Language of document : ECLI:EU:T:2015:48

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

15 janvier 2015 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑535/08 DEP,

Tuzzi fashion GmbH, établie à Fulda (Allemagne), représentée par Me R. Kunze, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles)

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J. L. Rivas Zurdo et E. Seijo Veiguela, avocats,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Tuzzi fashion/OHMI ‑ El Corte Inglés (Emidio Tucci) (T‑535/08, non encore publié au Recueil),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 septembre 2007, Tuzzi fashion GmbH, a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 8 septembre 2008.

2        L’intervenante, El Corte Inglés, a agi au soutien de l’OHMI pour demander le rejet du recours et la condamnation de la requérante aux dépens.

3        Par l’arrêt du Tribunal du 27 septembre 2012, Tuzzi fashion/OHMI – El Corte Inglés (Emidio Tucci), T‑535/08, non encore publié au Recueil, le Tribunal a rejeté le recours et condamné la requérante à supporter les dépens sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

4        Par lettres et courriers électroniques des 11 janvier, 7 et 14 février 2013, l’intervenante a demandé à la requérante de lui régler le montant de ses dépens, qu’elle a chiffré à une somme globale de 12.500 euros. La requérante a contesté cette demande par emails les 14, 19 et 26 février 2013.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 mai 2013, l’intervenante a formé, sur le fondement de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande de taxation des dépens par laquelle elle a invité le Tribunal à fixer le montant des dépens récupérables dont le remboursement incombe à la requérante.

6        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 1er juillet 2013, la requérante a demandé le rejet de ladite demande et la fixation des dépens exposés par l’intervenante pour un montant inférieur ou égal à 6 000 euros. En particulier, s’agissant des dépens afférents à la procédure devant le Tribunal s’élevant, selon l’intervenante, à 14 337 euros, la requérante a estimé que ce montant était trop élevé, compte tenu du fait de l’absence de complexité du litige, du faible intérêt économique de l’intervenante et de la charge de travail de son conseil. En outre, la requérante fait valoir que l’intervenante n’a présenté aucune preuve relative au montant des honoraires et frais en cause.

En droit

7        Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations.

8        Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme des dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat. Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins [ordonnances du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II‑1785, point 13, et du 25 octobre 2010, Bastos Viegas/OHMI – Fabre Médicament (OPDREX), T‑33/08 DEP, non publiée au Recueil, point 7].

9        En ce qui concerne le contentieux relatif aux droits de propriété intellectuelle, l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure précise que sont également considérés comme dépens récupérables les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours ainsi que les frais exposés aux fins de la production, prévue par l’article 131, paragraphe 4, deuxième alinéa, des traductions des mémoires ou écrits dans la langue de procédure.

10      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions du droit de l’Union européenne de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties [ordonnances du Tribunal Airtours/Commission, précitée, point 18, et du 17 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI‑PUCCI (EMILIO PUCCI), T‑8/03 DEP, non publiée au Recueil, point 15].

11      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

12      En premier lieu, le Tribunal relève que l’affaire au principal ne présentait, quant à son objet et à sa nature, aucune complexité particulière. En effet, cette affaire concernait un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 23 septembre 2008 (affaire R 1561/2007‑2), relative à une procédure d’opposition entre Tuzzi fashion GmbH et El Corte Inglés, SA fondé sur la violation des articles 8, paragraphe 1, sous b), 73 et 62, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu le règlement n° 207/2009).

13      Ainsi qu’il ressort de la lecture de l’arrêt Tuzzi fashion/OHMI – El Corte Inglés (Emidio Tucci), précité, l’affaire en cause ne concernait ni une question de droit nouvelle ni une question de fait complexe et ne saurait, donc, être considérée comme particulièrement difficile. De même, il y a lieu de considérer que l’affaire ne revêtait pas une importance particulière au regard du droit de l’Union, dans la mesure où il s’inscrit dans une lignée de jurisprudence bien établie.

14      En deuxième lieu, il y a également lieu de relever que, si l’affaire présentait, certes, un intérêt économique pour l’intervenante, en l’absence totale d’éléments concrets apportés par cette dernière, cet intérêt ne saurait être considéré comme inhabituel ou significativement différent de celui qui sous-tend toute demande en nullité formée à l’encontre d’une marque communautaire.

15      En troisième lieu, en ce qui concerne l’ampleur du travail que la procédure a pu engendrer pour les représentants de l’intervenante, il importe de rappeler que la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (voir ordonnance Airtours/Commission, précitée, point 30, et la jurisprudence citée).

16      En l’espèce, s’agissant de la procédure devant le Tribunal, il y a lieu de constater que l’intervenante n’a produit, à l’appui de sa demande de taxation des dépens, qu’une note d’honoraires d’un montant de 14 337 euros. Ce montant de 14 337 euros comprend, premièrement, un montant générique de 12 000 euros pour l’ensemble de prestations juridiques, deuxièmement, un montant additionnel de 2 337 euros, correspondant aux frais de logement (277 euros), billets d’avion (1 710 euros), déplacements et manutention (350 euros). L’intervenante n’a communiqué aucune note d’honoraire ni facture à la requérante.

17      Malgré les demandes répétées du requérant à cet égard, exposées dans ses emails des 14, 19 et 26 février 2013, le conseil de l’intervenante, dans sa réponse du 26 février, n’apporte aucune justification concernant ce montant, autre qu’un laconique « ladite somme est une quantité très raisonnable pour ce genre d’affaires ». Ce n’est que dans l’annexe de la demande de taxation des dépens que l’intervenante fournit pour la première fois une « note d’honoraires ».

18      À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que l’intervenante n’a rien fourni aucun élément spécifique relatif au calcul des honoraires tels que des factures ou documentation similaire justifiant les frais, le taux horaire applicable aux prestations effectuées, le nombre d’heures allouées à chaque prestation, ou les orientations tarifaires du barreau dont dépend son conseil. La part des frais généraux forfaitaires retenus n’est également pas précisée. Le défaut de justification concernant les frais, l’évaluation forfaitaire des honoraires, le temps de travail pour chaque poste visé ou le taux horaire appliqué rend impossible d’apprécier l’ampleur du travail effectivement réalisé ou l’argent investi par les conseils juridiques dans lesdits frais, et, par conséquent, les dépens demandés.

19      Cette absence d’informations précises rend particulièrement difficile la vérification des dépens exposés aux fins de la procédure, ainsi que leur caractère indispensable à ces fins. Dans ces conditions, une appréciation stricte des honoraires récupérables s’impose nécessairement [voir ordonnance du Tribunal du 27 avril 2009, Mülhens/OHMI – Conceria Toska (TOSKA), T‑263/03 DEP, non publiée au Recueil, point 18, et la jurisprudence y citée].

20      Deuxièmement, en ce qui concerne la participation de deux conseils juridiques en place d’un seul, il ressort de l’article 91 b) que sont considérés comme dépens récupérables les frais de déplacement et de séjour, ainsi que la rémunération « d’un agent, conseil ou avocat », et non de deux. Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu'en principe la rémunération d'un seul avocat peut être considérée comme entrant dans la notion de frais indispensables au sens de l'article 73, sous b), du règlement de procédure de la Cour, et de l'article 91, sous b), du règlement de procédure du Tribunal (ordonnances du 30 septembre 1964, Maudet/Commission, 20/63 et 21/63, Rec. p. 1209, du 16 mai 1966, Töpfer et Getreide-Import/Commission, 106/63 et 107/63, non publiée au Recueil, du 5 juillet 1976, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, non publiée au Recueil et arrêt du Tribunal du 9 juin 1993, PPG Industries Glass/Commission, T‑78/89 DEP, Rec. p II‑573, point 39).

21      De plus, même s’il ressort de la jurisprudence que l’usage de plusieurs avocats a pu être accepté notamment eu égard à la complexité du dossier (ordonnance du Tribunal, Trioplast Industrier/Commission, du 13 juin 2012, T‑40/06 DEP, non publiée au Recueil, point 48) et que l’on peut supposer qu’en l’espèce, les barristers engagés ont pu contribuer à la cause des requérants en apportant leur expertise, il y a lieu de relever que la répartition du travail de préparation des mémoires entre plusieurs avocats implique nécessairement une certaine duplication des efforts entrepris, de sorte que le Tribunal ne saurait reconnaître la totalité des heures de travail réclamées (ordonnance du Tribunal du 15 septembre 2010, Huvis/Conseil, T‑221/05 DEP, non publiée au Recueil, point 35).

22      Par ailleurs, il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens engagés devant l’OHMI, dans la mesure où ils ont déjà été fixés dans la décision de la chambre de recours, laquelle forme titre exécutoire et que l’intervenante pourra donc faire exécuter à l’encontre de la requérante [voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 2 mars 2012, PVS/OHMI – MeDiTA Medizinische Kurierdienst (medidata), T‑270/09 DEP, non publiée au Recueil, points 19 et 20].

23      Ce sont donc les frais d’un des conseils qui doivent être pris en compte pour le calcul des dépens, soit la moitié des 14 437 euros. Ce montant doit en outre être minoré pour plusieurs raisons. En effet, il convient de constater que le contenu du mémoire en réponse est particulièrement succinct. Si le représentant de l’intervenante a présenté trois moyens dans son mémoire en réponse, il ne le fait que de manière succincte puisque ses développements juridiques effectifs ne représentent que quatre pages. De plus, il convient également de relever que la note d’honoraire est lacunaire et ne permet pas de justifier le montant des frais d’autant qu’elle n’a été accompagnée ni d’annexes ni d’aucun document ultérieur.

24      Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par l’intervenante au titre de la procédure devant le Tribunal en fixant le montant à 6 000 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens à rembourser par Tuzzi Fashion GmbH est fixé à 6 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 15 janvier 2015.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      M. van der Woude


* Langue de procédure : l'espagnol.