Language of document : ECLI:EU:T:2005:33

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
3 février 2005


Affaire T-137/03


Ornella Mancini

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Poste de conseiller-médecin – Modification de l'avis de vacance – Détournement de pouvoir – Composition du jury de sélection – Examen comparatif des mérites – Erreur manifeste d'appréciation – Égalité de traitement entre hommes et femmes – Recours en indemnité »

Texte complet en langue française ……………………………………….II - 0000

Objet: Recours ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la Commission de ne pas retenir la candidature de la requérante au poste de conseiller-médecin auprès de l'unité « Service médical – Bruxelles » et de la décision de nommer un autre candidat audit poste et, d'autre part, une demande de dommages et intérêts.

Décision: Le recours est rejeté. Chaque partie supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Droits et obligations – Obligation d'indépendance et d'intégrité – Obligation d'informer l'administration à titre préventif de tout conflit d'intérêts éventuel

(Statut des fonctionnaires, art. 14)

2.      Fonctionnaires – Vacance d'emploi – Pourvoi par voie de promotion – Examen comparatif des mérites des candidats – Intervention d'un comité de sélection – Composition – Pouvoir d'appréciation de l'autorité investie du pouvoir de nomination et du comité du personnel quant au choix des membres – Contrôle juridictionnel – Limites

(Statut des fonctionnaires, art. 29)

3.      Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites – Prise en considération des rapports de notation – Dossier individuel incomplet – Irrégularité de la procédure – Conditions

(Statut des fonctionnaires, art. 43 et 45)

4.      Fonctionnaires – Vacance d'emploi – Pourvoi par voie de promotion ou de mutation – Examen comparatif des mérites des candidats – Pouvoir d'appréciation de l'administration – Limites – Respect des conditions posées par l'avis de vacance – Contrôle juridictionnel – Portée

[Statut des fonctionnaires, art. 29, § 1, sous a), et 45]

5.      Fonctionnaires – Vacance d'emploi – Examen comparatif des mérites des candidats – Prise en compte de l'ensemble de la personnalité des candidats – Admissibilité

6.      Fonctionnaires – Avis de vacance d'emploi – Objet – Examen comparatif des mérites des candidats – Pouvoir d'appréciation de l'administration – Limites – Respect des conditions posées par l'avis de vacance – Retrait et remplacement d'un avis de vacance – Admissibilité

(Statut des fonctionnaires, art. 45)

7.      Fonctionnaires – Égalité de traitement – Égalité entre fonctionnaires de sexe masculin et fonctionnaires de sexe féminin – Dérogations – Mesures visant à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes – Conditions

(Art. 141, § 4,  CE)

8.      Fonctionnaires – Égalité de traitement – Égalité entre hommes et femmes – Caractère uniquement programmatoire des instruments adoptés par la Commission

1.      Aux termes de l'article 14 du statut, le fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, est amené à se prononcer sur une affaire au traitement ou à la solution de laquelle il a un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance doit en informer l'autorité investie du pouvoir de nomination. Eu égard au caractère fondamental des objectifs d'indépendance et d'intégrité poursuivis par cette disposition, et compte tenu de ce que l'obligation prescrite consiste, pour le fonctionnaire concerné, à informer l'autorité investie du pouvoir de nomination à titre préventif, l'article 14 du statut a un champ d'application large. Celui ci couvre toute circonstance dont le fonctionnaire qui est amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre qu'elle est de nature à apparaître, aux yeux de tiers, comme une source possible d'affectation de son indépendance en la matière. Toutefois, l'existence de relations professionnelles entre un fonctionnaire et un tiers ne saurait, en principe, impliquer que l'indépendance du fonctionnaire est compromise ou apparaît comme telle lorsque ce fonctionnaire est appelé à se prononcer sur une affaire dans laquelle ce tiers intervient.

(voir points 29, 31 et 33)

Référence à : Tribunal 11 septembre 2002, Willeme/Commission, T‑89/01, RecFP p. I‑A‑153 et II‑803, points 47 et 58

2.      Lorsque, pour pourvoir un emploi par voie de promotion, l'autorité investie du pouvoir de nomination fait intervenir, comme elle en a le droit, au stade préparatoire de sa décision, un comité de sélection, celui‑ci doit être composé de façon à garantir une appréciation objective des candidats au regard de leurs qualités professionnelles. Les exigences auxquelles doivent satisfaire ses membres varient cependant en fonction des circonstances propres à chaque procédure. À cet égard, l'autorité investie du pouvoir de nomination et le comité du personnel jouissent d'un large pouvoir d'appréciation pour évaluer les compétences des personnes qu'ils sont appelés à désigner pour y siéger et il n'appartient au Tribunal de censurer leur choix que si les limites de ce pouvoir n'ont pas été respectées.

(voir points 43 à 45)

Référence à : Tribunal 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, Rec. p. II‑407, points 105 et 107 ; Tribunal 25 février 1992, Schloh/Conseil, T‑11/91, Rec. p. II‑203, point 47 ; Tribunal 25 mai 2000, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99, RecFP p. I‑A‑101 et II‑433, point 70

3.      Le rapport de notation constitue un élément d'appréciation indispensable chaque fois que la carrière d'un fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique et une procédure de promotion est entachée d'irrégularité lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination n'a pas pu procéder à un examen comparatif des mérites des candidats du fait de l'établissement tardif d'un ou de plusieurs rapports de notation.

Toutefois, cela n'implique pas que tous les candidats doivent se trouver, au moment de la décision de nomination, exactement au même stade en ce qui concerne l'état de leurs rapports de notation ni que l'autorité investie du pouvoir de nomination ait l'obligation de reporter sa décision si le rapport le plus récent de l'un ou de l'autre des candidats n'est pas encore définitif par suite de la saisine du notateur d'appel ou du comité paritaire de notation.

En revanche, la procédure est irrégulière lorsque l'absence d'un rapport de notation définitif n'est pas due au déroulement normal de la procédure de notation, mais à un retard substantiel de celle-ci, imputable uniquement à l'administration.

(voir points 60 à 62)

Référence à : Cour 27 janvier 1983, List/Commission, 263/81, Rec. p. 103, point 27 ; Cour 10 juin 1987, Vincent/Parlement, 7/86, Rec. p. 2473, point 16 ; Cour 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C‑68/91 P, Rec. p. I‑6849, point 17 ; Tribunal 19 septembre 1996, Allo/Commission, T‑386/94, RecFP p. I‑A‑393 et II‑1161, point 38 ; Tribunal 15 novembre 2001, Sebastiani/Commission, T‑194/99, RecFP p. I‑A‑215 et II‑991, point 43 ; Tribunal 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑136/00, RecFP p. I‑A‑275 et II‑1349, point 84

4.      L'exercice du large pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité investie du pouvoir de nomination en matière de nomination suppose un examen scrupuleux des dossiers de candidature et une observation consciencieuse des exigences énoncées dans l'avis de vacance, de sorte que celle ci est tenue d'écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences. L'avis de vacance constitue, en effet, un cadre légal que l'autorité investie du pouvoir de nomination s'impose à elle même et qu'elle doit respecter scrupuleusement.

En vue de contrôler si l'autorité investie du pouvoir de nomination n'a pas dépassé les limites de ce cadre légal et a agi dans le seul intérêt du service, au sens de l'article 7 du statut, il appartient au Tribunal d'examiner tout d'abord quelles étaient, en l'occurrence, les conditions requises par l'avis de vacance et de vérifier ensuite si le candidat choisi par ladite autorité pour occuper l'emploi vacant satisfaisait effectivement à ces conditions. Un tel examen doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux considérations qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle ci s'est tenue dans des limites raisonnables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications des candidats à celle de l'autorité investie du pouvoir de nomination.

(voir points 85 et 86)

Référence à : Cour 18 mars 1993, Parlement/Frederiksen, C‑35/92 P, Rec. p. I‑991, points 15 à 17 ; Tribunal 19 mars 1997, Giannini/Commission, T‑21/96, RecFP p. I‑A‑69 et II‑211, points 19 et 20 ; Tribunal 12 mai 1998, Wenk/Commission, T‑156/96, RecFP p. I‑A‑193 et II‑593, points 63 et 64 ; Tribunal 14 octobre 2003, Wieme/Commission, T‑174/02, RecFP p. I‑A‑241 et II‑1165, point 38

5.      L'autorité investie du pouvoir de nomination dispose d'une large marge d'appréciation dans l'évaluation et la comparaison des mérites des candidats à un emploi à pourvoir et les éléments de cette appréciation dépendent non seulement de la compétence et de la valeur professionnelle des intéressés, mais également de leur caractère, de leur comportement et de l'ensemble de leur personnalité. Il en est d'autant plus ainsi lorsque l'emploi à pourvoir comporte de grandes responsabilités.

(voir points 97 et 98)

Référence à : Cour 22 juin 1989, Brus/Commission, 104/88, Rec. p. 1873 ; Tribunal 5 novembre 2003, Gougnon/Cour de justice, T‑240/01, RecFP p. I‑A‑263 et II‑1283, point 115

6.      La fonction de l'avis de vacance est, d'une part, d'informer les intéressés d'une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper l'emploi dont il s'agit afin de les mettre en mesure d'apprécier s'il y a lieu, pour eux, de faire acte de candidature et, d'autre part, de fixer le cadre de légalité dans lequel l'institution entend procéder à l'examen comparatif des mérites des candidats.

L'autorité investie du pouvoir de nomination ne respecte pas le cadre de la légalité si elle ne s'avise des conditions particulières requises pour occuper l'emploi à pourvoir qu'après la publication de l'avis de vacance, au vu des candidats qui se sont présentés, et si elle prend en considération, lors de l'examen des candidatures, d'autres conditions que celles qui figurent dans l'avis de vacance, une telle démarche privant, en effet, l'avis de vacance du rôle essentiel qu'il doit assumer dans la procédure de recrutement.

Toutefois, si l'autorité investie du pouvoir de nomination constate que les conditions requises par l'avis sont plus sévères que ne l'exigent les besoins du service, il lui est loisible de recommencer la procédure en retirant l'avis de vacance original et en le remplaçant par un avis corrigé.

(voir points 105 à 107)

Référence à : Cour 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, point 43 ; Cour 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, point 19 ; Tribunal 18 février 1993, Mc Avoy/Parlement, T‑45/91, Rec. p. II‑83, point 48 ; Tribunal 17 mai 1995, Benecos/Commission, T‑16/94, RecFP p. I‑A‑103 et II‑335, point 18 ; Tribunal 2 octobre 1996, Vecchi/Commission, T‑356/94, RecFP p. I‑A‑437 et II‑1251, point 56 ; Wenk/Commission, précité, points 24 et 25 ; Tribunal 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑164/00, RecFP p. I‑A‑285 et II‑1385, point 65

7.      À supposer que le prescrit de l'article 141, paragraphe 4, CE, relatif aux discriminations positives en fonction du sexe, soit opposable aux institutions communautaires, cette disposition n'ouvre qu'une faculté et non pas une obligation de procéder à des discriminations positives en faveur des femmes et ne peut, en tout état de cause, s'agissant du choix du fonctionnaire appelé à occuper un emploi vacant, conduire à donner la préférence à une femme que si cette dernière se trouve à égalité de mérites avec les candidats de sexe masculin.

(voir points 119, 120 et 125)

8.      S'il est vrai que la Commission s'est fixé un objectif de parité dans la répartition des emplois entre hommes et femmes au sein de ses services et a mis en oeuvre des actions et des stratégies positives destinées à favoriser l'attribution des emplois aux candidats féminins, elle n'a pas adopté à cet égard d'instruments juridiques contraignants créant des droits dans le chef des fonctionnaires et agents et relevant, quant à leur respect, du contrôle du Tribunal.

(voir points 121 à 123)