Language of document : ECLI:EU:T:2020:99

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

10 mars 2020 (*)

« Procédure – Taxation des dépens – Dépens récupérables »

Dans les affaires jointes T‑111/14 DEP à T‑118/14 DEP,

Unitec Bio SA, établie à Buenos Aires (Argentine), représentée par Mes J.-F. Bellis et R. Luff, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑111/14,

Molinos Río de la Plata SA, établie à Buenos Aires, représentée par Mes Bellis et Luff, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑112/14,

Oleaginosa Moreno Hermanos SACIFI y A, établie à Bahia Blanca (Argentine), représentée par Mes Bellis et Luff, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑113/14,

Vicentin SAIC, établie à Avellaneda (Argentine), représentée par Mes Bellis et Luff, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑114/14,

Aceitera General Deheza SA, établie à General Deheza (Argentine), représentée par Mes Bellis et Luff, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑115/14,

Bunge Argentina SA, établie à Buenos Aires, représentée par Mes Bellis et Luff, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑116/14,

Cargill SACI, établie à Buenos Aires, représentée par Mes Bellis et Luff, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑117/14,

LDC Argentina SA, établie à Buenos Aires, représentée par Mes Bellis et Luff, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑118/14,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme H. Marcos Fraile, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne,

et par

European Biodiesel Board (EBB), établi à Bruxelles (Belgique),

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à la suite de quatre arrêts du 15 septembre 2016, LDC Argentina/Conseil (T‑118/14, non publié, EU:T:2016:502), du 15 septembre 2016, Cargill/Conseil (T‑117/14, non publié, EU:T:2016:503), du 15 septembre 2016, Unitec Bio/Conseil (T‑111/14, EU:T:2016:505), et du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil (T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, Z. Csehi (rapporteur) et G. De Baere, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par huit requêtes déposées au greffe du Tribunal le 17 février 2014, respectivement enregistrées sous les nos T‑111/14, T‑112/14, T‑113/14, T‑114/14, T‑115/14, T‑116/14, T‑117/14 et T‑118/14, les requérantes, Unitec Bio SA, Molinos Río de la Plata SA,  Oleaginosa Moreno Hermanos SACIFI y A, Vicentin SAIC, Aceitera General Deheza SA, Bunge Argentina SA, Cargill SACI, LDC Argentina SA, ont chacune introduit un recours tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) no 1194/2013 du Conseil, du 19 novembre 2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2, ci-après l’« acte attaqué »), dans la mesure où il leur infligeait un droit antidumping.

2        Par ordonnances du président de la neuvième chambre du Tribunal des 17 juillet et 22 septembre 2014, la Commission européenne et  European Biodiesel Board (EBB) ont été admis à intervenir dans les affaires mentionnées au point 1 ci-dessus au soutien du Conseil de l’Union européenne.

3        Par quatre arrêts du 15 septembre 2016, LDC Argentina/Conseil (T‑118/14, non publié, EU:T:2016:502), du 15 septembre 2016, Cargill/Conseil (T‑117/14, non publié, EU:T:2016:503), du 15 septembre 2016, Unitec Bio/Conseil (T‑111/14, EU:T:2016:505), et du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil (T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509), le Tribunal a annulé l’acte attaqué dans la mesure où celui-ci concernait les requérantes. Dans chaque affaire, il a condamné le Conseil à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérantes.

4        Par quatre pourvois introduits le 24 novembre 2016 et enregistrés sous les nos C‑602/16 P et C‑607/16 P à C‑609/16 P, le Conseil a, au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, demandé l’annulation des arrêts du 15 septembre 2016, LDC Argentina/Conseil (T‑118/14, non publié, EU:T:2016:502), du 15 septembre 2016, Cargill/Conseil (T‑117/14, non publié, EU:T:2016:503), du 15 septembre 2016, Unitec Bio/Conseil (T‑111/14, EU:T:2016:505), et du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil (T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509).

5        Par lettre du 22 janvier 2018, le Conseil a informé la Cour, conformément à l’article 148 du règlement de procédure de la Cour, qu’il se désistait de ses pourvois.

6        Par ordonnance du 15 février 2018, Conseil/Unitec Bio e.a. (C‑602/16 P et C‑607/16 P à C‑609/16 P, non publiée, EU:C:2018:150), le président de la Cour a radié les affaires jointes C‑602/16 P et C‑607/16 P à C‑609/16 P du registre de la Cour et a condamné le Conseil aux dépens exposés par les requérantes.

7        Par lettre du 27 avril 2018, les requérantes ont invité le Conseil à rembourser la somme totale de 391 249 euros au titre des huit procédures devant le Tribunal mentionnées au point 1 ci-dessus, d’une part, et au titre des quatre procédures devant la Cour mentionnées au point 4 ci-dessus, d’autre part.

8        Par lettre du 25 juillet 2018, le Conseil a exprimé son désaccord sur le montant des dépens réclamés par les requérantes et a proposé de rembourser un total de 45 300 euros au titre des procédures concernées devant le Tribunal et devant la Cour. Cette proposition du Conseil correspondait à 200 heures de travail à un tarif horaire de 225 euros. Les requérantes ont refusé cette offre par lettre du 28 septembre 2018, mais ont diminué le montant total demandé à 388 887 euros en raison d’une erreur de calcul.

9        Par lettre du 10 janvier 2019,  le Conseil a refusé cette nouvelle demande et a  proposé de rembourser un montant total de 54 100 euros au titre des procédures concernées devant le Tribunal et devant la Cour.

10      Par lettre du 18 mars 2019, les requérantes ont diminué à nouveau le montant de leur demande à 85 150 euros au titre des procédures concernées devant le Tribunal et devant la Cour, ce montant correspondant à 265 heures de travail à un tarif horaire de 320 euros et à 350 euros de frais administratifs. Par lettre du 29 mars 2019, le Conseil a refusé cette nouvelle demande et a maintenu son offre de rembourser un montant total de 54 100 euros.

11      Aucun accord n’étant intervenu entre les parties sur le montant des dépens récupérables, les requérantes ont introduit, par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 juin 2019 et en application de l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une demande de taxation des dépens par laquelle elles ont invité le Tribunal à :

–        fixer les dépens récupérables, dont le remboursement incombe au Conseil, à un montant de 185 811,50 euros au titre des procédures enregistrées sous les numéros T‑111/14, T‑112/14 à T‑116/14, T‑117/14 et T‑118/14 ;

–        fixer les dépens récupérables incombant au Conseil à un montant de 1 539 euros au titre de la présente procédure de taxation des dépens ;

–        appliquer à ce montant des intérêts de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir.

12      Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 25 juillet 2019, le Conseil a invité le Tribunal à :

–        rejeter la demande des requérantes ;

–        fixer le montant total des dépens récupérables à 43 150 euros.

13      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

 En droit

14      Aux termes de l’article 170, paragraphe 3, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, après avoir mis la partie concernée par la demande en mesure de présenter ses observations.

15      Selon l’article 140, sous b), du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat sont considérés comme dépens récupérables. Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 13 et jurisprudence citée).

16      C’est en fonction de ces considérations qu’il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables en l’espèce.

 Sur le montant des honoraires d’avocat récupérables

17      Selon une jurisprudence constante, le Tribunal n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 17 et jurisprudence citée).

18      En outre, à défaut de dispositions du droit de l’Union européenne de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (voir ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 18 et jurisprudence citée).

19      Concernant, en premier lieu, l’objet, la nature et l’importance des litiges sous l’angle du droit de l’Union, ainsi que les difficultés des causes, le Tribunal constate que, sur le fond, les affaires au principal concernaient huit recours en annulation en matière d’antidumping s’articulant tous autour de trois moyens identiques. Les premier et deuxième moyens visaient à remettre en cause la démarche du Conseil consistant à s’écarter des coûts des principales matières premières figurant dans les registres des producteurs-exportateurs examinés, en raison de la distorsion des prix desdites matières premières causée par le système de taxe différentielle à l’exportation, et à les remplacer par le prix de référence. Dans le cadre du premier moyen, les requérantes faisaient valoir qu’une telle démarche n’était pas conforme à l’article 2, paragraphe 5, premier et deuxième alinéas, du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, ci-après le « règlement de base »). Dans le cadre du deuxième moyen, elles soutenaient que cette démarche n’était pas conforme à l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT (JO 1994, L 336, p. 103). Le troisième moyen était tiré de ce que, en considérant qu’il existait un lien de causalité entre les importations de biodiesel originaire d’Argentine faisant l’objet de l’enquête et le préjudice causé à l’industrie de l’Union, le Conseil avait violé l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base.

20      Il y a lieu d’observer que le premier moyen des recours soulevait une question importante sous l’angle du droit de l’Union, présentant une certaine complexité factuelle et juridique et nécessitant une analyse approfondie, ainsi que le font valoir les requérantes. En effet, ce moyen portait sur l’application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, qui prévoit, en substance, les différentes possibilités sur le fondement desquelles les institutions peuvent prendre en compte les frais relatifs, en particulier, à la production et à la vente d’un produit faisant l’objet d’une enquête, aux fins du calcul de la valeur normale du produit similaire, au sens de ce règlement. En l’espèce, les requérantes faisaient valoir que le Conseil avait, en substance, violé l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base, en écartant, dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, au sens du règlement de base, les prix des matières premières figurant dans les registres des requérantes. Elles reprochaient au Conseil, en particulier, une application erronée de l’arrêt du 7 février 2013, Acron et Dorogobuzh/Conseil (T‑235/08, non publié, EU:T:2013:65). Il s’ensuit que ce moyen des recours nécessitait une analyse approfondie dans la mesure où la question qu’il soulevait a conduit le Tribunal à statuer, en particulier, sur la charge de la preuve et la marge d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le cadre du calcul de la valeur normale du produit similaire, au sens du règlement de base (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 19 décembre 2019, Unitec Bio e.a./Conseil, C‑602/16 P‑DEP, non publiée, EU:C:2019:1148, points 30 à 32).  

21      S’agissant des autres moyens, il convient d’observer qu’ils ne présentaient pas de complexité particulière.

22      En deuxième lieu, s’agissant des intérêts économiques représentés par le litige pour les parties, il y a lieu de rappeler que l’acte attaqué instituait des droits antidumping définitifs s’élevant entre 216,64 euros et 245,67 euros par tonne nette sur les exportations des requérantes. Ainsi que le soutient le Conseil, si les affaires présentaient un intérêt économique pour les requérantes, cet intérêt ne saurait être considéré comme étant inhabituel ou significativement différent de celui qui sous-tend toute procédure d’enquête instituant des droits antidumping.

23      En troisième lieu, s’agissant de l’ampleur de la charge de travail nécessitée par le litige, les requérantes demandent de fixer le montant des dépens récupérables au titre des honoraires d’avocat relatifs à leurs huit recours devant le Tribunal à un montant de 184 837,50 euros, correspondant, selon elles, à 543 heures de travail de quatre avocats et à un tarif horaire moyen pondéré légèrement supérieur à 340 euros.  

24      Le Conseil conteste le nombre d’avocats, le nombre d’heures et le tarif horaire appliqué.  Il affirme que le travail d’une durée maximale de 170 heures d’un seul avocat à un tarif horaire de 250 euros était suffisant pour l’ensemble des huit procédures devant le Tribunal.

25      En l’espèce, il y a lieu de constater que, à l’appui de leur demande, les requérantes fournissent un détail des heures de travail de leurs avocats (« timesheets »), contenant des informations détaillées sur le type de travail, les heures qui y ont été consacrées et les tarifs horaires correspondants. Il ressort de ce document que quatre avocats ont travaillé un total de 540,75 heures, pour un coût évalué à la somme totale de 184 837,50 euros. 

26      Premièrement, il convient d’exclure certaines heures qui ne sauraient rentrer dans la catégorie des dépens récupérables au sens de la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus, au motif qu’elles n’apparaissent pas indispensables aux procédures au principal devant le Tribunal.

27      Ainsi, les heures correspondant au temps dédié au recours de Cámara Argentina de Biocombustibles (Carbio), qui n’est pas partie à la présente demande de taxation des dépens et qui a été condamnée à supporter ses propres dépens dans l’arrêt du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil, (T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509), ne sauraient rentrer dans la catégorie des dépens récupérables. En particulier, les heures consacrées à répondre aux objections du Conseil relatives à la recevabilité du recours de Carbio doivent être exclues de la présente demande.

28      En outre, la récupération des dépens se rapportant aux périodes pendant lesquelles aucun acte de procédure n’a été adopté par le Tribunal doit être écartée, de tels dépens ne pouvant apparaître directement liés aux interventions de l’avocat devant le Tribunal (ordonnance du 21 décembre 2010, Le Levant 015 e.a./Commission, T‑34/02 DEP, EU:T:2010:559, points 33 et 34). La récupération des dépens se rapportant à la période postérieure à la procédure orale lorsqu’aucun acte de procédure n’a été adopté après l’audience doit de même être refusée (ordonnance du 24 janvier 2002, Groupe Origny/Commission, T‑38/95 DEP, EU:T:2002:13, point 31).

29      En l’espèce, 2,5 heures de travail à un tarif horaire de 300 euros ont été enregistrées comme correspondant au temps de voyage de retour de Luxembourg (Luxembourg) à la suite de l’audience tenue le 28 octobre 2015 dans les affaires au principal et à un travail de suivi à la suite de l’audience. À cet égard, il y a lieu de constater que la phase orale de la procédure a été réouverte le 22 février 2016. Par des mesures d’organisation de la procédure adoptées le 22 février 2016 et le 23 mars 2016, le Tribunal a posé des questions aux requérantes. Toutefois, vu le laps de temps écoulé entre le voyage de retour de l’audience du 28 octobre 2015 et l’adoption de ces mesures d’organisation de la procédure, les heures de travail de suivi en question n’ont pas pu être dédiées à la réponse auxdites mesures d’organisation de la procédure, dans la mesure où ces dernières n’avaient pas encore été adoptées par le Tribunal. Par conséquent, il convient d’exclure les heures de travail de suivi susmentionnées de la catégorie des dépens indispensables, au motif qu’elles se rapportent à une période pendant laquelle aucun acte de procédure n’a été adopté et n’apparaissent donc pas directement liées aux interventions des avocats devant le Tribunal.

30      Deuxièmement, selon la jurisprudence, lorsque les avocats d’une partie ont déjà assisté celle-ci au cours de procédures ou de démarches qui ont précédé le litige s’y rapportant, comme en l’espèce, il convient de tenir compte du fait que ces avocats disposent d’une connaissance d’éléments pertinents pour le litige qui est de nature à avoir facilité leur travail et réduit le temps de préparation nécessaire pour la procédure contentieuse (ordonnance du 21 décembre 2010, Le Levant 015 e.a./Commission, T‑34/02 DEP, EU:T:2010:559, point 43).  

31      À cet égard, les requérantes font valoir que certaines des questions soulevées dans le mémoire en défense devant le Tribunal n’avaient pas été traitées lors de la procédure administrative, notamment celles relatives à la recevabilité des recours. Toutefois, il convient d’observer que les objections quant à la recevabilité des recours ne concernaient que deux des requérantes parties à la présente demande de taxation des dépens, à savoir Cargill, requérante dans l’affaire T‑117/14, et Unitec Bio, requérante dans l’affaire T‑111/14, et que lesdites requérantes y ont répondu dans leurs répliques en deux paragraphes identiques et très simples.

32      Troisièmement, les requérantes justifient le nombre élevé d’heures de travail par le fait que leurs avocats ont dû travailler sur huit recours. Or, selon les requérantes, qui font référence à cet égard au point 35 de l’ordonnance du 13 mai 2019, Giant (China)/Conseil (T‑425/13 DEP, non publiée, EU:T:2019:340), le juge de l’Union aurait considéré que 190 heures pour une seule partie requérante était raisonnable. À la lumière de cette jurisprudence, 543 heures de travail relatives à huit recours ne devraient donc pas être considérées comme excessives. En outre, les présentes affaires au principal auraient été plus complexes que celle ayant donné lieu à l’arrêt du 26 novembre 2015, Giant (China)/Conseil (T‑425/13, non publié, EU:T:2015:896). Les requérantes ajoutent que, si certaines questions étaient similaires dans les huit affaires, d’autres questions procédurales telles que la confidentialité, la recevabilité et le traitement des données auraient nécessité un traitement individuel s’agissant de chaque requérante.

33      Le Tribunal observe que, si la situation de l’espèce dans laquelle huit recours sont concernés peut justifier un nombre d’heures de travail plus élevé que pour la préparation et le suivi d’une seule procédure devant le Tribunal, il convient toutefois de tenir compte des similitudes en droit et en fait entre les affaires en cause, qui étaient de nature à engendrer pour les avocats des économies de travail.

34      En l’espèce, il convient de prendre en considération le fait que l’ensemble des écritures des huit requérantes étaient, mis à part quelques différences, en substance identiques, et qu’elles ont répondu de manière commune aux questions posées par le Tribunal. Notamment, les questions de droit et de fait relatives à l’application de l’article 2, paragraphe 5, du règlement de base étaient soulevées dans les mêmes termes, de sorte qu’il y a été répondu par des motifs quasi identiques dans les arrêts du 15 septembre 2016, LDC Argentina/Conseil (T‑118/14, non publié, EU:T:2016:502), du 15 septembre 2016, Cargill/Conseil (T‑117/14, non publié, EU:T:2016:503), du 15 septembre 2016, Unitec Bio/Conseil (T‑111/14, EU:T:2016:505), et du 15 septembre 2016, Molinos Río de la Plata e.a./Conseil (T‑112/14 à T‑116/14 et T‑119/14, non publié, EU:T:2016:509). De telles similitudes entre ces affaires connexes ont nécessairement eu pour conséquence une économie d’échelle [voir, en ce sens, ordonnances du 27 avril 2009, Mülhens/OHMI – Conceria Toska (TOSKA), T‑263/03 DEP, non publiée, EU:T:2009:118, point 17 ; du 27 avril 2009, Mülhens/OHMI, T‑28/04 DEP, non publiée, EU:T:2009:119, point 17, et voir, également en ce sens, ordonnance du 12 mai 2016, Ningbo Yonghong Fasteners/Conseil, T‑150/09 DEP, non publiée, EU:T:2016:317, point 28].

35      En outre, si les questions de recevabilité au stade de la rédaction de la requête et de la réplique ont nécessité un traitement plus approfondi pour certains recours, il convient d’observer, ainsi que cela a déjà été mentionné au point 31 ci-dessus, que ces questions ne concernaient que deux des requérantes dans la présente procédure de taxation des dépens et qu’elles ont été traitées de la même manière dans les écritures desdites requérantes, de sorte que le Tribunal y a répondu par des motifs identiques dans ses arrêts du 15 septembre 2016, Cargill/Conseil (T‑117/14, non publié, EU:T:2016:503), et du 15 septembre 2016, Unitec Bio/Conseil (T‑111/14, EU:T:2016:505). Quant aux demandes de traitement confidentiel dans les recours T‑112/14 à T‑116/14 et T‑118/14, elles étaient également identiques.

36      Quatrièmement, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de tenir compte principalement du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties (ordonnance du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, EU:T:2004:192, point 30).

37      En l’espèce, compte tenu, notamment, de l’importance des litiges sous l’angle du droit de l’Union et des difficultés liées à l’un des moyens soulevés devant lui, le Tribunal fixe le total du temps de travail des avocats objectivement indispensable aux fins de la représentation des huit requérantes dans les affaires au principal durant la phase juridictionnelle à 408 heures. Cela couvre la rédaction des recours en annulation, des répliques, des très courtes demandes de traitement confidentiel dans les affaires T‑112/14 à T‑116/14 et T‑118/14 et la préparation des versions non confidentielles des pièces desdites procédures, les réponses aux deux mémoires en intervention de la Commission et de l’EBB, la préparation de l’audience et la représentation des requérantes lors de l’audience ainsi que les réponses, communes aux requérantes, aux questions du Tribunal posées après l’audience. Il convient de préciser que, sur le total du temps de travail susmentionné, la préparation d’une seule affaire type servant de modèle de base pour le traitement des sept autres affaires doit se voir attribuer un nombre d’heures supérieur aux sept autres affaires.

38      S’agissant du tarif horaire moyen pondéré mentionné dans la demande, légèrement supérieur à 340 euros, le Tribunal considère qu’un tel tarif horaire peut s’appliquer aux heures dédiées à la préparation et à la rédaction des écritures ainsi qu’à la préparation et à l’assistance à l’audience s’agissant d’une seule affaire type servant de modèle de base pour le traitement des sept autres affaires. Le Tribunal considère également que, eu égard au caractère plus simple du travail relatif aux sept autres affaires, effectué sur la base de ce qui a été préparé pour l’affaire type, le tarif horaire à retenir est de 220 euros.

39      Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des honoraires récupérables par les requérantes en fixant leur montant à 110 160 euros.

 Sur les débours récupérables

40      Les requérantes réclament 974 euros au titre des frais de voyage et de séjour liés à l’audience unique ayant eu lieu dans les affaires au principal.

41      En l’espèce, il y a lieu de constater que, à l’appui de leur demande de remboursement des frais de voyage et d’hôtel, les requérantes fournissent deux factures d’hôtel pour un montant total de 728 euros et un document expliquant que les frais de transport ont été calculés sur la base d’un transport en voiture, à savoir 0,5 euro par km, soit un total de 246 euros.

42      S’agissant des débours relatifs à la participation de deux avocats à l’audience, le Conseil souligne que seuls ceux correspondant à un seul avocat étaient objectivement indispensables et propose de rembourser un montant de 350 euros.

43      À cet égard, le Tribunal estime que, même si les affaires étaient très similaires, les avocats ont dû préparer l’audience et y représenter huit requérantes. Il est donc justifié que les frais encourus pour deux conseils, aux fins de leur participation à l’audience, soient considérés comme indispensables au sens de l’article 140, sous b), du règlement de procédure.

44      Il s’ensuit qu’il sera fait une juste appréciation des dépens afférents au déplacement et au séjour de deux avocats pour assister les requérantes lors de l’audience du 28 octobre 2015 en fixant leur montant à 974 euros.

 Sur les frais de la présente procédure

45      Le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (ordonnance du 23 mars 2012, Kerstens/Commission, T‑498/09 P‑DEP, non publiée, EU:T:2012:147, point 15).

46      Quant à la somme de 1 539 euros réclamée pour la conduite de la présente procédure de taxation des dépens, il y a lieu de relever qu’elle n’apparaît pas excessive, même si une demande de taxation des dépens présente un caractère plutôt standardisé.

47      Dans ces conditions, il y a lieu de taxer les dépens des requérantes afférents à la présente procédure à 1 539 euros.

 Sur la demande d’intérêts moratoires

48      Les requérantes demandent que le montant des dépens récupérables soit assorti d’intérêts moratoires.

49      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la constatation d’une éventuelle obligation de payer les intérêts moratoires et la fixation du taux applicable relèvent de la compétence du Tribunal en vertu de l’article 170, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure (voir ordonnance du 19 juillet 2017, Yanukovych/Conseil, T‑348/14 DEP, non publiée, EU:T:2017:549, point 64 et jurisprudence citée). Selon une jurisprudence bien établie, une demande de majorer la somme due dans le cadre d’une procédure de taxation des dépens d’intérêts moratoires doit être accueillie pour la période entre la date de la signification de l’ordonnance de taxation des dépens et la date du remboursement effectif des dépens (voir ordonnance du 19 juillet 2017, Yanukovych/Conseil, T‑348/14 DEP, non publiée, EU:T:2017:549, point 65 et jurisprudence citée).

50      S’agissant du taux d’intérêt applicable, le Tribunal estime approprié de tenir compte de l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1). Par conséquent, le taux applicable est calculé sur la base du taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement ainsi publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C, en vigueur le premier jour du calendrier du mois de l’échéance du paiement, majoré de trois points et demi (voir ordonnance du 19 juillet 2017, Yanukovych/Conseil, T‑348/14 DEP, non publiée, EU:T:2017:549, point 66 et jurisprudence citée).

51      Par conséquent, il convient de prévoir que le montant des dépens récupérables produira, à compter de la signification de la présente ordonnance, des intérêts moratoires au taux calculé sur la base du taux fixé par la BCE pour les opérations principales de refinancement applicable pendant la période concernée, majoré de trois points et demi.

52      Il résulte de tout ce qui précède que le montant total des dépens récupérables par les requérantes auprès du Conseil s’élève à 112 673 euros, augmenté des intérêts de retard à compter de la date de la signification de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le montant total des dépens à rembourser par le Conseil de l’Union européenne à Unitec Bio SA, Molinos Río de la Plata SA, Oleaginosa Moreno Hermanos SACIFI y A, Vicentin SAIC, Aceitera General Deheza SA, Bunge Argentina SA, Cargill SACI, LDC Argentina SA, est fixé à la somme de 112 673 euros ;

2)      Ladite somme portera intérêts de retard à compter de la date de la signification de la présente ordonnance jusqu’à la date du paiement.

Fait à Luxembourg, le 10 mars 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

A. M. Collins


*      Langue de procédure : l’anglais.