Language of document : ECLI:EU:C:2024:576

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

4 juillet 2024 (*)

« Pourvoi – Parlement européen – Réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement – Indemnité d’assistance parlementaire – Recouvrement des sommes indûment versées »

Dans l’affaire C‑430/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 juillet 2023,

SN, représentée par M. P. Eleftheriadis, barrister,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Parlement européen, représenté par Mme M. Ecker, MM. N. Görlitz et T. Lazian, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. Z. Csehi, président de chambre, MM. M. Ilešič et D. Gratsias (rapporteur), juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, SN demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 3 mai 2023, SN/Parlement (T‑249/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:233), par lequel celui-ci a partiellement rejeté son recours tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du secrétaire général du Parlement européen du 21 décembre 2020, relative au recouvrement d’une somme d’un montant de 196 199,84 euros indûment versée à titre d’indemnité d’assistance parlementaire (ci-après la « décision litigieuse »), et, d’autre part, de la note de débit correspondante, du 15 janvier 2021 (ci-après la « note de débit »).

 Le cadre juridique

 Le statut des députés

2        L’article 2 de la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement européen, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO 2005, L 262, p. 1 ; ci-après le « statut des députés »), énonce, à son paragraphe 1 :

« Les députés sont libres et indépendants. »

3        L’article 21 du statut des députés dispose :

« 1.      Les députés ont droit à l’assistance de collaborateurs personnels qu’ils ont librement choisis.

2.      Le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés au titre de l’emploi de ces collaborateurs.

3.      Le Parlement fixe les conditions d’exercice de ce droit. »

 Les mesures d’application

4        L’article 33, paragraphes 1 et 2, de la décision du bureau du Parlement européen des 19 mai et 9 juillet 2008, portant mesures d’application du statut des députés (JO 2009, C 159, p. 1), telle que modifiée par la décision du bureau du Parlement européen des 5 juillet et 18 octobre 2010, portant modification des mesures d’application du statut des députés (JO 2010, C 283, p. 9) (ci-après les « mesures d’application »), prévoit :

« 1.      Les députés ont droit à l’assistance de collaborateurs personnels, qu’ils choisissent librement. Le Parlement prend en charge les frais effectivement engagés et résultant entièrement et exclusivement de l’engagement d’un ou de plusieurs assistants ou de l’utilisation de prestation de services conformément aux présentes mesures d’application et dans les conditions fixées par le Bureau.

2.      Seuls peuvent être pris en charge les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés. Ces dépenses ne peuvent en aucun cas couvrir des frais liés à la sphère privée des députés. »

5        L’article 34, paragraphe 1, des mesures d’application dispose :

« 1.       Les députés recourent :

a)      à des assistants parlementaires accrédités visés à l’article 5 bis du régime applicable aux autres agents ; et

b)      à des personnes physiques qui les assistent dans leur État membre d’élection et qui ont conclu avec eux un contrat de travail ou de prestation de services conformément au droit national applicable, dans les conditions prévues au présent chapitre, ci-après dénommées “assistants locaux”. »

6        L’article 68 des mesures d’application est ainsi libellé :

« 1.      Toute somme indûment versée en application des présentes mesures d’application donne lieu à répétition. Le secrétaire général donne des instructions en vue du recouvrement de ces sommes auprès du député concerné.

2.      Toute décision en matière de recouvrement est prise en veillant à l’exercice effectif du mandat du député et au bon fonctionnement du Parlement, le député concerné ayant été entendu préalablement par le secrétaire général.

3.      Le présent article s’applique également aux anciens députés et aux tiers. »

 Le statut

7        L’article 60 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« Sauf en cas de maladie ou d’accident, le fonctionnaire ne peut s’absenter sans y avoir été préalablement autorisé par son supérieur hiérarchique. Sans préjudice de l’application éventuelle des dispositions prévues en matière disciplinaire, toute absence irrégulière dûment constatée est imputée sur la durée du congé annuel de l’intéressé. En cas d’épuisement de ce congé, le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération pour la période correspondante. »

8        L’article 85 du statut prévoit :

« Toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

[...] »

9        L’article 86 du statut est l’unique article du titre VI de celui-ci, lequel est intitulé « Du régime disciplinaire ». Cet article dispose :

« 1.      Tout manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est tenu, au titre du présent statut, commis volontairement ou par négligence, l’expose à une sanction disciplinaire.

[...]

3.      Les règles, procédures et sanctions disciplinaires, ainsi que les règles et procédures régissant les enquêtes administratives, sont établies à l’annexe IX. »

 Le RAA

10      L’article 1er du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») prévoit :

« Le présent régime s’applique à tout agent engagé par contrat par l’Union [européenne]. Cet agent a la qualité :

[...]

–        d’assistant parlementaire accrédité.

[...] »

11      L’article 5 bis du RAA dispose :

« Est considéré comme “assistant parlementaire accrédité”, aux fins du présent régime, la personne choisie par un ou plusieurs députés et engagée sous contrat direct avec le Parlement européen pour apporter une assistance directe, dans les locaux du Parlement européen, sur l’un de ses trois lieux de travail, à ce ou à ces députés dans l’exercice de leurs fonctions de députés au Parlement européen, sous leur direction et leur autorité et dans une relation de confiance mutuelle, selon la liberté de choix visée à l’article 21 [du statut des députés]. »

12      Le titre VII du RAA contient les dispositions applicables aux assistants parlementaires accrédités et comporte neuf chapitres. L’article 125 du RAA figure au chapitre 1 de ce titre, intitulé « Dispositions générales », et dispose, à son paragraphe 1 :

« Le Parlement européen adopte, par une décision interne, des mesures d’application aux fins de l’application du présent titre. »

13      Le chapitre 4 du titre VII du RAA est intitulé « Conditions de travail » et comporte, comme unique article, l’article 131 de celui-ci, lequel prévoit :

« 1.      Les assistants parlementaires accrédités sont engagés pour exécuter des tâches soit à temps partiel, soit à plein temps.

2.      Le député fixe la durée hebdomadaire du travail d’un assistant parlementaire accrédité mais celle-ci ne peut en temps normal excéder 42 heures par semaine.

3.      L’assistant parlementaire accrédité ne peut être tenu d’accomplir des heures supplémentaires que dans les cas d’urgence ou de surcroît exceptionnel de travail. [...]

4. Cependant, les heures supplémentaires accomplies par les assistants parlementaires accrédités ne donnent pas droit à compensation ou à rémunération.

5. Les articles 42 bis, 42 ter, 55 bis et 57 à 61 du [statut] concernant les congés, la durée du travail et les jours fériés [...] s’appliquent par analogie. [...] »

14      Le chapitre 7 du titre VII du RAA est intitulé « Répétition de l’indu » et comporte, comme unique article, l’article 137 de celui-ci, libellé ainsi :

« Les dispositions de l’article 85 du statut concernant la répétition de l’indu sont applicables par analogie. »

15      Le chapitre 9 du titre VII du RAA est intitulé « Fin de l’engagement ». L’article 139 du RAA, unique article de ce chapitre, dispose, à son paragraphe 3 :

« [...] [I]l peut être mis fin sans préavis à l’emploi d’un assistant parlementaire accrédité en cas de manquement grave à ses obligations, que ce soit de manière intentionnelle ou par négligence de sa part. L’autorité [habilitée à conclure les contrats d’engagement] prend une décision motivée après que l’intéressé a eu la possibilité de présenter sa défense.

Des dispositions spécifiques relatives à la procédure disciplinaire sont fixées dans les mesures d’application visées à l’article 125, paragraphe 1. »

 Le règlement (CE) no 160/2009

16      L’article 5 bis du RAA et le titre VII de celui-ci ont été insérés dans le RAA en vertu de l’article 1er du règlement (CE) no 160/2009 du Conseil, du 23 février 2009, modifiant le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (JO 2009, L 55, p. 1). Les considérants 5 et 16 de ce règlement énoncent :

« (5)        [...] [D]e manière à assurer à travers des règles communes la transparence et la sécurité juridique, il convient de prévoir que les assistants parlementaires accrédités soient employés en vertu de contrats directs avec le Parlement européen. [...]

[...]

(16)       Les mesures d’application arrêtées par une décision interne du Parlement européen devraient inclure d’autres règles pour l’application du présent règlement, fondées sur le principe de bonne gestion financière énoncé au titre II du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes [(JO 2002, L 248, p. 1)]. »

 Le règlement financier

17      L’article 92, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1 ; ci-après le « règlement financier »), prévoit :

« 1.      L’ordonnateur compétent engage sa responsabilité pécuniaire dans les conditions prévues au statut.

2.      La responsabilité pécuniaire de l’ordonnateur est engagée notamment si l’ordonnateur compétent, intentionnellement ou par négligence grave :

a)      constate les droits à recouvrer ou émet les ordres de recouvrement, engage une dépense ou signe un ordre de paiement, sans se conformer au présent règlement ;

b)      omet d’établir un acte engendrant une créance, omet ou retarde l’émission d’un ordre de recouvrement, ou retarde l’émission d’un ordre de paiement, engageant ainsi la responsabilité civile de l’institution de l’Union à l’égard de tiers. »

 Les antécédents du litige

18      Les antécédents du litige figurent aux points 2 à 12 de l’arrêt attaqué et, pour les besoins de la présente procédure, peuvent être résumés de la manière suivante.

19      La requérante a été députée au Parlement de l’année 2014 à l’année 2019.

20      Le 17 mai 2016, le Parlement a conclu avec A, sur le fondement de l’article 5 bis du RAA, un contrat d’engagement en qualité d’assistant parlementaire accrédité à temps plein à Bruxelles (Belgique), pour la période allant du 17 mai 2016 à la fin de la législature. Ce contrat d’engagement précisait que l’assistant parlementaire concerné exercerait principalement des fonctions de rédaction et de conseil, mais pourrait également être appelé à exécuter des fonctions de support administratif et de secrétariat.

21      Le 26 octobre 2016, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a ouvert une enquête à l’égard de certains députés au Parlement et de certains de leurs assistants au sujet, notamment, de l’indemnité d’assistance parlementaire qui leur avait été versée. Le 8 novembre 2018, il a informé la requérante qu’elle était l’une des personnes concernées par cette enquête et l’a invitée à présenter ses observations sur les faits la concernant, ce qu’elle a fait par un courriel du 11 décembre 2018.

22      Le 30 novembre 2018, à la suite de la démission d’A, le contrat de travail de cette dernière a pris fin.

23      Au regard du rapport de l’OLAF, établi le 26 mars 2019, ainsi que d’une évaluation préliminaire du Parlement, le secrétaire général de ce dernier a, le 16 avril 2020, informé la requérante de l’ouverture d’une procédure de recouvrement à son égard, conformément à l’article 68 des mesures d’application, et l’a invitée à présenter ses observations, ce qu’elle a fait le 12 juin suivant. À cette occasion, elle a transmis au secrétaire général du Parlement un dossier composé de plusieurs pièces, destinées à établir la réalité du travail exercé par A.

24      Par la décision litigieuse, le secrétaire général du Parlement a estimé que, au cours de la période allant du 17 mai 2016 au 30 novembre 2018, une somme d’un montant de 196 199,84 euros avait été indûment versée dans le cadre de l’engagement d’A et devait être recouvrée auprès de la requérante. Il a également chargé l’ordonnateur délégué compétent du Parlement de procéder à un tel recouvrement.

25      Le 15 janvier 2021, le directeur général de la direction générale (DG) « Finances » du Parlement, en qualité d’ordonnateur délégué de cette institution, a émis la note de débit, ordonnant le recouvrement de la somme d’un montant de 196 199,84 euros et invitant la requérante à acquitter cette note au plus tard le 11 mars suivant. Cette décision et ladite note ont été communiquées à la requérante le 3 mars 2021.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

26      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2021, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et de la note de débit. À l’appui de ce recours, elle a soulevé cinq moyens tirés, le premier, d’une violation de l’article 137 du RAA, le deuxième, d’un défaut d’application du critère exact du « versement indu » découlant des articles 33 et 68 des mesures d’application, le troisième, d’une violation du droit des députés à la liberté et à l’indépendance, le quatrième, d’un défaut de motivation de la décision litigieuse et, le cinquième, d’erreurs d’appréciation.

27      Ainsi qu’il ressort du point 40 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que les premier et deuxième moyens dudit recours, examinés conjointement, devaient être écartés pour les motifs exposés aux points 22 à 39 de cet arrêt.

28      Dans ce contexte, au point 33 dudit arrêt, il a jugé que, contrairement à ce que la requérante avait soutenu, l’article 137 du RAA, lu en combinaison avec l’article 85 du statut, n’était pas applicable, dès lors que ces articles avaient vocation à s’appliquer aux procédures de recouvrement engagées par le Parlement à l’égard d’un assistant parlementaire accrédité, alors que la procédure de recouvrement au titre de l’article 68 des mesures d’application avait pour objet l’indemnité d’assistance parlementaire concernée et était menée à l’égard de la requérante en tant qu’ancienne députée.

29      En outre, au point 35 du même arrêt, le Tribunal a souligné que, contrairement à ce qu’avait fait valoir la requérante, aucune distinction ne pouvait être relevée au sein de la jurisprudence entre, d’une part, une interprétation restrictive de la notion d’« assistance », au sens de l’article 33 des mesures d’application, qui impliquerait de prouver des activités spécifiques fournies dans le cadre de celle-ci, et, d’autre part, une interprétation large de cette notion, selon laquelle la requérante aurait dû simplement prouver l’existence d’un engagement approprié d’A et d’une relation de travail.

30      Au point 60 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le troisième moyen du recours devait être écarté, pour les motifs exposés aux points 48 à 59 de cet arrêt. En particulier, il ressort du point 55 dudit arrêt que, pour les motifs exposés aux points 48 à 54 de celui-ci, le Tribunal a considéré que la décision litigieuse, en ordonnant la récupération de sommes indûment versées auprès de la requérante au titre de l’indemnité d’assistance parlementaire, ne portait pas atteinte à la liberté et à l’indépendance de celle-ci. Par ailleurs, en réponse aux allégations de la requérante selon lesquelles la procédure de recouvrement risquait d’entraîner sa faillite, était de nature « punitive » alors qu’elle n’avait pas reçu personnellement les sommes dont le recouvrement était demandé, comportait un effet dissuasif sur les députés en l’absence d’organes indépendants la supervisant et aurait dû s’inspirer d’un autre régime prévu par le règlement financier, le Tribunal a fait remarquer, au point 58 de l’arrêt attaqué, que le secrétaire général du Parlement avait seulement mis en œuvre le cadre juridique applicable, constitué notamment par les mesures d’application.

31      Après avoir aussi écarté, au point 80 de l’arrêt attaqué, le quatrième moyen du recours, le Tribunal a examiné, aux points 81 à 157 de celui-ci, le cinquième moyen de celui-ci et a conclu, au point 158 de cet arrêt, que ce dernier moyen devait être accueilli en tant qu’il concernait les mois de mai, de juillet et de novembre 2016, de juin 2017 ainsi que de mars, d’avril et de novembre 2018, le cinquième moyen devant être écarté pour le surplus.

32      Partant, ainsi qu’il ressort du point 159 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la décision litigieuse et, par voie de conséquence, la note de débit devaient être annulées en tant qu’elles avaient trait à des sommes versées pour les mois de mai, de juillet et de novembre 2016, de juin 2017 ainsi que de mars, d’avril et de novembre 2018, le recours devant être rejeté pour le surplus.

 Les conclusions des parties

33      La requérante demande à la Cour :

–        d’annuler partiellement l’arrêt attaqué, dans la mesure où il confirme partiellement la validité de la décision litigieuse et de la note de débit ;

–        d’annuler dans leur intégralité la décision litigieuse et la note de débit, et

–        de condamner le Parlement aux dépens de la procédure tant devant le Tribunal que devant la Cour.

34      Le Parlement demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

35      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque trois moyens tirés, le premier, d’un défaut d’application du critère de la « connaissance », au sens de l’article 137 du RAA, le deuxième, d’une erreur de droit dans l’application de l’article 33 des mesures d’application et, le troisième, d’une violation du principe de liberté et d’indépendance des députés.

36      Il convient d’examiner, en premier lieu, le deuxième moyen de pourvoi.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’article 33 des mesures d’application

 Argumentation des parties

37      La requérante fait valoir qu’il ressort du point 35 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est fondé sur une interprétation erronée du terme « assistance », figurant à l’article 33 des mesures d’application. Selon la requérante, cet article exige que le Parlement établisse une distinction entre les frais exposés par les députés et les salaires des assistants parlementaires. Le contrat de travail conclu avec un assistant parlementaire donnerait lieu à une relation juridique, en vertu de laquelle une rémunération serait due chaque mois. Par conséquent, le paiement du salaire d’un assistant parlementaire ne saurait être qualifié d’« indu », au seul motif que l’assistant concerné n’a pas correctement accompli une tâche au cours d’un mois civil, comme le Tribunal l’aurait considéré à tort. Une telle qualification ne serait possible qu’en conformité avec les règles régissant la relation de travail concernée. À cet égard, la requérante rappelle que le RAA contient des dispositions prévoyant des procédures disciplinaires et, le cas échéant, la résiliation du contrat d’un assistant parlementaire.

38      Le Parlement fait valoir, à titre principal, que le deuxième moyen de pourvoi est irrecevable et, en tout état de cause, inopérant. La requérante effectuerait une lecture erronée du point 35 de l’arrêt attaqué et invoquerait une argumentation identique à celle qu’elle avait invoquée en première instance, si bien que ce deuxième moyen constituerait, en réalité, une demande visant à obtenir un simple réexamen d’un moyen soulevé devant le Tribunal. Par ailleurs, à supposer que le point 35 de l’arrêt attaqué soit entaché d’une erreur de droit, une telle erreur ne suffirait pour justifier l’annulation de cet arrêt.

39      À titre encore plus subsidiaire, le Parlement estime que le deuxième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

40      Ainsi qu’il ressort des points 17 et 18 de l’arrêt attaqué, dans le cadre des premier et deuxième moyens de son recours devant le Tribunal, la requérante a fait valoir notamment que la décision litigieuse reposait sur une interprétation erronée de l’article 33 des mesures d’application. Elle a, en substance, soutenu qu’il découlait de cet article qu’il suffit qu’un député établisse l’existence d’une relation de travail avec son assistant parlementaire pour que le Parlement prenne en charge les frais de l’assistance fournie. Dans ce contexte, la requérante a invoqué la coexistence dans la jurisprudence d’une interprétation restrictive de la notion d’« assistance », au sens de cet article 33, et d’une interprétation large de celle-ci.

41      Ces arguments de la requérante ont été écartés aux points 35 à 37 de l’arrêt attaqué, ce qui a amené le Tribunal à juger, au point 38 de cet arrêt, que c’était à bon droit que le Parlement avait considéré dans la décision litigieuse qu’il incombait à la requérante d’apporter des preuves de l’activité de son assistant parlementaire. En particulier, au point 35 dudit arrêt, le Tribunal a écarté l’argument de la requérante tiré d’une prétendue coexistence, dans la jurisprudence, d’une interprétation restrictive de la notion d’« assistance », au sens de l’article 33 des mesures d’application, et d’une interprétation large de celle-ci.

42      Il s’ensuit qu’une éventuelle erreur de droit ayant entaché le point 35 de l’arrêt attaqué serait susceptible de remettre en cause le bien-fondé de la constatation figurant au point 38 de cet arrêt et, partant, de justifier l’annulation de ce dernier. Dès lors, contrairement à ce que fait valoir le Parlement, le deuxième moyen de pourvoi n’est pas inopérant.

43      En outre, il convient de relever que la question de savoir si, conformément à l’article 33 des mesures d’application, un député doit apporter la preuve de la réalité du travail d’assistance effectué par son assistant parlementaire, à défaut de quoi ce député doit rembourser au Parlement, conformément à l’article 68 de ces mesures, la rémunération perçue par cet assistant, constitue une question de droit qui peut faire l’objet d’un réexamen par la Cour au stade du pourvoi.

44      Le fait que, dans ce contexte, la requérante réitère, pour l’essentiel, les arguments qu’elle avait invoqués devant le Tribunal ne saurait justifier d’écarter le deuxième moyen de pourvoi comme étant irrecevable. En effet, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union effectuées par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au stade d’un pourvoi. Si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 34 et jurisprudence citée).

45      Par ailleurs, la question de savoir si la requérante effectue une lecture erronée du point 35 de l’arrêt attaqué relève non pas de l’appréciation de la recevabilité du deuxième moyen de pourvoi, mais du bien-fondé de celui-ci.

46      Il s’ensuit que le deuxième moyen de pourvoi ne saurait être écarté comme étant irrecevable.

47      S’agissant du bien-fondé de ce moyen, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il ressort de l’article 33, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application qu’il appartient aux députés qui demandent une prise en charge financière, par le Parlement, des frais de l’assistance de collaborateurs personnels de prouver que ces frais ont effectivement été engagés et correspondent à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de leur mandat (ordonnance du 21 mai 2019, Le Pen/Parlement, C‑525/18 P, EU:C:2019:435, point 37 et jurisprudence citée).

48      Il ressort de cette jurisprudence, d’une part, que, aux fins de l’application des dispositions susmentionnées, aucune distinction ne saurait être établie entre les frais liés à l’assistance parlementaire et les autres frais engagés par les députés, susceptibles d’être pris en charge par le Parlement. C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu nier, au point 35 de l’arrêt attaqué, la coexistence, dans la jurisprudence, de deux acceptations divergentes de la notion d’ « assistance », au sens de l’article 33 des mesures d’application.

49      D’autre part, il découle de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt que le seul fait qu’un salaire a été versé à un assistant parlementaire en vertu d’un contrat de travail conclu entre celui-ci et le Parlement ne suffit pas pour prouver que ce salaire correspond à un travail d’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat d’un député.

50      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la preuve de la réalité de l’assistance fournie, ainsi que celle du caractère nécessaire et du caractère direct du lien de cette assistance avec l’exercice du mandat parlementaire du député concerné, au sens de l’article 33, paragraphe 2, des mesures d’application, n’implique aucunement que soit prise en considération la qualité du travail accompli. S’il est démontré qu’un assistant parlementaire a réellement accompli un travail visant à fournir au député concerné une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat de celui-ci, le Parlement est tenu de prendre en charge les frais de cette assistance, quand bien même la qualité du travail de l’assistant concerné serait insatisfaisante. Rien dans l’arrêt attaqué, qui ne contient aucune allusion à la qualité du travail accompli par un assistant parlementaire, ne justifie de considérer que le Tribunal est parvenu à une conclusion différente s’agissant de cette question.

51      Pour ce qui est de la possibilité, évoquée par la requérante, d’entamer une procédure disciplinaire contre un assistant parlementaire qui n’accomplit pas les tâches qui lui ont été confiées, ou de résilier le contrat conclu avec lui, il y a lieu de relever que, certes, dans la mesure où l’assistant parlementaire concerné est lié par un contrat au Parlement, ce dernier est en droit, conformément aux dispositions pertinentes du RAA, non seulement d’adopter, à l’égard de cet assistant, des mesures disciplinaires ou de procéder à la résiliation du contrat de celui-ci, mais aussi de refuser audit assistant le versement de son salaire en cas d’absence irrégulière de celui-ci de son lieu de travail sans autorisation préalable, au sens de l’article 60 du statut, applicable aux assistants parlementaires conformément à l’article 131, paragraphe 5, du RAA et, le cas échéant, de demander au même assistant, conformément à l’article 85 du statut, applicable aux assistants parlementaires conformément à l’article 137 du RAA, le remboursement de toute somme indûment perçue à ce titre.

52      Encore faut-il, toutefois, que le député concerné informe le Parlement d’une absence non autorisée de l’assistant parlementaire concerné ou de tout autre manquement de celui-ci à ses obligations et à ses devoirs. En effet, conformément à l’article 131, paragraphe 2, du RAA, c’est le député lui-même qui fixe la durée hebdomadaire du travail de son assistant parlementaire et qui, partant, est le seul à même de savoir si cet assistant parlementaire est absent, sans autorisation, de son lieu de travail. De plus, le travail qu’un assistant parlementaire est censé effectuer est de telle nature que seul le député concerné est en mesure de savoir si ce travail a effectivement été accompli et si, le cas échéant, l’engagement d’une procédure disciplinaire voire la résiliation du contrat conclu avec l’assistant parlementaire concerné doivent être envisagés.

53      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a, en substance, jugé, aux points 35 à 38 de l’arrêt attaqué, que, conformément à l’article 33, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application, il incombe à un député de prouver au Parlement que son assistant parlementaire, engagé à sa demande par le Parlement conformément à l’article 5 bis du RAA, lui a fourni l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat, à défaut de quoi le Parlement doit adopter, conformément à l’article 68, paragraphes 1 et 2, de ces mesures, une décision de recouvrement des frais engagés au titre de cette assistance.

54      Il s’ensuit que le deuxième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré d’un défaut d’application du critère de la « connaissance », au sens de l’article 137 du RAA

 Argumentation des parties

55      La requérante fait valoir que, conformément à l’article 137 du RAA, le recouvrement, auprès d’un député, du salaire de son assistant parlementaire, suppose la connaissance préalable, de la part de ce député, du caractère indu du versement de ce salaire. Selon la requérante, en écartant, au point 33 de l’arrêt attaqué, l’argumentation qu’elle avait invoquée en ce sens en première instance, le Tribunal s’est fondé sur une interprétation erronée des articles 34 et 68 des mesures d’application.

56      À cet égard, la requérante fait valoir que le RAA est intégré dans les mesures d’application, comme le démontre l’article 34 de ces mesures, lequel renvoie à l’article 5 bis du RAA. Partant, toute récupération auprès d’un député du salaire d’un assistant parlementaire accrédité devrait répondre aux critères prévus à l’article 85 du statut, auquel renvoie l’article 137 du RAA. À cet égard, la requérante considère qu’un député doit être qualifié de « bénéficiaire », au sens de l’article 85 du statut, des avantages découlant de l’engagement d’un assistant parlementaire accrédité. Il s’ensuivrait que, pour faire l’objet d’un ordre de recouvrement, un député aurait dû avoir eu connaissance de l’irrégularité du versement concerné, ou cette irrégularité aurait dû être si évidente que ce député ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.

57      La logique du mécanisme de recouvrement concerné serait, ainsi, à la fois simple et conforme aux principes d’équité. En effet, il serait manifestement injuste de faire supporter aux députés la charge à la fois financière et morale qu’implique le recouvrement du salaire d’un assistant parlementaire accrédité, sur la base d’un « régime de responsabilité sans faute », lequel n’étant, selon la requérante, aucunement prévu à l’article 68 des mesures d’application.

58      Cette considération serait confirmée par l’examen de la genèse des dispositions pertinentes. En effet, les mesures d’application et les dispositions du RAA relatives aux assistants parlementaires accrédités auraient été adoptées quasi simultanément et, comme le prouverait le considérant 5 du règlement no 160/2009, poursuivraient un objectif commun, à savoir répondre au problème du manque de transparence et de responsabilité dans la fourniture de l’assistance parlementaire, source de graves difficultés de par le passé. Le considérant 16 de ce règlement constituerait une indication supplémentaire du fait que le RAA, les mesures d’application et le règlement financier devaient former un régime unique et cohérent de responsabilité financière.

59      Le Parlement  fait valoir, à titre principal, que le premier moyen de pourvoi est irrecevable, dans la mesure où il ne constitue, pour l’essentiel, qu’un résumé du premier moyen du recours de la requérante devant le Tribunal, procède d’une lecture erronée, voire d’une dénaturation, de l’arrêt attaqué et où la requérante n’indique pas, de façon suffisamment cohérente et compréhensible, quelle est l’erreur de droit qu’elle reproche au Tribunal.

60      En tout état de cause, le Parlement estime que le premier moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

61      Contrairement à ce que fait valoir le Parlement, le premier moyen de pourvoi ne saurait être écarté comme étant irrecevable. L’erreur de droit que la requérante reproche au Tribunal ressort clairement de la lecture de son argumentation. En outre, il ressort de la jurisprudence citée au point 44 du présent arrêt qu’il est loisible à la requérante de reprendre, au stade du pourvoi, des arguments invoqués en première instance. Enfin, ainsi qu’il ressort du point 45 du présent arrêt, à supposer que le premier moyen de pourvoi procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué, une telle circonstance serait susceptible de justifier que ce moyen fût écarté comme étant non fondé et n’affecterait pas la recevabilité de celui-ci.

62      Pour ce qui est de l’examen du premier moyen de pourvoi quant au fond, il convient de constater que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 33 de l’arrêt attaqué, que l’article 137 du RAA, qui renvoie à l’article 85 du statut, a vocation à s’appliquer aux procédures de recouvrement engagées par le Parlement à l’égard d’un assistant parlementaire accrédité et n’est pas susceptible de s’appliquer à un député, lequel ne relève pas du RAA.

63      À supposer que l’argumentation de la requérante résumée au point 16 de l’arrêt attaqué et réitérée, pour l’essentiel, dans le pourvoi puisse être comprise comme plaidant en faveur d’une application par analogie des critères prévus à l’article 85 du statut, lorsqu’il est envisagé d’adresser à un député une demande de remboursement, au titre de l’article 68, paragraphe 2, des mesures d’application, une telle argumentation ne saurait prospérer, le Tribunal n’ayant pas commis d’erreur de droit en ce qu’il a écartée celle-ci.

64      En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 47 du présent arrêt, il incombe au député concerné de prouver que les sommes versées par le Parlement à son assistant parlementaire accrédité correspondent à une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat, à défaut de quoi ces sommes doivent être considérées comme ayant été « indûment versées », au sens de l’article 68, paragraphe 1, des mesures d’application, et faire l’objet d’une décision de recouvrement, conformément au paragraphe 2 de cet article.

65      D’autre part, ainsi qu’il est relevé au point 52 du présent arrêt, le député concerné est le seul à même de constater que son assistant parlementaire accrédité ne lui fournit pas une assistance nécessaire et directement liée à l’accomplissement de son mandat, voire est absent sans autorisation de son lieu de travail, et d’en avertir le Parlement, pour que ce dernier adopte, à l’égard de cet assistant, les mesures appropriées prévues par le RAA, y compris, le cas échéant, la suspension du versement de son salaire ou la résiliation de son contrat.

66      Dès lors, l’hypothèse d’un député qui n’a pas connaissance du versement indu du salaire de son assistant parlementaire peut d’emblée être exclue, de même qu’une éventuelle application, par analogie, aux députés de l’article 137 du RAA.

67      En outre, il ressort des considérations exposées aux points 64 et 65 du présent arrêt que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne saurait être prétendu que les mesures d’application instituent un « régime de responsabilité sans faute » des députés pour le remboursement des sommes indûment versées à leurs assistants.

68      Il ressort de tout ce qui précède que le premier moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de liberté et d’indépendance des députés

 Argumentation des parties

69      La requérante  reproche au Tribunal une erreur de droit, en ce qu’il a écarté, aux points 45 à 60 de l’arrêt attaqué, son argumentation selon laquelle le « régime de responsabilité sans faute » des députés pour toute erreur commise de bonne foi dans leur relation de travail avec leurs assistants parlementaires est contraire au droit des députés à la liberté et à l’indépendance, au titre de l’article 2 et de l’article 21, paragraphe 2, du statut des députés.

70      Selon la requérante, il ressort de l’article 21 du statut des députés que les assistants parlementaires doivent être employés par les députés. Cette relation de travail créerait les conditions pour une confiance mutuelle dans la relation entre le député concerné et son assistant, relation qui devrait s’inscrire dans la durée. Un député ne devrait pas être contraint de changer de prestataire de services à intervalles rapprochés.

71      La requérante se réfère au point 58 de l’arrêt attaqué, aux termes duquel « le secrétaire général du Parlement n’a fait que mettre en œuvre le cadre juridique applicable, constitué notamment par les mesures d’application, dont le Tribunal a, par ailleurs, récemment confirmé la légalité ». Cette phrase démontre, selon la requérante, que le Tribunal n’a pas tenu compte de la substance même du droit des députés à la liberté et à l’indépendance, en tant que cadre juridique pertinent qui complète les mesures d’application et guide leur interprétation et leur application. Conformément aux principes de la démocratie représentative, les dispositions relatives au remboursement des frais engagés par les députés devraient être interprétées de manière à ne pas porter atteinte à la liberté et à l’indépendance des députés, lesquels devraient être protégés contre les risques ordinaires susceptibles d’influer sur leur appréciation.

72      Or, par l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait avalisé le « régime de responsabilité sans faute » institué par le Parlement, selon lequel, chaque fois qu’un député ne peut produire de preuves susceptibles de démontrer que son assistant parlementaire s’était montré suffisamment performant pendant un mois civil donné, le Parlement serait en droit de présumer que le salaire de cet assistant pour ce mois civil a été « indûment versé » et faire l’objet d’un recouvrement auprès de ce député. À cet égard, la requérante fait valoir que, conformément à l’article 92 du règlement financier, la responsabilité des fonctionnaires de l’Union ne peut être engagée qu’en cas d’agissement intentionnel ou de négligence grave. Or, le Tribunal aurait estimé que les députés devraient être moins protégés que les fonctionnaires de l’Union contre les erreurs commises de bonne foi.

73      En outre, le « régime de responsabilité sans faute » institué par le Parlement serait contrôlé non pas par un régulateur indépendant, mais par d’autres députés, très probablement des adversaires politiques du député concerné. Les députés ne seraient véritablement libres et indépendants, s’ils pouvaient être « ruinés » par les effets d’une décision prise par leurs adversaires politiques, en raison d’une erreur commise de bonne foi dans leur relation de travail avec un assistant parlementaire.

74      Le Parlement estime, à titre principal, que le troisième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant manifestement irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

75      Contrairement à ce que fait valoir le Parlement, le troisième moyen de pourvoi ne saurait être écarté comme étant irrecevable. Tout d’abord, ainsi qu’il est rappelé au point 44 du présent arrêt, il est loisible à la requérante de reprendre, au stade du pourvoi, des arguments invoqués en première instance. Ensuite, l’argumentation développée par la requérante dans le cadre de ce troisième moyen ne se limite pas, comme le Parlement le soutient, à critiquer le point 58 de l’arrêt attaqué. Partant, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le point de savoir si cette argumentation doit être considérée comme étant dirigée contre un motif surabondant de cet arrêt qui ne saurait entraîner son annulation et qui serait donc inopérant. Enfin, à l’instar de ce qui est relevé au point 45 du présent arrêt, à supposer que ledit troisième moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué, une telle circonstance serait susceptible de justifier que le même moyen fût écarté comme étant non fondé et n’affecte pas la recevabilité de celui-ci.

76      Pour ce qui est de l’examen du troisième moyen de pourvoi quant au fond, il convient de constater que l’argumentation invoquée par la requérante dans le cadre de ce troisième moyen procède d’une double prémisse erronée, en ce que la requérante soutient, d’une part, que le Parlement a mis en place un « régime de responsabilité sans faute » des députés pour le remboursement des sommes indûment versées à leurs assistants parlementaires accrédités et, d’autre part, que le Parlement, par la décision litigieuse, puis le Tribunal, par l’arrêt attaqué, ont considéré, à tort, que la rémunération versée à un tel assistant était à considérer comme ayant été indûment versée, si cet assistant ne se montrait pas « suffisamment performant ».

77      Or, d’une part, il ressort des points 64 et 67 du présent arrêt que, contrairement à ce que prétend la requérante, les dispositions relatives au remboursement des sommes indûment versées au titre de l’indemnité d’assistance parlementaire n’instituent pas un « régime de responsabilité sans faute ». D’autre part, il ressort du point 50 du présent arrêt que, pour démontrer que les frais d’assistance parlementaire pris en charge par le Parlement n’ont pas été indûment versés, un député doit seulement prouver que ces frais correspondent à un travail réellement accompli par son assistant, visant à fournir à ce député une assistance nécessaire et directement liée à l’exercice de son mandat, indépendamment de la qualité de ce travail. Comme il est également relevé à ce point du présent arrêt, rien dans l’arrêt attaqué n’indique que le Tribunal est parvenu à une conclusion différente concernant cette question.

78      De surcroît, il y a lieu de relever, à l’instar du Tribunal au point 52 de l’arrêt attaqué, que la prise en charge, par le Parlement, des frais d’assistance parlementaire des députés vise, précisément, à renforcer la liberté et l’indépendance de ces derniers, dans la mesure où ils n’auront pas besoin de recourir à d’autres sources de financement, éventuellement privées, pour faire face à ces frais.

79      Cependant, pour prévenir des abus éventuel, l’article 33, paragraphes 1 et 2, des mesures d’application prévoit l’obligation des députés de prouver que les frais pris en charge par le Parlement correspondent à une assistance réelle, nécessaire et directement liée à l’exercice de leur mandat. Cette disposition poursuit donc un objectif légitime et l’obligation qu’elle impose aux députés n’excède pas ce qui est nécessaire et approprié pour atteindre cet objectif. Il convient, à cet égard, de rappeler que cette obligation peut être satisfaite par la production de tout élément de preuve pertinent en la possession du député (voir, en ce sens, ordonnance du 21 mai 2019, Le Pen/Parlement, C‑525/18 P, EU:C:2019:435, point 38).

80      S’agissant de l’argument de la requérante, selon lequel la prise en charge des frais d’assistance parlementaire est contrôlée non pas par un régulateur indépendant, mais par d’autres députés, qui pourraient être des adversaires politiques du député concerné, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 68, paragraphe 2, des mesures d’application, les décisions de recouvrement sont arrêtées par le secrétaire général du Parlement, lequel n’est pas un député.

81      Par ailleurs et en tout état de cause, l’article 2 du statut des députés, qui consacre la liberté et l’indépendance de ceux-ci, ne saurait être interprété en ce sens qu’il s’oppose, par principe, à toute implication des députés du Parlement dans l’adoption de la réglementation et, éventuellement, des mesures relatives à la prise en charge des frais d’assistance parlementaire, étant rappelé que tout député qui se voit confronté à une décision de recouvrement de tels frais engagés par le Parlement pour son compte peut contester cette décision devant le juge de l’Union, en faisant valoir tout moyen et argument approprié, y compris, le cas échéant, l’absence d’impartialité des personnes qui auraient été impliquées dans l’adoption de ladite décision.

82      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 55 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse, en ordonnant la récupération de sommes indûment versées au titre de l’indemnité d’assistance parlementaire en vertu de la procédure prévue par les dispositions pertinentes, ne portait pas atteinte à la liberté et à l’indépendance de la requérante.

83      Par conséquent, le troisième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé et, partant, le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

85      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

86      La requérante ayant succombé et le Parlement ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      SN est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.