Language of document : ECLI:EU:T:2013:258

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

17 mai 2013 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen des tuyaux marins – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Fixation des prix, répartition du marché et échanges d’informations commercialement sensibles – Imputabilité du comportement infractionnel – Amendes – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Confiance légitime – Plafond de 10 % – Circonstances atténuantes – Coopération »

Dans l’affaire T‑146/09,

Parker ITR Srl, établie à Veniano (Italie),

Parker-Hannifin Corp., établie à Mayfield Heights, Ohio (États-Unis), représentée par Mes B. Amory, F. Marchini Càmia et F. Amato, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. N. Khan, V. Bottka et S. Noë, puis par MM. Bottka, Noë et R. Sauer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation partielle de la décision C (2009) 428 final de la Commission, du 28 janvier 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/39406 – Tuyaux marins), dans la mesure où cette décision concerne les requérantes, et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation ou de réduction substantielle de l’amende qui leur a été imposée dans ladite décision,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. J. Azizi, président, M. Prek et S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

 Secteur des tuyaux marins destinés au pétrole et au gaz

1        Les tuyaux marins sont utilisés pour charger du pétrole brut doux ou traité et d’autres produits pétroliers d’installations offshore (par exemple, les bouées – normalement ancrées au large, qui servent de point d’amarrage aux pétroliers – ou les plates-formes flottantes d’extraction, de stockage et de déchargement – qui sont des systèmes de citernes flottantes utilisées pour extraire le pétrole ou le gaz d’une plate-forme voisine, le traiter et le stocker jusqu’à son transbordement vers un pétrolier) sur des bateaux-citernes et, ensuite, pour décharger ces produits de ces navires vers des installations offshore (par exemple, des bouées) ou sur la terre ferme.

2        Les tuyaux marins sont utilisés offshore – c’est-à-dire dans ou à proximité de l’eau – tandis que les tuyaux industriels ou terrestres sont utilisés sur la terre ferme.

3        Chaque installation de tuyaux marins comporte, selon les besoins spécifiques des clients, un certain nombre de tuyaux standard, de tuyaux spécifiques comportant des jonctions aux deux extrémités et de dispositifs complémentaires, comme des vannes, un engrenage terminal ou encore un équipement flottant. En l’espèce, l’expression « tuyaux marins » englobe ces dispositifs complémentaires.

4        Les tuyaux marins sont utilisés par des compagnies pétrolières, des fabricants de bouées, des terminaux portuaires, l’industrie pétrolière et les gouvernements, et sont achetés soit pour de nouveaux projets soit à des fins de remplacement.

5        S’agissant des nouveaux projets, les terminaux pétroliers ou les autres utilisateurs finals engagent généralement une société d’ingénierie (également appelée « constructeur de matériel », « constructeur OEM » ou « équipementier ») pour construire ou installer de nouvelles installations de distribution pétrolière, telles que les systèmes d’amarrage en un point unique ou les plates-formes flottantes d’extraction, de stockage et de déchargement. Pour de tels projets, l’équipementier achète une installation complète de tuyaux marins auprès d’un producteur.

6        Lorsque ces tuyaux marins ont été installés, les pièces individuelles doivent être remplacées dans une période comprise entre un et sept ans. Les achats de tuyaux marins à des fins de remplacement (également connus sous le nom « secteur des pièces détachées ») sont souvent effectués directement par les utilisateurs finals. Toutefois, dans certains cas, ceux-ci sous-traitent et centralisent leurs achats auprès de filiales ou d’entreprises externes. Les ventes à des fins de remplacement représentent une plus grande part du marché des tuyaux marins dans le monde que les ventes de nouveaux produits.

7        La demande de tuyaux marins dépend en grande partie du développement du secteur pétrolier et, en particulier, de l’exploitation du pétrole dans les zones éloignées du lieu de consommation. La demande s’est étendue au fil du temps. Elle est cyclique et, dans une certaine mesure, liée au développement des prix du pétrole. Elle a commencé à être importante à la fin des années 60 et a augmenté au début des années 70, en particulier en provenance de régions productrices de pétrole dans le golfe Persique, la mer du Nord et l’Afrique du Nord. Au cours des années 80, la demande a augmenté en provenance des entreprises pétrolières nationales en développement d’Amérique du Sud. À la fin des années 90, la demande s’est déplacée vers l’Afrique de l’Ouest.

8        Les tuyaux marins sont fabriqués par des entreprises connues pour la fabrication de pneus et de caoutchoucs ou par l’une de leurs « spin-off ». Ils sont produits à la demande, conformément aux besoins des clients. La demande en tuyaux marins étant largement dispersée sur le plan géographique, la plupart des producteurs de tuyaux marins engagent un nombre sensible d’agents qui, pour des marchés spécifiques, fournissent des services de marketing généraux et proposent leurs produits dans le cadre d’appels d’offres qui sont publiés.

9        Les tuyaux marins sont commercialisés dans le monde entier et les principaux producteurs sont actifs à l’échelle internationale. Les exigences réglementaires applicables aux tuyaux marins ne sont pas fondamentalement différentes d’un pays à l’autre et, si les exigences techniques diffèrent selon l’environnement et les conditions d’utilisation, cela n’est toutefois pas perçu comme un obstacle à la vente de tuyaux marins dans le monde entier.

10      Enfin, au cours de la période considérée dans la décision attaquée, les participants à l’entente ont vendu des tuyaux marins produits au Japon, au Royaume-Uni, en Italie et en France à des utilisateurs finals ainsi qu’à des équipementiers établis dans différents pays de l’Union européenne et de l’Espace économique européen (EEE). Si la plupart des systèmes de tuyaux marins ont pour destination finale des régions non européennes, certains des principaux équipementiers au monde sont en revanche situés dans les différents pays de l’Union et de l’EEE.

 Présentation des requérantes

11      L’une des deux requérantes, Parker-Hannifin Corp., est active dans la fabrication de systèmes et de technologies de mouvement et de commande, offrant des solutions dans le domaine de la mécanique de précision pour un large éventail de marchés commerciaux, mobiles, industriels et aéronautiques.

12      Parker-Hannifin est divisée en huit groupes : aérospatiale, systèmes hydrauliques, filtrage, contrôle climatique et industriel, connecteurs pour fluides, joints d’étanchéité, instrumentation et automatisation/pneumatiques. Le groupe des connecteurs pour fluides est réparti sur quatre régions géographiques (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Union et Asie). Dans l’Union, le groupe des connecteurs pour fluides compte quatre divisions et une unité opérationnelle. Les produits de ladite unité opérationnelle sont vendus sur le marché mondial du pétrole et du gaz maritime.

13      Parker-Hannifin est la société mère de Parker-Hannifin International Corp. Cette dernière est à son tour la société mère de Parker Italy Holding LLC. Parker Italy Holding LLC détient Parker Italy Holding Srl, la société mère de l’autre requérante, Parker ITR Srl.

14      Le chiffre d’affaires consolidé à l’échelle mondiale réalisé par Parker-Hannifin pour tous les produits au cours de l’exercice 2006 a atteint 7 410 millions d’euros.

15      Parker ITR fabrique et commercialise des tuyaux industriels et hydrauliques, des tuyaux marins pour le pétrole et le gaz ainsi que des composés techniques. Son chiffre d’affaires était de [confidentiel] (1) d’euros en 2006. Elle est sise à Veniano (Italie).

16      Le secteur des tuyaux marins destinés au pétrole et au gaz qui appartient à Parker ITR a été créé en 1966 par Pirelli Treg SpA, une société appartenant au groupe Pirelli.

17      En décembre 1990, les activités de Pirelli Treg dans le secteur des tuyaux marins ont été reprises par ITR SpA, une société résultant de la fusion entre Pirelli Treg et Itala, une autre filiale du groupe Pirelli. En 1993, ITR a été acquise par Saiag SpA.

18      Après avoir entamé des négociations avec Parker-Hannifin sur une éventuelle vente de son activité de tuyaux marins notamment, ITR a créé une filiale, ITR Rubber Srl, le 27 juin 2001.

19      Il y a lieu de préciser à cet égard, premièrement, que, le 5 décembre 2001, Parker-Hannifin Holding, une filiale nouvellement créée au sein du groupe Parker dans le but d’acheter le secteur des tuyaux en caoutchouc d’ITR, et ITR ont conclu un contrat aux termes duquel Parker-Hannifin Holding acquerrait 100 % des actions d’ITR Rubber.

20      Deuxièmement, les dispositions du préambule, sous e), du contrat indiquent que le transfert du secteur des tuyaux en caoutchouc d’ITR à ITR Rubber s’effectuera à la demande de Parker-Hannifin Holding.

21      Troisièmement, l’article 3.1.3 du contrat dispose que « l’obligation de [Parker-Hannifin Holding] dépend […] de la réalisation du transfert par [ITR] ». Cette dernière « tiendra [Parker-Hannifin Holding] en permanence informé de l’avancement de la procédure de transfert et […] se concertera avec [celle-ci] pour toutes les modifications importantes du transfert […] qui [s’avèreront] nécessaires ou [seront] jugées opportunes ».

22      Quatrièmement, l’article 7.1.2 du contrat précise qu’ITR Rubber, qui a été constituée « aux fins du transfert et avant la date » de celui-ci, « n’a pas fait de commerce, déposé de comptes, ni entrepris la moindre activité autres que celles qui étaient nécessaires pour que le transfert soit entièrement réalisé et, depuis la date du transfert, elle a poursuivi le cours normal des affaires et n’a exercé aucune autre activité ».

23      Le 19 décembre 2001, ITR a transféré son secteur des tuyaux en caoutchouc, y compris le secteur des tuyaux marins, à ITR Rubber.

24      Le transfert a pris effet le 1er janvier 2002.

25      Le 31 janvier 2002, ITR Rubber a été acquise par Parker-Hannifin Holding et, quelques mois plus tard, elle a été rebaptisée Parker ITR.

26      Parker-Hannifin Holding, puis Parker Italy Holding Srl, détiennent 100 % des parts de Parker ITR.

 Procédure administrative

27      Alors qu’une instruction était ouverte par le ministère de la Justice des États-Unis et les autorités de concurrence du Japon et du Royaume-Uni pour des faits similaires, [confidentiel], faisant valoir le programme de clémence prévu par la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17) (ci-après la « communication sur la coopération »), a présenté à la Commission des Communautés européennes, le 20 décembre 2006, une demande d’immunité en dénonçant l’existence d’une entente sur le marché des tuyaux marins.

28      La Commission a alors ouvert une instruction pour violation de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE et a procédé, le 2 mai 2007, à une série d’inspections auprès de Parker ITR, d’autres producteurs concernés ainsi que de [confidentiel] et de M. W.

29      Manuli Rubber Industries, Parker ITR et Bridgestone ont respectivement adressé une demande de clémence à la Commission les 4 mai, 17 juillet et 7 décembre 2007.

30      Le 28 avril 2008, la Commission a adopté une communication des griefs qu’elle a notifiée aux différentes sociétés concernées entre le 29 avril et le 1er mai 2008.

31      Toutes ont répondu à la communication des griefs dans les délais impartis et ont demandé, à l’exception de [confidentiel]/DOM, de ContiTech AG et de Continental AG, à être entendues lors d’une audition, laquelle a été organisée le 23 juillet 2008.

 Décision attaquée

32      Le 28 janvier 2009, la Commission a adopté la décision C (2009) 428 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/39406 – Tuyaux marins) (ci-après la « décision attaquée »). Il résulte, en substance, de la décision attaquée que :

–        celle-ci a été adressée à onze sociétés, parmi lesquelles les requérantes ;

–        les sociétés que vise celle-ci ont participé, selon des modalités parfois différentes, à une infraction unique et complexe ayant eu pour objets l’attribution d’appels d’offres, la fixation des prix, la fixation de quotas, l’établissement des conditions de vente, le partage de marchés géographiques et l’échange d’informations sensibles sur les prix, les volumes des ventes et les appels d’offres ;

–        l’entente a débuté à tout le moins le 1er avril 1986 (quoiqu’il soit vraisemblable qu’elle remonte au début des années 70) et s’est achevée le 2 mai 2007 ;

–        du 13 mai 1997 au 11 juin 1999, l’entente a connu une activité limitée et des frictions sont survenues entre ses membres ; toutefois, selon la Commission, cela n’a pas entraîné de véritable interruption de l’infraction ; en effet, la structure organisée de l’entente a été complètement rétablie à partir de juin 1999 selon les mêmes modalités et avec les mêmes participants (à l’exception de Manuli, qui a pleinement réintégré l’entente l’année suivante) ; il y aurait par conséquent lieu de considérer que les producteurs ont commis une infraction unique et continue qui s’est étendue du 1er avril 1986 au 2 mai 2007 ou, à tout le moins, s’il devait malgré tout être considéré qu’il y a eu une interruption, une infraction unique et répétée ; la période allant du 13 mai 1997 au 11 juin 1999 n’est toutefois pas prise en considération pour le calcul de l’amende, eu égard au nombre limité de preuves de l’infraction pour cette période ;

–        la responsabilité des requérantes a été retenue pour les périodes suivantes :

–        Parker ITR : du 1er avril 1986 au 2 mai 2007 ;

–        Parker-Hannifin : du 31 janvier 2002 au 2 mai 2007 ;

–        en application des critères prévus par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices »), le montant de base de l’amende à infliger à chacune des sociétés a été déterminé comme suit :

–        la Commission s’est fondée sur la moyenne des ventes annuelles mondiales de chacune des sociétés au cours de la période 2004-2006, à l’exception de Yokohama Rubber, pour laquelle elle a retenu la période 2003-2005 ; à cet égard, la Commission a retenu les ventes facturées aux acheteurs établis dans l’EEE ;

–        elle a déterminé les ventes pertinentes de chacune d’entre elles en appliquant leur part de marché mondiale aux ventes agrégées à l’intérieur de l’EEE, conformément au paragraphe 18 des lignes directrices ;

–        elle a retenu 25 % de cette dernière valeur (au lieu des 30 % au maximum prévus par les lignes directrices) en considération de la gravité de l’infraction ;

–        elle a multiplié la valeur ainsi obtenue par le nombre d’années de participation de chaque société à l’infraction ;

–        conformément au paragraphe 25 des lignes directrices, elle a enfin retenu une somme additionnelle égale à 25 % des ventes pertinentes à des fins de dissuasion ;

–        la Commission a, ensuite, retenu des circonstances aggravantes à l’encontre de Parker ITR et d’une autre société et a rejeté toutes circonstances atténuantes pour les autres membres de l’entente ;

–        enfin, au titre de la communication sur la coopération, la Commission a réduit l’amende de deux sociétés mais a rejeté les demandes de réduction formulées par Parker ITR et une autre société.

33      En ce qui concerne Parker ITR, la Commission a considéré que la valeur des ventes s’élevait à [confidentiel] euros sur la base d’une part du marché mondial de [confidentiel] %, que Parker ITR avait participé à l’entente pendant 19 ans et 5 jours, ce qui donnait un multiplicateur de 19, et Parker-Hannifin pendant 5 ans, 3 mois et 3 jours, ce qui donnait un multiplicateur de 5,5, et, en application des différents facteurs précisés au point précédent, a fixé le montant de base de l’amende à 19 700 000 euros pour Parker ITR et à 6 400 000 euros pour Parker-Hannifin.

34      Eu égard aux circonstances aggravantes retenues contre Parker ITR et Parker-Hannifin, l’amende a ensuite été portée à 25 610 000 euros pour la première, dont la seconde est solidairement responsable pour un montant de 8 320 000 euros.

 Procédure et conclusions des parties

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 avril 2009, les requérantes ont introduit le présent recours.

36      Un membre de la première chambre étant empêché de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, un autre juge pour compléter la chambre.

37      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions. Les parties ont déféré à cette demande.

38      Par lettre du 12 mars 2012, les requérantes ont présenté une demande de mesure d’organisation de la procédure, tendant au dépôt de nouveaux documents.

39      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 27 avril 2012.

40      Les requérantes se sont désistées de leur demande de mesure d’organisation de la procédure à cette occasion.

41      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle déclare Parker ITR responsable du 1er avril 1986 au 9 juin 2006 et Parker-Hannifin responsable du 31 janvier 2002 au 9 juin 2006 ;

–        réduire substantiellement l’amende infligée aux requérantes ;

–        condamner la Commission aux dépens.

42      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

43      Les requérantes avancent neuf moyens au soutien du recours.

44      Dans le cadre du premier moyen, les requérantes font valoir que, en imputant erronément la responsabilité de l’infraction à Parker ITR pour la période antérieure au 1er janvier 2002, la Commission a violé le principe de la responsabilité personnelle, a commis un abus de procédure, a violé le principe de non-discrimination et a méconnu l’obligation de motivation.

45      Le deuxième moyen est tiré de l’imputation erronée aux requérantes de la responsabilité de l’infraction liée au comportement illicite de M. P., qui dirigeait le secteur des tuyaux marins au sein de l’entreprise.

46      Par le troisième moyen, les requérantes soutiennent que Parker-Hannifin a été considérée à tort comme solidairement responsable de l’infraction avec Parker ITR.

47      Le quatrième moyen est tiré de ce que l’imposition d’une amende à Parker ITR, pour la période antérieure au 11 juin 1999, viole l’article 25, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), ainsi que le principe de non-discrimination, et est dépourvue de motivation.

48      Dans le cadre du cinquième moyen, les requérantes avancent que c’est à tort que l’amende a été majorée au motif que Parker ITR a joué un rôle de meneur.

49      Le sixième moyen est tiré d’une violation du principe de la responsabilité individuelle et de l’obligation de motivation en ce qui concerne la majoration de l’amende infligée à Parker-Hannifin en raison du rôle de meneur retenu contre Parker ITR.

50      Par le septième moyen, les requérantes font valoir que le principe de la protection de la confiance légitime a été violé en raison de l’application d’une méthode erronée pour calculer la valeur des ventes aux fins de la fixation de l’amende.

51      Le huitième moyen est tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, du principe de la responsabilité personnelle et de l’obligation de motivation, lors du calcul du seuil de 10 % du chiffre d’affaires.

52      Enfin, le neuvième moyen est tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime et de l’obligation de motivation, en raison du refus de la Commission d’appliquer une réduction de l’amende au titre de la coopération.

53      Il convient d’examiner successivement les premier, quatrième, cinquième, sixième, deuxième, troisième, septième, huitième et neuvième moyens.

 Sur le premier moyen, tiré de l’imputation erronée de la responsabilité de l’infraction à Parker ITR pour la période antérieure au 1er janvier 2002

 Décision attaquée

54      Il ressort, en substance, des considérants 327 à 329 et 366 à 373 de la décision attaquée que la Commission a considéré que, en application du principe de la continuité économique, il y avait lieu de retenir la responsabilité de Parker ITR, anciennement ITR Rubber, pour l’ensemble de l’infraction commise à compter de 1986, à la suite de la restructuration interne intervenue au sein du groupe Saiag et du transfert du secteur des tuyaux en caoutchouc d’ITR à ITR Rubber, puis de la cession de cette filiale à Parker-Hannifin, et d’écarter l’argumentation avancée au cours de la procédure administrative par celle-ci ayant trait au principe de la responsabilité personnelle.

55      La Commission a également précisé que le fait qu’elle ne se soit peut-être pas basée de la même manière sur la jurisprudence dans le cadre d’une autre affaire concernant également la réorganisation interne d’un groupe était sans incidence et ne l’empêchait pas de trouver une solution différente dans le cas d’espèce en tenant compte d’un ensemble d’éléments différents.

 Arguments des parties

56      Le premier moyen avancé par les requérantes comporte trois branches.

57      Les requérantes soutiennent, en substance, à l’appui de la première branche de leur moyen, que Parker ITR ne saurait être tenue pour responsable pour la période antérieure au 1er janvier 2002, dans la mesure où, selon elles, il résulte de la jurisprudence qu’il incombe à la personne morale qui dirigeait l’entreprise au moment où l’infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l’adoption de la décision qui la constate, l’exploitation de l’entreprise a été placée sous la responsabilité d’une autre personne. Or, Parker ITR ne serait devenue propriétaire des actifs ayant contribué à l’infraction qu’à compter du 31 janvier 2002.

58      Selon les requérantes, la Commission a commis une erreur en traitant le transfert des actifs d’ITR à ITR Rubber comme un type de restructuration interne de l’entreprise justifiant l’application de la théorie de la succession économique et, partant, une dérogation au principe de responsabilité personnelle.

59      Les requérantes précisent que la jurisprudence récente confirme que, en cas de transfert d’actifs au sein d’un groupe, la théorie de la succession économique ne peut s’appliquer que si les liens structurels entre l’entité cessionnaire et l’entité cédante existent encore au moment de l’adoption de la décision constatant l’infraction par la Commission.

60      Or, selon les requérantes, entre le moment de sa création, le 27 juin 2001, et le 1er janvier 2002, ITR Rubber n’a exercé aucune activité économique. Il s’agissait d’un véhicule créé uniquement en vue de réaliser le transfert du secteur du caoutchouc à Parker-Hannifin. Cet objet apparaît clairement, selon elles, à l’article 7.1.2. de la convention signée entre ITR et Parker-Hannifin.

61      La deuxième branche du premier moyen est tirée d’un abus de procédure.

62      Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission n’a déclaré Parker ITR responsable pour la période antérieure au 1er janvier 2002 que dans le but de contourner l’article 25 du règlement no 1/2003, qui établit des délais de prescription dont l’application aurait empêché de sanctionner ITR et Pirelli, ce qui, partant, constituerait un abus de procédure.

63      La troisième branche du premier moyen est tirée d’une violation du principe de non-discrimination et de l’obligation de motivation.

64      À l’appui de leur argumentation, les requérantes font valoir en substance que, dans la communication des griefs, la Commission a appliqué la théorie de la continuité économique de manière identique en ce qui les concerne et en ce qui concerne Dunlop Oil & Marine Ltd, laquelle se trouvait dans une situation très similaire. Toutefois, dans la décision attaquée, elle a abandonné la théorie de la continuité économique uniquement en ce qui concerne Dunlop Oil & Marine Ltd et non en ce qui les concerne, et ce sans donner la moindre explication, alors que, dans les deux cas, l’acheteur avait acquis les actifs du vendeur, c’est-à-dire les activités liées aux tuyaux marins.

65      Les requérantes avancent en outre que, en les condamnant pour la période antérieure au 1er janvier 2002, premièrement, la Commission s’est écartée de sa pratique antérieure sans fournir d’explication logique à cet égard, deuxièmement, elle a omis de répondre aux arguments qu’elles avaient avancés en réponse à la communication des griefs et, troisièmement, elle n’a pas expliqué la différence de traitement entre elles et Dunlop Oil & Marine Ltd.

66      La Commission conteste cette argumentation.

67      En premier lieu, la Commission soutient, en substance, qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer le principe de responsabilité individuelle en l’espèce, dans la mesure où il y a eu une succession économique au sein d’un même groupe (considérants 370 à 373 de la décision attaquée). Selon elle, la jurisprudence distingue les conséquences d’un transfert d’actifs de celles d’un transfert d’entités juridiques, en prévoyant que, si seuls des actifs impliqués dans l’infraction sont cédés, la responsabilité suit ces actifs uniquement dans le cas exceptionnel où la personne morale qui détenait ces actifs a cessé d’exister juridiquement ou a cessé toute activité économique. En revanche, lorsqu’une entité juridique responsable du comportement infractionnel serait vendue, cette même entité resterait responsable de ses infractions passées (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, Rec. p. I‑9693).

68      De l’avis de la Commission, il résulte en outre de la jurisprudence (arrêt de la Cour du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, Rec. p. I‑10893) qu’une succession économique dépend des circonstances qui prévalent au moment du transfert d’actifs et que ladite succession économique n’est pas affectée par la vente ultérieure d’une filiale à une nouvelle entreprise. Les conséquences sur le plan de la responsabilité de cette vente ultérieure de la filiale seraient pour leur part régies par la jurisprudence sur la dissolution de l’entreprise. Selon elle, la conséquence du démantèlement d’une entreprise responsable d’une infraction n’est pas la disparition de la responsabilité des différentes entités juridiques qui constituaient auparavant l’unité économique. Au contraire, ces entités juridiques pourraient toujours être tenues pour solidairement responsables, même si certaines d’entre elles font partie d’un nouveau groupe au moment de l’adoption de la décision constatant l’infraction.

69      En l’espèce, selon la Commission, seul le transfert des actifs d’ITR à ITR Rubber, sociétés entre lesquelles, ainsi qu’il est en tout état de cause établi, il existait des liens structurels et économiques lorsqu’elles faisaient toutes deux parties du groupe Saiag, est pertinent au regard du critère de la continuité économique, la pleine et entière responsabilité d’ITR ayant été transférée à sa filiale, ITR Rubber, y compris pour la période antérieure à la création de celle-ci.

70      Ensuite, cette responsabilité se serait attachée à la personne morale d’ITR Rubber et, lorsque cette personne morale est devenue Parker ITR après son transfert à Parker-Hannifin, elle serait demeurée responsable pour le passé infractionnel de l’ancienne société mère d’ITR Rubber, en application de la jurisprudence selon laquelle une entité juridique peut être tenue responsable de l’infraction commise par l’entreprise à laquelle elle appartenait.

71      La Commission précise que, en ce qui concerne la vente d’ITR Rubber à Parker-Hannifin, il ne saurait être question d’une vente d’actifs à une entreprise non liée, car la vente ne portait pas seulement sur des actifs, mais aussi sur une entité juridique existante, qui emportait avec elle sa responsabilité.

72      La vente des actifs litigieux à l’intérieur du groupe Saiag, d’ITR à ITR Rubber, et la vente postérieure de cette dernière à un nouveau groupe, à savoir le groupe Parker-Hannifin, devraient ainsi être traitées comme des événements distincts, la vente d’ITR Rubber ne pouvant défaire la succession économique antérieure.

73      En outre, selon la Commission, le seul moment opportun pour apprécier la situation factuelle et pour déterminer si un transfert d’actifs est intervenu au sein d’un groupe ou entre des entreprises indépendantes est le moment du transfert proprement dit. La date d’adoption de la décision constatant l’infraction n’interviendrait que pour établir si une société responsable de l’infraction a été dissoute depuis.

74      La Commission considère par ailleurs que la durée de la période pendant laquelle subsistent des liens structurels après la succession économique est sans pertinence aux fins de la constatation de celle-ci ; ainsi, la filiale vendue peut toujours être tenue pour solidairement responsable de l’infraction avec les entités restantes de son unité économique antérieure pour la période de l’infraction courant jusqu’à la vente de la filiale.

75      Par ailleurs, la Commission ne partage pas l’analyse que font les requérantes de l’arrêt du Tribunal du 30 septembre 2009, Hoechst/Commission (T‑161/05, Rec. p. II‑3555), et considère, en substance, que les faits ne sont pas comparables à ceux de la présente affaire.

76      La Commission allègue en outre qu’ITR Rubber a été créée et était détenue à 100 % par sa société mère, à savoir ITR, et la société faîtière du groupe Saiag jusqu’à sa vente à Parker-Hannifin. Le fait, selon elle, que, pendant six mois (du 27 juin 2001 au 1er janvier 2002), ITR Rubber n’ait eu qu’une faible activité économique corrobore le constat que cette filiale a rempli le rôle économique que lui destinait sa société mère et qu’elle ne pouvait agir de manière autonome, sans que cette appréciation soit remise en cause par ce qui a pu se passer entre le 1er janvier 2002, date où le transfert des actifs d’ITR à ITR Rubber est devenu effectif, et le 31 janvier 2002, date à laquelle l’ensemble des actions d’ITR Rubber ont été acquises par Parker-Hannifin.

77      La Commission précise à cet égard que l’interdiction contractuelle faite à ITR d’exercer une influence sur ITR Rubber s’appliquait à la suite du transfert d’actifs, à compter du 1er janvier 2002, et que cela signifie que l’accord entérinant la vente ne pouvait faire obstacle à l’existence d’une unité économique au moment du transfert.

78      La Commission fait enfin valoir que les transferts au sein d’un groupe de sociétés ont normalement lieu entre plusieurs entités juridiques contrôlées par une seule société mère et, dans ce cas, c’est cette dernière qui est généralement tenue pour responsable, si elle a exercé une influence déterminante sur ses filiales. Une succession économique à l’intérieur d’un groupe lui permet ainsi, selon elle, de poursuivre la filiale qui est le successeur économique même si ladite filiale n’est plus contrôlée par l’ancienne société mère. Cette possibilité est utile, selon elle, aux fins de l’application du droit de la concurrence lorsque l’ancienne société mère n’existe plus ou si elle ne peut être poursuivie pour d’autres raisons, comme le fait que, en l’espèce, l’infraction soit prescrite en ce qui concerne ITR et Saiag.

79      En second lieu, la Commission estime que la jurisprudence lui reconnaît une marge d’appréciation lui permettant de choisir à qui elle adresse sa décision constatant l’infraction tant dans le cas de la succession économique que, plus généralement, en ce qui concerne les sociétés mères et leurs filiales ; elle pouvait par conséquent décider d’adresser la décision attaquée uniquement au successeur économique, à savoir Parker ITR, et non au prédécesseur toujours existant, à savoir ITR et/ou Saiag.

80      En réponse à la deuxième branche du premier moyen, la Commission conteste les allégations des requérantes suivant lesquelles elle aurait commis un détournement de procédure. Elle précise que, même si une raison d’adresser également la décision attaquée à Parker ITR a été que toute sanction à l’encontre d’ITR ou de Saiag serait frappée de prescription, cette approche est justifiée, puisque les mêmes actifs, voire la même entreprise, ont continué l’infraction, selon elle.

81      Quant à la troisième branche du premier moyen, la Commission fait notamment valoir, en substance, que la communication des griefs aurait reposé sur des faits inexacts en ce qui concerne Dunlop Oil & Marine Ltd. En effet, c’est, selon elle, Unipoly Ltd, le nouveau propriétaire des actifs concernés par l’infraction, qui a créé Dunlop Oil & Marine Ltd et non le vendeur de ces actifs, [confidentiel], ce qui distinguerait la situation de cette entreprise de celle des requérantes, pour lesquelles est en réalité intervenue une vente d’une entité juridique et non pas seulement une vente d’actifs.

82      Quant au grief tiré de la violation de l’obligation de motivation, la Commission considère, en substance, qu’il s’agit d’une simple reformulation des autres griefs avancés à l’appui de ce moyen.

 Appréciation du Tribunal

83      Il convient de rappeler que le droit de la concurrence de l’Union vise les activités des entreprises (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 59).

84      La notion d’entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique – c’est-à-dire une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé – même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm, 170/83, Rec. p. 2999, point 11 ; du Tribunal du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission, T‑66/99, Rec. p. II‑5515, point 122, et du 15 septembre 2005, DaimlerChrysler/Commission, T‑325/01, Rec. p. II‑3319, point 85).

85      Par ailleurs, en vertu du principe de la responsabilité personnelle, un fait punissable ne peut être imputé qu’à son auteur. En outre, conformément au principe de la personnalité des peines, une peine ne peut être subie par une autre personne que le coupable. Ces principes, qui constituent des garanties fondamentales issues du droit répressif, s’opposent par conséquent à l’engagement de la responsabilité d’une personne physique ou d’une personne morale qui n’a pas été l’auteur d’une infraction (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Cosmas sous l’arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4130, point 74 ; de l’avocat général M. Colomer sous l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra, Rec. p. I‑133, points 63 et 64, et de l’avocat général M. Bot sous les arrêts de la Cour du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I-2239, point 181, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, Rec. p. I-2359, point 162).

86      Suivant une jurisprudence constante, ces principes s’appliquent au droit de la concurrence de l’Union. La Cour a en effet considéré que, eu égard à la nature de l’infraction en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, la responsabilité pour la commission d’une infraction aux règles de la concurrence a un caractère personnel (arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 85 supra, point 78, et du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, Rec. p. I‑8237, point 77).

87      Il incombe par conséquent à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise en cause au moment où l’infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l’adoption de la décision constatant l’infraction, l’exploitation de l’entreprise n’est plus placée sous sa responsabilité (voir arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 85 supra, point 143, et la jurisprudence citée).

88      Ainsi, il résulte de la jurisprudence de la Cour que la responsabilité du comportement infractionnel de l’entreprise – ou des entités qui la composent – suit la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise en cause au moment où l’infraction a été commise, même si les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l’infraction ont été repris après la période d’infraction par une tierce personne (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C‑297/98 P, Rec. p. I‑10101, points 25 et 27).

89      Une personne physique ou morale qui n’est pas l’auteur de l’infraction peut toutefois être sanctionnée pour celle-ci lorsque la personne physique ou morale qui a commis l’infraction a cessé d’exister juridiquement ou économiquement (voir, en ce sens, arrêts ETI e.a., point 68 supra, point 40, et ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 85 supra, point 144) afin d’éviter qu’une entreprise puisse échapper à des sanctions par le simple fait que son identité a été modifiée par suite de restructurations, de cessions ou d’autres changements juridiques ou organisationnels (voir, en ce sens, arrêt ETI e.a., point 68 supra, point 41, et la jurisprudence citée). Il s’agit du critère de la continuité économique.

90      Ainsi, il résulte d’une jurisprudence constante que le changement de la forme juridique et du nom d’une entreprise n’a pas pour effet de créer une nouvelle entreprise dégagée de la responsabilité des comportements anticoncurrentiels de la précédente, lorsque, du point de vue économique, il y a identité entre les deux entreprises (arrêts de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra, points 356 à 359, et ETI e.a., point 68 supra, point 42).

91      En outre, le fait qu’une personne morale continue à exister en tant qu’entité juridique n’exclut pas, au regard du droit de la concurrence de l’Union, qu’il puisse y avoir transfert d’une partie des activités de cette personne morale à une autre, laquelle devient responsable des actes commis par la première (arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra, points 356 à 359, et ETI e.a., point 68 supra, point 48 ; arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, point 132).

92      Une telle mise en œuvre de la sanction est en effet admissible lorsque ces personnes morales ont été sous le contrôle de la même personne et ont, eu égard aux liens étroits qui les unissent sur le plan économique et organisationnel, appliqué pour l’essentiel les mêmes directives commerciales (arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra, points 356 à 359, et ETI e.a., point 68 supra, point 49).

93      En revanche, la Cour a jugé qu’il ne peut y avoir de continuité économique qu’au cas où la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise aurait cessé d’exister juridiquement après la commission de l’infraction, dans le cas de deux entreprises existantes et opérationnelles dont l’une avait cédé une certaine partie de ses activités à l’autre et qui n’avaient pas de lien structurel entre elles (voir, en ce sens, arrêts Commission/Anic Partecipazioni, point 85 supra, point 145, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra, point 359).

94      Ainsi, le critère de la continuité économique permet donc, dans des circonstances exceptionnelles strictement circonscrites par la jurisprudence, d’assurer l’effectivité du principe de la responsabilité personnelle de l’auteur de l’infraction et de sanctionner une personne morale, certes autre que celle qui a commis ladite infraction, mais avec laquelle elle partage des liens structurels.

95      En application du critère de la continuité économique, il est donc permis à la Commission de sanctionner une personne morale autre que celle qui a commis l’infraction, nonobstant toute construction juridique qui viserait, au sein d’une même entreprise, à faire artificiellement obstacle à la sanction des infractions au droit de la concurrence qui auraient été commises par une ou plusieurs des personnes morales qui la composent.

96      La notion de la continuité économique n’a toutefois pas pour objet de permettre de tenir pour responsable d’une infraction une entreprise autre que celle qui, le cas échéant au travers des personnes morales qui la composent, a commis ladite infraction (voir, en ce sens, arrêt ThyssenKrupp Nirosta/Commission, point 85 supra, point 145), à moins que ces deux entreprises n’aient elles-mêmes des liens structurels qui les unissent sur le plan économique et organisationnel (voir, en ce sens, arrêts Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra, point 359, et ETI e.a., point 68 supra, point 49) ou que la personne morale qui a commis l’infraction ait été cédée à un tiers dans des conditions abusives, c’est-à-dire n’étant pas celles du marché, dans l’intention d’échapper aux sanctions prévues par le droit des ententes (conclusions de l’avocat général Mme Kokott sous l’arrêt ETI e.a., point 68 supra, Rec. p. I‑10896, points 82 et 83).

97      En revanche, une entreprise qui, dans des conditions de marché, a cédé la personne morale qui a commis l’infraction à un tiers avec lequel elle n’a aucun lien structurel, demeure susceptible d’être sanctionnée en application du principe de la responsabilité personnelle pour la période infractionnelle antérieure à la cession sous réserve des règles relatives à la prescription, et ce quand bien même ses activités ne se dérouleraient plus dans le secteur commercial ayant fait l’objet de ladite infraction.

98      En d’autres termes, le critère de la continuité économique n’a pas pour objet, lorsque des règles de droit, telles que celles qui régissent la prescription, font obstacle à ce qu’une entreprise soit sanctionnée pour avoir commis une infraction au droit de la concurrence, ou lorsque l’entreprise qui a cédé la personne morale ayant commis l’infraction à un tiers indépendant a disparu, de permettre de rechercher et d’engager rétroactivement la responsabilité d’une autre entreprise pour les faits qui auraient été commis par la première, à moins qu’elles n’aient des liens structurels qui les unissent sur le plan économique et organisationnel (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Colomer sous l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra, point 72) ou que la cession de la personne morale qui a commis l’infraction soit intervenue dans des conditions abusives (voir point 96 ci-dessus).

99      Il est indifférent, à cet égard, qu’il s’agisse d’un transfert d’actifs ou du transfert d’une personne morale à cette tierce personne, et il convient d’écarter la thèse avancée par la Commission à ce sujet.

100    Il a en effet été jugé que le principe de responsabilité personnelle n’était pas remis en cause par le critère de la continuité économique dans le cas où une entreprise avait cédé à un tiers indépendant une partie de ses activités impliquées dans l’entente par le biais du transfert d’une filiale créée aux fins de cette cession et qu’il n’existait pas de liens structurels entre l’ancien exploitant et le nouveau, ce qui justifiait que l’entreprise cédante soit sanctionnée pour la période infractionnelle antérieure à la cession et l’entreprise cessionnaire pour la période infractionnelle postérieure à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt Hoechst/Commission, point 75 supra, points 28 et 61).

101    Il s’ensuit également que, en application du principe de la responsabilité personnelle, la personne morale cédée, à partir de la date de sa création, peut être sanctionnée pour la période infractionnelle pendant laquelle elle a elle-même pris part à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt Hoechst/Commission, point 75 supra, points 28, 61, 66 et 67) dans la mesure où, en effet, à compter de ce moment, elle est susceptible d’être individuellement tenue pour responsable de cette infraction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, points 81 et 82).

102    Il convient d’ajouter que l’omission de constater l’existence d’une infraction commise par l’entreprise cédante et, le cas échéant, de sanctionner celle-ci est susceptible de nuire à l’efficacité de la sanction en cas de récidive ultérieure.

103    En l’espèce, il y a tout d’abord lieu de rappeler les faits suivants.

104    D’une part, le secteur de tuyaux marins destinés au pétrole et au gaz qui appartient aujourd’hui à Parker ITR a été créé en 1966 par Pirelli Treg, dont les activités ont été reprises en décembre 1990 par ITR, laquelle a été acquise en 1993 par Saiag.

105    D’autre part, Saiag a créé une filiale, ITR Rubber, le 27 juin 2001, après avoir entamé des négociations avec Parker-Hannifin sur une éventuelle vente de son activité de tuyaux marins, à laquelle elle a transféré, le 19 décembre 2001, son secteur des tuyaux en caoutchouc, y compris le secteur des tuyaux marins.

106    Le transfert du secteur des tuyaux en caoutchouc à ITR Rubber a pris effet le 1er janvier 2002 et, le 31 janvier 2002, la filiale ITR Rubber – dénommée quelques mois plus tard Parker ITR – a été acquise par Parker-Hannifin.

107    Par ailleurs, il ressort du considérant 370 de la décision attaquée que, du mois de décembre 1990 au 27 juin 2001, date à laquelle ITR Rubber a été constituée par Saiag, c’est ITR qui a participé à l’entente et a, de la sorte, commis l’infraction sanctionnée par cette décision.

108    Il n’est par ailleurs pas contesté qu’ITR a continué à exercer l’activité relative aux tuyaux en caoutchouc de Saiag, et en particulier l’activité relative aux tuyaux marins, jusqu’au moment du transfert de ses actifs à ITR Rubber, le 19 décembre 2001, ce transfert étant devenu effectif à compter du 1er janvier 2002.

109    Il est en outre constant que la commission de l’infraction s’est poursuivie du 27 juin au 31 décembre 2001.

110    Il s’ensuit que c’est également ITR qui, entre le 27 juin 2001 et le 31 décembre 2001, a commis l’infraction.

111    En application du principe de la responsabilité personnelle, c’est dès lors Saiag et ITR qui auraient dû être sanctionnées pour l’infraction commise – à tout le moins – entre décembre 1990 et le 31 décembre 2001.

112    Or, il est également constant que la Commission n’a pas sanctionné ITR et Saiag, car elle a estimé, suivant les précisions qu’elle a fournies à cet égard en cours d’instance, que l’infraction était prescrite en ce qui les concernait.

113    La Commission a en outre précisé lors de l’audience que c’est dans cette mesure que, pour sanctionner l’infraction commise par ITR de décembre 1990 à décembre 2001 et, avant celle-ci, par Pirelli Treg d’avril 1986 à décembre 1990, elle a décidé d’imputer à Parker ITR, anciennement ITR Rubber, la responsabilité de l’intégralité de l’infraction dans le temps. Elle considère en effet qu’il serait possible d’avoir recours au critère de la continuité économique dans un tel cas afin d’assurer l’effectivité des sanctions en droit de la concurrence.

114    Il convient par conséquent d’examiner si les conditions pour appliquer le critère de la continuité économique étaient réunies en l’espèce, comme le prétend la Commission.

115    Il y a lieu de constater que, d’une part, du 27 juin 2001 au 31 janvier 2002, ITR Rubber était une filiale détenue à 100 % par ITR et, d’autre part, le transfert des activités relatives aux tuyaux en caoutchouc à ITR Rubber n’est devenu effectif qu’à dater du 1er janvier 2002, rien dans le dossier de la Commission ne démontrant qu’ITR Rubber ait eu une quelconque activité, et, en particulier, une activité en lien avec les tuyaux marins, avant cette date. ITR ayant procédé à la vente de l’ensemble des actions d’ITR Rubber à Parker-Hannifin, par contrat conclu en date du 5 décembre 2001 et exécuté par le transfert de l’ensemble des actions à l’acquéreur le 31 janvier 2002, il est constant que la filialisation de la branche d’activité relative aux tuyaux en caoutchouc réalisée par ITR s’inscrivait de toute évidence dans un objectif de vente des actions de cette filiale à une entreprise tierce (voir, en ce sens, arrêt Hoechst/Commission, point 75 supra, point 60).

116    Dans ces conditions, il incombait à la personne morale qui dirigeait l’entreprise en cause au moment où l’infraction a été commise, c’est-à-dire ITR et sa société mère Saiag, de répondre de celle-ci, même si, au jour de l’adoption de la décision constatant l’infraction, l’exploitation de l’activité relative aux tuyaux marins avait été placée sous la responsabilité d’une autre entreprise, en l’occurrence Parker-Hannifin. Le principe de la responsabilité personnelle ne saurait en effet être remis en cause par celui de la continuité économique dans les cas où, comme en l’espèce, une entreprise impliquée dans l’entente, à savoir Saiag, et sa filiale ITR, cède une partie de ses activités à un tiers indépendant et qu’il n’existe aucun lien structurel entre le cédant et le cessionnaire – c’est-à-dire, en l’espèce, entre Saiag ou ITR et Parker-Hannifin.

117    Il convient en outre de relever que la Commission reconnaît qu’elle ne dispose d’aucun indice pouvant laisser penser que la vente serait intervenue dans des conditions abusives visant à permettre à Saiag et à ITR d’échapper à leur responsabilité et il y a lieu de relever qu’elle n’a pas avancé cette thèse dans la décision attaquée.

118    Il appartenait par conséquent à la Commission de constater que Saiag et ITR étaient responsables de l’infraction jusqu’au 1er janvier 2002, puis, le cas échéant, de constater que cette infraction était prescrite, ainsi que le lui permet une jurisprudence constante (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, Rec. p. II‑4065, points 60 et 61, et du 12 octobre 2007, Pergan Hilfsstoffe für industrielle Prozesse/Commission, T‑474/04, Rec. p. II‑4225, point 72).

119    La Commission ne pouvait, en revanche, dans de telles conditions, retenir la responsabilité d’ITR Rubber pour la période antérieure au 1er janvier 2002, date à laquelle les actifs impliqués dans l’entente lui ont été transmis.

120    C’est au demeurant la solution qui avait été retenue par la Commission elle-même dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hoechst/Commission, point 75 supra, en application du principe de la responsabilité personnelle, cette solution ayant été approuvée par le Tribunal.

121    Par ailleurs, dès lors qu’il y a lieu d’écarter la prémisse du raisonnement de la Commission concernant l’application du critère de la continuité économique à la seule cession des actifs d’ITR à ITR Rubber (et non à la cession de la filiale ITR Rubber à Parker-Hannifin), la responsabilité de Saiag et d’ITR ne saurait avoir été transférée à ITR Rubber en application de ce critère. Il s’ensuit que ne saurait prospérer l’argumentation de la Commission suivant laquelle la responsabilité qui se serait attachée, en application du critère de la continuité économique, à la filiale ainsi constituée en vue de son rachat par Parker-Hannifin se serait dès lors transmise à cette dernière à cette occasion.

122    Il convient également de rejeter l’argumentation de la Commission suivant laquelle, en substance, elle disposerait, en tout état de cause, d’une marge d’appréciation pour choisir le responsable de l’infraction tant dans le cas de la continuité économique que, plus généralement, en ce qui concerne les sociétés mères et leurs filiales, ce qui lui permettrait de sanctionner ITR Rubber pour l’ensemble du passé infractionnel d’ITR et de Saiag.

123    Premièrement, il résulte en effet de la jurisprudence que, dans certaines circonstances, il est possible d’imputer à une société mère le comportement infractionnel de sa filiale en raison du contrôle qu’exerce la société mère sur celle-ci (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, KNP BT/Commission, T‑309/94, Rec. p. II‑1007, points 41, 42, 45, 47 et 48, confirmé par arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 73).

124    Il convient cependant de constater que cette jurisprudence ne saurait trouver ici à s’appliquer dès lors que, en l’espèce, la Commission entend imputer à une filiale, ITR Rubber, la responsabilité de sa société mère, Saiag, pour le comportement infractionnel d’une autre filiale de cette dernière, à savoir ITR.

125    Deuxièmement, il a également été jugé que la Commission a le choix de sanctionner soit la filiale ayant participé à l’infraction, soit la société mère qui l’a contrôlée pendant cette période (arrêt Erste Group Bank e.a./Commission, point 101 supra, points 81 à 84, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 331), soit les deux conjointement et solidairement (arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, points 52 à 82, et du 24 mars 2011, IBP et International Building Products France/Commission, T‑384/06, Rec. p. II‑1177, point 13).

126    Il résulte toutefois de cette jurisprudence que, si, certes, la filiale peut être sanctionnée en lieu et place de la société mère, c’est dans la mesure où elle a elle-même participé à l’infraction et, partant, pour la durée de sa participation à celle-ci, ce qui exclut notamment qu’elle puisse être tenue rétroactivement responsable d’une infraction commise par sa société mère avant la constitution de ladite filiale.

127    En effet, la possibilité d’imputer de manière rétroactive la responsabilité d’une infraction à une personne morale autre que celle qui l’a commise n’est possible que dans le cadre de l’application du critère de la continuité économique, laquelle a toutefois été exclue en l’espèce (voir les points 114 à 119 ci-dessus).

128    Le transfert des actifs impliqués dans l’entente d’ITR à ITR Rubber étant en effet devenu effectif le 1er janvier 2002 et aucune preuve de l’implication d’ITR Rubber n’étant avancée par la Commission pour la période antérieure au 1er janvier 2002, il y a donc lieu de considérer que ITR Rubber a personnellement commis l’infraction du 1er janvier 2002 au 31 janvier 2002, date à laquelle l’ensemble des actions d’ITR Rubber ont été acquises par Parker-Hannifin.

129    Il s’ensuit également que, sans préjudice de l’examen des deuxième et troisième moyens, la responsabilité solidaire de Parker-Hannifin ne saurait être retenue pour la période antérieure au 31 janvier 2002, date à laquelle celle-ci a acquis l’ensemble des actions d’ITR Rubber (devenue Parker ITR). La décision attaquée, en ce qu’elle retient à bon droit la responsabilité solidaire de Parker-Hannifin à dater du 31 janvier 2002, doit donc être confirmée à cet égard et sous cette réserve.

130    Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième et troisième branches du premier moyen, il y a dès lors lieu d’accueillir la première branche de celui-ci, dans la mesure où la responsabilité de Parker ITR ne peut être retenue pour la période infractionnelle antérieure au 1er janvier 2002.

 Sur le quatrième moyen, tiré de ce que l’imposition d’une amende à Parker ITR pour la période antérieure au 11 juin 1999 serait erronée

 Décision attaquée

131    Dans la décision attaquée, aux considérants 148 à 187 et 289 à 307, la Commission rappelle une série de faits qui, selon elle, conduisent à distinguer trois périodes dans l’existence de l’entente : une première période d’activité « pleine et entière » de 1986 à mai 1997, une période d’activité limitée, s’étendant, selon les membres de l’entente, de mai 1997 à juin 1999 ou juin 2000, et, enfin, une nouvelle période d’activité « pleine et entière » de juin 1999 ou juin 2000, selon les membres de l’entente, jusqu’à mai 2007. Elle considère en substance que, dès lors qu’est établie l’existence de contacts entre certains des participants de l’entente, contacts ayant notamment pour objectif de relancer l’entente, il y a lieu de considérer que l’infraction est continue, ou à tout le moins répétée, mais qu’il n’y a toutefois pas lieu d’imposer d’amende pour la période d’activité limitée de l’entente.

 Arguments des parties

132    Par leur quatrième moyen, les requérantes font valoir que l’imposition d’une amende à Parker ITR, pour la période antérieure au 11 juin 1999, viole, d’une part, l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, dès lors que l’infraction ne pourrait être tenue pour une infraction continue ou répétée, et, d’autre part, le principe de non-discrimination. Elles considèrent que l’obligation de motivation a également été méconnue par la Commission.

133    La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation du Tribunal

134    Le quatrième moyen, visant à ce que le Tribunal constate que la prescription est acquise pour une période infractionnelle antérieure au 11 juin 1999, présente un caractère logiquement subsidiaire par rapport au premier moyen, impliquant qu’il ne devrait être examiné que si le premier moyen était rejeté.

135    Le premier moyen ayant été accueilli, il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de ce que l’amende a été majorée à tort au motif que Parker ITR aurait joué un rôle de meneur

 Décision attaquée

136    Il ressort des considérants 457 à 463 de la décision attaquée que, eu égard à l’implication de M. P. dans l’entente, qui a joué un rôle de meneur attesté par divers éléments de preuve, la Commission a décidé d’augmenter les montants de base de l’amende de 30 % au titre des circonstances aggravantes et de rejeter l’argumentation de Parker ITR et de Parker-Hannifin concernant l’imputation de la responsabilité de l’infraction à M. P.

 Arguments des parties

137    Au soutien de leur cinquième moyen, les requérantes avancent que c’est à tort que l’amende a été majorée au motif que Parker ITR aurait joué un rôle de meneur pour la période allant du 11 juin 1999 au 30 septembre 2001.

138    La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation du Tribunal

139    Dès lors qu’il est fait droit au premier moyen, Parker ITR ne saurait se voir attribuer le rôle de meneur de l’entente pour la période allant du 11 juin 1999 au 30 septembre 2001.

140    Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le cinquième moyen, dans la mesure où celui-ci est tiré de la majoration erronée de l’amende imposée pour un comportement qui ne peut être imputé aux requérantes.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de la responsabilité individuelle et de l’obligation de motivation, en ce qui concerne la majoration de l’amende infligée à Parker-Hannifin en raison du rôle de meneur retenu contre Parker ITR

 Arguments des parties

141    Le sixième moyen avancé par les requérantes est tiré d’une violation du principe de la responsabilité individuelle et de l’obligation de motivation en ce qui concerne la majoration de l’amende infligée à Parker-Hannifin, en raison du rôle de meneur retenu contre Parker ITR.

142    Les requérantes font valoir à cet égard que la Commission n’a pas retenu la responsabilité de Parker-Hannifin pour la période de l’infraction antérieure au 31 janvier 2002, mais qu’elle a tenu compte du rôle de chef de file qu’ITR aurait joué de juin 1999 à septembre 2001 pour augmenter à la fois l’amende de Parker ITR et pour augmenter la partie de l’amende dont Parker-Hannifin est tenue pour solidairement responsable. Or, la Commission tient Parker-Hannifin pour responsable de faits qui se sont produits avant qu’elle n’acquière Parker ITR le 31 janvier 2002, et ce en violation du principe de la responsabilité personnelle.

143    Les requérantes avancent également en substance que la motivation de la décision attaquée est contradictoire et insuffisante.

144    La Commission conteste cette argumentation.

 Appréciation du Tribunal

145    Dès lors qu’il est fait droit au premier moyen, la responsabilité solidaire de Parker-Hannifin, en ce qui concerne le rôle de meneur de sa filiale, Parker ITR, ne saurait être retenue pour la période infractionnelle allant du 11 juin 1999 au 30 septembre 2001, laquelle ne peut être imputée à Parker ITR.

146    En conséquence, il y a lieu d’accueillir le sixième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’imputation erronée aux requérantes de la responsabilité de l’infraction liée au comportement illicite de M. P., directeur de l’unité « Oil & Gas »

 Décision attaquée

147    Il ressort en substance des considérants 374 à 381 de la décision attaquée que la Commission a rejeté l’argumentation avancée par les requérantes, selon lesquelles il conviendrait d’avoir égard, d’une part, à la responsabilité personnelle de M. P., directeur de l’unité « Oil & Gas » d’ITR Rubber tant avant l’acquisition de cette dernière par Parker-Hannifin qu’après cette acquisition, lequel aurait agi à l’insu de son employeur, en mettant en place un vaste mécanisme destiné à participer à l’entente à son profit personnel ainsi qu’à celui de sociétés auxquelles il était lié, et, d’autre part, au fait que ces agissements auraient été commis au détriment et en contradiction avec la politique interne de l’entreprise, en lui causant un préjudice important et en ne lui apportant aucun avantage.

 Arguments des parties

148    Les requérantes contestent, en substance, que le comportement de M. P., directeur de l’unité « Oil & Gas » d’ITR Rubber (devenue Parker ITR), leur soit imputable, en raison du fait, premièrement, qu’il leur aurait dissimulé la vérité, en établissant un plan frauduleux destiné à lui permettre, ainsi qu’à diverses sociétés qu’ils contrôlait ou auxquelles il était lié, de bénéficier des gains illicites résultant de l’entente, deuxièmement, qu’il se serait opposé par tous les moyens à ce que Parker-Hannifin intervienne dans la gestion commerciale du secteur des tuyaux marins qu’il aurait assurée de manière complètement autonome et, enfin, troisièmement, qu’elles auraient été les premières lésées par les agissements de M. P., qui n’aurait agi que dans son intérêt personnel et dans celui de ses sociétés ainsi qu’en violation des règles déontologiques de Parker-Hannifin. Elles estiment que, à l’instar de la jurisprudence américaine, il y aurait lieu de ne pas tenir l’entreprise pour responsable du comportement de son salarié dès lors que les activités illicites de celui-ci ont été menées dans l’intention d’en faire profiter d’autres personnes que son employeur.

149    En outre, les requérantes allèguent n’avoir conclu aucun accord avec les membres de l’entente pendant la période pendant laquelle M. P. était salarié de l’entreprise et elles contestent avoir dissimulé l’entente à la Commission lorsqu’elles ont eu des soupçons à cet égard, ceux-ci n’étant pas suffisant, selon elles, pour justifier que des mesures soient prises en vue, notamment, de l’introduction d’une demande de clémence.

150    La Commission conteste ces allégations.

 Appréciation du Tribunal

151    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’imputation à une entreprise d’une infraction à l’article 85 CE du traité ne suppose pas une action ou même une connaissance de la part des associés ou des gérants principaux de l’entreprise concernée de cette infraction, mais l’action d’une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise (voir, s’agissant du traité CE, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 97, et arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Brugg Rohrsysteme/Commission, T‑15/99, Rec. p. II‑1613, point 58).

152    Il convient de relever que M. P. a travaillé sans interruption de 1981 à 2006 successivement pour Pirelli Treg, Saiag (ITR) et Parker ITR. En outre, après sa prétendue démission, le 9 juin 2006, Parker ITR a conclu avec ce dernier un contrat de consultant afin d’assurer la continuité du secteur des tuyaux marins.

153    L’implication de M. P. dans l’entente ainsi que le rôle de leader qu’il y a joué, lesquels ne sont au demeurant pas formellement contestés par les requérantes, sont largement détaillés aux considérants 94, 122 (tableau 9), 144, 145, 151, 154, 155, 156, 158, 163, 172, 177, 185, 189 (tableau 10), 190, 196, 241, 302, 349, 379, 383, 384, 386, 459 et 461 de la décision attaquée.

154    Par ailleurs, les requérantes ont reconnu, lors de l’audience, que M. P. était autorisé à agir pour le compte de l’entreprise, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 383 de la décision attaquée. Il ressort en effet de ce considérant que les requérantes ont soumis « une copie d’un acte d’habilitation […] indiquant qu’il était autorisé à signer un large éventail de transactions commerciales », ce qui démontre que, s’il est vrai que M. P. jouissait d’une large marge de manœuvre dans le cadre de ses activités, c’est parce que ce pouvoir lui avait été expressément conféré par les requérantes.

155    La responsabilité des requérantes apparaît dès lors engagée, sans qu’il soit besoin de déterminer si M. P. a agi à l’insu de celles-ci.

156    S’avère dès lors également inopérante l’argumentation des requérantes suivant laquelle elles n’auraient elles-mêmes conclu aucun accord avec les autres membres de l’entente, puisqu’elles étaient juridiquement engagées par M. P.

157    Il en va de même des allégations relatives à la violation des règles déontologiques internes du groupe Parker et de celles concernant le fait que M. P. aurait agi dans le but d’escroquer ledit groupe. Force est en effet de constater que rien ne permet d’étayer ces allégations, démenties au demeurant par le fait que le groupe Parker n’a jamais déposé plainte ni entamé aucune démarche à l’encontre de son ancien employé.

158    Enfin, quant aux dommages prétendument causés à Parker-Hannifin, c’est à juste titre que la Commission fait observer que, en participant à l’entente, l’entreprise, contrairement à ce qu’elle prétend, a retiré des bénéfices résultant, en particulier, de la fixation des prix et de la répartition des marchés entre les différents membres de l’entente qu’elle n’aurait pu réaliser s’il n’y avait pas eu d’accord entre eux.

159    Le deuxième moyen doit par conséquent être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré de ce que Parker-Hannifin a été considérée à tort comme solidairement responsable de l’infraction avec Parker ITR

 Décision attaquée

160    Il ressort en substance des considérants 382 à 389 de la décision attaquée que la Commission a considéré que l’influence déterminante de Parker-Hannifin sur Parker ITR pouvait être présumée dès lors que la société mère détenait 100 % du capital de sa filiale et qu’il existait par ailleurs des indices factuels démontrant que Parker-Hannifin avait exercé un contrôle sur Parker ITR, en particulier un acte d’habilitation donné à M. P. attestant qu’il était autorisé à signer une large gamme de transactions commerciales.

161    La Commission a également rejeté les arguments avancés par les requérantes en réponse à la communication des griefs.

162    La Commission a ainsi premièrement écarté un argument suivant lequel il aurait suffi de démontrer que Parker-Hannifin n’avait pas exercé d’influence déterminante sur la seule activité relative aux tuyaux marins de Parker ITR, sans qu’il y ait à avoir égard à la situation des autres secteurs d’activités de cette filiale, en considérant qu’il résultait de la jurisprudence que celle-ci se référait au comportement de la filiale dans son ensemble.

163    Deuxièmement, la Commission a considéré que les documents auxquels se référaient les requérantes pour établir l’autonomie de Parker ITR ne démontraient pas que la filiale agissait de manière totalement indépendante de la société mère, mais révélaient seulement éventuellement des divergences de vues et des problèmes de coopération. Toutefois, selon la Commission, il n’était pas nécessaire d’intervenir dans la gestion courante des activités d’une filiale pour exercer une influence déterminante sur la politique commerciale de ladite filiale.

164    Troisièmement, la Commission a rejeté l’argumentation des requérantes suivant lesquelles l’entente aurait été cachée à la société mère en considérant en particulier qu’il résulte de la jurisprudence qu’elle n’est pas tenue de démontrer que la direction d’une entreprise avait conscience d’une infraction, tant que l’individu contribuant à cette infraction avait été autorisé à agir pour le compte de l’entreprise.

165    La Commission a conclu en considérant que, outre la responsabilité de Parker ITR pour l’infraction commise à compter de 1986, Parker-Hannifin et Parker ITR devaient être déclarées solidairement responsables du comportement de Parker ITR entre le 31 janvier 2002 et le 2 mai 2007.

 Arguments des parties

166    Premièrement, les requérantes soutiennent, en substance, d’une part, que Parker-Hannifin n’a pas exercé la moindre influence – et, a fortiori, d’influence déterminante – sur l’unité « Oil & Gas » de Parker ITR pendant l’époque où M. P. dirigeait celle-ci. À l’appui de cette argumentation, elles allèguent que M. P. a systématiquement refusé de respecter les directives et la politique commerciale de Parker-Hannifin, qu’il est parvenu à repousser les tentatives d’intervention de celle-ci dans la gestion du secteur des tuyaux marins et qu’il a délibérément ignoré le code de déontologie du groupe Parker. Selon elles, ladite unité « Oil & Gas » que dirigeait M. P. s’est, par conséquent, comportée de manière autonome sur le marché. Elles estiment avoir ainsi renversé la présomption d’influence déterminante.

167    D’autre part, en dehors de quelques prétendus indices, le dossier de la Commission ne contient, toujours selon les requérantes, aucune preuve de l’exercice par Parker-Hannifin d’une influence déterminante sur Parker ITR au cours de la période comprise entre le 31 janvier 2002 et le 9 juin 2006.

168    Deuxièmement, les requérantes estiment en substance qu’il ne leur appartient de réfuter la présomption d’influence déterminante que pour ce qui concerne les produits affectés par l’entente, à savoir ceux relevant de l’unité « Oil & Gas » de Parker ITR. Serait ainsi manifestement disproportionné et en contradiction avec le raisonnement qui sous-tend la présomption le fait d’être tenues de démontrer que Parker-Hannifin n’a exercé aucune influence déterminante sur l’ensemble des activités exercées par Parker ITR. Une société mère peut en effet décider d’exercer une influence déterminante sur certains secteurs d’activités de ses filiales et leur laisser une indépendance totale en ce qui concerne d’autres secteurs. Il y a dès lors lieu de considérer en l’espèce que les preuves du dossier démontrent que Parker-Hannifin et Parker ITR ne constituaient pas une entreprise unique au sens de l’article 81 CE au regard de l’activité des tuyaux marins destinés au pétrole et au gaz.

169    Troisièmement, les requérantes contestent en substance les allégations de la Commission selon lesquelles il n’est pas nécessaire d’intervenir dans la gestion courante d’une filiale pour exercer une influence déterminante.

170    Quatrièmement, les requérantes estiment en substance ne pas avoir à réfuter le fait que Parker-Hannifin aurait imposé des objectifs et des stratégies influençant les résultats et la cohérence du groupe et cherché à corriger les comportements qui pourraient s’écarter de ces objectifs et stratégies, ainsi que le soutient la Commission au considérant 386 de la décision attaquée.

171    Enfin, cinquièmement, les requérantes contestent en substance la portée et l’interprétation données par la Commission à certains éléments de preuve que celle-ci a retenu aux considérants 383 à 386 de la décision attaquée, tendant à démontrer que Parker-Hannifin avait entendu exercer un contrôle sur sa filiale.

172    La Commission conteste ces allégations.

 Appréciation du Tribunal

173    Il résulte d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 86 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

174    En effet, il en est ainsi parce que, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise, au sens de la jurisprudence. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 86 supra, point 59, et la jurisprudence citée).

175    Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l’Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 86 supra, point 60, et la jurisprudence citée).

176    Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (voir arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 86 supra, point 61, et la jurisprudence citée).

177    En outre, le comportement de la filiale sur le marché ne saurait constituer le seul élément permettant d’engager la responsabilité de la société mère, mais il est seulement l’un des signes de l’existence d’une unité économique (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 86 supra, point 73).

178    Ainsi, afin de déterminer si une filiale détermine de façon autonome son comportement sur le marché, il convient également de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent cette filiale à la société mère, lesquels peuvent varier selon les cas et ne sauraient donc faire l’objet d’une énumération exhaustive (arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 86 supra, point 74).

179    En l’espèce, il est constant que Parker-Hannifin détenait, par l’intermédiaire de ses diverses filiales, 100 % du capital d’ITR Rubber (devenue Parker ITR). En tant que société mère, elle est donc présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

180    C’est dans ces circonstances qu’il convient d’analyser les éléments de preuve apportés par les requérantes aux fins de renverser cette présomption.

181    Dans le cadre de cette analyse, il convient préalablement de rappeler qu’il résulte de l’arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 86 supra, que l’autonomie doit être établie pour toute la filiale et pas seulement pour une unité commerciale active sur le marché faisant l’objet de l’entente, dès lors que la démonstration d’un comportement autonome de la filiale a, in fine, pour objet d’établir que la société mère et la filiale ne forment pas une unité économique, ce qui est susceptible de justifier que la société mère ne réponde pas de l’infraction commise par sa filiale (voir, en ce sens, arrêt Akzo Nobel e.a./Commission, point 86 supra, points 55, 56 et 59).

182    La thèse des requérantes sur ce point doit par conséquent être écartée.

183    Par ailleurs, les requérantes font valoir qu’il n’est pas exigé des parties concernées que celles-ci rapportent une preuve directe et irréfutable de l’autonomie de comportement de la filiale sur le marché, mais uniquement qu’elles produisent des éléments de preuve susceptibles de démontrer cette autonomie.

184    Dès lors qu’il est requis, suivant la jurisprudence de la Cour rappelée ci-dessus (voir point 176 ci-dessus), que soient apportés des « éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que [la] filiale se comporte de façon autonome sur le marché », il n’est pas requis que les requérantes rapportent une preuve directe et irréfutable de l’autonomie de comportement de la filiale sur le marché, mais, à défaut, il leur revient de soumettre un faisceau d’éléments de preuve précis et concordants démontrant que la filiale s’est en effet comportée de façon autonome, en dépit du fait que la société mère détenait 100 % du capital de sa filiale.

185    Par ailleurs, à l’appui de leur thèse suivant laquelle la société mère n’aurait exercé aucune influence ni, a fortiori, d’influence déterminante sur sa filiale, les requérantes font valoir que M. P. a systématiquement refusé de respecter les directives et la politique commerciale de Parker-Hannifin, qu’il est parvenu à repousser les tentatives d’intervention de celle-ci dans la gestion du secteur des tuyaux marins, ce que reconnaîtrait la Commission dans la décision attaquée (considérant 384 de la décision attaquée), et qu’il a ainsi, en outre, délibérément ignoré le code de déontologie du groupe Parker interdisant à ses employés de prendre part à des activités collusoires.

186    Les requérantes estiment avoir ainsi établi que Parker-Hannifin n’était pas intervenue dans la gestion courante de l’unité « Oil & Gas » de Parker ITR.

187    Il convient toutefois de relever que les requérantes allèguent simultanément, en substance, que Parker-Hannifin n’a pas exercé d’influence déterminante sur Parker ITR, mais qu’elle n’a eu de cesse d’intervenir dans la gestion de celle-ci, et que c’est seulement en raison des manœuvres de M. P. qu’elle n’y serait pas parvenue.

188    Or, les requérantes n’apportent aucun élément de nature à établir les raisons pour lesquelles Parker-Hannifin aurait été légitimement empêchée d’exercer une influence déterminante sur Parker ITR pendant plusieurs années, comme elles le prétendent.

189    En effet, il convient de rappeler que Parker-Hannifin est la société faîtière d’un groupe mondial, qui, début 2002, a fait l’acquisition d’un secteur d’activité nouveau pour lui, à savoir le secteur des tuyaux en caoutchouc d’ITR Rubber (devenue Parker ITR).

190    Or, les requérantes soutiennent que M. P. a tenu le groupe Parker à l’écart des activités de Parker ITR, de telle sorte que la société faîtière dudit groupe aurait totalement ignoré ce qui se passait dans ces activités pendant plus de quatre ans jusqu’au moment du départ de cette personne en 2006.

191    Outre le caractère singulièrement peu crédible de ces allégations, force est de constater que rien n’empêchait Parker-Hannifin juridiquement et économiquement d’exercer son contrôle sur Parker ITR.

192    En outre, rien n’empêchait Parker-Hannifin d’écarter ou de licencier M. P., puisqu’il n’était que l’un de ses employés, si les requérantes estimaient, comme elles le soutiennent aujourd’hui, qu’il faisait obstacle au contrôle de Parker-Hannifin sur Parker ITR.

193    De surcroît, les preuves qui doivent être apportées par la société mère doivent être suffisantes pour démontrer que la filiale était objectivement autonome eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui les unissaient. Les intentions de la filiale à cet égard, même établies, sont, quant à elles, dénuées de toute pertinence. En décider autrement reviendrait à cautionner l’inertie et la négligence de la société mère dans la gestion de ses filiales engagées dans des comportements infractionnels.

194    Les requérantes n’avancent par conséquent aucun élément de nature à écarter ni la présomption d’influence déterminante de la société mère sur la filiale, ni les éléments de preuve supplémentaires retenus par la Commission.

195    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime, en raison de l’application d’une méthode erronée pour calculer la valeur des ventes aux fins de la fixation de l’amende

 Décision attaquée

196    Il ressort en substance des considérants 422 à 428 de la décision attaquée que la Commission, d’une part, a retenu, aux fins de la détermination des ventes concernées, la moyenne des ventes des trois dernières années avant la fin de l’infraction afin de tenir compte de la volatilité des ventes annuelles et, d’autre part, a considéré que le marché de l’EEE correspondait à toutes les ventes facturées à un acquéreur situé au sein de l’EEE, en précisant qu’elle était d’avis qu’il s’agissait, compte tenu des circonstances particulières du marché pertinent, du critère le plus fiable pour déterminer où se situait la concurrence affectée par l’infraction, et non le lieu de l’utilisation finale, effectivement susceptible de se situer en dehors de l’EEE.

197    La Commission relève en outre que cette appréciation est confirmée par le fait que la majorité des sociétés, dans leurs réponses aux demandes d’information de sa part, ont procédé à une répartition géographique des clients ou du chiffre d’affaires en se basant sur le lieu de facturation et non sur le lieu de livraison ou de l’utilisation finale des produits.

198    La Commission indique enfin qu’une telle appréciation n’est pas en contradiction avec les lignes directrices, celles-ci n’indiquant pas les critères sur la base desquels les ventes sont censées se situer au sein de l’EEE.

 Arguments des parties

199    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a violé le principe de la protection de la confiance légitime en prenant en compte, aux fins du calcul des ventes agrégées à l’intérieur de l’EEE, non seulement les ventes de tuyaux marins livrées à l’intérieur de l’EEE, mais également les ventes de produits facturées à des sociétés établies à l’intérieur de l’EEE, et ce afin, selon elles, d’augmenter artificiellement le montant de l’amende.

200    Selon les requérantes, seules les ventes de produits livrés à l’intérieur de l’EEE reflètent l’impact concurrentiel d’un comportement potentiellement illégal dans l’EEE. En effet, les ventes de produits livrés en dehors de l’EEE ne pourraient pas « affecter le commerce entre États membres » ou « entre les parties contractantes », au sens de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE ; le commerce dans l’EEE serait en effet uniquement affecté lorsque les produits concernés par l’entente sont livrés à l’intérieur du territoire de l’EEE, indépendamment de l’endroit où est établie l’entité juridique à qui ils sont facturés.

201    Les requérantes se réfèrent en outre, à cet égard, au point 197 de la communication juridictionnelle codifiée de la Commission concernant le règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1, ci-après la « communication concernant les opérations de concentration »), suivant lequel « la livraison constitu[e] en général l’opération caractéristique de la vente de biens […] », ce qui viendrait confirmer leur analyse du paragraphe 18 des lignes directrices.

202    Les requérantes considèrent par ailleurs que le considérant 55 de la décision attaquée – dans lequel la Commission indique que « les ventes à des fins de remplacement [c’est‑à‑dire à des utilisateurs finals] représentent une plus grande part du marché des tuyaux marins dans le monde que les ventes de nouveaux produits [c’est-à-dire les ventes aux équipementiers] » – est en contradiction avec le considérant 427 de la décision attaquée – suivant lequel « une quantité considérable de tuyaux marins est achetée par les équipementiers ».

203    Par ailleurs, les requérantes soutiennent en substance que la Commission ne saurait soutenir que le critère de la facturation est un critère courant, utilisé par les entreprises elles-mêmes, en raison du seul fait que plusieurs des entreprises concernées ont indiqué la répartition géographique interne de leur chiffre d’affaires en se fondant sur le lieu de facturation et non sur le lieu de livraison et alors que Parker-Hannifin avait attiré son attention sur le fait que le calcul de ces chiffres pourrait ne pas refléter le chiffre d’affaires réalisé dans l’EEE pour les besoins de l’affaire.

204    La Commission conteste ces allégations.

 Appréciation du Tribunal

205    Aux termes du paragraphe 13 des lignes directrices :

« En vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilisera la valeur des ventes de biens ou services, réalisées par l’entreprise, en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE. La Commission utilisera normalement les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction […] »

206    Conformément au paragraphe 18 des lignes directrices :

« Lorsque l’étendue géographique d’une infraction dépasse le territoire de l’Espace Économique Européen (EEE) (par exemple dans le cas d’ententes mondiales), les ventes concernées de l’entreprise à l’intérieur de l’EEE peuvent ne pas refléter de manière adéquate le poids de chaque entreprise dans l’infraction. Tel peut en particulier être le cas d’accords mondiaux de répartition de marché.

Dans de telles circonstances, en vue de refléter tout à la fois la dimension agrégée des ventes concernées dans l’EEE et le poids relatif de chaque entreprise dans l’infraction, la Commission peut estimer la valeur totale des ventes des biens ou services en relation avec l’infraction dans le secteur géographique (plus vaste que l’EEE) concerné, déterminer la part des ventes de chaque entreprise participant à l’infraction sur ce marché et appliquer cette part aux ventes agrégées de ces mêmes entreprises à l’intérieur de l’EEE. Le résultat sera utilisé à titre de valeur des ventes aux fins de la détermination du montant de base de l’amende. »

207    Il n’est pas contesté par les requérantes que le marché des tuyaux marins est un marché mondial.

208    Il convient par conséquent d’examiner la teneur du paragraphe 18 des lignes directrices, applicable en l’espèce.

209    Il y a lieu de constater que le paragraphe 18 des lignes directrices – pas plus, au demeurant, que le paragraphe 13 de celles-ci – ne fait état de « ventes livrées » ou « ventes facturées » à l’intérieur de l’EEE, mais se réfère uniquement aux « ventes » réalisées dans l’EEE.

210    Il s’ensuit que les lignes directrices, pas plus qu’elles n’imposent de tenir compte des ventes livrées dans l’EEE, ne s’opposent pas à ce que la Commission retienne les ventes facturées dans l’EEE afin de calculer la valeur des ventes de chaque entreprise au sein de l’EEE.

211    Pour pouvoir retenir les ventes facturées dans l’EEE, il faut toutefois que ce critère soit le reflet de la réalité du marché, c’est-à-dire qu’il soit le plus à même de cerner les conséquences de l’entente sur la concurrence dans l’EEE.

212    Or, il n’est pas contesté par les requérantes que, si la plupart des systèmes de tuyaux marins ont pour destination finale des régions non européennes, certains des principaux équipementiers au monde sont en revanche situés dans les différents pays de l’Union/EEE (voir le considérant 59 de la décision attaquée). Par conséquent, l’incidence sur la concurrence au sein de l’EEE de l’entente sur les tuyaux marins apparaît correctement reflétée en prenant en considération les ventes facturées dans l’EEE et il convient de rejeter l’argumentation des requérantes selon lesquelles seules les ventes livrées dans l’EEE pourraient permettre d’apprécier les effets de l’entente dans l’EEE.

213    Il est en revanche indifférent que, dans sa communication concernant les opérations de concentration, la Commission ait entendu privilégier le lieu de livraison en ce qui concerne la détermination du chiffre d’affaires à prendre en considération, l’appréciation des conséquences d’une concentration sur le marché n’étant en effet pas comparable à la détermination du montant de l’amende à imposer à une entreprise en raison d’une infraction à l’article 81 CE, quand bien même la détermination de la valeur du marché serait-elle identique dans la communication concernant les opérations de concentration et les lignes directrices.

214    En outre, le fait que la Commission s’autolimite dans un domaine du droit de la concurrence ne la contraint pas à s’autolimiter de manière identique dans un autre domaine, ni ne se traduit ipso facto par une limitation identique dans celui-ci.

215    Par ailleurs, le fait qu’il ait été constaté dans la décision attaquée que les ventes de remplacement aux utilisateurs finaux – qui sont certes pour une large part situés en dehors de l’EEE – représentent une plus grande part du marché des tuyaux marins dans le monde que les ventes de nouveaux produits (considérant 55 de la décision attaquée) n’est pas en contradiction avec l’appréciation de la Commission suivant laquelle, en l’espèce, le lieu où est situé l’entité à laquelle les ventes sont facturées est le plus adéquat pour apprécier si les ventes ont lieu au sein de l’EEE (considérant 427 de la décision attaquée), ce qui signifie en effet que ce sont uniquement les ventes facturées à des clients situés dans l’EEE – indépendamment de la localisation des utilisateurs finaux – qui ont été prises en considération par la Commission.

216    Il convient par conséquent d’examiner si, à la lumière des considérations qui précèdent, la Commission a exploité les données que les entreprises avaient fournies concernant les ventes, à savoir des données concernant les ventes facturées, d’une manière inattendue pour celles-ci et de manière à violer leur confiance légitime.

217    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, Rec. p. I‑6911, point 70, et arrêt du Tribunal du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, Rec. p. II‑4239, point 74). Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 mai 2000, Kögler/Cour de justice, C‑82/98 P, Rec. p. I‑3855, point 33). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts de la Cour du 24 novembre 2005, Allemagne/Commission, C‑506/03, non publié au Recueil, point 58, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 147). De surcroît, seules des assurances conformes aux normes applicables peuvent fonder une confiance légitime (arrêts du Tribunal du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, Rec. p. II‑2555, point 102 ; du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec. p. II‑319, point 77, et du 19 novembre 2009, Denka International/Commission, T‑334/07, Rec. p. II‑4205, point 132).

218    Force est de constater que, en l’espèce, la Commission n’a donné aucune assurance aux requérantes, au sens de cette jurisprudence, que les données qu’elles avaient fournies d’abord de leur plein gré, puis à la demande de la Commission, concernant les ventes facturées dans l’EEE ne seraient pas retenues afin de calculer l’amende qui leur serait infligée.

219    Les requérantes ne sauraient par conséquent se prévaloir d’une quelconque violation du principe de la protection de la confiance légitime quant à la prise en considération des informations qu’elles ont fournies de leur propre initiative à la Commission concernant les ventes facturées dans l’EEE, aux fins du calcul de l’amende qui leur a été imposée.

220    En conclusion, le septième moyen doit être rejeté.

 Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, du principe de la responsabilité personnelle et de l’obligation de motivation, lors du calcul du seuil de 10 % du chiffre d’affaires

 Arguments des parties

221    Premièrement, les requérantes font valoir que la Commission aurait dû prendre en compte le chiffre d’affaires de Parker ITR et non le chiffre d’affaires consolidé de Parker-Hannifin pour calculer le plafond de 10 % de l’amende infligée à Parker ITR et que, de la sorte, la Commission a violé l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Il ressort en effet de la jurisprudence, selon elles, que lorsque deux entités juridiques faisaient partie de la même entreprise au moment de l’infraction, mais qu’elles n’appartiennent plus à cette entreprise au moment de la décision de la Commission, le plafond de 10 % doit être calculé sur la base de leurs chiffres d’affaires séparés respectifs. Le même raisonnement aurait dû être appliqué par analogie en l’espèce, dès lors que Saiag et ITR, qui, pendant la plus grande partie de la durée de l’infraction, étaient propriétaires des actifs ayant participé à celle-ci, constituaient une entreprise indépendante de l’entreprise Parker-Hannifin.

222    Les requérantes font valoir que toute autre interprétation contreviendrait au principe de sécurité juridique et aboutirait à des résultats disproportionnés.

223    Deuxièmement, les requérantes considèrent que la décision attaquée viole également de la sorte le principe de responsabilité personnelle, dès lors que, du 1er avril 1986 au 31 janvier 2002, les actifs liés aux tuyaux marins de Parker ITR ont appartenu à des entreprises différentes.

224    Troisièmement, les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas répondu à l’argumentation qu’elles avaient avancée au cours de la procédure administrative portant sur l’interprétation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Selon elles, la décision attaquée se borne à indiquer que les montants de base ajustés retenus pour les amendes ne dépassent pas le plafond de 10 %, ce qui ne permet pas de comprendre les justifications qui sous-tendent la décision de la Commission de calculer le plafond de 10 % sur la base du chiffre d’affaires de Parker-Hannifin pour la partie de l’amende pour laquelle Parker ITR a été tenue pour seule responsable.

225    La Commission conteste ces allégations.

 Appréciation du Tribunal

226    Il convient de rappeler qu’il y a lieu, d’une part, d’accueillir le premier moyen et que, par conséquent, la période infractionnelle devant être retenue à charge de Parker ITR court du 1er janvier 2002 au 2 mai 2007 et, d’autre part, de rejeter le troisième moyen, ce qui conduit le Tribunal à considérer que, pendant toute la période infractionnelle, à l’exception de la période allant du 1er janvier 2002 au 31 janvier 2002, Parker ITR était une filiale à 100 % de Parker-Hannifin sur laquelle celle-ci exerçait une influence déterminante.

227    Par ailleurs, suivant une jurisprudence constante, l’objectif poursuivi par l’introduction du plafond de 10 % ne peut être réalisé que si ce plafond est appliqué, dans un premier temps, à chaque destinataire séparé de la décision infligeant l’amende. Ce n’est que s’il s’avère, dans un second temps, que plusieurs destinataires constituent ‘l’entreprise’ au sens de l’entité économique responsable de l’infraction sanctionnée, et ce encore à la date d’adoption de cette décision, que le plafond peut être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise, c’est-à-dire de toutes ses composantes cumulées (arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 125 supra, point 390).

228    Dès lors que le premier moyen est accueilli, le huitième moyen, en ce qu’il porte sur la période infractionnelle antérieure au 1er janvier 2002 pendant laquelle l’infraction a été commise par ITR, est inopérant. Par ailleurs, il est non fondé, en ce qu’il porte sur la période infractionnelle postérieure au 1er janvier 2002, dès lors que, pendant toute cette période, à l’exception d’un mois, Parker ITR et Parker-Hannifin constituaient une unité économique responsable de l’infraction sanctionnée. Le plafond de l’amende pouvait dès lors être calculé sur la base du chiffre d’affaires global de cette entreprise, c’est-à-dire de toutes ses composantes cumulées.

229    Dès lors que le premier moyen est accueilli, il n’est en outre pas nécessaire d’examiner les autres griefs, tirés de la violation des principes de la responsabilité personnelle et de la proportionnalité et du défaut de motivation, en ce qu’ils portent sur l’incidence de la prise en considération, dans la décision attaquée, de la période antérieure au 1er janvier 2002.

230    Par conséquent, le huitième moyen doit être écarté.

 Sur le neuvième moyen, tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime et de l’obligation de motivation, en raison du refus de la Commission d’appliquer une réduction de l’amende au titre de la coopération

 Décision attaquée

231    Il ressort en substance des considérants 489 à 493 de la décision attaquée que Parker ITR a soumis à la Commission, dans le cadre du programme de clémence, des documents au sujet desquels elle a considéré, d’une part, qu’ils avaient peu de valeur ajoutée en ce qui concerne la période allant de 1986 à 2007 et, d’autre part, qu’ils apportaient certes des éléments permettant d’établir l’existence de l’entente de 1972 jusqu’au début des années 80. La Commission a toutefois considéré que cette période devait être considérée comme prescrite. Elle en a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’accorder de réduction de l’amende aux requérantes.

 Arguments des parties

232    Les requérantes font valoir qu’elles ont rassemblé et soumis, dans leur demande de clémence, des preuves significatives de faits, [confidentiel], dont la Commission n’avait pas connaissance auparavant et qui ont un rapport direct avec [confidentiel] de l’infraction. Selon les requérantes, la Commission a considéré que ces éléments de preuve, qui se rapportaient à la période comprise entre [confidentiel], n’apportaient aucune valeur ajoutée en raison [confidentiel]. Or, une telle analyse serait en contradiction avec [confidentiel]. De surcroît, la Commission n’aurait fourni aucun argument expliquant pourquoi [confidentiel].

233    Les requérantes soutiennent par ailleurs que, si la Commission avait considéré que les preuves apportées par les requérantes présentaient une valeur ajoutée significative, Parker ITR n’aurait pas pu être tenue pour responsable pour [confidentiel] de l’entente sur le fondement de ces preuves et cette immunité partielle se serait cumulée avec la réduction accordée dans le cadre de la clémence au titre de la coopération, conformément au paragraphe 26, dernier alinéa, de la communication sur la coopération.

234    Enfin, les requérantes contestent avoir dissimulé l’entente lorsqu’elles en ont eu connaissance.

235    La Commission conteste ces allégations.

 Appréciation du Tribunal

236    Le paragraphe 26 de la communication sur la coopération dispose :

« Dans toute décision finale arrêtée au terme de la procédure administrative, la Commission déterminera le niveau de réduction dont l’entreprise bénéficiera, qui s’établira comme suit par rapport au montant de l’amende qui lui aurait à défaut été infligée.

–        Première entreprise à fournir une valeur ajoutée significative : réduction comprise entre 30 et 50 %,

–        [d]euxième entreprise à fournir une valeur ajoutée significative : réduction comprise entre 20 et 30 %,

–        [a]utres entreprises fournissant une valeur ajoutée significative : réduction maximale de 20 %.

Pour définir le niveau de réduction à l’intérieur de ces fourchettes, la Commission prendra en compte la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au [paragraphe 24] ont été communiqués et le degré de valeur ajoutée qu’ils ont représenté.

Si une entreprise qui sollicite une réduction d’amende est la première à fournir des preuves déterminantes, au sens du [paragraphe 25], que la Commission utilise pour établir des éléments de fait supplémentaires qui renforcent la gravité ou la durée de l’infraction, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis. »

237    Le paragraphe 36 de la communication sur la coopération précise :

« La Commission ne statuera pas sur l’opportunité d’accorder ou non une immunité conditionnelle ou bien de récompenser ou non une demande s’il apparaît que la demande concerne des infractions auxquelles s’applique le délai de prescription de cinq ans fixé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1/2003, car une telle demande serait sans objet. »

238    En l’espèce, les preuves dont les requérantes estiment qu’elles auraient dû leur faire bénéficier d’une réduction de l’amende au titre de la communication sur la coopération sont relatives à la période comprise [confidentiel].

239    Même à les supposer significatives, ces preuves concernent une période [confidentiel].

240    Ainsi que le relève à juste titre la Commission, cette période infractionnelle, même à la supposer suffisamment établie grâce auxdites preuves, aurait dû être considérée comme prescrite.

241    La Commission relève en outre, au considérant 491 de la décision attaquée, que les preuves fournies pour la période [confidentiel] sont trop inconsistantes pour pouvoir établir une infraction.

242    Dès lors que la Commission constate qu’elle ne dispose d’aucune preuve d’activité collusoire suffisante pour établir une infraction durant la période comprise [confidentiel], elle devait en conclure que la période à laquelle se rapportaient les preuves avancées par les requérantes [confidentiel] et c’est à bon droit que la Commission a refusé de réduire l’amende des requérantes eu égard à l’absence de toute valeur ajoutée desdites preuves.

243    Il convient par ailleurs de constater que la décision attaquée comporte une motivation détaillée à cet égard, qui figure aux considérants 489 à 493 de celle-ci.

244    Le neuvième moyen doit par conséquent être rejeté dans son ensemble.

245    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, l’article 1 de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il y est constaté que Parker ITR avait pris part à l’infraction pour la période antérieure au 1er janvier 2002. Partant, il convient également d’annuler l’article 2 de la décision attaquée en ce qu’il concerne les requérantes.

 Sur les conclusions en réformation, l’exercice par le Tribunal de son pouvoir de pleine juridiction et la détermination du montant final de l’amende

246    Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 261 TFUE, les règlements arrêtés conjointement par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, en vertu des dispositions du traité FUE, peuvent attribuer à la Cour une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions prévues dans ces règlements. Une telle compétence a été conférée au juge communautaire par l’article 31 du règlement nº 1/2003. Il est dès lors habilité, au-delà du simple contrôle de la légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée. Il en résulte que le juge de l’Union est habilité à exercer sa compétence de pleine juridiction, lorsque la question du montant de l’amende est soumise à son appréciation, et que cette compétence peut être exercée tant pour réduire ce montant que pour l’augmenter (voir arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 60 à 62, et la jurisprudence citée).

247    Par ailleurs, aux termes de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

248    La Cour a jugé que, pour la détermination du montant des amendes, il y avait lieu de tenir compte de la durée des infractions et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celles-ci, tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles avaient pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour la Communauté européenne (voir arrêt de la Cour du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, Rec. p. I-13085, point 56, et la jurisprudence citée).

249    La Cour a également indiqué que des éléments objectifs tels le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l’étendue du marché affecté et la détérioration subie par l’ordre public économique doivent être pris en compte. L’analyse doit également prendre en considération l’importance relative et la part de marché des entreprises responsables ainsi qu’une éventuelle récidive (arrêt Chalkor/Commission, point 248 supra, point 57).

250    À cet égard, il convient de rappeler que, par nature, la fixation d’une amende par le Tribunal, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, n’est pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, le Tribunal n’est pas lié par les calculs de la Commission, mais doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce (arrêt du Tribunal du 14 septembre 2004, Aristrain/Commission, T‑156/94, non publié au Recueil, point 43).

251    En l’espèce, au vu de l’appréciation effectuée par le Tribunal dans le cadre, d’une part, de la première branche du premier moyen et, d’autre part, des cinquième et sixième moyens ainsi que des erreurs constatées à cette occasion (voir points 130, 140 et 146 ci-dessus), le Tribunal estime approprié d’exercer la compétence de pleine juridiction qui lui a été conférée par l’article 31 du règlement nº 1/2003 et de substituer son appréciation à celle de la Commission en ce qui concerne le montant de l’amende qu’il y a lieu d’imposer aux requérantes.

252    Il convient de relever que l’entente revêt, en l’espèce, une gravité certaine, eu égard au fait que les comportements infractionnels, auxquels ont pleinement pris part les requérantes, se sont caractérisés par l’attribution d’appels d’offres, la fixation des prix, la fixation de quotas, l’établissement des conditions de vente, le partage de marchés géographiques ainsi que l’échange d’informations sensibles sur les prix, les volumes des ventes et les appels d’offres. Il s’agit en outre d’une entente de dimension mondiale.

253    Toutefois, la durée de l’infraction, compte tenu du fait que le premier moyen est accueilli, doit être ramenée à 5 ans et demi au lieu de 19 ans en ce qui concerne Parker ITR, laquelle ne peut en effet être tenue responsable des infractions commises entre 1986 et décembre 2001 par ITR et Saiag ainsi que leurs prédécesseurs.

254    Il s’ensuit que les requérantes n’ont également pas à répondre du rôle de meneur joué par ITR entre 1999 et 2001.

255    Au vu des considérations qui précèdent, compte tenu notamment de l’effet cumulatif des illégalités précédemment constatées, le Tribunal considère qu’il sera fait une juste appréciation de toutes les circonstances de l’espèce en fixant le montant final de l’amende infligée à Parker ITR à 6 400 000 euros. En effet, une amende d’un tel montant permet de réprimer efficacement le comportement illégal de la requérante, d’une manière proportionnelle à la gravité de l’infraction et suffisamment dissuasive.

256    Il convient, par ailleurs, d’avoir égard au fait que Parker-Hannifin a acquis l’ensemble des actions d’ITR Rubber le 31 janvier 2002 et que le montant de l’amende auquel la société mère doit être solidairement condamnée doit être établi sur la période allant de cette date au 2 mai 2007.

257    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu, premièrement, d’annuler l’article 1er, sous i), de la décision attaquée, en ce qu’il porte sur l’infraction reprochée à Parker ITR pour la période antérieure au mois de janvier 2002, deuxièmement, de fixer le montant de l’amende infligée à celle-ci à 6 400 000 euros, montant dont Parker-Hannifin doit être tenu pour solidairement responsable à concurrence de 6 300 000 euros, dès lors que la responsabilité solidaire de Parker-Hannifin ne saurait être retenue pour la période allant du 1er au 31 janvier 2002, et, enfin, troisièmement, de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

258    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En application du paragraphe 3, premier alinéa, de la même disposition, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

259    En l’espèce, il convient de rappeler que les requérantes concluent à une réduction substantielle de l’amende, laquelle leur est accordée. La Commission supportera dès lors ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, sous i), de la décision C (2009) 428 final de la Commission, du 28 janvier 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/39406 – Tuyaux marins), est annulé pour autant que la Commission européenne y a constaté que Parker ITR Srl avait pris part à l’infraction pour la période antérieure au 1er janvier 2002.

2)      L’article 2, sous e), de la décision C (2009) 428 final est annulé.

3)      Le montant de l’amende infligée à Parker ITR est fixé à 6 400 000 euros, montant dont Parker-Hannifin Corp. est solidairement responsable à concurrence de 6 300 000 euros.

4)      Le recours est rejeté pour le surplus.

5)      La Commission est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Parker ITR et Parker-Hannifin.

Azizi

Prek

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mai 2013.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Secteur des tuyaux marins destinés au pétrole et au gaz

Présentation des requérantes

Procédure administrative

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en annulation

Sur le premier moyen, tiré de l’imputation erronée de la responsabilité à Parker ITR pour la période antérieure au 1er janvier 2002

Décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré de ce que l’imposition d’une amende à Parker ITR pour la période antérieure au 11 juin 1999 serait erronée

Décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré de ce que l’amende a été majorée à tort au motif que Parker ITR aurait joué un rôle de meneur

Décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe de la responsabilité individuelle et de l’obligation de motivation, en ce qui concerne la majoration de l’amende infligée à Parker-Hannifin en raison du rôle de meneur retenu contre Parker ITR

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré de l’imputation erronée aux requérantes de la responsabilité de l’infraction liée au comportement illicite de M. P., directeur de l’unité « Oil & Gas »

Décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de ce que Parker-Hannifin a été considérée à tort comme solidairement responsable de l’infraction avec Parker ITR

Décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le septième moyen, tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime, en raison de l’application d’une méthode erronée pour calculer la valeur des ventes aux fins de la fixation de l’amende

Décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le huitième moyen, tiré de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, du principe de la responsabilité personnelle et de l’obligation de motivation, lors du calcul du seuil de 10 % du chiffre d’affaires

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le neuvième moyen, tiré de la violation du principe de la protection de la confiance légitime et de l’obligation de motivation, en raison du refus de la Commission d’appliquer une réduction de l’amende au titre de la coopération

Décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les conclusions en réformation l’exercice par le Tribunal de son pouvoir de pleine juridiction et sur la détermination du montant final de l’amende

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 –      Données confidentielles occultées.