Language of document : ECLI:EU:T:2011:319

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

30 juin 2011(*)

« Recours en carence – Invitation à agir – Irrecevabilité – Recours en indemnité – Lien de causalité – Préjudice – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑264/09,

Tecnoprocess Srl, établie à Rome (Italie), représentée par Me A. Majoli, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Bordes et L. Prete, en qualité d’agents,

et

Délégation de l’Union européenne au Maroc,

parties défenderesses,

ayant pour objet un recours visant, d’une part, à faire constater la carence de la Commission européenne et de la délégation de l’Union européenne au Maroc et, d’autre part, à obtenir une indemnité en réparation du préjudice prétendument subi du fait, notamment, de cette carence,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. L. Truchot, président, Mme M. E. Martins Ribeiro et M. H. Kanninen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Tecnoprocess Srl, conçoit, construit, installe, entretient et fournit des composants industriels dans différents secteurs tels que les secteurs alimentaire, chimique, pharmaceutique, environnemental, énergétique, pétrochimique ou de l’ingénierie.

2        Dans le cadre des mesures de coopération définies par le règlement (CE) n° 1488/96 du Conseil, du 23 juillet 1996, relatif à des mesures d’accompagnement financières et techniques (Meda) à la réforme des structures économiques et sociales dans le cadre du partenariat euro-méditérranéen (JO L 189, p. 1), tel que modifié par les règlements (CE) nº 780/98 du Conseil, du 7 avril 1998 (JO L 113, p. 3), et (CE) nº 2698/2000 du Conseil, du 27 novembre 2000 (JO L 311, p. 1), la requérante a conclu plusieurs contrats avec des organismes publics marocains, à savoir l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) et la direction de la normalisation et de la promotion de la qualité (DQN) du ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie.

3        Les contrats conclus avec l’OFPPT sont les suivants :

–        contrat EuropeAid 114205/D/S/MA (marché 14), dont l’objet est l’acquisition d’équipements de cuisine et de restauration pour le secteur du tourisme ;

–        contrat EuropeAid 114194/D/S/MA (marché 15), dont l’objet est l’acquisition, l’installation et la mise en service de chambres froides ;

–        contrat EuropeAid 114194/D/S/MA (marché 16), dont l’objet est l’acquisition d’appareils de mesure et de contrôle du matériel du froid.

4        Le contrat conclu avec la DQN au profit du Centre technique des industriels des équipements pour véhicules (CETIEV) (120888/D/S/MA, lots 3 et 6) a pour objet la livraison, l’installation, la mise en service et le service après-vente de matériels permettant la réalisation de tests sur des filtres de véhicules automobiles.

 Sur les conditions d’exécution des contrats conclus avec l’OFPPT

5        L’OFPPT a refusé d’établir les procès-verbaux de réception des matériels livrés en vertu des contrats conclus avec la requérante au motif que la marque et le modèle de certains matériels n’étaient pas conformes à ceux convenus dans le cahier des charges.

6        Le 3 avril 2006, une réunion s’est tenue au siège de la délégation de l’Union européenne au Maroc (ci-après la « délégation »), situé à Rabat, en présence de fonctionnaires de ladite délégation, de représentants de l’OFPPT et de la requérante ainsi que des ministères des Finances et du Tourisme du Maroc.

7        Par courrier du 6 avril 2006, le chef de la délégation a informé la requérante et l’OFPPT que, dans le but de clôturer les marchés visés par les contrats en cause, plusieurs mesures devaient être exécutées.

8        Par courrier du 7 avril 2006, la requérante a informé le chef de la délégation qu’elle acceptait les termes de sa proposition tels qu’exposés dans le courrier du 6 avril 2006, en dépit du caractère « très lourd » des mesures prévues.

9        Par courrier électronique du 27 avril 2006, adressé aux services centraux de la Commission des Communautés européennes, la requérante a demandé en substance à la Commission d’obliger l’OFPPT à délivrer les procès-verbaux de réception des matériels visés par les contrats en cause.

10      Par courrier électronique daté du 28 avril 2006, la Commission a indiqué à la requérante qu’elle interviendrait auprès de l’OFPPT afin que les procès-verbaux de réception puissent être établis pour les marchés 14, 15 et 16.

11      Le 31 mai 2006, la requérante a envoyé un courrier à la délégation par lequel elle a rappelé, d’abord, que l’OFPPT utilisait les équipements livrés par la requérante, et ce depuis leur livraison. Elle a marqué, ensuite, son désaccord sur la non-conformité des matériels livrés, a contesté l’absence de réception desdits matériels et a demandé à la délégation de lui fournir des indications sur la manière de procéder afin d’« obtenir une confrontation avec les représentants de l’OFPPT et de la Communauté européenne pour effectuer un compte rendu définitif et partagé par chacune des parties afin de pouvoir clôturer les contrats cités ».

12      Dans un courrier daté du 1er juin 2006, adressé à l’OFPPT, à la délégation et aux autorités marocaines, la requérante a indiqué que l’OFPPT n’avait toujours pas mis en œuvre les mesures fixées dans le courrier du 6 avril 2006.

13      Par courrier du 6 octobre 2006 adressé à la délégation, la requérante a rappelé que l’OFPPT n’avait toujours pas établi les procès-verbaux de réception des matériels et a demandé à la délégation de prononcer la réception définitive des matériels en vertu des conditions générales des contrats en cause.

14      Le 17 novembre 2006, la délégation a informé la requérante que l’OFPPT s’était engagé à lui faire parvenir, au courant du mois de novembre, les procès-verbaux de réception provisoire et définitive des matériels ainsi que les dossiers de paiement afin que le solde contractuel de 30 % soit liquidé. La délégation a ajouté que, dans le cas où l’OFPPT ne communiquerait pas les pièces susmentionnées d’ici le 30 novembre 2006, elle envisagerait de procéder au paiement sur la base des factures que la requérante lui transmettrait directement. Dans la mesure où le solde de 10 % pour le marché 14 devait être pris en charge par l’OFPPT, la délégation a invité la requérante à s’adresser directement à l’OFPPT pour la récupération dudit solde.

15      Le 2 septembre 2008, la requérante, par l’intermédiaire de ses avocats, a informé la Commission de ce que ses tentatives auprès de la délégation étaient restées vaines et a demandé à la Commission d’intervenir auprès de celle-ci.

16      Par courrier du 10 septembre 2008, la Commission a rappelé à la requérante que les contrats en cause étaient gérés au niveau local et qu’elle transmettrait son courrier du 2 septembre 2008 à la délégation.

17      Les 19 novembre et 1er décembre 2008, par l’intermédiaire de ses avocats, la requérante a rappelé à la délégation le non-paiement des factures et a sollicité une réponse de sa part, en indiquant qu’elle pourrait consister en une intervention en tant qu’arbitre.

18      Par courrier du 12 mai 2009, la requérante a demandé à la délégation de l’informer sur la manière de procéder pour obtenir le paiement du solde contractuel.

19      Par courrier du 26 mai 2009, la requérante a demandé à l’OFPPT le paiement d’une somme encore impayée d’une valeur de 278 197,01 euros.

 Sur les conditions d’exécution du contrat conclu avec la DQN au profit du CETIEV

20      Le CETIEV a également refusé d’établir les procès-verbaux de réception des matériels livrés en vertu du contrat conclu avec la requérante.

21      Par courriers des 16 janvier et 27 mars 2008, la requérante a demandé au CETIEV d’émettre le procès-verbal de réception provisoire des matériels.

22      Par courrier du 13 mai 2008, la requérante a indiqué à la DQN qu’elle n’avait toujours pas reçu de procès-verbal de réception des matériels et que, conformément à l’article 31.4 du contrat, elle réputait délivré le procès-verbal de réception provisoire des matériels.

23      Le 22 mai 2008, par courrier envoyé à la DQN, à la délégation et aux services centraux de la Commission, la requérante a réclamé, sur le fondement des conditions générales et particulières du contrat, la somme de 324 371,98 euros correspondant à 40 % de la valeur du contrat pour le lot 6. (

24      Le 23 mai 2008, la Commission de réception du Royaume du Maroc (ci-après la « Commission de réception ») a procédé à la réception provisoire partielle des marchandises du lot 3, intitulé « Essais d’inflammabilité, enceintes d’endurance diverses et étuves ». La Commission de réception a exprimé un avis favorable et sans réserve à la réception des articles 7, 8, 10, 11, 12, 13 et 14 dudit lot, mais pas de l’article 9.

25      Par courrier du 10 juin 2008, envoyé à la DQN et à la délégation, la requérante a proposé que des techniciens se rendent dans les locaux du CETIEV aux fins de former le personnel préposé à l’utilisation du matériel livré. Dans ce même courrier, elle a renouvelé sa demande de paiement de la somme de 324 371, 98 euros et a indiqué que son assistance ne constituait en rien une renonciation à l’application des dispositions de l’article 31.4 du contrat.

26      Par courrier du 10 juin 2008, la requérante a déposé une « plainte formelle » auprès des services centraux de la Commission à l’encontre du comportement du CETIEV et de la DQN. Elle a rappelé l’absence d’établissement de procès-verbaux de réception ainsi que du paiement des factures, tout en soulignant que le CETIEV utilisait le matériel livré. Elle a en outre demandé à la Commission son « intervention pour pouvoir solutionner les problèmes exposés […] dans la présente lettre ».

27      Le 10 juin 2008, la DQN a indiqué à la requérante qu’une mission d’appui à la réception consistant en un contrôle du matériel livré aurait lieu la semaine suivante et que la réception provisoire dudit matériel serait programmée en fonction des résultats de cette mission.

28      Le 12 juin 2008, la DQN a informé la requérante du report de la mission d’appui à la réception mentionnée au point précédent et a rappelé que cette mission était rendue nécessaire du fait de la non-conformité des équipements de filtration.

29      Le 19 juin 2008, la requérante a, en substance, contesté le courrier de la DQN du 12 juin 2008 en indiquant à cette dernière et à la délégation que l’ensemble des articles du lot 6 étaient prêts pour la réception depuis longtemps. Elle a également renouvelé sa demande de paiement.

30      Par courrier du 24 juin 2008, adressé à la DQN et à la délégation, la requérante a fait part de sa disponibilité pour effectuer une nouvelle mission sur place, sous réserve toutefois que certains paiements soient effectués. (

31      Le 25 juin 2008, la Commission a, à la suite du courrier de la requérante du 10 juin 2008 cité au point 26 ci-dessus, informé la requérante que le contrat en cause était géré au niveau local et lui a suggéré, en conséquence, de prendre contact avec la délégation.

32      Le 27 juin 2008, la DQN a informé la requérante que, à la suite de la mission d’appui à la réception, l’expert avait mis en évidence de très nombreux problèmes concernant les articles 23, 24 et 25 du lot 6. Partant, elle a invité la requérante à prendre les mesures nécessaires auprès du constructeur du matériel en cause.

33      Le 30 juin 2008, la requérante a, en substance, contesté le rapport de l’expert chargé de la mission d’appui à la réception, renouvelé sa demande de paiement et a indiqué que, à défaut de paiement, « [elle serait contrainte de] demander un arbitrage et [de] présenter une plainte pour infraction aux autorités compétentes ».

34      Par courrier du 2 juillet 2008, envoyé à la DQN et à la délégation, la requérante a demandé le paiement d’intérêts de retard du fait de plusieurs factures impayées.

35      Par courrier du 9 juillet 2008, la requérante a demandé à la délégation de l’informer de la date de paiement de la facture de 77 050, 02 euros émise à la suite de la réception provisoire partielle effectuée le 23 mai 2008.

36      Le 23 juillet 2008, la requérante a demandé à la DQN de restituer les sommes versées à titre de garantie par les établissements bancaires de la requérante au profit du ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à niveau de l’économie marocain.

37      Par deux courriers du 5 août 2008, la requérante s’est adressée à la délégation et a sollicité une réponse de sa part à ses courriers des 22 mai, 10 juin, 19 juin, 24 juin, 25 juin, 30 juin, 2 juillet, 9 juillet et 23 juillet 2008.

38      Le 2 septembre 2008, la requérante, par l’intermédiaire de ses avocats, a informé la Commission de ce que ses tentatives auprès de la délégation étaient restées vaines et a demandé à la Commission d’intervenir auprès de la délégation.

39      Par courrier du 10 septembre 2008, la Commission a rappelé à la requérante que le contrat en cause était géré au niveau local et a indiqué qu’elle transmettrait son courrier du 2 septembre 2008 à la délégation.

40      Les 25 et 26 septembre 2008 et 3 octobre 2008, la requérante s’est de nouveau adressée à la DQN et à la délégation pour réclamer le paiement de factures impayées.

41      Le 26 septembre 2008, la Commission de réception a émis un avis favorable à la réception provisoire partielle des articles 26, 27, 29, 30, 31, 32, 34, 36 et 37 du lot 6, intitulé « Bancs d’essais de filtres ».

42      Le 3 octobre 2008, le chef des opérations de la délégation a demandé au secrétaire général du ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies marocain de lui indiquer s’il acceptait les équipements.

43      Le 20 octobre 2008, la requérante s’est de nouveau étonnée auprès de la délégation de l’absence d’émission de procès-verbal de réception provisoire et de paiement des factures et a sollicité une prompte réponse de sa part.

44      Par courrier du 21 octobre 2008, le chef des opérations de la délégation a indiqué à la requérante que l’établissement bancaire qui avait émis à son profit une garantie était en faillite et qu’elle était donc tenue de procéder à la substitution de cette garantie dans les meilleurs délais. Il a ajouté que tout paiement en faveur de la requérante serait suspendu jusqu’à la transmission de la nouvelle garantie.

45      Les 19 novembre et 1er décembre 2008, par l’intermédiaire de ses avocats, la requérante a soumis à la délégation une proposition transactionnelle consistant, en substance, en l’intervention des techniciens de la requérante en vue du rétablissement du fonctionnement des matériels du lot 6 contre le paiement de la facture relative au lot 3, l’établissement du procès-verbal de réception pour le matériel du lot 6, le paiement de 30 % du solde relatif au lot 6 et, enfin, le paiement des 10 % restants à l’issue de l’intervention des techniciens de la requérante.

46      Le 17 décembre 2008, le chef des opérations de la délégation a indiqué aux avocats de la requérante, en réponse à leur courrier du 1er décembre 2008, que le pouvoir adjudicateur devait, en concertation avec le CETIEV, se prononcer sur l’acceptation ou le rejet du matériel en cause. Il a également mentionné qu’il avait été rappelé au pouvoir adjudicateur l’urgence d’une telle prise de position. Enfin, le chef des opérations a rappelé que tout paiement en faveur de la requérante était suspendu jusqu’à la substitution de la garantie émise par l’établissement bancaire en faillite.

47      Le 18 décembre 2008, la requérante a communiqué à la DQN, à la délégation et au CETIEV les termes d’un règlement amiable.

48      Le 22 décembre 2008, la DQN a rappelé à la requérante la non-conformité des articles 23, 24 et 25 du lot 6. Elle a également demandé à la requérante la restitution de la somme de 486 558 euros versée par erreur de même que le retour du dossier de réception provisoire partielle, dûment signé et complété, des articles 26, 27, 29, 30, 31, 32, 34, 36 et 37 du lot 6.

49      Le 8 janvier 2009, les avocats de la requérante ont demandé au ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies marocain de réagir à sa proposition de règlement amiable.

50      Le 16 février 2009, la DQN a proposé à la requérante d’envoyer des techniciens afin de mettre en conformité les matériels en cause et de procéder à leur réception.

51      Le 20 avril 2009, la requérante a été mise en liquidation.

52      Le 29 juin 2009, le chef des opérations de la délégation a demandé au ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies marocain de bien vouloir se prononcer sur la réception définitive des matériels compte tenu de la récente mission des techniciens de la requérante au Maroc.

 Procédure et conclusions des parties

53      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 juillet 2009, la requérante a introduit le présent recours.

54      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 8 octobre 2009, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a présenté ses observations sur cette exception le 17 décembre 2009.

55      Par lettre du 22 septembre 2009, le Tribunal a invité les parties à se prononcer sur la question de savoir si la Commission pouvait être considérée comme l’unique partie défenderesse dans la présente affaire. Aucune partie n’a répondu dans le délai imparti.

56      Par lettre du 24 mars 2010, le Tribunal a de nouveau invité les parties à se prononcer sur la question de savoir si la Commission pouvait être considérée comme l’unique partie défenderesse dans la présente affaire. Par courrier du 30 mars 2010, la Commission a marqué son accord. La requérante et la délégation n’ont, quant à elles, émis aucune réponse.

57      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater, conformément à l’article 232 CE, la carence de la délégation et de la Commission ;

–        établir, sur la base de l’article 288 CE, la responsabilité non contractuelle de la délégation et de la Commission et les condamner, éventuellement à titre solidaire, au paiement de la somme de 1 000 000 euros.

58      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où l’exception d’irrecevabilité ne serait pas accueillie, fixer un nouveau délai pour la poursuite de l’instance, en application de l’article 114, paragraphe 4, second alinéa, du règlement de procédure.

59      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité et à ce qu’il soit fait droit aux conclusions énoncées dans la requête.

 En droit

60      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

61      En outre, aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est saisi d’un recours manifestement irrecevable, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

62      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

63      La Commission conteste d’abord la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre la délégation, au motif que celle-ci n’aurait pas la personnalité juridique. La Commission soulève ensuite l’irrecevabilité des recours en carence et en indemnité en ce que certaines conditions requises pour l’introduction de tels recours ne seraient pas réunies.

 Sur la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre la délégation

 Arguments des parties

64      La Commission soutient, d’une part, que les délégations de l’Union n’ont pas de personnalité juridique distincte de la sienne et, d’autre part, qu’elles font partie de la structure hiérarchique et fonctionnelle de la Commission dont elles constituent des services, thèse qui serait confortée par l’article 20 UE, lequel serait la seule disposition des traités faisant mention des délégations de l’Union.

65      La requérante prétend qu’en l’absence de textes relatifs aux délégations, à l’exception toutefois de l’article 20 UE, il ne saurait être soutenu qu’elles sont dépourvues de personnalité juridique.

66      En outre, la position de la Commission s’accorderait mal avec sa propre thèse selon laquelle les contrats en cause seraient gérés de façon décentralisée.

67      La requérante fait également valoir que, si la thèse de la Commission était accueillie, elle ne pourrait faire grief de la violation des règles communautaires ni à la délégation, en ce qu’elle serait dépourvue de personnalité juridique, ni à la Commission, prétendument dépourvue de pouvoir de contrôle du fait d’une gestion décentralisée des contrats en cause.

 Appréciation du Tribunal

68      Il ressort de la requête que la requérante a dirigé son recours contre la Commission et la délégation.

69      Il importe de rappeler que, par lettres des 22 septembre 2009 et 24 mars 2010, le greffe a invité les parties à se prononcer sur la question de savoir si la Commission pouvait être considérée comme l’unique partie défenderesse dans la présente affaire. La Commission a marqué son accord par courrier du 30 mars 2010. Ni la requérante, ni la délégation n’ont répondu à la question du Tribunal.

70      Ainsi qu’il ressort de l’article 20 UE, les délégations de la Commission sont rattachées à celle-ci et en dépendent. Partant, en l’absence de toute disposition contraire, elles ne jouissent pas de la personnalité juridique et leur représentation juridique est assurée par la Commission.

71      En conséquence, le recours doit être rejeté comme irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la délégation.

 Sur la recevabilité des conclusions en carence

 Arguments des parties

72      La Commission relève, en premier lieu, que la description des faits, dans la requête, « n’est pas tout à fait correcte ni, à plus forte raison, objective ».

73      Elle prétend en deuxième lieu que, par la saisine du Tribunal, la requérante s’est trompée de juridiction pour faire valoir ses droits. Les griefs formulés par la requérante concerneraient essentiellement des manquements de nature contractuelle imputables à l’administration publique marocaine. En conséquence, conformément aux clauses contractuelles, la requérante pourrait emprunter deux voies possibles pour résoudre le litige, à savoir, d’une part, le règlement amiable et/ou l’arbitrage international et, d’autre part, l’introduction d’un recours devant les tribunaux marocains.

74      La Commission soutient, en troisième lieu, que les conditions du recours en carence, prévues à l’article 232 CE, ne sont pas remplies.

75      D’abord, la requérante serait tenue de prouver que la Commission avait une obligation précise d’agir. Or, en l’espèce, aucune disposition de droit communautaire n’obligerait la Commission à intervenir dans le litige opposant la requérante aux autorités marocaines. La Commission ne serait pas davantage tenue d’organiser un arbitrage.

76      La Commission soutient ensuite que la requérante n’a jamais indiqué l’acte spécifique qu’elle aurait dû adopter ni ne lui a demandé d’adopter un tel acte. Le document présenté par la requérante comme une invitation formelle à agir, à savoir la lettre du 30 juin 2008 mentionnée au point 33 ci-dessus, ne serait pas conforme aux exigences requises par l’article 232 CE.

77      Enfin, selon la Commission, l’acte à adopter ne saurait être, aux termes de l’article 232 CE, une recommandation ou un avis. Or, ni une prétendue demande d’arbitrage, ni les courriers susmentionnés ne pourraient donner lieu à l’adoption par la Commission d’actes ayant des effets juridiques contraignants.

78      Dans la requête, la requérante soutient que la carence de la Commission ressort manifestement des documents versés au dossier. Elle résulterait, premièrement, du silence qui a suivi sa demande d’intervention de la Commission en tant qu’arbitre, deuxièmement, du report, par la Commission, de la responsabilité pour le retard des paiements sur le bénéficiaire, troisièmement, du comportement de la Commission qui se serait bornée à invoquer un principe de gestion décentralisée. Or, selon la requérante, une telle attitude serait contraire à l’article 20 UE.

79      La requérante prétend ensuite qu’un laps de temps « suffisamment long » se serait écoulé de sorte qu’elle s’est estimée en droit d’« obtenir une prise de position de la part de la Commission ». Elle indique à cet égard que la demande formelle d’arbitrage datait du 10 juin 2008.

80      La requérante ajoute que les innombrables « réponses » envoyées aussi bien par la délégation que par la Commission ne sont en aucun cas propres à « mettre un terme » à l’incontestable carence reprochée.

81      Selon la requérante, la carence de la Commission serait à l’origine de la situation d’impasse financière qui a débouché sur sa mise en liquidation. L’existence d’un lien de causalité entre l’inertie de la Commission et sa mise en liquidation serait « manifeste et indiscutable ».

82      En raison de cette situation, la requérante aurait été dans l’impossibilité absolue de payer l’ensemble de ses fournisseurs, notamment ceux avec qui elle entretenait des relations dans le cadre d’autres contrats en cours, ce qui ne relèverait en aucune façon du risque ordinaire économique et financier que doit assumer tout entrepreneur. La requérante ajoute que les requêtes continues, pressantes et manifestement dilatoires du « bénéficiaire », tendant au remplacement de certains articles et à la fourniture de nouvelles garanties, laissaient systématiquement penser qu’un déblocage imminent des paiements se produirait. En outre, la requérante aurait raisonnablement continué d’attendre une intervention, à tout le moins à titre d’instruction, de la part de la Commission, afin de résoudre la situation contractuelle gravement illégale et instrumentalisée.

83      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante soutient que ce n’est pas l’absence de conciliation qui constitue la carence, mais bien le fait que ni la délégation ni la Commission n’ont jamais donné de réponse à la demande d’arbitrage. Or, la Commission aurait une obligation de fournir une telle réponse eu égard au devoir général de contrôle et de supervision imposé par l’article 56, paragraphe 3, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248 p. 1, ci-après le « règlement financier »), à l’article 20 UE et aux principes de bonne administration et de protection de la confiance légitime.

 Appréciation du Tribunal

84      Aux termes de l’article 232, deuxième alinéa, CE, le recours en carence n’est recevable que si l’institution en cause a été préalablement invitée à agir.

85      Pour que l’invitation à agir puisse déclencher la procédure du recours en carence, il est nécessaire qu’elle soit suffisamment explicite et précise pour permettre à l’institution de connaître de manière concrète le contenu de la décision qu’il lui est demandé de prendre. L’invitation à agir doit, en outre, faire ressortir qu’elle entend contraindre l’institution à prendre position (arrêt de la Cour du 10 juin 1986, Usinor/Commission, 81/85 et 119/85, Rec. p. 1777, point 15, et ordonnance du Tribunal du 30 avril 1999, Pescados Congelados Jogamar/Commission, T‑311/97, Rec. p. II‑1407, point 35).

86      En l’espèce, la requérante n’identifie pas le courrier qui serait constitutif d’une invitation à agir. Tout au plus, les termes utilisés par la requérante dans les courriers des 10 juin, 30 juin et 5 août 2008, mentionnés aux points 26, 33 et 37 ci-dessus, pourraient laisser entendre que la requérante les considère comme des invitations à agir au sens de l’article 232 CE. La Commission soutient, en revanche, que la requérante ne l’a jamais invitée à adopter un acte spécifique.

87      Dans son courrier du 10 juin 2008, qualifié de « plainte formelle de tout ce [qu’elle] a subi » tant de la part du CETIEV que de la DQN, la requérante a demandé à la Commission son « intervention pour pouvoir solutionner les problèmes exposés [dans ledit courrier] ». Dans ce courrier, la requérante expose en substance que, en dépit de l’absence de réception provisoire des matériels, le CETIEV a utilisé, à son détriment, certains d’entre eux. La requérante conclut que rien n’empêche la DQN de délivrer le certificat de réception des matériels en cause afin que la somme de 324 371,98 euros lui soit versée.

88      Dans le courrier du 30 juin 2008, la requérante a, en substance, renouvelé sa demande de paiement et a indiqué que, à défaut de paiement, « [elle serait contrainte de] demander un arbitrage et [de] présenter une plainte pour infraction aux autorités compétentes ». En outre, la requérante a demandé à la délégation « de façon formelle de donner suite à ses derniers courriers » dans la mesure où elle estimait n’avoir reçu aucune « réponse opportune ».

89      Dans ses courriers du 5 août 2008, la requérante s’est adressée à la délégation et a sollicité une réponse de sa part à ses courriers, notamment, des 10 juin et 30 juin 2008.

90      À supposer, comme le soutient la requérante, qu’une obligation d’agir au sens de l’article 232 CE incombe en l’espèce à la Commission, force est de constater qu’aucun des courriers susmentionnés, lesquels ne concernent que le contrat conclu au profit du CETIEV, n’invite de façon précise la Commission à agir, au sens de la jurisprudence rappelée au point 85 ci-dessus. Le recours en carence a donc été introduit en méconnaissance de l’article 232, deuxième alinéa, CE.

91      En tout état de cause, quand bien même l’un quelconque des courriers susmentionnés serait considéré comme une invitation à agir au sens de l’article 232 CE, force est de constater que la Commission n’a pas pris position dans un délai de deux mois à compter de cette prétendue invitation. La requérante évoque elle-même dans la requête « l’incontestable et vaine expiration du délai de deux mois visé à l’article 232 CE, courant à compter de la première communication dans laquelle [la requérante] demandait l’intervention de la délégation en tant qu’arbitre ».

92      Or, aux termes de l’article 232, deuxième alinéa, CE, si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de l’invitation à agir faite à l’institution, celle-ci n’a pas pris position, le recours peut être formé dans un nouveau délai de deux mois. Conformément aux dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, ce délai doit être augmenté d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

93      Selon une jurisprudence constante, les délais de procédure sont d’ordre public, ayant été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques et d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice, et il appartient au juge de l’Union de vérifier, d’office, s’ils ont été respectés (ordonnance de la Cour du 13 décembre 2000, Sodima/Commission, C‑44/00 P, Rec. p. I‑11231, point 51, et ordonnance du Tribunal du 14 décembre 2006, Smanor e.a./Commission, T‑150/06, non publiée au Recueil, point 14).

94      Or, en tenant compte du courrier le plus tardif de la requérante, à savoir celui du 5 août 2008, le recours en carence aurait dû être introduit dans un délai de quatre mois et dix jours à compter de la prétendue invitation à agir contenue dans ce courrier. Ayant été déposé au greffe du Tribunal le 7 juillet 2009, soit près d’un an après cette prétendue invitation, le recours en carence est par conséquent manifestement tardif (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 23 juillet 2008, Química Atlântica et Martins de Freitas Moura/Commission, T-165/08, non publiée au Recueil, point 12).

95      Il découle de tout ce qui précède que les conclusions en carence doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

96      S’appuyant sur l’article 21 du statut de la Cour de justice et l’article 44 du règlement de procédure, la Commission soutient, en premier lieu, que, pour engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté, la violation de règles de droit doit être suffisamment caractérisée. Or, la requérante se bornerait à citer une seule disposition législative et une série de principes généraux du droit.

97      D’une part, l’article 56, paragraphe 3, du règlement financier ne constituerait pas une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. D’autre part, il ne serait pas indiqué en quoi la Commission aurait violé cette disposition. La requérante se contenterait de déplorer un manque de contrôle ou de surveillance de la part de la Commission.

98      S’agissant de la prétendue violation de principes généraux du droit, la Commission soutient que l’argumentation succincte et confuse de la requérante ne lui permet pas de discerner les comportements dont elle se plaint.

99      En ce qui concerne d’abord la violation du principe de protection de la confiance légitime invoquée par la requérante, la Commission soutient qu’elle n’a pas fourni d’assurances précises à la requérante relatives à une résolution imminente du litige opposant celle-ci aux autorités marocaines. La Commission ajoute qu’elle n’aurait jamais pu donner de telles assurances étant donné qu’elle ne pouvait pas répondre des actes de l’administration publique marocaine. En outre, la requérante se limiterait à affirmer que ces assurances proviendraient d’« échanges de lettres fréquents et consistants ». Or, un renvoi général à des documents sans que ceux-ci ne soient précisés ne satisferait pas aux exigences de l’article 44 du règlement de procédure.

100    La Commission soutient ensuite que la requérante ne fait que citer le principe de bonne administration sans indiquer les éléments pertinents qu’elle aurait omis d’examiner avec le soin et l’impartialité nécessaires.

101    Quant à la prétendue violation du principe de proportionnalité, la Commission prétend que la requérante n’a nullement développé ce grief, empêchant la Commission de pouvoir exercer sa défense.

102    Enfin, s’agissant du droit à la confidentialité, la Commission admet que, dans un courrier adressé à des tiers, elle a employé le mot espagnol « quiebra ». Elle n’aurait cependant pas utilisé ce mot dans son sens technique de société en faillite, mais pour désigner une société en situation de difficulté économique ou qui fait l’objet d’une procédure d’insolvabilité. Par ailleurs, la Commission relève que l’état de liquidation, de faillite ou de difficultés avérées à honorer des dettes ne présente pas un caractère confidentiel. Elle n’aurait donc enfreint aucune règle de droit en mentionnant dans un courrier adressé à des tiers la situation de difficulté économique de la requérante.

103    La Commission prétend, en deuxième lieu, que la requérante n’a pas indiqué avec suffisamment de clarté et de précision les éléments visant à prouver l’existence d’un lien de causalité entre les comportements imputés à la Commission et les dommages subis. D’une part, la requérante ne fournirait aucune preuve établissant que, du fait des communications de la Commission concernant son état d’insolvabilité, des sociétés tierces ont exigé des garanties avant d’effectuer certaines livraisons. D’autre part, la requête serait muette sur le lien de causalité entre les autres préjudices allégués par la requérante et les comportements reprochés à la Commission et à la délégation.

104    La Commission soutient, en troisième lieu, que la quantification du préjudice par la requérante n’est pas compréhensible. La requérante prétendrait, dans la requête, que son préjudice correspond, premièrement, au solde des contrats conclus avec l’OFPPT, d’un montant de 264 353,88 euros majoré des intérêts, et au solde du contrat conclu au bénéfice du CETIEV, d’un montant de 401 422 euros majoré des intérêts, deuxièmement, à l’atteinte à son image causée par l’usage abusif, de la part de la Commission, d’informations commerciales confidentielles, troisièmement, à sa mise en liquidation. Puis, dans le cadre de ses chefs de conclusions, la requérante évaluerait finalement le préjudice total à 1 000 000 euros. La Commission ajoute que la requérante n’explique pas comment les intérêts ont été calculés ni ce que recouvrent le « préjudice irréversible » lié à la liquidation et l’atteinte au droit à l’image ou le mode de calcul de ces derniers préjudices.

105    Dans la requête, la requérante soutient que la Commission a manifestement manqué à ses obligations, en ce qu’elle a agi en violation de l’article 56, paragraphe 3, et de l’article 3, du règlement financier, du principe de bonne administration, du principe de protection de la confiance légitime et du droit à la confidentialité.

106    La Commission et la délégation n’auraient procédé à aucun contrôle des modalités de gestion des fonds communautaires, en violation de l’article 56, paragraphe 1, du règlement financier.

107    La violation du principe de bonne administration et du principe de protection de la confiance légitime serait tout aussi manifeste. Il ressortirait de la correspondance, nombreuse et structurée, échangée entre, d’une part, la requérante et la délégation et, d’autre part, la requérante et l’OFPPT et le CETIEV, que la délégation, l’OFPPT et le CETIEV ont fait naître chez la requérante des « espérances fondées » quant au fait que la situation serait résolue de manière imminente.

108    Ces espérances auraient d’ailleurs conduit la requérante à soumettre à la délégation une proposition transactionnelle en vue de résoudre l’ensemble des problèmes relatifs tant aux contrats conclus avec l’OFPPT qu’au contrat conclu au bénéfice du CETIEV.

109    Par ailleurs, en raison de l’envoi par la Commission de communications formelles à différents fournisseurs de la requérante, divulguant la mise en liquidation de celle-ci, sa situation financière se serait détériorée plus gravement. Ce faisant, la Commission aurait incontestablement violé le droit à la confidentialité, mais également fait une utilisation abusive d’informations commerciales au détriment de la requérante, par notamment l’utilisation à mauvais escient du mot « quiebra », lequel signifie « faillite » en espagnol. Or, la différence entre les notions de faillite et de liquidation serait « limpide et fondamentale ». La liquidation résulterait d’un choix libre et prudent de l’assemblée d’une société et serait révocable, permettant à la société de reprendre ses activités une fois les paiements en souffrance honorés. En revanche, la faillite serait déclarée par décision de justice en raison de l’insolvabilité de la société et aurait pour conséquence l’extinction de celle-ci.

110    Cette « erreur monumentale » de la Commission aurait suscité craintes et perplexités croissantes chez les fournisseurs de la requérante et aurait provoqué leur retrait progressif.

111    Le préjudice subi par la requérante serait donc incontestable. Il correspondrait au solde des contrats conclus avec l’OFPPT, s’élevant à 264 353, 88 euros, majoré des intérêts, et au solde du contrat conclu au bénéfice du CETIEV, s’élevant à 401 422 euros, majoré des intérêts. Il résulterait également de l’atteinte portée à l’image de la requérante à la suite de l’utilisation abusive, par la Commission, d’informations commerciales confidentielles ainsi que de la mise en liquidation de la requérante.

112    Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante indique que, dans la requête, elle a « amplement expliqué » que la délégation n’avait effectué aucun contrôle sur les modalités de gestion des fonds communautaires. Il serait donc mensonger d’alléguer que le comportement adopté par la Commission au mépris du règlement financier n’a pas été identifié.

113    La requérante estime en outre avoir « suffisamment mis en évidence » le fait que la délégation n’a rien fait d’autre que fournir des réponses dilatoires et susceptibles de susciter la confiance légitime.

114    Quant à la violation du principe de bonne administration, elle résulterait du prononcé par la délégation d’une pénalité à sa charge alors que l’OFPPT, contrairement aux engagements pris lors de la transaction du 3 avril 2006, n’aurait jamais procédé au paiement des soldes dus à la requérante. (

115    Enfin, s’agissant de la violation du droit à la confidentialité et de l’abus d’informations commerciales au détriment de la requérante, celle-ci rappelle que, indépendamment de la signification du mot espagnol « quiebra », la Commission a divulgué des informations confidentielles qui n’étaient pas officielles et à propos desquelles elle n’avait aucune certitude.

 Appréciation du Tribunal

116    À titre liminaire, il convient de relever que le Tribunal n’a pas compétence pour se prononcer sur les droits que la requérante peut éventuellement tirer des contrats concernés en vue d’obtenir leur exécution. Cette question doit être tranchée selon les voies prévues pour le règlement des différends contractuels. En effet, il ressort des articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE que la compétence du Tribunal en matière de recours en indemnité est limitée aux questions de responsabilité non contractuelle. En revanche, rien ne fait obstacle à ce que le Tribunal examine le comportement de la Commission à la lumière de ses éventuelles obligations et se prononce sur la responsabilité non contractuelle qui pourrait en découler (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 juin 1997, Perillo/Commission, T‑7/96, Rec. p. II‑1061, points 35 à 37).

117    Il résulte d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20, et du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, Rec. p. II‑3995, point 116).

118    Il ressort également d’une jurisprudence bien établie que, dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de ladite responsabilité (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 81 ; arrêts du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37, et Tillack/Commission, précité, point 119).

119    En l’espèce, la requérante invoque un préjudice matériel résultant de la prétendue carence de la Commission et correspondant, d’une part, aux soldes des contrats conclus avec l’OFPPT et au solde du contrat conclu au profit du CETIEV, majorés des intérêts de retard, et, d’autre part, à sa mise en liquidation. Elle invoque également un préjudice moral résultant de la divulgation par la Commission d’informations confidentielles sur sa situation.

–       Sur le préjudice matériel résultant de la prétendue carence de la Commission et de la délégation

120    Il est de jurisprudence constante que la condition relative au lien de causalité exigée par l’article 288, deuxième alinéa, CE suppose l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement des institutions et le dommage (arrêts du Tribunal du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, Rec. p. II‑3331, point 118, et du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, Rec. p. II‑5459, point 193), dont la preuve doit être rapportée par la requérante (voir arrêt du Tribunal du 24 avril 2002, EVO/Conseil et Commission, T‑220/96, Rec. p. II‑2265, point 41, et la jurisprudence citée).

121    Dans des cas où le comportement prétendument à l’origine du dommage invoqué consiste en une abstention d’agir, il est nécessaire d’avoir la certitude que ledit dommage a effectivement été causé par les inactions reprochées et n’a pas pu être provoqué par des comportements distincts de ceux reprochés à l’institution défenderesse (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, É.R. e.a./Conseil et Commission, T‑138/03, Rec. p. II‑4923, point 134 ; ordonnance du Tribunal du 17 décembre 2008, Portela/Commission, T‑137/07, non publiée au Recueil, point 80).

122    Ainsi, la responsabilité de la Communauté pour le dommage invoqué par la requérante ne saurait être engagée que si les omissions prétendument illégales de la Commission sont directement à l’origine de l’apparition du préjudice et, dès lors, qu’à la condition que, si les mesures que la requérante reproche à cette institution de ne pas avoir prises l’avaient été, ce dommage ne se serait vraisemblablement pas produit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2006, Abad Pérez e.a./Conseil et Commission, T‑304/01, Rec. p. II‑4857, point 108 ; ordonnance Portela/Commission, précitée, point 81).

123    Il y a donc lieu d’examiner si, en l’espèce, la requérante a apporté la preuve que le préjudice allégué découle de façon suffisamment directe de la carence reprochée à la Commission.

124    En premier lieu, la requérante fait valoir l’existence d’un lien entre la carence reprochée et son préjudice, lequel correspondrait aux soldes des contrats en cause, majorés des intérêts de retard.

125    En réclamant une somme correspondant aux soldes des contrats en cause, la requérante se prévaut en réalité du préjudice résultant de la non-exécution desdits contrats.

126    Or, ni la Commission ni la délégation n’est partie aux contrats en cause. En outre, comme il est indiqué par la requérante elle-même dans ses écritures, l’absence de paiement des soldes des contrats en cause prend sa source dans l’absence d’établissement, par l’OFPPT et le CETIEV, des procès-verbaux de réception des matériels visés par lesdits contrats.

127    Force est dès lors de constater que le non-paiement des soldes restant dus trouve son origine directement dans les comportements de l’OFPPT et du CETIEV eux-mêmes.

128    La requérante estime néanmoins que la carence de la Commission et de la délégation a contribué au dommage qu’elle a subi.

129    D’abord, il y a lieu de constater que, quand bien même les courriers datés des 10 juin, 30 juin et 5 août 2008 seraient des demandes adressées à la Commission et à la délégation afin qu’elles interviennent pour régler les problèmes d’exécution des contrats, ces courriers sont postérieurs à la constatation par la requérante des omissions reprochées à l’OFPPT et au CETIEV. Or, dès lors que, comme il a été mentionné aux points 126 et 127 ci-dessus, le préjudice allégué par la requérante trouve sa cause dans le comportement de l’OFPPT et du CETIEV, l’éventuelle carence de la Commission et de la délégation, qui est nécessairement postérieure à l’apparition dudit préjudice, ne peut être directement à l’origine de celui‑ci.

130    En tout état de cause, quand bien même la Commission serait intervenue comme arbitre, la requérante ne démontre pas que les procès-verbaux de réception des matériels en cause auraient été établis et que, en conséquence, les paiements auraient été effectués.

131    Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir qu’il existe un lien direct entre, d’une part, la prétendue carence de la Commission et, d’autre part, son préjudice résultant de la non-exécution des contrats en cause.

132    En second lieu, la requérante affirme que l’existence d’un lien de causalité entre, d’une part, la carence de la Commission et, d’autre part, la liquidation est « manifeste et indiscutable ». Elle ajoute que son préjudice est « incontestable » et qu’il correspond au « préjudice irréversible » relatif à sa mise en liquidation.

133    Il est certes constant que la requérante a été mise en liquidation le 20 avril 2009.

134    Cependant, la requérante n’établit pas le lien direct entre la prétendue carence reprochée à la Commission et sa mise en liquidation. En effet, à supposer même qu’une carence de la Commission soit établie, la requérante n’a indiqué dans ses écritures aucun élément susceptible d’expliquer dans quelle mesure celle-ci aurait contribué à augmenter son passif et donc à causer sa liquidation.

135    Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante relative au prétendu préjudice résultant de la carence alléguée de la Commission doit être écartée.

–       Sur le préjudice moral résultant de la divulgation par la Commission d’informations confidentielles sur la situation de la requérante

136    Il est constant que la Commission a divulgué à des tiers des informations sur la situation de la requérante. La requérante joint ainsi à sa requête un courrier de la délégation de l’Union au Costa Rica, daté du 9 juin 2009, adressé au directeur d’une société partenaire de la requérante, duquel il ressort que la requérante « se ha declarado en quiebra ».

137    Indépendamment de la question de savoir quelle est la signification exacte du terme « quiebra », employé par la Commission dans l’unique courrier cité par la requérante, force est de constater que la requérante n’établit pas le préjudice qui en aurait résulté. Certes, elle allègue que les divulgations de la Commission ont provoqué le retrait progressif de certains fournisseurs, lesquels auraient déclaré vouloir attendre d’être rassurés avant d’effectuer les livraisons convenues. Cependant, la requérante ne produit aucun élément de preuve de nature à étayer ses allégations.

138    Par ailleurs, à supposer que de tels faits se soient produits, il y a lieu de constater que la requérante n’établit pas leur lien direct avec la divulgation d’informations par la Commission sur sa situation.

139    En conséquence, l’argumentation de la requérante portant sur le prétendu préjudice résultant de la divulgation par la Commission d’informations confidentielles sur sa situation doit être écartée.

140    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les conclusions en indemnité doivent être rejetées comme étant manifestement dépourvues de tout fondement en droit.

141    Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

142    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté en partie comme irrecevable et en partie comme manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

2)      Tecnoprocess Srl est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 30 juin 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       L. Truchot


* Langue de procédure : l’italien.