ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
22 octobre 1997(1)
«Concurrence Grues mobiles Article 6 de la convention européenne des
droits de l'homme Respect d'un délai raisonnable Système de certification
Interdiction de location Tarifs conseillés Tarifs de compensation
Amendes»
Dans les affaires jointes T-213/95 et T-18/96,
Stichting Certificatie Kraanverhuurbedrijf (SCK), fondation de droit néerlandais,
établie à Culemborg (Pays-Bas),
Federatie van Nederlandse Kraanverhuurbedrijven (FNK), association de droit
néerlandais, établie à Culemborg,
représentées par Mes Martijn van Empel, avocat au barreau d'Amsterdam, et
Thomas Janssens, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à
Luxembourg en l'étude de Me Marc Loesch, 11, rue Goethe,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Wouter Wils,
membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg
auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre
Wagner, Kirchberg,
soutenue dans l'affaire T-18/96 par
Van Marwijk Kraanverhuur BV, société de droit néerlandais, établie à Zoetermeer
(Pays-Bas),
Kraanbedrijf Nijdam BV, société de droit néerlandais, établie à Groningen (Pays-Bas),
Kranen, Transport & Montage 's Gilde NV, société de droit néerlandais, établie à
Geldermalsen (Pays-Bas),
Wassink Transport Arnhem BV, société de droit néerlandais, établie à Arnhem
(Pays-Bas),
Koedam Kraanverhuur BV, société de droit néerlandais, établie à Vianen (Pays-Bas),
Firma Huurdeman Kraanwagenverhuurbedrijf, société de droit néerlandais, établie
à Hoevelaken (Pays-Bas),
Datek NV, société de droit belge, établie à Genk (Belgique),
Thom Hendrickx, demeurant à Turnhout (Belgique),
représentés par Mes August Braakman, avocat à Rotterdam, et Willem Sluiter,
avocat à La Haye, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Michel
Molitor, 14 A, rue des Bains,
ayant pour objet, dans l'affaire T-213/95, une demande de condamnation de la
Commission, au titre des articles 178 et 215 du traité CE, à la réparation du
préjudice causé aux requérantes en raison d'un comportement illégal et, dans
l'affaire T-18/96, une demande d'annulation de la décision 95/551/CE de la
Commission, du 29 novembre 1995, relative à une procédure d'application de
l'article 85 du traité CE (IV/34.179, 34.202, 34.216 Stichting Certificatie
Kraanverhuurbedrijf et Federatie van Nederlandse Kraanverhuurbedrijven,
JO L 312, p. 79),
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),
composé de M. K. Lenaerts, président, Mme P. Lindh, MM. J. Azizi, J. D. Cooke et
M. Jaeger, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 4 juin 1997,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine des recours et procédure
- 1.
- Les présentes affaires concernent le secteur de la location de grues mobiles aux
Pays-Bas. Les grues mobiles sont des grues qui peuvent être librement déplacées
sur le chantier. Par cette caractéristique, elles se distinguent des grues-tours qui
sont montées sur des rails fixes et qui ne peuvent se déplacer que d'avant en
arrière. Les grues mobiles sont principalement utilisées dans la construction, dans
l'industrie pétrochimique et dans le secteur des transports.
- 2.
- Pour des raisons techniques, le rayon d'action d'une grue mobile est limité à 50 km.
Le secteur de la location de grues mobiles se caractérise, en outre, par la
conclusion de contrats dans un très bref délai avant l'exécution du travail
(«overnight contracting»). Lorsqu'une entreprise de location de grues est sollicitée
pour effectuer un travail dans un très bref délai, elle décide, au vu de la localisation
du chantier et de la disponibilité de ses propres grues, soit d'utiliser l'une de celles-ci, soit d'en louer une auprès d'une autre entreprise située près du chantier.
- 3.
- La fondation Keuring Bouw Machines (ci-après «Keboma»), créée en 1982 par le
ministère des Affaires sociales néerlandais, vérifie, avant la première mise en
service aux Pays-Bas, si les grues sont conformes aux exigences légales de sécurité,
énoncées dans l'Arbeidsomstandighedenwet (Arbowet, loi sur les conditions de
travail), dans le Veiligheidsbesluit voor fabrieken of werkplaatsen (arrêté relatif à
la sécurité dans les usines ou les ateliers), dans le Veiligheidsbesluit restgroepen
(arrêté relatif à la sécurité sur les lieux de travail non couverts par les autres
arrêtés) et dans différentes réglementations ministérielles et diverses publications
de l'inspection du travail. La Keboma est le seul organisme officiel agréé chargé
de l'inspection et des essais des grues mobiles. Cette obligation d'inspection avant
la première mise en service ne s'applique plus, d'après la directive 89/392/CEE du
Conseil, du 14 juin 1989, concernant le rapprochement des législations des États
membres relatives aux machines (JO L 183, p. 9, ci-après «directive 89/392»), à
partir du 1er janvier 1993 aux grues munies d'une marque CE et accompagnées
d'une déclaration CE de conformité au sens de ladite directive. Les grues doivent
être soumises à des contrôles effectués par la Keboma trois ans après la première
mise en service et, après ce deuxième examen, tous les deux ans.
- 4.
- La Federatie van Nederlandse Kraanverhuurbedrijven (ci-après «FNK») est
l'organisation sectorielle, constituée le 13 mars 1971, au sein de laquelle des
entreprises néerlandaises de location de grues se sont fédérées. Le but statutaire
de la FNK est de défendre les intérêts des entreprises de location de grues, en
particulier des membres de la FNK, et de promouvoir les contacts et la
collaboration entre les membres au sens le plus large. Les membres de la FNK
disposent de 1 552 grues sur les quelque 3 000 grues destinées à la location aux
Pays-Bas. L'article 3 du règlement intérieur de la FNK contenait, du 15 décembre
1979 au 28 avril 1992, une clause obligeant ses membres à faire appel en priorité
à d'autres membres pour la prise et la mise en location de grues (ci-après «clause
de priorité») et à pratiquer des tarifs «acceptables». La FNK a établi et publié des
tarifs conseillés et des estimations de coûts pour la location de grues par des
maîtres d'ouvrage. Au surplus, des tarifs de compensation s'appliquant aux
opérations de location interne entre les membres de la FNK ont été déterminés à
l'occasion de concertations régulières entre entreprises de location de grues.
- 5.
- La Stichting Certificatie Kraanverhuurbedrijf (ci-après «SCK») est une fondation
créée en 1985 par des représentants d'entreprises de location de grues et de
maîtres d'ouvrage dont l'objet statutaire est de promouvoir et de maintenir la
qualité des entreprises de location de grues. A cette fin, la SCK a instauré un
système de certification par lequel elle délivre des certificats aux entreprises qui
remplissent un éventail d'exigences relatives à la gestion d'une entreprise de
location de grues et à l'utilisation et l'entretien des grues. Ce système de
certification permettrait aux maîtres d'ouvrage d'escompter que l'entreprise
concernée répond aux exigences en question sans devoir le vérifier eux-mêmes.
L'article 7, deuxième tiret, du règlement relatif à la certification des entreprises de
location de grues de la SCK prévoit une interdiction pour les entreprises certifiées
de louer des grues auprès d'entreprises non certifiées par la SCK (ci-après
«interdiction de location»). Avec effet au 20 janvier 1989, la SCK a été agréée par
le Raad voor de Certificatie (conseil de la certification), l'instance néerlandaise
d'agrément des organismes de certification, qui a constaté que la SCK remplissait
les conditions définies sur la base des normes européennes EN 45011 définissant
les critères auxquels les organismes de certification doivent satisfaire. Au titre de
l'article 2, point 5, des critères de reconnaissance du conseil de la certification,
l'organe accordant des certificats est obligé de veiller à ce que les conditions de la
certification soient également remplies en cas de sous-traitance. L'organe dispose
des possibilités suivantes pour remplir cette obligation: ou bien il contrôle lui-même
les sous-traitants (article 2, point 5, A 1), ou bien il vérifie les contrôles du sous-traitant effectués par l'entreprise agréée (article 2, point 5, A 2 et A 3).
- 6.
- Le 13 janvier 1992, M W C M Van Marwijk (ci-après «Van Marwijk») et dix
autres entreprises ont introduit une plainte ainsi qu'une demande de mesures
provisoires auprès de la Commission. Les plaignants considéraient que les
requérantes enfreignaient les règles de concurrence du traité CE en excluant les
entreprises non certifiées par la SCK de la location de grues mobiles et en
imposant des prix pour la mise en location de grues.
- 7.
- Les statuts de la SCK et son règlement relatif à la certification des entreprises de
location de grues ont été notifiés à la Commission le 15 janvier 1992. Les statuts
et les règlements intérieurs de la FNK l'ont été le 6 février 1992. Dans les deux cas,
il s'agissait d'obtenir une attestation négative et, à titre subsidiaire, une exemption
en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité.
- 8.
- A la suite d'une action intentée par les plaignants devant les juridictions
néerlandaises, le président de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht a enjoint à
la FNK, par ordonnance en référé du 11 février 1992, d'abandonner la clause de
priorité ainsi que le système de tarifs conseillés (applicables aux opérations de
location de grues dans les relations avec les maîtres d'ouvrage) et de tarifs de
compensation (applicables aux opérations de location effectuées entre entreprises
de location de grues). Il enjoignait à la SCK de ne plus appliquer l'interdiction de
location. Cette ordonnance a été annulée le 9 juillet 1992, également en référé, par
le Gerechtshof te Amsterdam, qui a considéré notamment qu'il n'était pas évident
et absolument certain que les dispositions concernées n'avaient aucune chance
d'être exemptées par la Commission. La SCK a rétabli l'interdiction de location le
jour du prononcé de l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam. En revanche, la FNK
a renoncé à être impliquée à l'avenir dans l'élaboration des tarifs conseillés ou des
tarifs de compensation.
- 9.
- Le 16 décembre 1992, la Commission a émis une communication des griefs à
l'encontre des requérantes. Dans ce document, elle a informé les requérantes de
son intention de lever, conformément à l'article 15, paragraphe 6, du règlement
n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85
et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»), l'immunité
d'amendes prévue à l'article 15, paragraphe 5, du même règlement.
- 10.
- Le 3 février 1993, les requérantes ont adressé à la Commission leur réponse à la
communication des griefs. Dans cette réponse, elles ont, notamment, sollicité
l'organisation d'une audition.
- 11.
- Par lettre du 4 juin 1993, la Commission les a informées que la procédure en vertu
de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 ne pourrait être terminée que
moyennant le retrait de l'interdiction de location.
- 12.
- Les plaignants se sont à nouveau adressés au président de l'Arrondissements-rechtbank te Utrecht, qui a décidé, par ordonnance en référé du 6 juillet 1993, que
l'interdiction de location ne pouvait plus être appliquée, étant donné
qu'entre-temps la Commission avait fait connaître son point de vue sur les
dispositions en question et qu'il apparaissait que cette interdiction n'avait aucune
chance d'être exemptée par la Commission.
- 13.
- Par lettre datée du 29 septembre 1993, la Commission a informé les requérantes
qu'elle organiserait l'audition demandée par elles avant d'arrêter une décision
définitive au titre de l'article 85 du traité, mais que l'organisation d'une telle
audition n'était pas requise dans le cadre d'une décision fondée sur l'article 15,
paragraphe 6, du règlement n° 17.
- 14.
- L'ordonnance de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht du 6 juillet 1993 a été
confirmée par le Gerechtshof te Amsterdam par arrêt rendu le 28 octobre 1993.
Ce dernier arrêt se fondait en particulier sur une lettre non datée de M. Giuffrida,
de la direction générale Concurrence (DG IV) de la Commission, adressée aux
plaignants avec copie conforme au conseil des requérantes. Celles-ci affirment avoir
reçu communication de la lettre le 22 septembre 1993. L'auteur de cette lettre
s'exprimait comme suit: «Je puis confirmer qu'un projet de décision fondée sur
l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 doit être soumis pour adoption à la
Commission dans le cadre d'une procédure écrite à la fin de cette semaine, dès que
toutes les versions linguistiques nécessaires seront disponibles. L'approbation des
services concernés a déjà été obtenue [...] Mon service prévoit qu'il devrait être
possible d'effectuer la notification officielle de la décision [aux requérantes] dans
la première moitié d'octobre 1993.»
- 15.
- Le 4 novembre 1993, la SCK a diffusé une communication par laquelle elle faisait
savoir que l'interdiction de location serait suspendue jusqu'à ce que la Commission
ait adopté une décision définitive.
- 16.
- Le 13 avril 1994, la Commission a arrêté une décision en vertu de l'article 15,
paragraphe 6, du règlement n° 17.
- 17.
- Par lettre datée du 3 juin 1994, les requérantes ont mis la Commission en demeure
d'arrêter sa décision finale au plus tard le 3 août 1994.
- 18.
- Par lettre du 27 juin 1994, M. Ehlermann, alors directeur général de la DG IV, a
informé les requérantes que «la date du 3 août 1994, fixée pour l'adoption de la
décision finale, était absolument irréaliste», mais que «l'adoption de la décision
finale était une priorité».
- 19.
- En réponse à une lettre des requérantes du 3 août 1994, la Commission a fait
savoir, par lettre du 9 août 1994, que la communication des griefs de décembre
1992 visait exclusivement l'ouverture d'une procédure préalable à l'adoption d'une
décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. Elle annonçait
que la décision définitive serait précédée de l'adoption d'une nouvelle
communication des griefs à la suite de laquelle les requérantes auraient la
possibilité d'être entendues.
- 20.
- Le 21 octobre 1994, une nouvelle communication des griefs a été émise à
l'encontre des requérantes, concernant une procédure fondée sur l'article 85 du
traité.
- 21.
- Le 21 décembre 1994, les requérantes ont adressé à la Commission leur réponse
à cette communication. Dans cette réponse, elles mettaient à nouveau la
Commission en demeure d'agir sans tarder et renonçaient à l'organisation d'une
audition.
- 22.
- Le 27 novembre 1995, elles ont introduit un recours en indemnité devant le
Tribunal (affaire T-213/95). Elles ont également introduit, par mémoire séparé, une
demande de mesures provisoires (affaire T-213/95 R). Les requérantes se sont
désistées de cette dernière et, par ordonnance du 24 janvier 1996, le président a
radié l'affaire T-213/95 R. Les dépens ont été réservés.
- 23.
- Le 29 novembre 1995, la Commission a adopté la décision 95/551/CE, relative à
une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/34.179, 34.202, 34.216
Stichting Certificatie Kraanverhuurbedrijf et Federatie van Nederlandse
Kraanverhuurbedrijven (JO L 312, p. 79, ci-après «décision litigieuse»). Elle y
constate que la FNK a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité, du 15 décembre
1979 au 28 avril 1992, en ayant utilisé un système de tarifs conseillés et de
compensation qui a permis à ses membres de prévoir leur politique respective de
prix (article 1er). Elle constate aussi que la SCK a enfreint l'article 85, paragraphe
1, du traité, du 1er janvier 1991 au 4 novembre 1993 (à l'exception de la période du
17 février au 9 juillet 1992), en ayant interdit à ses affiliés de prendre des grues en
location auprès d'entreprises non affiliées à la SCK (article 3). En outre, elle
ordonne aux requérantes de mettre fin immédiatement à ces infractions (articles
2 et 4) et inflige une amende de 11 500 000 écus à la FNK et une amende de
300 000 écus à la SCK (article 5).
- 24.
- Par lettre du 11 janvier 1996, les requérantes ont demandé à avoir accès au dossier
en vue de l'introduction d'un recours contre cette décision, ce que la Commission
a refusé par lettre du 15 janvier 1996.
- 25.
- Par requête déposée au greffe du Tribunal, le 6 février 1996, elles ont introduit un
recours en annulation de la décision litigieuse (affaire T-18/96). Elles ont également
introduit, par mémoire séparé, une demande de mesures provisoires (affaire
T-18/96 R).
- 26.
- Pour la période allant jusqu'au prononcé de l'arrêt du Tribunal dans l'affaire
T-18/96, les requérantes sont parvenues à un accord avec la Commission le 25 mars
1996 en ce qui concerne l'adaptation de la clause d'interdiction de location. Dans
la version adaptée de l'article 7, deuxième tiret, du règlement relatif à la
certification des entreprises de location de grues, les entreprises certifiées par la
SCK ne peuvent utiliser «que des grues munies d'une plaque de certification
valable, sur la base d'une certification préalable faite soit par la fondation, soit par
un autre organisme de certification néerlandais ou étranger qualifié pour
certifier les entreprises de location de grues et qui applique manifestement des
critères équivalents, sauf s'il peut être établi d'après des pièces écrites (y compris
des télécopies) que le maître de l'ouvrage n'a pas attaché d'importance, lorsqu'il
a confié la commande, à ce que l'entreprise de location de grues (tierce) à laquelle
il a fait appel en l'espèce, soit ou non certifiée» (lettre de la Commission aux
requérantes du 25 mars 1996).
- 27.
- Le président du Tribunal a rejeté la demande en référé dans l'affaire T-18/96 R
par ordonnance du 4 juin 1996 (Rec. p. II-407). Les dépens de la procédure en
référé ont été réservés. Le pourvoi dirigé contre l'ordonnance du Tribunal a été
rejeté par ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996 (Rec. p. I-4971).
- 28.
- Par lettre du 9 juillet 1996, adressée au président du Tribunal dans le cadre de
l'affaire T-18/96, les requérantes ont invité le Tribunal à ordonner, au titre de
l'article 65, sous b), du règlement de procédure et, à titre subsidiaire, en vertu de
l'article 64, paragraphe 3, sous d), du même règlement, la production du dossier de
la Commission dans les affaires SCK et FNK, portant les numéros IV/34.179,
34.202 et 34.216, y compris les documents internes de la Commission relatifs aux
échanges de vues que la direction générale Industrie (DG III) et la DG IV ont eus
sur ces affaires, ainsi que d'éventuels autres dossiers qui seraient à la base de la
décision litigieuse.
- 29.
- Par ordonnance du 4 octobre 1996, le président de la quatrième chambre élargie
a admis Van Marwijk et sept autres entreprises de location de grues mobiles à
intervenir à l'appui des conclusions de la Commission dans l'affaire T-18/96.
- 30.
- Par ordonnance du 12 mars 1997, il a décidé, en application de l'article 50 du
règlement de procédure, de joindre les deux affaires aux fins de la procédure orale.
- 31.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé
d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
Toutefois, il a invité les parties principales à produire quelques documents avant
l'audience.
- 32.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 4 juin 1997.
- 33.
- Les parties entendues sur ce point à l'audience, le Tribunal (quatrième chambre
élargie) estime qu'il y a lieu de joindre les deux affaires également aux fins de
l'arrêt.
Conclusions des parties
- 34.
- Dans l'affaire T-213/95, les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
déclarer la Communauté responsable du préjudice qu'elles subissent et
subiront encore du fait des comportements illégaux de la Commission;
condamner la Communauté à réparer ce préjudice, lui ordonner d'en
déterminer l'ampleur en concertation avec les requérantes et, à défaut
d'accord amiable sur ce point, déterminer lui-même le montant du
préjudice, au besoin après avoir désigné un expert chargé de le chiffrer
exactement;
condamner la Communauté aux dépens.
- 35.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours;
condamner solidairement les requérantes aux dépens, y compris ceux de la
procédure en référé.
- 36.
- Dans l'affaire T-18/96, les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
à titre principal, constater que la décision litigieuse est inexistante, en ce
que, dans son dispositif, la Commission décide que l'article 85, paragraphe
1, est applicable et inflige à cet égard une amende aux requérantes, mais ne
se prononce pas sur la demande d'application de l'article 85, paragraphe 3,
du traité formée par les requérantes;
à titre subsidiaire, déclarer la décision entachée d'une nullité absolue;
à titre plus subsidiaire, annuler la décision pour violation de l'article 85 du
traité, de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (ci-après
«CEDH»), de principes généraux du droit et de l'obligation de motivation
(article 190 du traité);
à titre infiniment subsidiaire, annuler partiellement la décision litigieuse de
manière à ce qu'aucune amende ne soit infligée aux requérantes;
condamner la Commission aux dépens;
condamner les parties intervenantes aux dépens relatifs à l'intervention.
- 37.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours;
condamner les requérantes aux dépens.
- 38.
- Les parties intervenantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
accueillir les conclusions de la Commission;
condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux des parties intervenantes.
Sur le recours en indemnité (affaire T-213/95)
- 39.
- Selon une jurisprudence constante, l'engagement de la responsabilité de la
Communauté dans le cadre de l'article 215, deuxième alinéa, du traité est
subordonné à la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité
du comportement reproché à l'institution communautaire concernée, la réalité du
dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement de l'institutionet le préjudice invoqué (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 15 septembre 1994,
KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, Rec. p. I-4199, point 19, et arrêt du
Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission,
T-481/93 et T-484/93, Rec. p. II-2941, point 80).
1. Sur le comportement prétendument illégal de la Commission
- 40.
- Les requérantes invoquent quatre moyens pour établir l'existence d'un
comportement illégal de la Commission dans le cadre de la procédure qu'elle a
entamée à la suite du dépôt de la plainte, le 13 janvier 1992, et des notifications
effectuées par les requérantes, les 15 janvier et 6 février 1992. Ces moyens sont
tirés respectivement d'une violation de l'article 6 de la CEDH, d'une violation du
principe de sécurité juridique, d'une violation du principe de protection de la
confiance légitime et d'une violation du droit d'être entendu.
Premier moyen: violation de l'article 6 de la CEDH
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 41.
- Les requérantes font valoir que la Commission est tenue de respecter les
dispositions de la CEDH. Elles se réfèrent, à cet égard, à la jurisprudence (arrêts
de la Cour du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, Rec.
p. 1125, du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859,
et du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374/87, Rec. p. 3283), à l'article F,
paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne et à la déclaration commune de
l'Assemblée, du Conseil et de la Commission, du 5 avril 1977 (JO C 103, p. 1).
- 42.
- Elles estiment que la procédure administrative devant la Commission en vue de
l'application de l'article 85 du traité est une procédure à laquelle s'applique l'article
6 de la CEDH. Il ressortirait en effet de la jurisprudence de la Cour et de la
Commission européennes des droits de l'homme que cette disposition s'applique
aux procédures en matière de contentieux administratif (Stenuit/France, 1992, 14
EHRR 509 et Niemitz/Allemagne, 1993, 16 EHRR 97).
- 43.
- La Commission n'aurait pas respecté la condition du «délai raisonnable» de
l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH. La Cour européenne des droits de l'homme
aurait jugé qu'un délai de 17 mois excédait le délai raisonnable (arrêt du 9
décembre 1994, Schouten et Meldrum/Pays-Bas, série A, n° 304). Or, la totalité de
la procédure administrative devant la Commission aurait duré plus de 45 mois. Dès
lors, le comportement de la Commission constituerait manifestement une violation
de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH.
- 44.
- La Commission aurait abusé de la procédure fondée sur le règlement n° 17 en
n'élaborant la première communication des griefs qu'en vue d'adopter une décision
fondée sur l'article 15, paragraphe 6, de ce règlement. De plus, il serait impossible
de comprendre pourquoi il a fallu à la Commission 22 mois à partir de l'adoption
de la première communication des griefs pour émettre la seconde communication
des griefs, dont l'argumentation de base aurait été tout à fait identique à celle de
la première. L'établissement de la seconde communication des griefs aurait été
inutile et aurait constitué une démarche de la Commission destinée à prolonger la
procédure.
- 45.
- Les requérantes rappellent que l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam du 28 octobre
1993 était présenté comme une mesure temporaire destinée à produire ses effets
jusqu'à ce que la Commission adopte sa décision. La Commission aurait dû, dans
ces circonstances, parvenir rapidement à une décision finale. Les requérantes
ajoutent que l'esprit dans lequel la Commission a mené la procédure était empreint
de la conviction qu'il lui suffisait d'influencer le juge national et de prendre une
décision sur la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. La
Commission n'aurait jamais accordé la moindre priorité à cette affaire.
- 46.
- Les requérantes n'auraient en aucune manière contribué aux retards de la
Commission. Elles auraient formulé des propositions constructives en vue de
parvenir à une solution rapide, propositions qui auraient toutefois été rejetées par
la Commission. Elles rappellent qu'elles ont renoncé à une audition après avoir
reçu la seconde communication des griefs, afin d'accélérer l'adoption de la décision
définitive. La Commission ne pourrait leur reprocher d'avoir plaidé leur cause
auprès de la DG III, qui est l'instance de la Commission compétente en matière
de politique de certification. L'intervention de la DG III aurait été nécessaire
même si les requérantes ne l'avaient pas sollicitée. De même, les requérantes
considèrent que les interventions auprès de la Commission de la représentation
permanente des Pays-Bas auprès de l'Union européenne et du conseil de la
certification, qui ont eu lieu au cours d'une période n'ayant pas dépassé deux
semaines (du 13 au 27 octobre 1993), ne sauraient leur être reprochées.
- 47.
- Ensuite, la complexité du dossier ne pourrait en aucun cas justifier le dépassement
du délai raisonnable (arrêt Schouten et Meldrum/Pays-Bas, précité). En ce qui
concerne les retards causés par l'absence des traductions finnoise et suédoise du
projet de décision, les requérantes font valoir que des retards structurels ne
peuvent pas être invoqués pour justifier un dépassement du délai raisonnable (arrêt
de la Cour européenne des droits de l'homme du 6 mai 1981, Buchholz, série A,
n° 42).
- 48.
- La Commission rétorque que, pour juger si la durée d'une procédure est
déraisonnable, il y a lieu de tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce.
Non seulement le comportement de la Commission aurait son importance, mais
également celui des requérantes, de même que la complexité de l'affaire et toutes
autres circonstances spécifiques. La Commission admet que, pendant la période de
janvier à juillet 1992, elle n'a pas considéré l'affaire comme prioritaire, eu égard au
fait qu'elle était également pendante devant le juge néerlandais et que les
infractions avaient cessé dès le prononcé de l'ordonnance du 11 février 1992 de
l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht (voir, à cet égard, arrêt du Tribunal du 18
septembre 1992, Automec/Commission, T-24/90, Rec. p. II-2223, points 77 et 85).
Elle aurait accéléré l'examen du dossier à la suite du prononcé de l'arrêt du
Gerechtshof te Amsterdam du 9 juillet 1992, qui a permis à la SCK de rétablir
l'interdiction de location (voir ci-dessus point 8).
- 49.
- L'examen provisoire du dossier aurait fait apparaître que les conditions
d'application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 étaient réunies. Dans
un délai de cinq mois après le prononcé de l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam,
la Commission aurait fait parvenir aux requérantes une communication des griefs
pour l'application de cet article (communication des griefs du 16 décembre 1992,
voir ci-dessus point 9).
- 50.
- La Commission fait encore observer que, au moment où le projet de décision en
application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 était prêt, la DG III
a demandé à la DG IV qu'une réunion consacrée au projet de décision eût lieu
avant sa présentation au collège des commissaires. L'intervention de la DG III dans
la procédure, qui aurait été la cause principale du retard pris dans le traitement du
dossier au cours des mois suivants, aurait toutefois été la conséquence directe des
démarches entreprises par les requérantes. La décision en vertu de l'article 15,
paragraphe 6, du règlement n° 17 aurait enfin été adoptée le 13 avril 1994.
- 51.
- Ensuite, le 21 octobre 1994, la Commission aurait notifié aux requérantes la
communication des griefs en vue de l'adoption d'une décision finale. Celle-ci, prise
sur la base des articles 3 et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, aurait un autre
objet et d'autres conséquences juridiques qu'une décision adoptée sur la base de
l'article 15, paragraphe 6. Un mois après avoir reçu la réponse des requérantes à
la seconde communication des griefs, la DG IV aurait déjà établi un projet de
décision. Toutefois, à la suite de l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'Union
européenne le 1er janvier 1995, il y aurait eu de graves problèmes de retard dans
les traductions en finnois et en suédois. Enfin, la Commission aurait adopté la
décision litigieuse le 29 novembre 1995.
- 52.
- Selon la Commission, il ne pourrait donc lui être reproché en l'espèce d'avoir violé
le principe du respect d'un délai raisonnable au cours de la procédure
administrative.
Appréciation du Tribunal
- 53.
- Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante
des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (voir,
notamment, avis de la Cour 2/94, du 28 mars 1996, Rec. p. I-1759, point 33; arrêt
de la Cour du 29 mai 1997, Kremzow, C-299/95, non encore publié au Recueil,
point 14). A cet effet, la Cour et le Tribunal s'inspirent des traditions
constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies
par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'homme
auxquels les États membres ont coopéré et adhéré. La CEDH revêt, à cet égard,
une signification particulière (arrêts de la Cour du 15 mai 1986, Johnston, 222/84,
Rec. p. 1651, point 18, et Kremzow, précité, point 14). Par ailleurs, aux termes de
l'article F, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, «l'Union respecte les
droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la [CEDH] et tels qu'ils résultent
des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que
principes généraux du droit communautaire».
- 54.
- Les requérantes allèguent que, à la suite de la plainte déposée par Van Marwijk
e.a., le 13 janvier 1992, et des notifications effectuées par la SCK, le 15 janvier
1992, et la FNK, le 6 février 1992 (voir ci-dessus points 6 et 7), la décision
litigieuse, datée du 29 novembre 1995, n'a pas été adoptée dans un «délai
raisonnable» au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, aux termes duquel
«[t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial, établi par la loi [...]».
- 55.
- Il doit être considéré que, lorsqu'une partie saisit la Commission d'une demande
d'attestation négative en vertu de l'article 2 du règlement n° 17 ou d'une
notification en vue d'obtenir une exemption en vertu de l'article 4, paragraphe 1,
du même règlement, la Commission ne peut pas repousser sine die sa prise de
position. Pour garantir la sécurité juridique et une protection juridictionnelle
adéquate, elle est en effet tenue de prendre une décision ou d'adresser une lettre
administrative, dans le cas où une telle lettre a été sollicitée, dans un délai
raisonnable. De même, lorsqu'une demande dénonçant des violations de l'article
85 et/ou de l'article 86 du traité est portée devant elle en vertu de l'article 3,
paragraphe 1, du règlement n° 17, elle est obligée d'adopter, dans un délai
raisonnable, une position définitive sur la plainte (arrêt de la Cour du 18 mars
1997, Guérin automobiles/Commission, C-282/95 P, Rec. p. I-1503, point 38).
- 56.
- Le respect par la Commission d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions
à l'issue des procédures administratives en matière de politique de la concurrence
constitue en effet un principe général du droit communautaire (voir, en matière de
rejet de plainte, arrêt Guérin automobiles/Commission, précité, point 38; en
matière d'aides d'État, arrêts de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73,
Rec. p. 1471, point 4, du 24 novembre 1987, RSV/Commission, 223/85, Rec.
p. 4617, points 12 à 17). Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur
l'applicabilité en tant que telle de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH, aux
procédures administratives devant la Commission en matière de politique de la
concurrence, il convient d'examiner si, en l'espèce, la Commission a violé le
principe général du droit communautaire de respect d'un délai raisonnable dans la
procédure précédant l'adoption de la décision litigieuse.
- 57.
- La durée totale de la procédure administrative en la présente affaire a été
d'environ 46 mois. Toutefois, comme l'a relevé à juste titre la Commission, le
caractère raisonnable de la durée de la procédure administrative s'apprécie en
fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte
de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission a suivies, de la
conduite des parties au cours de la procédure, de la complexité de l'affaire ainsi
que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (voir, par analogie, arrêts
de la Cour européenne des droits de l'homme, Erkner, du 23 avril 1987, série A,
n° 117, p. 62, paragraphe 66, Milasi, du 25 juin 1987, série A, n° 119, p. 46,
paragraphe 15, et Schouten et Meldrum/Pays-Bas, précité, p. 25, paragraphe 63).
- 58.
- En ce qui concerne d'abord le contexte de l'affaire, il y a lieu de constater, d'une
part, que le règlement intérieur de la FNK contenait, déjà depuis le 15 décembre
1979, une clause obligeant les membres de l'association à faire appel en priorité à
d'autres membres pour la mise en location de grues et à pratiquer des tarifs
acceptables [règlement intérieur, article 3, sous a) et b)]. En ce qui concerne la
SCK, la clause du règlement sur la certification des entreprises visée par la décision
litigieuse, à savoir l'interdiction de location (règlement sur la certification, article
7, deuxième tiret), est entrée en vigueur le 1er janvier 1991. Les parties requérantes
n'ont apparemment vu aucune nécessité de solliciter l'opinion de la Commission
sur leurs statuts et règlements avant le dépôt d'une plainte auprès de la
Commission, le 13 janvier 1992, par Van Marwijk et dix autres entreprises. En
effet, les statuts de la SCK et son règlement relatif à la certification des entreprises
de location de grues n'ont été notifiés à la Commission que le 15 janvier 1992 et
les statuts et le règlement intérieur de la FNK ne l'ont été que le 6 février 1992.
- 59.
- Il convient de rappeler ensuite que la période de 46 mois écoulée entre le dépôt
de la plainte et des notifications, d'une part, et l'adoption de la décision litigieuse,
d'autre part, comporte différentes étapes procédurales. La Commission, à la suite
de l'examen de la plainte et des notifications, a émis, le 16 décembre 1992, une
communication des griefs en vue d'adopter une décision en vertu de l'article 15,
paragraphe 6, du règlement n° 17 et elle a effectivement pris une telle décision, le
13 avril 1994. Ensuite, elle a fait parvenir une nouvelle communication des griefs,
le 21 octobre 1994, en vue d'adopter la décision litigieuse, laquelle est intervenue
le 29 novembre 1995.
- 60.
- Il y a lieu d'examiner le caractère raisonnable de la durée de chaque étape
procédurale.
- 61.
- La première prise de position provisoire de la Commission sur les notifications des
requérantes est constituée par la communication des griefs du 16 décembre 1992.
La durée de cette première partie de la procédure, d'environ onze mois, était
raisonnable et peut même être considérée comme relativement brève à la lumière
de tous les éléments du dossier. Il convient de souligner que, au cours de cette
période, la Commission a examiné parallèlement les notifications des requérantes
et la plainte de Van Marwijk e.a., qui dénonçait précisément les pratiques notifiées
par les requérantes. Par ailleurs, elle a pu légitimement considérer que l'affaire
soumise par les requérantes n'était pas prioritaire. En effet, les requérantes elles-mêmes n'ont pas insisté, dans leurs notifications, sur la nécessité d'un traitement
urgent de leur affaire, bien que le point 7.4 de l'annexe au formulaire A/B [annexé
au règlement n° 27 de la Commission, du 3 mai 1962, premier règlement
d'application du règlement n° 17 du Conseil (JO 1962, 35, p. 1118), ultérieurement
remplacé par le règlement (CE) n° 3385/94 de la Commission, du 21 décembre
1994, concernant la forme, la teneur et les autres modalités des demandes et
notifications présentées en application du règlement n° 17 du Conseil (JO L 377,
p. 28)], invite les parties notifiantes à préciser le degré d'urgence. En outre, les
pratiques notifiées dont la Commission considérait qu'elles ne pouvaient pas faire
l'objet d'une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité avaient
cessé pour une période d'environ cinq mois, entre le 11 février 1992 et le 9 juillet
1992 (voir ci-dessus point 8), à la suite d'une action intentée par les plaignants
devant les juridictions néerlandaises.
- 62.
- La période d'environ seize mois qui s'est écoulée entre la communication des griefs
du 16 décembre 1992 et l'adoption, le 13 avril 1994, de la décision en application
de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 était tout aussi raisonnable. Il
convient de relever que le conseil des requérantes a reconnu à l'audience devant
le Tribunal que, dans la lettre de la SCK à la Commission du 21 octobre 1993
(lettre à M. Dubois de la DG IV), la SCK a pour la première fois insisté sur un
traitement rapide et urgent de l'affaire. En ce qui concerne la FNK, force est de
constater qu'elle n'a pas entrepris une telle démarche avant l'adoption de la
décision du 13 avril 1994. La lettre de mise en demeure du conseil des requérantes
à la Commission du 3 juin 1994 constitue la première manifestation de la part de
la FNK de son intérêt à un traitement rapide du dossier. Par ailleurs, il n'est pas
contesté que, à l'époque même où la SCK insistait pour la première fois auprès de
la DG IV sur un déroulement rapide de la procédure, les parties requérantes ont
sollicité l'intervention de la DG III auprès de la DG IV, en vue d'obtenir une suite
favorable à leur demande d'exemption (voir, notamment, lettre du conseil des
requérantes du 5 octobre 1993 à M. McMillan, chef de service de l'unité III.B.3).
Bien qu'une telle démarche soit parfaitement légitime, les requérantes auraient dû
se rendre compte que l'intervention sollicitée auprès de la DG III allait ralentir le
déroulement de la procédure, étant donné, en outre, que la DG III n'a pas à être
consultée dans une procédure d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du
traité ou dans une procédure de constatation d'infraction au titre de l'article 85,
paragraphe 1, du traité.
- 63.
- L'étape suivante de la procédure a été constituée par la notification aux
requérantes de la communication des griefs en vue de l'adoption de la décision
litigieuse. Cette notification est intervenue le 21 octobre 1994, soit six mois après
l'adoption de la décision sur la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement
n° 17.
- 64.
- Il y a lieu de considérer que ce délai de six mois n'a pas un caractère
déraisonnable.
- 65.
- Les requérantes prétendent toutefois que l'envoi de la seconde communication des
griefs était inutile et constituait une démarche de la Commission destinée à
prolonger la procédure. Cet argument doit être rejeté. D'une part, la finalité des
deux communications des griefs était différente. La première concernait le retrait
du bénéfice de l'immunité des amendes prévu à l'article 15, paragraphe 5, du
règlement n° 17 par l'adoption d'une décision en application du paragraphe 6 du
même article, tandis que la seconde avait pour but de préparer une décision
constatant des infractions et imposant des amendes en application des articles 3,
paragraphe 1, et 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. D'autre part, la seconde
communication formulait des griefs concernant toutes les infractions retenues dans
la décision litigieuse, à savoir l'interdiction de location et les tarifs conseillés et de
compensation, tandis que la première s'était limitée à l'analyse de l'interdiction de
location sous l'angle de l'article 85 du traité. Il convient de rappeler que l'article
19, paragraphe 1, du règlement n° 17 ainsi que les articles 2 et 4 du règlement
n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à
l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127,
p. 2268), qui font application du principe du respect des droits de la défense,
exigent que les entreprises concernées par une procédure de constatation
d'infraction soient mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de
faire connaître utilement leur point de vue sur tous les griefs retenus dans la
décision (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission,
85/76, Rec. p. 461, point 9; arrêts du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries
CBR e.a./Commission, T-10/92, T-11/92, T-12/92 et T-15/92, Rec. p. II-2667, point
39, et du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T-39/92 et T-40/92, Rec.
p. II-49, point 47). La Commission était donc tenue de notifier aux requérantes une
seconde communication des griefs non seulement parce que la finalité des deux
communications des griefs était différente, mais également parce que la décision
litigieuse retient un grief qui n'avait pas été visé par la première communication
des griefs. En d'autres termes, si la Commission n'avait pas communiqué les
seconds griefs, la décision litigieuse aurait été adoptée en violation manifeste des
droits de la défense des requérantes.
- 66.
- Il convient de constater ensuite que la Commission a pris sa décision finale le 29
novembre 1995, soit environ onze mois après avoir reçu, le 21 décembre 1994, la
réponse des requérantes à la seconde communication des griefs. Indépendamment
des problèmes de traduction discutés par les parties dans leurs mémoires, le fait
qu'il a fallu onze mois à la Commission, après avoir reçu la réponse à la
communication des griefs, pour préparer une décision finale dans toutes les langues
officielles de la Communauté ne constitue pas une violation du principe du respect
d'un délai raisonnable dans une procédure administrative en matière de politique
de la concurrence.
- 67.
- Quant à l'argument des requérantes selon lequel la Commission n'aurait jamais
accordé la moindre priorité à l'affaire et aurait considéré qu'il lui suffisait
d'influencer le juge national et de prendre une décision sur la base de l'article 15,
paragraphe 6, du règlement n° 17, il y a lieu de rappeler que la Commission
dispose du pouvoir d'accorder des degrés de priorité différents aux dossiers dont
elle est saisie (arrêt Automec/Commission, précité, point 77). En outre, si elle
estime que les pratiques qui lui ont été notifiées ne peuvent bénéficier d'une
exemption en vertu de l'article 85, paragraphe 3, elle peut, pour apprécier le degré
de priorité à accorder à la notification, tenir compte du fait qu'un juge national a
déjà fait cesser les infractions concernées.
- 68.
- Il convient d'ajouter, en réponse à un argument développé par les requérantes à
l'audience en ce qui concerne les effets préjudiciables définitifs d'une décision sur
la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17, que la Cour, dans son
arrêt du 15 mars 1967, Cimenteries CBR e.a./Commission (8/66, 9/66, 10/66 et
11/66, Rec. p. 93, 118), a fondé la recevabilité d'un recours visant à l'annulation
d'une telle décision, notamment, sur la considération selon laquelle «si la mesure
provisoire était exclusive de tout contrôle judiciaire, [...] elle aurait [...] pour effet
pratique de dispenser la Commission de rendre une décision finale grâce à
l'efficacité de la simple menace d'amende». En l'espèce, les requérantes qui ont
omis d'introduire un recours en annulation contre la décision du 13 avril 1994 prise
en application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 ne sauraient se
plaindre d'éventuels effets préjudiciables définitifs de cette décision.
- 69.
- Au vu de tous les éléments qui précèdent, la Commission a agi conformément au
principe du respect d'un délai raisonnable dans la procédure administrative qui a
précédé l'adoption de la décision litigieuse.
- 70.
- Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté.
Deuxième moyen: violation du principe de sécurité juridique
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 71.
- Les requérantes font valoir qu'elles sont restées dans l'incertitude pendant 45 mois
quant à l'éventuel octroi de l'exemption demandée. Elles ajoutent que le principe
de sécurité juridique a un caractère encore plus impératif dans le cas d'uneréglementation susceptible de comporter des conséquences financières (arrêt de la
Cour du 15 décembre 1987, Irlande/Commission, 325/85, Rec. p. 5041, point 18).
Une décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 ne pourrait
nullement présenter la sécurité que comporte une décision finale (arrêt de la Cour
Cimenteries CBR e.a./Commission, précité). Il serait, de plus, étrange que la
Commission déclare que les requérantes pouvaient être rassurées au sujet de leur
situation après les décisions des juridictions néerlandaises alors que celles-ci
entendaient uniquement établir un régime provisoire en attendant la décision finale
de la Commission. Par ailleurs, l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam du 28 octobre
1993 serait en particulier fondé sur la lettre de M. Giuffrida de septembre 1993
(voir ci-dessus point 14), qui aurait contenu l'affirmation inexacte selon laquelle
«l'approbation des services concernés [avait] déjà été obtenue». Or, la DG III
n'aurait pas encore pris position sur cette affaire à la date de cette affirmation.
- 72.
- La Commission nie que les requérantes ont subi une insécurité juridique pendant
45 mois. Elle se réfère à l'ordonnance de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht
du 6 juillet 1993. Dans sa duplique, elle fait encore observer que la communication
des griefs du 16 décembre 1992 ainsi que sa lettre du 4 juin 1993 (voir ci-dessus
points 9 et 11) ont donné un signal non équivoque aux requérantes en ce qui
concerne l'éventuel octroi d'une exemption. Elle fait encore valoir que l'expression
«services concernés» dans la lettre de M. Giuffrida de septembre 1993 couvrait
uniquement les services de la DG IV et le service juridique de la Commission. La
DG III n'aurait été associée à la procédure qu'après une demande expresse de sa
part, à la suite d'une démarche effectuée par les requérantes. L'association de la
DG III à la procédure aurait eu pour conséquence l'adoption de la décision fondée
sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 quelques mois plus tard que ce
que M. Giuffrida aurait raisonnablement pu prévoir en date du 22 septembre 1993.
Appréciation du Tribunal
- 73.
- Le moyen se subdivise en deux branches.
- 74.
- La première pose la question de savoir si la Commission est tenue, en vertu du
principe de sécurité juridique, d'adopter une décision dans un délai raisonnable au
cas où des accords lui ont été notifiés en vertu de l'article 2 et/ou de l'article 4,
paragraphe 1, du règlement n° 17. Ainsi énoncée, elle se confond avec le premier
moyen et doit être rejetée pour les mêmes motifs.
- 75.
- Dans le cadre de la seconde branche du moyen, les requérantes font grief à la
lettre de M. Giuffrida de septembre 1993 (voir ci-dessus point 14) d'avoir contenu
l'affirmation inexacte selon laquelle «l'approbation des services concernés [avait]
déjà été obtenue». Ce grief est avancé également dans le cadre du troisième moyen
tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime. Il doit être
rejeté pour les motifs contenus au point 82 ci-après.
- 76.
- Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation du principe de sécurité juridique ne
peut pas être accueilli.
Troisième moyen: violation du principe de protection de la confiance légitime
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 77.
- Les requérantes font valoir que la Commission a fait des promesses qui se sont
avérées inexactes. Elles se réfèrent tout d'abord à la lettre de M. Giuffrida (voir
ci-dessus point 14) qui annonçait en septembre 1993 l'adoption imminente de la
décision fondée sur l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. Ensuite, elles se
réfèrent à la lettre de M. Ehlermann du 27 juin 1994 (voir ci-dessus point 18) selon
laquelle l'adoption de la décision finale était une priorité. Puisque le Gerechtshof
te Amsterdam s'est fondé dans son arrêt du 28 octobre 1993 sur les promesses de
la Commission selon lesquelles cette dernière allait adopter sa décision à brève
échéance, les requérantes estiment qu'elles étaient fondées à croire que la
Commission honorerait ses promesses.
- 78.
- Dans leur réplique, elles font encore observer, à propos de la lettre de
M. Giuffrida, que la DG III est responsable de la politique de certification et que
la présente affaire est, selon la Commission, le premier cas d'application de l'article
85 à un système de certification. Elles estiment donc que, au moment de la
rédaction de la lettre, au moins un «service concerné», à savoir la DG III, n'avait
pas donné son approbation. Compte tenu de l'influence exercée par la lettre en
question sur l'arrêt du Gerechtshof te Amsterdam, il y aurait lieu de conclure que
la Commission a violé le principe de la confiance légitime par ses affirmations
inexactes.
- 79.
- La Commission rétorque que la lettre du 22 septembre 1993 n'a pas donné une
fausse idée de la situation à cette époque. Elle se réfère à cet égard à
l'argumentation développée au point 72 ci-dessus. Elle estime aussi que sa lettre
du 27 juin 1994 ne contient aucune contrevérité.
Appréciation du Tribunal
- 80.
- La notion de confiance légitime présuppose, dans le chef de l'intéressé, la présence
d'espérances fondées sur des assurances précises fournies par l'administration
communautaire (arrêt du Tribunal du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione
locale «Murgia Messapica»/Commission, T-465/93, Rec. p. II-361, point 67, et
ordonnance du Tribunal du 11 mars 1996, Guérin automobiles/Commission,
T-195/95, Rec. p. II-171, point 20).
- 81.
- En l'espèce, les requérantes invoquent l'existence de deux lettres de la Commission
qui auraient contenu des promesses qui se seraient avérées inexactes.
- 82.
- S'agissant d'abord de la lettre de M. Giuffrida, elle a été rédigée soit le 21 soit le
22 septembre 1993. En effet, elle constitue une réponse à une lettre des plaignants
du 21 septembre 1993 et les requérantes affirment en avoir reçu notification le 22
septembre 1993. La lettre indiquait qu'un projet de décision au titre de l'article 15,
paragraphe 6, du règlement n° 17 serait soumis au collège des commissaires au
cours de la semaine suivante et que la Commission envisageait la notification
formelle de cette décision aux requérantes au cours de la première quinzaine du
mois d'octobre 1993. Bien que ce courrier puisse éventuellement être considéré
comme contenant des assurances précises quant à l'adoption imminente d'une
décision par la Commission, les requérantes ne contestent pas que, dès qu'elles en
ont pris connaissance, elles ont entrepris des démarches auprès de la DG III pour
que cette dernière intervienne auprès de la DG IV (voir, notamment, lettre du
conseil des requérantes du 5 octobre 1993 à M. McMillan, chef de service de l'unité
III.B.3, qui se réfère à un entretien de celui-ci avec ledit conseil en date du 28
septembre 1993). Dans de telles circonstances, les requérantes ne pouvaient
espérer que la Commission respectât les éventuelles assurances formulées dans sa
lettre communiquée le 22 septembre 1993.
- 83.
- Quant à la lettre de M. Ehlermann du 27 juin 1994, elle confirmait que l'adoption
d'une décision finale dans cette affaire était une priorité pour les services de la
DG IV. Compte tenu du caractère général d'une telle déclaration, il ne saurait être
question d'assurances précises fournies par la Commission qui auraient pu faire
naître dans le chef des requérantes des espérances fondées au sujet de la date
d'adoption d'une décision finale sur le dossier. En tout état de cause, la véracité de
l'affirmation de M. Ehlermann a été confirmée dans les faits par la Commission,
puisqu'elle a émis le 21 octobre 1994 une communication des griefs visant à
l'adoption d'une décision finale.
- 84.
- Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit également être rejeté.
Quatrième moyen: violation du droit d'être entendu
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 85.
- Les requérantes rappellent qu'elles ont demandé à plusieurs reprises à être
entendues pendant la procédure conduisant à l'adoption de la décision fondée sur
l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. Le fait que la Commission n'ait pas
donné suite à ces demandes constituerait une violation des droits de la défense.
Elles estiment que la sauvegarde de ces droits exigeait qu'elles puissent réagir, au
cours d'une procédure orale entourée de toutes les garanties de forme, d'une part,
aux éléments nouveaux qui auraient pu se manifester au cours de la procédure
administrative et, d'autre part, au refus de la Commission de tout compromis.
L'intérêt qu'elles avaient à une telle audition aurait justifié un retard éventuel dans
la procédure, du moins au cours de la période qui a précédé l'adoption de la
décision en vertu de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17.
- 86.
- La Commission rétorque qu'elle a mis les requérantes en mesure de faire connaître
leur point de vue sur les griefs qu'elle avait formulés. Il ne pourrait dès lors être
question d'une violation des droits de la défense. En l'absence de tout texte légal
prescrivant que les entreprises ou associations concernées doivent être entendues
oralement avant que la Commission adopte une décision en vertu de l'article 15,
paragraphe 6, du règlement n° 17 et en l'absence de toute circonstance particulière
impliquant que, en l'espèce, une audition était la seule possibilité pour garantir
effectivement les droits de la défense, la Commission n'aurait nullement été obligée
d'entendre oralement les requérantes après les avoir consultées par écrit.
Appréciation du Tribunal
- 87.
- Aux dires des requérantes, leur préjudice résultait du fait que la Commission
n'avait, au moment de l'introduction de la requête, pas encore pris une décision
définitive sur les notifications des requérantes et aurait ainsi laissé subsister un
doute pendant presque quatre ans sur la légalité des statuts et règlements notifiés.
Le comportement de la Commission aurait eu pour conséquence que le conseil de
la certification menaçait la SCK du retrait de son agrément, que les locataires de
grues étaient moins attentifs aux conditions générales de la FNK et que la bonne
réputation des requérantes était affectée.
- 88.
- Il doit être constaté que le comportement de la Commission dénoncé par le
présent moyen, à savoir la non-organisation d'une audition avant l'adoption d'une
décision en application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17, n'a pu
causer ou aggraver le préjudice ainsi allégué dans la requête.
- 89.
- Le présent moyen ne présente donc aucun lien avec ce préjudice.
- 90.
- En outre, il concerne uniquement la légalité de la décision du 13 avril 1994 prise
en application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. Or, le présent
recours vise à obtenir la réparation d'un préjudice lié à un défaut d'adoption dans
un délai raisonnable d'une décision définitive, et non à une illégalité de la décision
du 13 avril 1994, décision que les requérantes n'ont, en tout état de cause, pas
contestée dans le délai imparti à cet effet.
- 91.
- Il convient dès lors de rejeter le quatrième moyen.
- 92.
- Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'analyse des différents moyens n'a
pas fait apparaître un comportement illégal de la part de la Commission, de nature
à engager la responsabilité de la Communauté.
- 93.
- Néanmoins, le Tribunal estime qu'il convient d'examiner encore la question de
l'existence d'un lien de causalité entre le comportement prétendument illégal et lepréjudice invoqué par les requérantes.
2. Sur le lien de causalité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 94.
- Les requérantes font valoir que leur préjudice doit être imputé à la Commission.
Elles allèguent que la SCK est menacée de perdre son agrément parce que le
conseil de la certification considère que l'interdiction de location est le seul moyen
de satisfaire aux critères de l'agrément, alors que cette interdiction de location a
été précisément suspendue en attendant la décision litigieuse. En ce qui concerne
la FNK, sa réputation et ses conditions générales auraient été affectées en
particulier par le comportement de la Commission. Dans leur réplique, les
requérantes soulignent encore que le Gerechtshof te Amsterdam a, sur la base
d'une déclaration inexacte de la Commission, rendu un arrêt provisoire de
suspension de l'interdiction de location dans l'attente d'une décision définitive de
celle-ci (voir ci-dessus point 14). Elles estiment que l'inaction de la Commission au
cours d'une période d'une durée inacceptable a donné à l'arrêt du Gerechtshof te
Amsterdam du 28 octobre 1993 une portée dans le temps dépassant de loin celle
que la juridiction nationale avait entendu lui conférer.
- 95.
- La Commission rétorque qu'il n'y a pas de lien de causalité direct et nécessaire
entre l'action menée par la Commission et la suspension durable de l'interdiction
de location. Elle rappelle que ce n'est pas elle-même, mais le juge néerlandais qui
a suspendu l'interdiction de location à titre de mesure provisoire. Si la SCK
estimait qu'après un certain temps les mesures provisoires n'étaient plus justifiées,
étant donné que la décision finale de la Commission se faisait attendre plus
longtemps que prévu, elle aurait pu s'adresser au juge national pour obtenir la
suppression ou la modification des mesures provisoires.
Appréciation du Tribunal
- 96.
- L'article 85, paragraphe 1, du traité produit des effets directs dans les relations
entre particuliers et engendre directement des droits dans le chef des justiciables,
que les juridictions nationales doivent sauvegarder (voir, par exemple, arrêt de la
Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234/89, Rec. p. I-935, point 45).
- 97.
- En faisant application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, le Gerechtshof te
Amsterdam a interdit à la SCK, dans son arrêt du 28 octobre 1993, d'appliquer
l'«interdiction de location» (article 7, deuxième tiret, du règlement relatif à la
certification des entreprises de location de grues de la SCK). Bien qu'il soit exact
que le Gerechtshof te Amsterdam a été influencé par la position de la Commission,
à savoir par la lettre de M. Giuffrida de septembre 1993 (voir ci-dessus point 14)
annonçant l'adoption d'une décision en application de l'article 15, paragraphe 6, du
règlement n° 17, il n'en demeure pas moins que cette prise de position ne liait pas
la juridiction nationale. En effet, l'appréciation de cette interdiction portée par M.
Giuffrida n'avait que le caractère d'un élément de fait que le Gerechtshof te
Amsterdam pouvait prendre en considération dans son examen de la conformité
de cette pratique avec l'article 85 du traité (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980,
Giry et Guerlain e.a., 253/78, 1/79, 2/79 et 3/79, Rec. p. 2327, point 13; arrêt du
Tribunal du 9 janvier 1996, Koelman/Commission, T-575/93, Rec. p. II-1, point 43).
Par ailleurs, comme cela ressortira de l'analyse du recours en annulation dirigé
contre la décision litigieuse, la position qui a été défendue par la Commission au
cours de la procédure administrative et reprise dans la décision litigieuse repose sur
une interprétation correcte de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Dès lors, s'il y
a eu, dans le chef de la SCK, menace d'un retrait de son agrément, cette menace
était due au fait que la SCK avait été obligée de mettre fin à une infraction à
l'article 85, paragraphe 1, du traité. Un tel «préjudice» ne saurait être imputable
à la Commission.
- 98.
- En ce qui concerne la FNK, les requérantes n'expliquent pas comment sa
réputation et ses conditions générales auraient été affectées par le comportement
de la Commission, bien que, selon une jurisprudence constante, il appartienne aux
requérantes d'apporter la preuve d'un lien de cause à effet entre la faute commise
par l'institution et le préjudice invoqué (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 30
janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C-363/88 et C-364/88, Rec. p. I-359, point
25; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, Blackspur e.a./Conseil et Commission,
T-168/94, Rec. p. II-2627, point 40). Les seules pratiques de la FNK qui ont été
mises en cause au cours de la procédure administrative sont le système de tarifs
conseillés et de compensation et la clause dite «de priorité» qui obligeait les
membres de la FNK à faire appel en priorité à d'autres membres de cette
association pour la prise et la mise en location de grues [article 3, sous a) et b), du
règlement intérieur de la FNK]. Or, les requérantes ont affirmé au cours de la
procédure administrative, au cours de la procédure écrite devant le Tribunal et lors
de l'audience que la FNK avait volontairement renoncé à ces pratiques à la suite
de l'annulation par le Gerechtshof te Amsterdam, le 9 juillet 1992, de l'ordonnance
du président de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht du 11 février 1992, soit à
une époque (juillet 1992) où la Commission n'avait pas encore pris position, même
provisoirement, sur la notification de la FNK ou sur la plainte de Van Marwijk.
Dès lors, le préjudice invoqué par la FNK ne peut d'une quelconque façon avoir
été causé par le comportement de la Commission au cours de la procédure
administrative.
- 99.
- Il ressort de toutes ces considérations que le recours en indemnité doit être rejeté,
sans qu'il soit besoin d'examiner encore si l'autre condition pour l'engagement de
la responsabilité de la Communauté, à savoir l'existence d'un préjudice, est remplie.
Sur le recours en constatation d'inexistence ou en annulation de la décision 95/551
(affaire T-18/96)
1. Sur les conclusions tendant à la constatation d'inexistence de la décision litigieuse
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 100.
- Les requérantes invoquent un moyen unique au soutien de leurs conclusions. Elles
estiment que la décision litigieuse est inexistante, en ce que la Commission a omis
de statuer, dans le dispositif, sur la demande d'exemption présentée au titre de
l'article 85, paragraphe 3, du traité. Il aurait été indispensable de statuer sur cette
demande dans le dispositif, étant donné que la conformité d'une situation aux
règles communautaires de la concurrence doit être vérifiée par rapport à l'article
85 dans son ensemble (arrêt du Tribunal du 11 juillet 1996, Métropole télévision
e.a./Commission, T-528/93, T-542/93, T-543/93 et T-546/93, Rec. p. II-649) et que
seul le dispositif d'un acte est susceptible de produire des effets juridiques (arrêts
du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T-138/89, Rec. p. II-2181, point 31, et du 8 juin 1993, Fiorani/Parlement, T-50/92, Rec. p. II-555, point
39). La décision de la Commission du 13 avril 1994, prise sur la base de l'article 15,
paragraphe 6, du règlement n° 17 n'aurait aucune incidence à cet égard. Une telle
décision ne serait prise qu'après un examen provisoire et ne serait donc pas
équivalente à une décision finale. Au surplus, même si elle pouvait être considérée
comme une décision finale, il faudrait néanmoins constater qu'en l'espèce elle ne
concernait que l'interdiction de location de la SCK et ne se prononçait pas sur les
pratiques notifiées de la FNK, de sorte qu'une décision sur l'application éventuelle
à ces dernières pratiques de l'article 85, paragraphe 3, du traité faisait encore
défaut.
- 101.
- La Commission rétorque qu'il ressort clairement des points 32 à 39 des
considérants de la décision litigieuse qu'elle a examiné et rejeté les arguments des
requérantes tendant à obtenir une exemption en vertu de l'article 85, paragraphe
3, du traité. L'ajout d'un article dans le dispositif rejetant explicitement la demande
d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'aurait eu aucune
raison d'être, puisque la constatation, dans les articles 1er et 3, des infractions à
l'article 85, paragraphe 1, du traité commises par la SCK et la FNK ainsi que
l'imposition d'injonctions dans les articles 2 et 4 impliquaient nécessairement le
rejet de la demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.
Appréciation du Tribunal
- 102.
- Dans le dispositif de la décision litigieuse, la Commission a constaté que le système
de tarifs conseillés et de compensation de la FNK (article 1er) et l'interdiction de
location de la SCK (article 3) violaient l'article 85, paragraphe 1, du traité et a
enjoint à la FNK (article 2) et à la SCK (article 4) de mettre fin immédiatement
à ces infractions. La décision litigieuse imposait par ailleurs des amendes aux
requérantes (article 5).
- 103.
- Bien que ce dispositif ne se prononce pas explicitement sur les demandes
d'exemption des requérantes présentées au titre de l'article 85, paragraphe 3, du
traité, il y a lieu de constater que la Commission a vérifié la conformité des
pratiques visées aux articles 1er et 3 de la décision litigieuse aux règles de la
concurrence par rapport à l'article 85 dans son ensemble. Il ressort, en effet, d'une
motivation élaborée de la décision litigieuse (points 32 à 39 des considérants) que
la Commission a examiné si l'article 85, paragraphe 1, du traité pouvait être déclaré
inapplicable à ces pratiques en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Au
terme de son examen, elle relève au point 35 des considérants, en ce qui concerne
les tarifs conseillés et de compensation établis par la FNK, qu'une «exemption en
application de l'article 85, paragraphe 3, du traité est exclue». De même, au point
39 des considérants, elle conclut explicitement qu'une «exemption en application
de l'article 85, paragraphe 3, du traité est exclue en ce qui concerne l'interdiction
de location de la SCK».
- 104.
- Il y a lieu de rappeler que les motifs d'un acte sont indispensables pour déterminer
le sens exact de ce qui a été arrêté dans le dispositif (arrêts de la Cour du 26 avril
1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point
27, et du 15 mai 1997, TWD/Commission, C-355/95 P, non encore publié au
Recueil, point 21; arrêt du Tribunal du 5 juin 1992, Finsider/Commission, T-26/90,
Rec. p. II-1789, point 53). Dès lors, même si le dispositif de la décision litigieuse
ne s'exprime pas explicitement sur les demandes d'exemption des requérantes au
titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, les constatations d'infractions et les
injonctions de mettre fin à celles-ci, qui sont contenues dans le dispositif,
impliquent nécessairement, à la lumière de la motivation de la décision (points 32
à 39 des considérants), le rejet par la Commission des demandes en question.
- 105.
- Enfin, les requérantes ne sauraient tirer argument des arrêts NBV et
NVB/Commission et Fiorani/Parlement, précités. En effet, dans chacune de ces
affaires, qui ne concernaient nullement un problème d'inexistence d'une décision
d'une institution communautaire, le dispositif de la décision attaquée ne faisait pas
grief aux requérantes. Seules quelques considérations des motifs des décisions
concernées étaient censées ne pas être favorables aux requérantes. Les recours en
annulation introduits dans ces affaires ont été déclarés irrecevables parce qu'ils
tendaient, en réalité, à l'annulation des seuls motifs de la décision. Dans la présente
espèce, le dispositif de la décision litigieuse fait grief aux requérantes, en ce qu'il
les tient pour responsables d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité, leur
ordonne d'y mettre fin, leur impose des amendes et, d'une manière implicite mais
certaine, rejette leurs demandes d'exemption.
- 106.
- Il s'ensuit que le moyen ne peut pas être accueilli.
- 107.
- Par voie de conséquence, les conclusions tendant à la constatation de l'inexistence
de la décision litigieuse doivent être rejetées.
2. Sur les conclusions en annulation de la décision litigieuse
- 108.
- Les requérantes invoquent cinq moyens d'annulation de la décision litigieuse, tirésrespectivement d'une violation des articles 3, 4, 6 et 9 du règlement n° 17, d'une
violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, d'une violation de l'article 85,
paragraphe 3, du traité, d'une violation des droits de la défense et d'une violation
de l'article 190 du traité.
Premier moyen: violation des articles 3, 4, 6 et 9 du règlement n° 17
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 109.
- Les requérantes allèguent de manière lacunaire, et en se référant à leurs arguments
sur l'inexistence de la décision litigieuse, que l'omission de la Commission de
statuer sur les demandes d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du
traité enfreint les articles 3, 4, 6 et 9 du règlement n° 17 et que la Commission a
également commis une grave erreur de forme, de sorte que la décision, ne
remplissant pas les conditions de forme requises, doit être annulée.
- 110.
- La Commission se réfère à l'argumentation qu'elle a développée à propos des
conclusions tendant à la constatation de l'inexistence de la décision litigieuse.
Appréciation du Tribunal
- 111.
- Le présent moyen se fonde sur les mêmes arguments que ceux invoqués dans le
cadre du moyen avancé au soutien des conclusions visant à la constatation de
l'inexistence de la décision litigieuse.
- 112.
- Il convient de rappeler que, dans cette dernière, la Commission s'est prononcée de
manière certaine sur les demandes d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe
3, des requérantes (voir ci-dessus points 103 et 104).
- 113.
- Le premier moyen doit donc être rejeté.
Deuxième moyen: violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité
- 114.
- Au vu du rapport d'audience et à la suite de la procédure orale, il y a lieu de
subdiviser le moyen en quatre branches.
- 115.
- La première branche est tirée de ce que la SCK aurait été qualifiée à tort
d'entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. La deuxième branche
se subdivise elle-même en deux arguments. Le premier est pris d'une erreur de
droit portant sur la référence aux critères de transparence, d'ouverture,
d'indépendance et d'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes dans
l'appréciation de la compatibilité d'un système de certification avec l'article 85,
paragraphe 1, du traité. Le second est tiré d'une erreur d'appréciation qui aurait
été commise par la Commission lorsqu'elle a considéré que l'interdiction de
location avait pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence au sens
de l'article 85, paragraphe 1, du traité. La troisième branche est tirée de ce que la
Commission aurait commis une erreur d'appréciation en considérant que le système
de tarifs conseillés et de compensation avait pour objet ou pour effet une
restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Enfin,
la quatrième branche est prise d'une erreur d'appréciation de l'affectation du
commerce entre États membres.
Sur la première branche tirée d'une erreur consistant à qualifier la SCK
d'entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 116.
- Les requérantes font valoir que la SCK n'est pas une entreprise au sens de l'article
85, paragraphe 1, du traité, puisqu'un organisme de certification qui se consacre
uniquement et exclusivement à un contrôle neutre et objectif d'entreprises dans un
secteur particulier n'exerce pas d'activité économique (voir arrêts de la Cour du 23
avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec. p. I-1979, du 17 février 1993, Poucet et
Pistre, C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637, et conclusions de l'avocat général Sir
Gordon Slynn sous l'arrêt du 30 janvier 1985, BNIC, 123/83, Rec. p. 391, 392). La
SCK ne serait pas non plus une association d'entreprises au sens de la même
disposition.
- 117.
- La Commission rétorque qu'il suffit qu'un organisme, quel que soit son statut
juridique, exerce une activité de caractère économique susceptible d'être exercée
en principe par une entreprise privée et dans un but lucratif pour qu'il puisse être
considéré comme une entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. En
l'espèce, la délivrance d'un certificat contre paiement constituerait une activité de
ce type. La SCK devrait dès lors être considérée comme une entreprise au sens de
l'article 85, paragraphe 1, du traité.
Appréciation du Tribunal
- 118.
- Dans la décision litigieuse, la Commission a qualifié la SCK d'entreprise au sens
de l'article 85, paragraphe 1, du traité (point 17, second alinéa, des considérants).
- 119.
- Il convient d'examiner si elle n'a pas commis une erreur d'appréciation ou une
erreur de droit en retenant cette qualification.
- 120.
- Dans le contexte du droit de la concurrence, «la notion d'entreprise comprend
toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique
de cette entité et de son mode de financement» (arrêt Höfner et Elser, précité,
point 21).
- 121.
- La SCK est un organisme de droit privé qui a mis sur pied un système de
certification pour entreprises de location de grues, auquel l'affiliation est facultative.
Elle détermine de manière autonome les critères auxquels les entreprises certifiées
doivent satisfaire. Elle ne délivre un certificat que moyennant le versement d'une
cotisation.
- 122.
- Ces caractéristiques démontrent que la SCK exerce une activité économique. Elle
doit donc être considérée comme une entreprise au sens de l'article 85, paragraphe
1, du traité.
- 123.
- La Commission ayant correctement qualifié la SCK d'entreprise, l'argument des
requérantes selon lequel la SCK n'est pas une association d'entreprises est
dépourvu de pertinence.
- 124.
- Il résulte de ce qui précède que la première branche du deuxième moyen doit être
rejetée.
Sur la deuxième branche tirée, d'une part, d'une erreur de droit portant sur la
référence aux critères de transparence, d'ouverture, d'indépendance et
d'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes dans l'appréciation de la
compatibilité d'un système de certification avec l'article 85, paragraphe 1, du traité
et, d'autre part, d'une erreur d'appréciation commise par la Commission lorsqu'elle
a considéré que l'interdiction de location avait pour objet ou pour effet une
restriction de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 125.
- Les requérantes rappellent que la Commission a considéré dans la décision
litigieuse que si l'interdiction de location «était liée à un système de certification
totalement ouvert, indépendant et transparent et prévoyant l'acceptation de
garanties équivalentes offertes par d'autres systèmes, on pourrait faire valoir que
l'interdiction n'a pas pour effet de restreindre la concurrence, mais vise simplement
à garantir totalement la qualité des produits et des services certifiés» (point 23,
premier alinéa, des considérants). La Commission aurait violé l'article 85,
paragraphe 1, du traité en définissant de son propre chef des critères généraux
pour apprécier l'application de cette disposition à des systèmes de certification,
alors que ces critères n'ont pas été inscrits à l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 126.
- Ensuite, l'interdiction de location dans le cadre du système de certification de la
SCK n'aurait pas pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence. Pour
apprécier si de telles clauses tombent sous le coup de l'interdiction posée par
l'article 85, paragraphe 1, du traité, il y aurait lieu d'examiner quelle situation
concurrentielle aurait prévalu en leur absence (arrêt du 11 juillet 1985, Remia
e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 18). Le système de certification de la
SCK renforcerait la concurrence. Il contribuerait à la transparence du marché en
permettant d'évaluer à partir d'un standard objectif et impartial la qualité et la
sécurité des différents offreurs du produit. Il serait indispensable de prévoir
l'interdiction de location auprès des entreprises non certifiées, parce qu'une telle
prohibition constituerait la seule manière de garantir que chaque commande auprès
d'une entreprise certifiée soit exécutée par une entreprise répondant aux mêmes
exigences de sécurité et de qualité. Dans ce sens, l'interdiction de location
envisagerait une protection identique à celle offerte par une marque, dont la Cour
a reconnu la compatibilité avec le droit de la concurrence communautaire (arrêt
de la Cour du 17 octobre 1990, CNL-SUCAL, C-10/89, Rec. p. I-3711, point 13).
L'interdiction de location serait également indispensable dans la mesure où elle
constituerait le seul moyen de remplir l'exigence de l'article 2, paragraphe 5, des
critères de reconnaissance du conseil de la certification (voir ci-dessus point 5),
selon laquelle l'organisation accordant la certification est obligée de vérifier elle-même, dans le cas où un travail est exécuté par un sous-traitant, que les exigences
de qualité sont respectées. Quant à la proposition de la Commission d'autoriser les
entreprises certifiées à démontrer, par des listes préétablies, que des entreprises
non certifiées auxquelles elles font appel remplissent néanmoins les exigences de
qualité exigées, les requérantes estiment qu'un tel régime de vérification ad hoc
constituerait la négation directe d'un système de certification fondé sur une
vérification systématique. Enfin, l'interdiction de location devrait aussi être
maintenue dans le cas où le maître d'ouvrage autoriserait expressément la location
de grues auprès d'une entreprise non certifiée. En effet, la crédibilité du système
de certification reposerait sur le fait que tous les produits et services offerts par les
entreprises certifiées satisfont aux conditions exigées.
- 127.
- Les requérantes font valoir que le système litigieux satisfait, en tout état de cause,
à tous les critères définis par la Commission. Tout d'abord, ce système serait
caractérisé par une ouverture totale, acceptant non seulement les membres de la
FNK mais également chaque entreprise qui le souhaite. Ainsi, la SCK aurait délivré
des certificats à douze entreprises qui n'étaient pas membres de la FNK. Les
conditions pour obtenir un certificat seraient objectives et non discriminatoires. A
cet égard, la réduction de contribution dont les membres de la FNK bénéficiaient
jusqu'au 1er janvier 1992 n'aurait été rien d'autre qu'une compensation pour des
services de secrétariat offerts par la FNK à la SCK. Le système aurait également
été accessible aux entreprises des autres États membres, ce qui serait confirmé par
un rapport du conseil de la certification du 11 janvier 1993 et par une lettre du 11
mars 1994 de l'association des entreprises belges de location de grues. La SCK
aurait toujours reconnu qu'une immatriculation à l'étranger satisfait à la condition,
imposée à l'entreprise qui sollicite un certificat de la SCK, d'être immatriculée au
registre de la chambre de commerce. Par conséquent, les difficultés que
rencontreraient des entreprises étrangères pour accéder au marché néerlandais
seraient uniquement dues aux disparités entre les réglementations des pays.
- 128.
- Même si son règlement ne s'y réfère pas, la SCK reconnaîtrait comme équivalents
d'autres systèmes de certification, à condition que ceux-ci prévoient des garanties
analogues à celles du système litigieux. Le système de certification de la SCK
comporterait réellement une valeur ajoutée par rapport au régime légal, tant sur
le fond que sur le plan de la procédure. En ce qui concerne le fond, il poserait des
conditions, tant sur le plan technique que sur le plan de la gestion de l'entreprise,
allant au-delà des conditions légales. La SCK poursuivrait une politique de contrôle
beaucoup plus active que celle de la Keboma. Cette fonction complémentaire d'unsystème de certification s'expliquerait par une politique délibérée aux Pays-Bas
consistant à confier autant que possible le contrôle des conditions légales aux
opérateurs du marché. La valeur ajoutée du système de certification de la SCK
aurait été reconnue par la DG III dans une note du 18 août 1994 adressée à la
DG IV. Dans ces conditions, la SCK ne pourrait pas autoriser la location de grues
ne remplissant que les conditions légales, sans que cela affecte la cohérence de son
système de certification. Le fait qu'il n'existe pas encore d'autres organismes privés
ayant établi un système de certification comparable à celui de la SCK
n'impliquerait pas que la SCK n'est pas disposée à reconnaître un système
comparable s'il devait exister. D'ailleurs, l'argument de la Commission rendrait
impossible la création d'un système de certification dans un domaine où il n'en
existe pas encore, puisque le premier système établi n'aurait pas la possibilité de
reconnaître d'autres systèmes comparables.
- 129.
- La Commission rétorque qu'elle a effectué, du point 23 au point 30 des
considérants de la décision litigieuse, une analyse détaillée de l'interdiction de
location dans son contexte juridique et économique, afin de déterminer si une telle
interdiction est compatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité (voir l'arrêt de
la Cour du 30 juin 1966, Société technique minière, 56/65, Rec. p. 337).
- 130.
- Elle soutient que l'interdiction de location n'est pas indispensable pour préserver
la cohérence du système de certification en question. Pour souligner le caractère
disproportionné de l'interdiction, elle fait observer que l'interdiction exclut la
possibilité d'utiliser des grues certifiées par d'autres organismes et n'autorise pas
le contractant principal à démontrer, même préalablement par l'établissement
d'une liste, que son sous-contractant non certifié remplit toutes les exigences
requises par la SCK. Au surplus, l'interdiction empêcherait le contractant principal
d'avoir recours à un sous-contractant non certifié dans le cas où le maître d'ouvrage
a explicitement renoncé aux garanties de qualité liées au certificat de la SCK et a
autorisé l'utilisation de grues non certifiées.
- 131.
- Le système de certification de la SCK ne satisferait pas aux critères énoncés au
point 23, premier alinéa, des considérants de la décision litigieuse. D'abord, il aurait
présenté dès le début, et en tout cas partiellement jusqu'au 21 octobre 1993, les
caractéristiques d'un système fermé (point 24 des considérants de la décision
litigieuse). Ensuite, contrairement à l'allégation des requérantes, il n'aurait pas
permis la reconnaissance d'autres systèmes de garantie. L'amendement proposé par
les requérantes à la version originale de l'article 7, deuxième tiret, du règlement de
certification, destiné à reconnaître la certification d'autres organismes de droit privé
[lettre du conseil des requérantes à la Commission (à l'attention de M. Dubois)
datée du 12 juillet 1993] n'aurait aucun effet pratique en raison du fait que, d'une
part, de tels organismes n'existent ni aux Pays-Bas ni dans les pays voisins et que,
d'autre part, des garanties autres que des certificats privés ne sont pas reconnues.
En particulier, la reconnaissance de la marque Keboma, de même que des
attestations officielles semblables des autorités publiques belges ou allemandes,
resterait exclue.
Appréciation du Tribunal
- 132.
- En vertu de l'article 7, deuxième tiret, du règlement de la SCK sur la certification
des entreprises de location de grues, il est interdit aux entreprises certifiées par
cette fondation de louer des grues auprès d'entreprises non certifiées.
- 133.
- En ce qui concerne, d'abord, le premier argument de la présente branche du
moyen, tiré d'une erreur de droit portant sur la référence aux critères de
transparence, d'ouverture, d'indépendance et d'acceptation de garanties
équivalentes d'autres systèmes dans l'appréciation de la compatibilité d'un système
de certification avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, il y a lieu d'observer que,
dans la décision litigieuse (point 23 des considérants), la Commission a estimé que
le caractère anticoncurrentiel de l'interdiction de location ne pouvait être apprécié
que par rapport à la nature du système de certification auquel cette interdiction est
liée. Dans ce but, elle a défini quatre critères à savoir ouverture, indépendance,
transparence et acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes auxquels
le système de certification devait satisfaire pour que l'interdiction de location pût
éventuellement échapper à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 134.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que l'appréciation de la conformité d'un
comportement à l'article 85, paragraphe 1, du traité se fait dans le contexte
juridique et économique de l'affaire (voir, par exemple, arrêt Société technique
minière, précité, et arrêt du Tribunal du 14 mai 1997, Vereniging van
Groothandelaren in Bloemkwekerijprodukten e.a./Commission, T-77/94, non encore
publié au Recueil, point 140). La Commission étant ainsi en droit de définir des
critères concrétisant les exigences de l'article 85, paragraphe 1, du traité dans une
situation juridique et économique particulière, il convient d'examiner si les critères
auxquels elle se réfère au point 23, premier alinéa, des considérants de la décision
litigieuse sont pertinents.
- 135.
- Toutefois, eu égard au fait que la Commission se fonde uniquement sur l'absence
d'ouverture du système de certification de la SCK et sur le défaut d'acceptation de
garanties équivalentes d'autres systèmes pour constater que, en l'espèce,
l'interdiction de location fausse la concurrence (point 23, second alinéa, des
considérants de la décision litigieuse et article 3 de celle-ci), il suffit d'apprécier la
pertinence de ces deux critères.
- 136.
- La pertinence du critère d'ouverture du système de certification pour l'appréciation
de l'interdiction de location sous l'angle de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne
fait aucun doute. En effet, l'interdiction de location auprès d'entreprises non
certifiées affecte considérablement les possibilités concurrentielles de ces
entreprises, dans l'hypothèse où l'accès au système de certification est difficile.
- 137.
- Le second critère de l'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes est
lui aussi pertinent. L'interdiction de location empêchant les entreprises certifiées
de faire appel à des entreprises non certifiées même si ces dernières apportent des
garanties équivalentes aux garanties du système de certification ne trouve, en effet,
aucune justification objective dans un souci de maintenir la qualité des
produits/services garantie par le système de certification. Au contraire, la non-acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes est de nature à protéger les
entreprises certifiées contre la concurrence d'entreprises non certifiées.
- 138.
- Le premier argument de la deuxième branche du moyen, tirée d'une erreur de
droit, doit donc être rejeté.
- 139.
- En ce qui concerne le second argument de la même branche, par lequel les
requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur d'appréciation en
considérant que l'interdiction de location de la SCK restreint la concurrence au
sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, il y a lieu de relever que, lorsque la
création de la SCK a été discutée au cours d'une réunion de la région Noord
Holland de la FNK, le 27 septembre 1983, les participants à cette réunion n'avaient
nullement à l'esprit un renforcement de la concurrence entre eux mais plutôt une
augmentation des prix sur le marché. Ainsi, le compte rendu de cette réunion
(produit par les requérantes par lettre du 10 avril 1997) a relevé en ces termes les
propos de l'un des participants: «Un tel institut [de certification] est une chose très
saine. Il s'attend à ce que le projet, s'il est bien exécuté, aura un effet sur les prix.»
Un autre participant à la même réunion a estimé que le projet de certification était
une «bonne idée». Il a ajouté que, «dans une entreprise, le chiffre d'affaires qui
est réalisé importe plus que le taux d'utilisation des machines». Or, une entreprise
de location de grues qui n'augmente pas le taux d'utilisation de ses machines ne
réalisera une augmentation de son chiffre d'affaires qu'en augmentant ses tarifs.
- 140.
- Par ailleurs, le second argument de la deuxième branche se situe sur un plan
différent de celui sur lequel la Commission a apprécié l'interdiction de location
dans la décision litigieuse. En effet, la Commission a fondé sa constatation de
l'existence d'une restriction de la concurrence sur le fait que cette interdiction
s'appliquait dans le cadre d'un système de certification qui n'était pas totalement
ouvert et qui n'acceptait pas des garanties équivalentes offertes par d'autres
systèmes (point 23, second alinéa, des considérants de la décision litigieuse).
- 141.
- Or, l'interdiction de location édictée par l'article 7, deuxième tiret, du règlement
sur la certification des entreprises de location de grues de la SCK restreint non
seulement la liberté d'action des entreprises certifiées, mais affecte en outre et
surtout les possibilités concurrentielles des entreprises non certifiées. Compte tenu
de la puissance économique de la SCK, qui, selon ses propres dires, représente
environ 37 % du marché néerlandais de la location de grues mobiles, le caractère
sensible de cette restriction à la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1,
du traité ne peut faire l'objet d'un doute si, comme le constate la Commission,
l'interdiction de location fonctionne dans le cadre d'un système de certification qui
n'est pas totalement ouvert et qui n'accepte pas de garanties équivalentes d'autres
systèmes (voir ci-après points 143 à 151). Dans un tel cas, l'interdiction de location
renforce en effet le caractère fermé du système de certification (point 26, premier
alinéa, des considérants de la décision litigieuse) et entrave d'une manière
considérable l'accès au marché néerlandais des tiers (point 26, second alinéa).
- 142.
- A ce stade, il convient donc d'examiner si les prémisses factuelles à savoir le
caractère non totalement ouvert du système de certification de la SCK et la non-acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes sur lesquelles la
Commission a fondé son appréciation sont correctes.
- 143.
- La constatation de la Commission selon laquelle le système de certification de la
SCK n'était pas ouvert pendant la période litigieuse [du 1er janvier 1991 (date de
l'instauration de l'interdiction de location) au 4 novembre 1993 (date de la décision
de suspendre l'interdiction de location), à l'exception de la période allant du 17
février au 9 juillet 1992] est fondée sur les éléments suivants: il aurait été plus
difficile pour les entreprises non affiliées à la FNK que pour les entreprises affiliées
à cette association d'accéder au système de certification, puisque les coûts de
participation pour les premières étaient plus élevés que pour les dernières; les
exigences posées par le système de certification auraient été établies en fonction
de la situation néerlandaise, entravant ainsi l'accès des entreprises étrangères. Ainsi,
jusqu'au 1er mai 1993, l'inscription au registre de la chambre de commerce était
requise par le système de certification de la SCK et, jusqu'au 21 octobre 1993, les
conditions générales de la FNK devaient être appliquées (point 24 des considérants
de la décision litigieuse).
- 144.
- Il y a lieu de constater que les éléments invoqués par les requérantes pour
démontrer le caractère prétendument ouvert du système de certification de la SCK
ne sont pas probants.
- 145.
- Il doit être relevé tout d'abord que, dans la décision litigieuse, la Commission a fait
valoir que, de «septembre 1987 au 1er janvier 1992, la participation au projet de
certification était environ trois fois moins chère pour les membres de la FNK que
pour ceux qui n'y étaient pas affiliés» (point 9 des considérants). Le fait que les
membres de la FNK ont bénéficié d'une réduction substantielle (d'environ 66 %)jusqu'au 1er janvier 1992 sur leur contribution pour la SCK n'a été contesté par les
requérantes ni au cours de la procédure administrative ni au cours de la procédure
devant le Tribunal. Même si, comme elles le prétendent, cette réduction constituait
une compensation pour des services de secrétariat offerts par la FNK à la SCK, il
n'en reste pas moins qu'une telle pratique a eu pour effet de rendre l'accès au
système de certification de la SCK plus difficile pour les entreprises non
néerlandaises que pour les entreprises néerlandaises, dès lors que la quasi-totalité
des entreprises certifiées par la SCK (plus de 90 % des entreprises certifiées)
étaient membres de la FNK et que seules pouvaient devenir membres de la FNK
les entreprises de location de grues établies aux Pays-Bas [article 4, sous a), des
statuts de la FNK]. Cet effet de «forclusion» a encore été renforcé par le fait que,
si des entreprises établies dans d'autres États membres avaient néanmoins opté
pour une certification par la SCK, elles auraient dû appliquer, jusqu'au 21 octobre
1993, les conditions générales d'un organisme auquel elles ne pouvaient pas
adhérer, à savoir la FNK, et à l'élaboration desquelles elles n'avaient pu participer.
Le caractère fermé ou, en tout état de cause, le caractère non totalement ouvert,
pour les entreprises d'autres pays, ressort également du fait, non contesté, que les
exigences du système de certification de la SCK ont été établies en fonction de la
situation néerlandaise et, notamment, de la législation néerlandaise.
- 146.
- S'agissant de l'allégation des requérantes selon laquelle il était toujours possible
pour une entreprise immatriculée à l'étranger d'obtenir un certificat auprès de la
SCK, il doit être observé que le rapport du conseil de la certification du 11 janvier
1993 dispose (p. 5) qu'il n'existe aucune entrave à la participation des entreprises
étrangères au système de certification de la SCK. Pour arriver à cette conclusion,
le rapport fait référence à un amendement des statuts de la SCK, entré en vigueur
le 1er janvier 1992, qui a reformulé l'objectif de la fondation SCK en ce sens qu'elle
poursuit la promotion et le maintien de la qualité des entreprises de location de
grues en général en non plus seulement aux Pays-Bas. Cependant, bien qu'il soit
vrai que les statuts de la SCK n'excluent plus la possibilité pour les entreprises non
établies aux Pays-Bas d'obtenir une certification auprès de la SCK, il n'en ressort
pas automatiquement que le système de certification de celle-ci est un système
totalement ouvert pour les entreprises établies dans un autre État membre. En
effet, le caractère non totalement ouvert du système de certification est, en
l'espèce, attribuable à d'autres facteurs, qui ont été identifiés au point 145 ci-dessus.
- 147.
- Quant à la lettre du 11 mars 1994 du président de l'association des entreprises
belges de location de grues, elle énonce que l'entrave la plus importante pour le
commerce interétatique dans le secteur de la location de grues mobiles ressort de
la disparité des réglementations des différents États membres et que les entreprises
belges ne se sentent dès lors pas entravées, pour la réalisation de travaux à
l'intérieur de la Communauté, par l'action de la SCK. A cet égard, la SCK elle-même a affirmé dans sa notification que les obligations imposées par le système de
certification correspondent approximativement aux obligations imposées par la loi
néerlandaise aux entreprises de location de grues, de sorte que la certification
garantit mieux que ces obligations légales sont effectivement respectées (points 26
à 28 de la notification de la SCK). En ayant repris plusieurs obligations de la
législation néerlandaise dans le cadre du système de certification, la SCK a donc
consolidé et renforcé les barrières au commerce intracommunautaire résultant des
éventuelles disparités entre les législations nationales. En effet, lorsque, en vertu
d'une directive communautaire, une reconnaissance mutuelle des différents régimes
nationaux est réalisée dans un domaine, l'imposition par un organisme privé de
certification de l'obligation de respecter la loi néerlandaise dans ce même domaine
a pour effet que les barrières au commerce intracommunautaire que le législateur
communautaire a voulu supprimer sont maintenues ou rétablies. Ainsi, il est
constant que la SCK effectue certains contrôles exercés auparavant par la Keboma,
mais abandonnés par cette dernière après la mise en oeuvre des dispositions de la
directive 89/392 (voir ci-dessus point 3). Les requérantes ont en effet admis au
point 114 de leur requête: «L'instauration de la marque CE pour les grues de
levage a encore réduit le rôle légal de la Keboma. Les grues de levage qui sont
pourvues d'une marque CE et d'une déclaration de conformité ne sont d'ailleurs
pas soumises à un contrôle de la Keboma pour la première mise en service. Cela
signifie que le rôle de la SCK s'est accru. Dans le contexte du régime de
certification de la SCK, on vérifie bel et bien si les nouvelles grues de levage
répondent aux dispositions légales applicables.» Dans ces conditions, elles ne
sauraient prétendre que l'éventuelle entrave subie par les entreprises de location
de grues non néerlandaises pour accéder au marché néerlandais découle
exclusivement de la disparité des réglementations des différents États membres et
non du système de certification de la SCK.
- 148.
- Quant au point de savoir si le système de certification de la SCK permettait
d'accepter des garanties équivalentes d'autres systèmes, il y a lieu de constater que,
par lettre du 12 juillet 1993 adressée à M. Dubois de la DG IV, la SCK a proposé
une modification du système de certification, selon laquelle d'autres systèmes de
certification remplissant les conditions définies sur la base des normes européennes
EN 45011 et offrant des garanties équivalentes au système de la SCK seraient
reconnus par cette dernière. Il ressort donc de cette proposition de modification
que, dans sa version initiale, le système de certification de la SCK ne prévoyait pas
la reconnaissance de tels systèmes équivalents. Par ailleurs, même si, comme le
prétendent les requérantes, la modification n'était qu'une précision de la version
initiale de l'article 7, deuxième tiret, du règlement de certification, force serait de
constater que le système de la SCK ne prévoit nullement la reconnaissance
éventuelle d'une réglementation des pouvoirs publics apportant des garanties
équivalentes aux garanties de la SCK.
- 149.
- Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission n'a pas commis une
erreur d'appréciation en considérant au point 23 des considérants de la décision
litigieuse que le système de certification de la SCK n'était pas totalement ouvert
(ou tout au moins qu'il ne l'était pas jusqu'au 21 octobre 1993) et ne permettait pas
d'accepter des garanties équivalentes d'autres systèmes. Dès lors, l'interdiction de
location qui renforçait encore le caractère non ouvert du système de certification
et qui avait pour effet d'entraver considérablement l'accès au marché néerlandais
des tiers, et en particulier des entreprises établies dans un autre État membre (voir
ci-dessus points 145 à 148), constitue effectivement une restriction de la
concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Cette conclusion ne
serait pas différente si les requérantes pouvaient démontrer que la clause est
nécessaire pour préserver la cohérence du système de certification. En effet, du fait
de son caractère non ouvert et de la non-acceptation des garanties équivalentes
d'autres systèmes, le système de certification de la SCK lui-même est incompatible
avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, même s'il s'avérait, comme le prétendent
les requérantes, qu'il avait une valeur ajoutée par rapport à la législation
néerlandaise. Une clause particulière dans un tel système, telle que la clause
interdisant la location auprès des entreprises non certifiées, ne devient pas
compatible avec l'article 85, paragraphe 1, par sa nécessité de préserver la
cohérence dudit système, puisque celui-ci est par définition incompatible avec
l'article 85, paragraphe 1, du traité.
- 150.
- Il s'ensuit que la deuxième branche du présent moyen doit être rejetée.
- 151.
- A l'audience, les parties intervenantes ont encore insisté pour que le Tribunal se
prononce également sur la légalité de la modification à l'article 7, deuxième tiret,
du règlement de certification sur laquelle les parties principales se sont entendues
pour la période allant jusqu'au prononcé du présent arrêt (voir ci-dessus point 26).
Il convient toutefois de remarquer que, dans le cadre d'un recours en annulation
prévu à l'article 173 du traité, le juge communautaire se limite à un contrôle de
légalité de l'acte attaqué. En l'espèce, la décision litigieuse ne contient forcément
aucune appréciation de la nouvelle version de la clause d'interdiction de location,
dès lors que la modification du règlement de certification est intervenue
postérieurement à la date de la décision. La demande formulée par les parties
intervenantes à l'audience excède donc les limites de la compétence conférée par
le traité au Tribunal dans le cadre d'un recours en annulation et doit donc être
rejetée comme irrecevable.
Sur la troisième branche tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur
d'appréciation en considérant que le système de tarifs conseillés et de
compensation avait pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence au
sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 152.
- Les requérantes allèguent que la publication des tarifs conseillés ainsi que
l'élaboration des tarifs de compensation ne constituent pas non plus des restrictions
de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, puisque ces tarifs
n'étaient destinés qu'à servir de support objectif pour des négociations concrètes
et étaient dépourvus de toute force obligatoire. La situation sur le marché aurait
dès lors été identique si les tarifs conseillés et les estimations des coûts n'avaient
pas été publiés. En effet, tout opérateur sur le marché aurait été et serait resté
libre de déterminer de manière autonome sa politique commerciale (arrêt de la
Cour du 14 juillet 1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, point 13). Les requérantes
relèvent que les tarifs du marché étaient nettement inférieurs aux tarifs conseillés,
publiés par la FNK, et différaient selon l'entreprise, le client et la commande.
- 153.
- L'article 3, sous b), du règlement intérieur de la FNK, qui impose l'obligation de
pratiquer des tarifs acceptables au risque de se voir retirer la qualité de membre
sur la base de l'article 10 des statuts, n'impliquerait nullement que les affiliés de la
FNK étaient tenus d'appliquer les tarifs conseillés. D'ailleurs, aucun examen
individuel n'aurait été effectué durant toutes les années d'existence de la FNK afin
de vérifier si des tarifs acceptables étaient pratiqués et aucune affiliation n'aurait
été révoquée pour un motif de cet ordre. Les deux arrêts cités par la Commission
au point 20 des considérants de la décision litigieuse ne seraient pas pertinents.
L'arrêt de la Cour du 17 octobre 1972, Vereniging van
Cementhandelaren/Commission (8/72, Rec. p. 977) concernerait l'application de
tarifs «conseillés» dans le cadre d'un système obligatoire, absent en l'espèce,
prévoyant des sanctions rigoureuses en cas de non-respect et permettant ainsi à
tous les participants de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle serait
la politique de prix poursuivie par leurs concurrents. L'arrêt de la Cour du 27
janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission (45/85, Rec. p. 405) aurait
trait à une situation dans laquelle l'accord en cause avait pour objet d'influencer
la concurrence, alors qu'en l'espèce la publication des tarifs conseillés et des
estimations de coûts aurait un tout autre objet.
- 154.
- En ce qui concerne les tarifs de compensation, les requérantes ne nient pas que la
FNK a, de manière incidente, accompli des tâches de secrétariat dans le cadre de
la concertation sur ces prix. Les requérantes estiment toutefois que la participation
de la FNK à l'élaboration des tarifs de compensation était si marginale qu'elle ne
peut pas en assumer la responsabilité. Dans la mesure où l'élaboration des tarifs
de compensation pourrait être attribuée à la FNK, celle-ci n'aurait en tout état de
cause eu aucune influence sur la situation concurrentielle du marché. Le marché,
caractérisé par le phénomène d'«overnight contracting» aurait en effet
automatiquement évolué vers une situation dans laquelle les participants quientretiennent des relations commerciales régulières, entraînant des prestations
identiques et réciproques, définissent des prix préétablis, auxquels ils se réfèrent
chaque fois qu'ils fournissent une prestation. La Commission aurait en outre omis
de démontrer le caractère contraignant des tarifs de compensation.
- 155.
- La Commission rétorque qu'il ressort des dispositions pertinentes du règlement
intérieur et du statut de la FNK que le caractère obligatoire des tarifs conseillés et
de compensation est la conséquence de l'obligation pour les membres de la FNK
de pratiquer des tarifs acceptables, dont la violation peut être sanctionnée par la
destitution de la qualité de membre [article 10, paragraphe 1, sous d), des statuts].
En outre, le phénomène d'«overnight contracting» rendrait probable que ces tarifs
conseillés servaient en fait de prix de référence.
Appréciation du Tribunal
- 156.
- Il convient d'abord de vérifier si la Commission a commis une erreur d'appréciation
en considérant que le système de tarifs conseillés et de compensation restreint la
concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité [a)]. Il y aura lieu
d'apprécier ensuite si l'infraction reprochée peut être imputée à la FNK [b)].
a) Le système des tarifs conseillés et des tarifs de compensation
- 157.
- Dans la décision litigieuse (points 20 et 21 des considérants), la Commission estime
en substance que les entreprises affiliées à la FNK étaient tenues de respecter les
tarifs proposés par celle-ci. Elle considère que, même si ces tarifs étaient des prix
indicatifs, ils auraient tout de même restreint la concurrence, parce qu'ils auraient
permis de prévoir avec un degré raisonnable de certitude la politique de prix des
concurrents.
- 158.
- Il convient de rappeler que l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité déclare
expressément incompatibles avec le marché commun les ententes qui consistent à
«fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres
conditions de transaction».
- 159.
- Il doit être constaté que, au cours de la période litigieuse, les membres de la FNK
étaient obligés, en vertu de l'article 3, sous b), du règlement intérieur de la FNK,
de pratiquer des prix «acceptables» et qu'en vertu de l'article 10, paragraphe 1,
sous d), des statuts un membre peut être radié de la FNK lorsqu'il enfreint le
règlement intérieur. Il a été confirmé par la FNK que les tarifs conseillés publiés
(applicables dans les relations avec les maîtres d'ouvrage) concrétisaient la notion
de tarif acceptable prévue à l'article 3, sous b), de son règlement intérieur (point
17 de la notification de la FNK). Il y a lieu d'admettre qu'il en est de même pour
les tarifs de compensation (applicables aux opérations de location entre membres
de la FNK) fixés au sein de la FNK, normalement sur une base régionale (voir ci-après point 167). En effet, il est difficile de concevoir que la FNK aurait accordé
sa collaboration à l'établissement de tarifs de compensation qui n'auraient pas été
des tarifs acceptables au sens de l'article 3, sous b), du règlement intérieur. Dès
lors, eu égard au fait que les tarifs conseillés et de compensation concrétisent la
notion de tarifs acceptables que les membres de la FNK sont tenus de pratiquer
en vertu de l'article 3, sous b), du règlement intérieur de la FNK, le système de
prix conseillés et de compensation était effectivement un système de prix imposés
aux membres de celle-ci.
- 160.
- Cette constatation est encore corroborée par le fait que, de l'aveu même des
requérantes, le système de tarifs de la FNK avait été établi pour remédier à une
situation d'instabilité du marché qui se serait traduite par un grand nombre de
faillites. Par ailleurs, différents comptes rendus des réunions des régions de la FNK,
qui ont été soumis au Tribunal à la suite de la mesure d'organisation de la
procédure ordonnée (voir ci-dessus point 31), soulignent le caractère contraignant
des tarifs conseillés et de compensation de la FNK. Ainsi, un des participants à la
réunion de la région Noord Holland du 17 février 1981 a fait remarquer «que
l'affiliation à la FNK entraîne le désavantage qu'on est tenu d'appliquer un tarif
convenu» (compte rendu, point 4). De même, il ressort du compte rendu de la
réunion de la région Noord Holland du 22 février 1982 (point 6) que le non-respect
des tarifs conseillés serait considéré comme une violation du règlement intérieur
de la FNK. Un des participants à cette réunion a ajouté que «des moyens
devraient être prévus pour sanctionner de telles violations du règlement par
l'imposition d'amendes» (voir, dans le même sens, compte rendu de la réunion de
la région Oost Nederland du 16 avril 1986, point 3).
- 161.
- Bien qu'aucun cas concret de sanctions prises à l'encontre de membres n'ayant pas
respecté l'entente sur les prix ne soit connu, le respect des tarifs faisait néanmoins
l'objet d'un contrôle. Ainsi, il ressort des comptes rendus des réunions des régions
de la FNK que des membres de celle-ci ont été rappelés à l'ordre. Par exemple,
le compte rendu de la réunion de la région West Brabant/Zeeland du 8 décembre
1980 (point 6) rapporte les propos suivants, échangés à la suite du non-respect des
tarifs convenus par M. Van Haarlem: «La région désapprouve l'action de M. Van
Haarlem et M. Van Haarlem admet qu'il aurait été préférable que celle-ci ne se
fût pas produite» (voir aussi compte rendu de la réunion de la région West
Brabant/Zeeland du 21 février 1980, point 7).
- 162.
- Par ailleurs, c'est précisément en vue de s'assurer du respect de ses tarifs conseillés
par ses membres que la FNK a donné son support à l'élaboration des tarifs de
compensation (voir ci-après points 165 à 170). En effet, une entreprise de location
de grues qui baisse sensiblement les prix fera l'objet d'une forte demande auprès
des maîtres d'ouvrage et se verra obligée de louer des grues supplémentaires
auprès de ses concurrents. L'intérêt de fixer des tarifs de compensation découlait
donc du fait qu'une entreprise de location de grues prendra nécessairement en
considération ces tarifs lorsqu'elle fixera son prix vis-à-vis du maître d'ouvrage, afin
d'éviter toute perte sur l'éventuelle prise en location de grues supplémentaires
(voir, par exemple, compte rendu de la réunion de la région Noord Holland du 22
février 1982, point 6: «Il est bon de convenir mutuellement de tarifs de
compensation, parce que ces tarifs auront tout de même un certain effet sur les
tarifs appliqués aux maîtres d'ouvrage. Si l'on sait en effet qu'une grue ne peut être
prise en location à un collègue qu'à un tarif déterminé, on redoublera de prudence
pour offrir aux maîtres d'ouvrage des prix largement inférieurs à ces tarifs de
compensation»; voir, dans le même sens, compte rendu de la réunion de la région
West Brabant/Zeeland du 5 octobre 1987, point 4; compte rendu de la réunion de
la région Oost Nederland du 10 octobre 1989, point 6; compte rendu de la réunion
de la région Midden Nederland du 21 février 1990, point 4; compte rendu de la
réunion des membres de la FNK qui exploitent des grues à chenilles du 24 août
1989, point 2). Ainsi, pour reprendre les termes utilisés par M. De Blank, directeur
de la FNK, les tarifs de compensation avaient une «fonction éducative» (compte
rendu de la réunion de la région West Brabant/Zeeland du 30 mai 1988, point 3).
- 163.
- Il doit être ajouté que, selon les éléments du dossier, le système de tarifs de la
FNK a eu pour objet de faire monter les tarifs sur le marché. La FNK elle-même
a fait valoir dans sa notification que ses tarifs conseillés étaient supérieurs au prix
du marché (point 18 de la notification). La fixation des tarifs de compensation en
fonction des prix conseillés a en soi produit des effets, à savoir une augmentation
des prix appliqués dans les relations avec les maîtres d'ouvrage (compte rendu de
la réunion de la région Zuid-Holland du 9 octobre 1990, point 7: les tarifs de
compensation ont une «force ascensionnelle vis-à-vis des prix du marché»; compte
rendu de la réunion de la région Noord Holland du 11 février 1987, point 5: «M.
De Blank observe que la région Noord a connu une intense concertation sur les
tarifs. Dans un premier temps par groupes et ensuite conjointement avec les trois
régions-provinces. Cela a certainement porté ses fruits»; compte rendu de la
réunion de la région Midden Nederland du 28 février 1991, point 4; compte rendu
de la réunion des membres de la FNK qui exploitent des grues à chenilles du 12
novembre 1991, point 3: «On a l'impression que les tarifs du marché eux aussi
augmentent du fait des accords sur les tarifs de compensation»).
- 164.
- Il résulte des considérations qui précèdent que le système de tarifs conseillés et de
compensation était un système de prix imposés qui permettait aux membres de la
FNK, même si certains parmi eux ne respectaient pas toujours les prix fixés, de
prévoir avec un degré raisonnable de certitude la politique de prix poursuivie par
les autres membres de l'association. Il est, de plus, établi qu'il avait pour objet
l'augmentation des prix sur le marché. C'est donc à juste titre que la Commission
a constaté que ce système restreignait la concurrence au sens de l'article 85,
paragraphe 1, du traité (arrêts Vereniging van Cementhandelaren/Commission,
précité, points 19 et 21, et Verband der Sachversicherer/Commission, précité, point
41).
b) La responsabilité de la FNK dans la fixation des tarifs de compensation
- 165.
- Les requérantes estiment que la FNK ne peut pas être tenue responsable pour
l'élaboration des tarifs de compensation. Le rôle de la FNK dans la fixation des
tarifs de compensation n'aurait jamais dépassé des tâches incidentes de secrétariat.
Ces tarifs auraient été élaborés sur le plan local ou régional.
- 166.
- A cet égard, il convient de constater que, pour certaines catégories de grues, à
savoir les grues de plus de 150 tonnes et les grues à chenilles, des tarifs de
compensation ont été fixés à l'échelle du pays. Il ressort des comptes rendus
communiqués au Tribunal que les tarifs de compensation ont été fixés au cours de
réunions où tous les membres de la FNK qui exploitaient de telles grues étaient
représentés (voir compte rendu de la réunion des entreprises exploitant des grues
à chenilles du 15 février 1979, point 4). Les réunions se tenaient en principe au
siège de la FNK, en présence du directeur de la FNK, M. De Blank, et les comptes
rendus de ces réunions ont été rédigés sur du papier à en-tête de la FNK.
- 167.
- La fixation d'un tarif de compensation à un niveau national a été plutôt l'exception
que la règle. Toutefois, la direction de la FNK aurait bien voulu que des tarifs de
compensation pour les autres grues fussent aussi fixés à l'échelle du pays (voir
compte rendu de la réunion de la région Noord Holland du 4 septembre 1989,
point 5: «Ce que la direction souhaiterait le plus, c'est que l'on arrive à un seul
tarif de compensation pour tout le pays»). Toutefois, pour des raisons pratiques,
l'établissement de tarifs de compensation nationaux pour des grues autres que les
grues de plus de 150 tonnes et les grues à chenilles n'a pas pu être réalisé. La
direction de la FNK a ainsi considéré: «[...] le nombre d'entreprises qui exploitent
des grues entre 100 et 150 tonnes est trop important pour passer des accords à
l'échelle du pays. La direction a alors décidé qu'il fallait également élaborer des
accords pour ces grues au sein des régions [...]» (comptes rendus de la réunion de
la région West Brabant Zeeland du 15 octobre 1990, point 7; voir aussi compte
rendu de la réunion des entreprises exploitant des grues hydrauliques de plus de
150 tonnes, du 25 septembre 1990, point 6, et du 26 novembre 1991, point 6).
- 168.
- Il s'ensuit que la FNK elle-même décidait si un tarif de compensation devait être
fixé à un niveau national ou à un niveau régional.
- 169.
- En ce qui concerne ensuite l'implication de la FNK dans l'élaboration des tarifs de
compensation régionaux, il convient de remarquer que, aux termes mêmes des
statuts de la FNK, les régions constituent des divisions de la FNK (article 16 desstatuts), que les comptes rendus des réunions des régions ont été rédigés sur du
papier à en-tête de la FNK et que M. De Blank, directeur de la FNK, a participé
à toutes les réunions des régions dont le Tribunal a reçu le compte rendu et au
cours desquelles ont été discutés les tarifs de compensation. Par ailleurs, M. De
Blank a, à plusieurs reprises au cours de réunions régionales, informé les membres
de la région concernée des tarifs de compensation établis dans d'autres régions
(voir, par exemple, compte rendu de la réunion de la région West Brabant Zeeland
du 4 mars 1991, point 5; compte rendu de la réunion de la région Midden
Nederland du 28 février 1991, point 4; compte rendu de la réunion de la région
Noord Holland du 24 septembre 1990, point 7; compte rendu de la réunion de la
région Noord Nederland du 26 septembre 1988, point 5). Il a ainsi collaboré
activement à la fixation des tarifs de compensation dans certaines régions. Il ressort
de plus du compte rendu de la région Midden Nederland du 28 février 1991 (point
4) qu'une circulaire de la FNK relative aux tarifs de compensation a, dans certains
cas, conduit à une augmentation des prix.
- 170.
- Il ressort des constatations qui précèdent que la FNK a été impliquée d'une
manière active dans l'élaboration des tarifs de compensation, indépendamment de
la question de savoir s'ils ont été fixés pour tout le pays ou pour une ou certaines
régions. Même si la FNK, en tant qu'association, n'a pas fixé unilatéralement les
tarifs, mais a enregistré les tarifs de compensation qui ont été convenus entre les
entreprises de location de grues au cours de ses réunions (compte rendu de la
réunion de la direction de la FNK du 4 avril 1990, point 8), il n'en reste pas moins
que l'établissement des tarifs de compensation au sein d'une région ou au niveau
national correspondait à la volonté de la FNK de coordonner le comportement de
ses membres sur le marché (arrêt Verband der Sachversicherer/Commission,
précité, point 32).
- 171.
- Il s'ensuit que la Commission n'a pas commis une erreur d'appréciation en
imputant à la FNK, dans l'article 1er de la décision litigieuse, la responsabilité du
système des tarifs de compensation.
- 172.
- Il résulte de tout ce qui précède que la troisième branche du deuxième moyen doit
également être rejetée.
Sur la quatrième branche tirée d'une erreur d'appréciation de l'affectation du
commerce entre États membres
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 173.
- Les requérantes font valoir que les pratiques incriminées aux articles 1er et 3 de la
décision litigieuse ne sont pas de nature à affecter le commerce entre États
membres (arrêt de la Cour du 25 octobre 1979, Greenwich Film Production, 22/79,
Rec. p. 3275, point 11; arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991,
Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 222) . Selon elles, le marché
de location de grues mobiles se limiterait au territoire des Pays-Bas en raison de
sa mobilité réduite et du phénomène d'«overnight contracting», de sorte que le
commerce interétatique ne saurait être affecté de manière sensible (arrêt de la
Cour du 31 mai 1979, Hugin/Commission, 22/78, Rec. p. 1869). Le fait que deux
entreprises établies dans un autre État membre figurent parmi les plaignants ne
suffirait pas pour démontrer que le commerce interétatique est susceptible d'être
affecté par les pratiques litigieuses. En ce qui concerne la SCK en particulier, les
requérantes font savoir que le système de certification est ouvert aux entreprises
en provenance d'autres États membres d'une manière non discriminatoire, à
condition qu'elles remplissent les exigences du système de certification. Le système
stimulerait donc, par son ouverture, la pénétration des entreprises étrangères sur
le marché néerlandais. En ce qui concerne la FNK, les requérantes soulignent
qu'elle n'était qu'indirectement associée à la préparation de tarifs de compensation
qui étaient seulement applicables au niveau local ou régional. En outre, ces tarifs
auraient intéressé seulement les entreprises qui les avaient élaborés. Ils n'auraient
dès lors eu aucun effet sur le commerce interétatique dans le secteur des grues
mobiles.
- 174.
- La Commission rétorque que, même si les grues mobiles ne peuvent être déplacées
que dans un rayon de 50 km, il était tout à fait possible que les échanges entre
États membres fussent affectés dans les régions frontalières belges et allemandes.
Le fait que deux entreprises belges figurent parmi les plaignants révélerait que le
marché en cause n'est pas limité au territoire néerlandais.
Appréciation du Tribunal
- 175.
- Selon une jurisprudence constante, pour qu'un accord, une décision ou une
pratique concertée soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres,
ils doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit et de fait, permettre
d'envisager avec un degré de probabilité suffisant la possibilité d'exercer une
influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges
entre États membres et cela de manière à faire craindre qu'ils entravent la
réalisation d'un marché unique entre États membres (voir arrêts de la Cour du 29
octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec.
p. 3125, point 170, et du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P,
non encore publié au Recueil, point 20).
- 176.
- Les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le commerce interétatique n'est
pas susceptible d'être affecté par les pratiques visées par la décision litigieuse, eu
égard au fait que, dans le secteur de la location de grues mobiles, tout commerce
entre États membres serait exclu.
- 177.
- Il est en effet constant que les grues mobiles ont un rayon d'action d'environ
50 km. Un commerce interétatique peut donc se développer dans les régions
frontalières des Pays-Bas. Cette conclusion est corroborée par le fait que deux
entreprises belges situées près de la frontière néerlandaise figurent parmi les
entreprises qui ont déposé une plainte auprès de la Commission contre la SCK et
la FNK. Il serait surprenant de voir ces entreprises entreprendre une telle
démarche si elles ne disposaient d'aucune possibilité de se présenter sur le marché
néerlandais.
- 178.
- Les autres éléments invoqués par les requérantes ne mettent pas en cause la
possibilité d'un commerce interétatique, mais tendent à démontrer qu'il est exclu
que le commerce interétatique soit affecté d'une manière sensible par l'interdiction
de location et par le système de tarifs conseillés et de compensation.
- 179.
- A cet égard, il y a lieu de rappeler que des pratiques restrictives de la concurrence
s'étendant à l'ensemble du territoire d'un État membre ont, par leur nature même,
pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi
l'interpénétration économique voulue par le traité (arrêts Vereniging van
Cementhandelaren/Commission, précité, point 29, et Remia e.a./Commission,
précité, point 22; arrêt du Tribunal du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II-289, point 229).
- 180.
- En l'espèce, il n'est pas contesté que l'interdiction de location de la SCK ainsi que
les tarifs conseillés de la FNK s'appliquent sur l'ensemble du territoire néerlandais.
Il en est de même pour certains tarifs de compensation (voir ci-dessus point 166).
Dès lors, ces pratiques restrictives de concurrence (voir ci-dessus points 141 à 150,
et 157 à 164) affectent, par leur nature même, le commerce interétatique. Par
ailleurs, dans sa notification en vue d'obtenir une attestation négative ou une
exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité (voir ci-dessus point 7),
la SCK a elle-même admis que le règlement sur la certification d'entreprises de
location de grues pourrait affecter d'une manière négative les échanges entre États
membres (point 4.3 de la notification).
- 181.
- Quant à la question de savoir si les pratiques visées aux articles 1er et 3 de la
décision litigieuse sont de nature à affecter le commerce interétatique d'une
manière sensible, il convient de constater que, bien que les parties ne s'entendent
pas sur la part de marché exacte représentée par les affiliés de la FNK et les
entreprises certifiées par la SCK, les requérantes elles-mêmes ont reconnu que, en
1991, les entreprises certifiées par la SCK occupaient 37 % et les membres de la
FNK environ 40 % du marché néerlandais de la location de grues mobiles. Il y a
lieu d'admettre que, même si la part de marché des entreprises certifiées par la
SCK ou des membres de la FNK ne représentait «que» 37 ou 40 % du marché
néerlandais, les requérantes étaient d'une taille et d'une puissance économique
suffisamment importantes pour que leurs pratiques, visées par la décision litigieuse
(dont celles d'interdiction de location et de tarifs conseillés applicables sur
l'ensemble du territoire néerlandais), fussent susceptibles d'affecter d'une manière
sensible le commerce entre États membres (arrêt de la Cour du 1er février 1978,
Miller/Commission, 19/77, Rec. p. 131, point 10).
- 182.
- Il résulte de ce qui précède que la quatrième branche du deuxième moyen doit être
rejetée.
- 183.
- Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de
l'article 85, paragraphe 1, du traité doit être rejeté dans sa totalité.
Troisième moyen: violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 184.
- Les requérantes exposent, à titre subsidiaire, qu'en ne déclarant pas l'article 85,
paragraphe 1, inapplicable en l'espèce, la Commission a violé l'article 85,
paragraphe 3, du traité, puisque le système de certification de la SCK, la
publication des tarifs conseillés et des coûts estimés ainsi que la fixation des tarifs
de compensation auraient satisfait à toutes les conditions requises par cette
dernière disposition.
En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter l'interdiction de
location de la SCK
- 185.
- Les requérantes font valoir que le système de certification améliore la situation des
entreprises de location de grues mobiles, en ce qu'il contribue à la mise en place
d'un marché transparent sur lequel opèrent des entreprises qui satisfont à des
exigences de qualité supérieures aux conditions légales. Cette valeur ajoutée du
système de certification (voir ci-dessus point 128), renforcée par une politique de
contrôle beaucoup plus active que les contrôles légaux, bénéficierait en définitive
aux maîtres d'ouvrage. Ces derniers étant représentés au sein de la SCK, il serait
en outre évident qu'une part équitable du «profit» résultant du système de
certification serait réservée aux utilisateurs. Pour les raisons déjà indiquées ci-dessus (voir point 126), l'interdiction de location serait le seul moyen de préserver
la cohérence du système de certification dans les conditions spécifiques du marché
en cause, de sorte que cette restriction éventuelle de la concurrence serait
indispensable pour atteindre le but de la mise en oeuvre d'un système de
certification. Au lieu d'éliminer la concurrence, le système de certification la
renforcerait, en ce qu'il rendrait possible une concurrence aiguë entre des
entreprises certifiées sur les prix et d'autres conditions, en garantissant un niveau
de qualité élevé sur un marché transparent sans affecter en même temps la
possibilité de concurrence entre des entreprises certifiées et des entreprises qui ne
le sont pas.
- 186.
- La Commission rétorque qu'il ressort du point 37 des considérants de la décision
litigieuse que deux conditions sur quatre posées par l'article 85, paragraphe 3, du
traité n'étaient pas remplies. En ce qui concerne la condition de la contribution à
l'amélioration de la production ou de la distribution, il ne serait pas établi que le
système de certification comporte une valeur ajoutée. En tout état de cause, les
restrictions imposées aux entreprises affiliées et les inconvénients en résultant pourles entreprises non affiliées l'auraient emporté nettement sur les avantages
éventuels. La Commission estime en effet que la plupart des conditions de
certification d'une entreprise de location de grues sont des obligations légales
faisant l'objet de contrôles de plusieurs instances. En outre, elle conteste le fait
que, sur le plan procédural, la SCK mènerait une politique de contrôle plus active
que celle poursuivie par la Keboma. En ce qui concerne la condition du caractère
indispensable des restrictions imposées pour atteindre les objectifs visés par le
système de certification de la SCK, la Commission se réfère aux arguments
présentés au point 130 ci-dessus pour démontrer qu'une interdiction de location
n'était pas indispensable.
En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter le système de tarifs
conseillés et de compensation
- 187.
- Les requérantes estiment que la publication des tarifs conseillés et des estimations
de coûts remplissent également les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du
traité. Ainsi, il aurait été reconnu dans la pratique décisionnelle de la Commission
[voir la décision 93/174/CEE de la Commission, du 24 février 1993, relative à une
procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/34.494 Structures
tarifaires en transports combinés de marchandises) (JO L 73, p. 38, ci-après
«décision 93/174»), et le règlement (CEE) n° 3932/92 de la Commission, du 21
décembre 1992, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à
certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées dans le
domaine des assurances (JO L 398, p. 7, ci-après «règlement n° 3932/92»)] que
l'existence d'une structure tarifaire contribue à la transparence du marché et au
progrès économique dans le secteur concerné, en ce que les utilisateurs peuvent
mieux comparer les entreprises qui y opèrent. Les utilisateurs bénéficieraient, par
conséquent, d'une part équitable de ce profit. Une telle transparence du marché
ne pourrait être atteinte que par la publication de ces tarifs, de sorte qu'une
restriction de concurrence qui en découlerait serait indispensable. Enfin, cette
publication n'entraînerait pas d'élimination d'une partie substantielle de la
concurrence, puisque les tarifs publiés ne seraient pas obligatoires, laissant aux
parties opérant sur le marché la liberté d'y déroger et, par conséquent, la possibilité
de se faire concurrence.
- 188.
- Les tarifs de compensation devraient également bénéficier d'une exemption au titre
de l'article 85, paragraphe 3, du traité. La situation des loueurs de grues mobiles
serait comparable à celle des banques en ce qu'ils entreraient régulièrement dans
des relations bilatérales entre eux par la location. Puisque la Commission a déclaré
l'article 85, paragraphe 1, du traité inapplicable à un accord de tarification conclu
entre les banques pour des services qu'ils se prêtent réciproquement [décision
87/103/CEE de la Commission, du 12 décembre 1986, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.356 ABI) (JO L 43, p. 51, ci-après «décision 87/103»)], un traitement égal devrait être appliqué aux requérantes
pour l'établissement des tarifs de compensation. Ces tarifs comporteraient une
amélioration de la production en réalisant un gain d'efficacité puisqu'ils éviteraient
des négociations sur le prix chaque fois que des entreprises de location de grues
ont recours à la location d'une grue auprès d'une autre entreprise certifiée. Ce gain
d'efficacité bénéficierait en outre aux maîtres d'ouvrage, de sorte qu'une partie
équitable du profit reviendrait aux utilisateurs. Dans la mesure où ces tarifs
provoqueraient des restrictions de la concurrence, celles-ci seraient indispensables
pour la réalisation de ce gain d'efficacité. Enfin, la concurrence ne serait pas
éliminée pour une partie substantielle puisque, à l'occasion d'une transaction
particulière, il serait toujours loisible à toute partie ayant pris part à l'élaboration
des tarifs de compensation soit d'appliquer un autre prix, soit de renoncer à la
location.
- 189.
- La Commission se réfère au point 34 des considérants de la décision litigieuse. Elle
ajoute que la FNK ne peut s'appuyer sur la décision 93/174, parce que les
caractéristiques spécifiques de cette affaire sont absentes en l'espèce. En effet, les
tarifs conseillés concerneraient le prix total et non pas l'un ou l'autre élément de
prix, et le besoin de transparence sur le marché de la location de grues mobiles ne
serait pas aussi important que sur le marché en cause dans ladite décision. Enfin,
la FNK ne pourrait non plus se prévaloir de la décision sur les tarifs interbancaires
pour démontrer le caractère indispensable des tarifs de compensation. Plusieurs
éléments distingueraient la situation des entreprises de location de grues mobiles
de celle des banques: les banques se trouveraient dans une situation de partenariat
obligé, puisqu'elles doivent collaborer avec la banque choisie par leur client pour
effectuer un virement, alors que les entreprises de location de grues mobiles
choisiraient elles-mêmes leur sous-contractant; les banques seraient confrontées à
un nombre de transactions beaucoup plus important; enfin, les tarifs de
compensation seraient assortis de tarifs conseillés applicables aux maîtres
d'ouvrage, alors que la Commission n'aurait pas autorisé, dans la décision 87/103,
une concertation des banques sur les tarifs appliqués à leur clientèle.
Appréciation du Tribunal
- 190.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que le contrôle exercé par le Tribunal sur
les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans
l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 85, paragraphe 3, du
traité à l'égard de chacune des quatre conditions qu'il contient doit se limiter à la
vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de
l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et
de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et
Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, point 62; arrêts du Tribunal
CB et Europay/Commission, précité, point 109, du 15 juillet 1994, Matra
Hachette/Commission, T-17/93, Rec. p. II-595, point 104, et SPO e.a./Commission,
précité, point 288).
- 191.
- En l'espèce, le refus de la Commission d'exempter les règlements et statuts,
respectivement, de la FNK et de la SCK est fondé sur la constatation que deux des
quatre conditions prévues à l'article 85, paragraphe 3, du traité ne sont pas
remplies. Les quatre conditions pour bénéficier d'une exemption au titre de l'article
85, paragraphe 3, du traité étant cumulatives (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984,
VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 61, et arrêt SPO
e.a./Commission, précité, point 267), la Commission n'avait, en effet, aucune
obligation d'examiner chacune des conditions de l'article 85, paragraphe 3.
En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter l'interdiction de
location de la SCK
- 192.
- Il ressort du point 37 des considérants de la décision litigieuse que la Commission
a rejeté la demande d'exemption portant sur le système de certification de la SCK,
et notamment l'interdiction de location, après avoir constaté que les première et
troisième conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas remplies.
Ainsi, elle a considéré que le système de certification de la SCK n'apportait pas de
véritable valeur ajoutée, tant sur le fond que sur le plan de la procédure, par
rapport aux exigences légales. Le système ne contribuerait dès lors pas à améliorer
la production ou à promouvoir le progrès technique ou économique (première
condition de l'article 85, paragraphe 3, du traité). Par ailleurs, même si le système
de certification apportait des avantages qui l'emportaient sur les inconvénients qui
en résultent pour les entreprises non certifiées, l'interdiction de location n'aurait
pas été indispensable pour le fonctionnement du système (troisième condition de
l'article 85, paragraphe 3).
- 193.
- Les requérantes estiment que la Commission a violé les dispositions de l'article 85,
paragraphe 3, du traité. Le système de certification de la SCK aurait une valeur
ajoutée suffisamment importante pour justifier la prétendue restriction de la
concurrence résultant de l'interdiction de location. Ainsi, d'une part, la SCK
exercerait une politique de contrôle plus active des exigences légales que la
Keboma, qui est l'instance publique de contrôle des grues aux Pays-Bas, et, d'autre
part, le système de certification de la SCK poserait des conditions, tant sur le plan
technique que sur le plan de la gestion de l'entreprise, qui iraient au-delà des
conditions légales.
- 194.
- En ce qui concerne, tout d'abord, le prétendu contrôle plus efficace des exigences
légales effectué par la SCK (la prétendue valeur ajoutée procédurale), il doit être
rappelé qu'il appartient en principe aux autorités publiques et non à des
organismes privés d'assurer le respect des prescriptions légales (arrêt du Tribunal
du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 118). Une
exception à cette règle peut être tolérée lorsque les autorités publiques ont, de leur
propre gré, décidé d'attribuer le contrôle du respect des prescriptions légales à un
organisme privé. En l'espèce, toutefois, la SCK a établi un système de contrôle
parallèle au contrôle effectué par les instances publiques sans qu'il y ait eu un
quelconque transfert à la SCK des compétences de contrôle exercées par les
instances publiques. Par ailleurs, l'affirmation au point 37, deuxième alinéa, des
considérants de la décision litigieuse, selon laquelle «les entreprises qui ne
participent pas au système de certification de la SCK peuvent tout autant
démontrer qu'elles se conforment aux exigences légales», n'est pas sérieusement
contestée par les requérantes. Ainsi, il n'a pas été démontré que le contrôle des
exigences légales effectué par les instances publiques comportait des lacunes qui
auraient pu rendre nécessaire l'établissement d'un système de contrôle privé. Même
s'il était démontré que le contrôle des exigences légales effectué par la SCK est
plus efficace que le contrôle fait par les instances publiques néerlandaises, il n'en
reste pas moins que les requérantes n'ont nullement établi que le système de
contrôle légal était insuffisant. Il y a lieu de souligner que la SCK, créée en 1985,
n'a introduit que le 1er janvier 1991 la clause prévoyant l'interdiction de location
dans son règlement de certification. En réponse à une question posée par le
Tribunal au cours de l'audience, le conseil des requérantes a admis que la SCK
n'avait été saisie, avant l'introduction de l'interdiction de location, d'aucune plainte
de la part des maîtres d'ouvrage sur l'utilisation éventuelle, par une entreprise
certifiée, de grues louées auprès d'entreprises non certifiées, grues qui auraient
forcément fait uniquement l'objet des contrôles effectués par les instances
publiques. Dans ces conditions, la Commission était en droit d'estimer que «les
restrictions imposées aux entreprises affiliées et les inconvénients qui en résultent
pour les entreprises non affiliées l'emportent nettement sur les avantages éventuels
avancés par la SCK» (point 37, deuxième alinéa, des considérants de la décision
litigieuse). Dès lors, l'appréciation de la Commission selon laquelle la prétendue
valeur ajoutée procédurale du système de certification ne satisfaisait pas à la
première condition de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'était pas, en tout état
de cause, entachée d'une erreur manifeste.
- 195.
- En ce qui concerne, ensuite, la prétendue valeur ajoutée matérielle du système de
certification de la SCK découlant du fait que le système en question poserait des
conditions, tant sur le plan technique que sur le plan de la gestion de l'entreprise,
allant au-delà des conditions légales, la Commission a considéré, dans la décision
litigieuse: «[...] il n'est pas établi que le système de certification de la SCK serait
plus performant que les règles légales. Les obligations imposées aux entreprises
affiliées correspondent en gros aux prescriptions légales en vigueur [...]» (point 37,
premier alinéa, des considérants). Ainsi, la plupart des exigences de sécurité
imposées par la SCK seraient déjà imposées par la législation néerlandaise. Il en
irait de même pour «les conditions imposées par la SCK en dehors des questions
de sécurité, notamment celles qui se rapportent à l'impôt et aux cotisations sociales,à l'inscription auprès de la chambre de commerce, à l'assurance responsabilité
civile, à la solvabilité et à l'application des conventions collectives» (point 37,
troisième alinéa, des considérants). La Commission ajoute que «la SCK impose
également des obligations en matière de gestion de l'entreprise qui vont plus loin
que les dispositions légales, mais cela ne suffit pas pour justifier les restrictions de
la concurrence» (point 37, troisième alinéa, in fine, des considérants).
- 196.
- Il convient de relever que la légalité de la décision refusant le bénéfice d'une
exemption doit être appréciée à la lumière des éléments invoqués par les parties
dans la notification, tels que précisés au cours de la procédure administrative (voir,
par exemple, arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, Publishers
Association/Commission, C-360/92 P, Rec. p. I-23, points 39 à 41).
- 197.
- Dans sa notification, la SCK a expliqué que le système de certification impose trois
sortes d'obligations pour les entreprises: il s'agit (premièrement) d'exigences se
rapportant aux grues mobiles, (deuxièmement) d'obligations générales concernant
l'entreprise, et (troisièmement) d'exigences concernant le personnel de l'entreprise.
- 198.
- S'agissant de la première catégorie d'exigences, qui correspond aux «exigences de
sécurité» de la décision litigieuse, la SCK fait explicitement valoir dans sa
notification que ces obligations «s'appliquent également en vertu des dispositions
légales nationales» (point 26 de la notification). Il en est de même, selon elle, pour
les exigences concernant le personnel de l'entreprise. En effet, elle explique dans
sa notification: «[...] il s'agit [...] d'exigences qui sont déjà imposées par la loi. La
SCK cherche seulement à faire en sorte que les entreprises certifiées puissent
démontrer qu'elles satisfont à ces obligations légales» (point 28 de la notification).
- 199.
- Quant aux obligations générales concernant l'entreprise, la SCK explique dans sa
notification: «[elles] concernent les obligations fiscales, les obligations d'assurance
et la solvabilité. Ici également, les exigences sont déjà en grande partie imposées
aux entreprises par des lois nationales, la certification apportant une garantie
accrue que ces exigences légales sont effectivement respectées. Cela s'applique en
particulier aux exigences relatives au versement des impôts, à l'inscription au
registre de commerce et à l'obligation d'assurance» (point 27 de la notification).
La SCK ne mentionne dans sa notification que trois obligations extra-légales pour
les entreprises certifiées: une exigence de solvabilité et de liquidités minimales, une
obligation (entre-temps retirée) d'appliquer les conditions générales de la FNK et
une obligation de conclure une assurance de responsabilité civile.
- 200.
- En ce qui concerne la question de la prétendue valeur ajoutée du système de
certification concernée, il convient de constater que la SCK s'est concentrée dans
sa notification sur la nécessité d'un contrôle accru des exigences légales existantes
(valeur ajoutée procédurale) plutôt que sur une valeur ajoutée matérielle. En ce
qui concerne la valeur ajoutée matérielle, force est de constater que la Commission
a fidèlement repris dans la décision litigieuse (voir ci-dessus point 195) la thèse qui
avait été défendue par la SCK dans sa notification (voir ci-dessus points 198 et
199), à savoir celle selon laquelle les obligations imposées par le système de
certification de la SCK correspondent approximativement aux prescriptions légales
en vigueur. En principe, une telle constatation devrait suffire pour rejeter
l'allégation selon laquelle la Commission aurait commis une erreur manifeste
d'appréciation en considérant que le système de certification de la SCK n'offrait
pas une véritable valeur ajoutée matérielle par rapport aux exigences légales.
- 201.
- Toutefois, au cours de la procédure administrative, les requérantes ont accordé un
plus grand poids à la prétendue valeur ajoutée matérielle du système. Ainsi, dans
leur réponse à la communication des griefs du 16 décembre 1992, se référant à un
tableau joint en annexe 3 à cette réponse, elles ont soutenu que le système de
certification posait un nombre d'exigences de sécurité et de performance qui
n'étaient pas prévues par la loi néerlandaise (point 9 de la réponse à la
communication des griefs). Dans leur réponse à la communication des griefs du 21
octobre 1994, elles se sont référées au même tableau pour démontrer l'existence
d'une valeur ajoutée matérielle (point 32 de la réponse à la communication des
griefs; annexe 19 à la requête). Il convient d'observer que ce tableau comprend une
énumération des conditions posées par le système de certification avec indication,
au regard de chacune d'elles, de son caractère légal ou extra-légal. Une
présentation similaire a été faite aux points 101 à 118 de la requête.
- 202.
- En réalité, la thèse défendue par les requérantes dans leurs réponses à la
communication des griefs et dans leur requête est difficilement compatible avec la
description que la SCK avait faite des exigences du système de certification dans
sa notification (points 26 à 28 de la notification; voir ci-dessus points 198 et 199).La
valeur ajoutée d'un système de certification ne découle pas du simple fait qu'il
impose des obligations non prévues par la loi. En effet, le système de certification
de la SCK ne pourrait avoir une véritable valeur ajoutée que si les conditions
posées par ce système étaient aptes à réaliser l'objectif poursuivi, qui est d'offrir
la garantie d'une sécurité accrue aux maîtres d'ouvrage (voir, à cet égard, points
80 à 87 de la requête). Or, les requérantes ont omis d'expliquer pourquoi et dans
quelle mesure les conditions extra-légales auraient été aptes à la réalisation de cet
objectif. Dès lors, en se limitant, au cours de la procédure administrative et dans
leur requête à se concentrer sur la démonstration du caractère extra-légal de
plusieurs exigences du système de certification, en supposant ainsi que le système
produit une valeur ajoutée matérielle, elles ne parviennent pas à démontrer que
la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant,
d'une part, qu'«il n'est pas établi que le système de certification de la SCK serait
plus performant que les règles légales» (point 37, premier alinéa, des considérants
de la décision litigieuse) et, d'autre part, que les quelques conditions extra-légales
imposées ne suffisent «pas pour justifier les restrictions de la concurrence» (point
37, troisième alinéa, in fine).
- 203.
- Il s'ensuit que les requérantes n'ont pas établi que l'appréciation de la Commission,
selon laquelle le système de certification de la SCK et l'interdiction de location liée
à celle-ci ne remplissent pas la première des quatre conditions énoncées par
l'article 85, paragraphe 3, du traité, serait entachée d'une erreur manifeste (voir,
par exemple, arrêt Van Landewyck/Commission, précité, point 185). Eu égard au
caractère cumulatif des quatre conditions d'une exemption au titre de l'article 85,
paragraphe 3, du traité, il n'y a pas lieu d'examiner le point de savoir si la
Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation quant au caractère non
indispensable de l'interdiction de location dans le cadre du système de certification
de la SCK (voir, par exemple, ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO
e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 48; arrêt CB et
Europay/Commission, précité, points 110 et 115).
- 204.
- Il y a donc lieu de rejeter le moyen tiré d'une violation de l'article 85, paragraphe
3, du traité, pour autant qu'il porte sur l'interdiction de location.
En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter le système de tarifs
conseillés et de compensation
- 205.
- La Commission a fondé son refus d'octroyer une exemption pour le système de
tarifs conseillés et de compensation de la FNK sur la constatation selon laquelle les
deux premières conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas
remplies. Ainsi, elle a considéré au point 34 des considérants de la décision
litigieuse: «Il n'a pas été établi que l'obligation d'appliquer des tarifs 'acceptables,
indépendamment du prétendu objectif d'améliorer la transparence sur le marché,
contribue à améliorer le secteur de la location de grues tout en réservant aux
clients, en l'espèce les entreprises de location de grues de levage, une partie
équitable du profit qui en résulte. Au contraire, suivant [une] enquête sectorielle
indépendante [...], les tarifs conseillés et de compensation utilisés, qui étaient fixés
par la FNK afin de concrétiser la notion de tarif 'acceptable, étaient en général
supérieurs aux tarifs du marché. Les auteurs de l'enquête expliquent ce phénomène
notamment par le fait qu''il y a de la concurrence sur le marché.»
- 206.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que, dans le cas où une exemption est
sollicitée en vertu de l'article 85, paragraphe 3, du traité, il appartient aux
entreprises notifiantes de fournir à la Commission les éléments établissant que les
quatre conditions prévues par cette disposition sont réunies (arrêts VBVB et
VBBB/Commission, précité, point 52, et Matra Hachette/Commission, précité, point
104).
- 207.
- En ce qui concerne, tout d'abord, les tarifs de compensation, il convient de
constater que, dans le chapitre de sa notification relatif à l'article 85, paragraphe
3, du traité, la FNK a uniquement prétendu que ces tarifs n'éliminaient pas la
concurrence (point 25 de la notification). De même, dans ses réponses aux
communications des griefs du 16 décembre 1992 et du 21 octobre 1994, les
requérantes n'ont apporté aucun nouvel élément pour l'évaluation des tarifs de
compensation sous l'angle de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Bien que les
requérantes aient adopté au cours de la procédure administrative une approche
cadrant parfaitement avec leur logique selon laquelle la fixation des tarifs de
compensation était étrangère à la FNK (point 19 de la notification de la FNK),
elles n'ont présenté à la Commission aucun élément de conviction destiné à établir
que, pour ce qui concerne le système des tarifs de compensation, les trois
premières conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité étaient satisfaites. Dans
ces conditions, elles ne sauraient prétendre que la Commission a commis une
erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'«il n'[avait] pas été établi»
(point 34 des considérants de la décision litigieuse) que le système de tarifs de
compensation remplissait les deux premières conditions de l'article 85, paragraphe
3, du traité.
- 208.
- En ce qui concerne les tarifs conseillés de la FNK, les requérantes ont prétendu au
cours de la procédure devant le Tribunal qu'un tel système augmente la
transparence du marché. Les utilisateurs, c'est-à-dire les maîtres d'ouvrage,
bénéficieraient de cette transparence. Celle-ci simplifierait les comparaisons que
les utilisateurs peuvent faire entre les offres concurrentes. Les requérantes estiment
que les deux autres conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité sont
également satisfaites, en ce que les restrictions à la concurrence sont indispensables
pour atteindre ces objectifs et qu'il n'y a pas élimination d'une partie substantielle
de la concurrence.
- 209.
- Il convient de constater que, bien que la FNK ne se soit pas fondée dans sa
notification sur l'avantage d'une prétendue amélioration de la transparence du
marché pour justifier l'octroi d'une exemption (points 22 à 24 de la notification),
les requérantes ont tout de même fait valoir cet argument au cours de la procédure
administrative, et notamment dans leur réponse à la communication de griefs du
21 octobre 1994 (point 28 de cette réponse).
- 210.
- En fait, l'augmentation de la transparence du marché est inhérente à tout système
de tarifs conseillés fixés et publiés par une association représentant une partie
importante des entreprises opérant sur un certain marché. Dans ces conditions, la
démonstration d'une augmentation de la transparence du marché liée à un système
de tarifs conseillés ne suffit pas à établir que la première condition de l'article 85,paragraphe 3, du traité est remplie. Au demeurant, l'argumentation des requérantes
et l'appréciation de la Commission des tarifs conseillés au point 34 des considérants
de la décision litigieuse se situent sur des plans différents. En effet, la Commission
n'a jamais fait valoir que le système de tarifs conseillés n'augmentait pas la
transparence du marché. Elle a uniquement estimé que, «indépendamment du
prétendu objectif d'améliorer la transparence sur le marché», les deux premières
conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas remplies. A cet
égard, elle a estimé à juste titre, dans la décision litigieuse, que le respect des tarifs
conseillés s'imposait aux membres de la FNK (voir ci-dessus points 159 à 164) du
fait que ces tarifs concrétisaient la notion de tarif acceptable que les membres de
la FNK étaient tenus d'appliquer en vertu de l'article 3, sous b), du règlement
intérieur de celle-ci (point 20 des considérants de la décision litigieuse). Par ailleurs,
il n'est pas contesté que lesdits tarifs étaient bien supérieurs aux tarifs du marché
(point 34 des considérants de la décision litigieuse et point 18 de la notification de
la FNK).
- 211.
- Dès lors, après avoir constaté que les tarifs de la FNK étaient des tarifs imposés,
de surcroît supérieurs aux prix du marché, la Commission a considéré au point 34
des considérants de la décision litigieuse que, même si le système améliorait la
transparence point sur lequel elle ne devait pas se prononcer , les éventuels
avantages du système, à savoir l'amélioration de la transparence du marché, ne
pouvaient l'emporter sur l'atteinte à la concurrence liée à des prix imposés et, en
particulier, sur le désavantage certain résultant du système en ce qu'il avait pour
objet une augmentation des prix par rapport aux prix du marché. Dans ces
conditions, les requérantes, qui se sont contentées d'affirmer dans leur requête que
l'avantage du système de tarifs conseillés était d'accroître la transparence du
marché, ne démontrent pas que la Commission aurait commis une erreur manifeste
d'appréciation en considérant que, «indépendamment du prétendu objectif
d'améliorer la transparence» (point 34 des considérants de la décision litigieuse),
les deux premières conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité n'étaient pas
remplies.
- 212.
- Il résulte des considérations qui précèdent que le troisième moyen, tiré d'une
violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité, doit être rejeté dans sa totalité.
Quatrième moyen: violation des droits de la défense
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 213.
- Ce moyen comporte trois branches.
- 214.
- Dans la première branche, les requérantes font valoir que la Commission a violé
l'obligation imposée par l'article 6 de la CEDH de statuer dans un délai
raisonnable. Elles soutiennent que la longue durée de la procédure administrative
a été délibérément provoquée par la Commission, puisque celle-ci a reconnu
qu'elle n'avait pas considéré l'affaire comme prioritaire aux motifs qu'elle était
également pendante devant le juge néerlandais et que les infractions avaient cessé
dès le prononcé de l'ordonnance du 11 février 1992 de l'Arrondissementsrechtbank
te Utrecht. Cet état de choses n'aurait changé qu'à la suite du prononcé de l'arrêt
du Gerechtshof te Amsterdam du 9 juillet 1992, qui a permis à la SCK de rétablir
l'interdiction de location. Les requérantes rappellent en outre que, au cours de la
procédure administrative, la Commission leur a adressé deux communications des
griefs. Elles ajoutent que la dernière communication, notifiée 22 mois après la
première, ne contenait aucun changement dans l'appréciation de la Commission sur
les faits et leur qualification juridique. Une telle lenteur du processus décisionnel,
alors que les requérantes avaient insisté sur l'urgence en renonçant en octobre 1994
à leur droit à une audition, constituerait un abus grave de la procédure.
- 215.
- Dans la deuxième branche du moyen, les requérantes soutiennent que la
Commission a violé le même article de la CEDH en adoptant une décision sur la
base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17 sans les avoir entendues lors
d'une audition.
- 216.
- Enfin, dans la troisième branche, elles font valoir que la Commission a violé leurs
droits de la défense en refusant qu'elles prennent connaissance du dossier (voir ci-dessus point 24). La Commission ne pourrait prétendre qu'elles ont renoncé à leur
droit d'accès au dossier parce qu'elles ne s'en sont pas prévalu avant de répondre
à la communication des griefs (voir XIIème Rapport sur la politique de concurrence).
En outre, la position de la Commission serait disproportionnée, puisqu'elle priverait
la partie concernée de la possibilité de préparer au mieux sa défense au moment
de l'examen judiciaire de la décision de la Commission, sans que ressorte
clairement l'intérêt de la Commission qui serait ainsi servi. Enfin, les requérantes
ne demanderaient pas accès au seul «dossier» mais également aux notes internes
échangées dans cette affaire entre les DG III et IV du 18 novembre 1993 au 27
septembre 1994 (voir ci-dessus point 28). Bien que de telles notes ne soient en
principe pas accessibles, les requérantes prétendent qu'une exception à ce principe
serait justifiée, puisque ces notes pourraient servir à vérifier s'il existe, en l'espèce,
un détournement de pouvoir (conclusions de l'avocat général Vesterdorf sous
l'arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T-1/89, Rec.
p. II-867, 869 et 891).
- 217.
- La Commission se réfère, pour répondre à la première branche, à son mémoire en
défense dans l'affaire T-213/95. En ce qui concerne la deuxième branche, elle
rétorque que, en l'absence de tout texte légal prescrivant que les entreprises ou
associations concernées doivent être entendues oralement, et en l'absence de toute
circonstance de fait particulière qui aurait eu pour conséquence qu'en l'espèce
seule une audition aurait permis de garantir effectivement les droits de la défense,
elle n'était nullement tenue de consulter les requérantes oralement dans le cadre
d'une audition après les avoir déjà consultées par écrit. Quant à la troisième
branche, elle relève qu'il ressort de la jurisprudence que l'accès au dossier dans les
affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une
communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant
dans le dossier de la Commission afin qu'ils puissent se prononcer utilement, sur
la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue
dans sa communication des griefs (voir arrêt du Tribunal du 29 juin 1995,
Solvay/Commission, T-30/91, Rec. p. II-1775, point 59). Les requérantes n'auraient
pas exploité la possibilité de consulter le dossier de la Commission après la
notification de la communication des griefs, de sorte qu'il n'y aurait plus aucune
raison de leur accorder l'accès au dossier à un stade ultérieur de la procédure et
certainement pas après l'adoption de la décision litigieuse.
Appréciation du Tribunal
- 218.
- Les requérantes ont déjà invoqué, dans le cadre de l'affaire T-213/95, la première
branche du présent moyen tirée d'une violation de l'obligation imposée par l'article
6 de la CEDH de statuer dans un délai raisonnable. Cette branche doit être rejetée
pour les motifs exposés au points 53 à 70 ci-dessus.
- 219.
- En ce qui concerne la deuxième branche tirée de ce que les requérantes auraient
dû être entendues avant l'adoption par la Commission de sa décision du 13 avril
1994 au titre de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17, il y a lieu d'observer
que, même si le droit communautaire avait obligé la Commission à entendre
oralement les intéressées avant l'adoption d'une telle décision, le non-respect de
cette obligation aurait uniquement affecté la légalité de la décision de la
Commission du 13 avril 1994, et non de la décision litigieuse, qui seule fait l'objet
d'un contrôle de légalité en l'espèce. Or, il n'est pas contesté que les requérantes
ont renoncé, dans leur réponse à la communication des griefs du 21 octobre 1994,
à l'organisation d'une audition avant l'adoption de la décision litigieuse. La
deuxième branche du moyen doit donc également être rejetée.
- 220.
- En ce qui concerne la dernière branche tirée du refus de la Commission d'accorder
l'accès au dossier, il sera relevé que les requérantes n'ont formulé une demande à
cet égard qu'après l'adoption de la décision litigieuse. Par conséquent, la légalité
de cette dernière ne peut en aucun cas être affectée par le refus de la Commission
d'accorder l'accès demandé (voir arrêt du Tribunal du 6 avril 1995,
Baustahlgewebe/Commission, T-145/89, Rec. p. II-987, point 30). Par ailleurs, les
requérantes n'ont invoqué aucun indice de nature à démontrer que le dossier
pourrait comporter des éléments à leur décharge. Elles n'ont pas non plus soutenu
qu'elles n'ont pas eu accès à toutes les pièces à charge. De même, en ce qui
concerne les échanges de vues entre les DG III et IV, elles ne prétendent pas que
ces notes internes, en principe non accessibles aux tiers (arrêt du Tribunal du 17
décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T-7/89, Rec. p. II-1711, point 54;
arrêt de la Cour du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission,
C-310/93 P, Rec. p. I-865, point 25), pourraient être à leur décharge. Elles
soutiennent que ces notes pourraient servir à vérifier s'il existe, en l'espèce, un
détournement de pouvoir. Or, dans leur requête, elles n'ont même pas cru
nécessaire de formuler un moyen tiré d'un détournement de pouvoir pour
démontrer l'illégalité de la décision litigieuse.
- 221.
- Dans ces conditions, la troisième branche du moyen doit également être rejetée.
- 222.
- Pour les mêmes motifs, la demande des requérantes tendant à l'adoption de
mesures d'instruction ou de mesures d'organisation de la procédure du 9 juillet
1996 (voir ci-dessus point 28) ne peut pas être accueillie.
- 223.
- Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen, tiré d'une violation des droits
de la défense, doit être rejeté dans sa totalité.
Cinquième moyen: violation de l'article 190 du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 224.
- Les requérantes font valoir que la Commission a violé l'article 190 du traité. En
l'espèce, elle aurait été tenue de respecter une obligation de motivation accrue en
raison du fait qu'elle était confrontée pour la première fois au problème de la
conformité d'un système de certification aux règles de concurrence
communautaires. Elle n'aurait pas non plus pris en considération les remarques des
requérantes exprimées au cours de la procédure administrative. Les requérantes
estiment en particulier que la Commission n'a pas suffisamment motivé les points
suivants: la qualification de la SCK d'entreprise au sens de l'article 85, paragraphe
1, du traité ainsi que le fait que les pratiques critiquées de la SCK et de la FNK
restreignaient la concurrence et affectaient les échanges entre États membres.
- 225.
- La Commission ne répond pas spécifiquement à ce moyen.
Appréciation du Tribunal
- 226.
- Selon une jurisprudence constante, l'obligation de motiver une décision individuelle
a pour but de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si cette
décision est bien fondée ou si elle est, éventuellement, entachée d'un vice
permettant d'en contester la validité et de permettre au juge communautaire
d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision. La portée de cette obligation
dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté
(voir, notamment, arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission,
C-350/88, Rec. p. I-395, point 15; arrêt du Tribunal du 12 juin 1997, Tiercé
Ladbroke/Commission, T-504/93, non encore publié au Recueil, point 149). Ainsi,il incombe à la Commission de développer son raisonnement d'une manière
explicite lorsqu'elle prend dans le cadre de sa pratique décisionnelle une décision
qui va sensiblement plus loin que les décisions précédentes (arrêt de la Cour du 26
novembre 1975, Papier Peints/Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 31).
- 227.
- En ce qui concerne d'abord la prétendue nécessité d'une motivation accrue en
l'espèce, il convient de constater que la Commission, bien qu'elle ne se prononce
dans le dispositif de la décision litigieuse que sur l'interdiction de location et le
système des tarifs conseillés et de compensation, a néanmoins indiqué à quels
critères un système de certification doit satisfaire ouverture, indépendance,
transparence et acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes pour
pouvoir être considéré comme compatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité
(point 23 des considérants de la décision litigieuse). Les requérantes ne sauraient
prétendre que, en ce qui concerne les infractions visées au dispositif de la décision
litigieuse (interdiction de location et système de tarifs conseillés et de
compensation), la décision va sensiblement plus loin que les décisions précédentes
de la Commission. En tout état de cause, la Commission a exposé d'une manière
détaillée, dans la décision litigieuse, pourquoi le système de tarifs conseillés et de
compensation et l'interdiction de location constituaient des infractions à l'article 85,
paragraphe 1, du traité (points 20 à 31 des considérants) et pourquoi ces pratiques
ne pouvaient pas bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3,
du traité (points 32 à 39). De même, elle a exposé d'une manière suffisante les
motifs pour lesquels elle considère la SCK comme une entreprise au sens de
l'article 85, paragraphe 1, du traité (point 17).
- 228.
- Quant à l'argument selon lequel la Commission aurait dû prendre en considération
les remarques des requérantes exprimées au cours de la procédure administrative,
il y a lieu de rappeler que, si la Commission est tenue, en vertu de l'article 190 du
traité, de mentionner les éléments de fait dont dépend la justification de la décision
et les considérations juridiques qui l'ont amenée à prendre celle-ci, cette disposition
n'exige pas qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés au
cours de la procédure administrative (arrêts BAT et Reynolds/Commission, précité,
point 72, et Tiercé Ladbroke/Commission, précité, point 150). En outre, il ne
ressort d'aucun élément du dossier que la Commission aurait omis de prendre en
considération un élément essentiel qui avait été soulevé pendant la procédure
administrative (voir arrêt Publishers Association/Commission, précité, points 41 et
42).
- 229.
- Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation de l'article 190 du traité n'est pas
fondé.
- 230.
- Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions en annulation de la
décision litigieuse doivent être rejetées.
3. Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'annulation ou à la réduction des
amendes
- 231.
- Les requérantes invoquent trois moyens au soutien de leurs conclusions subsidiaires
tendant à l'annulation ou à la réduction des amendes. Le premier est tiré d'une
violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, le deuxième d'une
violation du principe de proportionnalité et le troisième d'une violation de l'article
190 du traité.
Premier moyen: violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 232.
- Les requérantes prétendent que l'imposition d'une amende n'était pas justifiée.
Elles estiment que la constatation, faite au point 44 des considérants de la décision
litigieuse, selon laquelle «la FNK et la SCK ne peuvent avoir ignoré que les
pratiques commerciales incriminées avaient pour objet ou du moins pour effet de
restreindre la concurrence» n'est pas exacte.
- 233.
- La SCK ne pourrait pas être censée connaître l'objet ou du moins l'effet
anticoncurrentiel de l'interdiction de location, d'une part, parce qu'il était reconnu
par le conseil de la certification que cette interdiction constituait le seul moyen de
préserver la cohérence du système de certification et, d'autre part, parce que la
Commission elle-même a reconnu, dans son mémoire en défense dans l'affaire
T-213/95, la complexité de cette affaire tant sur le plan conceptuel que sur le plan
de la politique de la concurrence. En tout état de cause, dans une décision
antérieure, la Commission aurait accepté que le fait qu'elle ne se soit jamais
prononcée auparavant sur un type particulier d'infraction est une raison suffisante
pour ne pas infliger d'amendes [décision 88/501/CEE de la Commission, du 26
juillet 1988, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité
CEE (IV/31.043 Tetra Pak I (licence BTG)) (JO L 272, p. 27, ci-après «décision
88/501»)].
- 234.
- En ce qui concerne la FNK, les requérantes se réfèrent, pour autant que les tarifs
conseillés sont en cause, à l'article 5 du règlement (CEE) n° 4087/88 de la
Commission, du 30 novembre 1988, concernant l'application de l'article 85,
paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de franchise (JO L 359, p. 46,
ci-après «règlement n° 4087/88»), et à l'article 1er, paragraphe 1, du règlement
(CEE) n° 1534/91 du Conseil, du 31 mai 1991, concernant l'application de l'article
85, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de
pratiques concertées dans le domaine des assurances (JO L 143, p. 1, ci-après
«règlement n° 1534/91»), ainsi qu'à l'arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Pronuptia
(161/84, Rec. p. 353), dont il ressortirait que la seule application de tarifs conseillés,
qui ne sont pas de nature obligatoire, ne devait pas être considérée comme
contraire au droit communautaire. Dans la mesure où l'élaboration des tarifs de
compensation pourrait être attribuée à la FNK, celle-ci aurait pu raisonnablement
ignorer que cette pratique constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du
traité, étant donné que la Commission avait déjà approuvé, à deux reprises, des
régimes de compensation identiques dans le secteur bancaire [décision 87/103 et
décision 89/512/CEE de la Commission, du 19 juillet 1989, relative à une procédure
au titre de l'article 85 du traité CEE (IV/31.499 Banques néerlandaises)
(JO L 253, p. 1)].
- 235.
- La Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, pour qu'une
infraction puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il
n'est pas nécessaire que l'entreprise ait eu conscience d'enfreindre l'interdiction de
l'article 85. Il suffirait qu'elle n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour
objet de restreindre la concurrence (arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Belasco
e.a./Commission, 246/86, Rec. p. 2117, point 41). Une telle situation se serait
réalisée dans le chef des requérantes. En ce qui concerne particulièrement la FNK,
la Commission relève encore qu'elle ne saurait se prévaloir de l'arrêt Pronuptia,
précité, des règlements n°s 4087/88 et 1534/91 ou de la pratique décisionnelle de la
Commission dans le secteur bancaire, lesquels concernaient des régimes tarifaires
libres, alors que, en l'espèce, les tarifs conseillés et de compensation étaient
obligatoires et applicables aux clients.
Appréciation du Tribunal
- 236.
- Il résulte d'une jurisprudence constante que les infractions aux règles de la
concurrence susceptibles de faire l'objet d'une sanction sont celles commises de
propos délibéré ou par négligence et qu'il suffit, à cet égard, que leur auteur n'ait
pas pu ignorer que son comportement devrait entraîner une restriction de la
concurrence (voir l'arrêt du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop
Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 142, et la jurisprudence citée).
- 237.
- Les arguments de la SCK selon lesquels elle a ignoré que l'interdiction de location
constituait une restriction de la concurrence ne peuvent être accueillis. En premier
lieu, le dossier ne contient aucune pièce dans laquelle le conseil de la certification
aurait affirmé que l'interdiction de location constituait le seul moyen permettant
de satisfaire à la condition de cohérence du système de certification qui figure au
point 2.5 des critères d'agrément dudit conseil. Le rapport final du 22 avril 1992 du
conseil de la certification auquel se réfèrent les requérantes constate seulement que
la SCK ne respecte plus ce point après avoir retiré l'interdiction de location à la
suite de la décision en référé du juge national sans avoir prévu une solution
alternative [«Il est constaté que la SCK, donnant suite à la décision judiciaire, a
abrogé la disposition en question (interdiction de location), mais n'a pas encore
d'autre disposition qui puisse répondre à l'objectif sous-jacent: à savoir que,
lorsqu'il est recouru à des grues d'autres entreprises, il est certain que ces grues-là
aussi satisferont aux conditions. De la sorte, la SCK méconnaît la condition
énoncée au point 2.5 des critères d'agrément»].
- 238.
- En deuxième lieu, la reconnaissance par la Commission de la complexité de
l'affaire ne constitue pas non plus une justification de l'«ignorance» de la SCK. Il
est en effet inconcevable que la SCK ait pu considérer que l'interdiction de
location, qui constitue une atteinte à la liberté contractuelle des entreprises
certifiées et qui affecte la position des entreprises non certifiées, n'était pas
susceptible d'entraîner une restriction de la concurrence sur le marché et de poser
des problèmes sous l'angle du droit communautaire de la concurrence.
- 239.
- En troisième lieu, la décision de la Commission de ne pas imposer une amende
dans la décision 88/501 en raison de la nature relativement nouvelle des infractions
constatées n'octroie pas une «immunité» aux entreprises commettant des
infractions qui n'ont pas été sanctionnées antérieurement par la Commission. En
effet, c'est dans le cadre particulier de chaque affaire que la Commission, dans
l'exercice de son pouvoir d'appréciation, décide de l'opportunité d'infliger une
amende afin de sanctionner l'infraction constatée et de préserver l'efficacité du
droit de la concurrence. A cet égard, il convient de constater que les requérantes
n'ont pas pu ignorer les effets anticoncurrentiels d'une interdiction de location
appliquée dans le cadre d'un système de certification non ouvert et ne prévoyant
pas l'acceptation des garanties équivalentes offertes par d'autres systèmes.
- 240.
- En ce qui concerne la FNK, le système des tarifs conseillés et de compensation
revêtait un caractère obligatoire (voir ci-dessus points 159 à 164) et ce système
concernait non seulement les relations entre les membres de la FNK (tarifs de
compensation), mais également les relations entre ceux-ci et les maîtres d'ouvrage
(tarifs conseillés). Par ces caractéristiques, la présente affaire se distingue d'une
manière fondamentale des hypothèses analysées dans l'arrêt Pronuptia, précité,
dans le règlement n° 4087/88 et le règlement n° 1534/91 tel que mis en oeuvre par
le règlement n° 3932/92, et dans la pratique décisionnelle de la Commission dans
le secteur bancaire, auxquels se réfèrent les requérantes (voir ci-dessus point 234).
Il y a lieu d'ajouter que le système des tarifs conseillés et de compensation visait
à faire augmenter les prix sur le marché (voir ci-dessus points 163 et 164). Dans ces
circonstances, il est exclu que la FNK ait pu ignorer que son système de tarifs
conseillés et de compensation allait entraîner une restriction de la concurrence.
- 241.
- Il s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté.
Deuxième moyen: violation du principe de proportionnalité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 242.
- Les requérantes font valoir que les facteurs avancés par la Commission au point
45 des considérants de la décision litigieuse pour déterminer le montant de
l'amende ne sont pas pertinents. D'abord, le montant de l'amende ne serait pasproportionné par rapport à la prétendue perturbation du marché commun de la
location de grues. Ensuite, la Commission supposerait à tort des liens étroits entre
la SCK et la FNK qui, prises ensemble, ne représenteraient que 40 % des
entreprises actives sur le marché et n'occuperaient donc pas une partie importante
du marché de la location de grues. Enfin, la FNK aurait volontairement maintenu
la situation résultant de l'exécution de l'ordonnance du 11 février 1992, malgré son
annulation en appel le 9 juillet 1992. Une telle attitude, qui aurait justifié
qu'aucune amende ne fût imposée [décision 79/934/CEE de la Commission, du 5
septembre 1979, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité
CEE (IV/29.021 BP Kemi DDSF) (JO L 286, p. 32)], constituerait en tout état
de cause une raison suffisante pour une réduction substantielle de l'amende.
- 243.
- De surcroît, les montants des amendes seraient exorbitants, puisque la FNK et la
SCK ne disposeraient pas des moyens financiers pour s'en acquitter. Dans le cas
de la SCK, la courte durée de l'infraction [décision 75/75/CEE de la Commission,
du 19 décembre 1974, relative à une procédure d'application de l'article 86 du
traité CEE (IV/28.851 General Motors Continental) (JO L 29, p. 14)] ainsi que
le fait que la Commission n'avait jamais précisé l'application des règles de
concurrence aux systèmes de certification (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991,
AKZO/Commission, C-62/86, Rec. p. I-3359, point 163) seraient des circonstances
atténuantes justifiant une réduction de l'amende imposée. Dans le cas de la FNK,
la Commission n'aurait pas été en droit de prendre en considération les chiffres
d'affaires des membres de la FNK pour fixer l'amende, puisque la décision
litigieuse était adressée à l'association et non pas aux membres individuels. Enfin,
le dépassement par la Commission, pendant la procédure administrative, en
violation de l'article 6 de la CEDH, du délai raisonnable pour prendre une décision
devrait conduire à une réduction de l'amende infligée.
- 244.
- Dans leurs observations sur le mémoire en intervention, les requérantes se réfèrent
encore à la décision 96/438/CE de la Commission, du 5 juin 1996, relative à une
procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/34.983 FENEX)
(JO L 181, p. 28, ci-après décision «96/438»), dans laquelle la Commission n'a
infligé qu'une amende de 1 000 écus, alors que l'infraction réprimée aurait eu des
caractéristiques comparables à celles de l'infraction prétendument commise par la
FNK.
- 245.
- La Commission rétorque que les requérantes ne sauraient prétendre qu'une
perturbation du marché communautaire n'a pas eu lieu. Les deux requérantes,
prises ensemble, occuperaient une partie importante du marché néerlandais.
Ensuite, le système de tarifs conseillés et de compensation aurait existé depuis plus
de dix ans au moment où la FNK y a mis fin après l'ordonnance en référé du
président de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht du 11 février 1992. Quant au
montant des amendes, il ne serait pas exorbitant, puisque le chiffre d'affaires des
membres respectifs des requérantes s'élèverait à plus de 200 millions d'écus. Il
tiendrait compte de la durée relativement brève de l'infraction dans le chef de la
SCK. Enfin, aucune violation de l'article 6 de la CEDH n'aurait été commise.
Appréciation du Tribunal
- 246.
- Selon une jurisprudence constante, le montant de l'amende doit être gradué en
fonction des circonstances de la violation et de la gravité de l'infraction, et
l'appréciation de la gravité de l'infraction aux fins de la fixation du montant de
l'amende doit être effectuée en tenant compte notamment de la nature des
restrictions apportées à la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 14 juillet 1994,
Parker Pen/Commission, T-77/92, Rec. p. II-549, point 92).
- 247.
- Au point 45 des considérants de la décision litigieuse, la Commission a évalué la
gravité des infractions en vue de fixer le montant des amendes à imposer aux
requérantes. Elle a d'abord considéré que le système de tarifs de la FNK et
l'interdiction de location de la SCK «contrôlent ou limitent le marché néerlandais
de la location de grues de manière artificielle et faussent par conséquent le marché
commun de la location de grues». Ensuite, elle a tenu compte du fait que les
requérantes, «qui entretiennent entre [elles] des liens étroits, comprennent un
grand nombre d'entreprises qui occupent ensemble une partie importante du
marché de la location de grues» et qu'«elles n'ont renoncé à appliquer ces
limitations qu'après une injonction judiciaire en ce sens».
- 248.
- La pertinence de ces éléments d'appréciation de la gravité des infractions ne
pouvant faire l'objet d'aucun doute, il convient d'examiner l'exactitude matérielle
des constatations correspondantes.
- 249.
- Il a déjà été relevé que l'interdiction de location de la SCK et le système de tarifs
conseillés et de compensation de la FNK violaient l'article 85, paragraphe 1, du
traité. Il convient de rappeler à cet égard que l'interdiction de location liée à un
système de certification non totalement ouvert et ne prévoyant pas l'acceptation de
garanties équivalentes d'autres systèmes limitait les possibilités concurrentielles des
entreprises non certifiées et notamment des entreprises non néerlandaises. Par
ailleurs, le système de tarifs de la FNK limitait d'une manière substantielle la
concurrence entre les membres de cette association. Les pratiques litigieuses de la
FNK et de la SCK ont donc perturbé considérablement le marché commun de la
location de grues. En ce qui concerne les liens entre la FNK et la SCK, les
requérantes elles-mêmes affirment dans leur requête «qu'il y a à peu près autant
d'entreprises qui sont affiliées à la FNK et à la SCK et qu'il s'agit en grande partie
des mêmes». La Commission n'a pas non plus commis d'erreur en jugeant que les
membres de la FNK et les entreprises certifiées par la SCK représentent une partie
importante du marché de la location de grues. La Commission a estimé dans la
décision litigieuse que la FNK et la SCK représentaient 78 ou 51 % du marché
néerlandais de location de grues (point 6 des considérants). Le chiffre de 51 %
avait d'ailleurs été avancé par les requérantes elles-mêmes au cours de la
procédure administrative. Ainsi, au point 26 de leur réponse à la communication
des griefs du 21 octobre 1994, les requérantes, en contestant le chiffre de 75 %
avancé par la Commission, avaient affirmé que les membres de la FNK détenaient
ensemble, au 31 décembre 1993, 1 544 grues mobiles sur un total d'environ 3 000
grues mobiles dans le secteur de la location de grues, soit une part de marché de
51 %. Dans ces conditions, l'argumentation des requérantes selon laquelle la FNK
et la SCK, qui regroupent en substance les mêmes entreprises, n'occuperaient
«que» 40 % du marché néerlandais de location de grues doit être rejetée. En tout
état de cause, une part de marché de 40 % représente une partie importante du
marché néerlandais de la location de grues. Ensuite, la FNK ne saurait prétendre,
pour obtenir une annulation ou une réduction de l'amende, qu'elle a maintenu la
situation résultant de l'exécution de l'ordonnance du 11 février 1992, malgré son
annulation en appel le 9 juillet 1992. L'amende ne couvrant que la période allant
jusqu'au 6 février 1992 (point 46 des considérants de la décision litigieuse), la non-application par la FNK de son système de tarifs conseillés et de compensation
après le 11 février 1992 n'est, en effet, pas pertinent pour évaluer la gravité d'une
infraction pour la période antérieure au 6 février 1992.
- 250.
- S'agissant du moyen tiré d'une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH,
il doit être rappelé qu'il n'est pas fondé (voir ci-dessus points 53 à 70). L'argument
tendant à obtenir une réduction de l'amende en raison de la prétendue violation
du principe d'un délai raisonnable ne peut dès lors être lui-même retenu.
- 251.
- Les requérantes ne sauraient non plus tirer argument de la décision 96/438. En
effet, il ressort de cette décision que les tarifs proposés par FENEX étaient des
tarifs purement indicatifs. Il ne s'agissait donc pas d'un régime de tarifs qui, comme
en l'espèce, s'imposait aux membres de l'association en vertu d'une obligation de
respecter des tarifs acceptables (voir ci-dessus points 159 à 164). Par ailleurs, il est
constant que, contrairement à la FNK (ordonnance de référé du 11 février 1992 du
président de l'Arrondissementsrechtbank te Utrecht; voir ci-dessus point 8),
FENEX n'a pas été contrainte par une juridiction nationale ni par une autre
autorité publique à mettre fin à ses pratiques de diffusion de tarifs. En outre,
FENEX avait déjà cessé volontairement la diffusion des tarifs conseillés avant que
la Commission décidât d'ouvrir d'office, et non sur plainte, une procédure dirigée
contre elle.
- 252.
- Quant à la prétendue violation du principe de proportionnalité en ce qui concerne
le montant des amendes apprécié au regard des moyens financiers des requérantes,
il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'utilisation du terme
générique «infraction» à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en ce qu'il
couvre sans distinction les accords, les pratiques concertées et les décisions
d'associations d'entreprises, indique que les plafonds prévus par cette disposition
s'appliquent de la même manière aux accords et pratiques concertées, ainsi qu'aux
décisions d'associations d'entreprises. Il s'ensuit que le plafond de 10 % du chiffre
d'affaires doit être calculé par rapport au chiffre d'affaires réalisé par chacune des
entreprises parties auxdits accords et pratiques concertées ou par l'ensemble des
entreprises membres desdites associations d'entreprises, à tout le moins lorsque, en
vertu de ses règles internes, l'association peut engager ses membres. Le bien-fondé
de cette analyse est corroboré par le fait que l'influence qu'a pu exercer sur le
marché une association d'entreprises ne dépend pas de son propre «chiffre
d'affaires», qui ne révèle ni sa taille ni sa puissance économique, mais bien du
chiffre d'affaires de ses membres qui constitue une indication de sa taille et de sa
puissance économique (arrêts CB et Europay/Commission, précité, points 136 et
137, et SPO e.a./Commission, précité, point 385).
- 253.
- En l'espèce, il n'est pas contesté que la FNK est une association d'entreprises
(point 8 de la notification de la FNK). Par ailleurs, en vertu de l'article 6 de ses
statuts, l'association peut engager ses membres. Les requérantes ne sauraient donc
prétendre que la Commission n'était pas en droit de prendre en considération le
chiffre d'affaires des membres de la FNK pour la fixation du montant de l'amende
à imposer à cette association.
- 254.
- En ce qui concerne, toutefois, l'amende infligée à la SCK, il y a lieu de constater
que la Commission a correctement qualifié la SCK d'entreprise dans sa décision
litigieuse (point 17 des considérants) et non pas d'association d'entreprises. Dans
ces circonstances, la Commission n'était pas en droit de prendre en considération
le chiffre d'affaires des entreprises certifiées pour justifier le montant de l'amende.
Il ressort du compte annuel de la SCK de 1994 que son chiffre d'affaires s'élevait
à 608 231 HFL, soit l'équivalent d'environ 288 750 écus. Bien que la Commission
ait respecté le plafond de l'article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 17,
il apparaît que l'amende de 300 000 écus imposée à la SCK, qui dépasse la totalité
du chiffre d'affaires réalisé par celle-ci au cours de l'année précédant l'adoption de
la décision litigieuse, est disproportionnée.
- 255.
- Dans ces circonstances, le Tribunal estime, dans l'exercice de sa compétence de
pleine juridiction, qu'il est justifié de ramener à 100 000 écus le montant de cette
amende.
Troisième moyen: violation de l'article 190 du traité
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
- 256.
- Les requérantes font valoir que la Commission a motivé de manière lacunaire le
montant de l'amende (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Boehringer
Mannheim/Commission, 45/69, Rec. p. 769, 811, du 16 décembre 1975, Suiker Unie
e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73,
Rec. p. 1663, point 612, et du 7 juin 1983, Musique Diffusion française
e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, point 120).
- 257.
- La Commission se réfère aux points 45 et 46 des considérants de la décision
litigieuse.
Appréciation du Tribunal
- 258.
- Il y a lieu de rappeler que l'objet de l'obligation de motivation des décisions faisant
grief est de fournir aux intéressés les indications nécessaires pour savoir si elles sont
ou non bien fondées et de permettre au juge d'exercer son contrôle sur la légalité
de ces décisions (voir jurisprudence citée au point 226 ci-dessus et arrêt du
Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point
65).
- 259.
- Au point 44 des considérants de la décision litigieuse, la Commission a considéré
que les requérantes ne pouvaient avoir ignoré que les pratiques commerciales
incriminées avaient pour objet ou du moins pour effet de restreindre la
concurrence. Aux points 45 et 46, elle a évalué respectivement la gravité et la
durée des infractions en vue de fixer le montant de l'amende à imposer aux
requérantes. Ces deux derniers points ont fourni aux requérantes les indications
nécessaires pour savoir si les amendes qui leur ont été imposées étaient ou non
justifiées et ils permettent au Tribunal d'exercer son contrôle de légalité.
- 260.
- Le troisième moyen ne peut donc être accueilli.
- 261.
- Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions en annulation des
amendes doivent être rejetées, le montant de l'amende infligée à la SCK devant
seulement être réduit.
Sur les dépens
- 262.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie
qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, aux
termes du paragraphe 3 de ce même article, le Tribunal peut répartir les dépens
ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties
succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l'espèce, les requérantes
ont succombé sur l'ensemble de leurs conclusions dans l'affaire T-213/95, sur leurs
conclusions principales et sur l'essentiel de leurs conclusions subsidiaires dans
l'affaire T-18/96. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application de
l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure. Les requérantes seront dès
lors condamnées à supporter les dépens de la partie défenderesse, y compris ceux
relatifs aux procédures en référé. Elles supporteront en outre les dépens des parties
intervenantes.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) Les affaires T-213/95 et T-18/96 sont jointes aux fins de l'arrêt.
2) Le montant de l'amende infligée à la Stichting Certificatie
Kraanverhuurbedrijf à l'article 5, paragraphe 2, de la décision 95/551/CE
de la Commission, du 29 novembre 1995, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CE (IV/34.179, 34.202, 34.216
Stichting Certificatie Kraanverhuurbedrijf et Federatie van Nederlandse
Kraanverhuurbedrijven), est ramené à 100 000 écus.
3) Les recours sont rejetés pour le surplus.
4) Les parties requérantes supporteront leurs propres dépens et les dépens
exposés par la Commission, y compris ceux relatifs aux procédures en
référé. Elles supporteront également les dépens des parties intervenantes.
Lenaerts Lindh Azizi
Cooke Jaeger
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 octobre 1997.
Le greffier
Le président
H. Jung
P. Lindh
Table des matières
Faits à l'origine des recours et procédure
II - 3
Conclusions des parties
II - 9
Sur le recours en indemnité (affaire T-213/95)
II - 10
1. Sur le comportement prétendument illégal de la Commission
II - 10
Premier moyen: violation de l'article 6 de la CEDH
II - 10
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 10
Appréciation du Tribunal
II - 13
Deuxième moyen: violation du principe de sécurité juridique
II - 18
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 18
Appréciation du Tribunal
II - 19
Troisième moyen: violation du principe de protection de la confiance légitime
II - 19
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 19
Appréciation du Tribunal
II - 20
Quatrième moyen: violation du droit d'être entendu
II - 21
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 21
Appréciation du Tribunal
II - 21
2. Sur le lien de causalité
II - 22
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 22
Appréciation du Tribunal
II - 23
Sur le recours en constatation d'inexistence ou en annulation de la décision 95/551 (affaire
T-18/96)
II - 24
1. Sur les conclusions tendant à la constatation d'inexistence de la décision
litigieuse
II - 24
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 24
Appréciation du Tribunal
II - 25
2. Sur les conclusions en annulation de la décision litigieuse
II - 26
Premier moyen: violation des articles 3, 4, 6 et 9 du règlement n° 17
II - 26
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 26
Appréciation du Tribunal
II - 27
Deuxième moyen: violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité
II - 27
Sur la première branche tirée d'une erreur consistant à qualifier la SCK
d'entreprise au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité
II - 27
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 27
Appréciation du Tribunal
II - 28
Sur la deuxième branche tirée, d'une part, d'une erreur de droit portant sur
la référence aux critères de transparence, d'ouverture, d'indépendance et
d'acceptation de garanties équivalentes d'autres systèmes dans
l'appréciation de la compatibilité d'un système de certification avec
l'article 85, paragraphe 1, du traité et, d'autre part, d'une erreur
d'appréciation commise par la Commission lorsqu'elle a considéré que
l'interdiction de location avait pour objet ou pour effet une restriction
de la concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité
II - 29
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 29
Appréciation du Tribunal
II - 31
Sur la troisième branche tirée de ce que la Commission aurait commis une
erreur d'appréciation en considérant que le système de tarifs conseillés
et de compensation avait pour objet ou pour effet une restriction de la
concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité
II - 37
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 37
Appréciation du Tribunal
II - 38
a) Le système des tarifs conseillés et des tarifs de compensation
II - 38
b) La responsabilité de la FNK dans la fixation des tarifs de
compensation
II - 41
Sur la quatrième branche tirée d'une erreur d'appréciation de l'affectation
du commerce entre États membres
II - 43
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 43
Appréciation du Tribunal
II - 43
Troisième moyen: violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité
II - 45
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 45
En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter l'interdiction
de location de la SCK
II - 45
En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter le système
de tarifs conseillés et de compensation
II - 46
Appréciation du Tribunal
II - 48
En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter l'interdiction
de location de la SCK
II - 48
En ce qui concerne le refus de la Commission d'exempter le système
de tarifs conseillés et de compensation
II - 52
Quatrième moyen: violation des droits de la défense
II - 54
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 54
Appréciation du Tribunal
II - 56
Cinquième moyen: violation de l'article 190 du traité
II - 57
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 57
Appréciation du Tribunal
II - 57
3. Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'annulation ou à la réduction des
amendes
II - 59
Premier moyen: violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17
II - 59
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 59
Appréciation du Tribunal
II - 60
Deuxième moyen: violation du principe de proportionnalité
II - 62
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 62
Appréciation du Tribunal
II - 63
Troisième moyen: violation de l'article 190 du traité
II - 66
Exposé sommaire de l'argumentation des parties
II - 66
Appréciation du Tribunal
II - 66