutenir qu’elle a besoin d’obtenir des licences de Rambus, mais elle n’expliquerait pas si elle a conclu un accord en ce sens avec Rambus et, dans l’affirmative, quelles seraient les répercussions d’une annulation de la décision relative aux engagements sur un tel accord. Si un tel accord n’a pas été conclu et si Rambus tente simplement d’imposer ses brevets à STM, celle-ci n’expliquerait pas comment une telle annulation modifierait sa situation. Quant à l’allégation selon laquelle la décision relative aux engagements « fixe les conditions » de tout accord entre Rambus et STM, la Commission estime qu’elle est erronée, pour les raisons déjà exposées au point 30 ci-dessus. En outre, si la décision relative aux engagements devait être annulée, Rambus se trouverait, selon la Commission, dans une position de négociation encore plus forte, puisqu’elle serait déliée desdits engagements.

32      Quant à la circonstance que la Commission serait tenue de prendre les mesures qui s’imposent en vertu de l’article 266 TFUE pour se conformer à l’arrêt du Tribunal, elle pourrait avoir des suites diverses, notamment la réouverture de l’enquête ou la réadoption de la décision relative aux engagements. Toutefois, le simple fait de souhaiter qu’une nouvelle enquête soit menée sur le comportement de Rambus ne suffit pas, selon la Commission, pour établir un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

33      Quant à la procédure américaine devant l’ITC dont il est question au point 25 ci‑dessus, STM n’expliquerait pas en quoi elle prive la décision relative aux engagements de tout effet utile. Aucune autre société n’aurait fait état d’un tel argument. En tout état de cause, cette circonstance ne serait pas liée à la décision relative aux engagements en tant que telle, mais au comportement ultérieur de Rambus.

34      Pour le surplus, la Commission rejette les griefs de fond de STM concernant les prétendues carences de la décision relative aux engagements (voir point 23 ci‑dessus).

35      Quant à la non-participation de STM à la procédure administrative, la Commission rappelle que celle-ci ne s’est jamais plainte du comportement de Rambus dans le domaine des contrôleurs de mémoire, alors même que la communication publiée au Journal officiel le 12 juin 2009 permettait de comprendre qu’ils étaient également visés.

36      Enfin, et en tout état de cause, la Commission soutient que la présente affaire ne concerne pas les contrôleurs de mémoire. Sur les 256 paragraphes que compte le recours en annulation, deux seulement mentionneraient, de façon marginale, les contrôleurs de mémoire. En résumé, la procédure engagée par Hynix concernerait les puces DRAM, et non les contrôleurs de mémoire.

37      Rambus soutient, elle aussi, que STM ne devrait pas être autorisée à intervenir au litige car elle n’aurait pas démontré un intérêt suffisant à l’issue de celui-ci. Dans ce contexte, Rambus réfute les arguments de fond avancés par STM (voir point 23 ci-dessus) et développe, pour le surplus, une argumentation largement similaire à celle de la Commission.

38      À cet égard, Rambus soutient plus particulièrement que la demande d’intervention est fondée sur la fausse prémisse que la décision relative aux engagements pose les conditions en vertu desquelles les brevets de Rambus peuvent être donnés en licence à STM, alors que cette décision se borne à fixer les taux maximum que Rambus pourrait exiger si STM décidait de prendre une telle licence. Or, STM n’aurait pas manifesté le moindre intérêt en ce sens. Même si tel était le cas, ladite décision n’imposerait pas les termes et les conditions d’une telle licence.

39      Par ailleurs, la procédure devant l’ITC dont il est question au point 25 ci-dessus serait sans pertinence. La raison pour laquelle STM fait face à cette procédure, qui concernerait uniquement le territoire américain, serait qu’elle a violé et continue à violer les brevets de Rambus aux États-Unis. La décision relative aux engagements serait sans effet sur cette question, d’autant que les revendications de Hynix dans l’Union européenne ont, d’après Rambus, été rejetées par les juridictions américaines.

40      Quant à la non-participation de STM à la procédure administrative, Rambus soutient que celle-ci crée, à tout le moins, une présomption qu’elle n’a pas d’intérêt à l’issue du présent litige. STM n’aurait rien affirmé qui soit susceptible de renverser cette présomption.

 Appréciation du président

41      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

42      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens et arguments soulevés. En effet, par « solution du litige », il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du président de la grande chambre du Tribunal du 28 novembre 2005, Microsoft/Commission, T‑201/04, non publiée au Recueil, point 44, et la jurisprudence citée).

43      Il convient de rappeler, par ailleurs, que, une décision au titre de l’article 9 du règlement n° 1/2003 ayant pour effet de mettre fin à la procédure de constatation et de sanction d’une infraction aux règles de concurrence, elle ne saurait être considérée comme étant une simple acceptation par la Commission d’une proposition librement formulée par un partenaire de négociations, mais constitue une mesure obligatoire mettant fin à une situation infractionnelle ou potentiellement infractionnelle, à l’occasion de laquelle la Commission exerce l’ensemble des prérogatives que lui confèrent les articles 81 CE et 82 CE, sous la réserve de cette seule particularité que la présentation d’offres d’engagements par les entreprises concernées la dispense de poursuivre la procédure réglementaire imposée par l’article 85 CE et, en particulier, de prouver l’infraction (arrêt Alrosa/Commission, précité, point 87).

44      En rendant obligatoire un comportement donné d’un opérateur vis-à-vis des tiers, une décision adoptée au titre de l’article 9 du règlement n° 1/2003 peut comporter indirectement des effets juridiques erga omnes que l’entreprise concernée n’aurait pas été en mesure à elle seule de créer ; la Commission en est donc l’unique auteur, à partir du moment où elle donne force obligatoire aux engagements offerts par l’entreprise concernée, et en assume donc seule la responsabilité (arrêt Alrosa/Commission, précité, point 88).

45      Par ailleurs, la possibilité de rouvrir la procédure, conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, existe dans trois hypothèses seulement : en cas de changement important de l’un des faits sur lesquels la décision repose ; en cas de violation des engagements par les entreprises concernées ; lorsque la décision repose sur des informations incomplètes, inexactes ou dénaturées. Les situations justifiant une réouverture étant ainsi limitativement énumérées, un tiers intéressé ne pourrait pas demander une réouverture de la procédure pour violation du principe de proportionnalité. En outre, la Commission pourrait discrétionnairement refuser une telle réouverture (arrêt Alrosa/Commission, précité, point 155).

46      Cette jurisprudence permet de rejeter d’emblée l’argumentation de la Commission résumée aux points 29 et 30 ci-dessus, pour autant que celle-ci repose sur la prémisse qu’une entreprise tierce ne serait, sauf circonstances exceptionnelles telles que celles à l’origine de l’arrêt Alrosa/Commission, précité, pas suffisamment affectée par une décision adoptée au titre de l’article 9 du règlement n° 1/2003 pour obtenir le statut d’intervenant dans le cadre d’une procédure visant à son annulation. La Cour a d’ailleurs déjà jugé, de façon générale et sans exprimer de réserve, qu’il est loisible à une entreprise tierce s’estimant affectée par une telle décision de protéger ses droits par la voie d’un recours contre cette décision (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07 P, Rec. p. I‑5949, point 90). Il doit en aller de même, par analogie, s’agissant de la voie de l’intervention dans un tel recours.

47      En l’espèce, la présente affaire soulève, entre autres, la question de savoir ce qui constitue une pratique abusive en matière de normalisation, notamment pour ce qui concerne les « embuscades tendues au moyen de brevets » par une entreprise en position dominante. Plus spécifiquement, la présente affaire soulève la question de savoir si les engagements offerts par Rambus, notamment sous forme de redevances plafonnées, sont suffisants pour éliminer les problèmes de concurrence constatés par la Commission, ce qui peut également impliquer d’apprécier dans quelle mesure et à quelles conditions Rambus est en droit de réclamer des redevances pour ses brevets portant sur les semi-conducteurs pour mémoires DRAM, sans que cela suscite des doutes fondés de la part de la Commission.

48      Dans la mesure où, conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, la décision relative aux engagements a pour corollaire que la Commission s’est, en principe, interdit d’encore constater que la réclamation par Rambus de redevances ainsi plafonnées pour l’utilisation de ses brevets aux fabricants de DRAM et de contrôleurs de mémoire conformes aux normes de l’industrie est incompatible avec l’article 82 CE, alors même que, dans son évaluation préliminaire, la Commission envisageait de procéder à un tel constat et n’excluait pas d’imposer à Rambus des redevances nulles, ladite décision produit des effets directs et immédiats sur la situation de STM, dès lors que celle-ci est présente et active dans le secteur en aval des contrôleurs de mémoire intégrés pour DRAM se conformant aux normes du JEDEC, lequel est directement affecté par le comportement de Rambus dénoncé dans la plainte de Hynix (voir, par analogie, arrêt Alrosa/Commission, précité, point 39). Tant la position juridique de STM que ses intérêts économiques et commerciaux sont donc susceptibles d’être affectés par la solution que le Tribunal donnera au présent litige (voir, par analogie, ordonnance Microsoft/Commission, précitée, points 46 et 47).

49      À cet égard, force est de constater, au vu des arguments de STM résumés aux points 22 à 25 ci-dessus et des éléments d’appréciation auxquels ils renvoient, que, en tant que fabricant de contrôleurs de mémoire intégrés pour DRAM conformes aux normes de l’industrie et eu égard à la position occupée par Rambus sur le marché concerné grâce à ses brevets, STM est le cocontractant actuel ou potentiel obligé de celle-ci, dans le cadre d’une relation commerciale dont le contenu est défini, en partie, par la décision relative aux engagements. Cette décision est ainsi de nature à affecter substantiellement la position économique et financière de STM dans ses relations avec Rambus.

50      Quant à l’argumentation de la Commission tirée de ce que la plainte de Hynix, de même que son enquête, auraient porté sur les puces DRAM, et non sur les contrôleurs de mémoire (voir points 28 et 36 ci-dessus), il convient d’ajouter que la décision relative aux engagements porte bien sur ces deux produits. La technologie d’interface DRAM standardisée au sein du JEDEC est pertinente tant pour les DRAM que pour les contrôleurs de mémoire DRAM. Les contrôleurs de mémoire DRAM devant être conçus spécifiquement pour interagir avec une puce DRAM, et leur interface devant donc être conforme à cette technologie standardisée, l’argument selon lequel il s’agit de produits distincts est dénué de pertinence. Les répercussions du comportement de Rambus sont en effet identiques, qu’il s’agisse de l’un ou l’autre produit, puisqu’il concerne leur technologie d’interface. Dans sa communication des griefs (point 574), la Commission a du reste exposé son intention « d’ordonner à Rambus de fournir une licence […] aux entreprises produisant ou vendant des DRAM et des produits non DRAM qui se conforment aux normes DRAM du JEDEC… », à savoir, selon la note 901 de ladite communication des griefs, les « contrôleurs de mémoire ou autres composants qui ne sont pas des puces mémoire ». Au demeurant, la Commission reconnaît elle-même, dans ses observations sur la demande d’intervention, que les contrôleurs de mémoire fonctionnent nécessairement avec des puces DRAM et doivent donc respecter les normes concernant ces dernières (voir points 27 et 28 ci-dessus).

51      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que STM est financièrement et juridiquement affectée par la décision attaquée.

52      Quant à l’argumentation de la Commission résumée au point 31 ci-dessus, s’il est constant, en effet, que STM n’aurait aucun droit à obtenir une décision conforme à la plainte de Hynix, en cas de reprise de la procédure administrative à la suite du prononcé d’un arrêt d’annulation dans la présente espèce, ni même aucune garantie en ce sens, il demeure néanmoins qu’elle avait un intérêt direct à ce qu’une telle décision soit adoptée et, par suite, un intérêt direct à intervenir au soutien du recours de Hynix contestant le rejet de cette plainte, lequel est lui-même le corollaire de l’adoption de la décision relative aux engagements. En effet, dans l’hypothèse d’une annulation, la Commission serait tenue de prendre à nouveau en considération la plainte de Hynix, en tenant compte de l’appréciation effectuée par le Tribunal, ce qui donnerait à STM une chance supplémentaire de voir cette plainte aboutir à un résultat favorable pour elle (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 février 2008, Provincia di Imperia/Commission, T‑351/05, Rec. p. II‑241, point 33, confirmé sur pourvoi par ordonnance de la Cour du 5 mars 2009, Commission/Provincia di Imperia, C‑183/08 P, non publiée au Recueil, point 20).

53      Il en découle nécessairement que STM dispose d’un intérêt direct et certain à ce que les conclusions de Hynix tendant à l’annulation de la décision attaquée soient accueillies.

54      Aucun argument en sens contraire ne saurait être tiré du fait que STM ne s’est pas prévalue en l’espèce des droits procéduraux que lui accordait l’article 27, paragraphe 4, du règlement n° 1/2003, en tant que tierce partie intéressée, et n’a pas présenté des observations écrites ou orales au cours de la procédure administrative d’adoption de la décision relative aux engagements. Pour regrettable qu’il soit, ce fait est sans incidence sur l’appréciation de l’intérêt de STM à intervenir. En effet, subordonner la qualité à intervenir des tiers intéressés à leur participation effective à la procédure de consultation du marché reviendrait à introduire une condition de recevabilité supplémentaire, sous la forme d’une procédure précontentieuse obligatoire, laquelle n’est pas prévue à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Métropole télévision e.a./Commission, T‑528/93, T‑542/93, T‑543/93 et T‑546/93, Rec. p. II‑649, point 62, et la jurisprudence citée). Tout au plus pourrait-il être tenu compte de ce fait, le cas échéant, dans la répartition de la charge des dépens, s’il devait apparaître que la participation de STM à la procédure administrative aurait permis d’éviter la naissance du présent litige ou contribué à sa solution.

55      Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu d’admettre la demande d’intervention de STM.

56      Ladite demande ayant été introduite conformément à l’article 115 du règlement de procédure et STM ayant justifié son intérêt à la solution du litige, il y a lieu de l’admettre, conformément à l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice. La communication au Journal officiel de l’Union européenne visé à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 5 juin 2010, la demande d’intervention a été présentée en-dehors du délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement et les droits de l’intervenante seront ceux prévus à l’article 116, paragraphe 6, dudit règlement.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA DEUXIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      STMicroelectronics N.V. est admise à intervenir dans l’affaire T-148/10 au soutien des conclusions de Hynix Semiconductor, Inc.

2)      STMicroelectronics N.V. pourra présenter ses observations lors de la procédure orale, sur la base du rapport d’audience qui lui sera communiqué.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 1er février 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.