Language of document : ECLI:EU:T:2007:365

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

5 décembre 2007(*)

« Recours en annulation – Irrecevabilité partielle – Intérêt à agir – Recours devenu sans objet – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑133/03,

Schering-Plough Ltd, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes G. Berrisch et P. Bogaert, avocats,

partie requérante,

soutenue par

European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA), établie à Genève (Suisse), représentée par Mes N. Rampal, U. Zinsmeister et D. Waelbroeck, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. H. Støvlbæk et M. Shotter, en qualité d’agents,

et

Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EMEA), représentée initialement par M. N. Khan, en qualité d’agent, assisté de M. C. Sherliker, solicitor, puis par MM. Sherliker, solicitor, et T. Eicke, barrister,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’acte du 14 février 2003 de l’EMEA refusant une modification dite « de type I » de la dénomination de la forme pharmaceutique « lyophilisat oral » « Allex 5 mg oral lyophilisate » au profit d’« Allex Reditabs 5 mg oral lyophilisate »,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, (sixième chambre)

composé de MM. A. W. H. Meij, président (rapporteur), V. Vadapalas et T. Tchipev, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 15 janvier 2001, la Commission a délivré à la requérante, Schering-Plough Ltd, cinq autorisations de mise sur le marché (ci-après les « AMM ») pour les médicaments portant les dénominations de fantaisie « Aerius », « Allex », « Azomyr », « Neoclarityn » et « Opulis ». Ces autorisations concernaient la forme pharmaceutique « comprimés pelliculés administrés par voie orale ».

2        Le 16 avril 2002, la Commission a adopté une décision ajoutant la forme pharmaceutique « lyophilisat oral » aux cinq AMM.

3        Le 2 octobre 2002, la requérante a introduit une demande de modification dite « de type I » de l’AMM relative au médicament « Allex », indiquant qu’elle souhaitait transformer la dénomination « Allex 5 mg oral lyophilisate » de la forme pharmaceutique « lyophilisat oral » en « Allex Reditabs 5 mg oral lyophilisate », tandis que la dénomination de la forme pharmaceutique « comprimés pelliculés administrés par voie orale » resterait « Allex ».

4        À la suite d’un échange de lettres, l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EMEA) a, par télécopie du 14 février 2003, rejeté la demande de la requérante (ci-après l’« acte attaqué »).

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 avril 2003, la requérante a introduit le présent recours.

6        Par mémoire déposé le 16 juillet 2003, l’EMEA a soulevé une exception d’irrecevabilité conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, invitant le Tribunal à déclarer le recours irrecevable en ce qu’il était dirigé contre elle. La requérante et l’intervenante, l’European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA), ont déposé leurs observations sur cette exception d’irrecevabilité.

7        Par lettre déposée le 29 août 2003, l’EFPIA a demandé à être admise à intervenir au soutien des conclusions de la partie requérante. La procédure à cet égard s’étant déroulée régulièrement, le Tribunal (deuxième chambre) a, par ordonnance du 22 octobre 2003, admis l’intervention de l’EFPIA dans l’affaire au principal.

8        La procédure écrite s’est déroulée régulièrement. Elle s’est achevée par le dépôt, par la Commission, de son mémoire en duplique, le 10 mars 2004.

9        Selon les données publiées sur le site Internet de l’EMEA, la requérante a, pour des raisons commerciales, demandé à la Commission, le 2 février 2004, de retirer les AMM relatives aux médicaments Allex et Opulis. Les deux AMM ont été retirées, par décision de la Commission du 10 mars 2004.

10      Ni la requérante, ni la Commission, ni l’EMEA n’ayant informé le Tribunal de cette circonstance, celui-ci a considéré d’office qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations sur l’intérêt à agir de la requérante dans la présente affaire. Les parties ont fait droit à cette demande dans le délai imparti.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission et l’EMEA aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable, dans la mesure où il est formé contre l’EMEA ;

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission et l’EMEA aux dépens.

 Sur la recevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre l’EMEA

 Arguments des parties

14      L’EMEA soutient que le recours est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre elle, étant donné que l’article 230 CE ne mentionne pas l’EMEA au nombre des instances dont les actes sont susceptibles de recours. Néanmoins, selon l’EMEA, cette circonstance n’implique pas que la requérante est privée de toute garantie juridictionnelle, le Tribunal ayant déjà jugé, dans son arrêt du 10 décembre 2002, Thomae/Commission (T‑123/00, Rec. p. II‑5193), qu’un recours contre un acte de l’EMEA pouvait être diligenté à l’encontre de la Commission.

15      La requérante fait valoir que, eu égard à l’insécurité juridique caractérisant les relations entre la Commission et l’EMEA, elle n’avait d’autre choix que de désigner à la fois la Commission et l’EMEA comme parties défenderesses. Selon la requérante, la législation applicable a transféré à l’EMEA la compétence pour adopter des actes juridiques contraignants, sans prévoir que ces actes devaient être imputés à la Commission.

 Appréciation du Tribunal

16      Selon l’article 230 CE, toute personne physique ou morale peut former un recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité ou de toute règle de droit relative à son application, ou détournement de pourvoir contre les actes, notamment, de la Commission, autre que les recommandations et les avis, dont elle est le destinataire. Or, l’EMEA ne figure pas parmi les instances, visées à l’article 230 CE, dont les actes sont susceptibles de recours.

17      Dans l’arrêt Thomae/Commission, précité, le Tribunal a accueilli un recours dirigé contre la Commission ayant pour objet un acte de l’EMEA refusant une modification de type I des termes d’une AMM.

18      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 51 du règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l’évaluation des médicaments (JO L 214, p. 1), l’EMEA a pour objectif de fournir aux États membres et aux institutions de la Communauté les meilleurs avis scientifiques possibles sur toute question relative à l’évaluation de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité des médicaments à usage humain ou vétérinaire qui lui est soumise conformément aux dispositions de la législation communautaire relative aux médicaments.

19      Adoptés en application de l’article 15, paragraphe 4, du règlement n° 2309/93, les articles 4 et 5 du règlement (CE) n° 542/95 de la Commission, du 10 mars 1995, concernant l’examen des modifications des termes de l’autorisation de mise sur marché des médicaments relevant du champ d’application du règlement n° 2309/93 (JO L 55, p. 15), établissent une procédure de notification applicable aux modifications d’importance mineure de type I.

20      L’article 5, paragraphe 4, du règlement n° 542/95 énonce :

« Lorsque la demande, de l’avis de l’agence, ne peut être acceptée, l’agence adresse un avis contraire au titulaire de l’autorisation de mise sur le marché dans le délai prévu au paragraphe 1 en mentionnant les raisons objectives de cet avis ;

a)      dans les trente jours qui suivent la réception de cet avis, le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché peut modifier la demande de manière à prendre dûment en considération les raisons invoquées ; dans ce cas, les dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 du présent article s’appliquent à la demande modifiée ;

b)      si le titulaire ne modifie pas ou ne peut modifier la demande dans le sens prévu [sous] a), cette demande est réputée refusée. »

21      Il convient de constater que l’acte attaqué, en l’espèce, a été adopté en application de cette dernière disposition.

22      Or, dans la mesure où le règlement n° 2309/93 ne prévoit qu’une compétence consultative de l’EMEA, le refus visé à l’article 5, paragraphe 4, du règlement n° 542/95 doit être réputé comme émanant de la Commission elle-même.

23      Dès lors que l’acte attaqué est imputable à la Commission, il peut faire l’objet d’un recours dirigé contre cette institution. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté comme irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre l’EMEA.

 Sur l’objet du recours après le retrait de l’AMM relative au médicament Allex

 Arguments des parties au regard de la question posée

24      La requérante estime qu’elle conserve un intérêt à agir, eu égard, en particulier, aux trois autres AMM relatives aux médicaments Aerius, Azomyr et Neoclarityn. La requérante fait valoir que ces AMM demeurent valables et qu’une future demande de modification, comparable à la demande examinée en l’espèce, est, partant, prévisible. À cet égard, la requérante soutient que, selon la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, un requérant peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte devenu sans objet, afin d’éviter, notamment, que l’illégalité alléguée ne se reproduise à l’avenir. Ensuite, la requérante relève que l’existence de son intérêt à agir n’est pas remise en question par les évolutions récentes de la législation applicable, ces évolutions n’affectant pas le raisonnement suivi en l’espèce.

25      L’intervenante fait siennes les observations formulées par la requérante dans sa réponse à la question posée par le Tribunal. Elle ajoute que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’intérêt à agir en annulation s’apprécie à la date de l’introduction du recours. Selon l’intervenante, la requérante conserve un intérêt à poursuivre la procédure, car l’acte attaqué a existé et lui a causé un préjudice.

26      Selon la Commission, le retrait de l’AMM relative au médicament Allex a pour conséquence la disparition de l’intérêt à agir de la requérante. La Commission considère l’intérêt de la requérante à poursuivre la procédure comme purement hypothétique, car la requérante n’a pas demandé une deuxième dénomination pour les trois autres AMM. En outre, à supposer même qu’une telle demande soit introduite, la décision prise sur cette demande devrait s’apprécier au regard d’un nouveau cadre juridique entre-temps adopté.

 Appréciation du Tribunal

27      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

28      En l’espèce, il est constant que l’acte attaqué, qui porte sur l’AMM relative au médicament Allex, est devenu sans objet à la suite du retrait de cette AMM, à la demande de la requérante. Partant, le recours est également devenu sans objet.

29      Néanmoins, selon la jurisprudence, la partie requérante peut conserver un intérêt à voir annuler un acte devenu sans objet en cours d’instance si l’annulation de cet acte est susceptible, par elle-même, d’avoir des effets juridiques (arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, point 21, et arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 40).

30      Il est vrai que, selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir, condition de la recevabilité d’un recours, s’apprécie au moment de l’introduction de celui-ci (arrêt de la Cour du 16 décembre 1963, Forges de Clabecq/Haute Autorité, 14/63, Rec. p. 721, et ordonnance du Tribunal du 30 novembre 1998, N/Commission, T‑97/94, RecFP p. I‑A‑621 et II‑1879, point 23). Toutefois, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, cette considération relative au moment de l’appréciation de la recevabilité du recours ne saurait empêcher le Tribunal de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours dans l’hypothèse où un requérant, qui avait initialement intérêt à agir, a perdu tout intérêt personnel à l’annulation de l’acte attaqué, en raison d’un événement intervenu postérieurement à l’introduction dudit recours (arrêts du Tribunal du 8 décembre 2005, Rounis/Commission, T‑274/04, RecFP p. I‑A‑407 et II‑1849, point 22, et du 7 février 2007, Gordon/Commission, T‑175/04, non encore publié au Recueil, point 27).

31      Partant, pour qu’un requérant puisse maintenir un recours tendant à l’annulation d’un acte devenu sans objet en cours d’instance, il faut qu’il conserve un intérêt à l’annulation de l’acte attaqué. Autrement dit, l’annulation de cet acte doit être susceptible, par elle-même, de produire des effets juridiques, qui peuvent consister à redresser les éventuelles conséquences préjudiciables résultant de l’acte annulé ou à éviter que l’illégalité alléguée ne se reproduise à l’avenir (arrêt de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 32, et arrêt Gencor/Commission, précité, point 41).

32      Quant au redressement d’éventuelles conséquences préjudiciables, la requérante n’a fourni aucun élément permettant de conclure que l’acte attaqué lui aurait causé un préjudice. Par ailleurs, aucun élément ne permet de supposer que l’acte attaqué a pu entraîner des conséquences préjudiciables pour la requérante. En effet, cet acte porte sur un médicament qui n’a jamais été commercialisé et rien n’indique que cette absence de commercialisation est en rapport avec l’acte attaqué. Au contraire, l’AMM relative à ce médicament a été retirée à la demande de la requérante elle-même.

33      En ce qui concerne la volonté d’éviter que l’illégalité alléguée ne se reproduise à l’avenir, aucun élément du dossier ne permet d’établir que la requérante a présenté une demande de modification, semblable à celle examinée en l’espèce, pour les autres AMM relatives aux médicaments Aerius, Azomyr et Neoclarityn. Étant donné que la réglementation communautaire applicable en l’espèce a été modifiée de façon substantielle en 2004, une éventuelle nouvelle demande de modification de la part de la requérante, qui se rapporterait aux trois autres médicaments susmentionnés et serait comparable à la demande rejetée par l’acte attaqué concernant le médicament Allex, devrait être appréciée au regard de ce nouveau cadre juridique. En conséquence, la requérante n’a aucun intérêt à la poursuite de la présente procédure, puisque, en tout état de cause, le Tribunal statuerait sur le fondement de l’ancienne réglementation, tandis qu’une éventuelle nouvelle décision de la Commission s’inscrirait dans le cadre de la nouvelle réglementation.

34      La jurisprudence sur laquelle la requérante se fonde (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151 ; arrêts du Tribunal du 24 septembre 1996, Marx Esser et Del Amo Martinez/Parlement, T‑182/94, RecFP p. I‑A‑411 et II‑1197, et Gencor/Commission, précité), pour faire valoir qu’un requérant peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte devenu sans objet, afin d’éviter que l’illégalité alléguée ne se reproduise dans le futur, n’est dès lors pas pertinente en l’espèce.

35      Par conséquent, étant donné, premièrement, que l’AMM relative au médicament Allex a été retirée à la demande de la requérante elle-même, deuxièmement, que ce médicament n’a jamais été commercialisé et, troisièmement, que l’intervention d’une nouvelle décision de la Commission, fondée sur les mêmes dispositions que l’acte attaqué, est exclue, la requérante n’a aucun intérêt à poursuivre la procédure.

36      Il s’ensuit que le présent recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

 Sur les dépens

37      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

38      Dans les circonstances de l’espèce, étant donné que l’AMM relative au médicament Allex a été retirée à la demande de la requérante elle-même, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’ordonner que la requérante supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission.

39      Quant aux dépens exposés par l’EMEA, le Tribunal estime que, compte tenu de l’incertitude juridique entourant les compétences respectives de la Commission et de l’EMEA, il ne saurait être reproché à la requérante d’avoir dirigé son recours également contre l’EMEA. Partant, il n’est pas justifié de condamner la requérante à supporter les dépens de l’EMEA, qui supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le présent recours est rejeté comme irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments (EMEA).

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en ce qu’il est dirigé contre la Commission.

3)      L’EMEA supportera ses propres dépens.

4)      Schering-Plough Ltd supportera, outre ses propres dépens, les dépens exposés par la Commission.

Fait à Luxembourg, le 5 décembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      A. W. H. Meij


* Langue de procédure : l’anglais.