Language of document : ECLI:EU:C:2023:386

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NICHOLAS EMILIOU

présentées le 4 mai 2023 (1)

Affaire C819/21

Staatsanwaltschaft Aachen

en présence de

MD

[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Aachen (tribunal régional d’Aix-la-Chapelle, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Décision-cadre 2008/909/JAI – Coopération judiciaire en matière pénale – Peine privative de liberté imposée dans un État membre où, selon la juridiction de l’État membre d’exécution, le système judiciaire ne garantit plus le droit à un procès équitable – Possibilité de refuser l’exécution d’un jugement étranger »






I.      Introduction

1.        MD est un ressortissant polonais qui a été condamné par le Sąd Rejonowy Szczecin-Prawobrzeże (tribunal d’arrondissement de Szczecin-Prawobrzeże, Pologne) à une peine d’emprisonnement de six mois. Par la suite, cette juridiction a révoqué le sursis à l’exécution dont cette peine avait été assortie et, aux fins de l’exécution de cette condamnation, le Sąd Okregowy Szczecin (tribunal régional de Szczecin, Pologne) a émis un mandat d’arrêt européen (ci-après un « MAE »), au titre duquel MD a été arrêté en Allemagne. Toutefois, les autorités allemandes ont refusé l’exécution de ce MAE au motif que MD avait sa résidence habituelle en Allemagne. La juridiction polonaise compétente a dès lors demandé aux autorités allemandes, conformément au régime établi par la décision‑cadre 2008/909/JAI (2), d’exécuter la condamnation prononcée à l’encontre de MD.

2.        Le Landgericht Aachen (tribunal régional d’Aix-la-Chapelle, Allemagne), la juridiction de renvoi dans la présente affaire, souhaite savoir s’il peut rejeter une telle demande, compte tenu de la situation qui résulte des réformes judiciaires controversées en Pologne, lesquelles ont donné lieu à plusieurs arrêts de la Cour. Cette situation conduit la juridiction de renvoi à douter que le droit de MD à un procès équitable puisse être considéré comme étant sauvegardé dans un cadre où, selon elle, des défaillances généralisées affectent le principe de l’État de droit et l’exigence d’indépendance du pouvoir judiciaire de cet État membre.

3.        La juridiction de renvoi s’interroge plus particulièrement sur l’applicabilité, au régime de reconnaissance mutuelle établi par la décision-cadre 2008/909, de la jurisprudence que la Cour a rendue concernant la décision-cadre 2002/584 (3) selon laquelle, au-delà des motifs qui sont expressément prévus dans cet instrument, l’exécution d’un MAE peut être refusée à titre exceptionnel lorsque, à la suite d’un examen en deux étapes (dont la nature sera expliquée et analysée dans les présentes conclusions), il apparaît qu’une telle exécution conduirait à un risque réel de violation du droit fondamental à un procès équitable garanti à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») (4). À cet égard, la juridiction de renvoi demande des précisions sur les conditions dans lesquelles un tel examen doit être effectué et sur le moment approprié par rapport auquel il y a lieu de l’opérer.

II.    Le cadre juridique

4.        La première phrase de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte prévoit que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi ».

5.        L’article 3, paragraphe 4, de la décision-cadre 2008/909 précise que celle-ci « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux consacrés par l’article 6 [TUE] ».

6.        L’article 4, paragraphe 1, sous a) à c), de cette décision-cadre énonce les trois catégories différentes d’États membres d’exécution auxquels une demande de reconnaissance d’un jugement et d’exécution d’une condamnation peut être transmise, à savoir a) l’État membre de la nationalité de la personne condamnée sur le territoire duquel elle vit ; ou b) l’État membre de nationalité vers lequel, bien qu’il ne s’agisse pas de l’État membre sur le territoire duquel elle vit, la personne sera expulsée une fois dispensée de l’exécution de la condamnation en vertu d’un ordre d’expulsion figurant dans le jugement ou dans une décision judiciaire ou administrative ou toute autre mesure consécutive au jugement ; ou c) tout État membre autre que l’État membre visé sous a) ou sous b), dont l’autorité compétente consent à la transmission du jugement et du certificat à cet État membre.

7.        Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, de ladite décision-cadre, « [l]’autorité compétente de l’État d’exécution reconnaît le jugement qui lui a été transmis conformément à l’article 4 et à la procédure décrite à l’article 5, et prend sans délai toutes les mesures nécessaires à l’exécution de la condamnation, sauf si elle décide de se prévaloir d’un des motifs de non‑reconnaissance et de non‑exécution prévus à l’article 9 ».

8.        À l’article 9, paragraphe 1, sous a) à l), la décision-cadre 2008/909 énumère les motifs permettant à « [l’]autorité compétente de l’État [membre] d’exécution [de] refuser de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation ».

III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

9.        MD est un ressortissant polonais, qui a sa résidence habituelle en Allemagne. Le 7 août 2018, le Sąd Rejonowy Szczecin-Prawobrzeże (tribunal d’arrondissement de Szczecin-Prawobrzeże) l’a condamné à une peine d’emprisonnement de six mois, en assortissant l’exécution de cette peine d’un sursis (ci-après le « jugement initial »). MD n’a pas assisté au procès.

10.      Par ordonnance du 16 juillet 2019, cette juridiction a révoqué le sursis et a ordonné l’exécution de la peine d’emprisonnement.

11.      Le 17 décembre 2020, la Generalstaatsanwaltschaft Köln (parquet général de Cologne, Allemagne) a décidé de ne pas exécuter le MAE émis par le Sąd Okregowy Szczecin (tribunal régional de Szczecin), au motif que MD avait sa résidence habituelle en Allemagne et qu’il s’était élevé contre sa remise aux autorités polonaises (5).

12.      Le 26 janvier 2021, le Sąd Okregowy Szczecin (tribunal régional de Szczecin) a envoyé à la Generalstaatsanwaltschaft Berlin (parquet général de Berlin, Allemagne) une copie certifiée conforme du jugement initial ainsi que le certificat auquel il est fait référence à l’article 4 de la décision-cadre 2008/909 aux fins de l’exécution de la peine d’emprisonnement infligée. Ces documents ont été transmis au Staatsanwaltschaft Aachen (parquet d’Aix-la-Chapelle, Allemagne), qui est le parquet territorialement compétent.

13.      Après avoir entendu MD, et avoir estimé que les conditions d’exécution de la peine privative de liberté en cause étaient remplies, le Staatsanwaltschaft Aachen (parquet d’Aix-la-Chapelle) a demandé que le Landgericht Aachen (tribunal régional d’Aix-la-Chapelle) exécute le jugement initial, conjointement avec l’ordonnance révoquant le sursis à l’exécution de la peine, et impose une peine d’emprisonnement de six mois.

14.      Or, la juridiction de renvoi se demande si elle peut refuser de reconnaître les décisions judiciaires en cause et d’exécuter la peine infligée, car, selon elle, des éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés sur la situation du pouvoir judiciaire en Pologne indiquent qu’il existe des raisons de croire que les conditions prévalant au moment où le jugement initial et l’ordonnance révoquant le sursis ont été prononcés étaient (et demeurent) incompatibles avec le principe de l’État de droit consacré à l’article 2 TUE et avec l’exigence d’indépendance de la justice qui constitue le contenu essentiel du droit fondamental de MD à un procès équitable au sens de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte.

15.      À cet égard, la juridiction de renvoi se fonde sur la proposition, présentée par la Commission, relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’État de droit (6) et sur la jurisprudence relative à l’indépendance de la justice polonaise rendue par la Cour (7), par la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que par les juridictions nationales. La juridiction de renvoi attire également l’attention sur plusieurs cas dans lesquels les autorités polonaises se sont considérées comme n’étant pas liées par la primauté du droit de l’Union.

16.      Dans ces conditions, le Landgericht Aachen (tribunal régional d’Aix‑la‑Chapelle) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La juridiction de l’État membre d’exécution appelée à statuer sur la déclaration de force exécutoire peut-elle, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 4, de la [décision-cadre 2008/909], lu en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, de la [Charte], refuser, conformément à l’article 8 de cette décision-cadre, de reconnaître le jugement d’un autre État membre et d’exécuter la condamnation prononcée par ce jugement, lorsqu’il existe des éléments indiquant que les conditions dans cet État membre, à la date de l’adoption de la décision à exécuter ou des décisions ultérieures la concernant, sont incompatibles avec le droit fondamental à un procès équitable, en raison du fait que, dans ledit État membre, le système judiciaire lui-même n’est plus conforme au principe de l’État de droit consacré à l’article 2 TUE ?

2)      La juridiction de l’État membre d’exécution appelée à statuer sur la déclaration de force exécutoire peut-elle, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 4, de la [décision-cadre 2008/909], lu en combinaison avec le principe de l’État de droit consacré à l’article 2 TUE, refuser, conformément à l’article 8 de cette décision-cadre, de reconnaître le jugement d’un autre État membre et d’exécuter la condamnation prononcée par ce jugement, lorsqu’il existe des éléments indiquant que le système judiciaire de cet État membre n’est plus conforme, à la date de ladite déclaration, audit principe ?

3)      Dans la mesure où la première question appelle une réponse affirmative :

Dans un second temps, avant que la reconnaissance d’un jugement prononcé par une juridiction d’un autre État membre et l’exécution de la sanction infligée par ce jugement soient refusées sur le fondement de l’article 3, paragraphe 4, de la [décision-cadre 2008/909], lu en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, au motif qu’il existe des éléments indiquant que les conditions dans cet État membre sont incompatibles avec le droit fondamental à un procès équitable en raison du fait que, dans ledit État membre, le système judiciaire lui‑même n’est plus conforme au principe de l’État de droit, convient-il de vérifier si les conditions incompatibles avec le droit fondamental à un procès équitable ont eu concrètement, dans la procédure en cause, des effets au détriment de la personne condamnée ?

4)      Dans la mesure où la première question et/ou la deuxième question appellent une réponse négative en ce sens qu’il appartient non pas aux juridictions des États membres, mais à la Cour de se prononcer sur la question de savoir si les conditions dans un État membre sont incompatibles avec le droit fondamental à un procès équitable en raison du fait que, dans cet État membre, le système judiciaire lui-même n’est plus conforme au principe de l’État de droit :

le système judiciaire de la République de Pologne était-il, à la date du 7 août 2018 et/ou à celle du 16 juillet 2019, ou est-il actuellement conforme au principe de l’État de droit qui découle de l’article 2 TUE ? »

17.      Des observations écrites ont été déposées par les gouvernements néerlandais et polonais, ainsi que par la Commission. Ces parties intervenantes ont également répondu à la question que la Cour leur a posée.

IV.    Analyse

18.      Par ses quatre questions, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, et dans quelles circonstances, elle peut à titre exceptionnel refuser de reconnaître un jugement, qui lui a été transmis en vertu du régime établi par la décision‑cadre 2008/909 pour l’exécution d’une peine privative de liberté, en dehors des motifs prévus expressément à cette fin dans cet instrument, lorsque l’application de ce dernier conduirait, en substance, à légitimer une atteinte antérieure au droit à un procès équitable. Selon la juridiction de renvoi, cette atteinte résulte des défaillances généralisées affectant l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission, ce qui exclut que ce droit ait dûment été sauvegardé.

19.      Pour entamer mon analyse, je formulerai tout d’abord quelques observations préliminaires sur le contexte et la teneur de la décision de renvoi (A). J’examinerai ensuite les questions préjudicielles en abordant, tout d’abord, le motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE que la Cour a développé en ce qui concerne la décision-cadre 2002/584 et qui a inspiré le présent renvoi préjudiciel portant, spécifiquement, sur la décision‑cadre 2008/909 (B). Puis, j’évaluerai si, et dans quelle mesure, ce motif non écrit peut être transposé à cet instrument, qui constitue un autre outil de coopération judiciaire en matière pénale au sein de l’Union et à l’égard duquel cette problématique est soulevée pour la première fois devant la Cour (C). Enfin, j’aborderai la question de savoir quel est le moment approprié dans le temps par rapport auquel il y a lieu de faire application de ce motif non écrit et exceptionnel (D).

A.      Observations préliminaires sur le contexte et la teneur du renvoi préjudiciel

20.      Comme déjà précisé, le présent renvoi préjudiciel concerne la mise en œuvre de la décision-cadre 2008/909. Cet instrument relève du domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, qui est régi par le principe de la reconnaissance mutuelle et qui repose sur la confiance mutuelle que les États membres doivent avoir dans leurs systèmes respectifs de justice pénale (8). En résumé, cette confiance mutuelle impose à chaque État membre de présumer que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union, y compris les droits fondamentaux que ce droit garantit (9).

21.      Il ressort de ces brèves observations que la décision-cadre 2008/909 est régie par les mêmes principes généraux que ceux qui sous‑tendent, pour ce concerne la présente affaire, la décision-cadre 2002/584 (10).

22.      Ainsi qu’il sera expliqué plus en détail, la décision-cadre 2002/584 repose sur l’obligation d’exécuter un MAE sous la seule réserve des motifs de refus énumérés de manière exhaustive. Or, la Cour a clairement indiqué que l’exécution d’un MAE ne pouvait pas exposer la personne concernée à un risque réel de violation de certains de ses droits fondamentaux garantis par la Charte, et elle a jugé ultérieurement que son application ne pouvait pas davantage légitimer certaines atteintes qui ont déjà eu lieu. Afin d’éviter que ces situations ne se réalisent, la Cour a développé un motif supplémentaire et non écrit pour refuser d’exécuter un MAE, qui ne peut néanmoins s’appliquer que dans des circonstances exceptionnelles.

23.      Pour déterminer si des circonstances de cet ordre existent, la Cour a développé un examen en deux étapes, qui doit être appliqué par l’autorité nationale compétente concernée. En substance, dans une première étape, cet examen exige de déterminer si, dans l’État membre d’émission, il existe des défaillances systémiques ou généralisées susceptibles d’affecter le droit fondamental en cause. Dans l’affirmative, la seconde étape de l’examen exige de vérifier si ces défaillances systémiques ou généralisées créent un risque réel de violation du droit fondamental en cause ou si elles ont déjà concrètement affecté ce dernier droit.

24.      Je comprends que c’est la similitude des principes sous-tendant la coopération judiciaire visée par la décision-cadre 2002/584, d’une part, et par la décision-cadre 2008/909, d’autre part, qui a conduit la juridiction de renvoi à demander si le motif non écrit susmentionné s’applique également dans le contexte de cette dernière décision-cadre. Par ailleurs, je comprends que certaines différences entre ces instruments l’amènent à demander si ce motif s’applique selon les mêmes modalités.

25.      Outre la question principale et implicite portant sur l’applicabilité du motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE, que la Cour a développé dans sa jurisprudence concernant la décision-cadre 2002/584, la juridiction de renvoi soulève, expressément ou implicitement, quatre questions spécifiques qui peuvent être présentées comme suit.

26.      Elle se demande, en premier lieu, si l’examen en deux étapes requis en ce qui concerne le motif non écrit et exceptionnel en cause peut se limiter à la première de ces étapes ou s’il faut également procéder à la seconde étape, et vérifier que les défaillances constatées dans l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’autre État membre ont affecté le droit fondamental à un procès équitable de MD, avant de refuser d’exécuter le jugement de cet autre État membre (troisième question préjudicielle lue conjointement avec les première et deuxième questions préjudicielles).

27.      En deuxième lieu, dans les circonstances spécifiques de la présente affaire, la juridiction de renvoi s’interroge sur le moment dans le temps par rapport auquel il y a lieu de mener cet examen : s’agit-il soit de la date à laquelle le jugement initial infligeant la peine a été prononcé, soit de la date à laquelle le sursis à l’exécution de la peine a été révoqué (première question préjudicielle), soit de la date à laquelle l’autorité d’exécution a décidé de la reconnaissance du jugement et de l’exécution de la peine (deuxième question préjudicielle) ?

28.      Enfin, en dernier lieu, la juridiction de renvoi est dans l’incertitude quant à savoir si l’appréciation de la situation qui prévaut en ce qui concerne le pouvoir judiciaire de l’État membre incombe à la juridiction nationale ou si cette appréciation constitue une question « sur l’interprétation des traités », réservée à la Cour de justice de l’Union européenne. Dans ce dernier cas, la juridiction de renvoi demande si, aux dates pertinentes, le système judiciaire dont il est question était conforme au principe de l’État de droit (quatrième question préjudicielle).

29.      Dans les sections qui suivent des présentes conclusions, j’aborderai conjointement ces questions en rappelant, tout d’abord, la genèse du motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE, et en examinant, ensuite, l’applicabilité de ce motif dans le contexte de la décision-cadre 2008/909 ainsi que les conditions de son application, y compris, enfin, le cadre temporel approprié.

B.      Le motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE

30.      La Cour a introduit le motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE dans l’arrêt Aranyosi et Căldăraru (11),  où, eu égard aux défaillances systémiques en ce qui concernait les conditions de détention dans l’État membre d’émission, la remise des personnes concernées était considérée comme comportant le risque qu’elles soient exposées à une violation de l’interdiction absolue des traitements inhumains ou dégradants (12).

31.      Dans ce cadre, la Cour a rappelé que les États membres sont en principe tenus d’exécuter un MAE (13), sous la seule réserve des motifs de refus d’exécution obligatoires et facultatifs, énoncés de manière exhaustive aux articles 3, 4 et 4 bis de la décision-cadre 2002/584. Aucun des motifs énumérés dans ces dispositions ne s’appliquait dans la situation en cause. Néanmoins, la Cour a jugé que l’exécution d’un MAE pouvait aussi être refusée, dans des circonstances exceptionnelles, lorsque, premièrement, l’existence de défaillances systémiques ou généralisées susceptibles d’affecter la protection d’un droit fondamental pertinent a été constatée et que, deuxièmement, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que, en cas de remise, la personne concernée par le MAE encourra un risque réel de violation de son droit fondamental en cause (14).

32.      La Cour a réaffirmé l’application de ce motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE, ainsi que de l’examen en deux étapes sur lequel elle repose, dans son arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) rendu  dans le cadre du droit fondamental à un procès équitable devant un tribunal indépendant, tel que consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte. Il ressort de cet arrêt que l’autorité judiciaire d’exécution peut s’abstenir de donner suite à un MAE au cas où, premièrement, il constate que, compte tenu d’informations objectives, fiables, précises et dûment actualisées sur le fonctionnement du système judiciaire dans l’État membre d’émission, il existe un risque réel que le droit fondamental à un procès équitable puisse être violé, vu le manque d’indépendance des juridictions de cet État membre en raison de défaillances systémiques ou généralisées, et où, deuxièmement, dans les circonstances particulières de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que, à la suite de sa remise à l’État membre d’émission, la personne recherchée courra ce risque (15).

33.      Dans l’arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) (16) et l’arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) (17), la Cour a confirmé que, lorsque la juridiction nationale est convaincue que la première condition de l’examen en deux étapes est remplie, il demeurait encore nécessaire de procéder à la seconde étape et d’apprécier les circonstances spécifiques de la situation.

34.      En outre, si l’application du motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE a été considérée initialement au regard des circonstances factuelles justifiant l’examen d’une violation potentielle du droit fondamental concerné (« risque réel »), la Cour a précisé que ce motif s’applique également aux situations où la preuve existe d’une violation commise par le passé (lorsque le MAE concerné a été émis pour l’exécution d’une peine privative de liberté infligée dans une procédure pénale qui aura été influencée concrètement par les défaillances systémiques ou généralisées constatées à l’égard de l’indépendance du pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission) (18).

C.      Le motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE et la décision-cadre 2008/909

35.      Avant de me pencher sur la question principale de savoir si le motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE est également d’application, mutatis mutandis, à la décision-cadre 2008/909 (2), je m’exprimerai sur la pertinence même de cette question pour le cas d’espèce dans l’affaire au principal. En effet, cette question ne pourrait être pertinente que si la juridiction de renvoi se trouve dans une situation où le régime juridique de cet instrument impose une obligation de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation en cause (1).

1.      Sur l’existence d’une obligation de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation

36.      Je rappelle que le motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE a été développé afin d’éviter un risque réel d’une violation de certains droits fondamentaux protégés par la Charte (ou afin d’éviter qu’une violation soit ultérieurement légitimée), qui, si un tel besoin est avéré, engendre une exception à l’obligation d’exécuter ce MAE.

37.      Partant, pour que ce motif devienne pertinent dans le contexte de la décision-cadre 2008/909, il doit être déterminé que l’autorité d’exécution se trouve dans une situation où elle a une obligation de reconnaître le jugement qui lui a été transmis et d’exécuter la condamnation que ce jugement a prononcée. Or, les cas couverts par cet instrument ne donnent pas tous lieu à une telle obligation.

38.      En effet, ledit instrument établit une différence entre diverses situations, en fonction du rapport qui existe entre la personne condamnée et l’État membre auquel la demande de reconnaissance a été adressée.

39.      Au titre de l’article 4, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909, l’État membre d’émission peut adresser à cette fin une demande à : a) l’État membre de la nationalité de la personne condamnée sur le territoire duquel elle vit ; b) l’État membre de nationalité vers lequel, bien qu’il ne s’agisse pas de l’État membre sur le territoire duquel elle vit, la personne sera expulsée une fois qu’elle aura purgé sa peine ; ou c) tout autre État membre « dont l’autorité compétente consent à la transmission du jugement et du certificat à cet État membre ».

40.      En d’autres termes, si les deux premiers cas de figure créent une obligation de reconnaître le jugement et d’exécuter la condamnation en cause, le troisième est subordonné à un consentement qui peut ou non être donné (19). Par conséquent, ce troisième cas de figure ne comporte pas, en soi, une obligation d’accéder à une demande en ce sens.

41.      Le renvoi préjudiciel expose que MD est un ressortissant de l’État membre d’émission et un résident de l’État d’exécution. Cette information paraît indiquer, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, qu’il n’est pas (également) un ressortissant de ce dernier État. Or, selon moi, la différenciation établie à l’article 4, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909 cesse d’être, en tout état de cause, pertinente lorsque la demande de reconnaissance a été présentée à la suite d’un refus d’exécuter un MAE au sens de l’article 4, point 6), de la décision‑cadre 2002/584. En effet, comme je l’ai rappelé, en application de cette disposition, l’État membre d’exécution peut refuser d’exécuter un MAE s’il s’engage à exécuter la condamnation en cause (20).

42.      D’après le dossier de l’affaire, telle paraît être la situation qui se présente dans l’affaire au principal (21) et qui fait l’objet, de manière générale, de l’article 25 de la décision-cadre 2008/909, aux termes duquel « les dispositions de [cet instrument] s’appliquent, mutatis mutandis, dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions de [la décision-cadre 2002/584], à l’exécution des condamnations dans les cas où un État membre s’engage à exécuter la condamnation conformément à l’article 4, point 6), de [cette décision-cadre] ».

43.      À mon sens, si l’État membre d’exécution était autorisé, au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre 2008/909, à refuser de reconnaître un jugement après avoir refusé d’exécuter un MAE sur la base de l’article 4, point 6), de la décision-cadre 2002/584, il en résulterait une situation qui est incompatible avec ce dernier instrument (22). Je considère donc que, lorsque la demande de reconnaissance et d’exécution est présentée dans ce contexte spécifique, il ne subsiste plus la moindre marge d’appréciation, même si, autrement, la situation concernée relevait du cas de figure discrétionnaire énoncé à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision-cadre 2008/909 (23).

44.      Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner plus en détail si, et à quelles conditions, le motif non écrit et exceptionnel susmentionné est applicable à cet instrument.

2.      Applicabilité, à la décision-cadre 2008/909, du motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE

45.      Pour apprécier cette question, je commencerai par remettre en mémoire, premièrement, que la décision-cadre 2008/909 constitue un instrument qui, tout comme la décision-cadre 2002/584, relève du domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

46.      Deuxièmement, ainsi que je l’ai déjà observé, la décision-cadre 2008/909 – de même que la décision-cadre 2002/584 – repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle, laquelle découle à son tour de la confiance mutuelle que les États membres doivent avoir dans leurs systèmes juridiques respectifs. Cette confiance mutuelle leur impose de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres respectent le droit de l’Union et les droits fondamentaux reconnus par ce droit (24).

47.      C’est pourquoi en principe, troisièmement, lorsque cet instrument impose à l’autorité d’exécution une obligation de reconnaître un jugement et d’exécuter une condamnation, une demande présentée à cette fin doit être accueillie, au titre de l’article 8, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909, sous la seule réserve des motifs de refus limitativement énumérés à l’article 9, paragraphe 1, de cet instrument (25). À ce que je comprends, aucun de ces motifs ne s’applique dans l’affaire au principal (26).

48.      Néanmoins, une confiance mutuelle ne signifie pas une confiance aveugle, comme il nous est rappelé (27). Le droit de l’Union doit toujours recevoir une interprétation conforme à la Charte, afin d’éviter soit que son application conduise à un risque réel d’une violation des droits fondamentaux qui y sont garantis, soit que son application puisse légitimer des situations dans lesquelles, pour ce qui est pertinent dans la présente affaire, une telle violation a déjà eu lieu. Cette idée est restituée dans la clause relative aux droits fondamentaux prévue à l’article 3, paragraphe 4, de la décision-cadre 2008/909, qui, à l’instar de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584, dispose que cet instrument ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux consacrés par l’article 6 TUE (28).

49.      La jurisprudence de la Cour, à laquelle il est fait référence dans la section précédente des présentes conclusions, montre que si l’exécution d’un MAE devait aboutir à l’exécution d’une condamnation prononcée à l’issue d’une procédure pénale qui a été affectée par des défaillances systémiques ou généralisées quant à l’indépendance de la justice de l’État membre d’émission et qui a influencé, de ce fait, concrètement le traitement de l’affaire pénale donnée, cela entraînerait une légitimation d’une violation du droit de la personne concernée à un procès équitable (29).

50.      Étant donné que la décision-cadre 2008/909 et la décision-cadre 2002/584 opèrent sur la base des mêmes principes de confiance mutuelle et de reconnaissance mutuelle susceptibles de conduire à l’exécution effective d’une peine privative de liberté, je considère que le motif non écrit permettant le refus exceptionnel d’une demande présentée par l’autorité compétente d’un autre État membre doit s’appliquer à l’égard de l’une comme de l’autre de ces décisions‑cadres. En effet, la mise en œuvre pratique de ces deux instruments peut donner lieu à une situation où il est nécessaire d’éviter les conséquences négatives décrites en termes généraux au point qui précède.

51.      En outre, la similitude des caractéristiques sous-jacentes de ces instruments m’amène à considérer que le motif non écrit en cause doit être appliqué dans les mêmes conditions, peu importe lequel des deux instruments est invoqué. Cela signifie, comme le laissent entendre également les gouvernements néerlandais et polonais ainsi que la Commission, que l’application de ce motif doit reposer sur le même examen en deux étapes que celui qui a été développé par la Cour dans le contexte de la décision-cadre 2002/584. En effet, tout comme la Cour l’a relevé dans ce contexte, je suis d’avis que, quelle que soit la gravité des défaillances systémiques ou généralisées, le simple fait qu’elles existent n’a pas nécessairement une incidence sur toute décision que les juridictions de l’État membre concerné peuvent être amenées à adopter dans chaque cas particulier (30).

52.      C’est ce qui rend nécessaire la seconde étape individualisée de l’examen dans le contexte de la décision-cadre 2002/584, et c’est également ce qui la rend nécessaire dans le contexte de la décision-cadre 2008/909.

53.      À mon sens, l’arrêt rendu par la Cour dans les affaires OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (31) n’enlève rien à cette constatation, pas plus que l’absence, dans la décision-cadre 2008/909, d’une précision équivalente à celle du considérant 10 de la décision-cadre 2002/584. La juridiction de renvoi se réfère à ces deux éléments pour conforter son point de vue selon lequel l’application de la première étape de l’examen suffirait.

54.      Tout d’abord, en ce qui concerne l’arrêt OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau), la Cour y a expliqué, en substance, à quelles exigences devait satisfaire une « autorité judiciaire d’émission », au sens de la décision-cadre 2002/584, pour être considérée comme étant « indépendante » et donc comme étant à même de délivrer des MAE susceptibles de déclencher les effets juridiques que le droit de l’Union y attache. Les parquets en cause dans ces affaires ne répondaient pas à ces conditions, de sorte qu’ils ne pouvaient pas se voir reconnaître le statut d’« autorité judiciaire d’émission » au sens de cette décision-cadre.

55.      À la suite de cet arrêt, la question s’est posée à la Cour de savoir si la conclusion à laquelle elle avait abouti dans cette affaire signifiait que, lorsque des défaillances systémiques ou généralisées quant à l’indépendance d’un pouvoir judiciaire sont constatées, ces défaillances impliquent que toutes les juridictions de l’État membre concerné perdent leur statut d’« autorité judiciaire d’émission », ce qui dispenserait alors l’autorité d’exécution d’avoir à procéder à la seconde étape de l’examen qui sous-tend l’application du motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE (32).

56.      La Cour a répondu par la négative. Elle a expliqué que la conclusion qu’elle avait retenue dans l’arrêt OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) reposait non pas sur des défaillances systémiques ou généralisées du système national concerné, mais bien sur le fait que les parquets en cause dans ces affaires se trouvaient dans un rapport de subordination par rapport au pouvoir exécutif, qui pouvait leur donner instruction d’émettre ou non un MAE dans le cadre de dossiers individuels (33).

57.      En revanche, les cas susmentionnés qui ont conduit au développement du motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’exécuter un MAE impliquaient un cas de figure dans lequel un MAE avait été émis par une juridiction, dont l’indépendance structurelle par rapport au pouvoir exécutif ne peut prima facie pas être mise en doute, parce qu’il s’agit précisément d’une juridiction et non d’un parquet. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette prémisse ne peut être examinée que dans la situation exceptionnelle de défaillances systémiques et généralisées du système judiciaire en tant que tel, qui suscitent des doutes quant au fonctionnement dans les faits des juridictions qui font partie de ce système. Toutefois, étant donné que de telles défaillances systémiques et généralisées peuvent avoir une incidence différente sur l’ensemble du pouvoir judiciaire en cause, il est nécessaire d’établir non pas seulement qu’elles existent (première étape), mais aussi qu’elles sont susceptibles d’affecter, ou ont déjà affecté, le cas d’espèce en cause (seconde étape).

58.      Selon moi, le même raisonnement doit s’appliquer dans le contexte de la décision-cadre 2008/909. La mise en œuvre de cet instrument repose sur la reconnaissance mutuelle des jugements rendus par les juridictions des États membres dont l’indépendance ne peut pas être mise en doute, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Dès lors que, ainsi qu’il a déjà été observé, ces circonstances exceptionnelles peuvent avoir une incidence différenciée sur l’ensemble du pouvoir judiciaire de l’État d’émission affecté, il y a lieu d’examiner leurs conséquences spécifiques pour le cas d’espèce en cause.

59.      Ensuite, et contrairement à ce que la juridiction de renvoi le laisse entendre, l’absence, dans la décision-cadre 2008/909, d’une précision équivalente à celle du considérant 10 de la décision-cadre 2002/584 n’affecte en rien la conclusion quant à l’applicabilité des deux étapes de l’examen. Ce considérant expose que la mise en œuvre du mécanisme du MAE « ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’[article 2 TUE] » et conformément à la procédure prévue à l’article 7 TUE.

60.      Certes, dans l’arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), la Cour s’est fondée sur ledit considérant pour déclarer qu’il n’y avait pas lieu de procéder à la seconde étape de l’examen si, à l’issue de la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 2, TUE, le Conseil devait suspendre la décision-cadre 2002/584 à l’égard de l’État membre concerné (34).

61.      Toutefois, l’absence, dans la décision-cadre 2008/909, d’une précision se référant à cette procédure n’implique pas que ladite procédure puisse être remplacée par une décision d’une juridiction nationale.

62.      Dans le contexte de la décision-cadre 2002/584, la Cour a déclaré très clairement que la non‑application de la seconde étape de l’examen conduirait à une exclusion généralisée (inacceptable) de l’application des principes de confiance et de reconnaissance mutuelles aux décisions rendues par les juridictions d’un État membre donné (35).

63.      Je suis d’avis qu’il en va de même en ce qui concerne la décision‑cadre 2008/909. Comme l’observent également en substance les gouvernements néerlandais et polonais ainsi que la Commission, l’absence, dans cet acte de droit dérivé, d’une référence expresse au mécanisme de suspension prévu à l’article 7, paragraphe 2, TUE ne change rien au fait que la suspension générale de la mise en œuvre dudit acte à l’égard d’un État membre ne peut résulter que de ce mécanisme.

64.      Enfin, en ce qui concerne les doutes de la juridiction de renvoi quant à savoir si la première étape de l’examen doit être menée par les juridictions nationales ou s’il s’agit d’une question d’interprétation du droit de l’Union réservée à la Cour, je reconnais pleinement la préoccupation de la juridiction de renvoi quant à l’importance de cette détermination. Toutefois, en ce qui concerne sa suggestion (comme en témoigne la formulation de la quatrième question préjudicielle (36)) selon laquelle une détermination de cet ordre devrait être effectuée de manière uniforme afin d’éviter l’insécurité juridique au sein de l’Union, j’observe qu’une telle détermination uniforme ne peut résulter que de la procédure susmentionnée fondée sur l’article 7, paragraphe 2, TUE, qui mène, à son tour, à la suspension de la mise en œuvre de l’instrument en question à l’égard de l’État membre donné. En l’absence de cette détermination, la décision‑cadre 2008/909 continue de s’appliquer. Cela étant dit, pour les raisons exposées ci-dessus, je considère que la clause relative aux droits fondamentaux contenue à l’article 3, paragraphe 4, de cette décision-cadre offre à l’autorité d’exécution la possibilité, voire lui impose l’obligation, d’empêcher la légitimation d’une violation antérieure du droit fondamental à un procès équitable, et ce en refusant exceptionnellement de reconnaître un jugement et d’exécuter une condamnation conformément aux conditions décrites précédemment dans les présentes conclusions.

65.      À cet égard, bien que le point de savoir si le motif non écrit en cause ainsi que les conditions dans lesquelles ce motif s’applique peuvent être transposés à la décision-cadre 2008/909 relève de l’interprétation du droit de l’Union que la Cour peut fournir en réponse à une question qui lui est posée au titre de l’article 267 TFUE, j’observe également que la détermination du point de savoir si ce motif doit être déclenché dans une affaire donnée dépend des circonstances factuelles de celle-ci et relève de l’application du droit de l’Union qui est de la seule compétence de la juridiction nationale (37). Il en va ainsi non seulement pour la seconde étape de l’examen, qui porte sur les circonstances spécifiques de ladite affaire, mais également pour ce qui est de la première étape, qui porte sur la détermination de l’existence de défaillances générales ou systémiques s’agissant, en l’espèce, du pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission. Conformément à cette prémisse de départ, la jurisprudence rappelée tout au long des présentes conclusions relative à la décision-cadre 2002/584 offre à la juridiction de renvoi des indications sur les facteurs à prendre en compte à cette fin (38).

66.      Au vu de l’analyse qui précède, je conclus donc que l’article 3, paragraphe 4, de la décision-cadre 2008/909 doit être interprété en ce sens que, dans les situations où cet instrument impose à l’autorité d’exécution l’obligation de reconnaître un jugement et d’exécuter une condamnation et où, premièrement, cette autorité dispose d’éléments témoignant de défaillances systémiques ou généralisées concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire dans l’État membre d’émission, ladite autorité ne peut refuser cette reconnaissance et cette exécution que si, deuxièmement, elle conclut que, dans les circonstances particulières de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que, compte tenu notamment des éléments pertinents fournis par la personne condamnée concernée, relatifs à la manière dont son affaire pénale a été traitée, le droit fondamental de cette personne à un procès équitable, tel que consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, a été violé.

D.      Le cadre temporel pertinent

67.      Il reste à établir le moment pertinent par rapport auquel l’application du motif non écrit susmentionné doit être prise en considération et par rapport auquel l’examen en deux étapes analysé en l’espèce doit être mené.

68.      Dans les circonstances de l’affaire au principal, la question qui se pose spécifiquement est de savoir si ce moment est, premièrement, celui où le jugement initial condamnant MD à une peine privative de liberté a été rendu, ou bien s’il peut également s’agir, deuxièmement, de celui où l’ordonnance révoquant le sursis à l’exécution de cette peine a été rendue, ou encore si cela inclut, troisièmement, le moment où la juridiction de renvoi est appelée à se prononcer sur la demande d’exécution de la peine en cause.

69.      J’observe que la pertinence du premier moment identifié par la juridiction de renvoi ne soulève aucune préoccupation particulière. Selon moi, à ce moment‑là, la peine privative de liberté en cause a été infligée à MD au terme d’un procès où sa culpabilité a été appréciée. Ce procès doit clairement offrir les garanties procédurales appropriées, parmi lesquelles le droit à un procès équitable consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, qui est en cause dans l’affaire au principal. Ainsi, comme le font également valoir la Commission et le gouvernement polonais, l’application du motif non écrit pris en considération par la juridiction de renvoi doit logiquement se référer à la situation prévalant dans l’État membre d’émission à l’époque de cette procédure afin de déterminer si elle s’est déroulée dans un contexte de défaillances systémiques ou généralisées affectant l’indépendance du pouvoir judiciaire dans l’État membre d’émission et si, en outre, ces défaillances ont affecté concrètement le droit fondamental de MD à un procès équitable.

70.      Si la juridiction de renvoi devait considérer que l’examen en deux étapes donne une réponse affirmative, j’estime, comme le suggère également la Commission, que l’examen de décisions ultérieures éventuelles rendues à la suite du jugement initial devient sans objet, car la possibilité de les reconnaître et de les exécuter est fonction de celle de reconnaître et d’exécuter ce jugement initial.

71.      Toutefois, si l’appréciation menée en ce qui concerne le jugement initial laisse ouverte la possibilité de le reconnaître et de l’exécuter, la question se pose de savoir si l’application du motif non écrit en cause peut se faire également par rapport à la situation prévalant dans l’État membre d’émission au moment où l’ordonnance révoquant le sursis a été rendue (deuxième moment identifié au point 68 des présentes conclusions).

72.      Sur cette question, le gouvernement polonais et la Commission ont des points de vue divergents. Si la Commission considère que ce moment est pertinent (quoiqu’à titre subsidiaire, ce que j’ai expliqué aux points 70 et 71 des présentes conclusions), le gouvernement polonais soutient le contraire.

73.      Je suis d’accord, en principe, avec la Commission, bien que cette observation sera encore nuancée ci-après.

74.      À l’appui de son argument quant à l’absence de pertinence du deuxième moment évoqué ci-dessus, le gouvernement polonais fait valoir que l’ordonnance révoquant le sursis ne répond pas à la définition du terme « jugement » au sens de l’article 1er, sous a), de la décision-cadre 2008/909 et ne relève donc pas du champ d’application de cet instrument.

75.      À cet égard, il est vrai que, conformément à son article 3, paragraphe 3, la décision-cadre 2008/909 s’applique « uniquement à la reconnaissance des jugements [...] au sens de [cette décision-cadre] ». Son article 1er, sous a), définit le terme « jugement » comme étant « une décision définitive rendue par une juridiction de l’État [membre] d’émission prononçant une condamnation à l’encontre d’une personne physique ». Il est vrai également que la peine concernée a été infligée à MD par le jugement initial, alors que l’ordonnance subséquente a « simplement » révoqué le sursis initial à son exécution.

76.      Toutefois, cette observation ne signifie pas, à mon sens, que cette ordonnance est dénuée de pertinence pour la mise en œuvre de la décision‑cadre 2008/909.

77.      Tout comme la Commission, j’observe que, en l’espèce, le jugement initial ne pouvait déclencher l’application concrète du régime de reconnaissance de la décision-cadre 2008/909 que lorsque le sursis initial à l’exécution de la peine a été révoqué par l’ordonnance en question, car, avant qu’elle ne soit rendue, MD n’était pas encore obligé de commencer à purger la peine à laquelle il a été condamné. C’est donc bien cette ordonnance (considérée conjointement avec le jugement initial) qui déclenche en principe, dès l’instant où les conditions applicables sont réunies, l’obligation pour l’autorité d’exécution d’exécuter la peine prononcée. Cette raison suffit, selon moi, pour ne pas exclure, du moins à ce stade de l’analyse, la pertinence du deuxième moment identifié au point 68 des présentes conclusions aux fins de l’examen du motif non écrit pour refuser exceptionnellement d’accueillir une demande présentée au titre de la décision‑cadre 2008/909.

78.      Cela étant précisé, le gouvernement polonais fait également valoir que la prise en considération, à ce moment, de la situation prévalant dans l’État membre d’émission est dénuée de pertinence parce que l’ordonnance révoquant le sursis n’a modifié ni la nature ni le quantum de la peine prononcée, ce qui rend, en substance, cette prise en considération superflue. Par ailleurs, le gouvernement polonais explique que les règles nationales applicables rendent la révocation du sursis obligatoire lorsque la personne concernée a commis une infraction intentionnelle pendant la période de probation (39) et que, dans un tel cas, la juridiction nationale ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation et est tenue de révoquer le sursis à l’exécution de la peine.

79.      J’observe que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ardic (40), la Cour a été appelée à se prononcer sur une situation quelque peu similaire. Dans cette affaire, le sursis à l’exécution d’une peine privative de liberté avait été révoqué parce que la personne concernée ne respectait pas les conditions de la probation. Cette personne avait participé au procès ayant abouti au jugement prononçant une peine privative de liberté, mais elle n’avait pas participé à la procédure ultérieure où le sursis à l’exécution de cette peine a été révoqué. C’est dans ces circonstances qu’il a été demandé à la Cour de déterminer si l’absence de l’intéressé dans le cadre de la procédure ayant conduit à cette décision de révocation ultérieure pouvait, sous certaines conditions, constituer un motif de refus d’exécuter un MAE, en application de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584.

80.      La Cour a répondu par la négative et a expliqué que la prise en compte de ce motif de refus ne pouvait porter que sur une décision, résultant d’une procédure (ayant eu lieu par défaut), qui statue définitivement sur la culpabilité et, le cas échéant, sur la peine privative de liberté. En revanche, ce motif ne concerne pas les décisions relatives à l’exécution ou à l’application d’une peine privative de liberté, sauf lorsqu’une telle décision vient modifier soit la nature, soit le quantum de cette peine et que l’autorité qui l’a rendue disposait d’une marge d’appréciation à cet égard (41).

81.      Il ressort du dossier de l’affaire que l’ordonnance de révocation en cause en l’espèce ne modifie ni la nature ni le quantum de la peine infligée. En outre, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, le gouvernement polonais a expliqué que le juge national ne disposait d’aucune marge d’appréciation quant à son adoption ou non.

82.      Toutefois, à mon avis, ces aspects ne signifient pas que les circonstances dans l’État membre d’émission qui ont conduit à cette révocation deviennent nécessairement sans pertinence aux fins d’examiner si le motif non écrit pour refuser exceptionnellement de reconnaître un jugement et d’exécuter une condamnation est susceptible de s’appliquer en l’espèce. Il en va ainsi parce que la personne concernée peut fournir des éléments spécifiques indiquant que la circonstance déterminante qui a conduit à la révocation du sursis constituait une conséquence concrète des défaillances générales ou systémiques auxquelles il a été précédemment fait référence.

83.      Cela étant précisé, le renvoi préjudiciel ne contient pas d’éléments spécifiques de cet ordre ni ne précise exactement quelle était la circonstance déterminante qui a conduit à l’adoption de l’ordonnance de révocation en cause.

84.      À cet égard, les raisons menant à la décision de révoquer le sursis à l’exécution d’une peine privative de liberté peuvent être diverses et sont fonction du droit national applicable. Je comprends de l’explication fournie par le gouvernement polonais – exposée au point 78 des présentes conclusions – que l’adoption d’une ordonnance de révocation, telle que celle en cause, constitue une conséquence automatique de la commission d’une nouvelle infraction (intentionnelle).

85.      Dans ces conditions, s’il devait être établi que la révocation du sursis en cause résultait automatiquement de la nouvelle condamnation pénale de MD, je considère, tout comme la Commission le fait également valoir en substance, que les circonstances dans lesquelles cette condamnation a été prononcée (et donc le moment de cette nouvelle condamnation pénale) deviennent pertinentes pour l’application subsidiaire du motif non écrit et exceptionnel en cause lorsque les éléments probants produits devant l’autorité d’exécution requièrent une telle approche.

86.      En effet, s’il devait être établi que des défaillances systémiques ou généralisées affectant le pouvoir judiciaire de l’État membre d’émission se sont répercutées concrètement sur le droit à un procès équitable de la personne concernée dans le cadre d’une nouvelle procédure où elle a été jugée coupable d’une nouvelle infraction pénale, cette constatation sera nécessairement pertinente pour l’appréciation de la révocation ultérieure aux fins du régime de reconnaissance et d’exécution de la décision-cadre 2008/909. La raison en est que, sans cette nouvelle condamnation pénale, la révocation du sursis à l’exécution de la peine n’aurait pas eu lieu (42)

87.      En revanche, en ce qui concerne, enfin, le troisième moment mentionné au point 68 des présentes conclusions, à savoir celui où l’autorité d’exécution est appelée à statuer sur la reconnaissance du jugement et l’exécution de la condamnation, tout comme le gouvernement polonais et la Commission, je ne vois pas sa pertinence aux fins de l’application du motif non écrit en cause, puisque la situation dans l’État membre d’émission, à ce moment dans le temps, ne saurait avoir une incidence rétroactive sur la procédure pénale qui y a déjà été clôturée (43).

88.      Au vu de l’analyse qui précède, je conclus que, lorsqu’une demande de reconnaissance et d’exécution au titre de la décision-cadre 2008/909 porte sur un jugement ayant prononcé une peine privative de liberté et dont l’exécution – faisant initialement l’objet d’un sursis – est ordonnée par la suite, sans modification quant à la nature ou au quantum de cette peine, l’application du motif non écrit pour refuser exceptionnellement la reconnaissance d’un jugement et l’exécution d’une condamnation, tel que décrit au point 66 des présentes conclusions, doit être examinée, et l’examen en deux étapes sur lequel elle repose doit être effectué par rapport au moment où le jugement initial prononçant la peine privative de liberté a été rendu. Si cet examen ne permet pas de conclure que la reconnaissance et l’exécution doivent être refusées, le même examen doit être effectué, lorsque les éléments probants présentés devant l’autorité de l’État membre d’exécution requièrent une telle approche, par rapport au moment où la circonstance déterminante qui a entraîné la révocation du sursis à l’exécution de la peine s’est produite.

V.      Conclusion

89.      Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Landgericht Aachen (tribunal régional d’Aix‑la‑Chapelle, Allemagne) comme suit :

L’article 3, paragraphe 4, de la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil, du 27 novembre 2008, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009,

doit être interprété en ce sens que, dans les situations où cette décision-cadre impose à l’autorité d’exécution l’obligation de reconnaître un jugement et d’exécuter une condamnation et où, premièrement, cette autorité dispose d’éléments témoignant de défaillances systémiques ou généralisées concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire dans l’État membre d’émission, ladite autorité ne peut refuser cette reconnaissance et cette exécution qu’au cas où, deuxièmement, elle conclut que, dans les circonstances particulières de l’espèce, il existe des motifs sérieux et avérés de croire que, compte tenu notamment des éléments pertinents fournis par la personne condamnée concernée, relatifs à la manière dont son affaire pénale a été traitée, le droit fondamental de cette personne à un procès équitable, tel que consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a été violé.

Lorsque la demande de reconnaissance du jugement et d’exécution de la condamnation au titre de la décision-cadre 2008/909 porte sur un jugement ayant prononcé une peine privative de liberté et dont l’exécution – faisant initialement l’objet d’un sursis – est ordonnée par la suite, sans modification quant à la nature ou au quantum de cette peine, l’examen en deux étapes susmentionné doit être effectué par rapport au moment où le jugement initial prononçant la peine privative de liberté a été rendu. Si cet examen ne permet pas de conclure que la reconnaissance et l’exécution doivent être refusées, le même examen doit être effectué, lorsque les éléments probants présentés devant l’autorité de l’État membre d’exécution requièrent une telle approche, par rapport au moment où s’est produite la circonstance déterminante qui a entraîné la révocation du sursis à l’exécution de la peine.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Décision-cadre du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne (JO 2008, L 327, p. 27), telle que modifiée par la décision‑cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2008/909 »).


3      Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 (JO 2009, L 81, p. 24) (ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).


4      Voir, notamment, arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) [C‑216/18 PPU, ci-après l’« arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) », EU:C:2018:586].


5      Le renvoi préjudiciel indique que cette décision était fondée sur l’article 83 ter, paragraphe 2, [point 2,] du Gesetz über die internationale Rechtshilfe in Strafsachen (loi sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale). Il apparaît ainsi, comme l’observe la Commission, que la situation en cause au principal est celle qui relève de l’article 4, point 6, de la décision‑cadre 2002/584, Cette disposition permet de refuser l’exécution d’un MAE délivré aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine conformément à son droit interne.


6      Commission européenne, proposition de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’État de droit [COM(2017) 835 final].


7      Arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), arrêts du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun) (C‑192/18, EU:C:2019:924), du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982), du 2 mars 2021, A.B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours) (C‑824/18, EU:C:2021:153), du 15 juillet 2021, Commission/Pologne (Régime disciplinaire des juges) (C‑791/19, EU:C:2021:596), et du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a. (C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931), ainsi que l’affaire pendante C‑204/21, Commission/Pologne.


8      Voir, en ce sens, avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 191 et jurisprudence citée).


9      Voir, entre autres, arrêt du 22 février 2022, Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) [C‑562/21 PPU et C‑563/21 PPU, ci‑après l’« arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) », EU:C:2022:100, points 40 et 41 ainsi que jurisprudence citée].


10      Voir, en ce sens, en ce qui concerne la décision-cadre 2008/909, considérant 5 de celle-ci et communication de la Commission – Manuel sur le transfèrement des personnes condamnées et le transfert des peines privatives de liberté (JO 2019, C 403, p. 2), point 1.2.


11      Arrêt du 5 avril 2016 (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198).


12      Prévue à l’article 4 de la Charte.


13      Ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584.


14      Arrêt du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru (C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, points 94 et 104). Voir, également, arrêts du 25 juillet 2018, Generalstaatsanwaltschaft (Conditions de détention en Hongrie) (C‑220/18 PPU, EU:C:2018:589), et du 15 octobre 2019, Dorobantu (C‑128/18, EU:C:2019:857).


15      Arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), points 61 et 68.


16      Arrêt du 17 décembre 2020, Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) [C‑354/20 PPU et C‑412/20 PPU, ci-après l’« arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) », EU:C:2020:1033, en particulier points 60 et 61].


17      Arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission) (point 66).


18      Arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), points 83, 86 et 102. Comme l’observe le gouvernement néerlandais, cet arrêt a été prononcé après le 30 décembre 2021, date d’introduction du renvoi préjudiciel dans la présente affaire. Voir, toutefois, également, arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission), point 68.


19      Comme expliqué également dans la communication de la Commission – Manuel sur le transfèrement des personnes condamnées et le transfert des peines privatives de liberté (JO 2019, C 403, p. 2), points 2.3.4 et 2.5. Toutefois, au titre de l’article 4, paragraphe 7, de la décision-cadre 2008/909, les États membres peuvent renoncer à l’application de la condition relative à leur consentement dans les cas définis dans cette disposition.


20      Voir note en bas de page 5 des présentes conclusions. L’objectif de cette disposition de la décision-cadre 2002/584 étant le même que celui qui est énoncé à l’article 3, paragraphe 1, de la décision-cadre 2008/909, à savoir de faciliter la réinsertion sociale des personnes condamnées. Voir arrêt du 13 décembre 2018, Sut (C‑514/17, EU:C:2018:1016, point 33 et jurisprudence citée).


21      Voir point 11 et note en bas de page 5 des présentes conclusions.


22      Cette interprétation est confirmée par la structure du modèle de certificat qui figure en annexe I de la décision-cadre 2008/909 et qui doit être transmis à l’État membre d’exécution avec le jugement à faire reconnaître. À la subdivision « g », ce modèle exige de l’autorité d’émission qu’elle indique quel est le cas de figure applicable parmi ceux que l’article 4, paragraphe 1, de cette décision-cadre énonce et qui sont rappelés au point 39 des présentes conclusions. Or, cette subdivision « g » précise que cette indication n’est plus nécessaire si l’autorité d’émission confirme, en ayant rempli la subdivision « f », que la demande s’inscrit dans le prolongement du cas de figure visé à l’article 4, point 6), de la décision-cadre 2002/584.


23      Voir point 39 des présentes conclusions.


24      Voir notes en bas de page 8 et 9 des présentes conclusions.


25      En d’autres termes, si l’obligation d’exécuter constitue la règle, celle de ne pas le faire constitue une exception. Voir, tout récemment, en ce qui concerne la décision‑cadre 2002/584, arrêt du 23 mars 2023, Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) [C‑514/21 et C‑515/21, ci‑après l’« arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis) », EU:C:2023:235, points 47 et 77 ainsi que jurisprudence citée].


26      À ce que je comprends, le fait que le procès de MD ait eu lieu par défaut était dénué de pertinence lorsque les autorités allemandes ont décidé de ne pas exécuter le MAE et ce fait n’est pas davantage pertinent pour la présente affaire compte tenu des conditions dans lesquelles il est permis, dans un tel cas, de refuser la reconnaissance d’un jugement et l’exécution d’une condamnation au titre de l’article 9, paragraphe 1, sous i), de la décision-cadre 2008/909.


27      Voir Lenaerts, K., « La vie après l’avis : exploring the principle of mutual (yet not blind) trust », Common Market Law Review, vol. 54, no 3, 2017, p. 805 à 840, et Mitsilegas, V., « Mutual Recognition and Fundamental Rights in EU Criminal Law », dans Iglesias Sánchez, S. et González Pascual, M., Fundamental Rights in the EU Area of Freedom, Security and Justice, Cambridge University Press, 2021, p. 253 à 271, en particulier p. 270 et 271.


28      Voir, également, considérant 13 de la décision-cadre 2008/909.


29      Voir, en ce sens, arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), points 83, 86, et 102, ainsi qu’arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission), point 68.


30      Voir, par exemple, Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission), point 42.


31      Arrêt du 27 mai 2019 [C‑508/18 et C‑82/19 PPU, ci-après l’« arrêt OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) », EU:C:2019:456].


32      Arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission) point 33.


33      Arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission), points 48 et 50.


34      Arrêt Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire), points 70 à 72.


35      Voir, en ce sens, arrêt Openbaar Ministerie (Indépendance de l’autorité judiciaire d’émission), point 43.


36      J’observe que la quatrième question n’est posée qu’à titre subsidiaire, au cas où la Cour devrait répondre aux première et deuxième questions en ce sens que l’autorité d’exécution ne peut pas refuser de reconnaître et d’exécuter une demande en se référant (uniquement) à l’existence de défaillances systémiques ou généralisées (parce que, tel que je comprends le raisonnement de la juridiction de renvoi, cette appréciation incomberait non pas à la juridiction nationale, mais bien à la Cour).


37      Voir arrêt du 16 novembre 2021, Prokuratura Rejonowa w Mińsku Mazowieckim e.a. (C‑748/19 à C‑754/19, EU:C:2021:931, point 75 et jurisprudence citée), et, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi (C‑561/19, EU:C:2021:799, point 35 et jurisprudence citée).


38      Voir, notamment, arrêt Openbaar Ministerie (Tribunal établi par la loi dans l’État membre d’émission), points 78 à 80 et jurisprudence citée.


39      Selon le gouvernement polonais, cela résulte de l’article 75 de l’ustawa z dnia 6 czerwca 1997 r. – Kodeks karny (loi du 6 juin 1997 portant le code pénal).


40      Arrêt du 22 décembre 2017 (C‑571/17 PPU, EU:C:2017:1026).


41      Voir, également, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis), point 53.


42      Voir, également, par analogie, arrêt Minister for Justice and Equality (Levée du sursis), points 65 à 68 et 70, où il a été jugé que la condamnation pénale prononcée par défaut, et sans laquelle n’aurait pas été révoqué le sursis assortissant la peine privative de liberté pour l’exécution de laquelle le MAE avait été émis en l’espèce, fait partie du « procès qui a mené à la décision » au sens de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584.


43      J’ajoute que, à la différence du régime de la décision-cadre 2002/584, celui de la décision‑cadre 2008/909 n’implique pas de transférer la personne condamnée de l’État membre d’exécution à l’État membre d’émission, mais bien l’inverse, ou il n’implique pas du tout le moindre transfert lorsque la personne concernée, comme dans le cas de MD, se trouve déjà dans l’État membre d’exécution.