Language of document : ECLI:EU:T:2008:588

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 décembre 2008 (*)

« Fonds social européen (FSE) – Réduction du concours financier – Article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 – Examen approprié du cas par la Commission – Recours en annulation »

Dans l’affaire T-154/06,

République italienne, représentée par M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mme M. Velardo, MM. L. Flynn et A. Weimar, puis par M. Flynn et Mme B. Kotschy, en qualité d’agents, assistés de MG. Faedo, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2006) 1171 de la Commission, du 23 mars 2006, portant réduction du concours financier octroyé par le Fonds social européen (FSE) pour un programme opérationnel dans la Région Sicile, s’inscrivant dans le cadre communautaire d’appui pour les interventions structurelles communautaires relevant de l’objectif n° 1 en Italie (période allant de 1994 à 1999),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mai 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 147, paragraphe 1, CE confie à la Commission l’administration du Fonds social européen (FSE) institué en vertu de l’article 146 CE.

2        Le cadre juridique régissant le FSE pour la période de programmation 1994-1999, pertinente en l’espèce, était constitué, en particulier, du règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9), modifié notamment par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5), et du règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1), modifié notamment par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20).

3        En ce qui concerne le contrôle financier des interventions financières du FSE, l’article 23, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 4253/88 disposait :

« 1. Afin de garantir le succès des actions menées par des promoteurs publics ou privés, les États membres prennent, lors de la mise en œuvre des actions, les mesures nécessaires pour :

–        vérifier régulièrement que les actions financées par la Communauté ont été menées correctement,

–        prévenir et poursuivre les irrégularités,

–        récupérer les fonds perdus à la suite d’un abus ou d’une négligence. Sauf si l’État membre et/ou l’intermédiaire et/ou le promoteur apportent la preuve que l’abus ou la négligence ne leur est pas imputable, l’État membre est subsidiairement responsable du remboursement des sommes indûment versées. Pour les subventions globales, l’intermédiaire peut, avec l’accord de l’État membre et de la Commission, recourir à une garantie bancaire ou à toute autre assurance couvrant ce risque.

Les États membres informent la Commission des mesures prises à cet effet et, en particulier, ils communiquent à la Commission la description des systèmes de contrôle et de gestion établis pour assurer la mise en œuvre efficace des actions. Ils informent la Commission régulièrement de l’évolution des poursuites administratives et judiciaires.

Les États membres tiennent à la disposition de la Commission tous les rapports nationaux appropriés concernant le contrôle des mesures prévues dans les programmes ou actions concernés.

Dès l’entrée en vigueur du présent règlement, la Commission arrête les modalités détaillées de mise en œuvre du présent paragraphe suivant les procédures visées au titre VIII et les communique pour information au Parlement européen.

2. Sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, et sans préjudice des dispositions de l’article 206 du traité et de toute inspection menée au titre de l’article 209, [sous] c), du traité, des fonctionnaires ou agents de la Commission peuvent contrôler sur place, notamment par sondage, les actions financées par les fonds structurels et les systèmes de gestion et de contrôle.

Avant d’effectuer un contrôle sur place, la Commission en informe l’État membre concerné, de manière à obtenir toute l’aide nécessaire. Le recours de la Commission à d’éventuels contrôles sur place sans préavis est régi par des accords passés en conformité avec les dispositions du règlement financier dans le cadre du partenariat. Des fonctionnaires ou agents de l’État membre peuvent participer aux contrôles.

La Commission peut demander à l’État membre concerné d’effectuer un contrôle sur place pour vérifier la régularité de la demande de paiement. Des fonctionnaires ou agents de la Commission peuvent participer aux contrôles et doivent le faire si l’État membre concerné le demande.

La Commission veille à ce que les contrôles qu’elle effectue soient réalisés de façon coordonnée de manière à éviter la répétition des contrôles pour le même sujet et dans la même période. L’État membre concerné et la Commission se transmettent sans délai toutes informations appropriées concernant les résultats des contrôles effectués. »

4        L’article 24 du règlement n° 4253/88, intitulé « Réduction, suspension et suppression du concours », disposait ce qui suit :

« 1. Si la réalisation d’une action ou d’une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autorités désignées par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2. Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission […] »

5        Par ailleurs, l’article 8 du règlement (CE) n° 2064/97 de la Commission, du 15 octobre 1997, arrêtant les modalités détaillées d’application du règlement nº 4253/88 en ce qui concerne le contrôle financier effectué par les États membres sur les opérations cofinancées par les fonds structurels (JO L 290, p. 1), disposait :

« 1. Au plus tard lors de la demande de versement du paiement final et lors de la présentation du certificat final des dépenses pour chaque forme d’intervention, les États membres font parvenir à la Commission une déclaration, dont un modèle indicatif est joint comme annexe II, établie par une personne ou un service indépendant dans ses fonctions du service d’exécution. La déclaration fait la synthèse des conclusions des contrôles effectués les années précédentes et se prononce sur la validité de la demande de versement du paiement final ainsi que sur la légalité et la régularité des opérations concernées par le certificat final des dépenses.

2. La déclaration visée au paragraphe 1 fait état des déficiences importantes constatées au niveau de la gestion ou du contrôle ainsi que de la fréquence élevée des irrégularités constatées, si ces déficiences et irrégularités empêchent de se prononcer positivement sur la validité de la demande de versement du paiement final et du certificat final des dépenses. La déclaration doit également, dans ces circonstances, estimer l’étendue du problème et évaluer son impact financier.

Dans un tel cas, la Commission peut faire effectuer un contrôle supplémentaire en vue d’identifier les irrégularités et d’en obtenir la correction dans un délai déterminé. »

 Antécédents du litige

 Décision d’octroi du concours

6        Par la décision C (95) 2194, du 28 septembre 1995, modifiée en dernier lieu par la décision C (2000) 2862, du 26 janvier 2001, la Commission a approuvé, en application des règlements n° 2052/88 et n° 4253/88, le programme opérationnel pour la Région Sicile (Italie), qui s’inscrivait dans le cadre communautaire d’appui pour les interventions structurelles communautaires relevant de l’objectif n° 1 en Italie et qui, pour les mesures cofinancées par le FSE, concernait la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1999. Ce programme était destiné à l’organisation de cours de formation professionnelle et prévoyait un cofinancement communautaire à la charge du FSE d’un montant de 420 910 000 euros. Des avances ont été accordées à ce titre pour un montant total de 381 232 121 euros.

 Demande de paiement du solde et pièces complémentaires

7        Par lettre du 28 mars 2003, reçue par la Commission le 31 mars 2003, la République italienne a présenté la demande de paiement du solde restant dû au titre du concours précité.

8        Conformément à l’article 8 du règlement n° 2064/97, la déclaration du service national indépendant chargé du contrôle financier de la réalisation du programme était jointe à cette demande de paiement (ci-après la « déclaration sur la régularité des dépenses »). En l’espèce, le service national indépendant était le Bureau spécial pour les contrôles de second niveau sur la gestion des fonds structurels en Sicile, créé auprès de la présidence de la Région Sicile (ci-après le « Bureau spécial »). La déclaration sur la régularité des dépenses faisait état d’irrégularités systématiques et non systématiques révélées par les contrôles pour un montant total de 115 022 914 244 lires italiennes (ITL) (soit 59 404 378 euros), comprenant à la fois la part de cofinancement du FSE et celle du budget italien.

9        Le 14 juillet 2003, la République italienne a complété sa demande de paiement en envoyant à la Commission un relevé informatique relatif à l’année 1999. Ce premier relevé déclarait des dépenses (FSE, national et privé) d’un montant de 150 471 673,70 euros, dont des dépenses à la charge du FSE pour un montant de 108 931 074,44 euros.

10      Le 30 décembre 2003, la République italienne a transmis à la Commission un nouveau relevé informatique qui lui avait été communiqué par la Région Sicile par note du 30 septembre 2003. Ce second relevé indiquait que le montant dû par le FSE pour l’année 1999 s’élevait à 111 642 156,62 euros. Les sommes demandées pour les annuités précédentes étaient également précisées et le montant de la demande de paiement s’élevait à 351 395 157 euros, soit un montant inférieur à la somme de 381 232 121 euros versée par le FSE au titre des avances (voir point 6 ci-dessus). Outre le second relevé informatique et en réponse à une demande faite en ce sens, la République italienne a également communiqué à la Commission la liste détaillée des projets pour lesquels était engagée la procédure de suspension au sens de l’article 52 du règlement (CE) n° 1260/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, portant dispositions générales sur les fonds structurels (JO L 161, p. 1) (ci‑après les « projets suspendus »).

 Mise en œuvre de la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88

11      Conformément au règlement n° 4253/88, et notamment à son article 24, qui prévoit la procédure à suivre en cas de réduction, de suspension ou de suppression du concours, la Commission a invité, par lettre du 1er décembre 2004, la République italienne et la Région Sicile à présenter leurs observations quant au montant final à récupérer et au montant à désengager dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre.

12      Dans cette demande d’observations, la Commission indiquait que, face à un concours total maximal du FSE prévu et engagé d’un montant de 420 910 000 euros et à des avances versées à hauteur de 381 232 121 euros, les autorités italiennes avaient fait état d’une « dépense éligible déclarée » (FSE et national) pour un total de 482 795 457 euros, à laquelle correspondait la partie du cofinancement du FSE de 351 395 157 euros. Selon la Commission, la partie du cofinancement du FSE « à la dépense éligible acceptée » s’élevait au montant de seulement 304 965 796 euros. En effet, au regard des montants déclarés par l’Italie, 46 429 361 euros n’étaient pas éligibles au cofinancement du FSE. En conséquence, une somme de 76 266 325 euros devait être récupérée, ce montant correspondant au résultat de la soustraction suivante : 381 232 121 euros ‑ 304 965 796 euros. En outre, devait être désengagée la somme de 39 677 879 euros, correspondant au résultat de la soustraction suivante : 420 910 000 euros ‑ 381 232 121 euros.

13      Pour arriver à la conclusion qu’un montant de 46 429 361 euros n’était pas éligible au cofinancement du FSE, la Commission a appliqué le taux de cofinancement prévu par le plan de financement annexé à la décision d’approbation du programme opérationnel au montant de 115 022 914 244 ITL (soit 59 404 378 euros) déclaré non admissible par l’État membre dans la déclaration sur la régularité des dépenses. Ensuite, la Commission a tenu compte du plafonnement par « mesure » prévu dans le plan de cofinancement. Le résultat de cette opération a ramené le cofinancement du FSE de 351 395 157 euros à 302 114 271 euros de dépense éligible acceptée. L’application du principe de flexibilité, prévu par la décision SEC (1999) 1316 de la Commission, du 9 septembre 1999, « Lignes d’orientation pour la clôture financière des interventions opérationnelles (1994-1999) des fonds structurels », a alors porté le cofinancement du FSE à la « dépense admissible acceptée » de 302 114 271 euros à 304 965 796 euros. Le résultat de ce calcul entraîne l’application d’une réduction globale de 46 429 361 euros à la déclaration de dépenses FSE de 351 395 157 euros présentée par l’État membre.

14      La République italienne n’a pas répondu à la lettre de la Commission du 1er décembre 2004 dans le délai de deux mois précisé dans cette lettre.

15      Par lettre du 31 janvier 2005, la Région Sicile a présenté à la Commission une demande de « prorogation appropriée du délai, d’une durée de quelques semaines, pour vérifier la possibilité de récupérer le montant faisant l’objet des griefs ». La justification apportée à cette demande de prorogation tenait au fait que les fonctionnaires de la Région Sicile attachés aux services compétents n’étaient pas les mêmes que ceux qui avaient traité la question du paiement en mars 2003.

16      Par lettre du 29 mars 2005, la Commission a informé la République italienne de ce qu’elle avait en réalité attendu plus de deux mois sans recevoir aucune réponse à sa lettre du 1er décembre 2004 et que le délai demandé par la Région Sicile dans sa lettre du 31 janvier 2005 était en tout état de cause dépassé. En conséquence, par cette lettre du 29 mars 2005, la Commission a indiqué à la République italienne qu’elle procédait à l’ouverture de la procédure de recouvrement de la somme de 76 266 325 euros et au désengagement du solde de 39 677 879 euros.

17      Par lettre du 6 mai 2005, la Région Sicile a indiqué à la Commission qu’elle n’avait pas présenté d’observations sur la lettre du 1er décembre 2004 parce qu’elle avait attendu une note formelle de la Commission lui accordant la prorogation de délai demandée dans sa lettre du 31 janvier 2005. La Région Sicile demandait également à la Commission de « revoir la décision relative à la clôture finale du programme 1994-1995 ». Elle informait la Commission du fait qu’elle avait demandé au Bureau spécial de modifier la déclaration sur la régularité des dépenses, au motif que la réduction du concours accepté avait été imputée sur les montants relevés dans cette déclaration (la réduction de 46 429 361 euros proposée par la Commission représentait, en effet, la part incombant au FSE dans le montant total de dépenses de 59 404 378 euros à l’égard duquel le Bureau spécial avait constaté des irrégularités). Dans la lettre du 6 mai 2005, la Région Sicile précisait enfin que le Bureau spécial avait manifesté sa disponibilité à cette fin.

18      Le 28 juillet 2005, une première réunion a été organisée à Bruxelles (Belgique) entre la Commission et la Région Sicile, représentée par le directeur général du département de la formation professionnelle. À cette occasion, la Région Sicile a informé la Commission de la possibilité d’aboutir à une révision de la déclaration sur la régularité des dépenses. Cette procédure a été ouverte par une note du 1er août 2005 adressée par le département de la formation professionnelle au Bureau spécial et à la Commission. Par lettre du 2 août 2005, le Bureau spécial a indiqué au département de la formation professionnelle et à la Commission qu’il était disposé à réviser cette déclaration « si de nouveaux éléments incontestables modifiant les documents produits à l’époque étaient mis en évidence et transmis ».

19      Par lettre du 4 août 2005, le département de la formation professionnelle de la Région Sicile a indiqué à la Commission qu’il avait relevé, dans le calcul des montants relatifs aux projets suspendus, une circonstance susceptible de lever les doutes existants au sujet de la fixation de la somme de 46 429 361 euros comme la partie non éligible au cofinancement du FSE. Selon le département de la formation professionnelle de la Région Sicile, les relevés informatiques envoyés par le ministère du Travail italien n’indiquaient pas correctement la différence entre la première et la deuxième demande de solde présentées par la Région Sicile (voir points 9 et 10 ci-dessus). Ainsi, bien que la Région Sicile ait indiqué, dans sa note du 30 septembre 2003, une différence de 35 043 529 euros par rapport à la demande de paiement du solde, le relevé informatique transmis par le ministère à la Commission le 30 décembre 2003 faisait état d’une différence de seulement 2 711 082,20 euros. Cela pourrait expliquer l’impossibilité de comprendre d’où venait l’indication d’un désengagement à hauteur de 46 429 361 euros. La lettre du 4 août 2005 rappelle que le Bureau spécial avait évalué, dans la déclaration sur la régularité des dépenses, le montant des erreurs systématiques à 80 850 752 069 ITL, soit en réalité une somme de 41 755 928,70 euros.

20      Par lettre du 13 septembre 2005, le ministère du Travail italien a communiqué à la Région Sicile et à la Commission une note relative à la question des projets suspendus, évoquée par la Région Sicile dans sa lettre du 4 août 2005. Tout en réduisant le montant des projets suspendus des 35 043 529 euros indiqués par la Région Sicile à 34 516 688,90 euros, le ministère convenait du fait que ce montant devait être imputé sur le solde de 1999 et que, par conséquent, « la demande de révision de la décision relative à la somme que la Commission reconna[issait] comme éligible, formée par la Région Sicile, appara[issait] justifiée ».

21      Par lettre du 15 septembre 2005, adressée à la Commission et au Bureau spécial, le département de la formation professionnelle de la Région Sicile a présenté ses propres conclusions sur les « erreurs systématiques » d’un montant de 41 755 928,70 euros relevées par le Bureau spécial dans sa déclaration sur la régularité des dépenses. Ces erreurs systématiques seraient dues au fait que les responsables des projets avaient effectué une « reddition de comptes unique au sujet des dépenses faites dans le cadre de financements régionaux (loi régionale n° 24/76) et de cofinancements du POP, ce qui avait rendu impossible l’individualisation des coûts pour chaque cours considéré séparément » (voir le tableau 4 joint à la déclaration sur la régularité des dépenses). Le département de la formation professionnelle a produit, en annexe de cette lettre du 15 septembre 2005, plusieurs notes de révision des projets de formation, considérés séparément. Dans sa lettre du 15 septembre 2005, le département de la formation professionnelle a conclu que « ces documents permettraient donc d’écarter l’hypothèse que les dépenses relatives à ces projets auraient été exclues de la déclaration prévue par l’article 8 du règlement n° 2064/97 ».

22      Par lettre du 26 septembre 2005, adressée à la Région Sicile et dont une copie a été transmise à la Commission, le Bureau spécial relève, en ce qui concerne les documents transmis par la Région Sicile « en vue d’une éventuelle révision des erreurs/irrégularités relevées par ce bureau à l’occasion de la déclaration en vertu de l’article 8 », que ces documents « ne comportent ni date ni signature du fonctionnaire chargé de vérifier l’éligibilité de la dépense ».

23      Par lettre du 10 octobre 2005, adressée au Bureau spécial et à la Commission, le département de la formation professionnelle de la Région Sicile a présenté d’autres documents relatifs aux erreurs systématiques relevées par le Bureau spécial dans la déclaration sur la régularité des dépenses. Ces documents et les notes de révision annexées à la lettre du 15 septembre 2005 devaient permettre de distinguer la part du coût de chacun des cours de formation professionnelle qui est à la charge du budget régional de la part imputable au FSE.

24      Le 17 octobre 2005, une seconde réunion a été organisée à Bruxelles entre la Commission et la Région Sicile, représentée par le directeur général du département de la formation professionnelle. À la suite de cette réunion, la Commission a envoyé au département de la formation professionnelle de la Région Sicile et au ministère du Travail italien une lettre en date du 19 octobre 2005, dans laquelle elle précisait que « les montants indiqués dans les différents documents officiels présent[aient] d’évidentes incohérences » ; qu’elle prorogeait jusqu’au 31 décembre 2005 le délai pour produire des observations au sujet de sa lettre du 1er décembre 2004 et qu’il convenait, dans la présentation de ces observations, de faire référence aux données financières annexées à cette lettre « ainsi qu’à la vérification de la cohérence entre les données certifiées par l’État membre et l’annexe financière de la dernière décision de reprogrammation C (2000) 2862, du 26 janvier 2001 ». La Commission indiquait également que, « en l’absence d’observations substantielles transmises dans le délai indiqué ci-dessus, [elle procéderait] selon les modalités spécifiées au dernier paragraphe de [la lettre du 1er décembre 2004] à la réduction du concours, conformément à l’article 24 du règlement n° 4253/88.

25      Par lettre du 29 décembre 2005, communiquée pour information à la Commission, le département de la formation professionnelle de la Région Sicile a demandé au ministère du Travail italien d’organiser « une réunion dans les locaux du ministère au début du mois de janvier prochain afin de vérifier l’exactitude des données et de transmettre formellement la demande de solde final, en tenant compte naturellement des réductions effectuées par le Bureau spécial […] ». Cette lettre exposait également :

« [L]e département soussigné, vu les remarques formulées par la DG ‘Emploi’ dans sa note du 1er décembre 2004, prenant en considération le plan financier approuvé par la dernière décision du 26 janvier 2001, C (2000) 2862, ainsi que les demandes de versement du solde présentées pour les années 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998 – demandes relatives à des projets pour lesquels les comptes avaient été vérifiés, comme le démontre, du reste, la reprogrammation approuvée par les comités de surveillance au cours des années en question –, a rédigé une nouvelle demande de paiement du solde final. Les montants sont ceux qui sont indiqués en lires, auxquels les taux de change sont appliqués comme nous l’indiquons ci-dessous.

Année                                     Demande

1994                                                   0

1995                                                   39 607 533 910

1996                                                   200 399 335 718

1997                                                   139 612 881 016

1998                                                   255 047 032 356

1999                                                   En cours de vérification. »

26      Aucune réponse de la République italienne n’est parvenue à la Commission avant le 31 décembre 2005, c’est-à-dire avant le délai ultime fixé dans la lettre de la Commission du 19 octobre 2005. La République italienne n’a pas non plus répondu à la communication de la Région Sicile datée du 29 décembre 2005.

 Décision attaquée

27      Dans ce contexte, la Commission a adopté, le 23 mars 2006, la décision C (2006) 1171, portant réduction du concours financier octroyé par le FSE pour un programme opérationnel dans la Région Sicile, s’inscrivant dans le cadre communautaire d’appui pour les interventions structurelles relevant de l’objectif nº 1 en Italie (période allant de 1994 à 1999) (ci-après la « décision attaquée »).

28      Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que, compte tenu des irrégularités relevées, les dépenses considérées comme éligibles s’élevaient à un montant de 304 965 796 euros, au lieu des 420 910 000 euros accordés initialement, et qu’il y avait donc lieu de réduire le concours du FSE d’un montant de 115 944 204 euros.

29      En conséquence, la Commission a décidé, d’une part, de ne pas verser le solde restant dû (d’un montant de 39 677 879 euros) et, d’autre part, de solliciter le remboursement de la somme de 76 266 325 euros, correspondant à la différence entre les avances de 381 232 121 euros déjà versées et le concours du FSE aux dépenses éligibles acceptées à hauteur de 304 965 796 euros.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2006, la République italienne a introduit le présent recours.

31      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

32      Par lettre en date du 28 avril 2008, la Commission a communiqué au Tribunal plusieurs observations sur le cadre factuel exposé dans le rapport d’audience. Ces observations portaient essentiellement sur les dépenses relatives aux projets suspendus déclarées lors de la procédure administrative, et notamment sur la question de savoir si le relevé informatique du 30 décembre 2003 incorporait ou non les dépenses relatives aux projets suspendus. Lesdites observations ont été contestées par la République italienne dans ses observations en date du 21 mai 2008 au motif que les observations de la Commission étaient tardives et contredisaient le contenu dudit relevé, de la lettre de couverture et de la note de la Région Sicile du 30 septembre 2003.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 6 mai 2008.

34      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

35      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

 Observations liminaires

36      La République italienne fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas procédé à un examen approprié de la réalisation du programme opérationnel concerné avant d’adopter la décision attaquée. La Commission se serait limitée à reprendre les constatations et les appréciations effectuées par le Bureau spécial, un service indépendant dans ses fonctions du service d’exécution, qui lui ont été transmises par la République italienne dans la déclaration sur la régularité des dépenses jointe à la demande de versement du paiement final.

37      Avant d’examiner le bien-fondé des arguments de la République italienne, le Tribunal estime nécessaire de faire état de considérations liminaires quant au système de contrôle financier des interventions financières du FSE, prévu par l’article 23 du règlement n° 4253/88.

38      Aux termes de l’article 23, paragraphe 1, dudit règlement, les États membres prennent, lors de la mise en œuvre des actions financées par la Communauté, les mesures nécessaires pour vérifier régulièrement que ces actions ont été menées correctement, prévenir et poursuivre les irrégularités, et récupérer les fonds perdus à la suite d’un abus ou d’une négligence. Les modalités du contrôle financier effectué par les États membres sur les opérations cofinancées par les fonds structurels ont été précisées par le règlement n° 2064/97, dont l’article 8 définit le contenu de la déclaration sur la régularité des dépenses qui accompagne la demande de versement du paiement final et se prononce sur la régularité des opérations concernées.

39      Selon l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, la Commission peut aussi contrôler sur place les actions financées par les fonds structurels et les systèmes de gestion et de contrôle. Selon cette même disposition, l’État membre concerné et la Commission se transmettent sans délai toutes informations appropriées concernant les résultats des contrôles effectués. L’article 8 du règlement n° 2064/97 précise également que la Commission peut faire effectuer un contrôle supplémentaire en vue d’identifier les irrégularités et d’en obtenir la correction dans un délai déterminé si de telles irrégularités sont mentionnées dans la déclaration sur la régularité des dépenses.

40      Le système de contrôle de l’utilisation des concours financiers communautaires s’appuie aussi sur la coopération entre la Commission et les autorités nationales compétentes, tenues de l’assister dans l’accomplissement de sa mission, en vertu de l’article 10 CE (arrêt du Tribunal du 26 septembre 2002, Sgaravatti Mediterranea/Commission, T‑199/99, Rec. p. II‑3731, point 44).

41      En conséquence, il appartient aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer la gestion et le contrôle des actions financées par les fonds structurels, et la Commission dispose, pour sa part, de la possibilité de contrôler ces actions selon les modalités définies par les dispositions précitées. En règle générale, les autorités nationales et, en particulier, le service indépendant en charge de la déclaration sur la régularité des dépenses prévu par l’article 8 du règlement n° 2064/97 sont placés au premier rang des autorités de contrôle et c’est, en principe, sur la base de ces informations que la Commission peut décider d’intervenir. Il y a lieu de reconnaître à la Commission un pouvoir discrétionnaire d’appréciation en la matière.

42      En particulier, lorsque les autorités nationales ont procédé à un contrôle approfondi du respect de ses obligations financières par le bénéficiaire d’une subvention communautaire, la Commission peut légitimement se fonder sur leurs constatations factuelles circonstanciées et déterminer si ces constatations permettent d’établir l’existence d’irrégularités justifiant une sanction au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88. Dans de telles circonstances, la Commission ne saurait être tenue de procéder à une nouvelle enquête. La répétition d’une telle enquête priverait en effet la coopération avec les autorités nationales de tout effet utile et serait contraire au principe de bonne administration (arrêt Sgaravatti Mediterranea/Commission, point 40 supra, point 45).

43      En présence d’une déclaration sur la régularité des dépenses qui fait état d’irrégularités systématiques et non systématiques révélées par les contrôles réalisés par un service national indépendant, il ressort de la logique du système de contrôle financier que la Commission est en droit de présumer la fiabilité d’un tel document tant qu’elle ne dispose pas d’indices circonstanciés susceptibles de remettre en cause une telle présomption de fiabilité.

44      C’est dans ce contexte qu’il convient d’apprécier les différents moyens présentés par la République italienne à l’appui de son recours. À cet égard, les arguments des parties seront examinés par le Tribunal dans l’ordre suivant : premièrement, le premier moyen, tiré de la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88 et de la violation des formes substantielles au stade de l’ouverture de la procédure prévue par cette disposition ; deuxièmement, le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, la branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 8 du règlement n° 2064/97, et le quatrième moyen, tiré de la violation des formes substantielles lors de l’examen prévu par l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 ; troisièmement, la branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, et, quatrièmement, le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88, de la violation des formes substantielles, d’erreurs de fait, de la violation du principe de proportionnalité et d’un défaut de motivation au regard de l’article 253 CE.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88 et de la violation des formes substantielles au stade de l’ouverture de la procédure prévue par cette disposition

 Arguments des parties

45      La République italienne soutient que la décision attaquée viole l’article 24, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 4253/88 en ce que la Commission n’a pas procédé à l’« examen approprié du cas » requis avant de demander les observations de la République italienne sur la mesure envisagée dans la lettre du 1er décembre 2004. La Commission se serait ainsi limitée à prendre acte des doutes exprimés par le Bureau spécial dans sa déclaration sur la régularité des dépenses. La République italienne fait également valoir la violation des formes substantielles au stade de l’ouverture de la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88 en relevant que la lettre du 1er décembre 2004 se limite à demander les observations des autorités italiennes sur le calcul du solde rectifié, sans indiquer explicitement que ce calcul repose sur les éléments fournis dans la déclaration sur la régularité des dépenses. Ce ne serait qu’à la suite de la réunion du 28 juillet 2005 que la Région Sicile aurait pu comprendre que c’était ladite déclaration qui devait faire l’objet des observations demandées. Ce vice aurait une portée essentielle puisqu’il aurait entraîné la perte de la période allant du 1er décembre 2004 au 28 juillet 2005 pour diligenter la procédure. Au vu du nombre important d’initiatives concernées, il aurait été indispensable que la République italienne dispose d’un délai adéquat pour pouvoir évaluer de manière fiable la régularité de la gestion.

46      La Commission souligne que la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88 a été respectée, dès lors que c’est sur la base de la déclaration sur la régularité des dépenses et des vérifications effectuées par ses services qu’elle a informé la République italienne, par lettre du 1er décembre 2004, de l’inéligibilité du montant de 46 429 361 euros. Elle fait également valoir qu’il ne peut lui être reproché d’avoir occasionné « la perte de toute la période allant du 1er décembre 2004 au 28 juillet 2005 pour diligenter la procédure », étant donné que ce laps de temps découle de l’absence de présentation des observations de la République italienne dans le délai initialement prescrit. En l’espèce, un délai de deux mois (jusqu’au 31 janvier 2005), avec deux prorogations (la première, de fait, jusqu’à fin mars 2005 et la seconde jusqu’au 31 décembre 2005), constituerait un laps de temps plus que suffisant pour la formulation d’observations de la part d’un État membre.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88 au stade de l’ouverture de la procédure prévue par cette disposition

47      Il ressort de l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88 que, si la réalisation d’une action ou d’une mesure ne semble justifier qu’une partie du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autres autorités désignées par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

48      C’est en application de cette disposition que, par lettre du 1er décembre 2004 (voir points 11 à 13 ci-dessus), la Commission a informé la République italienne que, sur la base des informations disponibles, ses services considéraient que la somme de 46 429 361 euros n’était pas éligible au cofinancement du FSE. Par cette lettre, la Commission a également indiqué à la République italienne que, sur la base des informations qui lui étaient parvenues, elle considérait qu’elle devait récupérer la somme de 76 266 325 euros et désengager la somme de 39 677 879 euros. La demande d’observations de la Commission se référait à la demande de paiement présentée par la République italienne le 28 mars 2003, laquelle contenait en annexe la déclaration sur la régularité des dépenses (voir points 7 et 8 ci-dessus). Par ailleurs, la Commission invitait les destinataires de la lettre à présenter leurs observations dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

49      Dans ce contexte, la République italienne fait valoir que la décision attaquée viole l’article 24 du règlement n° 4253/88 au motif que la Commission se serait limitée à reprendre les informations communiquées dans la demande de paiement du solde sans réaliser son propre examen avant de solliciter ses observations ou celles des autorités désignées par elle.

50      À cet égard, premièrement, il convient de relever que, selon l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88, l’examen approprié est requis « [s]i la réalisation d’une action ou d’une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué ». C’est dans le cadre de cet examen que la Commission demande à l’État membre ou aux autorités désignées par celui-ci leurs observations dans un délai déterminé (article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88) et c’est à la suite de cet examen, s’il confirme l’existence d’une irrégularité, que la Commission peut adopter une décision sur la portée du concours (article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88). Dès lors, il ressort du libellé même de l’article 24 du règlement n° 4253/88 que, même si cette disposition n’exclut pas que la Commission puisse commencer l’examen approprié avant de demander des observations à l’État membre ou aux autorités désignées par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action, elle ne lui impose pas pour autant de mener cet examen approprié préalablement à cette demande d’observations.

51      Deuxièmement, la portée de la déclaration sur la régularité des dépenses prévue par l’article 8 du règlement n° 2064/97 doit être prise en compte. En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 2064/97, cette déclaration, qui est établie par une personne ou un service indépendant dans ses fonctions du service d’exécution, « fait la synthèse des conclusions des contrôles effectués les années précédentes et se prononce sur la validité de la demande de versement du paiement final ainsi que sur la légalité et la régularité des opérations concernées par le certificat final des dépenses ». L’article 8, paragraphe 2, dudit règlement précise également que ladite déclaration « fait état des déficiences importantes constatées au niveau de la gestion ou du contrôle ainsi que de la fréquence élevée des irrégularités constatées, si ces déficiences et irrégularités empêchent de se prononcer positivement sur la validité de la demande de versement du paiement final et du certificat final des dépenses ». Dans un tel cas, cette disposition énonce que « la Commission peut faire effectuer un contrôle supplémentaire en vue d’identifier les irrégularités et d’en obtenir la correction dans un délai déterminé ».

52      La déclaration sur la régularité des dépenses est donc un document qui, en tant que tel, permet à la Commission d’agir au titre de la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88. En application de l’article 8 du règlement n° 2064/97 et conformément au système de contrôle financier prévu par l’article 23 du règlement n° 4253/88, la Commission dispose du pouvoir d’effectuer un contrôle supplémentaire, mais ce contrôle n’est pas obligatoire, comme le laisse entendre la République italienne, elle-même, dans le cadre du présent moyen. En effet, le système mis en place par la réglementation communautaire prévoit expressément le contrôle financier de premier rang effectué par les États membres sur les opérations financées par les fonds structurels communautaires. Par ailleurs, il ressort de la logique de ce système qu’il convient de reconnaître à la Commission un pouvoir discrétionnaire d’appréciation quant à sa décision d’intervenir en procédant à son propre contrôle financier sur les données communiquées par les États membres dans le cadre de la déclaration sur la régularité des dépenses, lesquelles doivent être présumées fiables en l’absence d’indices circonstanciés susceptibles de remettre en cause cette présomption de fiabilité (voir points 37 à 43 ci-dessus).

53      Troisièmement, il ressort de l’exposé des faits que les services de la Commission ne se sont pas limités à reprendre, en tant que telles, les données présentées par le Bureau spécial dans sa déclaration sur la régularité des dépenses. Ces données ont été examinées par les services de la Commission, qui y ont appliqué le principe de flexibilité prévu au point 6.2 de la décision de la Commission SEC (1999) 1316, du 9 septembre 1999, et qui ont identifié les dépenses éligibles au concours (considérant 6 de la décision attaquée et tableau annexé).

54      Le grief relatif à la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88 au stade de l’ouverture de la procédure prévue par cette disposition doit donc être rejeté.

–       Sur la violation des formes substantielles au stade de l’ouverture de la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88

55      Pour ce qui est du grief pris de la violation des formes substantielles, il convient de relever que ce grief repose sur l’idée que la République italienne n’a pas été en mesure de présenter utilement ses observations sur les données qui lui ont été présentées dans la lettre du 1er décembre 2004 ouvrant la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88. Ce ne serait que bien plus tard, à savoir à la suite de la première réunion entre la Commission et la Région Sicile en date du 28 juillet 2005, que la République italienne aurait pu comprendre que la déclaration sur la régularité des dépenses était en cause.

56      Cependant, il ressort de la lettre du 1er décembre 2004 que, pour définir les montants à récupérer et à désengager, les services de la Commission ont pris en considération les données communiquées par la République italienne elle-même dans sa demande de paiement du solde reçue par la Commission le 31 mars 2003, laquelle comportait en annexe la déclaration sur la régularité des dépenses qui faisait état de certaines irrégularités. La lettre du 1er décembre 2004 comportait également en annexe un tableau permettant de prendre connaissance des éléments utilisés par la Commission dans son raisonnement. À ce stade de la procédure et au vu des éléments présents dans le dossier, la République italienne a donc bien été mise en mesure de présenter ses observations sur les éléments que la Commission s’apprêtait à retenir pour justifier une décision adoptée sur la base de l’article 24 du règlement n° 4253/88.

57      Il ressort de ce qui précède que le grief relatif à la violation des formes substantielles doit également être rejeté.

58      En conséquence, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, la branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 8 du règlement n°  2064/97, et le quatrième moyen, tiré de la violation des formes substantielles lors de l’examen prévu par l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88

 Arguments des parties

59      En premier lieu, la République italienne fait valoir que la décision attaquée viole l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, dans la mesure où, notamment, la réduction d’un concours présuppose l’existence d’une irrégularité déterminée clairement établie. Or, en l’espèce, la Commission aurait réduit le concours sans avoir acquis la certitude, ou sans avoir pu raisonnablement estimer selon une probabilité suffisante, que de telles irrégularités auraient été commises. Aucune irrégularité spécifique et concrète qui justifierait la réduction ne serait indiquée dans la décision attaquée, dont la seule motivation serait que la République italienne n’a pas fait parvenir à la Commission « d’observations susceptibles de répondre au contenu de sa lettre du 1er décembre 2004 » (considérant 12 de la décision attaquée). En toute hypothèse, ladite lettre ne viserait aucune irrégularité concrète, mais se limiterait à indiquer, sans aucune motivation, l’ampleur de la réduction que la Commission entendait opérer. L’absence de réponse à la demande générale d’observations du 1er décembre 2004 ne pourrait donc justifier aucune réduction du concours et il serait vain d’objecter que les irrégularités en question étaient suggérées par la déclaration sur la régularité des dépenses. En effet, la Commission ne ferait pas mention, dans la décision attaquée, de telles irrégularités et ne citerait cette déclaration que de manière incidente en son considérant 5. De plus, la fiabilité de cette déclaration ferait précisément l’objet de la procédure ouverte au titre de l’article 24 du règlement n° 4253/88, à laquelle la décision attaquée met un terme sans confirmer ou infirmer ladite déclaration, alors que cette dernière était pourtant contestée par le département de la formation professionnelle de la Région Sicile. À cet égard, dans la décision attaquée, la Commission ne pourrait se contenter de relever que, au 31 décembre 2005, elle n’avait pas reçu d’observations de la part des autorités italiennes, dès lors que cette affirmation ne permettrait pas de confirmer la fiabilité de la déclaration sur la régularité des dépenses qu’aucun autre élément du dossier ne viendrait établir avec certitude.

60      En deuxième lieu, la République italienne soutient que la décision attaquée, qui reposerait exclusivement sur les conclusions de la déclaration sur la régularité des dépenses, viole l’article 8 du règlement n° 2064/97 en ce sens que ladite déclaration ne représente qu’un résumé des contrôles par sondages effectués au cours des années précédentes (en règle générale sur 5 % des projets, comme le prévoit l’article 3 du règlement n° 2064/97) et une « évaluation globale » de la demande de paiement final. Cela ne serait pas suffisant pour constituer « l’examen approprié » prescrit par l’article 24 du règlement n° 4253/88. Selon la République italienne, la déclaration sur la régularité des dépenses pouvait représenter le point de départ de l’examen approprié, mais, étant donné son contenu limité, ne pouvait pas épuiser cet examen.

61      En troisième lieu, la République italienne fait valoir que, à considérer même que la responsabilité de procéder à la vérification des projets financés pèse sur l’administration nationale, la procédure engagée par la Commission au titre de l’article 24 du règlement n° 4253/88 était inadaptée aux circonstances de l’espèce et violait les formes substantielles. En effet, selon la République italienne, 3 033 projets ont été financés par le concours et le département de la formation professionnelle de la Région Sicile avait signalé la complexité des vérifications à effectuer au cours de la réunion du 28 juillet 2005 et dans sa lettre du 1er août 2005 adressée au Bureau spécial et à la Commission. Pour ces raisons, la République italienne soutient qu’il était essentiel de disposer d’un délai adéquat pour procéder à ces vérifications. Or, en l’espèce, le délai effectivement accordé d’août à décembre 2005 (soit cinq mois seulement) serait manifestement insuffisant pour contrôler de manière effective un programme aussi important. Cela serait renforcé par le fait que, pour déterminer de manière exacte le montant du paiement final éligible, il était nécessaire de vérifier la déclaration sur la régularité des dépenses et de définir avec précision le montant relatif aux projets suspendus (les projets dont les montants, en raison de la suspension, ne pouvaient être inclus dans le paiement final, mais ne pouvaient pas non plus être exclus du concours et dégagés ou récupérés). Le département de la formation professionnelle de la Région Sicile aurait attiré l’attention de la Commission sur cette problématique dans sa lettre du 4 août 2005 en soulignant qu’il y avait, en l’espèce, une importante différence entre le montant des projets suspendus selon la Région Sicile (35 043 529 euros) et celui qui ressortait du relevé informatique du ministère du Travail (2 711 082,20 euros). Cependant, cette seconde catégorie de problèmes ne serait nullement mentionnée dans la lettre du 19 octobre 2005, par laquelle la Commission aurait accordé la prorogation du délai jusqu’au 31 décembre 2005, cette lettre indiquant seulement la nécessité de « vérifier de manière adéquate l’éligibilité des dépenses certifiées pour les interventions du FSE durant la période de programmation », soit la première catégorie de problèmes.

62      En ce qui concerne le grief pris de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, la Commission relève que la décision attaquée n’est pas fondée sur l’absence de réponse à la demande d’observations présentée le 1er décembre 2004, mais sur l’analyse des documents annexés à la demande de paiement de la République italienne reçue par la Commission le 31 mars 2003. Cette absence de réponse serait seulement un élément du contexte factuel qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée.

63      En réponse au grief pris de la violation de l’article 8 du règlement n° 2064/97 et à l’affirmation selon laquelle la déclaration sur la régularité des dépenses présentait un « contenu limité », la Commission souligne que le Bureau spécial a contrôlé par sondage des dépenses représentant 17,94 % des projets, pourcentage bien supérieur au pourcentage minimal prévu par l’article 3 du règlement n° 2064/97. L’analyse de cette déclaration et de ses annexes permettrait également d’identifier les postes de dépenses considérés comme inéligibles, les raisons de leur inéligibilité et les montants concernés.

64      S’agissant du grief pris de la violation des formes substantielles, la Commission souligne que le délai « effectivement accordé » pour présenter des observations n’était pas de cinq mois seulement, à savoir d’août à décembre 2005, mais de 13 mois, soit du 1er décembre 2004 au 31 décembre 2005.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 lors de l’examen prévu par cette disposition et sur la violation de l’article 8 du règlement n° 2064/97.

65      Il ressort de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 que, à la suite de l’examen prévu par l’article 24, paragraphe 1, du même règlement, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

66      Contrairement à ce qu’allègue la République italienne, la Commission est en droit, au regard de l’article 24 du règlement n° 4253/88 et de l’article 8 du règlement n° 2064/97, de retenir dans la décision finale réduisant un concours communautaire des irrégularités dont l’existence a été portée à sa connaissance par la déclaration sur la régularité des dépenses. Il ressort du texte même de l’article 8 du règlement n° 2064/97 que cette déclaration, établie par un service indépendant du service d’exécution, a précisément pour objet de se prononcer sur la régularité des opérations concernées par la demande de paiement final. Il s’agit là d’un élément de preuve central et fiable comme il ressort du règlement n° 2064/97. Dans le cadre de la procédure définie par l’article 24 du règlement n° 4253/88, la Commission peut donc présumer la fiabilité des données communiquées par un État membre dans la déclaration sur la régularité des dépenses. Ce ne serait qu’en présence d’indices circonstanciés susceptibles de remettre en cause cette présomption de fiabilité qu’il pourrait être reproché à la Commission de ne pas avoir vérifié et démontré, par ailleurs, qu’il existait des irrégularités de nature à justifier une sanction au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 (voir points 5, 37 à 43, 50 à 52 ci-dessus).

67      Dans ce contexte, la République italienne ne peut alléguer que, faute d’avoir vérifié le caractère certain ou le caractère probable et raisonnable des irrégularités relevées dans la déclaration sur la régularité des dépenses, la Commission n’a pas satisfait à l’examen requis par l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 pour identifier l’existence d’une irrégularité. Au contraire, il ressort de l’exposé des faits qu’un tel examen a bien été effectué, puisque, d’une part, la Commission a demandé à la République italienne et à la Région Sicile de présenter leurs observations sur son intention d’adopter une décision sur la base de l’article 24 de ce règlement en prenant comme base de départ les irrégularités mentionnées dans la déclaration sur la régularité des dépenses et que, d’autre part, en dépit de la prolongation du délai accordé pour présenter de telles observations, aucune observation pertinente n’a été communiquée à la Commission pour remettre en cause le montant des irrégularités constatées (voir points 92 à 96 ci-après).

68      De même, la République italienne ne peut soutenir que la décision attaquée n’indique pas d’irrégularités spécifiques et concrètes qui justifient la réduction, dès lors qu’il ressort de son considérant 12 que lesdites irrégularités sont celles qui étaient évoquées dans la demande d’observations du 1er décembre 2004. Sur ce point, la décision attaquée précise également que les observations présentées dans la lettre de la Région Sicile du 29 décembre 2005, adressée à la République italienne avec copie à la Commission, « n’apportent aucun élément concret aux questions que la Commission avait posées à l’État membre dans sa lettre du 1er décembre 2004 ». En conséquence, il ressort de la décision attaquée que les irrégularités retenues pour réduire le concours sont celles pour lesquelles la Commission avait demandé des observations qu’elle estime ne pas avoir reçues.

69      Enfin, c’est à tort que la République italienne prétend que la déclaration sur la régularité des dépenses ne peut pas être retenue comme source des irrégularités constatées dans la décision finale du fait de son « contenu limité ». En effet, les arguments présentés sur ce point par la République italienne ne permettent pas de remettre en cause la validité de cette déclaration. Celle-ci a été rédigée à la suite de contrôles par sondages réalisés à partir d’un échantillonnage représentant 17,94 % des dépenses totales éligibles, alors même que l’article 3 du règlement n° 2064/97 précise qu’un contrôle sur 5 % des dépenses totales éligibles et sur un échantillon représentatif des projets ou des actions approuvés suffit en règle générale (« Les contrôles effectués avant l’achèvement de chaque forme d’intervention doivent porter sur 5 % au moins des dépenses totales éligibles et sur un échantillon représentatif des projets ou actions approuvés, en tenant compte des dispositions du paragraphe 3 »). Les mesures et les données prises en compte pour rédiger ladite déclaration sont exposées en son point 3.2.c ainsi que dans les deux premiers tableaux joints en annexe à cette déclaration. De plus, aucun élément susceptible de remettre en cause l’indépendance du Bureau spécial n’est présenté par la République italienne et il ressort de l’exposé des faits que le Bureau spécial n’a pas estimé nécessaire de modifier la déclaration sur la régularité des dépenses au vu des éléments qui lui ont été présentés par le département de la formation professionnelle de la Région Sicile.

70      Le grief relatif à la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, au stade de l’examen prévu par cette disposition, et le grief relatif à la violation de l’article 8 du règlement n° 2064/97 doivent donc être rejetés.

–       Sur la violation des formes substantielles lors de l’examen prévu par l’article 24 du règlement n° 4253/88

71      Pour ce qui est du grief pris de la violation des formes substantielles, il convient de relever que ce grief repose sur l’idée que la République italienne n’a pas été en mesure de présenter utilement ses observations sur les données qui lui ont été présentées dans la lettre du 1er décembre 2004. Selon la République italienne, le délai accordé pour présenter des observations n’était pas de treize mois (du 1er décembre 2004 au 31 décembre 2005), mais seulement de cinq mois (d’août à décembre 2005), ce qui serait insuffisant pour contrôler de manière effective la régularité des dépenses relatives à un programme représentant 3 033 projets.

72      Cependant, il ressort de l’exposé des faits que la demande d’observations a été adressée aux intéressées le 1er décembre 2004 ; que la République italienne n’y a pas répondu dans le délai de deux mois et que la Région Sicile a demandé une prolongation du délai de quelques semaines ; que cette demande a été accordée de facto par la Commission ; que deux réunions ont été organisées entre la Commission et la Région Sicile les 28 juillet et 17 octobre 2005 ; que la Commission a, de nouveau, prolongé le délai pour présenter des observations jusqu’au 31 décembre 2005 ; qu’à cette date la Commission ne disposait pas de réponse de la République italienne et que la dernière lettre de la Région Sicile, en date du 29 décembre 2005, demandait au ministère du Travail italien l’organisation d’une réunion afin de rédiger une nouvelle demande de paiement du solde final, compte tenu notamment du fait que les montants payés au titre de l’année 1999 étaient toujours en cours de vérification (voir points 11 à 26 ci‑dessus). La République italienne a donc bien disposé de treize mois pour présenter ses observations sur les données qui allaient être retenues dans la décision attaquée pour réduire le concours.

73      Il ressort de ce qui précède que le grief relatif à la violation des formes substantielles doit également être rejeté.

74      En conséquence, le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, et le quatrième moyen, tiré de la violation des formes substantielles lors de l’examen prévu par cette disposition, doivent être rejetés dans leur ensemble. Il en est de même de la branche du troisième moyen tirée de la violation de l’article 8 du règlement n° 2064/97.

 Sur la branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88

 Arguments des parties

75      À titre subsidiaire, la République italienne soutient que, même en admettant qu’elle n’a pas fourni d’éléments suffisants pour permettre à la Commission de se prononcer sur la clôture du programme conformément à l’article 24 du règlement n° 4253/88, cela n’aurait toutefois pas autorisé la Commission à réduire le concours sans autres formalités. Sur ce point, elle fait valoir qu’il découle de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 que la Commission dispose de pouvoirs de contrôle autonomes sur la régularité des demandes de paiement qu’elle devrait exercer de manière coordonnée et en coopération avec les États membres chaque fois que les contrôles exercés par ces derniers apparaissent insuffisants. En l’espèce, la République italienne soutient que la Commission estimait ne pas pouvoir se baser sur le contenu de la déclaration sur la régularité des dépenses prévue par l’article 8 du règlement n° 2064/97. La Commission aurait, en effet, demandé à la Région Sicile de formuler ses observations à ce sujet et celle-ci aurait toujours réfuté cette déclaration et demandé qu’elle soit vérifiée au moyen d’un nouvel examen des projets qui faisaient l’objet de cette déclaration. Dès lors, la République italienne soutient que, si la Commission considérait que la Région Sicile n’avait pas démontré, au cours de la procédure ouverte au titre de l’article 24 du règlement n° 4253/88, que le projet avait été contrôlé de manière satisfaisante pour permettre sa clôture, elle aurait dû recourir à ses propres pouvoirs de contrôle et vérifier le projet conformément à l’article 23, paragraphe 2, précité. Or, ce serait sans procéder à la moindre évaluation autonome que la Commission aurait fini par s’en remettre intégralement aux conclusions de la déclaration sur la régularité des dépenses, un document dont elle n’aurait aucune preuve de la fiabilité. L’inertie présumée de la Région Sicile face à cette déclaration ne justifierait pas que la Commission s’abstienne d’exercer ses propres contrôles. Cette inertie constituerait même une condition évidente pour que la Commission exerce ces contrôles dans une telle situation de grave incertitude.

76      La Commission souligne que, contrairement à ce qu’affirme la République italienne, la demande d’observations lui a été adressée afin de respecter la procédure établie à l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 et non parce que la Commission estimait ne pas pouvoir se fonder sur le contenu de la déclaration sur la régularité des dépenses. De plus, la clôture du programme opérationnel découlerait en l’espèce d’une vérification comptable des données et des documents annexés à la demande de paiement.

 Appréciation du Tribunal

77      Contrairement à ce que laisse entendre la République italienne, l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 laisse à la Commission un pouvoir discrétionnaire d’appréciation quand à la mise en œuvre des pouvoirs de contrôle autonome qui lui sont attribués par la réglementation applicable. Cette disposition indique expressément que les fonctionnaires ou les agents de la Commission « peuvent contrôler sur place » les actions financées par les fonds structurels et les systèmes de gestion et de contrôle (voir points 37 à 43 ci-dessus).

78      De plus, aucun élément du dossier ne permet d’asseoir l’affirmation de la République italienne selon laquelle la Commission estimait ne pas pouvoir se baser sur les informations communiquées par la République italienne dans la demande de paiement, laquelle comportait en annexe la déclaration sur la régularité des dépenses prévue par l’article 8 du règlement n° 2064/97. Ainsi qu’il a été exposé aux points 66 à 69 ci-dessus, la Commission pouvait valablement, au vu des circonstances de l’espèce, considérer que la déclaration sur la régularité des dépenses représentait un élément de preuve central et fiable pour apprécier la régularité des opérations effectuées dans le cadre du présent concours.

79      En conséquence, la branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, doit être rejetée.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88, de la violation des formes substantielles, d’erreurs de fait, de la violation du principe de proportionnalité et d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

80      La République italienne fait valoir que la décision attaquée repose sur un examen partiel et déficient des documents communiqués par la Région Sicile à la Commission pendant la procédure ouverte au titre de l’article 24 du règlement n° 4253/88, ce qui constitue une violation de cette disposition et des formes substantielles, des erreurs de fait ainsi qu’une violation du devoir de motivation. Ces documents seraient les suivants :

–        la lettre du 1er août 2005 (voir point 18 ci-dessus) du département de la formation professionnelle de la Région Sicile à la Commission, signalant à cette dernière que, dans sa déclaration sur la régularité des dépenses, le Bureau spécial n’aurait relevé des irrégularités qu’en raison du fait que cette déclaration avait été établie dans un délai très bref, ce qui n’avait pas permis au département d’y répondre de manière adéquate ; cette lettre contribuerait à déterminer la faible valeur probante de la déclaration sur la régularité des dépenses ;

–        la lettre du 4 août 2005 (voir point 19 ci-dessus) du département de la formation professionnelle de la Région Sicile à la Commission, attirant l’attention de celle-ci sur la différence importante entre la demande de paiement final de la Région et le relevé informatique transmis à la Commission par le ministère du Travail en ce qui concerne le montant relatif aux projets suspendus ; cette question serait déterminante pour définir la base de calcul de l’éventuelle réduction du concours (même si les irrégularités constatées par le Bureau spécial avaient été entièrement confirmées), afin d’établir si la réduction de 46 429 361 euros envisagée puis appliquée par la Commission était exacte ;

–        la lettre du 13 septembre 2005 (voir point 20 ci-dessus) du ministère du Travail italien à la Région Sicile et à la Commission, qui réduirait à 34 516 688,90 euros le montant des projets suspendus, initialement estimé par la Région Sicile à 35 043 529 euros, et conviendrait du fait que ce montant devait être imputé sur le solde de 1999 et que, par conséquent, « la demande de révision de la décision, formée par la Région Sicile en ce qui concerne la somme déclarée éligible par la Commission, paraît justifiée » ;

–        les lettres du 15 septembre 2005 (voir point 21 ci-dessus) et du 10 octobre 2005 (voir point 23 ci-dessus) du département de la formation professionnelle de la Région Sicile à la Commission et au Bureau spécial, qui feraient part des premiers résultats du réexamen des projets et des initiatives au sujet desquels des « irrégularités systématiques » (pour plus de 41 millions d’euros) auraient été relevées par le Bureau spécial dans la déclaration sur la régularité des dépenses ; ces lettres transmettraient une série de « notes de révision » relatives à de nombreux projets qui feraient la distinction entre la part de financement à la charge du FSE et celle qui incomberait à la Région Sicile ;

–        la lettre du 29 décembre 2005 (voir point 25 ci-dessus) du département de la formation professionnelle de la Région Sicile au ministère du Travail italien, communiquée pour information à la Commission, à propos de laquelle la Commission se bornerait à relever, au considérant 12 de la décision attaquée, qu’elle n’apporte pas d’éléments substantiels en réponse aux questions posées par la Commission dans sa lettre du 1er décembre 2004 et qu’elle ne représente pas la position de l’État membre.

81      Dans ce contexte, la République italienne allègue que la décision attaquée est entachée d’erreurs de fait. Le silence de la Commission au sujet de l’affirmation, faite par le département de la formation professionnelle dans ses lettres des 15 septembre et 10 octobre 2005 et appuyée par des pièces, selon laquelle les « irrégularités systématiques » relevées par le Bureau spécial dans la déclaration sur la régularité des dépenses n’existaient pas impliquerait en effet que cette affirmation n’a pas été contestée par la Commission. La Commission aurait dû fonder la décision attaquée sur l’hypothèse selon laquelle les irrégularités systématiques n’avaient pas été confirmées, alors que, en ratifiant la déclaration sur la régularité des dépenses, la Commission aurait fondé sa décision sur l’hypothèse inverse. De même, affirmer que la lettre du 29 décembre 2005 ne contenait pas d’éléments de réponse substantiels serait erroné en fait. En effet, selon la République italienne, cette lettre indiquait les soldes demandés pour chaque annuité, sauf l’année 1999 pour laquelle les constatations du Bureau spécial étaient toujours « en cours de vérification », car, pour cette année, il fallait encore imputer les résultats du réexamen des irrégularités présumées des années précédentes ainsi que le montant des projets suspendus (voir lettre du ministère du Travail italien du 13 septembre 2005). Si la Commission avait examiné le contenu de la lettre du 29 décembre 2005, elle aurait pu constater que, pour toutes les années du programme (sauf l’année 1999), le solde demandé, après conversion, était de 327 778 038,70 euros. Il s’agirait d’un montant partiel, nettement supérieur à celui du relevé informatique du 30 décembre 2003, dans lequel, pour les mêmes années 1994 à 1998, était indiquée la somme totale de 239 753 771 euros. Or, même si les constatations du Bureau spécial (s’élevant au total à 59 404 378 euros comprenant les parts de financement du FSE et du budget régional) avaient été intégralement confirmées et imputées sur le solde de 1999, le solde total final revenant à la Région Sicile aurait été nettement supérieur à l’estimation retenue par la Commission dans sa lettre du 1er décembre 2004. Le relevé informatique envoyé par le ministère du Travail le 30 décembre 2003 indiquerait en effet, pour 1999, un montant de 111 642 156,62 euros, qui, additionné à celui de 327 778 038,70 euros retenu dans la lettre du 29 décembre 2005 par le département de la formation professionnelle pour les années antérieures à 1999, aurait représenté une somme totale, à titre de solde, de 439 420 195,32 euros, supérieure même au montant engagé à titre provisionnel, qui était, selon la République italienne, de 420 910 000 euros. L’exactitude de ces données pourrait être discutée, mais non leur portée substantielle. La République italienne fait valoir que la Commission ne pouvait ignorer ces éléments au seul motif que la lettre du 29 décembre 2005 ne représentait pas encore sa position officielle. Au reste, la République italienne n’aurait pas pu exprimer sa position officielle dès lors que l’annuité 1999 était encore en cours de vérification. En outre, la République italienne indique que, précisément parce qu’elle avait besoin de connaître sa position officielle, la Commission ne pouvait pas prendre de décision sans avoir demandé à cet État membre si le contenu de la note du 29 décembre 2005 représentait sa position officielle sur le paiement du solde final. Elle aurait donc dû, en l’occurrence, l’inviter une nouvelle fois à exprimer sa position au lieu d’adopter la décision attaquée sans la connaître.

82      Le fait que le contenu de la lettre du 29 décembre 2005 n’ait pas été contesté par la Commission dans la décision attaquée serait en tout état de cause significatif. Selon la République italienne, cette lettre entendait répondre à celle de la Commission du 19 octobre 2005 (voir point 24 ci-dessus), par laquelle cette dernière demandait que soit effectuée une « vérification de la cohérence entre les données certifiées par l’État membre et l’annexe financière de la dernière décision de reprogrammation C (2000) 2862, du 26 janvier 2001 ». La lettre du 29 décembre 2005 aurait détaillé à nouveau les données relatives à la demande de solde, précisément en relation avec la décision finale de reprogrammation, qui aurait réparti définitivement les sommes non dépensées au cours des années de programmation précédentes. Selon la République italienne, la Commission admettait donc la cohérence entre les attestations de dépenses (dont les totaux indiqués dans la note pour chaque année, sauf 1999, avaient été extraits) et la décision de reprogrammation, et ne pouvait dès lors adopter la décision attaquée, comme elle l’a fait, en ignorant les soldes indiqués dans la lettre en question. En tout état de cause, l’absence de réponse de la Commission à la note du 29 décembre 2005 aurait empêché les administrations nationales, qu’elles soient centrales ou régionales, de procéder à cette vérification de cohérence, de sorte que la décision attaquée aurait été prise à un moment où les éléments que la Commission elle-même avait demandés par sa note du 19 octobre 2005 n’avaient pas encore été établis.

83      Par ailleurs, la République italienne soutient que la motivation de la décision attaquée ne permet pas de connaître les raisons pour lesquelles la Commission n’a pas correctement examiné les documents présentés dans le cadre de la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88 pour pouvoir douter de la fiabilité de la déclaration sur la régularité des dépenses, ce qui aurait dû la convaincre de prolonger le délai nécessaire pour permettre à l’administration de réexaminer ces données avant de se prononcer.

84      En dernier lieu, la République italienne fait valoir que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité, dans la mesure où la réduction d’un concours doit correspondre à l’ampleur et à la gravité des irrégularités constatées. Or, en l’espèce, il n’y aurait aucune certitude quant à l’existence et à l’étendue des irrégularités, ni même quant à la base de calcul du solde final. La dernière prise de position de la Commission avant l’adoption de la décision attaquée, c’est‑à‑dire la lettre du 19 octobre 2005 (voir point 24 ci-dessus), se bornerait à relever que « les montants présentés dans les différents documents officiels envoyés par l’État membre présentent d’évidentes incohérences », mais ne constaterait aucune irrégularité. La Commission aurait donc dû s’abstenir de prendre la décision attaquée. Si elle estimait tout de même pouvoir prendre une décision, alors elle n’aurait pas dû appliquer la réduction à l’ensemble des sommes contestées.

85      En ce qui concerne l’examen des documents présentés dans le cadre de la procédure administrative, la Commission souligne que les lettres des 1er août, 15 septembre et 10 octobre 2005 ne lui sont pas adressées directement, mais uniquement à titre d’information. Elle relève qu’elle a néanmoins tenu compte de ces documents, de même qu’elle a pris en considération les lettres des 2 août et 26 septembre 2005 adressées par le Bureau spécial à la Région Sicile, dont elle a également reçu copie pour information. Il en serait ainsi de la lettre du Bureau spécial du 2 août 2005 (voir point 18 ci-dessus), dans laquelle ce dernier affirmait être disposé à revoir la déclaration sur la régularité des dépenses « si de nouveaux éléments incontestables modifiant les documents produits à l’époque étaient mis en évidence et transmis », et de celle du 26 septembre 2005 (voir point 22 ci-dessus). À la connaissance de la Commission, le Bureau spécial n’aurait jamais procédé à la révision de sa déclaration sur la régularité des dépenses.

86      En réponse au grief pris du défaut de motivation, la Commission souligne que cette question doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, du libellé de l’acte en cause et du contexte dans lequel il s’insère. En l’espèce, la décision attaquée serait suffisamment motivée.

87      En réponse au grief pris de la violation du principe de proportionnalité, la Commission relève que les données en sa possession lui permettaient d’identifier clairement les projets qui étaient inéligibles et donc d’effectuer les réductions et le désengagement à la lumière des irrégularités afférentes. Il ne saurait donc y avoir violation du principe de proportionnalité.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88, la violation des formes substantielles et les erreurs de fait commises par la Commission

88      La République italienne allègue en substance que la Commission ne peut se prévaloir des irrégularités exposées dans la déclaration sur la régularité des dépenses et reprises dans la demande d’observations du 1er décembre 2004 pour conclure dans la décision attaquée à la récupération et au désengagement de sommes versées au titre du concours financier du FSE. Selon la République italienne, les informations présentées dans le cadre de la procédure ouverte au titre de l’article 24 du règlement n° 4253/88 pour contester ces irrégularités n’ont pas été correctement prises en compte par la Commission.

89      Cependant, il convient tout d’abord de rappeler que, conformément à l’article 8 du règlement n° 2064/97, la demande de paiement du solde était assortie d’une déclaration sur la régularité des dépenses. En l’espèce, le Bureau spécial avait fait état d’irrégularités systématiques et non systématiques révélées par les contrôles pour un montant total de 115 022 914 244 ITL (soit 59 404 378 euros), comprenant à la fois la part de cofinancement du FSE et celle du budget italien (voir point 8 ci-dessus).

90      Après l’examen de cette déclaration sur la régularité des dépenses, la Commission a décidé d’ouvrir, par lettre du 1er décembre 2004, la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88 en demandant à la République italienne et à la Région Sicile de présenter leurs observations sur son intention de récupérer la somme de 76 266 325 euros et de désengager la somme de 39 677 879 euros. Cette lettre indiquait comment ses services avaient calculé les sommes concernées et les informations sur la base desquelles ces calculs avaient été effectués.

91      En l’espèce, la Commission pouvait donc considérer, au vu de la déclaration sur la régularité des dépenses, que la mise en œuvre du concours communautaire avait donné lieu à des irrégularités justifiant l’ouverture de la procédure définie par l’article 24 du règlement n° 4253/88 ainsi que la réduction du concours financier octroyé par le FSE à l’issue de cette procédure. Une telle déclaration constitue un élément de preuve central et fiable, comme il ressort du règlement n° 2064/97 (voir points 66 à 69 ci-dessus).

92      De plus, aucun des éléments présentés par la République italienne et la Région Sicile dans le cadre de la procédure administrative n’est de nature à remettre en cause cette appréciation.

93      En premier lieu, il importe de relever que le Bureau spécial n’a jamais remis en cause le contenu de sa déclaration, et ce même si le département de la formation professionnelle de la Région Sicile lui a communiqué, à deux reprises, sa propre analyse des dépenses (par lettres du 15 septembre et du 10 octobre 2005, voir points 21 et 23 ci-dessus). La première de ces lettres était accompagnée de documents non datés et non signés par le fonctionnaire chargé de vérifier l’éligibilité de la dépense concernée, selon les propres observations du Bureau spécial (voir lettre du 26 septembre 2005, point 22 ci-dessus), et le document supplémentaire transmis le 10 octobre 2005 n’était pas daté.

94      En deuxième lieu, le département de la formation professionnelle de la Région Sicile tout comme le ministère du Travail italien n’étaient toujours pas à même, le 31 décembre 2005, date considérée par la Commission comme date limite de présentation des observations, et ce après plusieurs prolongations, de communiquer à la Commission des données alternatives susceptibles d’être prises en considération pour déterminer le montant total des dépenses éligibles au titre du concours. La lettre du département de la formation professionnelle de la Région Sicile adressée à la République italienne le 29 décembre 2005 (voir point 25 ci-dessus), dont une copie a été adressée à la Commission, indique que les données relatives à l’année 1999 étaient « en cours de vérification ». Sur ce point, les seules données pertinentes sont donc celles qui ont été présentées dans la déclaration sur la régularité des dépenses et analysées par la Commission dans la lettre du 1er décembre 2004. La lettre du 29 décembre 2005 n’est, par ailleurs, pas concluante en tant que telle puisqu’elle se contente de demander au ministère du Travail l’organisation d’une réunion afin de vérifier l’exactitude des données et de transmettre formellement la demande de solde final, ce qui avait pourtant été fait le 28 mars 2003. Il en est de même de la lettre du 13 septembre 2005 (voir point 20 ci-dessus), du ministère du Travail à la Commission, puisque cette lettre indique que la rectification qu’elle communique à la Commission devrait être imputée sur le solde de 1999, lequel n’était pas encore révisé par la Région Sicile et ne l’a d’ailleurs pas été avant la fin du délai prévu par la Commission pour présenter des observations.

95      En troisième lieu, s’agissant de l’argument avancé par le département de la formation professionnelle de la Région Sicile dans sa lettre à la Commission du 4 août 2005, selon lequel les doutes existants au sujet de la fixation de la somme de 46 429 361 euros comme la partie non éligible au cofinancement du FSE pourraient être levés en examinant la question du calcul des montants relatifs aux projets suspendus (voir point 19 ci-dessus), il convient de relever qu’il ressort de l’exposé des faits et des précisions apportées sur ce point lors de l’audience et à sa suite que les irrégularités mentionnées dans la déclaration sur la régularité des dépenses ne concernaient pas les projets suspendus, qui n’étaient pas inclus à ce stade de la procédure. De plus, et en toute hypothèse, comme le relève la République italienne dans ses observations du 21 mai 2008 sur la lettre de la Commission du 28 avril 2008 (voir point 32 ci-dessus), il ressort de la notion même de projets suspendus que leur montant ne peut faire l’objet d’une demande de paiement tant que la raison judiciaire qui sous-tend cette suspension n’est pas tranchée (voir article 52, paragraphe 5, du règlement n° 1260/1999). Les irrégularités exposées dans la déclaration sur la régularité des dépenses, tout comme les suites données sur cette base par la Commission, ne sont donc pas affectées par l’évaluation du montant des projets suspendus intervenue en parallèle.

96      Il ressort de ce qui précède qu’aucun argument présenté par la République italienne n’est de nature à remettre en cause le raisonnement exposé par la Commission dans la décision attaquée pour conclure à la récupération de la somme de 76 266 325 euros et au désengagement de la somme de 39 677 879 euros.

97      Interrogée lors de l’audience sur la possibilité pour la Commission d’adopter, au vu des informations présentées à la date de la décision attaquée, une décision ayant un autre contenu que celui de la décision attaquée, la République italienne a indiqué que ce qu’elle contestait dans la présente affaire tenait essentiellement au fait que, selon elle, la Commission ne disposait pas des informations nécessaires pour prendre une telle décision. Pour cette raison, la Commission aurait dû attendre que les autorités italiennes achèvent les vérifications en cours avant de décider éventuellement de récupérer et de désengager une partie des sommes octroyées dans le cadre du concours du FSE.

98      Cette argumentation ne peut être retenue par le Tribunal, dans la mesure où la Commission était en droit de prendre en considération les informations qui lui ont été communiquées par la République italienne dans la demande de paiement du solde (voir points 5, 37 à 43, 50 à 52 et 66 à 69 ci-dessus), et ce d’autant plus qu’elle a indiqué à la République italienne les conséquences qu’elle entendait en tirer et que celle-ci n’a pas présenté d’observation dans le délai qui lui avait été imparti (voir point 91 ci-dessus).

99      À cet égard, faute d’observations communiquées dans le délai de deux mois initialement mentionné dans la lettre du 1er décembre 2004, la Commission aurait pu, dès le 31 janvier 2005, procéder à la récupération et au désengagement des sommes en cause, dont le montant s’avérait important. En attendant, jusqu’au 31 décembre 2005, des observations sur un projet de décision qui devait lui permettre de réintégrer au budget communautaire le montant des sommes qui avaient été déclarées irrégulièrement versées par l’autorité nationale en charge du contrôle financier, la Commission a fait preuve d’une patience qui devait nécessairement prendre fin.

100    Les griefs pris de la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88, de la violation des formes substantielles et d’erreurs de fait doivent donc être rejetés.

–       Sur la violation de l’obligation de motivation

101    En ce qui concerne le grief pris du défaut de motivation, il convient de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63).

102    En l’espèce, cette exigence de motivation a été pleinement respectée, puisque la République italienne possédait tous les éléments de fait et de droit pour comprendre le contenu de la décision attaquée et qu’elle connaissait le contexte factuel et les règles juridiques qui ont conduit à son adoption, ce qui lui a d’ailleurs permis de la contester devant le Tribunal.

103    Le grief pris de la violation de l’obligation de motivation doit donc être rejeté.

–       Sur la violation du principe de proportionnalité

104    En réponse au grief pris de la violation du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que ce principe exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt Sgaravatti Mediterranea/Commission, point 40 supra, point 134) et de renvoyer sur ce point aux considérations développées en réponse aux griefs pris de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 et de la violation de l’article 8 du règlement n° 2064/97 (voir points 66 à 69 ci-dessus).

105    Il ressort de cet examen que la République italienne et la Région Sicile ne sont pas parvenues à remettre en cause, au cours de la procédure administrative et dans le délai prescrit à cet effet, le caractère proportionné de la réduction du concours financier octroyé par le FSE pour un programme opérationnel dans la Région Sicile par rapport aux irrégularités constatées.

106    Le grief pris de la violation du principe de proportionnalité doit être rejeté tout comme, par voie de conséquence, l’intégralité du cinquième moyen.

107    Il ressort de ce qui précède que l’ensemble du recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République italienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2008.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Décision d’octroi du concours

Demande de paiement du solde et pièces complémentaires

Mise en œuvre de la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Observations liminaires

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88 et de la violation des formes substantielles au stade de l’ouverture de la procédure prévue par cette disposition

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88 au stade de l’ouverture de la procédure prévue par cette disposition

– Sur la violation des formes substantielles au stade de l’ouverture de la procédure prévue par l’article 24 du règlement n° 4253/88

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, la branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 8 du règlement n°  2064/97, et le quatrième moyen, tiré de la violation des formes substantielles lors de l’examen prévu par l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur la violation de l’article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88 lors de l’examen prévu par cette disposition et sur la violation de l’article 8 du règlement n° 2064/97.

– Sur la violation des formes substantielles lors de l’examen prévu par l’article 24 du règlement n° 4253/88

Sur la branche du troisième moyen, tirée de la violation de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88, de la violation des formes substantielles, d’erreurs de fait, de la violation du principe de proportionnalité et d’un défaut de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur la violation de l’article 24 du règlement n° 4253/88, la violation des formes substantielles et les erreurs de fait commises par la Commission

– Sur la violation de l’obligation de motivation

– Sur la violation du principe de proportionnalité

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’italien.